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Paul Verlaine
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Le 30 Mars 1844 naît à Metz, royaume de France, Paul Marie Verlaine

poète du mouvement symbolisme donte les Œuvres principales sont "lLes Poèmes saturniens" en 1866
" LesFêtes galantes" en 1869, "Les Poètes maudits" en 1884, il meurt à 51 ans, à Paris, le 8 Janvier 1896

Partagé entre sensualité et mysticisme, Paul Verlaine connaît une vie difficile et parfois violente, qui s’achève prématurément dans l’alcool. Mais l’inventeur des Poètes maudits sait aussi chanter les amours rêveuses et la naïveté de l’enfance. Il donne à lire une poésie tantôt nostalgique et crépusculaire, tantôt vive et libre, animée par le ton parlé et par l'imprévu des rythmes impairs, qui contribua largement à libérer le vers. Par l’importance accordée à la musique et aux images, son œuvre porte une réforme de la poésie française. Son talent, son originalité fascineront, et les écoles d'avant-garde se réclameront de lui.

Le génie ne fait ni l'ange ni la bête. Il se mesure à l'homme. Du Socrate morne et du Diogène sali, qui tient du chien et de l'hyène, au meilleur poète de son temps, un poète comme pas deux dans un siècle, Verlaine occupe une place enviable. Pourtant il n'est ni Orphée ni le chien qui retourne à son vomissement. Il est homme, avec ses faiblesses et sa complexité, et sa couronne de lauriers, parfumée à la menthe et au thym et macérée dans l'absinthe. Si son œuvre se situe sous le signe de la gloire, sa vie s'inscrit sous celui de Saturne et comporte bonne part de malheur et bonne part de bile. De l'homme, Pauvre Lélian a connu toutes les défaillances et toutes les tristesses, tous les espoirs et tous les déboires. Il nous a livré son cœur, assoiffé de tendresse et meurtri par les déceptions ; et sa poésie y tient tout entière. C'est pourquoi ses vers émettent ce grand son humain où se reconnaît le véritable génie, cet ardent sanglot qui seul a le don de nous toucher et de nous émouvoir.
La publication des cinq premiers recueils de Verlaine, des Poèmes saturniens 1866 à Sagesse 1881, c'est-à-dire la partie la plus belle et la plus originale de son œuvre, ne souleva aucun enthousiasme chez le public et laissa la critique plutôt froide, sinon hostile. On reprocha à l'auteur sa tendance à l'affectation et à l'outrance, son goût de la bizarrerie prosodique et de la désarticulation du vers. On rechercha surtout les filiations et les influences ; on trouva chez lui des reflets de Victor Hugo, d'Alfred de Musset, de Ronsard, de cent autres ; on le traita de Baudelaire puritain... Personne ne saisit sa véritable originalité ; personne ne devina le drame intérieur dont elle était l'expression, ni les efforts du poète pour en camoufler les manifestations sous une façade d'impersonnalité pudique.

Il est certain qu'aucun écrivain ne fut plus sensible que lui aux influences du milieu et du moment, plus perméable aux courants littéraires et aux lectures de toutes sortes. Mais cette porosité, qui lui permit de former le substratum d'une riche culture littéraire, ne modifia en rien les traits dominants de sa personnalité par suite d'une grande souplesse intellectuelle et d'une puissance d'assimilation peu commune. En réalité, plus qu'aucun autre, Verlaine avait besoin d'intercesseurs littéraires pour déclencher en lui l'élan créateur, de tuteurs que son inspiration pût prendre comme points d'appui pour aller au-delà. Parfois ils agissaient comme de simples catalyseurs, par leur présence même. Mais, en général, ils provoquaient une tension littéraire éminemment propice à la création poétique, tension nullement incompatible avec l'état de rêverie qui est le fond de sa nature. Cet « instant à la fois très vague et très aigu, qui donne exactement la mesure de son inspiration, est précisément la conjonction de ces deux états. Grâce à elle, ses expériences personnelles, ou vitales, sources de ses rêveries, se muent en expériences poétiques et mobilisent les différentes acquisitions de la culture littéraire qui fournissent les outils d'expression.
Verlaine a rencontré, au début de sa carrière et jusqu'à son aventure avec Rimbaud, les intercesseurs spirituels ou littéraires dont il avait besoin : Baudelaire, Leconte de Lisle, Victor Hugo, Théophile Gautier, Glatigny, Catulle Mendès, Sainte-Beuve, François Coppée, Marceline Desbordes-Valmore, les Goncourt, Edgar Poe... Il a trouvé chez eux des aliments divers pour son cœur et pour son esprit, pour sa sensibilité et pour son imagination. Certains ont agi même comme intercesseurs à la fois poétiques et vitaux : Baudelaire et Rimbaud. Aussi peut-on dire que, par un curieux paradoxe, son originalité a éclaté d'autant plus vivement que les influences qu'il a subies ont été plus importantes, parce qu'alors il était soutenu par un haut idéal d'art et des tuteurs puissants qui ont permis à ses dons naturels de s'épanouir par une sorte d'émulation l'empêchant de se laisser aller à sa facilité.

Sa vie.

Après treize ans de mariage, Nicolas-Auguste Verlaine originaire du Luxembourg, militaire de carrière, capitaine du génie, et son épouse Élisa Stéphanie Dehée originaire du Pas de Calais donnent naissance à un fils le 30 mars 1844, au 2, rue de la Haute-Pierre, à Metz. Ils le prénomment Paul. Et plus précisément Paul Marie pour rendre hommage à la Vierge Marie pour cette naissance tardive : cet enfant était espéré depuis 13 ans, Élisa ayant fait auparavant trois fausses couches et gardant dans des bocaux d'alcool sur la cheminée familiale les fœtus dont il est le sosie. Catholiques, ils le font baptiser en l'église Notre-Dame de Metz. Paul Verlaine restera le fils unique de cette famille de petite-bourgeoisie assez aisée qui élève aussi depuis 1836 une cousine orpheline, prénommée Élisa.
Son père, atteint le grade de capitaine avant de démissionner de l'armée en 1851 : la famille Verlaine quitte alors Metz pour Paris. Enfant aimé et plutôt appliqué, Paul Verlaine devient un adolescent difficile, il est mis en pension par sa famille et obtient son baccalauréat en 1862.

