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Franz Schubert 1
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Le 31 Janvier 1797 naît Franz Peter Schubert

à Lichtenthal l'un des quartiers du neuvième arrondissement de Vienne, compositeur autrichien, mort à 31 ans, à Vienne le 19 novembre 1828. Son maître est Antonio Salieri. Ses Œuvres principales sont Sonate pour piano no 21, Quatuor à cordes no 14 « La Jeune Fille et la Mort », Quintette à cordes en ut majeur, Symphonie no 8 Inachevée, Symphonie no 9 « La Grande », Impromptus, Moments musicaux, Le Chant du cygne, Voyage d'hiver
« Voulais-je chanter l'amour, cela m'entraînait à la douleur ; voulais-je chanter la douleur, cela me menait à l'amour » (Schubert, 1822). Schubert ou le paradoxe. La proposition est peut-être inattendue ; à y regarder de près, c'est sans doute celle qui s'attache le plus sérieusement à lui dans la perception que l'on peut avoir de sa vie, de son œuvre et de sa légende.
Bien que mort à 31 ans, Schubert est l'un des grands compositeurs du XIXe siècle et le maître incontesté du lied.

En bref

Pur produit d'un univers clos, fils et prisonnier d'une ville Vienne où il naquit et mourut sans presque jamais la quitter, il n'en est pas moins, tant par sa vie que par son œuvre, le parfait symbole du voyageur romantique. Constamment mis en échec dans toutes ses tentatives d'insertion sociale, il est, dégagé de toute fonction servile, le premier des musiciens à n'avoir pour unique statut que celui de compositeur. Ignoré de son époque, il est l'ami des meilleurs parmi les Autrichiens de sa génération Grillparzer et Bauernfeld pour la littérature, Schwind et Kupelwieser pour la peinture. Fils d'instituteur, il devient, par le pouvoir de sa musique, l'égal des maîtres qu'il vénère Goethe, Schiller, Heine. Méconnu en tant que compositeur par ses contemporains, pratiquement jamais joué, très peu édité, il n'en laisse pas moins à sa mort un catalogue considérable d'œuvres 998 numéros. Cependant, nul comme lui n'a été le musicien de l'inachevé, élevant cette catégorie jusqu'au mythe esthétique. Libre de toute contrainte, il bouscule les formes musicales, impose des œuvres brèves nées de l'instant-improvisation (Impromptus, Moments musicaux au moment même où il élargit le temps musical pour devenir le musicien de ces « célestes longueurs » (Grande Symphonie en ut) qui laisseront Schumann admiratif et médusé. Inspirateur d'un groupe amical et culturel qui se nourrit de lui au point de prendre son nom pour enseigne de ses réunions régulières les schubertiades, il en reste un des membres les plus modestes. Le joyeux compagnon vit en réalité dans la confrontation quotidienne avec la mort, l'ami naïf est un clairvoyant ainsi que le nomment ses intimes aux intuitions musicales fulgurantes et prophétiques.
À dix-sept ans, avec la composition de Marguerite au rouet (Gretchen am Spinnrade), Schubert marque d'un sceau indélébile l'histoire de la musique, mais à trente et un ans, quinze jours avant sa mort, il commence à prendre des leçons de contrepoint. On dirait qu'il éprouve le besoin de se rassurer sur son identité de musicien ; cinq messes, une dizaine de symphonies, une œuvre très importante de musique de chambre (trios et quatuors), de multiples compositions pour le piano (à quatre ou à deux mains), etc., et surtout le massif de ses six cents lieder, ne suffisent pas à l'authentifier à ses propres yeux. Sans parler de la vingtaine de tentatives pour