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De Montpellier
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Le 21 juillet 1899 naît Ernest Miller Hemingway "l'écrivain-héros"
Sa vie fut celle d'un guerrier, son parti pris d'anti-intellectualisme et son gout certain pour un exhibitionnisme de virilité ont malheureusement enfermé son œuvre et sa personnalité dans une légende qui lui nuit. Hemingway a mis les techniques d'un art raffiné, très travaillé sous des allures simplistes, au service d'une conception qu'il voulait exagérément sommaire, brutale, voire primitive de la vie. Ses héros, qui, dans cette œuvre qui forme une longue chronique autobiographique, sont toujours lui-même, et peuvent paraître stéréotypés. Laconique, individualiste, blasé, mais actif et viril, le héros de Hemingway est un être blessé, hanté par la mort, mais stoïque et qui cherche une évasion, presque un divertissement au sens "Pascalien", dans l'alcool, l'amour, la chasse et la pêche au gros. Ses romans d'action cachent une quête, une méditation morale presque obsessive.
Famille, jeunesse
Ernest Miller Hemingway est né à Oak Park près de Chicago, le 21 juillet 1899. Il est le fils de Clarence Hemingway, médecin, et de Grace Hall, une musicienne dont le père était un grossiste en coutellerie très aisé. C'est le deuxième enfant d’une famille qui en comptera six : Marceline, née en 1898, Ernest, Ursula, née en 1902, Madeleine née en 1904, Carol, née en 1911, et enfin, Leicester Clarence, né en 1915. Ses deux parents avaient reçu une bonne éducation et étaient appréciés et respectés dans la communauté conservatrice de Oak Park. Lorsque Clarence et Grace se marièrent en 1896, ils déménagèrent avec le père de Grace, Ernest Hall, raison pour laquelle ils ont appelé leur premier fils Ernest. Hemingway disait ne pas aimer son prénom, qu'il associait au héros naïf, même fou de la pièce d'Oscar Wilde L'Importance d'être Constant. La maison de sept chambres de la famille dans un quartier respectable contenait un studio de musique pour Grace et un cabinet dentaire pour Clarence. La mère de Hemingway donnait souvent des concerts dans les villages environnants. Hemingway adulte affirmait haïr sa mère, bien que le biographe Michael Reynolds souligne que Hemingway reflétait son énergie et son enthousiasme. Son insistance à lui apprendre à jouer du violoncelle est devenu une «source de conflit», mais il a admis plus tard que les leçons de musique lui ont été utiles dans son écriture, comme dans la «structure contrapuntique» de Pour qui sonne le glas. La famille possédait une résidence d'été appelée Windemere sur les rives du lac Walloon, près de Détroit dans le Michigan, une région habitée par les indiens Ojibways. C'est là qu'Hemingway apprit avec son père à chasser, pêcher et camper dans les bois. En 1909, son père lui offre son premier fusil de chasse, pour son 10e anniversaire. Ses premières expériences dans la nature lui inculquèrent une passion pour l'aventure en plein air et la vie dans des régions éloignées ou isolées. À partir de 1913, Ernest étudie à la High School d’Oak Park. Il découvre Shakespeare, Dickens, Stevenson, et participe activement à la vie sportive et culturelle de son école. En 1916, ses premières histoires et poèmes paraissent dans Tabula et Trapeze, des revues littéraires de l’école. Après avoir obtenu son diplôme en 1917, Hemingway renonce à suivre des études supérieures pour devenir journaliste au Kansas City Star, sous l’influence bienveillante de son oncle paternel, Alfred Tyler Hemingway.
L'écrivain
Ernest Hemingway est le représentant le plus typique de ce qu'on a appelé la « génération perdue ». On désigne par ce terme, aux États-Unis, la génération jetée dans la Première Guerre mondiale, sacrifiée en quelque sorte aussi bien moralement que physiquement, car les survivants en étaient souvent revenus terriblement désabusés. Ils étaient partis pour une croisade et n'avaient vu partout en Europe que des horreurs, des massacres absurdes et des victimes pitoyables. Après une si retentissante faillite de leur idéal, il leur avait été impossible de croire plus longtemps aux notions de gloire, d'honneur, de patrie, qui avaient causé tant de souffrances. Les œuvres des écrivains américains de cette génération ont donc remis en question toutes les valeurs morales et les vertus traditionnelles et exprimé avant tout un grand désarroi et un immense désenchantement. Cependant, la vie a fini par être la plus forte. Peu à peu, les plaies morales se sont refermées et certains de ces écrivains, dont Hemingway, se sont efforcés de redonner sens et valeur à l'aventure humaine. Aussi son œuvre dessine-t-elle une courbe assez harmonieuse, qui va du scepticisme négateur et profondément désespéré de ses premiers romans aux affirmations et au stoïcisme de sa maturité.
