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Louis Mandrin
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Le 26 mai 1755, à 30 ans le contrebandier Louis Mandrin est roué vif à Valence.

Le condamné subit d'abord la torture des brodequins : ses jambes sont écrasées entre deux planches en vue de lui faire avouer le nom de ses complices. Puis il est conduit à l'échafaud, sur la place du Présidial. Le bourreau brise ses membres à coups de barre. Enfin, il expose le condamné face au ciel sur une roue de carrosse.
Le fier contrebandier supporte ce supplice sans mot dire. Au bout de huit minutes, le bourreau l'étrangle à la demande de l'évêque, touché par son repentir, mettant ainsi fin à ses souffrances. Plusieurs milliers de personnes assistent à la scène. Très vite va se répandre la légende du bandit magnanime puni pour avoir volé les collecteurs d'impôts.
La brève épopée de Mandrin est symbolique des iniquités fiscales dans les décennies précédant la Révolution française.


L'enfance

Louis Mandrin, né le 11 février 1725 à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs est un contrebandier français.
Il est le fils de François-Antoine Mandrin, négociant marchand de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, dans le Dauphiné, et l'aîné de neuf enfants, Louis Mandrin dit, selon certains, "belle humeur", devient chef de famille à 17 ans, à la mort de son père.
Il est issu d'une famille établie, autrefois riche, mais sur le déclin.
Beau de visage, blond de cheveux, bien fait de corps, robuste et agile. À ces qualités physiques, il joint un esprit vif et prompt, des manières aisées et polies.
Il est d'une hardiesse, d'un sang-froid à toute épreuve. Son courage lui fait tout supporter pour satisfaire son ambition
Son premier contact avec la Ferme générale si on excepte les relations fiscales ordinaires et obligatoires est en 1748, un contrat pour ravitailler avec 100 mulets moins l'armée de France en Italie.
Or, il en perd la plus grande partie dans la traversée des Alpes et à son retour à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, il ne lui reste que dix-sept bêtes dans un état déplorable, la Ferme générale refuse de le payer.
Le 27 juillet 1753, suite à une rixe mortelle, Louis Mandrin et son ami Benoît Brissaud sont condamnés à mort. Mandrin est en fuite, mais Brissaud est pendu sur la place du Breuil, à Grenoble. Le même jour, Pierre Mandrin, frère cadet de Louis, est également pendu pour faux-monnayage. Il déclare alors la guerre aux collecteurs de taxe de la Ferme générale.
Lui-même participe à une rixe sanglante le 30 mars 1753 et doit s'enfuir pour échapper au supplice de la roue. Devenu hors-la-loi, il prend la tête d'une bande de contrebandiers et déclare la guerre à la Ferme générale, non sans afficher son dévouement au roi !

Mandrin, qui a la fibre militaire, organise ses troupes comme une armée, avec solde, grades et discipline. En 1754, en l'espace d'une année, il organise en tout et pour tout six campagnes.
Au début de chaque campagne, il achète du tabac et quelques autres marchandises en Suisse et dans le duché indépendant de Savoie.

Ensuite, il pénètre en territoire français avec quelques dizaines de complices, investit une ville ou une autre et vend ses marchandises au vu et au su de chacun, pour la plus grande satisfaction des habitants, ravis de l'aubaine.


Les premières condamnations



Mandrin s’attaque aux Fermiers généraux.

Les fermiers généraux sont alors haïs par la population. Ils prélèvent les taxes sur les marchandises la plus connue est la gabelle, la taxe sur le sel, mais d'autres marchandises, comme le tabac, sont taxées. Le système d'affermage de la collecte des taxes entraîne des abus considérables. Les fermiers généraux accumulent d'énormes richesses en ne reversant au Roi que le montant convenu, parfois le quart des taxes qu'ils prélèvent.
Les fermiers généraux ripostent en obtenant dès le printemps 1754 des lois contre les personnes qui achèteraient quoi que ce soit aux contrebandiers.