l'opéra, objet constant d'espoir et d'échec, qui jalonnent sa vie de créateur, Schubert a-t-il jamais eu conscience de l'immensité (numérique) de son œuvre ? Se rappelle-t-il seulement au terme de sa vie qu'il lui est arrivé au cours de deux de ses années d'adolescence (1815-1816) de composer plus que tels compositeurs leur vie durant ? Trois messes, quatre symphonies, six essais d'opéra, deux cent quarante-trois lieder. Contrairement à certains de ses prédécesseurs (Bach, Mozart, Beethoven) il n'a jamais tenté de tenir un compte de ses productions ; il eût fallu pour cela qu'il se prît au sérieux ou que le monde autour de lui le prît au sérieux.
Vienne, à l'époque du congrès « qui danse », livrée à la fièvre italienne de Rossini, puis à l'engouement de la musique-divertissement, pouvait-elle prêter attention au jeune musicien qui se voulait « un chantre allemand », grandi à l'ombre des remparts qu'il a vu démanteler pendant son enfance dans les désastres nationaux ? Seul un Beethoven pouvait encore s'imposer – difficilement – à contre-courant de la mode du jour. La génération de Schubert, partageant l'amertume d'une période de reflux politique, mesurant le poids du régime intellectuellement oppressant instauré par Metternich, est promise au suicide, à la folie, ou au rêve échappatoire. Schubert est le frère de Grillparzer le désenchanté, comme de Lenau l'insatisfait.
Les « schubertiades », avec leurs enfantillages mais aussi leur chaleur humaine, ne prennent leur sens que dans ce contexte. Il s'agit de recréer dans le groupe le monde désiré mais refusé de la libre communication intellectuelle. C'est la vraie vie en marge de la vie réelle ; en fait, une condition de la survie. Le groupe est formé en majorité de jeunes universitaires, traditionnellement libéraux, et de jeunes artistes avides de connaissances internationales ; il entend continuer l'esprit des « associations d'étudiants allemands » interdites depuis 1819. Bien que non directement politique, il lui arrive de se trouver aux prises avec les inquisitions policières (Schubert fut même l'objet d'interrogatoires et de rapports). Dans un tel univers, la formule goethéenne « au commencement était l'action » (devise éminemment mozartienne ou beethovénienne) perd son sens au profit de : « Au commencement était le rêve. » L'impulsion créatrice ne vise pas à inciter à une transformation inutile et promise à l'échec, mais elle tend à valoriser le rêve qui seul compensera et dépassera un état de fait dont aucune rébellion n'a de chance de venir à bout. La musique de Schubert est bien souvent une musique du pur constat. Le tragique schubertien, celui de La Belle Meunière (Die schöne Müllerin) ou celui du Voyage d'hiver (Die Winterreise), prend sa source dans ce manque fondamental d'agressivité.
Dans un curieux récit littéraire, écrit à l'âge adulte, Schubert – sous la symbolique d'un rêve – dresse lui-même le catalogue des thèmes clés qui définissent à nos yeux le tragique de sa vie comme de son œuvre musicale. S'y trouvent successivement, et repris par deux fois en deux récits parallèles : la séparation, le voyage, la solitude, la nostalgie du Paradis perdu, la mort, l'amour refusé, la béatitude dans la communion. Les lieder abondent, qui correspondent à chacun de ces thèmes. Se trouvent également dans ce récit l'énoncé de l'ambivalence Amour-Douleur, revécue musicalement par Schubert dans le perpétuel échange, caractéristique de son langage, entre les modes majeur et mineur.