De l'innocence américaine à l'expérience européenne
Hemingway sortait d'un milieu très bourgeois et très pieux. Un de ses oncles avait été missionnaire en Chine, comme les parents de Pearl Buck. Son père était gynécologue et sa mère, qui avait voulu devenir cantatrice, avait renoncé à sa carrière pour se consacrer au foyer. Elle semble avoir été très abusivement dominatrice. Le couple s'était fixé dans une petite ville cossue de la banlieue de Chicago, Oak Park, où Ernest Hemingway passa toute son enfance dans une atmosphère assez étouffante et très puritaine, mais d'où il avait l'occasion de s'échapper tous les étés pour vivre en sauvageon, un peu comme Tom Sawyer ou Huckleberry Finn, dans la maison d'été de la famille, au milieu des bois qui entourent le lac des Wallons au nord du Michigan. C'est là qu'il fit son apprentissage de chasseur et de pêcheur sous la conduite de son père. Il a utilisé les souvenirs de cette époque dans tout un cycle de contes consacrés à la jeunesse d'un héros imaginaire, Nick Adams qui, en fait, n'est autre que lui-même. Il aimait trop la vie et tenait trop à échapper à l'influence de sa famille pour accepter, comme le voulaient ses parents, de faire des études dans une université. Dès sa sortie de l'excellente high school d'Oak Park, où il avait été un très bon élève, il se lança dans le journalisme et devint reporter au Kansas City Star, l'un des meilleurs quotidiens américains de l'époque. Le rédacteur en chef lui imposa un certain nombre de règles qu'il ne devait jamais plus oublier : « Faites des phrases courtes. Faites des introductions courtes. Servez-vous d'un anglais vigoureux. Soyez affirmatif et non pas négatif... »
Sur ces entrefaites les États-Unis entrent en guerre. Hemingway voudrait aller se battre en Europe, mais il ne peut s'engager à cause de sa mauvaise vue. Il ne réussit à partir qu'en avril 1918, lorsqu'il est accepté comme conducteur d'ambulance par la Croix-Rouge italienne. Peu de temps après se produit le grand évènement de sa vie : le 8 juillet 1918, au petit jour, à Fossalta di Piave, sur le front austro-italien, alors qu'il distribuait du chocolat et des cigarettes en première ligne, un obus tombe sur un groupe d'hommes dont il faisait partie. Un des hommes est tué, un autre est grièvement blessé. Hemingway, touché lui-même aux jambes, prend ce blessé sur le dos et essaie de gagner l'arrière. Il est par deux fois touché par un tir de mitrailleuse, mais il réussit à atteindre un poste de secours. Une vingtaine d'éclats d'obus sont extraits de ses jambes, et non deux cent trente-sept comme il le prétendit plus tard. Il passa plus de trois mois à l'hôpital de Milan et dut rapprendre à marcher. Il s'éprit d'une jeune infirmière américaine qui devait lui servir de modèle pour Catherine Barkley dans L'Adieu aux armes. Il aurait voulu l'épouser, mais elle lui préféra un officier italien. Il fut très éprouvé, semble-t-il, par cet échec. Bien qu'assez vite rétabli sur le plan physique, il resta longtemps malade nerveusement et souffrit en particulier d'insomnies torturantes. Il lisait beaucoup – et buvait – pour oublier la rencontre avec la mort qu'il avait faite en Italie, sorte de plongée effrayante dans le néant qu'il décrivait ainsi à un ami : « J'ai senti mon âme, ou quelque chose comme ça, qui quittait mon corps, comme lorsqu'on tire un mouchoir de soie de sa poche par un coin. Elle tournoya autour de moi, puis revint, rentra de nouveau dans mon corps et je n'étais plus mort.