La contrebande

Mandrin entre alors officiellement dans une bande qui fait de la contrebande, en particulier de tabac, entre les cantons suisses, Genève, la France et les États de Savoie, alors souverains. Il en devient vite le chef.
En octobre, sa cinquième campagne, au Puy, tourne mal. Elle lui vaut une grave blessure au bras suite à un échange de tirs avec les troupes de la Ferme générale.
La Ferme, cette fois, obtient du roi l'intervention de l'armée.
Mandrin, qui eut tant aimé servir comme officier, est désolé par la perspective d'avoir à affronter des soldats royaux.
Se définissant lui-même comme Capitaine Général de Contrebandiers de France, il a plusieurs centaines de personnes sous ses ordres en majorité des savoyards, organisés comme un véritable régiment militaire.
Sa principale cible c'est la ferme générale, pas le peuple.
Il défie l'administration en en adoptant certaines caractéristiques outre l'organisation militaire.
Il force l'administration à lui acheter ses marchandises, et donne volontiers reçu. Il peut distribuer à l'occasion des cadeaux aux uns et aux autres.
Louis Mandrin a l'idée, lors d'une campagne, à Rodez, de vendre ses marchandises aux employés locaux de la Ferme sous la menace des armes.
En d'autres termes, il pille les caisses de l'institution.
Il libère les seuls prisonniers qui sont victimes de conflits avec l'administration des impôts, et évite de s'entourer de brigands et d'assassins.
Il essaie de commercialiser sa marchandise lors de grandes ventes publiques, le plus ouvertement possible en ayant pris la précaution de poster ses hommes tout autour du lieu où il procède pour prévenir les mauvaises surprises.
C'est en Savoie, duché faisant partie, à l'époque, du Royaume de Sardaigne, qu'il a ses dépôts d'armes et de marchandises, se pensant ainsi hors d'atteinte des Français. Son aire d'influence en France va bien au-delà du Dauphiné et couvre pratiquement toutes les actuelles régions Rhône-Alpes et Auvergne, la Franche-Comté, ainsi qu'une partie de la Bourgogne.

Les six campagnes

Durant l'année 1754, il organise six campagnes de contrebande6. Ne s'attaquant qu'aux impopulaires fermiers généraux, il reçoit rapidement le soutien de la population et d'une partie de l'aristocratie locale, ainsi que l'admiration de personnalités comme Voltaire.
Il achète en Suisse et en Savoie des marchandises, principalement tabac et étoffes, qu'il vend dans les villes françaises sans qu'elles soient soumises aux taxes des fermiers généraux. La population est enchantée. Bien vite une interdiction est faite d'acheter ses produits de contrebande. Mais à Rodez, il provoque les fermiers généraux en obligeant, sous la menace des armes, leurs propres employés à acheter ses marchandises.


Jugement du roi en 1755 condamnant Mandrin au supplice de la roue.

La Ferme générale, exaspérée par ce bandit qui devient toujours plus populaire, demande le concours de l'armée du Roi pour l'arrêter.

En octobre, sa cinquième campagne, au Puy, tourne mal. Elle lui vaut une grave blessure au bras suite à un échange de tirs avec les troupes de la Ferme générale. La Ferme, cette fois, obtient du roi l'intervention de l'armée. Mandrin, qui eut tant aimé servir comme officier, est désolé par la perspective d'avoir à affronter des soldats royaux.

Le régiment de chasseurs du capitaine Jean-Chrétien Fischer intervient précisément lorsque Mandrin lance sa sixième campagne, à Autun et Beaune, le 19 décembre 1754. Les contrebandiers sont pris en chasse alors qu'ils quittent Autun. C'est le massacre. Mais Mandrin arrive in extremis à s'enfuir en Savoie.