Entrée dans la vie adulte

C'est durant sa jeunesse qu'il s'essaie à la poésie. En effet, en 1860, la pension est pour lui source d'ennui et de dépaysement. Admirateur de Baudelaire, par conséquent de la poésie symboliste, et s'intéressant à la faune africaine, il exprime son mal-être dû à l'éloignement de son foyer, à travers une poésie dénuée de tout message si ce n'est celui de ses sentiments, Les Girafes.
"Je crois que les longs cous jamais ne se plairont
Dans ce lieu si lointain, dans ce si bel endroit
Qui est mon Alaska, pays où nul ne va
Car ce n'est que chez eux que comblés ils seront".

Ce court poème en quatre alexandrins reste sa première approche sur le domaine poétique, même s'il n'est publié qu'à titre posthume. Bachelier, il s'inscrit en faculté de Droit, mais abandonne ses études, leur préférant la fréquentation des cafés et de certains cercles littéraires parisiens comme les Vilains Bonshommes. Il s'intéresse plus sérieusement à la poésie et, en août 1863, une revue publie son premier poème connu de son vivant: Monsieur Prudhomme, portrait satirique du bourgeois qu'il reprendra dans son premier recueil. Il collabore au premier Parnasse contemporain et publie à 22 ans en 1866 les Poèmes saturniens qui montrent l’influence de Baudelaire, mais aussi une musique personnelle orientée vers la Sensation rendue. En 1869, paraît le petit recueil Fêtes galantes, fantaisies inspirées par les toiles des peintres du XVIIIe siècle que le Louvre vient d'exposer dans de nouvelles salles.
Dans la même période, son père, inquiet de son avenir, le fait entrer en 1864 comme employé dans une compagnie d'assurance, puis, quelques mois plus tard, à la mairie du 9e arrondissement, puis à l'Hôtel de ville de Paris. Il vit toujours chez ses parents et, après le décès du père en décembre 1865, chez sa mère avec laquelle il entretiendra une relation de proximité et de violence toute sa vie. Paul Verlaine est aussi très proche de sa chère cousine Élisa, orpheline recueillie dès 1836 et élevée par les Verlaine avec leur fils : il souhaitait secrètement l'épouser, mais elle se marie en 1861 avec un entrepreneur aisé, il possède une sucrerie dans le Nord) ce qui permettra à Élisa de l'aider à faire paraître son premier recueil, Poèmes saturniens, 1866. La mort en couches en 1867 de celle dont il restait amoureux le fait basculer un peu plus dans l'excès d'alcool qui le rend violent : il tente même plusieurs fois de tuer sa mère. Celle-ci l'encourage à épouser Mathilde Mauté qu'un ami lui a fait rencontrer : il lui adresse des poèmes apaisés et affectueux qu'il reprendra en partie dans la Bonne Chanson, recueil publié en 1872. Le mariage a lieu le 11 août 1870 Paul a 26 ans et Mathilde, 17 et un enfant, Georges, naîtra le 30 octobre 1871.

Le tumulte Rimbaud 1872-1875

Cependant la vie de Paul Verlaine se complique durant la période troublée de la Commune de Paris que soutient le jeune poète qui s'est engagé dans la garde nationale sédentaire, où il est de garde une nuit sur deux dans un secteur calme. Il fuit Paris pour échapper à la répression versaillaise et est radié de l'administration. Sa vie sans horizon devient tumultueuse après la rencontre en septembre 1871 d'Arthur Rimbaud avec lequel il va vivre une relation amoureuse conflictuelle jusqu'en 1873.
Ruinant son mariage avec Mathilde qu'il frappe et viole après s'être saoulé à l'absinth et qui entame une procédure de séparation qui sera prononcée le 24 avril 1874 le divorce sera prononcé en 1885 : la loi Naquet qui le rétablit date du 27 juillet 18848, Paul Verlaine vit par intermittence avec Arthur Rimbaud : leur relation affichée fait scandale et la violence de Rimbaud crée aussi le tumulte dans le cercle des poètes zutiques où Verlaine l'a introduit, et finalement le pauvre Lelian anagramme de Paul Verlaine comme il se nomme lui-même, part pour Londres avec l'époux infernal en juillet 1872, sa femme rompant de fait définitivement avec lui.
Durant des mois de vie errante en Angleterre et en Belgique qui nourriront le recueil Romances sans paroles se succèdent séparation et retrouvailles avec Rimbaud d'une part et tentatives de retour à sa famille où sa mère ne l'abandonne pas. L'épisode Rimbaud s'achève au cours d'une dispute le 9 juillet 1873 à Bruxelles, par les coups de revolver de poche Lefaucheux de Paul Verlaine qui, craignant de voir s'éloigner son amant, blesse superficiellement Arthur au poignet gauche : incarcéré le jour même dans un centre de détention provisoire, il est inculpé pour son geste et stigmatisé pour son homosexualité. Il est condamné à deux ans de prison le 8 août 1873 même si Rimbaud a retiré sa plainte, la pédérastie étant un élément aggravant. La sentence est confirmée en appel le 27 août 1873 et Verlaine est incarcéré à la prison de Bruxelles. À la prison de Mons où il est transféré en octobre 1873, Verlaine retrouve la foi catholique et écrit des poèmes en prose qui prendront place dans ses derniers recueils Sagesse en 1880, Jadis et Naguère en 1884, Parallèlement en 1889 et Invectives en 1896, puis dans les Œuvres posthumes. La composition en prison de trente-deux poèmes poésie naïve et savante teintée de lyrisme romantique, elle évoque sa crise d'identité, insérés dans ces recueils, est issu d'un manuscrit autographe datant de 1873-1875, intitulé Cellulairement, entré dans le Musée des lettres et manuscrits depuis 2004 et classé trésor national depuis le 20 janvier 2005.
Libéré le 16 janvier 1875 avec une remise de peine de presque une année pour bonne conduite, Verlaine tente en vain une réconciliation avec Mathilde qui obtiendra finalement le divorce et la garde de son enfant en mai 18858. Il passe deux jours et demi avec Rimbaud à Stuttgart reniant son dieu : c'est leur dernière rencontre et Rimbaud remet à Verlaine le texte des Illuminations que Verlaine fera publier en 1886.
Il gagne ensuite sa vie comme professeur à Londres, puis en France à Rethel où il noue une relation équivoque avec un de ses élèves, Lucien Létinois.
Cette amitié particulière qui dure de 1877 à la mort de Lucien en 1883 les mène à une vie instable en Angleterre, puis dans les Ardennes où Verlaine a acheté une ferme avec l'argent de sa mère.

