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Accueil >> xnews >> Fleur de chevalerie (roman interactif) Episode 1 - Nouvelles - Textes
Nouvelles : Fleur de chevalerie (roman interactif) Episode 1
Publié par emma le 05-09-2013 12:50:00 ( 1528 lectures ) Articles du même auteur



« Estoc d'honneur et arbre de vaillance,
Cœur de lion épris de hardiment,
La fleur des preux et la gloire de France,
Victorieux et hardi combattant,
Sage en vos faits et bien entreprenant,
Souverain homme de guerre,
Vainqueur de gens et conquéreur de terre,
Le plus vaillant qui onques fut en vie,
Chacun pour vous doit noir vêtir et querre :
Pleurez, pleurez, fleur de chevalerie (...) »

Extrait de « ballade sur le trépas de Bertrand Du Guesclin » d’ Eustache Deschamps



I / Robert, chevalier de Normandie


Automne 1226
Carcassonne s’était révolté contre la maison de Trencavel. Carcassonne avait ouvert ses portes à Louis le VIIIème. Alors, Carcassonne était tombé. Mais Louis le VIIIème, au fait de son triomphe, était mort de la dysenterie !
Le seigneur banneret de Montmorency, fidèle de la couronne, avait suivi le mot d’ordre de la trêve et rappelé ses hommes auprès de lui. Sa troupe avait remonté toute la France afin de rejoindre la maison de son chef dans son fief d’Ile de France faisant flotter hautes les couleurs de l’or à la grande croix de vermeilles avec de part et d’autres seize fiers alérions d'azur, symboles de gloire en souvenir de la bataille de Bouvines.

Au pays d’Anjou, Robert avait pris congé de la horde dans laquelle il s’était temporairement engagé. Lui et son écuyer avaient dépassé Angers la veille et s’étaient arrêtés dans une infâme bourgade champestre dont la voie centrale de terre battue était horriblement humide, collante et crottée de bourbe à cause des pluies incessantes de novembre. Ce village – à l’origine sans nom –d’à peine une centaine d’âmes s’était pompeusement baptisé Bourgchevaliers. Il est vrai que les chevaliers s’y arrêtaient souvent à la taverne des Trois poneys afin de bouchonner des chevaux transpirants de fatigue, demi-morts de soif, épuisés d’avoir cheminé des heures durant pour permettre à de gros nobliaux auréolés de la gloire des croisades albigeoises, de revenir plus vite à la cour du Roy. Il fallait profiter de toute urgence de la mort du suzerain Louis et de la désorganisation que cela entrainerait pour nouer des intrigues et quémander quelques titres et quelques argents supplémentaires.

Robert Atainville, sans être un intriguant, faisait assurément partie de cette race d’hommes qui comptait tirer partie de la situation. Ce grand et beau normand aux yeux clairs avait de l’ambition et des hauts faits de guerre à revendre. S’il se pressait comme les autres en direction de Paris, il était pourtant dans l’obligation de se rendre au préalable non loin d’Alençon, à bourg Damigny, afin de revoir son père, que l’on disait moribond. Robert devait s’avouer dans son for qu’il avait quelque peu hâte que le curé donne à ce cher parent l’extrême onction. Eudes, son père, était un homme aimable et bon, mais qui ne cessait de contrarier les ambitions « déraisonnable » de son fils qu’il désapprouvait en toutes circonstances.

Honnête vavasseur du seigneur d’Alençon, Eudes le Courageux s’était tout naturellement rallié au Roy lorsque la maison d’Alençon était tombée dans le giron des Capétiens. A part ce seul acte politique qui ne lui avait rien coûté, Eudes n’avait rien fait d’autre de son existence que faire croitre poules d’eau et cygnes sur son étang. Cela et régler au nom de son seigneur les quelques querelles de lapins volés ou de clôtures à rebâtir entre la douzaine de paysans sous sa responsabilité. Voilà l’existence qu’il réservait à son fils en héritage, et Robert en mourait d’ennui à l’avance… Robert soupira à l’évocation de ce monotone et poussiéreux destin, puis il se redressa à l’entrée de l’auberge, se donnant en toutes circonstances une haute et digne contenance.

- L’aubergiste ! Sers-nous bonne chair avec viandes rôties et ne regarde pas à la dépense !

Hurla Robert en descendant dans la grande salle commune de restauration, déposant dans le même mouvement quelques beaux deniers dans la main de l’hostelier. Il était suivi de Manuel de CasaLeón, fils cadet du comte de CasaLeón – grand d’Espagne, héros de la reconquista, immensément riche et populaire – mais à cet instant le jeune homme n’était rien d’autre que le fidèle écuyer de Robert, et portait les effets de son précepteur ployant quelque peu sous les balluchons. Les sept ou huit voyageurs présents dans la grande salle commune détaillèrent du regard le beau messire qui s’adressait ainsi avec belle prestance. « Manuel, quand nous aurons rendu les hommages à mon père, nous irons de suite rejoindre votre tante la reine Blanche, afin de lui faire savoir comme vous vous êtes bien comporté lors du siège de Carcassonne ! ».