Des troupes légères et mobiles, les fusiliers de La Morlière, viennent en renfort des volontaires du Dauphiné en place. Mais il parvient encore à se réfugier en Savoie près des deux villes frontières de Pont-de-Beauvoisin. Les fermiers généraux décident alors de pénétrer illégalement dans le territoire du Duché en déguisant 500 hommes en paysans.
Ils arrêtent Mandrin au château de Rochefort-en-Novalaise, grâce à la trahison de deux des siens. Lorsque le Roi Charles-Emmanuel III de Sardaigne et de Savoie, Indigné par la violation de son territoire, demande à son neveu Louis XV la restitution du prisonnier.
Comme le roi de France s'apprête à lui céder, la Ferme générale pressés d'en finir avec Mandrin, accélèrent son procès et les formalités de jugement de son ennemi juré.
La condamnation tombe le 24 mai 1755 et elle est exécutée deux jours plus tard. Mandrin est roué vif à Valence le 26 mai, devant 6 000 curieux.

Il aurait enduré son supplice sans une plainte et aurait même demandé qu'on poursuive sa révolte contre le fisc.
Deux de ses frères chercheront à poursuivre un temps son action.


L'Héritage de Mandrin

L'homme est mort, mais c'est alors le début de la légende du bandit justicier qui a lutté contre l'iniquité des taxes de l'Ancien Régime. Elle est portée dans tout le pays par une chanson, la Complainte de Mandrin, dont on ne connaît pas les auteurs.
Son nom même, "Mandrin", est devenu à l'époque un nom commun.
L'expression "les Mandrins" désigna d'abord la bande de Mandrin elle-même, puis toutes les bandes contrebandières de la région, sa proximité avec le mot "malandrin" aidant.

Son portrait gravé et son aventure ont été colportés par toute la France, et au-delà.
Très populaire de son vivant puis à l'époque de la Commune de Paris, Mandrin demeure, aujourd'hui encore, très célèbre en Dauphiné et en Savoie, et dans une moindre mesure dans le reste de la France.
De nombreux lieux, en Rhône-Alpes et Auvergne, portent encore le nom de Mandrin, suite à son passage réel ou supposé.
À Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs ont lieu tous les cinq ans des festivités dédiées à Mandrin : ce sont les mandrinades.
Les habitants de ce bourg sont d'ailleurs appelés Mandrinois.
Si Mandrin et sa bande ont effectivement fait des victimes derrière eux, appliquant leur propre justice, ce n'est pas ce qui reste de sa légende.
Dans l'imaginaire collectif, il reste aujourd'hui le brigand héroïque, qui vole les riches en défiant gentiment la maréchaussée.

La complainte de Mandrin et ses contre-vérités


La complainte de Mandrin

Ce chant, daterait de 1755,
Ce chant, de date inconnue, est la plus célèbre des complaintes colportées à l'occasion ou après la mort de Mandrin.
Les chansons étaient propagées par des colporteurs sous forme de livrets où étaient imprimés les textes, sans partitions, mais où était précisé "sur l'air de… ." C'est pourquoi on choisissait toujours un air bien connu.
La tradition orale faisait le reste, modifiant ici la mélodie, et là un couplet.
Le thème musical serait inspiré d'un air d'un Opéra comique de Charles-Simon Favart qui aurait lui-même parodié en 1742, en passant du mode mineur au mode majeur, un prélude instrumental (Acte I, scène III) de l'opéra de Jean-Philippe Rameau, Hippolyte et Aricie (1733) .
D'importants passages du texte ne correspondent pas à la réalité :
La bande de Mandrin ne s'habillait pas en blanc pour se déguiser en marchands
L'activité principale pour laquelle Mandrin fut jugé n'était pas le brigandage et le vol mais la contrebande qui n'apparaît même pas dans le texte.
Mandrin n'a pas été pendu à Grenoble mais roué à Valence
De fait, ces passages font écho à d'autres chants, principalement les Trente voleurs de Bazoges qui se réfèrent à des évènements antérieurs de plusieurs siècles à la cavale de Mandrin.
La forme même n'est pas tout à fait conforme aux complaintes de l'époque : pas de phrase d'introduction, peu de couplets, un semblant de refrain.
La complainte de Mandrin a été popularisée au xixe siècle sous la Commune de Paris, puis dans les mouvement de jeunesse des années 1930-1940. Elle a depuis été enregistrée à de nombreuses reprises par de Yves Montand, Guy Béart, La Varda….

