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Insurrection du 23 Juin 1848 à Paris
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23 juin 1848 : Insurrection ouvrière à Paris

Le 23 juin 1848 éclatent à Paris de violentes émeutes de la faim provoquées par la fermeture des Ateliers nationaux.

Ces ateliers de bienfaisance avaient été créés quelques mois plus tôt par le gouvernement provisoire de la IIe République. Ils avaient pour vocation de procurer aux chômeurs un petit revenu en échange d'un travail symbolique.
Dans la foulée, le gouvernement provisoire avait même publié un décret réduisant d'une heure la durée de la journée de travail pour tous les salariés parce que, selon ses termes, «un travail manuel trop prolongé non seulement ruine la santé mais en l'empêchant de cultiver son intelligence porte atteinte à la dignité de l'homme».
C'est ainsi que la journée de travail était tombée à... dix heures à Paris et à onze en province (serait-ce que le travail est plus éprouvant à Paris qu'ailleurs ?).
La République trahit les ouvriers.
Une Assemblée constituante est élue le 13 avril dans la précipitation pour mettre en place les institutions de la IIe République.
Le suffrage universel amène à l'Assemblée une forte majorité de notables provinciaux, très conservateurs et méfiants à l'égard du peuple ouvrier de Paris.
Dans l'attente d'une Constitution, c'est une Commission exécutive issue de l'Assemblée qui dirige le pays.
Elle décide le 20 juin de supprimer les Ateliers nationaux avec l'espoir d'étouffer ainsi l'agitation ouvrière. C'est le contraire qui se passe. Sur 120.000 ouvriers licenciés par les Ateliers nationaux, 20.000 descendent dans la rue le 23 juin 1848.
Ils forment jusqu'à 400 barricades. La Commission exécutive charge le général Louis-Eugène Cavaignac de la répression. Celle-ci est terrible, à la mesure de l'effroi qu'éprouvent les bourgeois de l'Assemblée. Le 25 juin 1848, les insurgés résistent encore à l'Est de la capitale, entre Bastille et Nation.
Monseigneur Denis Affre, archevêque de Paris (55 ans), s'interpose entre les insurgés et la troupe, sur une grosse barricade, à l'angle des rues de Charenton et du faubourg Saint-Antoine.
Un crucifix à la main, cet homme d'un naturel timide appelle les frères ennemis à la réconciliation. Les coups de feu s'interrompent. Mais un roulement de tambour réveille les pulsions de mort.
Les coups de feu reprennent. L'archevêque s'écroule. Il murmure avant de mourir : «Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis».Le lendemain, le général Lamoricière prend d'assaut cette barricade ainsi que toutes celles qui suivent (autotal 65 entre Bastille et Nation !). C'est la fin de l'insurrection.
Au total, du 23 au 26 juin, en trois jours de combats dans l'ensemble de la capitale, on relève 4.000 morts parmi les insurgés et 1.600 parmi les forces de l'ordre.
Le gouvernement républicain arrête 15.000 personnes et en déporte des milliers sans jugement. Les journées de Juin 1848 coupent la IIe République de sa base populaire. Signe des temps, le 9 septembre 1848, le décret du 2 mars sur la journée de dix heures est abrogé.
Aux élections présidentielles de décembre 1848, l'absence d'une opposition républicaine de gauche et le discrédit dans lequel sont tombés les républicains permettent au
prince Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de l'Empereur, de se faire élire président de la République sans trop de mal, en promettant la paix et des réformes sociales.

Silence forcé. - Désolation.

Nous ne voulons pas irriter les passions, et par conséquent il nous est impossible de dire toute la vérité.
Nous avons d'ailleurs l'âme trop désolée, trop oppressée par la douleur pour que nous puissions nous expliquer librement aujourd'hui.
De quelque côté que soient les torts, les excès, les souffrances, nous en sommes navré.
Folie ou crime, c'est toujours un malheur que nous déplorons pour la Patrie et pour l'Humanité.
Et loin de vouloir envenimer le mal, nous voudrions pouvoir, même au prix de notre vie, trouver le moyen d'y remédier.
Horrible situation.

C'est la misère pesant sur toutes les classes, sur le fabricant et le négociant comme sur l'ouvrier, qui a déterminé la Révolution de février.
Après la victoire, le Peuple s'est montré généreux et humain.
Il ne demandait que la justice et l'ordre, ses droits en respectant ceux des autres, d'abord du travail et du pain, puis des améliorations successives en conciliant tous les intérêts, puis le bien-être en travaillant, sans oppression, ni spoliation, ni exploitation pour personne.
Qu'il était facile alors de consolider la République en la faisant aimer !
Mais l'inexpérience, l'incapacité, la faiblesse, l'hésitation, le défaut de cœur et d'amour dans de téméraires et ambitieux gouvernans ont tout perdu ou tout compromis.
Et voici les partis reformés, les passions allumées, la confusion et le chaos, la discorde et la guerre !
Nous voici lancés dans toutes les horreurs de la guerre civile par une insurrection née de la faim et du désespoir !
Peut-être 250,000 soldats contre 20,000 ouvriers ! D'effroyables fusillades et d'effroyables canonnades, comme dans une grande bataille !...
Même un bombardement !
Et ce sont des Français contre des Français, des frères contre des frères !...
Et le sang coule à flots des deux côtés !
Quel courage perdu dont la France aurait pu se glorifier !
Et après...? Si les travailleurs sont écrasés par le nombre, ceux qui survivront seront-ils plus contens ! La misère aura-t-elle disparu ? Les vainqueurs seront-ils tranquilles et heureux ?
Quel avenir, si l'étranger veut profiter de nos divisions !
En tuant tant d'hommes de courage, nous nous suicidons !
Hâtons-nous donc de diminuer le mal, au lieu de l'aggraver : c'est évidemment l'intérêt de tous !
Misère générale.

Comment le contester ? La misère est partout ; 100,000 ouvriers peut-être dans Paris ne travaillent plus depuis quatre mois, par conséquent ne gagnent plus rien et n'ont rien ! On ne conçoit vraiment pas comment le plus grand nombre peut vivre ! Ceux qui avaient quelques économies les épuisent ; la Caisse d'épargne a fait banqueroute à beaucoup ; l'avenir est affreux pour tous ! Et les fabricans, les négocians, le petit commerce surtout, ne sont pas plus heureux !
Ateliers nationaux.