Sa vie

Franz Peter Schubert naît le 31 janvier 1797 dans le faubourg viennois de Himmelpfortgrund, qui fait partie de la paroisse de Lichtental, en Autriche. Il est le douzième enfant d'une famille de quatorze, dont cinq atteindront l'âge adulte. Son père Franz Theodor 1763-1830, instituteur, lui donne ses premières leçons de violon, tandis que son frère Ignaz lui apprend le piano et le Kapellmeister de l'église de Lichtental, Michael Holzer, l'orgue, le chant et la basse chiffrée ou basse continue. Dans le quatuor à cordes familial, où son père joue du violoncelle et ses frères Ignaz et Ferdinand du violon, il tiendra la partie d'alto. Dès 1808, Schubert est premier soprano de l'église de Lichtental.
Le Stadtkonvikt à Vienne.
En 1808 il est admis sur concours dans le chœur de la chapelle impériale de Vienne, ce qui lui permet d'étudier au Stadtkonvikt, ou Akademisches Gymnasium, internat viennois fréquenté par les fils de bonne famille où il bénéficiera d'un enseignement de qualité mais qui par son aspect rébarbatif et sa discipline sévère rendirent Schubert quelque peu introverti et nostalgique du foyer familial. Élève inconstant dans les disciplines autres que la musique où il excellait, il étudie la théorie et la basse chiffrée avec Wenzel Ruzicka, organiste de la Cour, puis, à partir de 1812, la composition et le contrepoint avec Antonio Salieri, directeur de la musique à la Cour de Vienne. Il entre à l'orchestre du Konvikt comme second violon, puis monte en grade progressivement jusqu'à devenir chef d'orchestre.
Au Konvikt, il fait la connaissance de quelques membres d'un groupe de jeunes idéalistes qui s'était formé à Linz : Albert Stadler 1794-1888, Josef Kenner 1794-1868 et surtout Joseph von Spaun 1788-1865. Ces amis guideront ses premiers pas, le mettront en contact avec le milieu intellectuel de l'époque et constitueront le premier noyau de ce qui sera le cercle des schubertiens.
Pendant cette période de formation, Schubert commence à composer en dépit des réticences de son père. Dès 1810, ses premières compositions sont des fantaisies et des danses pour piano, des lieder. Viennent ensuite des quatuors à cordes pour l'ensemble familial, des ouvertures, des ensembles vocaux pour la classe de Salieri et en 1813, sa 1re Symphonie en ré majeur, D.82 et son premier opéra, Des Teufels Lustschloss, D.84.
Sa voix mue en 1813. Ses résultats scolaires, bons au début, s'étaient peu à peu dégradés, et, bien qu'il puisse bénéficier d'une dispense, il quitte le Konvikt pour entrer à l'école normale Sainte-Anne qui le préparera au métier d'instituteur qu'il exercera comme assistant de son père jusque fin 1816.
En 1814, il fait la connaissance, par l'entremise du groupe de Linz, du poète Johann Mayrhofer 1787-1836 qui lui inspirera de nombreux lieder, en 1815 celle de Franz von Schober 1796-1882, un des esprits brillants de l'époque qui aura un rôle déterminant dans sa vie sociale et intellectuelle. En 1815 toujours, dans le cadre de l'enseignement de Salieri, il rencontre le musicien Anselm Hüttenbrenner 1794-1868, qui le mettra en contact avec le milieu de sa ville natale de Graz.
À seulement 17 ans, il compose sa Messe no 1 en fa majeur, D.105, pour le jubilé du centenaire de l'église de Lichtental. Elle y est exécutée avec grand succès, et son père l'en récompense en lui offrant son premier piano. De 1814 datent aussi le Quatuor à cordes no 8 en si bémol majeur, D. 112, la Symphonie nº 2 en si bémol majeur, D.125 et son premier chef-d'œuvre dans le domaine du lied, Gretchen am Spinnrade Marguerite au rouet. Le quatuor à cordes familial s'étoffe. Il devient un ensemble de chambre, puis un orchestre qui connaîtra plusieurs chefs, dont Otto Hatwig, sous la direction duquel il jouera au Gundelhof à Vienne.
Les années 1815 et 1816 seront ses plus productives, avec des œuvres en tout genre. En février 1815, il compose sa Sonate pour piano nº 1 en mi majeur, D.157 ; en mars la Messe no 2, en sol majeur, D.167, en juillet sa Symphonie nº 3 en ré majeur, D.200, en novembre la Messe no 3 en si bémol majeur, D.324. En février 1816, il compose son Stabat Mater en fa mineur, D. 383, sur un texte allemand de Klopstock, en avril la Symphonie nº 4 en ut mineur « Tragique », D.417, en juillet la Messe no 4 en ut majeur, D.452, à l'automne la Symphonie nº 5 en si bémol majeur, D.485.
Durant cette période voient le jour plus de 200 lieder, parmi lesquels Der Wanderer, D.489.
Pendant cette période, il continue de suivre l'enseignement de Salieri. Il perçoit de plus en plus l'enseignement comme une activité contraignante qui bride sa création. Il tente d'y échapper en postulant pour un poste de chef d'orchestre à Laibach (aujourd'hui Ljubljana) au printemps 1816, et en essayant d'intéresser Goethe à un projet de publication de ses lieder, en vain.

