Visite au musée
Nous sommes fatigués, nous avons passé une bonne partie de la journée à visiter Paris, nos jambes nous font mal. Pourtant nous n’avons pas encore envie de rentrer, nous passons devant le musée des Armées. Trop grand. Le musée Rodin n’est pas loin, pourquoi ne pas y aller ?
L’hôtel particulier qui abrite les œuvres est magnifique, nous entrons dans la cour intérieure. Devant nos yeux, une file de vieux et de Japonais, il va falloir les supporter pendant toute la visite. Un groupe de gâteux se masse devant les œuvres les plus célèbres, la guide hurle plus qu’elle ne parle, évidemment la plupart de ces croulants sont sourds. Nous dépassons non sans mal l’attroupement, comme ils ont des cannes ou des problèmes d’équilibre, l’exercice n’est pas simple. Nous repasserons plus tard admirer les Penseurs en bronze ou en plâtre. Dans la salle suivante ce sont les Nippons qui s’agglutinent devant des Balzac habillés de divers atours, en habit, en robe de chambre et même en toge romaine ! Pas de guide humain, ils ont tous des écouteurs sur les oreilles. Ils restent de longs moments devant certains objets et en délaissent complètement d’autres. Un jeune homme nous demande de le prendre en photo devant un tableau de Van Gogh, il faut s’y reprendre à trois fois pour qu’il soit satisfait de la prise de vue. Il nous explique comment cadrer très précisément et il repart sans même nous remercier, et sans un sourire. Il remet son audiophone en route et se met à regarder fixement un Monet.
Nous poursuivons notre chemin et arrivons dans une salle presque déserte, le parquet craque sous nos pieds. Pourtant nous ne sommes pas seuls, un couple danse au milieu de la pièce. Nous restons immobiles et silencieux pour ne pas les déranger. J’espère que les groupes de fâcheux vont s’attarder dans l’autre partie du musée.
La longue jupe noire de la femme effleure le sol ciré, le tissu de soie drapé autour de sa taille brille sous cette lumière de fin de journée. Le couple danse une valse mais cette danse-là n’a rien d’académique. Elle a les cheveux retenus dans un chignon bas un peu défait, elle est torse nu et l’homme est complètement nu. Il enlace la jeune femme amoureusement, il semble qu’elle soit déséquilibrée par un pas de danse, mais son bras puissant est là pour la retenir. Un amour et une douceur infinis se dégagent de ces deux êtres. Il l’embrasse dans le creux de l’oreille comme pour la réconforter. Dans ses bras, elle ne craint rien, pourtant quand sa main cherche la sienne, il se dérobe, leurs doigts ne se touchent même pas. Cette étreinte durera-t-elle encore longtemps ? Qui est ce couple si sensuel ?
Il y a d’autres sculptures autour de celle-là , pourtant nous ne voyons qu’elle, La Valse de Camille Claudel. Alors que dans les autres salles on sentait l’assurance de Rodin, son humour aussi, ici il n’y a que délicatesse, sensibilité, élégance et sensualité.
Nous avons du mal à continuer la visite, le souvenir de ces danseurs est toujours présent, nous ne voulons pas être confrontés aux autres visiteurs, pas devant ces personnages magnifiques, il semble qu’une autre présence ou qu’un son de voix, pervertiraient cet instant magique.
Les autres salles comportent des œuvres magnifiques, dans les jardins, le Penseur médite, peut-être se souvient-il de ces danseurs magnifiques. La Valse nous manque déjà .