La période Lucien Létinois

En mars 1875, Verlaine s'installe à Londres comme professeur de grec, latin, français et dessin, et passe ses vacances avec sa mère. Il rencontre Germain Nouveau, un ancien ami de Rimbaud et enseigne ensuite dans différentes villes anglaises avant de revenir en France en juin 1877. À la rentrée d'octobre, il occupe un poste au collège Notre Dame de Rethel, où il entame une liaison équivoque avec un de ses élèves, Lucien Létinois. Chassés du collège en septembre 1879, Paul et Lucien partent pour l'Angleterre, où Verlaine enseigne de nouveau. Ils reviennent en France et s'installent en mars 1880 à Juniville, dans le sud du département des Ardennes, où Paul Verlaine achète avec l'argent de sa mère une ferme pour les parents de Lucien, fermiers au village voisin de Coulommes-et-Marqueny ; c'est un échec et le poète revend la propriété à perte en janvier 1882 l'auberge, en face de l'endroit où il demeurait, est aujourd'hui un musée Verlaine. Leur aventure devient incertaine : Lucien part avec ses parents qui emménageront finalement à Ivry-sur-Seine et Paul rentre à Paris. La mort de Lucien Létinois à 33 ans, frappé par la fièvre typhoïde, en avril 1883, met un point final à l'épisode : Verlaine, désespéré de la perte de son fils adoptif, lui consacrera 25 poèmes placés à la fin du recueil Amour 1888.

La déchéance

Rentré à Paris en 1882, Verlaine essaie en vain de réintégrer l'administration, mais il renoue avec les milieux littéraires et publie en 1884 son essai remarqué sur les Poètes maudits et le recueil Jadis et naguère qui reprend des poèmes écrits une décennie plus tôt et que couronne Art poétique, publié en revue en 1874 où Verlaine revendique un art Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. Il est alors reconnu comme un maître et un précurseur par les poètes partisans du symbolisme ou du décadentisme, et dans son roman À rebours paru en 1884, J.-K. Huysmans lui réserve une place prééminente dans le Panthéon littéraire de Des Esseintes. À partir de 1887, sa célébrité dépasse même les cercles littéraires : le jeune compositeur Reynaldo Hahn chantera dans le salon d'Alphonse Daudet, devant le poète, son premier cycle de mélodies, les Chansons grises, qui regroupe sept poèmes de l'auteur. En 1894, il est désigné comme Prince des Poètes, mais sa figure est celle de la déchéance physique et sociale.
Détruit par l'alcool et les crises de violence, il fera un mois de prison en 1885 pour avoir une nouvelle fois tenté d'étrangler sa mère près de laquelle il vit toujours et qui mourra le 21 janvier 1886, vivant des amours misérables, il a une fin de vie de quasi-clochard, entre cafés et hôpital, soutenu par quelques subsides publics ou privés et donnant quelques conférences. Il ne produit plus guère que des textes d'occasion comme des poèmes érotiques, voire pornographiques. Souffrant de diabète, d’ulcères et de syphilis, il meurt d'une congestion pulmonaire le 8 janvier 1896 à 51 ans au 39 rue Descartes dans le Ve arrondissement de Paris15. Ses obsèques ont lieu le 10 janvier 1896 en l'église Saint-Étienne-du-Mont et il est inhumé dans la 20e division du cimetière des Batignolles à Paris, une zone qui se trouve actuellement en dessous du boulevard périphérique. En 1989, sa tombe a été transférée dans la 11e division, en première ligne du rond-point central16.
Avec cette vie en complète rupture avec la morale bourgeoise de son temps, Paul Verlaine est devenu une figure emblématique du poète maudit, comme Arthur Rimbaud qu'il a fait connaître et qui est mort le 10 novembre 1891.