Plus de 100,000 ouvriers font partie des ateliers nationaux à Paris ; mais leur salaire, considérable pour le trésor public, est insuffisant pour eux, surtout pour ceux qui ont de la famille ; les travaux qu'on leur a confiés ont été mal choisis, sont généralement inutiles et les dégoûtent par leur inutilité.
Puis on les a insultés, irrités, désespérés, en les traitant de fainéans et de voleurs, en les menaçant de dissolution et de dispersion s'ils refusaient de s'enrôler dans l'armée.
Quelques milliers étaient déjà partis sans trouver le travail qu'on leur avait promis ; beaucoup étaient revenus pour en prévenir leurs camarades ; d'autres milliers étaient désignés pour partir le 24 juin ; des demandes présentées par eux au Gouvernement le 22 n'avaient pas été accueillies.
Et c'est dans cette situation qu'éclate l'insurrection du 23.
Et tout cela c'est la faute du Gouvernement depuis le 24 février, qui a mal organisé les ateliers nationaux, et qui a laissé dilapider les ressources financières de l'État.
Intrigues des Prétendans.

Que les partis d'Henri V, de la Régence, de Napoléon, aidés plus ou moins par l'or étranger, aient cherché à exploiter la misère et le désespoir des travailleurs, c'est ce qui ne peut être douteux pour personne : l'argent trouvé sur plusieurs des insurgés, la présence d'anciens gardes municipaux aux barricades, les cris proférés souvent auparavant, plusieurs drapeaux blancs arborés et saisis, mille autres preuves, ne peuvent laisser aucun doute à cet égard.
Et si les manœuvres des prétendans et de l'étranger ont pu égarer une partie de ces malheureux ouvriers, c'est encore la faute du Gouvernement provisoire et du Pouvoir qui l'a remplacé.
Insurrection du 23 juin.

Ce n'est pas une émeute, mais une insurrection.
Dès le matin du vendredi 23, l'insurrection commence dans les faubourgs Saint-Jacques et Saint-Marceau, puis s'étend rapidement sur la moitié de Paris, comprenant toute la partie de l'est et du centre, les faubourgs Saint-Antoine, du Temple, Popincourt, Saint-Martin, Saint-Denis, Poissonnière et la Cité.
Elle paraît se diriger sur l'Hôtel-de-Ville et la Préfecture de police, pour marcher ensuite sur le palais Bourbon.
Partout s'élèvent d'innombrables et formidables barricades, et les insurgés s'emparent des maisons voisines pour attaquer et s'y défendre avec acharnement.
Mais, en s'enfermant ainsi, les insurgés ne pourront ni répandre leurs proclamations dans l'autre moitié de Paris, ni avoir aucune communication avec elle, ni en recevoir aucun secours.
On laisse d'abord faire.

Jusqu'à 10 et 11 heures, l'insurrection ne rencontre aucun obstacle pour ses barricades : Pourquoi ? Est-ce ignorance de la part du Pouvoir ? Mais tant de négligence, tant d'incurie, une si grande faute, au milieu d'une situation si agitée, n'est pas possible, et pas croyable, ou serait inexcusable.
On a bien dit que quelques hommes du Pouvoir avaient laissé échapper ces mots : « Il faut en finir avec les Ouvriers ; il faut leur donner une leçon. » Si le fait était vrai, il indiquerait qu'on croyait la chose plus facile et la leçon moins coûteuse ; mais quelle responsabilité envers les vainqueurs comme envers les vaincus !
Ce n'est que vers 10 et 11 heures que la générale ou le rappel se fait entendre partout pour réunir la Garde nationale, qui n'accourt généralement qu'en petit nombre, tandis que, dans plusieurs quartiers, elle reste immobile et que, dans les quartiers insurgés, elle prend plus ou moins part à l'insurrection.
Le Public ne sait rien.

Cette insurrection éclate comme une bombe ; le public, même les hommes qui devraient être avertis et connaître, ne savent rien, ni la résolution, ni la force, ni le plan, ni le but.
Les insurgés font imprimer quelques proclamations dans le faubourg Saint-Antoine ; mais elles restent inconnues, sans d'ailleurs s'expliquer assez.
Ainsi, qui commence l'insurrection, sont-ce des ouvriers isolés ou les Ateliers nationaux en corps ? Combien sont à peu près les insurgés ? Ont-ils des armes, des munitions, du canon ? Que veulent-ils, Henri V, ou Napoléon, ou la Régence, ou la République ? Quelle République ? Quels sont leurs chefs ? Quel est leur Gouvernement désiré ? - On ignore tout.
On fait croire que la République est menacée.

Le gouvernement fait croire à la garde mobile, à l'armée, à la garde nationale, au public, que les insurgés sont des agens d'Henri V, surtout de Napoléon.
Aussi la Garde mobile se précipite au cri de vive la République ! comme si l'insurrection menaçait la République.
Partout les républicains restent incertains, paralysés, immobiles.
Faux bruits.

Mille faux bruits circulent pour rendre les insurgés odieux, pour irriter les Gardes mobiles, les soldats et les Gardes nationaux.
Par exemple, on affirme que les insurgés ont coupé la tête à cinq Gardes mobiles faits prisonniers, qu'ils ont coupé les poignets à d'autres, qu'ils en ont pendu, scié, etc., etc.
Un grand journal réactionnaire affirme même, le 27, que les insurgés avaient inscrit sur leurs drapeaux : Viol et Pillage.
Un autre journal réactionnaire annonce un autre bruit également faux.
Faux bruit sur le citoyen Cabet.

Dans le journal l'Assemblée nationale du 25, répété par le Drapeau national du 26, on lit :
« Minuit. - La Bastille. - Les chefs. De l'église protestante Sainte-Marie, rue Saint-Antoine, à la maison de face qui forme angle de la place de la Bastille, une immense barricade est dressée. Le faubourg Saint-Antoine et la place de la Bastille appartiennent aux ouvriers, leurs chefs sont avec eux, tous les ordres partent de là, - le mot d'ordre et de ralliement est celui-ci : Mourir en combattant ou vivre en travaillant. - Les noms des chefs sont ceux-ci : Hubert, Cabet, Louis Lebon, etc. - Les derniers ont donné les ordres de dresser pendant la nuit le plus de barricades possible, - de faire mettre dans les rangs des gardes nationaux beaucoup d'ouvriers, afin de savoir parfaitement ce qui se passe de leur côté, et à un moment donné, de mettre ainsi la garde nationale entre deux feux. »
On sent combien une pareille assertion est dangereuse pour le citoyen Cabet, contre qui la garde nationale a déjà poussé tant de cris de mort ! Eh bien, c'est une fausseté matérielle, comme, quand on a affirmé qu'il était au Champ-de-Mars le 16 avril et même qu'il était à cheval à la tête d'une armée de factieux, comme quand on a dit ensuite qu'il était à Marseille.
Aussitôt que le citoyen Cabet a connaissance de cet article, il fait écrire à beaucoup de journaux pour le démentir : mais rien ne peut leur arriver pendant plusieurs jours ! On aurait le temps d'être fusillé cent fois avant de pouvoir réclamer ; et plusieurs journaux, notamment le Siècle, refusent de publier la réclamation.
Immenses préparatifs du Pouvoir.

