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Nouvelles confirmées : Los Angeles
Publié par Donaldo75 le 12-01-2018 20:53:41 ( 906 lectures ) Articles du même auteur



Des cochons flottaient dans les airs.

Ken avala un comprimé bleu, le noya dans une rasade de bière australienne puis se dirigea vers la télévision. Il l’alluma, choisit une chaine d’information continue et attendit que sa médication fasse effet. Une présentatrice blonde aux dents blanches interviewait un sénateur sur les risques de conflit avec la Corée du Nord. Ce dernier répondait à côté, invoquant les réseaux sociaux, Dieu, Hollywood et la décadence de la jeunesse américaine qui ne savait plus ce que le mot « patrie » signifiait.

Ken commença à perdre patience. Il se demanda si Danny ne lui avait pas refilé de la mauvaise qualité, un produit de seconde zone, juste bon pour les étudiants de Berkeley ou les femmes au foyer de Beverly Hills. Ce qu’il voulait, lui, c’était comprendre pourquoi des milliers de cochons volaient dans le ciel de la Californie. Il s’en foutait de la guerre imminente, des discours républicains, de la crise économique ou du taux de chômage. Ce n’était pas important, juste un épisode de plus dans une émission de télé-réalité où trois cents millions de spectateurs votaient pour une suite possible.

La chambre sentait désormais le cochon.

Ken se décida à sortir de son appartement. Il prit sa veste, son portefeuille et son téléphone portable puis marcha d’un pas décidé vers la sortie. La porte s’ouvrit automatiquement, découvrant un large couloir orné de peintures espagnoles et de sculptures italiennes. Le jeune homme avança en direction de l’escalier, la seule voie donnant sur la rue, le monde extérieur. Son périple lui sembla durer une éternité, dénué d’autre présence humaine, une marche dans un désert cinq étoiles. Ken avala un autre comprimé bleu.

Le macadam était couvert d’une substance à moitié liquide, une sorte de purin ou de lisier. Elle attaquait le trottoir, telle une marée d’équinoxe aux relents putrides, au flux carnivore, en quête de nourriture urbaine. Ken se colla au mur puis leva les yeux. Les cochons étaient striés de rouge et de bleu, avec des étoiles blanches sur le dos. Ils lui faisaient penser au sénateur interviewé par la blonde aux dents blanches. En fait, ils avaient plus qu’un air de famille ; ils semblaient tous frères.

« Nous ne pourrons plus jamais faire de barbecues ! »

Ken se tourna sur sa gauche. Il n’avait pas vu venir le vieillard. Ce dernier tirait sur une pipe en bois, un symbole en parfaite harmonie avec sa dégaine de paysan.
— Eh oui, mon gars, jamais ces cochons ne nous laisseront les transformer en saucisses.
— Pourquoi les transformer en saucisses ?
— Parce que c’est ça, l’ordre. Les Américains mangent des saucisses de cochon.
— Mais que font ces cochons dans le ciel ?
— Ils nous envahissent, pardi !

Ken hallucina. Le vieil homme pouvait avoir raison, au vu des milliers de cochons flottant dans les airs. Pourtant une petite voix intérieure lui murmurait qu’ils n’étaient pas plus dangereux que le sénateur interviewé par la blonde aux dents blanches. Aucun d’eux ne semblait réellement atterrir ; ils lévitaient juste, sans mouvement descendant.
— Ils n’ont pas l’air méchants. On dirait des lumignons !
— Vous trouvez ça normal, jeune homme, autant de cochons dans le ciel ?
— Pas vraiment.

Le macadam commença fortement à sentir le cochon.

Le vieil homme bourra sa pipe, regarda Ken d’un air soupçonneux, cracha par terre puis lança les hostilités.
— Vous êtes communiste, c’est ça ?
— De quoi parlez-vous ?
— C’est un coup des rouges, un ciel plein de cochons.
— Et pourquoi pas les Chinois ou les Français ?
— Ce sont des rouges, eux aussi.

La mer de purin entamait dangereusement le trottoir, érodant le bitume de ses vagues odorantes. Ken décida de revenir dans son appartement, le seul endroit où il serait en sécurité. Le vieillard le sentit et lui prit le bras.
— Vous partez, mon garçon ?
— Oui, je rentre chez moi.
— Vous vous défilez devant les rouges !
— Ce sont juste des cochons suspendus en l’air.
— C’est ce que tout le monde dit au début.
— Ce n’est pas la fin du monde. Lâchez mon bras !

Le ciel se remplit totalement de cochons, au point d’occulter le soleil.

Le vieillard regarda Ken d’un air affolé puis se mit à courir au milieu de la rue, malgré le macadam souillé et la mer de purin. Petit à petit, il disparut dans la perspective noyée par un ciel de cochons et un bitume liquéfié. Ken avala un comprimé bleu et rentra dans sa résidence. Arrivé à son appartement, il décapsula une bière, s’affala dans son canapé en cuir et se fixa sur l’écran de télévision. La présentatrice blonde aux dents blanches interviewait un cochon strié de rouge et de bleu, avec des petites étoiles blanches sur le front.

Ken pensa alors à Danny. Il prit son téléphone portable et envoya un message texte à son copain. La réponse ne se fit pas attendre. L’écran du smartphone s’illumina de petits cochons souriants. Ken ne trouva pas la blague amusante. Il appela Danny.
— Tu te crois marrant, Danny ?
— De quoi tu parles ?
— Des smileys à tête de cochon.
— Tu es chargé ou quoi ?
— Je suis sérieux.
— Je ne sais même pas de quoi tu causes. Va cuver !

L’écran du smartphone se remplit de petits cochons souriants.

Ken lança l’appareil contre la télévision où un cochon strié de rouge et de bleu paradait devant une grande blonde aux dents blanches, avec plein d’étoiles dans les yeux. La pièce se chargea en électricité statique. Une odeur de purin se mit à saturer l’air ambiant. Ken goba un comprimé bleu et but sa bière d’un coup. Il pensa au petit vieux, à son histoire de barbecue et de saucisses, se marra à l’idée d’un complot communiste bourré de Chinois et de Français, puis accepta son destin, celui de l’Amérique et des trois cents millions de petits cochons striés de rouge et de bleu, cinquante étoiles blanches dans les yeux. La mer de purin l’avala.

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.

Auteur Commentaire en débat
Aodren
Posté le: 13-01-2018 11:06  Mis à jour: 13-01-2018 11:06
Débutant
Inscrit le: 29-12-2017
De: Limoges
Contributions: 12
 Re: Los Angeles
Très amusant. Merci.
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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