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Nouvelles : Elle avait dix ans
Publié par yanna le 23-11-2015 00:50:00 ( 1118 lectures ) Articles du même auteur








ou l'enfance écorchée !

Décembre. Besançon sous la neige . De gros flocons vaporeux qui tiennent au sol !
Toute la nuit cela a du tomber...vingt centimètres au moins dissimulent les trottoirs, la pelouse, la rue...et le jardin n'a plus d'allées !

Elle s'étire ...sa mère a appelé : " c'est l'heure les grands" ! Sa mère, courageuse, levée à l'aube, une blouse à repasser, un bouton à coudre...et les petits déjeûners à préparer ! sa mère, qui ne se plaint jamais, qui va entamer le rituel après le furtif baiser du matin : "bien dormi ?..installes-toi..fais attention à ton bol....manges au moins une tartine " !

Elle, du haut de ses dix ans, se dit qu'il va falloir sortir par ce temps, subir le froid, le gel ;elle fait la moue, car le pire surtout le pire : affronter l'institutrice - une sorte de "bouledogue" hargneux qui lui fait peur !

Elle baille, grignotte, joue avec la lumière du plafonnier qui danse à la surface de son café au lait, et en même temps, elle rêve...ou elle fulmine à l'idée de ce qui va lui arriver encore ce matin en classe !

Sa mère , impatiente, la presse : " dépêches-toi, ça va être ton tour à la salle de bain ! "
son tour ...oui...aprés les garçons .

D'un coup, elle avale la lumière du bol , quitte la table, soulève le rideau de la fenêtre et va perdre son regard cinq minutes au milieu des gros cristaux de neige qui, dans une chute inlassable, interminable, n'en finissent pas d'atterrir ça et là ...partout !

Elle s'entend rappeler à l'ordre : " ça va bientôt sonner,y'a encore tes nattes à faire ! "
Nonchalamment, elle monte ...ne pas oublier de se brosser les dents, nettoyer ses oreilles,mettre de la nivéa sur le visage : la ritournelle a lieu chaque matin; elle la connaît !

Et sa mère de lui tresser, en tirant dessus, ses longues nattes brunes, bien serrées, arrêtées par un ruban de satin rouge avant une boucle habilement sculptée de l'index !
Enfiler ses bottes par dessus une double paire de chaussettes de laine, fermer son manteau, enfoncer le bonnet sur les oreilles ...

Les garçons ont des gants...pas elle ...perdus ou volés à l'école! tant pis..y'a des poches ! et les voilà , tous en choeur , partis à l'école sous le regard de sa mère qui va devoir à présent s'occuper des jumeaux de deux ans , faire le ménage, penser au repas de midi etc ....dynamique mère..toujours une chanson au bout des lèvres !

La neige craque à chaque pas, mouille déjà les pantalons, vient fondre sur les visages encore chauds de la nuit . "Demain jeudi, on ira au champ du taureau faire de la luge" !se dit-elle...mais pour l'instant l'école n'est plus qu' à cent mètres.....elle a la journée en tête !

L' école Jules Ferry est une barre cossue de bâtiments scindée en troid blocs : celui des filles, du CP au certificat d'études - la maternelle au milieu et celui des garçons en bas de la rue- bâtie juste avant les années soixante !

Elle presse le pas. Dans cinq minutes, elle entendra la cloche qui rappellera que les rangs doivent se former, et que les retardataires seront inévitablement punis !

Cette année, les récréations, elle y a si peu droit ! dix ans et déjà toute la tristesse et la peur marquent son visage, son corps qui se crispe ....elle a l'hiver dans ses entrailles !
Avant d'entrer en classe, elle doit se mettre à la fin du rang ......parce que son pupitre est
au fond de la classe, tout au fond..à l'écart des autres..ça doit être normal ! elle ne sait pas...elle a l'habitude dans cette classe !

Elle, on la vouvoie, on l'appelle par son nom...peut-être qu'elle n'a pas un joli prénom comme les autres ou de beaux vêtements, ou de jolies boucles avec un bandeau dans les cheveux !

Non...elle vient d'ailleurs...ça , elle en prendra conscience plus tard !

Tremblante, elle va se poser sur le côté de son pupitre et devra s'asseoir à l'ordre intimé de cette femme forte , revêche qui ne sourit qu'à certaines et la dévisage , elle, en lui ordonnant de baisser les yeux...en la traitant d'effrontée !

Alors, discrètement, son regard va buter sur le tableau vert fixé au mur sur le côté de la classe.....celui sur lequel paraissent seulement les poésies à apprendre chaque semaine.... C'est ce tableau qui va la sauver de son calvaire quotidien !

Elle aime les belles lettres, la mélodie des rimes..."qu'il est doux, d'écouterle chant de l'eau sur les cailloux ...", elle joue avec les mots, les retient, invente d'autres poèmes....elle connaît ses textes par coeur mais elle , on ne l'interroge jamais !

Elle n'aura ni le droit de distribuer les cahiers, de remplir les encriers,de changer l'eau des fleurs....ni celui - sublime privilège dont elle rêve - d'aller écrire au tableau la phrase
de morale du jour " soyons bons et justes avec notre prochain " !!!

En ouvrant son cahier, elle découvre un 4 en calcul !aïe !ça va être bon pour elle !
Les premiers frissons de "trouille" se font sentir;

Elle écoute d'abord les compliments appuyés des autres, celles que l'on prend en considération , celles qui ont réussi ou fait un effort malgré l'échec , retient les cajoleries hypocrites ;

Quand vient son tour, elle croit qu'elle va défaillir...sa camarade , à côté d'elle va subir le
même sort....rassemblées, humiliées toutes deux .

Elle voit alors la "furie" quitter son bureau, avec la grande règle de géométrie, elle entend ses
talons aiguilles résonner sur le plancher qui sent la javel....et elle se doute bien du supplice !

Plus jamais , elle n'oubliera le visage de sa camarade, complètement effrayée, en
larmes..et leurs nattes ensemble liées..avec l'obligation de ne pas bouger !

Plus jamais elle ne pourra effacer ces moments pénibles et ces heures à essayer de trouver absolument les réponses aux problèmes ratés !

Quand sonne l'heure de la récréation, elle ne se fait pas d'illusion. Elle n'ira pas faire de glissades avec les autres....pas de bonhommes de neige....elle se verra attacher ses longues nattes - tressées avec tant de soin par sa mère - aux barreaux de la grille verte de l'école ! les mains hors des poches - c'est un ordre - ! refoulant ses larmes aux moqueries des autres .

Combien de coups de règles sur la tête, de pincements sur le dos de la main, de sévices moraux ! pourra-t-elle effacer cette année-là de sa mémoire un jour ? Comment aurait-on appelé cela aujourd'hui ?

Aujourd'hui, adulte, elle s'occupe d'enfants en difficulté......elle s'est jurée , en se lançant dans cette profession, qu'elle ne serait jamais injuste, jamais humiliante, jamais maltraitante ...aujourd'hui, elle repense à cette époque où elle aurait pu sombrer dans la dépression ...heureusement, le cocon familial était là, bienfaisant !

En tout cas, elle aura appris à aimer les mots, les poésies, les belles phrases !

...et elle sourit !

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.

Auteur Commentaire en débat
yanna
Posté le: 24-11-2015 11:48  Mis à jour: 24-11-2015 11:48
Aspirant
Inscrit le: 07-11-2015
De: CAEN
Contributions: 25
 Re: Elle avait dix ans
Merci couscous ... amitiés poétiques,
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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