Son style
Son ambition était d'écrire. Il développe une forme d'écriture qui lui est personnelle et innovante, son style est elliptique, sans développement psychologique. C'est un style, caractérisé par l'économie et la litote qui a influencé le roman du XXe siècle, comme l'ont fait sa vie d'aventurier et l'image publique qu'il entretenait. C'est alors qu'il met au point son célèbre style, glacé, simple, rigoureux, qui note les faits avec une objectivité de procès-verbal. D'abord il remplace les développements psychologiques par le récit de l'action et du comportement – « behaviourisme » – des personnages. Puis il utilise les mots vrais, techniques. Enfin, il tisse un réseau de correspondances qui crée une ambiance climatique ou linguistique. « La prose, écrit-il, n'est pas de la décoration, c'est de l'architecture. » Il ne dit donc pas « revolver », mais « Smith and Wesson 32 », pas « avion », mais « Junker 88 ». Ce laconisme rejoint la critique morale. Vie et style sont démythifiés ensemble. Et ce style discipliné est celui de la panique contrôlée. Puisqu'il faut mourir, autant le faire avec style. Entre l'homme et la mort, il faut mettre le style. La mort, dont la blessure est l'annonciation, est le destin de tous les héros de Hemingway. Mais, face à elle, il y a le style, qui est affaire de stoïcisme autant que de rhétorique. Les techniques de style sont, chez Hemingway, de la même nature que les techniques de chasse, de pêche, de boxe, de tauromachie ou de stratégie. Il s'agit à la fois d'évasion et de discipline. Une nouvelle comme « la Grande Rivière au cœur double » est tout entière une fiesta de technique. Le style de Hemingway n'admet pas plus de chiqué que celui du torero : il passe au ras des choses comme l'autre au ras des cornes. Il est célèbre et très imité. Mais il n'est pas entièrement inventé. Il doit quelque chose à Mark Twain et à Stephen Crane, pionniers du réalisme américain, et à Flaubert, qu'il découvrit par l'intermédiaire d'Ezra Pound. Bien qu'il l'ait pastiché dans The Torrents of Spring en 1926, il doit aussi à Sherwood Anderson, à Ring Lardner et à Gertrude Stein. La théorie de l'« objet corrélatif » de T. S. Eliot explicite assez bien l'essence de l'art de Hemingway : « Le seul moyen d'exprimer une émotion de façon artistique, c'est de trouver un ensemble d'objets, une situation, un enchaînement d’évènements qui seront la formule de cette situation particulière, de telle sorte que, quand les faits extérieurs sont donnés, l'émotion est immédiatement évoquée. » Ainsi, Hemingway décrit non pas une émotion, mais le geste et l'objet qui la matérialisent et la symbolisent. Ce nouveau roman, qui remplace l'analyse par la vision et met un terme à la littérature d'introspection et au romancier omniscient, doit naturellement beaucoup au cinéma. Cette technique n'est pas simplement un autre moyen d'expression. Elle exprime autre chose – Marx et Freud sont passés par là : elle s'efforce de rendre perceptibles les neuf dixièmes de conscience immergée, que la logique ne saurait exprimer. En ce sens, les recherches de Hemingway, si elles aboutissent à des résultats différents, ne sont pas sans rapport d'intention avec celles de James Joyce ou de Virginia Woolf, qu'il connaissait bien. Cet art du geste plus que de la réflexion, cet art du relatif et de l'immédiat portent une morale de l'ambiguïté qui séduisit Sartre et une métaphysique de l'incertitude qui conquit les existentialistes. Cette vision objective, ces gestes sans rime ni raison, ces actions sans commentaires ni projets sont ceux d'êtres perdus qui agissent à tâtons dans un univers où personne ne juge, n'espère, ne projette ni ne regrette, parce que rien n'a de sens. L'homme est réduit à ses faits et gestes, n'a plus ni espoir ni personnalité ; il ne cherche le combat que par goût du suicide, sachant que le néant – « nada » – triomphera toujours : « winner take nothing ». Le roman de Hemingway est une révolution de la conscience plus que de la littérature et exprime parfaitement le désespoir à la fois stoïque et épicurien d'une génération coincée entre deux guerres et qui fit la grande bringue parce qu'elle n'avait pas vraiment gagné la Grande Guerre. Ce rapport entre le style et le sujet est évident dès 1926 dans le premier grand roman de Hemingway, Le soleil se lève aussi, The Sun also rises, qui porte en épigraphe la phrase de Gertrude Stein : « Vous êtes tous la génération perdue. » Dans ce roman à clés, Hemingway évoque magistralement la triste bringue des années folles. En ces clochards dorés de la bohème internationale, on reconnaît aisément les Américains de Paris, Harold Loeb, Donald Ogden Stewart, lady Duff Twisten. Mais l'action qui les conduit des cafés de Paris aux arènes de Pampelune ne mène nulle part. Ces touristes du désarroi tournent en rond dans des passions impuissantes, dont la blessure de guerre est, une fois de plus, le symbole. Mais, avec une verve mortelle et un chic fou, ils vivent dans une agitation passionnée, et ce chic est leur honneur : « C'est en somme ce que nous avons à la place de Dieu », conclut admirablement lady Brett.