Depuis longtemps, les troupes de toutes armes (infanterie, cavalerie, artillerie, génie militaire, sapeurs, mineurs et pompiers) étaient concentrées à Paris et dans les environs, 100,000 hommes peut-être, en y comprenant 24,000 hommes de la garde mobile, et cette armée jointe à plus de 150,000 gardes nationaux de Paris et à des milliers de gardes nationaux appelés ou accourus d'un grand nombre de villes, était assurément l'une des plus grandes armées mises en mouvement dans les grandes batailles.
Grande bataille.

C'est en effet une grande bataille que celle qui a duré quatre jours, du 23 au 26, et dans laquelle plus de dix généraux ont figuré à la tête d'une aussi grande armée. On a tiré plus de 2,000 coups de canon et plusieurs millions de coups de fusil. Les combats de juillet 1830 et de février 1848 étaient peu de chose comparés au dernier. C'était effroyable ! Et un bombardement pour incendier ou pour écraser le faubourg Saint-Antoine !.... Ah ! le récit détaillé fera frémir d'horreur !
Entre qui la guerre.

Ainsi, la guerre existe entre l'insurrection et l'Assemblée nationale, défendue par la Garde nationale, par la Garde mobile et par l'Armée.
État de siège. - Dictature.

L'Assemblée nationale discutait un projet de décret pour la dissolution, sous trois jours, des Ateliers nationaux, lorsque, le 23, on vient lui annoncer que les barricades ont commencé. Garnier-Pagès, au nom de la Commission exécutive, déclare qu'elle a pris les mesures nécessaires pour en finir avec les agitateurs et qu'elle ne manquera pas de vigueur et d'énergie pour faire rentrer dans l'ordre les Ateliers nationaux et les forcer à l'obéissance.
Lamartine demande qu'on ait confiance dans la Commission, en promettant d'agir vigoureusement et d'aller mêler son sang, s'il le faut, à celui de la Garde nationale pour abattre les barricades.
On demande que l'Assemblée se porte elle-même sur les barricades : mais elle se borne à se déclarer en permanence.
Bientôt, à la séance du soir, on annonce que le général Clément Thomas vient d'être blessé ; mais que Lamartine et Arago viennent d'enlever chacun une barricade à la tête de la Garde nationale et de la troupe.
Arago déclare aux insurgés, qui veulent négocier, qu'on n'entendra rien tant qu'ils n'auront pas déposé les armes.
C'est en vain que Considérant, Caussidière et Beaune proposent une proclamation de l'Assemblée aux insurgés dans l'espoir de faire cesser l'insurrection ; on leur crie qu'ils favorisent l'émeute et qu'on veut au contraire en finir avec les émeutiers.
Garnier-Pagès vient annoncer à 11 heures du soir que les insensés et les factieux vont être réduits et ramenés à l'ordre ; que le faubourg Saint-Antoine donne seul encore de l'inquiétude ; mais qu'il espère que demain on en finira avec les insurgés, qui n'ont d'autre drapeau que l'anarchie et le pillage.
Le 24, à huit heures du matin, le président annonce que la garde nationale de la banlieue arrive en masse ; que toutes les troupes montrent la plus grande énergie, et que dans la journée, et dans deux heures peut-être, l'insurrection sera dominée.
Par un décret, l'Assemblée déclare que la République adopte les enfans et les veuves des gardes nationaux tués dans le combat.
Peu après, à 9 heures 35 minutes, sur la proposition de Pascal Duprat, et malgré la protestation de plus de 60 représentans, l'Assemblée déclare Paris en état de siège, et concentre tous les pouvoirs exécutifs entre les mains du général Cavaignac, en se maintenant elle-même en permanence.
La Commission exécutive se trouve ainsi tacitement supprimée ou destituée, sans qu'on lui fasse l'honneur de parler d'elle : Quelle fin !
Soixante représentans sont désignés pour porter ce décret aux mairies et aux principaux postes de la garde nationale.
Cependant l'état de siège s'exécute : dans tous les quartiers non-occupés par l'insurrection, la Garde nationale, toujours de plus en plus nombreuse, fait fermer les portes et les croisées, empêche toute circulation et toute communication. Paris n'est plus pour ses habitans qu'une vaste prison, tandis que ses rues, etc., ne sont plus qu'un vaste corps-de-garde ou qu'une vaste citadelle.
Bientôt onze journaux sont suspendus par le motif, dit une note officielle communiquée à tous les journaux, que leur rédaction était de nature à prolonger la lutte. Ces onze journaux sont : la Presse, - l'Assemblée nationale, - la Liberté, - la Vraie République, - l'Organisation du travail, - le Napoléon républicain, - le Journal de la Canaille, - le Lampion, - le Père Duchêne, - le Pilori, - la Révolution de 1848.
Courage.

Il paraît que tout le monde, soldats, Garde mobile, Garde Républicaine, Garde nationale de Paris, de la Banlieue et des villes voisines, montrent, comme les Ouvriers, un admirable courage, au-dessus de toute expression, les uns pour attaquer de formidables barricades défendues par un feu meurtrier dirigé depuis les croisées des maisons adjacentes, les autres pour les défendre contre le canon, contre d'effroyables fusillades et contre des attaques répétées presque sans interruption par des forces bien supérieures.
Quelle gloire et quel bonheur pour la France si ce courage était employé pour la Patrie et pour l'Humanité contre les agressions du despotisme étranger !
Quel affreux malheur qu'il s'épuise dans la guerre civile !
Pertes.

On se bat, des deux côtés, avec tout l'acharnement, avec toute la fureur que peut enfanter la guerre civile : c'est affreux, c'est horrible !
Des deux côtés aussi, les pertes sont immenses : vingt mille hommes peut-être périssent ou sont estropiés ; mais les vainqueurs ont encore plus souffert que les vaincus. Dans la Garde mobile surtout, des compagnies entières, des bataillons presqu'entiers ont disparu sous le feu des barricades.
Beaucoup de généraux, beaucoup d'officiers, beaucoup des principaux citoyens de Paris, chefs ou soldats dans la Garde nationale, ont été tués ou blessés.
Plusieurs Représentans ont été blessés. L'un d'eux a été tué.
L'Archevêque est mort d'une blessure reçue, on ne sait encore d'où, au moment où il s'avançait entre les combattans pour faire cesser le combat.
On ne voit que des corbillards.
Et dans les faubourgs, que de ruines par le canon ! Que de désastres !
Que de deuil dans la ville, que de misères partout !
C'est affreux ! c'est horrible !
Cessation du combat.