Indépendance

Fin 1816, Schubert quitte l'école de son père et l'enseignement de Salieri. Il est hébergé en 1817 par son ami Franz von Schober, chez qui il logera à plusieurs reprises par la suite. Cette année-là il entreprend six sonates pour piano et compose de nombreux lieder, dont Der Tod und das Mädchen (« La Jeune Fille et la Mort ») et Die Forelle La Truite, op. 32, D.550.
À cette époque, l'horizon de Schubert s'élargit. Au quatuor familial et à l'église de la paroisse se substitue un public composé de jeunes intellectuels. Ses amis du Konvikt lui font connaître des personnalités comme le baryton Johann Michael Vogl, soliste de l'Opéra, et lui ouvrent les portes de salons bourgeois comme celui de la famille Sonnleithner, qui aidera à le faire connaître en programmant ses œuvres dans des soirées musicales et en organisant les premières publications, ou de la noblesse des Esterházy.
En 1818, après avoir repris provisoirement l'enseignement, Schubert devient le maître de musique des enfants du comte Esterházy et accompagne la famille dans sa villégiature d'été à Zselíz en Hongrie (aujourd'hui Želiezovce en Slovaquie), où il compose de nombreuses œuvres pour piano à quatre mains, dont la Sonate no 1 pour piano à 4 mains en si bémol, D.617 et les Huit variations sur un chant français, D.624, qui seront sa première œuvre instrumentale publiée (en 1822 comme op.10). De retour à Vienne, il emménage dans un logement qu'il partage avec le poète Mayrhofer. En été 1819, il accompagne Johann Michael Vogl dans un voyage en Haute-Autriche, notamment à Linz et Steyr, où naît l'idée de la composition du Quintette pour piano et cordes « La Truite », D. 667.
Dans les lieder de cette époque, Schubert s'ouvre à la poésie romantique, avec la mise en musique de poèmes de Novalis et de Friedrich Schlegel.
La première œuvre de Schubert à être publiée sera, en janvier 1818, le lied Erlafsee, D.586 sur un texte de Mayrhofer, en supplément d'une anthologie illustrée sur les régions et paysages d'Autriche. La première exécution publique d'un de ses lieder, Schäfers Klagelied, D.121, aura lieu le 28 février 1819.

Années de crise

Les années 1819-1823 voient le style de Schubert évoluer très rapidement, délaissant de plus en plus les modèles hérités du passé. Ses compositions se raréfient et nombre des œuvres de cette époque restent inachevées. C'est le cas de l'oratorio Lazarus D.689, du Quatuor à cordes no 12 en ut mineur, D.703, connu sous le nom de « Quartettsatz », ou de la Symphonie nº 8 en si mineur, dite « Inachevée », D.759. Cette période, dont les contours sont un peu flous, a reçu le nom d'« années de crise ». Le terme de « crise » est plutôt à interpréter au sens de « bouleversement ». En effet, en-dehors de l'intense évolution stylistique qui l'amène à reconsidérer des genres dans lesquels il avait déjà composé de nombreuses œuvres (quatuor, sonate, symphonie, messe…), on constate un repositionnement de l'orientation littéraire avec une place prépondérante accordée aux poètes romantiques (Schlegel, Rückert, Platen), un changement dans ses rapports avec le public et jusqu'à une modification de la graphologie.
À cette époque, la notoriété de Schubert dépasse le cadre des salons littéraires et de l'orchestre d'amateurs du Gundelhof, et il peut tenter de conquérir le grand public avec des œuvres dramatiques comme le singspiel Die Zwillingsbrüder Les Frères jumeaux, D.647 ou la féerie Die Zauberharfe La Harpe enchantée, D.644, qui seront représentées à l'été 1820 au Theater an der Wien. Le succès n'est pas retentissant, mais son nom commence à se faire connaître, ce à quoi contribuent les exécutions de ses lieder par Johann Michael Vogl. En 1821, l'éditeur Diabelli publie à compte d'auteur son opus 1, Erlkönig, Le Roi des aulnes, D.328, composé en 1815.
Le cercle des schubertiens s'étend. On y compte désormais aussi des peintres comme Leopold Kupelwieser 1796-1862, Ludwig Schnorr von Carolsfeld 1788-1853 et surtout Moritz von Schwind 1804-1871. Schubert fréquente personnellement Friedrich Schlegel. Ses théories sur l'art et celles de son frère August Wilhelm, dont il avait mis des poèmes en musique dès 1816, auront une influence déterminante sur son esthétique.
À partir de 1821, les réunions d'amis autour de la musique de Schubert s'institutionnalisent et prennent le nom de « schubertiades ». En 1821 également, il devient membre de l'influente Société des amis de la musique de Vienne, après une candidature malheureuse en 1818.
Les opéras qu'il compose en 1822 et 1823, Alfonso und Estrella (sur un livret de Schober) et Fierrabras sont beaucoup plus ambitieux que les ouvrages précédents mais, en partie à cause d'intrigues propres au milieu du théâtre, ne seront pas représentés. Il en va de même du singspiel Die Verschworenen Les Conjurés. Le 20 décembre 1823 a lieu la première de Rosamunde, pièce de Helmina von Chézy pour laquelle Schubert a composé la musique de scène. La musique est accueillie favorablement mais la pièce est un fiasco et disparaît de la scène après deux représentations.
Fin 1822-début 1823, Schubert contracte une infection vénérienne. Différents indices symptômes, déroulement ultérieur de la maladie laissent penser qu'il s'agit de syphilis. Il effectue vraisemblablement en octobre 1823 un séjour à l'Hôpital général de Vienne6. Par la suite sa santé, malgré quelques rémissions, ne cesse de se dégrader, ce à quoi contribue le traitement au mercure de l'époque.