Les premiers romans
Retour à la vie civile, et difficulté à se réadapter. Il rompit avec ses parents, qui ne comprenaient pas ses difficultés, reprit du travail comme journaliste au Toronto Star, épousa Hadley Richardson et vint s'installer à Paris dès 1921. Il s'imposa une discipline rigoureuse, se mêla très peu aux autres expatriés américains, comme on le voit dans Paris est une fête, fréquenta avant tout Gertrude Stein et Sylvia Beach, qui ont toutes les deux parlé de lui dans leurs mémoires, Autobiographie d'Alice B. Toklas et Shakespeare and Company. Guidé par Gertrude Stein et le poète Ezra Pound, il s'efforça d'atteindre à un style aussi dépouillé et laconique que possible dans des récits très concentrés où il distillait l'essentiel de son expérience de la vie et de la mort – dans La Grande Rivière au cœur double par exemple. Son premier recueil de nouvelles, De nos jours, In Our Time, parut à New York en 1925, mais n'attira guère l'attention. C'est seulement lorsqu'il publia, en 1926, Le soleil se lève aussi, The Sun also Rises que Hemingway réussit à s'imposer. Le livre devint aussitôt un best-seller. Le titre est un rappel de l'Ecclésiaste, et le sujet en est la génération perdue. On y suit les allées et venues à Paris, puis à Pampelune, pendant les fêtes de la Saint-Sébastien, d'un groupe de jeunes gens complètement désaxés par la guerre. Le monde où ils évoluent est absurde. Tout n'y est que vanité. Ils ont beau s'agiter, boire, essayer de partager la passion des aficionados espagnols pour les courses de taureaux, ils ne réussissent pas à meubler le vide de leur vie. Il leur faut toute leur volonté pour ne pas céder au désespoir ni sombrer dans le chaos des cauchemars. Ils ont peur de la nuit et, le jour, ils tâchent de se raccrocher à des occupations précises, à des rites : celui de la conversation, celui de la pêche, celui des courses de taureaux ; ils parviennent ainsi, tant bien que mal, à donner une forme et un minimum de sens à leur vie et à oublier le néant au-dessus duquel ils sont suspendus. C'est seulement dans son second roman, L'Adieu aux armes, A Farewell to Arms, 1929, avec un retard de dix ans sur les évènements, que Hemingway a osé aborder le sujet de cette guerre qui l'avait si profondément marqué. Une des règles de son esthétique implicite est, en effet, qu'une émotion ne doit être évoquée qu'une fois l'émoi passé. L'Adieu aux armes est un livre ironique. Le titre est emprunté à un poème patriotique anglais, mais on y voit tout au long que la guerre n'a aucun sens, plus particulièrement pendant la retraite de Caporetto et que l'amour ne vaut pas mieux. Le héros, en effet, ambulancier américain comme l'auteur, après avoir conclu une paix séparée, c'est-à -dire déserté, et être passé en Suisse avec une jeune infirmière anglaise qu'il aime d'un grand amour sans phrases, s'aperçoit bientôt que le Destin auquel il croyait avoir échappé, en fait l'a pris à son piège. Après quelques mois de grand bonheur dans la pureté de la neige et des Alpes, la jeune femme meurt dans une maternité de Lausanne à la suite d'un accouchement difficile, et le livre se termine sur une vision du héros partant sans but, le dos courbé sous la pluie. Hemingway lui-même n'avait pas connu pareille épreuve. Il avait réussi à oublier l'horreur de la guerre et l'absurdité de la vie en s'adonnant avec passion à deux divertissements, les courses de taureaux et la chasse, auxquels il a consacré deux livres : Mort dans l'après-midi, Death in the Afternoon, 1932 et Vertes Collines d'Afrique, Green Hills of Africa, 1935.