L’œuvre de Paul Verlaine

Paul Verlaine est avant tout un poète : son œuvre offre moins d'une dizaine de courts recueils publiés entre 1866 et 1890, mais les poèmes ont été écrits pour l'essentiel avant 1880, c'est-à-dire entre 22 et 35 ans. Les textes ultérieurs sont très inégaux et souvent de caractère alimentaire.
Ses textes en prose sont tardifs et surtout autobiographiques Les Mémoires d'un veuf, 1886, Mes Hôpitaux, 1891, Mes Prisons 1893. Son essai sur Les Poètes maudits (1884 tient cependant une grande place par les découvertes qu'il contient : Tristan Corbière, Arthur Rimbaud et Stéphane Mallarmé, et dans la seconde édition, parue en 1888, Marceline Desbordes-Valmore, Villiers de l'Isle-Adam et Pauvre Lelian anagramme de Paul Verlaine.
La carrière poétique de Paul Verlaine s'ouvre avec les Poèmes saturniens de 1866, bref recueil de 25 poèmes qui rencontre peu d'écho mais Verlaine s'annonce comme un poète à la voix particulière, jouant subtilement sur les mètres pairs et impairs, les rythmes rompus et les formes courtes dont le sonnet.
Se plaçant sous la sombre égide de Saturne, il cultive une tonalité mélancolique qui fait de certains poèmes des incontournables de la poésie lyrique Mon rêve familier, «tes, se présente au premier abord comme un recueil de fantaisies à la manière de Watteau dans lesquelles Verlaine multiplie les jeux de prosodie, mais le sentiment de l'échec et de la vanité des jeux amoureux des petits marquis et des Colombines colore peu à peu le recueil, jusqu'au poème final, le célèbre Colloque sentimental où Dans le vieux parc solitaire et glacé … /L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir..
La Bonne chanson paraît en 1872, mais l'édition était prête dès 187020. Il s'agit de 21 poèmes dédiés à sa fiancée Mathilde et écrits pendant l'hiver 1869 et au printemps 1870 qui constituent une chanson ingénue , plutôt convenue et sans doute un peu mièvre. Citons en exemple une strophe du poème XIX :Donc, ce sera par un clair jour d’été : /Le grand soleil, complice de ma joie, /Fera, parmi le satin et la soie, /Plus belle encor votre chère beauté.
Il n'en va pas de même des poèmes écrits dans les années du tumulte qu'apporte Arthur Rimbaud dans la vie de Paul Verlaine : une part de ceux-ci est regroupée dans Romances sans paroles, bref recueil de 21 courts poèmes, qui est publié en 1874 pendant son séjour en prison en Belgique. Une touche nouvelle apparaît, plus dynamique avec des instantanés nourris des souvenirs amoureux et des impressions reçues lors de la vie errante avec l'homme aux semelles de vent en Belgique et en Angleterre Quoi donc se sent ? /L’avoine siffle. /Un buisson gifle /L’œil au passant. Charleroi. Les sous-titres comme Ariettes oubliées ou Aquarelles renvoient à des mélodies légères Il pleure dans mon cœur /Comme il pleut sur la ville, Ariettes oubliées, III et à des choses vues, Verlaine notant comme un peintre impressionniste la correspondance entre les états d'âme et les paysages : L’ombre des arbres dans la rivière embrumée /Meurt comme de la fumée, /Tandis qu’en l’air, parmi les ramures réelles, /Se plaignent les tourterelles. / Combien, ô voyageur, ce paysage blême /Te mira blême toi-même, /Et que tristes pleuraient dans les hautes feuillées /Tes espérances noyées ! » Romances sans paroles, « Ariettes oubliées, IX.
Sagesse 1881 comporte un plus grand nombre de poèmes plus amples et montre une autre voie. Verlaine revient sur son parcours douloureux avant de montrer sa transformation mystique quand il retrouve la foi catholique, Ô mon Dieu vous m'avez blessé d'amour , II, sans faire disparaître son mal de vivre, Je ne sais pourquoi/Mon esprit amer /D'une aile inquiète et folle vole sur la mer.Sagesse, III, 7, qui associe des vers impairs de 5, 9 et 13 syllabes et la fonction du refrain avec une grande force suggestive Et l’air a l’air d’être un soupir d’automne, /Tant il fait doux par ce soir monotone /Où se dorlote un paysage lent.Le son du cor s’afflige vers les bois… III.
Jadis et naguère de 1884 est un recueil de 42 pièces assez disparate qui reprend pour l'essentiel des poèmes écrits plus de dix ans plus tôt. Il comporte le célèbre Art poétique qui proclame dès le premier vers les choix de Verlaine : De la musique avant toute chose/Et pour cela préfère l'impair/Plus vague et plus soluble dans l'air, /Sans rien en lui qui pèse ou qui pose ». On y trouve aussi le poème Langueur, À la manière de plusieurs, et ses fameux premiers vers : Je suis l'Empire à la fin de la décadence/Qui regarde passer les grands barbares blancs/En composant des acrostiches indolents, /D'un style d'or où la langueur du soleil danse, qui furent reconnus comme fondateurs par les décadentistes.
Verlaine a également publié d'autres recueils mineurs qui cultivent souvent une veine érotique comme Parallèlement 1889 ou plus encore Hombres 1891.
Poète de la confidence, de la musicalité et de la suggestion, Verlaine a pu se voir reprocher sa complaisance pour la mélancolie d'homme malheureux, Pauvre Lelian dit-il en parlant de lui, J'ai perdu ma vie conclut-il dans Parallèlement, Révérence parler, Iet sa langueur décadente, et on a pu aussi critiquer sa fadeur. Néanmoins cette voix dont on retient les murmures constitue une des formes importantes du renouveau poétique dans le dernier tiers du XIXe siècle et son influence sera grande, à travers les symbolistes comme Jean Moréas et les décadentistes, et le poète aura de nombreux héritiers comme Guillaume Apollinaire qui tend une main à Verlaine Michel Décaudin avant de s'ouvrir à d'autres modernités.
Paul Verlaine, poète bisexuel, aborde dans son œuvre les amours hétérosexuels comme homosexuels y compris l'homosexualité féminine.

Son œuvre laisse une empreinte forte, à la transition du mouvement parnassien et du symbolisme. En livrant à ses contemporains un Art poétique, publié dans Jadis et naguère, 1884, Verlaine affirme une esthétique. De la musique avant toute chose, décrète-t-il, ouvrant la voie à une génération de disciples, hommes de lettres comme lui mais aussi compositeurs – à l’instar de Claude Debussy ou de Gabriel Fauré, qui appliquent des mélodies à ses textes.
Cependant la poésie de Verlaine n’est pas dans la révolte. Elle ne se résume pas non plus à un idéal formel. Au long de plus de vingt recueils, Verlaine déploie une sensibilité singulière, candide et tendre, souvent mélancolique. La liberté de la langue et du vers, garante de la Musique, y trouve sa justification : le poète se propose de dépasser l’analyse de ses impressions, de façon à pleinement les traduire et les exprimer.