Partout le combat cesse faute de munitions, de direction et de chefs.
Les faubourgs Saint-Jacques et Saint-Marceau capitulent le 24, les autres quartiers le 25, le faubourg Saint-Antoine le 26, pour éviter la destruction dont il est menacé.
Prisonniers.

On parle de 6 à 7,000, sans compter ceux qui périssent à l'instant même.
On les amène dans l'intérieur par bandes de 100, de 200, etc., presque tous les mains attachées derrière le dos.
Ce sont des ouvriers dont le vêtement annonce la misère, quelques jeunes gens, quelques gardes mobiles, quelques Gardes nationaux…
Que de bruits sur eux ! Que de cris contre eux !
On conçoit l'irritation après tant de pertes ; mais qu'elle est horrible, cette guerre civile, qui déchaîne et allume toutes les passions !
Revenons sur nos pas, et voyons les actes de l'Assemblée nationale et du général Cavaignac :
Dès le 23 juin au soir, le Représentant V. Considérant rédige le projet de proclamation suivante :
Projet de Proclamation présenté par V. Considérant.

L'Assemblée nationale aux Ouvriers de Paris.

« Ouvriers nos frères !
Une affreuse collision vient d'ensanglanter les rues de la Capitale.
Une partie d'entre vous ont contraint le Gouvernement, pour sauver la République, de tourner contre eux des armes françaises...
Des Républicains, des frères ont versé le sang de leurs frères !
Au nom de la Patrie, au nom de la Révolution qui doit vous émanciper, au nom de l'Humanité dont nous voulons tous assurer et organiser les droits sacrés, jetez, jetez ces armes fratricides.
Est-ce pour nous entre-déchirer que nous avons conquis la République ? que nous avons proclamé la loi démocratique du Christ, la sainte Fraternité ?
Frères, écoutez-nous, écoutez la voix des représentans de la France entière : Vous êtes victimes d'un malentendu fatal !
Pourquoi vous êtes-vous soulevés ? Les souffrances que nous ont léguées dix-huit mois de crise industrielle et dix-sept années de corruption monarchique, n'atteignent-t-elles pas toutes les classes ?
Écoutez-nous : Ici, ce sont des chefs d'industrie qui accusent les ouvriers et les ateliers nationaux de la ruine des affaires ; là, des ouvriers accusent les chefs d'industrie de leur détresse.
Cette accusation réciproque n'est-elle pas une erreur funeste ? Pourquoi accuser les hommes et les classes ? pourquoi nous accuser, les uns les autres, de souffrances engendrées par la fatalité des choses ; de souffrances, héritage d'un passé que tous nous voulons transformer ?
Est-ce en nous massacrant que nous nous enrichirons ? Est-ce en nous égorgeant que nous fonderons l'Ère de la Fraternité ? Depuis quand la haine et la guerre civile sont-elles productives et fécondes ? Où sera le travail si l'émeute agite incessamment Paris ? Où sera le pain pour tous, si toutes les industries sont arrêtées par la terreur sanglante de la rue ?
Ouvriers nos frères ! nous vous le répétons, vous êtes victimes d'un malentendu fatal...
Ouvriers, on vous trompe ! on vous inspire contre nous le doute, la défiance et la haine ! On vous dit que nous n'avons pas au cœur le saint amour du Peuple ; que nous n'avons pas de sollicitude pour votre sort ; que nous voulons étouffer les développemens légitimes du principe social de la Révolution de Février : on vous trompe, frères, on vous trompe !
Sachez-le, sachez-le bien : Dans son âme et dans sa conscience, devant Dieu et devant l'Humanité, l'Assemblée nationale vous le déclare : elle veut travailler sans relâche à la constitution définitive de la Fraternité sociale.
L'Assemblée nationale veut consacrer et développer par tous les moyens, possibles et pratiques, le droit légitime du peuple, le droit qu'a tout homme venant au monde, de vivre en travaillant.
L'Assemblée nationale veut consacrer et développer, par des subventions et des encouragemens de toutes sortes, ce grand principe de l'Association, destiné à unir librement tous les intérêts, tous les droits.
L'Assemblée nationale veut, comme vous, tout ce qui peut améliorer le sort du Peuple dont elle émane ; relever la dignité du travailleur ; rapprocher fraternellement tous les membres du grand corps national.
Frères, frères ! laissez à vos représentans le temps d'étudier les problèmes, de vaincre les obstacles, de reconstruire démocratiquement tout un ordre politique et social renversé en trois jours par une victoire héroïque : et cessez, oh ! cessez de déchirer par des collisions sanglantes les entrailles de la Patrie ! ! »
Ce projet, répandu dans l'Assemblée, est adopté et signé par une soixantaine de Représentans ; mais l'Assemblée ne veut pas en entendre la lecture à la tribune, et préfère la proclamation de son Président Sénard, adressée à la Garde nationale et dirigée contre le Socialisme.

L'Assemblée nationale à la Garde nationale.

« Gardes nationaux,
Vous avez donné hier, vous ne cessez de donner des preuves éclatantes de votre dévouement à la République.
Si l'on a pu se demander un moment quelle est la cause de l'émeute qui ensanglante nos rues, et qui, tant de fois, depuis huit jours, a changé de prétexte et de drapeau, aucun doute ne peut plus rester aujourd'hui, quand déjà l'incendie désole la cité, quand les formules du communisme et les excitations au pillage se produisent audacieusement sur les barricades.
Sans doute la faim, la misère, le manque de travail, sont venus en aide à l'émeute.
Mais, s'il y a dans les insurgés beaucoup de malheureux qu'on égare, le crime de ceux qui les entraînent et le but qu'ils se proposent sont aujourd'hui mis à découvert.
Ils ne demandent pas la République. - Elle est proclamée.
Le suffrage universel ! - Il a été pleinement admis.
Que veulent-ils donc ? - On le sait maintenant : Ils veulent l'anarchie, l'incendie, le pillage.
Gardes nationaux ! unissons-nous tous pour défendre et sauver notre admirable capitale !
L'Assemblée nationale s'est déclarée en permanence. Elle a concentré dans la main du brave général Cavaignac tous les pouvoirs nécessaires pour la défense de la République.
De nombreux représentans revêtent leurs insignes pour aller se mêler dans vos rangs et combattre avec vous.
L'Assemblée n'a reculé, elle ne reculera devant aucun effort pour remplir la grande mission qui lui a été confiée. Elle fera son devoir comme vous faites le vôtre.
Gardes nationaux, comptez sur elle comme elle compte sur vous.
Vive la République !
Le Président de l'Assemblée nationale,
Le 24 juin 1848. Sénard. »