Après l'individualisme, l'engagement
Après le succès de ses premiers romans et son second mariage, il s'était installé en 1928 à Key West, à l'extrême pointe de la Floride, toujours en marge des États-Unis. Il s'en éloigna même davantage quelques années plus tard en allant à Cuba où il résida, aux environs de La Havanejusqu'en 1960. Tous ses loisirs se passaient à pratiquer sur son yacht, le Pilar, la pêche à l'espadon dans la mer des Antilles. Bien que ce fût alors la « crise » aux États-Unis, il semblait complètement détaché des problèmes sociaux et préoccupé uniquement d'exploits sportifs et de littérature. En fait, cependant, il s'était peu à peu rendu compte qu'il est difficile à l'individu isolé de faire seul son salut et qu'on ne peut pas vivre indéfiniment à l'écart des autres. Telle est la leçon de En avoir ou pas, To Have and Have Not, 1937, roman assez décousu dont le héros, qui se nomme Harry Morgan comme le célèbre boucanier, est obligé, faute d'argent pour nourrir les siens, de se lancer dans toutes sortes d'aventures où, malgré tout son cran, il finit par succomber. Il incarne avec une vitalité extraordinaire l'individualiste américain, l'homme de la « frontière » qui, pour défendre son droit à l'existence va jusqu'à la révolte armée contre les pouvoirs établis, mais qui, au moment de mourir, constate que « de quelque façon qu'il s'y prenne, un homme seul est foutu d'avance ». Cette phrase marque la fin de l'individualisme quelque peu byronien de Hemingway. Il n'est plus question pour lui, en 1937, de paix séparée. La guerre civile espagnole fait rage. Le fascisme menace. Il est impossible dorénavant de vivre à part. Qu'on le veuille ou non, il faut choisir : se solidariser avec ceux qui « en ont » ou se révolter avec ceux qui n'« en ont pas ». Hemingway n'hésita pas. Ses sympathies allaient aux seconds. On le vit bien lorsqu'il partit pour Madrid en 1937 pour le compte d'un groupe de journaux américains. Il fit de son mieux pour défendre la cause des Républicains espagnols devant le public américain, en écrivant en particulier le texte d'un film documentaire, La Terre espagnole, et une pièce de théâtre, La Cinquième Colonne, The Fifth Column, 1938. Contrairement à ses habitudes, il entreprit aussitôt d'écrire un roman où il mettait en œuvre ses souvenirs récents sans même leur laisser le temps de se décanter. Ce fut Pour qui sonne le glas, For Whom the Bell Tolls qui parut dès 1940. L'épigraphe empruntée à un sermon de John Donne était significative : « Nul homme n'est une île complète en soi-même ; chaque homme est un morceau de continent, une partie du Tout... La mort d'un homme me diminue moi aussi, parce que je suis lié à l'espèce humaine. Et par conséquent n'envoie pas demander pour qui sonne le glas. Il sonne pour toi. » Tel est bien le sens de ce livre qui est tout ensemble un récit d'aventures passionnant, un roman de guerre véridique, une épopée exaltante, une tragédie antique et une méditation sur le destin de l'homme. Car, à propos d'un acte de sabotage très localisé, à l'arrière des lignes franquistes, Hemingway évoque le destin de l'humanité tout entière. Le pont que le héros, Robert Jordan, a pour mission de faire sauter n'est pas seulement le centre de la guerre civile espagnole et d'un affrontement plus vaste entre le fascisme et l'antifascisme, il est le moyeu de la roue du destin qui, dans un mouvement giratoire irrésistible, entraîne aussi bien que les personnages du roman l'humanité tout entière.