Paroles

Nous étions vingt ou trente,
Brigands dans une bande,
Tous habillés de blanc,
À la mode des…
Vous m'entendez ?
Tous habillés de blanc
À la mode des marchands.

La première volerie
Que je fis dans ma vie
C'est d'avoir goupillé,
La bourse d'un…
Vous m'entendez ?
C'est d'avoir goupillé
La bourse d'un curé.

J'entrai dedans sa chambre
Mon Dieu, qu'elle était grande !
J'y trouvai mille écus,
Je mis la main…
Vous m'entendez ?
J'y trouvai mille écus,
Je mis la main dessus.

J'entrai dedans une autre,
Mon Dieu, qu'elle était haute !
De robes et de manteaux
J'en chargeai trois…
Vous m'entendez ?
De robes et de manteaux,
J'en chargeai trois chariots.

Je les portai pour vendre
À la foire en Hollande.
J' les vendis bon marché,
Ils n' m'avaient rien…
Vous m'entendez ?
J' les vendis bon marché,
Ils n' m'avaient rien coûté.

Ces Messieurs de Grenoble
Avec leurs longues robes,
Et leurs bonnets carrés,
M'eurent bientôt…
Vous m'entendez ?
Et leurs bonnets carrés
M'eurent bientôt jugé.

Ils m'ont jugé à pendre,
Ah ! c'est dur à entendre !
À pendre et étrangler,
Sur la place du…
Vous m'entendez ?
À pendre et étrangler,
Sur la place du Marché.

Monté sur la potence
Je regardai la France,
J'y vis mes compagnons,
À l'ombre d'un…
Vous m'entendez ?
J'y vis mes compagnons,
À l'ombre d'un buisson.

Compagnons de misère,
Allez dire à ma mère,
Qu'elle ne me reverra plus,
Je suis un enfant…
Vous m'entendez ?
Qu'elle ne me reverra plus,
Je suis un enfant perdu !

La Mandrinade

La Mandrinade est une épitaphe populaire chantant les louanges de Mandrin :

Le Mandrin dont tu vois le déplorable reste,
qui termina ses jours par une mort funeste,
Des gardes redoutés, des villes la terreur,
Par des faits inouïs signala sa valeur,
Déguisant ses desseins sous le nom de vengeance.
Deux ans en plaine paix il ravagea la France,
Dans ses incursions, ami des habitants,
Taxa d'autorité les caisses de traitants.
Lui seul à la justice arrachant ses victimes
Il ouvrit les prisons et décida des crimes.
Quoiqu'en nombre inégal, sans se déconcerter,
Aux troupes de son prince il osa résister
Il fut pris sans pouvoir signaler son courage.
D'un Å“il sec et tranquille il vit son triste sort.
Fameux par ses forfaits, il fut grand par sa mort.

Dans la culture populaire

Au cinéma

1924 : Mandrin, film muet réalisé par Henri Fescourt
1948 : Mandrin, 1re époque : Le libérateur réalisé par Claude Dolbert
1948 : Mandrin, 2e époque : La tragédie d'un siècle réalisé par Claude Dolbert
1962 : Mandrin, bandit gentilhomme réalisé par Jean-Paul Le Chanois d'après l'œuvre d'Arthur Bernède.
2011 : Les Chants de Mandrin réalisé par Rabah Ameur-Zaïmeche.

À la télévision

1971 : Série télévisée en 6 épisodes : Mandrin, bandit d'honneur

Bande dessinée
1975: la bande dessinée Les aventures de Mandrin, faite par Vicq (scénario) et (Franz) (dessins), est publiée dans Tintin. Recueil édité par Bédéscope12 en 1980.