Remarquons d'abord que l'Assemblée nationale reconnaît que, parmi les insurgés, il y a beaucoup de malheureux égarés, et que le manque de travail, la misère et la faim sont une des principales causes de l'insurrection.
Puis, la proclamation prétend que l'émeute est la même que celle qui, depuis huit jours, a souvent changé de prétexte et de drapeau, arborant tantôt le nom de Napoléon, tantôt celui d'un autre prétendant.
Enfin, elle affirme que l'émeute voulait, non pas un prétendant quelconque, mais l'anarchie, l'incendie et le pillage.
N'est-ce pas autant de contradictions ?
Le rédacteur de la proclamation présente le Communisme comme la véritable cause de l'émeute ; mais comment a-t-il pu écrire une assertion aussi grave et aussi dangereuse sans remords de conscience ?
Il prétend que les excitations au pillage et à l'incendie se sont produites sur les barricades ; mais où en est la preuve ? Est-il permis d'affirmer légèrement un fait aussi grave, surtout quand, au contraire, on affirme de tous côtés que le cri général aux barricades était : Vivre en travaillant ou mourir en combattant, avec cet autre cri plus général encore : Vive la République démocratique et sociale !
Le rédacteur affirme encore que l'incendie et le pillage sont les formules du Communisme ; mais c'est une erreur bien grave, bien dangereuse et bien inconcevable dans un pareil acte, une erreur contre laquelle nous ne pouvons trop protester et contre laquelle nous avons adressé au Président la protestation suivante :
Au Président de l'Assemblée nationale.

25 juin 1848.

Citoyen Président,
Au milieu des calamités publiques qui doivent causer à tous une profonde douleur, me sera-t-il permis de réclamer contre l'erreur infiniment dangereuse commise dans votre proclamation du 24 juin à la Garde nationale au nom de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire dans un acte que son caractère investit d'une autorité presque toute puissante.
Si cette erreur ne compromettait que moi, je ne réclamerais pas aujourd'hui, quoique le danger puisse être grand pour moi dans un moment où une autre erreur répandue par un journal, qui sera probablement répété par d'autres, me signale faussement comme un des chefs de l'insurrection au faubourg Saint-Antoine ; mais cette double erreur peut compromettre un grand nombre de citoyens qui partagent mes sentimens, et réclamer dans leur intérêt est pour moi un devoir dont les hommes de cœur apprécieront l'accomplissement.
D'ailleurs, le Président de l'Assemblée nationale, comme l'Assemblée nationale elle-même, ne peut vouloir d'autre triomphe que celui de la justice et de la vérité.
Or, dans votre proclamation vous dites « qu'aucun doute ne peut exister aujourd'hui sur la cause de l'émeute, quand déjà l'incendie désole la cité, quand la formule du Communisme et les excitations au pillage se produisent sur les barricades. »
Eh bien ! avec toute la déférence due au Président d'une Assemblée qui parle au nom de la Nation française, je proteste que la violence, l'incendie, le pillage, la loi agraire, ne sont nullement la formule du Communisme ; je proteste que la formule du Communisme Icarien que je professe est complètement opposée, puisqu'elle est celle du Christianisme et de l'Evangile, basée sur la fraternité, sur l'ordre, sur la propagande légale et pacifique, en un mot sur la volonté nationale.
Du reste, je suis prêt à rendre compte de toutes mes doctrines comme de tous mes actes devant la Justice régulière du pays.
Je vous prie de donner communication de ma lettre à l'Assemblée nationale.
Salut et fraternité.
CABET.

Mais l'état de siège m'a empêché de faire parvenir cette protestation le 25 ; je n'ai pu la faire remettre que le 27 à un Représentant.
Voici, du reste, une proclamation des insurgés du faubourg Saint-Antoine qui détruit l'assertion du Président.
Proclamation des insurgés.

Nous trouvons dans l'Estafette du 28, la Proclamation suivante, affichée dans le faubourg Saint-Antoine :
« Aux armes !
Nous voulons la République démocratique et sociale !
Nous voulons la souveraineté du Peuple !
Tous les citoyens d'une République ne doivent et ne peuvent vouloir autre chose.
Pour défendre cette République, il faut le concours de tous. Les nombreux démocrates qui ont compris cette nécessité sont déjà descendus dans la rue depuis deux jours.
Cette sainte cause compte déjà beaucoup de victimes ; nous sommes tous résolus à venger ces nobles martyrs ou à mourir.
Alerte ! citoyens ! que pas un seul de nous ne manque à cet appel,
En défendant la République, nous défendons la propriété.
Si une obstination aveugle vous trouvait indifférens devant tant de sang répandu, nous mourrons tous sous les décombres incendiés du faubourg Saint-Antoine.
Pensez à vos femmes, à vos enfans, et vous viendrez à nous ! »
Ainsi, les insurgés n'attaquaient ni la propriété, ni la République ; ils défendaient, au contraire, la République démocratique et sociale.
D'autres proclamations étaient rédigées dans le même sens : aucune n'excitait au pillage ni à l'incendie.
Quelques-uns de leurs drapeaux saisis et apportés à l'Assemblée portaient même cette inscription : Respect à la propriété ! Mort aux voleurs !
Et sur presque toutes les maisons on lisait ces mots écrits à la craie : Mort aux voleurs !
Le général Cavaignac aux insurgés.

au nom de l'assemblée nationale.

« Citoyens,
Vous croyez vous battre dans l'intérêt des ouvriers, c'est contre eux que vous combattez, c'est sur eux seuls que retombera tant de sang versé. Si une pareille lutte pouvait se prolonger, il faudrait désespérer de l'avenir de la République, dont vous voulez tous assurer le triomphe irrévocable.
Au nom de la patrie ensanglantée,
Au nom de la République que vous allez perdre,
Au nom du travail que vous demandez et qu'on ne vous a jamais refusé, trompez les espérances de nos ennemis communs, mettez bas vos armes fratricides, et comptez que le gouvernement, s'il n'ignore pas que dans vos rangs il y a des instigateurs criminels, sait aussi qu'il s'y trouve des frères qui ne sont qu'égarés, et qu'il rappelle dans les bras de la patrie. »
Paris, le 24 juin 1848.
Général CAVAIGNAC.

Ainsi, le Gouvernement reconnaît que les insurgés sont des frères égarés ; qu'ils veulent le triomphe de la République ; qu'ils demandent du travail ; et qu'ils croient se battre dans l'intérêt des ouvriers.
L'insurrection n'est donc pas dirigée contre la République ; ce sont donc des Républicains, des ouvriers demandant du travail, des frères égarés qui vont combattre.
Et ils seront combattus par les soldats qui sont leurs frères, qui ont été ouvriers comme eux et qui redeviendront ouvriers ! Ils seront combattus par la garde mobile qui s'est battue avec eux aux barricades de Février et qui est composée d'ouvriers, de Parisiens, de camarades et de frères...!
Comment trouver assez d'expressions pour déplorer un pareil malheur !
Le général Cavaignac à l'armée.