Années de maturité

Dès la Fantaisie en ut majeur « Wanderer », op.15, D.760, composée fin 1822 et publiée en 1823, Schubert avait réussi à achever une grande œuvre au style totalement personnel. En 1823, le cycle de lieder Die schöne Müllerin La Belle Meunière, D. 795 avait ouvert une nouvelle page de l'histoire du lied. À partir de 1824, il est en pleine maîtrise de son style et les inachèvements se raréfient. Les lieder témoignent d'un nouveau changement d'orientation littéraire : les poètes romantiques cèdent peu à peu la place aux poètes du pessimisme et de la résignation. Déjà Wilhelm Müller faisait partie de cette école ; les nouveaux poètes auxquels se consacrera Schubert seront les Autrichiens Leitner, Seidl, les Allemands Schulze et bientôt Rellstab et Heinrich Heine. Sa santé défaillante et les attaques répétées de la maladie ont certainement leur part dans cette vision du monde pessimiste ou résignée.
Après l'échec de Rosamunde, il abandonne pour un temps la composition d'œuvres dramatiques. En 1824, il compose peu de lieder parmi lesquels les derniers sur des poèmes de Mayrhofer et se consacre essentiellement à la musique de chambre avec les Variations pour flûte et piano, D.802, l'Octuor pour cordes et vents, D. 803, le Quatuor à cordes no 13 en la mineur « Rosamunde », D. 804, le Quatuor à cordes n° 14 en ré mineur « La Jeune Fille et la mort », D. 810, la Sonate « Arpeggione », D.821.
À l'été de cette année, il retourne avec la famille Esterházy à Zselíz et compose une série d'œuvres pour piano à quatre mains, dont la Sonate no 2 en ut majeur, ou « Grand Duo », D.812, et les Variations en la bémol majeur, D.813. Les souvenirs musicaux de Hongrie inspireront le Divertissement à la hongroise, D.818.
En 1825, il découvre la poésie de Walter Scott, qui lui inspirera dix compositions, dont les sept chants tirés de Das Fräulein vom See La Dame du lac qui seront publiés en 1826, en édition bilingue. L'un de ceux-ci, Ellens dritter Gesang Troisième chant d'Ellen, D.839, atteindra très vite une immense popularité sous le nom d'Ave Maria.
L'été de 1825 est consacré, en compagnie de Vogl, à un grand voyage à Linz, Steyr, Salzbourg, Gastein et Gmunden. Ils y donnent une série de concerts consacrés entre autres aux chants de Walter Scott et à la Sonate nº 16 en la mineur, D.845. À Gastein, Schubert compose la Sonate nº 17 en ré majeur, D.850 et commence la Grande Symphonie en ut majeur, D.944, qu'il achèvera l'année suivante.
Sa notoriété s'accroît et ses œuvres sont jouées par de grands instrumentistes, comme Ignaz Schuppanzigh ou le pianiste Carl Maria von Bocklet. Ses premières sonates publiées (D.845 et D.850) lui sont payées un bon prix par les éditeurs et font l'objet de critiques positives dans des journaux de Francfort et de Leipzig. En 1825 il est élu comme membre suppléant au directoire de la Société des amis de la musique.
En 1826 il compose le Quatuor à cordes no 15 en sol majeur, D. 887 et la Sonate nº 18 en sol majeur, D.894, qui sera publiée comme op.78.