En musique
1976 : le groupe de Rock Ange des frères Décamps écrit un concept album dédié à son histoire : Par les fils de Mandrin. Cependant il ne reste dans cette création musicale que le nom de Mandrin, l'album relatant un récit totalement imaginaire.

Au musée
Au Musée dauphinois de Grenoble, une exposition Louis Mandrin, malfaiteur ou bandit au grand cœur ? a eu lieu du 13 mai 2005 au 27 mars 2006.
Certains des objets exposés supposés être ceux de Mandrin (pistolet, faux fer à cheval) ont été prêtés par le Musée-Pontois des 2 villes de Pont-de-Beauvoisin.
Maison de Mandrin Lieu présumé d'un de ses larcins, avec rue pavée adjacente montrant Mandrin sur la roue et petite arche montrant Mandrin en armes avec la citation Ici sévit Mandrin , à Brioude en haute loire.
En 2002, son nom est donné à une bière grenobloise aux noix



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La contreverse sur la vérité historique


Mandrin: légende ou réalité

Légende ou réalité


« - C’était en 1754 pendant un de mes semestres. Je revenais un soir de la chasse avec La Jeunesse, lorsqu’en descendant ce chemin que nous allons monter, nous aperçûmes, à la place même où nous sommes, une troupe de trois ou quatre cents hommes, à figures terribles, armés jusqu’aux dents et vêtus de mille façons toutes plus bizarres les unes que les autres. Ils étaient rangés en ligne de bataille, et exécutaient avec des fusils de tous les calibres des mouvements d’exercice qui leur étaient ordonnés par un homme à cheval qui paraissait leur chef.
Nous nous arrêtâmes, La Jeunesse et moi, ce qui du reste nous fit grand plaisir, car nous apportions sur nos épaules, depuis la forêt de Clefmont, un ragot de 190 livres. Un de nos chiens étonné de voir cette foule dans ce lieu ordinairement désert, se mit à hurler ; à ce bruit l’individu qui paraissait le chef tourna la tête, mit son cheval au galop et vint droit à nous.
-Ne seriez vous pas le marquis de Bologne ? me dit il d’un ton parfaitement poli, en ôtant son chapeau avec toute la bonne grâce d’un gentilhomme accompli ?
Je répondis affirmativement.
-Je sais - continua-t-il – que vous êtes un des meilleurs officiers des armées du roi, et vous m’obligeriez si vous vouliez bien faire manœuvrer mes gens pendant quelques minutes. J’ai un peu oublié tout cela, et les drôles ne veulent pas m’écouter.
-A qui ai-je l’honneur de parler ? –demandai-je au cavalier, qui était un beau garçon, ma foi.
-Je suis la terreur de la gabelle, l’effroi des douaniers… mon nom est Mandrin.
-Comment donc, monsieur Mandrin ! Mais je suis enchanté de vous voir et je serais trop heureux de vous être agréable : et laissant mon sanglier sous la garde de La Jeunesse , je me présentai hardiment sur le front de cette bande de coquins, et je la fis manœuvrer pendant une bonne demi-heure ; puis nous nous séparâmes les meilleurs amis du monde. Le lendemain, on trouva sur la table de la cuisine, sans savoir qui les avait apportés là, deux paquets, l’un très gros et très lourd à mon adresse, l’autre petit et léger à l’adresse de ma pauvre femme. Le premier contenait douze livres d’excellent tabac de contrebande, le second une magnifique dentelle d’Angleterre : c’étaient deux témoignages de la reconnaissance de Mandrin…. »

Ecrivains et imagiers populaires ont fait de l’illustre contrebandier un des héros les plus familiers de leur époque . Louis Dominique Mandrin, « capitaine général des contrebandiers », est il réellement passé dans les forêts haut marnaises ? Même si on ne voit pas bien à quelle occasion, la réponse, tout comme l’affirmation ci dessus, appartiennent au domaine des hypothèses. Après tout, pourquoi pas !