La musique de l’intime Le vers impair

Verlaine l’a lui-même signalé, une clef de son art se trouve dans l’emploi privilégié du vers impair, Art poétique. Impair, c’est-à-dire composé d’un nombre impair de syllabes, à la différence du vers français classique comme l’octosyllabe ou comme le décasyllabe, huit et dix syllabes, et surtout à la différence de l’alexandrin douze syllabes.
« Dans le brouillard rose et jaune et sale des Soho, Sonnet boiteux , Jadis et naguère, 1884 ; La tristesse, la langueur du corps humain, Sagesse, 1881 : avec de tels vers de treize syllabes et de onze syllabes, en subtil décalage avec la mesure ordinaire, Verlaine sollicite l’attention de son lecteur. L’équilibre et le balancement traditionnel du vers, fondé sur la division de celui-ci en deux parties d’égale longueur, laisse place à une cadence inconnue.
Rimes, rythmes et sons
De la même manière que le vers impair brise la routine du discours, l’atténuation de la rime soustrait la poésie aux repères sonores habituels.
« Ô qui dira les torts de la Rime », lance Verlaine, « ce bijou d’un sou / Qui sonne creux et faux sous la lime Art poétique ! Cinglant, le poète pourtant ne franchit jamais la limite du vers libre vers non rimé.
De fait, il s’agit avant tout pour Verlaine de se démarquer de la convention qui consiste à coupler les vers deux par deux, à travers la répétition du dernier pied. Verlaine multiplie les enjambements, qui soumettent le rythme poétique au sens des phrases et non à la régularité des vers :
« Le Printemps avait bien un peu /
Contribué, si ma mémoire /
Est bonne, à brouiller notre jeu
En patinant , Fêtes galantes, 1869.
Mais il ne renonce pas à des effets harmoniques fondés sur la répétition de syllabes ou de sons, allitérations à l’intérieur et tout au long des vers : L'or, sur les humbles abîmes / Tout doucement s'ensanglante, Bruxelles. Simples fresques , Romances sans paroles, 1874.
Il en résulte un climat indécis ou improvisé, comme si Verlaine adoptait une dominante sonore, sans toutefois parvenir à bien articuler et caler ses phrases : selon la formule de Paul Valéry, on croirait qu’il tâtonne Paul Valéry, Villon et Verlaine , Conferencia, 15 avril 1937.
Refus de la déclamation
Antoine Watteau, la Gamme d'amour
La poésie de Verlaine n’est sans doute pas faite pour être dite, mais murmurée ou chantée, Prends l’éloquence et tords-lui son cou ! : Art poétique. Car cette poésie exalte une voix, la voix modulée et sinueuse de l’homme blessé. Le retour sur soi et la nostalgie Fêtes galantes ; Jadis et naguère suscitent un univers tout en demi-teintes, délicates et obstinées :
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Mon rêve familier,
Poèmes saturniens, 1866.
Et c’est dans ce ton nouveau que résident la véritable originalité et l’apport de Verlaine.

Une poésie de l’évocation

Naïf, décadent ou primitif ?
Paul Verlaine, Poèmes saturniens
L’hypothèse d’un poète gauche ou naïf Paul Valéry, Villon et Verlaine, permet de replacer Verlaine et sa musicalité particulière dans une dynamique historique. Naïf , ou peut-être décadent, comme l’écrit encore Valéry, qui voit sous l’apparente maladresse de Verlaine une réaction contre une forme dont les perfections lui sont devenues fastidieuses. Cette maladresse de Verlaine, en effet, contraste avec la pureté cristalline de Théophile Gautier, de Théodore de Banville ou de Leconte de Lisle, les maîtres qu’à ses débuts il côtoie au Parnasse contemporain.
Mais au-delà du décadent, il y a aussi un primitif P. Valéry. Le refus d’une poésie froide et impersonnelle, soumise à un culte de la forme fixe, reflète le souci qu’a Verlaine d’accorder la première place à ses émotions. Des émotions qui ne sont guère analysées et rattachées à des causes, mais plutôt traduites en un flux continu. Lorsque paraissent ses Poèmes saturniens 1866, Verlaine revendique un effort vers l'Expression, vers la Sensation rendue, ainsi qu'il l'écrit dans une lettre à Stéphane Mallarmé, le 22 novembre 1866.
Symbolisme
C’est dans une région de lui-même difficile d’accès, là où l’inquiétude résiste à l’analyse, que Verlaine puise la substance de son art. Le poète mobilise moins l’intelligence que l’intuition, car son but n’est pas de comprendre ou d’expliquer, mais de suggérer.
Dès lors le sentiment devient un véritable saisissement. La richesse de la langue poétique se mesure à l’ampleur des correspondances qu’elle appelle, à la profondeur des impressions qu’elle provoque. Et cette langue toute de nuances – car « la nuance seule fiance / Le rêve au rêve Art poétique – abonde d’images aux résonnances décalées : les symboles.
Lyrisme et mystique
Henri Fantin-Latour, Un coin de table
Couronné Prince des Poètes par ses pairs 1894, Verlaine fait figure avec Stéphane Mallarmé de principal précurseur du symbolisme. Son engagement cependant n’est pas celui d’un chef d’école, et la subjectivité qu’il affiche est ambiguë.
Nombre de poèmes composant le recueil Sagesse montrent que la subtilité impressionniste se complique chez lui d’une aspiration religieuse, échappant aux catégories ordinaires. Si bien que la dimension lyrique et autobiographique apparaît finalement comme l’une des plus caractéristiques de son œuvre, entre regret de l’enfance perdue et fascination de l’amour Romances sans paroles.

Verlaine a rencontré, au début de sa carrière et jusqu'à son aventure avec Rimbaud, les intercesseurs spirituels ou littéraires dont il avait besoin : Baudelaire, Leconte de Lisle, Victor Hugo, Théophile Gautier, Glatigny, Catulle Mendès, Sainte-Beuve, François Coppée, Marceline Desbordes-Valmore, les Goncourt, Edgar Poe... Il a trouvé chez eux des aliments divers pour son cœur et pour son esprit, pour sa sensibilité et pour son imagination. Certains ont agi même comme intercesseurs à la fois poétiques et vitaux : Baudelaire et Rimbaud. Aussi peut-on dire que, par un curieux paradoxe, son originalité a éclaté d'autant plus vivement que les influences qu'il a subies ont été plus importantes, parce qu'alors il était soutenu par un haut idéal d'art et des tuteurs puissants qui ont permis à ses dons naturels de s'épanouir par une sorte d'émulation l'empêchant de se laisser aller à sa facilité.

Actes de foi et hérésies poétiques

À la lumière de ces considérations, l'œuvre de Verlaine apparaît comme une série de tentatives et de renoncements, d'actes de foi et d'hérésies, commandés, d'une part, par les lectures entreprises et les milieux fréquentés et, de l'autre, par les drames personnels et les états psychologiques du poète, mais obéissant à un temps propre purement intérieur, celui de son paysage de rêve.

Sur les expériences sensibles de son enfance s'est greffée une éducation classique et ronsardisante franco-latine vite déviée dans le sens d'une culture originale par la découverte du baroque et du précieux, du marivaudage et du gongorisme, par la lecture des poètes mineurs des XVIIe et XVIIIe siècles, c'est-à-dire de tout ce qui s'inscrit dans le sens d'une hérésie.