Dernières années

Fin 1826, il semble que le goût du public n'ait pas suivi l'évolution de sa musique : une exécution projetée de la Symphonie en ut majeur est abandonnée, des disparités dans le cercle des schubertiens se font jour au sujet d'un quatuor à cordes ou de la Sonate en sol majeur. Schubert recadre pour un temps ses compositions. Aux sonates il fait suivre deux séries d'Impromptus (D.899 et D.935). Dans le domaine de la musique de chambre, il compose deux grands trios pour piano et cordes en si bémol majeur, D. 898 et en mi bémol majeur, D. 929.
En mars 1827 meurt Ludwig van Beethoven. Schubert participe comme porte-flambeau à la grande cérémonie de ses funérailles. La disparition de celui qui était reconnu comme le plus grand musicien du temps semble agir comme un élément libérateur et durant les vingt mois qui lui restent, Schubert va accumuler les chefs-d'œuvre, à commencer par le cycle de lieder Winterreise (« Le Voyage d'hiver »)
Le 12 juin 1827, il est élu comme membre titulaire du directoire de la Société des amis de la musique. Le 19 juin, il commence la composition de l'opéra Der Graf von Gleichen, D.918, sur un texte de Bauernfeld, en dépit de l'interdiction par la censure d'une pièce mettant en scène un cas de bigamie. À l'été, il effectue un voyage à Graz.
Un an après la mort de Beethoven, le 28 mars 1828, a lieu le premier concert totalement consacré à ses œuvres. C'est un grand succès, un peu éclipsé toutefois par la présence à Vienne de Niccolò Paganini. À l'automne, Schubert emménage chez son frère Ferdinand. Bien qu'atteint de syphilis, après deux semaines de maladie, il meurt de la fièvre typhoïde ou typhus abdominal le 19 novembre 1828 à 31 ans. Sa dépouille reposa d'abord au cimetière de Währing, non loin de celle de Beethoven, avant d'être transférée en grande pompe en 1888 dans le « carré des musiciens » du cimetière central de Vienne, où sa tombe voisine aujourd'hui celles de Gluck, Beethoven, Johannes Brahms et Hugo Wolf.

Solitude et amitiés

Une des contradictions les plus profondes chez Schubert, et qui se trouve souvent à l'origine de la méconnaissance réelle de son œuvre ou de sa personnalité, vient de la croyance que cette vie de groupe l'a garanti de la solitude et que sa création a été d'abord œuvre de divertissement pour ses amis (la légende du Schubert des Valses, des schubertiades-beuveries). Or la première immersion dans un groupe autre que la famille est d'abord source de solitude pour le jeune Schubert. La première incitation au tragique dans sa vie vient en effet de l'arrachement d'avec le foyer paternel, lorsqu'il devient, comme petit chanteur à la cour, interne au collège municipal de Vienne. Arrachement directement lié pour lui à l'exercice initial de sa vocation musicale. Il a onze ans (cette séparation précède de trois ans et demi la mort de sa mère). Si la situation est vécue par l'enfant sans révolte apparente, elle est subie plus qu'assumée. À son arrivée au collège, Schubert est un enfant grave et solitaire, et ses premiers lieder sont dominés par le thème de la mort. Commence alors pour lui ce grand voyage de l'éternel errant à la recherche d'un Paradis perdu, souvent entrevu, toujours inabordable, rêve qui va alimenter toute son œuvre, et non seulement l'orienter dans le choix des poèmes qu'il mettra en musique, mais aussi déterminer bien des éléments de sa musique instrumentale (la rythmique du voyage si particulière à la musique de Schubert).
On ne peut pour autant négliger l'apport intellectuel et artistique, la culture musicale acquise lors des années de collège. De ces années demeurent des amitiés nombreuses, fécondes et fidèles, source de joie permanente dans la vie du musicien. De là vient aussi l'affinité de Schubert avec le milieu universitaire viennois, élargissement certain par rapport à son milieu culturel natal.
Cependant, sur le plan des créations de jeunesse, les œuvres sont nombreuses qui naissent spontanément liées à des exercices de groupe autour de lui : onze quatuors sur quinze, cinq symphonies sur neuf et même ses premières messes répondent ainsi à la demande de la famille ou des amis. Le nombre et la qualité des pièces pour piano à quatre mains ou des chœurs restent, dans son œuvre, un symbole de la musique vécue en commun dès l'enfance.