« Soldats,
Le salut de la patrie vous réclame ! C'est une terrible, une cruelle guerre que celle que vous faites aujourd'hui. Rassurez-vous, vous n'êtes point agresseurs ; cette fois, du moins, vous n'aurez pas été de tristes instrumens de despotisme et de trahison. Courage, soldats, imitez l'exemple intelligent et dévoué de vos concitoyens ; soyez fidèles aux lois de l'honneur, de l'humanité ; soyez fidèles à la République ; à vous, à moi, un jour ou l'autre, peut-être aujourd'hui, il nous sera donné de mourir pour elle. Que ce soit à l'instant même, si nous devons survivre à la République ! »
Paris, 24 juin 1848.
CAVAIGNAC.

Cette proclamation doit faire croire aux soldats que l'insurrection menace la République. Aussi les bataillons s'élancent au cri de : Vive la République, tandis que la proclamation précédente reconnaît que les insurgés veulent le triomphe de la République !
Reconnaissons-le néanmoins, le Général recommande aux soldats l'Humanité.
Le général Cavaignac aux soldats.

« Citoyens soldats,
Grâce à vous l'insurrection va s'éteindre ! Cette guerre sociale, cette guerre impie qui nous est faite tire à sa fin ! Depuis hier nous n'avons rien négligé pour éclairer les débris de cette population égarée, conduite, animée par des pervers. Un dernier effort, et la Patrie, la République, la société tout entière seront sauvées !
Partout il faut rétablir l'ordre, la surveillance. Les mesures sont prises pour que la justice soit assurée dans son cours. Vous frapperez de votre réprobation tout acte qui aurait pour but de la désarmer. Vous ne souffrirez pas que le triomphe de l'ordre, de la liberté, de la République, en un mot, soit le signal de représailles que vos cœurs repoussent.
Paris, 26 juin 1848.
Signé général Cavaignac. »

Ainsi, c'est une guerre sociale ; c'est une population égarée dont il ne reste que des débris ; et ces débris sont tellement menacés d'exécution militaire que le général se croit dans la nécessité de demander que l'on attende les sentences des tribunaux, au lieu de fusiller sans jugement !

À la garde nationale et à l'armée.

« Citoyens soldats,
La cause sacrée de la République a triomphé ; votre dévouement, votre courage inébranlable ont déjoué de coupables projets, fait justice de funestes erreurs. Au nom de la Patrie, au nom de l'humanité tout entière, soyez remerciés de vos efforts, soyez bénis pour ce triomphe nécessaire.
Ce matin encore, l'émotion de la lutte était légitime, inévitable. Maintenant, soyez aussi grands dans le calme que vous venez de l'être dans le combat. Dans Paris, je vois des vainqueurs, des vaincus ; que mon nom reste maudit, si je consentais à y voir des victimes ! La justice aura son cours ; qu'elle agisse, c'est votre pensée, c'est la mienne.
Prêt à rentrer au rang de simple citoyen, je reporterai au milieu de vous ce souvenir civique, de n'avoir, dans ces graves épreuves, repris à la liberté que ce que le salut de la République lui demandait lui-même, et de léguer un exemple à quiconque pourra être à son tour, appelé à remplir d'aussi grands devoirs.
Cavaignac. »

Ainsi, voilà la population divisée en vainqueurs et en vaincus ! Et le Général qui vient d'obtenir la victoire se croit forcé de flatter les passions pour les calmer, pour sauver les vaincus, pour empêcher les vainqueurs d'en faire des victimes !
Suites de la victoire.

Nous avons vu onze journaux suspendus. On remet en vigueur les lois sur les affiches, les afficheurs, les crieurs, et la Presse. - On laisse cependant paraître encore les journaux sans timbre ni cautionnement ; mais il est probable que de nouvelles lois seront bientôt présentées à ce sujet.
Ceux des Clubs qui sont réputés dangereux sont fermés.
Les 12ème légion (quartier Saint-Jacques) et 9ème (quartier voisin de l'Hôtel-de-Ville), sont licenciées et désarmées. - La 8ème légion, quoique non licenciée, est désarmée. - Dans toutes les légions, tous les Gardes nationaux qui n'ont pas pris les armes pour combattre l'insurrection sont désarmés. - La moitié peut-être de la Garde nationale de Paris va se trouver désarmée. - Les Ouvriers en masse se trouveront désarmés partout.
On dit que les ateliers nationaux vont incessamment être dissous.
Pendant le combat, le général Cavaignac avait ordonné que tous les auteurs et fauteurs de l'insurrection fussent jugés par un Conseil de guerre. Après la victoire, l'Assemblée décrète que, par mesure de sûreté générale, les chefs seuls seront jugés, et que la masse sera transportée dans des îles françaises avec leurs femmes et leurs enfans qui le demanderont.
Cette disposition en faveur des femmes et des enfans est ajoutée sur la demande de Pierre Leroux, qui seul ose invoquer la religion et l'humanité.
C'est le général Cavaignac qui reconnaîtra et décidera ceux qui devront être transportés.
On considère comme chefs ou fauteurs ceux qui ont donné ou fait donner de l'argent ou des armes ou des munitions.
L'Assemblée nomme une commission d'enquête, composée de 15 membres, qui fera une enquête sur l'insurrection et même sur le 16 mai. C'est Odilon-Barrot qui en est Président !
Le général Cavaignac ayant déposé son pouvoir dictatorial, l'Assemblée décrète qu'il a bien mérité de la Patrie, ainsi que l'Archevêque, la Garde nationale, la Garde mobile, l'Armée, etc.
Puis, elle nomme le général Cavaignac Président de la République avec le droit de choisir son Conseil de ministres.
Le général Cavaignac compose à l'instant le nouveau ministère ainsi qu'il suit : Général Bedeau, affaires étrangères ; - Goudchaux, finances ; - Sénard, intérieur ; - Bethmont, justice ; - Tourette, commerce ; - Recurt, travaux public ; - général Lamoricière, guerre ; - Bastide, marine ; - Carnot, instruction publique ; - général Changarnier, commandant de la Garde nationale.
Cependant, l'état de siège n'est pas encore levé ; mais la circulation est rétablie, et l'Assemblée adopte la proclamation suivante :
Proclamation de l'Assemblée nationale,