Dans la seconde étape de son adolescence, celle des premiers poèmes saturniens, il découvre le romantisme sous ses multiples aspects : politique et oratoire de Hugo, pittoresque de Gautier et d'Aloysius Bertrand, révolté de Petrus Borel et de Philothée O'Neddy lycanthropie, intériorisé de Baudelaire. La lecture des Fleurs du mal est le fait capital de cette phase : Baudelaire apparaît comme le premier tuteur, à la fois littéraire et spirituel, un frère en génie, qui révèle Verlaine à lui-même. Son influence se manifeste dans tous les domaines et imprègne les Poèmes saturniens. Mais cette phase est également hérétique : le romantisme verlainien est plus intérieur, plus subtil, plus concentré, et son goût de l'allusion s'inscrit en faux contre l'éloquence et la prose. De plus, l'action de Baudelaire dévie vers les côtés extérieurs du baudelairisme et vers une interprétation hérétique du sonnet des Correspondances, réduites aux seules correspondances sensibles. Cette déviation se produit chez Verlaine sous l'impulsion d'un génie très personnel, qui a pris conscience de lui-même en découvrant l'immanence de la sensation et le pouvoir incantatoire du rêve.

Dans les milieux parnassiens, sous la multiplicité des influences qui s'exercent sur lui, il se révèle essentiellement polyvalent et riche de possibilités. D'un autre côté se situe une expérience vitale décisive : son amour secret pour sa cousine Elisa Moncomble, qui oriente son génie dans une double direction : lyrisme sentimental et élégiaque de Mélancholia, et lyrisme féerique des Fêtes galantes 1869. Pour cacher cet amour impossible, Elisa est comme une sœur aînée et quasi irréel, la réalité risque de ternir sa pureté, le Parnasse servait admirablement son génie : Verlaine pratique ce que l'on pourrait appeler une « poésie-masque ». Mais ce parnassien est également dissident et hérétique. Dans ses poèmes impersonnels transparaît une sensibilité inquiète et nerveuse qui a peine à se dominer, et l'émotion contenue sous une façade de froideur vibre entre les vers. Le rythme extérieur seul est parnassien, mais le rythme interne est tout personnel et traduit un rêve d'amour, matérialisé un moment par la magie de l'art, dans un paysage enchanté, peuplé d'un monde chimérique et situé aux confins de l'irréel : les Fêtes galantes sont une impasse de génie et un paradoxe. Tentative de fuite et de guérison par l'art après la mort d'Elisa, étroitement unie à son paysage intérieur et commandée par la lecture de nombreux poèmes et études sur le XVIIIe siècle, qui marquent un goût collectif à cette époque, cette évasion littéraire s'est soldée par un échec sur le plan vital. Mais la confluence des sources a créé une forte tension esthétique qui s'est traduite par la forme impeccable du recueil.

Après les Fêtes galantes s'ouvre une période en deux temps de désarroi esthétique, une conversion au réel et au social, puis au vrai, selon le mot de Hugo, celle des Vaincus en particulier, marquée par des tentations poétiques impures et une recrudescence du réalisme, et celle de La Bonne Chanson 1870, régie par une expérience vitale importante qui exorcise le rêve et la hantise d'Elisa : ses fiançailles avec Mathilde Mauté et sa cour poétique. Cette conversion au bien, à la joie, à la santé morale, les efforts qu'il fit pour unir en un même intercesseur la fiancée et la muse, furent néfastes au point de vue poétique. Éloigné des milieux littéraires et de l'émulation salutaire, il se trouve isolé dans un amour bourgeois solidement attaché au réel. Aussi la menace du prosaïsme, la tentation de la fausse éloquence, de la rhétorique, de la déclamation oratoire l'emportent-elles sur le raffinement de la préciosité. Sauf quelques rares et exquises réussites, La Lune blanche.
Cette phase où risquait de sombrer son génie prend fin avec l'arrivée de Rimbaud. Expérience capitale, celle du fils du Soleil : tentative poétique pour atteindre l'inconnu, l'ineffable, l'inouï ; tentative morale pour unir le bien et le mal. Un seul intercesseur à la fois poétique et vital : Rimbaud. Impure sur le plan moral, cette expérience l'a purifié au point de vue poétique. C'est pourquoi les Romances sans paroles 1874, fruit de cette conjonction unique, résonnent si profondément, si mystérieusement. Mais Verlaine est incapable de suivre son ami jusqu'au bout ; il voit en lui moins le Prométhée voleur de feu que l'ami au visage d'ange en exil. Ne croyant pas à la vertu libératrice et rédemptrice de la poésie, il charge d'impuretés une expérience qui dépasse ses possibilités. Un parallèle entre Crimen amoris et Soir historique démontrerait l'hérésie de cette tentative.

Le coup de feu de Bruxelles met fin à cette aventure dans l'abstrait, et aussi, hélas ! à la tentative merveilleuse de renouvellement poétique.

Avec la conversion, c'est de nouveau l'isolement et le désarroi poétique, chargé des germes aigus de la décadence. Dans le silence de sa cellule, Verlaine fait le procès de son aventure et de son art dans les Récits diaboliques 1873 ; sa vie en marge du réel lui paraît comme un chemin de perdition. Il renie son « brûlant » passé poétique et son esthétique profane, et demande désormais au vrai le chemin du salut. Mais la religion avec son conceptualisme ne peut constituer une nouvelle esthétique. De plus, ses expériences vitales sont antipoétiques : prison, jugement de séparation, exil en Angleterre, maladie. S'il écrit au début, dans les transes de la rédemption, les sublimes poèmes de Sagesse, les Sonnets au Christ et les litanies à la Vierge, qui sont le chef-d'œuvre de la poésie catholique, c'est par suite de l'élan acquis et du coup de fouet de la grâce. Mais tout dénote une perturbation profonde, tout annonce l'effondrement prochain entre 1876 et 1880. Le meilleur et le pire voisinent dans Cellulairement.