Pendant l’année 1754, il n’entreprend pas moins de six campagnes contre la Ferme générale.
Au début de chacune d’elles, il achète du tabac et quelques autres marchandises en Suisse et dans le duché indépendant de Savoie, puis pénètre ensuite en territoire français avec quelques dizaines de complices, investit une ville ou une autre et vend ses marchandises au vu et au su de chacun, pour la plus grande satisfaction des habitants, ravis de l'aubaine. Louis Mandrin a l'idée, lors d'une campagne, à Rodez, de «vendre» ses marchandises aux employés locaux de la Ferme sous la menace des armes. En d'autres termes, il pille les caisses de l'institution. En octobre, sa cinquième campagne, au Puy, tourne mal. Elle lui vaut une grave blessure au bras suite à un échange de tirs avec les troupes de la Ferme générale. Cette dernière obtient alors du roi l'intervention de l'armée. Mandrin, qui eut tant aimé servir comme officier, est désolé par la perspective d'avoir à affronter des soldats royaux. Le régiment de chasseurs intervient précisément lorsque le contrebandier lance sa sixième campagne, à Autun et Beaune, le 19 décembre 1754. Les malfrats sont pris en chasse alors qu'ils quittent Autun, mais Mandrin arrive in extremis à s'enfuir en Savoie, non sans avoir massacré quatre employés de la Ferme le 22 décembre au Breuil près de Vichy.

Le capitaine des troupes de la Ferme générale déguise alors 500 de ses hommes en paysans et les fait pénétrer en toute illégalité sur le territoire du duché. Mandrin, est pris avec trois comparses et ramené en France, à Valence. Indigné par la violation de son territoire, le duc Charles-Emmanuel III de Savoie demande à son neveu, Louis XV, la restitution du prisonnier. Comme le roi de France s'apprête à lui céder, la Ferme générale accélère les formalités de jugement de son ennemi juré. La condamnation tombe le 24 mai 1755 et elle est exécutée deux jours plus tard. Il subit d'abord la torture des brodequins: ses jambes sont écrasées entre deux planches en vue de lui faire avouer le nom de ses complices; puis il est conduit à l'échafaud sur la place du Présidial. Le bourreau brise alors ses membres à coups de barre et expose le condamné face au ciel sur une roue de carrosse. Le fier contrebandier supporte le supplice sans mot dire. Au bout de huit minutes, le bourreau l'étrangle à la demande de l'évêque, touché par son repentir, mettant ainsi fin à ses souffrances.
Malgré ses nombreux crimes, la légende de Mandrin n’a fait que croître et embellir. De son vivant les colporteurs et autres marchands ambulants célébraient ses exploits. Voltaire osa même quelques lignes : « On prétend à présent qu’ils n’ont plus besoin d’asile, et que Mandrin, leur chef, est dans le cœur du royaume, à la tête de six mille hommes déterminés ; que les soldats désertent les troupes pour se ranger sous ses drapeaux, et que s’il a encore quelques succès, il se verra bientôt à la tête d’une grande armée. Il y a trois mois, ce n’était qu’un voleur ; c’est à présent un conquérant. »

Toutefois deux éléments sèment le doute sur la crédibilité de ce récit. Ecot tout comme Clinchamp Millières et Esnouveaux étaient les passages obligés des contrebandiers-faux-sauniers en provenance d’Ozières , et de ce fait le secteur était parcouru régulièrement par les gabelous des différentes brigades sillonnant le secteur. Ce n’est probablement pas le meilleur endroit pour s’y réfugier, même quant on s’appelle Mandrin.
Le second doute concerne la récompense apportée le lendemain au château du marquis Charles Camille Capizuchi de Bologne. Cet événement ne trouble pas l’abbé Paul Maitrier, qui donne pourtant avec précision les renseignements biographiques de la famille du marquis de Bologne et qui relate brièvement l’histoire du cadeau de Mandrin , ni Paul Laforêt dans sa biographie « un veneur d’autrefois », qui, bien qu’ayant rencontré les descendants et autres parents de la fille du marquis, prend cette histoire au mot : Il y a un présent pour l’épouse du marquis. Or celle ci, née Françoise Antoinette de Choiseul Beaupré, était décédée depuis le 17 avril 1751 alors qu’elle mettait au monde une fille : Marguerite Françoise . De plus depuis cette date le marquis de Bologne avait fixé sa résidence cynégétique à Thivet, donc bien loin de Clefmont avec de nombreuses brigades de ferme ou de capitaineries à traverser, et il ne revenait plus à Ecot la Combe que pour les fêtes et autres unions familiales.