« Français,
L'anarchie est vaincue, Paris est debout et justice sera faite. Honneur au courage et au patriotisme de la Garde nationale de Paris et des départemens, honneur à notre brave et toujours glorieuse armée, à notre jeune et intrépide garde mobile (bravo !), à nos écoles, à la garde républicaine et à tant de généreux volontaires qui sont venus se jeter sur la brèche pour la défense de l'ordre et de la liberté. (Très bien.)
Tous, au mépris de leur vie et avec un courage surhumain, ont refoulé de barricade en barricade, poursuivi jusque dans leur dernier repaire, ces forcenés qui, sans principe, sans drapeau, semblaient ne s'être armés que pour le massacre et le pillage. (C'est vrai !) Famille, institutions, liberté, patrie, tout était frappé au cœur, et sous les coups de ces nouveaux barbares, la civilisation du 19ème siècle était menacée de périr.
Mais non, la civilisation ne peut pas périr ; non, la République, œuvre de Dieu, loi vivante de l'Humanité, la République ne périra pas ; nous le jurons ! la France tout entière repousse avec horreur les doctrines sauvages où la famille n'est qu'un nom et la propriété un vol ; (très bien) nous le jurons par le sang de tant de nobles victimes tombées sous des balles fratricides.
Tous les ennemis de la République s'étaient ligués contre elle et dans un effort violent et désespéré ; ils sont vaincus, et désormais aucun d'eux ne peut tenter de relever leur sanglant drapeau. (Très bien !) Le sublime élan, qui de tous les points de la France a précipité à Paris ces milliers de citoyens, dont l'enthousiasme nous laisse encore tout émus, ne nous dit-il pas assez que sous le régime du suffrage universel et direct, le plus grand des crimes est de s'insurger contre la souveraineté du Peuple ! (Très bien !)
Et les décrets de l'Assemblée nationale ne sont-ils pas là aussi pour confondre de misérables calomnies, pour proclamer que dans notre République il n'y a plus de classes, plus de privilèges possibles, que les ouvriers sont nos frères, que leur intérêt a toujours été pour nous l'intérêt le plus sacré, et qu'après avoir rétabli énergiquement l'ordre et assuré une sévère justice, nous ouvrons nos bras et nos cœurs à tous ceux qui travaillent et qui souffrent parmi nous.
Français, unissons-nous donc dans le saint amour de la patrie, effaçons les dernières traces de nos discordes civiles, maintenons fermement toutes les conquêtes de la liberté et de la démocratie ; que rien ne nous fasse dévier des principes de notre révolution ; mais n'oublions jamais que la société veut être dirigée, que l'égalité et la fraternité ne se développent que dans la concorde et dans la paix, et que la liberté a besoin de l'ordre pour s'affermir et se défendre de ses propres excès. (Bravo !)
C'est ainsi que nous consoliderons notre jeune République, et que nous la verrons s'avancer vers l'avenir, de jour en jour plus grande et prospère, et puisant une nouvelle force, une nouvelle garantie de durée dans l'épreuve même qu'elle vient de traverser. »
Après cette lecture, l'Assemblée tout entière se lève au cri de : Vive la République ! vive l'ordre !
Mais nous, nous ne pouvons nous empêcher de protester contre les déplorables erreurs de cette proclamation : non, ces insurgés n'étaient pas de nouveaux barbares, mais de malheureux ouvriers égarés par la misère et le désespoir ! Non, le Socialisme ne menace ni la famille, ni la civilisation ! C'est au contraire lui qui sauvera la France et l'Humanité, en criant à tous amnistie, amnistie !

AMNISTIE, AMNISTIE !

Vivre en travaillant ou mourir en combattant, voilà le mot des insurgés du 23 juin. C'est moins une insurrection politique qu'une insurrection sociale, une insurrection pour du travail et pour l'existence.
C'est une insurrection spontanée, subite, déterminée par le manque de travail, par l'inquiétude de l'avenir, par le désespoir.
Le remède au mal n'est pas la violence, mais la sagesse, la prudence, la conciliation de tous les intérêts, l'humanité.
La violence ne guérirait rien, ne remédierait à rien, perpétuerait l'irritation et la discorde, achèverait de détruire pour longtemps la confiance et le crédit, le commerce et l'industrie, nous plongerait toujours davantage dans la confusion et le chaos, nous livrerait peut-être à la discrétion de l'étranger, et ouvrirait devant nous un abîme de calamités.
Oui, vous les vainqueurs, réfléchissez, consultez la raison et votre propre intérêt.
Vous êtes vainqueurs... ; mais la victoire vous a coûté cher ! et où en seriez-vous avec quelques victoires pareilles ?
On ne tue pas le Peuple, pas plus que les idées... Le Peuple peut perdre dix et vingt batailles... Mais que la victoire coûte toujours cher à ses vainqueurs !... Et si, après tant de défaites, le Peuple est une fois vainqueur lui-même !...
Voyez ! c'était la MISÈRE auparavant ; et maintenant, c'est encore la MISÈRE, et plus forte, et plus redoutable !...
Si vous restez dans la voie des haines et des vengeances, ce seront les haines et les vengeances partout, s'irritant et grandissant chaque jour... Ne sera-ce pas un état perpétuel de guerre ?... La guerre n'existera-t-elle pas non seulement entre la Bourgeoisie et le Peuple, mais dans la Bourgeoisie elle-même, entre les diverses légions de la Garde nationale et même entre les Gardes nationaux dans chaque légion ? N'êtes-vous pas effrayés de la nécessité de licencier deux légions, d'en désarmer trois, et de désarmer la moitié de la Garde nationale entière ? Êtes-vous sûrs que la guerre n'éclatera pas entre les Gardes nationaux qui vont rester armés ? Pourrez-vous dormir tranquilles ? Aurez-vous désormais quelque sécurité, quelque repos ? Cette vie ne sera-t-elle pas un enfer ?
Et les affaires ? Est-ce que la confiance et le crédit pourront renaître ? Est-ce que le commerce et l'industrie vont reprendre ? Est-ce que les faillites ne vont pas se multiplier et se précipiter ?...
Et la misère ? Est-ce qu'elle ne sera pas affreuse dans les faubourgs canonnés, bombardés, saccagés ?... Est-ce que le petit commerce et la petite industrie ne seront pas ruinés ?...
Et le désespoir ? Est-ce que vous ne l'entendez pas répéter : Mieux vaut mourir d'une balle que de faim ?
Entendez la voix de la justice, de l'humanité, de la religion, qui vous crient que les vaincus sont vos frères ! Entendez du moins la voix de votre intérêt qui vous crie que vous vous perdez en perdant la Patrie.
Mais l'oubli du passé et la réconciliation ne sont pas encore impossibles ; nous avons tous assez souffert pour unir nos douleurs, tous commis assez de fautes pour être indulgens, tous montré assez de courage pour pouvoir nous estimer encore...
Notre intérêt à tous est de ne voir partout qu'un mal-entendu, un MALHEUR au lieu d'un crime.....
Pour tous amnistie donc, amnistie !
Amnistie comme gage de réconciliation !
Amnistie au nom de la Fraternité !
Amnistie pour ramener l'ordre !
Amnistie dans l'intérêt de l'industrie et du commerce !
Amnistie dans l'intérêt de nos femmes et de nos enfans !
Amnistie dans le véritable intérêt de tous !
Amnistie dans l'intérêt de la République !
Amnistie pour le salut de la Patrie, que nos discordes prolongées pourraient livrer épuisée à la fureur des ennemis de la France !
CABET.