Robert avait parlé beaucoup trop fort afin que toute l’assistance puisse bénéficier de leur conversation. Instantanément, marchands et pèlerins réalisèrent que le chevalier était un vétéran des croisades languedociennes – un proche du Roy, qui plus est. Ils se tournèrent tous vers lui, déjà captivés par le personnage.

- Dieu vous bénisse, mon seigneur, ainsi que votre apprenti ! Lança un homme qui souhaitait s’attirer les sympathies du nouveau venu. Je me nomme Francisque Lemarchand et je me rends aux foires de Provins afin de commercer auprès des grossistes de Flandre. Acceptez le présent de quelques jarres de bon vin pour votre père en vous remerciement de cette bonne guerre que vous êtes allez faire au nom de la Sainte foi !

- Merci bon monsieur Lemarchand ! tonitrua Robert qui était comme un paon partout où il passait. La guerre fut longue et difficile, mais grâce à l’aide de mon écuyer, neveu de la reine, mon cheval fut toujours propre, mon armure toujours frottée, mon arme toujours aiguisée afin de pourfendre ces infâmes incroyants !

Comme à son habitude, Robert s’installa à la table de son public du jour et narra de belle façon quelques hauts faits d’armes. Il ne manquait jamais de mentionner tel baron ou tel duc présent à ses côtés ainsi que l’illustre patronage du seigneur et connétable de Montmorency, afin d’augmenter son prestige et souligner au passage qu’il fréquentait toutes ces illustres personnes.

Manuel soupira intérieurement prêt à subir encore une fois cet étalage de flagornerie où serait magnifiée la guerre alors qu’elle n’était que violence et destruction à ses yeux. Petit de taille pour son âge, Manuel avait été placé comme écuyer auprès de cet homme viril et solaire par sa tante, la reine.

Blanche de Castille espérait ainsi que son neveu d’Espagne prenne un peu de la superbe du parfait modèle de chevalier qu’était Robert. Toute la maison d’Espagne de Castille et de Léon espérait sans trop y croire, que Manuel serait un jour à même de prendre la succession de son superbe paternel et de seconder le roi d’Espagne dans ses terribles croisades contre les Maures. Manuel était le cadet, certes, mais l’ainé était infirme de naissance ce qui laissait peu de chance de ce côté-là. Malgré toutes les attentes fondées en lui, Manuel se sentait perpétuellement en dégoût et en rejet des manières rustres, de ces grands élans de vantardise et de cette domination physique exercée en permanence par Robert et ses semblables. Le séjour en terres albigeoises avait été un interminable calvaire au contact des chevaliers les plus violents de la chrétienté : Raoul le Preux (qui n’avait de preux que le nom), Foulque de Saintonge, Richard Bénédicte ou encore Pargys le Puissant… Tous sortis du même moule d’esprits mal dégrossies, de fier-à-bras et forts en gueule. Voilà les compagnons dont il avait fallu s’accommoder pendant ces trop longues campagnes. A leur côté, Robert était presque le plus raffiné de la troupe. Du moins se refusait-il quelques fois à fréquenter les bordels des bords de routes, effectuait-il ses prières avant chaque assaut et s’abstenait-il de pisser, de cracher ou de profaner les cadavres de ses victimes…

En parfait écuyer, Manuel supporta une demie heure durant une description interminable d’un grand bûcher d’hérétiques qui avait eu lieu près de Narbonne et où périrent plus de cent hommes, femmes et enfants à la Noël passée. L’atmosphère confinée de la salle de restauration au fond de laquelle fumait une marmite de fonte réchauffée au moyen d’un bois encore trop vert, ravivait aux narines du jeune homme l’horrible puanteur des corps grésillant sous les flammes. Il pouvait presque entendre les cris désespérés des femmes qui suppliaient pour leurs enfants, et les grands rires saccadés du chevalier Raoul qui s’amusait bien des émois du jeune écuyer…

Estimant qu’il en avait suffisamment subi pour ce jour, l’adolescent prit congé de l’assistance en donnant prétexte des chevaux à préparer pour le voyage vers Alençon.

Il fallait reconnaître que Robert était très bon conteur.
A la cour de France, il ne manquerait pas d’inspirer plusieurs générations de troubadours avec ses histoires à dormir debout.

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Auteur Commentaire en débat
Filamande
Posté le: 06-09-2013 20:30  Mis à jour: 06-09-2013 20:30
Plume d'Argent
Inscrit le: 03-07-2013
De: France
Contributions: 40
 Re: Fleur de chevalerie (roman interactif) Episode 1
Voici mes propositions: 2,4,6

En tout cas c'est une très belle idée, que celui que nous propose Couscous, je sens que les idées vont se mettre à fuser.
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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