Quand le doute s’emmêle, reconstituer la vie de nos ancêtres est parfois bien compliqué. Mais finalement qui ne connaît pas de récits cynégétiques légèrement enjolivés ? Surtout quand celui qui les raconte est le propre neveu du héros, et de surcroît chasseur lui même !

Didier DESNOUVAUX


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Des "Chants de Mandrin" qui sonnent faux

A Locarno était présenté, dans la compétition principale, le prometteur Les Chants de Mandrin, de Rabah Ameur-Zaïmeche (Wesh Wesh qu'est-ce qui se passe ?, Dernier Maquis). Le moins qu'on puisse dire est que ce film m'a laissé perplexe, tout comme les trois amis qui m'accompagnaient et une bonne partie des spectateurs de l'auditorium - il faut avouer que les festivaliers avaient, quel que soit le film, une méchante tendance à se sauver en cours de projection, si possible bruyamment, mais celui-ci est le seul du séjour où une furieuse envie de les imiter s'est emparée de moi au bout d'une petite demi-heure.

Louis Mandrin, célèbre et populaire contrebandier, ennemi des fermiers généraux et amis des petites gens, est mort roué en 1755 - sur le supplice de la roue, notre ami Wiki vous en dira plus. À cette date, RAZ - j'ai cru comprendre que, dans les milieux autorisés, on s'autorise à utiliser l'acronyme plutôt que le nom entier - s’empare du destin d’une bande de quelques contrebandiers orphelins de Mandrin mais, fort heureusement pour eux, dirigés par le courageux et sympathique Bélissard (rôle tenu par le réalisateur himself). Ce Billy The Kid du Larzac est une fine gâchette à qui il ne vaut mieux pas chercher de noises si on ne veut pas finir avec un trou dans le ventre. Il compte parmi ses compagnons un grand gaillard super balèze et chauve, qui pose des pièges pour attraper des lapins et qui en connaît un sacré rayon sur les bêtes, les plantes, les fleurs, la forêt, tout ça, encore plus que son chef, qui n’est pourtant pas mal non plus. Tout ce petit monde est bien entendu adoré de la population et il faut dire qu’ils sont bons commerçants : toujours un sourire pour une jolie villageoise, un regard complice pour un bon client, un slogan encourageant pour le passant indécis.

Voilà une bande de joyeux pied-nickelés, écolos, humanistes, terriblement à cheval sur certains principes mais qui ne sont pas les derniers quand il s’agit de faire ripaille, boire, chanter, danser et rire, qui n’hésitent pas à aller courageusement embrocher toute une garnison pour libérer un compagnon fait prisonnier et qui, last but not least, sont de vrais monstres quand il s’agit de dresser une barricade en quelques minutes et, dans la foulée, zigouiller en moins de deux un escadron de dragons venus – arrogants qu’ils sont – les arrêter. Cette dernière scène, filmée totalement à contre-temps résume à elle seule tout le film : quand on apprend que nos héros au grand cœur sont encerclés, on s’attend à une sorte de climax, de palpitation. Des clous ! L’affaire est réglée en trois coups de fusils - tous font mouche, qu'on se le dise – et le film reprend aussitôt son train de sénateur. Refus du spectaculaire, qui serait aussi racoleur ? A quel prix...