Les nouveaux intercesseurs ne peuvent remplacer les anciens : la grâce n'est pas la muse, le Christ est un intercesseur vital et non plus poétique ; la boisson, qui aurait pu lui ouvrir à nouveau les portes du rêve et du paradis perdu, ne fait qu'aggraver le mal ; les jeunes poètes qui se pressent autour de lui sont des disciples et non plus des maîtres. Dans l'inspiration religieuse Amour, 1888 ; Bonheur, 1891 ; Liturgies intimes, 1892, il fera des transpositions du catéchisme, des démarquages en vers des livres de piété, et dans l'inspiration profane, à part quelques réussites très osées dans Parallèlement 1889, il se délaye, en plusieurs volumes, dans un fatras indigeste. Voulant mener de front les deux inspirations, il sombre dans une double et dernière hérésie.

Poète de l'individuel

Malgré son polymorphisme et ses nombreux avatars, malgré toutes les influences qu'il a subies, Verlaine est demeuré foncièrement original avant tout par l'individualité de son inspiration. Il n'a rien écrit qui fût étranger à sa vie et à ses émotions. C'est son moi sous ses multiples aspects et dans ses diverses manifestations qui forme la trame de ses vers et la substance de son œuvre. Mais cet héritier des romantiques diffère de ses devanciers par son éducation parnassienne ; il en a gardé la honte de l'étalage intempestif et une certaine pudeur qui l'a préservé du moins dans les premiers recueils de la dramatisation des sentiments en vue de toucher le lecteur. Ennemi de l'emphase et de l'éloquence, il est dans l'expression de la passion et de la douleur d'une naïveté candide qui surprend et qui attire. Ses poèmes les plus poignants, les plus déchirants, sont des chansons, des ariettes, des fêtes galantes, des colloques sentimentaux, sans rien en eux qui pèse ou qui pose.

Aussi les thèmes généraux, auxquels il a échappé d'ailleurs en grande partie se caractérisent-ils chez lui par des traits qui lui sont propres : simplicité, douceur, tendresse, légèreté, mélancolie, le tout relevé d'un grain de subtilité ironique et de sensualité voilée. De plus, il les a réduits à sa mesure. Dédaignant les longs développements romantiques ou parnassiens, fidèle au « principe poétique » d'Edgar Poe, il les a concentrés en de menus poèmes, au mètre court, au dessin imprécis, au rythme alangui, qui, au lieu d'aller de strophe en strophe vers une plus grande précision, perdent de leur netteté et de leur relief, se voilent d'irréalité et se chargent de musique.

Enfin son nom reste attaché à certains thèmes qu'il a traités avec une maîtrise si parfaite qu'ils relèvent désormais de l'épithète « verlainien » : « paysages tristes » des Poèmes saturniens, chargés de tous les frémissements de la vie intérieure du poète ; « paysages impressionnistes » des Romances sans paroles, formés de notations directes rendues dans toute leur fraîcheur ; « fêtes galantes » qu'il a portées à leur perfection au point que tout autre poème traitant du même sujet (il y eut un engouement général pour ce thème au XIXe siècle) semble inspiré de lui ; thème de l'amour chaste et naïf de La Bonne Chanson, seul recueil de poèmes de fiancé ; thème religieux enfin qui fait de Verlaine, selon le mot de Bloy, « l'unique absolument, celui qu'on était las d'espérer ou de rêver depuis des siècles ».

Le paysage intérieur

Considérée dans son intériorité profonde, la sensibilité de Verlaine révèle la conformité de ces thèmes avec son paysage intérieur et ses moyens d'expression rythmiques. Cette sensibilité se caractérise par un état d'engourdissement, de dérive immobile de la sensation, où la réalité du monde extérieur tend à disparaître et où s'effacent les caractéristiques individuelles du moi.Le poète sent sur le mode de l'anonyme.Mais cet état d'engourdissement n'est pas inconscient de lui-même : c'est une attitude de passivité attentive. Verlaine ne cultive en lui les vertus de porosité que pour mieux se laisser pénétrer par elles, et aussi pour en goûter les charmes.Il se sent sentir sur le mode du particulier.Par suite de ce quiétisme de sentir, son paysage intérieur se trouve formé de sensations qui se caractérisent, tout comme les thèmes, par leur fluidité, leur amenuisement, leur absence de netteté : parfums vagues, lumières tamisées, visions tremblotantes, paysages aux contours flottants, musique en sourdine, voix lointaines et comme d'outre-tombe, toutes sensations évanescentes et fugitives, d'autant plus troublantes peut-être qu'elles sont momentanées, et qui pénètrent insidieusement la conscience et la décomposent.

Concrétisé et agrégé, ce paysage intérieur se dédouble en réalité en deux paysages distincts mais étroitement unis : un paysage automnal et un paysage lunaire, celui des Paysages tristes et celui des Fêtes galantes. Le premier est comme vu à travers une vitre embuée, brouillard ou pluie, cet écran d'apparences et de souvenirs qui dissimule la rugosité du monde sensible ; le second, baigné de clair de lune, ressuscite des visions d'un passé révolu mais attachant entre tous, celles d'un XVIIIe siècle galant peint par Watteau. Si le premier est fantomatique, refuge de son désespoir qu'il adoucit, le second est féerique, lieu d'élection de son rêve passionnel. L'un et l'autre, paysages de décadence, correspondent à son intime besoin d'effusion et de tendresse inassouvie.

Un des éléments essentiels de ce paysage intérieur est cette mélancolie si particulière à Verlaine et qui ne ressemble à rien dans la littérature française ; faite de regrets indéterminés et de velléités timides, de vagues désirs de jouissance et de rêves indistincts, elle est quelque chose d'impalpable et de fuyant comme un sentiment de vacuité, comme un manque de sentiments, une absence d'émotions :

C'est bien la pire peine    
De ne savoir pourquoi,    
Sans amour et sans haine    
Mon cœur a tant de peine.

Le second élément important de son paysage intérieur est la part qu'a prise le rêve dans son inspiration. Toute son œuvre semble suspendue entre deux bornes : rêve-réalité. D'un côté, l'abri tutélaire recherché dans les regards bien-aimés, dans l'inflexion des voix chères qui se sont tues, dans les apparences d'une nature dématérialisée, ou dans les vapeurs de l'alcool ; et, de l'autre, la vie avec son cortège de déceptions, de solitudes, de regrets, de désespoirs. Ses poèmes sont d'autant plus beaux, plus émouvants, plus mystérieusement captivants, qu'ils se rapprochent du rêve et traduisent ce monde mouvant qui le hante, et d'autant plus plats, plus prosaïques, qu'ils tendent vers l'expression de la réalité. Mon rêve familier, Soleils couchants, Chanson d'automne, Clair de lune, Colloque sentimental, La Lune blanche..., la troisième Ariette oubliée, L'espoir luit... sont à la pointe de sa rêverie.