Un atavisme sans héritage

Grandi dans la vénération de Beethoven (Beethoven, de vingt-sept ans l'aîné de Schubert, meurt un an avant lui), dans la même ville où ils ne se sont pratiquement jamais rencontrés, son développement musical ne se fait pas moins de manière tout à fait indépendante et originale par rapport au style musical de ce prestigieux aîné. Dans le domaine symphonique, la recherche du langage chez le Schubert des premières années, spontanément établi dans la filiation de Haydn, s'oriente vers un apprentissage du style mozartien. Ce qu'il appelle alors « la lumière mozartienne » fascine d'autant plus le cœur et l'esprit du jeune Schubert qu'il est naturellement porté à scruter les ténèbres de la nuit et de la mort. Une évidente « tentation mozartienne » pèse sur nombre d'œuvres de sa jeunesse (Cinquième Symphonie entre autres).
Devenu indépendant, éloigné de sa famille et de l'univers des collèges (école normale d'instituteurs après le collège municipal), Schubert abandonne parfois pour longtemps les « ordres obligés » de sa jeunesse (symphonie et quatuor) ; il lui faut de longues années pour y revenir et dans une perspective très différente, après avoir prospecté des domaines nouveaux dans la ligne d'une exploration plus intérieure : la première vraie sonate pour piano seul se situe après la fin de l'année d'études à l'école normale d'instituteurs.
Les tentatives de l'âge adulte pour revenir aux grands genres de la jeunesse seront d'abord marquées par des échecs (Quatuor en ut mineur de 1820 dont un seul mouvement est écrit, Symphonie en mi majeur de 1821 laissée à l'état d'esquisse, Symphonie en si mineur « inachevée » en 1822). Si, dans ses années de jeunesse, Schubert tirait fréquemment l'impulsion initiale de thèmes d'autrui (Haydn le plus souvent ou Mozart), dans la période cruciale qui marque le passage de l'homme et du créateur à l'âge adulte, il la trouve souvent dans ses propres œuvres antérieures, chaque fois vocales, ce qui lui permet de créer une œuvre nouvelle. Ainsi le lied La Jeune Fille et la mort (Der Tod und das Mädchen, 1817) qui nourrit tout le Quatuor en ré mineur (1824-1826), la Fantaisie pour piano en ut majeur dite du Voyageur (1822) qui tire son nom du réemploi en son sein du lied du même nom (Der Wanderer, 1816), etc. Ce n'est qu'à la faveur de cette double assumation de lui-même que Schubert s'accomplit réellement, avec son langage désormais adulte, dans les genres familiers de son enfance : musique de chambre et symphonie. Entre 1827 et 1828 naissent coup sur coup des œuvres magistrales, toutes profondément novatrices : Quintette pour deux violoncelles en ut majeur, Trios pour piano et cordes en si bémol majeur et en mi bémol majeur, Symphonie en ut majeur, sans oublier les œuvres pour piano : Fantaisie pour quatre mains en fa mineur, Impromptus, Sonates en ut mineur, la majeur et si bémol majeur. Schubert est parvenu à la maîtrise absolue dans toutes les formes de son langage instrumental, lorsque le typhus le fauche à trente et un ans. À titre de comparaison : à l'âge où Schubert écrit son quinzième quatuor, sa neuvième symphonie, sa presque millième œuvre, Beethoven composait ses premiers quatuors ou sa première symphonie.