J’oubliais : nos contrebandiers ont aussi des copines, qui apparaissent subitement aux deux tiers du film, c’est-à-dire qu’une bonne partie du public de Locarno n’a donc pas eu la chance de les voir, ce qui est dommage car elles sont toutes très jolies, souriantes et pas les dernières pour la gaudriole, symbolisée avec une finesse infinie par un long gros plan fixe sur un décolleté palpitant.

Pour finir tout à fait les présentations, il faut ajouter que le groupe – à l’instar des personnages qui croisent sa route – a tendance à s’exprimer d’une manière assez déroutante. D’un côté, tous déclament un peu, utilisant quelques termes désuets qui font bien « Ancien Régime », comme lorsqu’ils distribuent du « messire » à leurs clients. De l’autre, ils ne manquent pas de lancer quelques « putain bordel la vache » et autres « allez les gars ». Ce qui donne une sorte d’hésitation de près de deux heures entre film en costumes et discours d’aujourd’hui sur aujourd’hui pour aujourd'hui. À croire que le réalisateur-scénariste, non content de faire porter sa plus précieuse marchandise par une mule croisée avec un pur-sang arabe (fine et belle allusion, n'est-ce pas), ni de faire comme si la population française du XVIIIe siècle était globalement alphabétisée - les livres se vendent comme des petits pains, craignait que le public n’ait toujours pas bien compris que non, il n’est pas seulement venu voir un film d'époque mais bien une histoire du temps présent, ou plutôt une fable de toujours, sur les proscrits, les rebelles, les révoltés d’ici et d’ailleurs, poursuivis par des représentants de l'autorité aussi bornés qu'uniformés.

Reste une sorte de fil directeur à ce scénario misant beaucoup sur la patience du spectateur. Avec l’aide d’un marquis poète et presque aussi sympa que nos brigands – joué par Jacques Nolot, seul à tirer son épingle du jeu –, les héritiers de Mandrin se lancent dans l’aventure de la propagande, en faisant imprimer puis en diffusant une biographie de leur héros défunt, ainsi que quelques poèmes – « en vers burlesques », nous est-il rappelé une petite douzaine de fois avec l'adjectif « burlesques » déclamé avec conviction – relatant ses aventures. Le tout grâce à un gentil imprimeur – campé par Jean-Luc Nancy, apparition surréaliste –, aidé par un sympathique ouvrier qui n’est manifestement pas comédien mais qui fait du bon boulot – n'étant pas spécialiste, je fais confiance à son patron, gagné par l'extase à la découverte des premiers exemplaires du brûlot.

Armé de ma plus totale incompréhension face à ce film et sa présence à Locarno, je fais deux hypothèses. La première : Rabah Ameur-Zaïmeche, comme en témoignent ses échanges avec le public après la projection – regard vers l'horizon, air grave et pénétré, tirade improbable sur les « léopards de la jungle helvétique » (sic et re-sic) – se prend un brin au sérieux. La seconde, à relier à mon post-scriptum : le fond – qui suffit amplement à nourrir ma perplexité – semble être parvenu, aux yeux des thuriféraires de ce film, à masquer la vacuité de la forme et les grosses ficelles traversant l'écran. Ce ne sera sans doute pas la première ni la dernière fois dans l'histoire du cinéma, certes.

Rabah Ameur-Zaïmeche, Les Chants de Mandrin,

liens à écouter

http://youtu.be/JCwsASjtryw complaine de Mandrin par yves Montand

A voir/écouter


http://youtu.be/ZxexUzIuJsk interview Mandrin 1
http://youtu.be/9I5Lr69Bpl0 interviexw mandrin 2
http://youtu.be/QTupAb9tXiU interview mandrin 3
http://youtu.be/DGQVE9KWZKs interview mandrin 4
http://youtu.be/qULnoeOQuJI interview mandrin 5



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Posté le : 26/05/2013 14:36
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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