Les moyens d'expression poétique

Dans le domaine de l'expression formelle, cette originalité s'est traduite par deux traits essentiels : l'impressionnisme et la musicalité. Tout en respectant la forme extérieure de la prosodie classique et la langue poétique courante, dont son génie s'accommodait, Verlaine a brisé intérieurement le rythme traditionnel du vers, spécialement de l'alexandrin. Il a ébranlé ses assises et détruit en profondeur ses cadences. De même, il a rendu le sens de certains mots plus volatil et a créé des alliages nouveaux pour traduire son paysage intérieur et moduler son rêve poétique.

En conférant à la sensation la primauté dans la représentation du monde extérieur, et aux données immédiates de la conscience le pas sur la raison claire, il s'est libéré de l'intellectualité de la langue. Pour rendre l'ineffable et le subliminal, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus fugace dans la vie intérieure, il ne devait pas s'encombrer de considérations rationnelles. Or, l'impressionnisme est l'art de traduire, par une technique spéciale, le momentané et le fugitif. En découvrant une « quatrième dimension » temporelle aux choses, il apparente la peinture à la musique en fixant un moment de la durée et non plus seulement une tranche d'espace et de volume. De l'impressionnisme, Verlaine a utilisé d'instinct la plupart des procédés : le flou, la coloration des ombres, les effets de clair de lune, de brume ou de neige, la légèreté de la touche, la multiplication d'un objet unique, la notation des séries d'impressions, procédés par lesquels il a pu exprimer l'inexprimable et rendre la durée intérieure et ce qu'il y a d'unique dans la sensation.

Il en est de même de la musique, où il a joué le rôle de novateur et préparé la voie à l'impressionnisme musical d'un Fauré ou d'un Debussy. Dès le début, Verlaine constate que les mots expriment, touchent et émeuvent par leur sonorité plus que par leur sens, que l'harmonie suggère et communique les sentiments et les sensations dans toute leur pureté, alors qu'une définition littérale risque de les déflorer. C'est pourquoi aucune poésie n'est plus chargée de résonances musicales que la sienne ; les mots s'y attirent et s'agrègent d'après leurs affinités sonores plus que par leur valeur d'expression logique. Par la « musique suggérée » comme par l'harmonie intrinsèque du vers, par la combinaison des tonalités mélodiques comme par l'heureux choix des assonances et des allitérations, par son goût de la musique mineure comme par la hardiesse de certaines dissonances, il a su traduire le monde mouvant de son paysage intérieur et le communiquer directement et pour ainsi dire sans l'intervention de la raison.

Réduit à une charpente, dont le seul rôle est d'être un support pour les vocables qui le masquent et l'annihilent, le vers n'est plus un ensemble de mots exprimant un sens satisfaisant l'esprit, mais un agrégat de sons destinés à charmer l'oreille et à faire naître des émotions ; il est chant, à la fois musique et paroles, et par là il se retrempe aux sources vives du lyrisme. Par une extraordinaire variété métrique, par l'emploi des mètres courts ou impairs, des trimètres, de l'enjambement et du rejet, des césures inclassables, mais surtout par sa plasticité et sa flexibilité, qui l'ont mené au bord du vers libre, Verlaine a substitué à son rythme séculaire le souffle de la vie, la musique du cœur, la mélodie de l'âme. Il en est de même de la rime, qui disparaît sous une avalanche d'échos intérieurs, de correspondances de sons, d'assonances et de résonances, le tout noyé dans la fluidité d'un chant aux modulations mineures.

Morceaux choisis

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
Monotone.
Chanson d'automne Poèmes saturniens
Ces vers furent repris par Radio Londres pour prévenir les résistants de l'imminence du débarquement en Normandie, en 1944.

Écoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire,
Elle est discrète, elle est légère :
Un frisson d'eau sur de la mousse !
(Sagesse)
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Art poétique, Jadis et Naguère.

Å’uvres

Poésie
Poèmes saturniens (1866)
Les Amies (1867)
Fêtes galantes (1869)
La Bonne Chanson (1872)
Romances sans paroles (1874)
Sagesse (1880)
Jadis et naguère (1884)
Amour (1888)
Parallèlement (1889).
Dédicaces (1890)
Femmes (1890)
Hombres (1891)
Bonheur (1891)
Chansons pour elle (1891)
Liturgies intimes (1892)
Élégies (1893)
Odes en son honneur (1893)
Dans les limbes (1894)
Épigrammes (1894)
Chair (1896)
Invectives (1896)
Biblio-sonnets (1913)
Œuvres oubliées (1926-1929)
Cellulairement
Prose
Les Poètes maudits (1884)
Louise Leclercq (1886)
Les Mémoires d'un veuf (1886)
Mes Hôpitaux (1891)
Mes Prisons (1893)
Quinze jours en Hollande (1893)
Vingt-sept biographies de poètes et littérateurs (parues dans Les Hommes d'aujourd'hui)
Confessions (1895)
Médias

Liens

http://youtu.be/R4iceOnjavY Verlaine par Henri Guillemin
http://youtu.be/5Ppf0sHLaz0 Charles Trenet Verlaine
http://youtu.be/_iq43Vs8CEw Idem par Léo Ferré
http://youtu.be/HvS_jKi8yqk Il pleure ... dit par Alain Jahan
http://youtu.be/4JQYuylR5ew Colloque sentimental par Léo Ferré
http://youtu.be/pB4OtYHmOUQ Mon rêve familier
http://youtu.be/rGH6zKayJcE Prison chanté par Colette Magny
http://youtu.be/j1vQNMeC4Bc L'enterrement de Verlaine par Georges Brassens
http://youtu.be/x-fdB8m8flM Eclipse total Les amours de Rimbaud et Verlaine

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Posté le : 29/03/2014 20:22

Edité par Loriane sur 30-03-2014 12:53:21
Edité par Loriane sur 30-03-2014 15:44:20
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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