Ce qui précède devait paraître dans le Populaire du 25 juin et du 1er juillet : mais il nous a été impossible de publier notre journal. Le Populaire devait aussi contenir l'article suivant, qui est à la fois la défense du Peuple et la condamnation du Pouvoir.
NOUS PRENONS ACTE DES AVEUX DE M. LAMARTINE.

Le 12 juin, dans un débat solennel, M. Lamartine a dit :
« La France a pris la République au sérieux ; elle la veut, elle la défendra contre tous. Nous l'avons prise au sérieux, nous la défendrons de tous les périls qui pourraient lui être suscités ; je le répète, au nom même des souvenirs les plus glorieux et les plus légitimes : nous ne laisserons jamais la France s'avilir, et elle ne s'avilira pas.
Citoyens, il vous reste un seul et dernier problème à résoudre, de tous ceux que nous avons essayé de dénouer ou de trancher, et dont la plupart ne sont, en effet, qu'à demi résolus ; il vous reste le problème du Peuple lui-même qui a concouru, avec tant de dévouement, avec tant d'énergie, avec une patience si méritoire, et dont moi, plus qu'un autre, j'ai été témoin tous les jours avec attendrissement, dans ces glorieuses journées de l'Hôtel-de-Ville.
Là, citoyens, nous voyons des corporations tout entières nous apporter successivement l'offrande de leurs sueurs, leurs demi-journées de travail, les gouttes de leur sueur quotidienne, pour les besoins et le salut de la République, et descendre dans la rue le lendemain pour venir passer ces revues triomphales de l'ordre, où, non pas seulement les hommes qui ont à sauver dans la propriété un intérêt, mais ceux qui ont à sauver dans la propriété un principe, se dévouaient au prix de leur temps, de leur journée, à défendre ces biens mêmes qu'ils ne possédaient pas.
Il ne faut pas avoir vu ce peuple comme nous, il faut avoir embrassé ces multitudes comme je l'ai fait deux mois, homme par homme, il faut l'avoir entendu parler, l'avoir vu sentir, pour se faire une juste idée du désintéressement et de la grandeur de la nation française, quand elle est émue par les grandes choses, par la liberté, par la patrie, par la fraternité ! Oh ! quel peuple ! citoyens, nous lui ferons la République assez belle, si nous lui faisons la République à son image !
Sachez seulement le connaître et l'aimer. Souvenons-nous des promesses que la révolution de février lui a faites, et dont il saura attendre aussi l'accomplissement réfléchi et graduel ! Ne lui faisons jamais dire, en retardant involontairement les lois nécessaires à son instruction, à sa moralité, à son armement, à son travail surtout, que la République n'est qu'un mot de déception et de mensonge de plus dans la langue politique, et qu'après s'être servi de ses mains pour l'inaugurer, nous le rejetons en arrière, et nous oublions ses intérêts nombreux et sacrés pour nous occuper exclusivement des intérêts moins urgents et moins généreux. »
Voilà de belles paroles : mais M. Lamartine était dictateur ou membre principal d'une dictature, et il pouvait faire tout ce qu'il indique ici ; pourquoi donc n'a-t-il rien fait ? Est-ce qu'il n'avait pas prodigué les promesses au Peuple depuis le 24 février ? Est-ce que le Peuple ne se plaint pas que les promesses n'ont été que des déceptions et des mensonges ?
« La première constitution c'est le bonheur de ce Peuple ; la première politique ce sont des lois populaires et pratiques. »
Et où est aujourd'hui le bonheur du Peuple ? Quelles sont les lois populaires et pratiques ? Sont-ce les lois pour l'impôt de 45 cent. et contre les attroupemens, etc. ? Est-ce le projet pour le rétablissement du cautionnement et du timbre ?
« Nous vous en avons apporté, nous vous en apporterons tous les jours encore ; votre sage initiative en augmentera le nombre. Nous comblerons, avec des lois d'utilité populaire, avec des lois de travail, avec des lois émancipatrices du prolétariat, avec des lois de propriété multipliée, croissante dans les mains de tous ; nous comblerons de vérités et de bienfaits cet ABÎME que CERTAINES UTOPIES ont comblé, dans les imaginations, de fallacieuses promesses, de mensonges et d'erreurs. »
Mais vous avez le pouvoir à votre disposition ; pourquoi donc n'avez-vous pas présenté ces lois populaires et bienfaisantes, ces lois de vérité, ces lois qui doivent multiplier successivement la propriété pour le prolétaire maintenant accablé par la misère ? Faites donc ces lois, faites-les, ne perdez pas un instant pour les faire ! Pas tant de poésie, pas tant de phrases, et plus d'actes, plus de faits, plus de réalités ! Hâtez-vous de combler de vérités et de bienfaits, comme vous le dites pompeusement, l'abîme qui menace de tout engloutir !
Mais pourquoi donc attaquer toujours certaines utopies, en indiquant clairement que c'est le Communisme que vous attaquez ? Est-ce généreux de frapper le Communisme, quand vous êtes au pouvoir et quand on pousse contre lui des cris de mort ? Comment pouvez-vous reprocher au Communisme des promesses fallacieuses, quand il ne fait aucune promesse et surtout aucune promesse fallacieuse, puisqu'il n'est pas au pouvoir ? N'est-ce pas vous plutôt, vous dictateur, qu'on peut accuser de promesses fallacieuses et mensongères ?
Voilà ce que disait M. Lamartine le 12 juin, et voilà ce que nous lui répondions avant le 23 : mais aujourd'hui, nous pouvons lui dire, ainsi qu'à Ledru-Rollin et aux autres, qu'il n'est pas un de nos malheurs dont ils ne soient responsables envers la France et l'Humanité.
Et de nouveau nous prenons acte des aveux de M. Lamartine pour prouver que le malheureux Peuple méritait un autre sort.


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Posté le : 23/06/2013 09:12
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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