L'univers des lieder

S'il est possible, dans le double domaine de la musique de chambre et de la symphonie, de tracer une histoire de l'évolution du style de Schubert, de noter les étapes de l'apprentissage qui mène à une exemplaire maturité, il en va tout autrement dans le domaine du lied. Des premiers lieder, à la forme lâche qui laisse courir l'imagination débridée, à l'extrême concision des derniers, de la grande ballade composée de bout en bout ou du lied tripartite au lied purement strophique ou encore strophique varié, en tous les temps, sous toutes les formes, le lied est présent dans la création schubertienne : des premiers essais de 1811 au Pâtre sur le rocher (Der Hirt auf dem Felsen), sa dernière œuvre, en octobre 1828. Les années les plus creuses en ce domaine, 1821 ou 1824, comptent encore une dizaine de lieder ; l'année la plus folle, 1815, en compte 143. Le phénomène est si impressionnant qu'il aurait suffi à assurer à Schubert, sans qu'il écrive jamais autre chose, une juste place dans l'histoire de la musique. Mais il est plus étrange encore lorsqu'on constate que Schubert, dans ce domaine très précis, atteint d'emblée ou presque le sommet de son génie. Si Le Sosie (Der Doppelgänger) est composé à trente et un ans, Le Voyage d'hiver à trente ans, La Belle Meunière et Le Nain (Der Zwerg) à vingt-six ans, Le Roi des aulnes (Erlkönig) est écrit à dix-huit ans et Marguerite au rouet à dix-sept ans, et les deux œuvres sont si marquées du génie schubertien qu'elles en sont devenues le symbole. Dès cette époque l'adolescent Schubert a porté à sa perfection un genre musical que personne avant lui n'avait exploité.
Une sensibilité frémissante, une excellente culture musicale et une enfance vouée au chant, un cercle d'amis éveillés à la poésie sont autant de raisons personnelles qui ont pu concourir à fixer Schubert sur le lied. Sur un plan caractériel, ce choix flatte aussi sa timidité et sa pudeur essentielle. Composer la musique qui accompagne un poème, c'est se mettre au service d'un texte : une manière de dire « je » sous le couvert d'autrui. La nécessité du duo dans le lied (chanteur et accompagnateur) le rassure en lui évitant la difficile confrontation avec soi-même que suppose toute œuvre pour soliste. À celle-ci Schubert ne parvient que plus tard par le piano ; mais pas une fois de sa vie il ne s'est produit comme exécutant soliste et, sauf en de rares occasions, l'esprit de virtuosité dans la composition lui est resté étranger (la représentation minime du genre concertant dans son œuvre en est un signe).
Par ailleurs, la société de son temps et de son pays, aux valeurs perturbées, aux remises en question douloureuses, requiert aussi ce recours à la poésie, délivrance et refuge. Elle est souvent médium de la connaissance du monde pour toute la jeune génération germanique ; c'est aussi vrai à Berlin qu'à Vienne. Dans ce sens, la création ou l'exploitation d'une poésie allemande prend une signification très précise d'affirmation d'une germanité contestée. La couleur intimiste du lied, son essence communautaire, la recherche en finesse d'une adéquation du langage parlé et du langage musical correspondent également à l'univers clos de petites sociétés chaleureuses et éprises de culture qui entendent trouver en elles-mêmes les clés de la connaissance en dépit d'un monde hostile.
Au gré de quinze années de confrontation avec le genre du lied, Schubert a utilisé les écrits d'une centaine de poètes. Quelques-uns se détachent, qui l'ont attiré tout particulièrement : le sombre dramatisme de son ami Mayrhofer (47 lieder), le courage et la bravoure de Schiller (42 lieder), la vision cosmique goethéenne vécue comme une expérience salvatrice (70 lieder), la plongée dans le tragique individuel de Wilhelm Müller (45 lieder) et en tout dernier lieu la rencontre avec le regard visionnaire de Heine par le truchement duquel Schubert, visionnaire à son tour, échappe musicalement à son époque.
Il est à peine possible d'esquisser une histoire du lied schubertien. L'imagination mélodique, évidente depuis le début, garde toute sa puissance, mais l'exigence musicale entraîne à plus de rigueur dans la forme, le tissu harmonique se fait plus serré, l'accompagnement lui-même, élément essentiel du lied schubertien, s'allège et devient plus suggestif qu'illustratif ; il devient partie intégrante du lied. Ce qui se pressentait dès les premiers lieder est pleinement réalisé dans les derniers ; l'accompagnement comme tel n'existe plus, seule la fusion intime et totale de la voix et de l'instrument peut rendre le regard unique d'une vision poétique, déboucher sur un monde transfiguré.
En cela Schubert est prophétique. Rien d'étonnant si sa fortune posthume est d'abord celle d'un compositeur de lieder. Fortune somme toute restrictive qui agace parfois un peu les schubertiens d'aujourd'hui ; mais il fallait peut-être plus longtemps pour découvrir dans les œuvres instrumentales du dernier Schubert un génie profondément original que seul avait rendu possible l'approfondissement de l'expérience du lied. Brigitte Massin

Posté le : 29/01/2016 22:11
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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