La deuxième guerre mondiale
Hemingway était dorénavant, en un sens, un écrivain engagé. Aussi, lorsque éclata la Seconde Guerre mondiale, prit-il tout de suite parti contre l'Allemagne nazie pour défendre les valeurs dont la Première Guerre lui avait semblé révéler la vanité mais dont il comprenait à présent le prix. Il patrouilla pendant plusieurs mois sur le Pilar dans la mer des Antilles pour essayer de capturer ou de détruire un sous-marin allemand, puis, en 1944, se fit envoyer comme correspondant de guerre en Europe. Il prit part au débarquement en Normandie le 6 juin, suivit et même parfois devança les troupes alliées dans leur marche sur Paris et assista ensuite aux très durs combats de la forêt de Hürtgen en Allemagne. Cette partie de sa vie, cependant, n'a donné lieu à aucune transposition romanesque. Au-delà du fleuve et sous les arbres, Across the River and Into the Trees, 1949 se passe à Venise après la guerre et représente, en somme, Hemingway sous les traits d'un colonel américain vieilli sous le harnois et épris, malgré son âge, d'une charmante jeune fille de l'aristocratie vénitienne.
Le vieil homme et la mer.
Son œuvre est somme toute un immense Bildungsroman, une longue autobiographie romancée, qui s'est déroulée parallèlement à sa vie avec un retard sans cesse décroissant depuis les premières nouvelles du cycle de Nick Adams jusqu'à son dernier roman, Le Vieil Homme et la mer, The Old Man and the Sea, 1952, où on le voit vieillard, en vétéran des luttes humaines, mais toujours prêt à foncer vers l'avenir et l'aventure. Ce livre fut son chant du cygne, l'adieu de Prospero à ses sortilèges. On l'a salué comme un chef-d'œuvre et il lui a valu d'obtenir le prix Nobel de littérature en 1954, mais ce n'est peut-être pas le plus grand de ses romans, bien que ce soit le plus sage. Hemingway a voulu y définir l'essentiel de sa philosophie. Le vieux pêcheur à la Passion de qui nous assistons, nombreuses sont les métaphores chrétiennes représente l'homme aux prises avec les forces aveugles de l'univers qui cherchent à le détruire, mais qui ne peuvent pas vraiment l'écraser, parce que, comme l'a dit Pascal, « il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien ». Cet univers, cependant, n'est pas qu'un continuel déchaînement de violence, il est aussi un continuum d'amour. Il existe entre toutes les créatures des liens de fraternité que le vieux pêcheur sent très bien. Il s'accuse même avec véhémence d'avoir par traîtrise capturé et tué ce grand poisson qui ne lui voulait aucun mal. L'homme est condamné à mourir et à tuer pour vivre, mais peut trouver réconfort dans cette pensée que Robert Jordan avait pressentie et que le vieux pêcheur sait vivre à fond, à savoir qu'« aucun homme n'est jamais seul en mer ». À la notion de solitude irréductible du héros succède ainsi, au terme de cette œuvre, l'idée d'une vaste solidarité cosmique qui lie tous les êtres et tous les hommes. Après ce roman, Hemingway ne sut plus que se pencher sur son passé, dans Paris est une fête , A Moveable Feast, 1952, ou revisiter les lieux où il avait été heureux, l'Afrique orientale et l'Espagne, d'où il rapporta non plus des livres cette fois, mais de simples reportages. Sa vitalité en apparence intacte était en fait très diminuée. Il quitta Cuba en 1960 pour s'installer dans l'Idaho, mais dut bientôt se faire hospitaliser pour soigner son foie et son hypertension. Quand il revient aux Etats-Unis en septembre 1960, après des voyages à Cuba et en Espagne, il ne se porte pas très bien, ni physiquement, ni mentalement. Il est devenu impuissant, il se sent sombrer dans la cécité à cause du diabète, et il est touché par la folie ,en fait un trouble bipolaire qu'il subit toute sa vie. En décembre, le médecin George Saviers l'envoie se faire soigner dans la prestigieuse clinique Mayo du Minnesota, où il est traité par sismothérapie et par des sédatifs. Il en ressort en janvier 1961, mais trois mois plus tard, il doit retourner se faire hospitaliser, d'abord au Sun Valley hospital, puis de nouveau à la clinique Mayo, où il reçoit de nouveaux électrochocs.
Sa mort
Il revient chez lui le 30 juin 1961, et deux jours après, le 2 juillet, ne pouvant supporter l'idée de sa déchéance physique et de son impuissance à écrire, il se tua chez lui d'un coup de fusil dans la tête. il se suicide et pourtant autrefois, il avait blâmé son père pour son suicide, considérant cela comme un acte de lâcheté. Le dossier médical d'Hemingway, rendu accessible en 1991, montra qu'il souffrait d'hémochromatose, diagnostiquée en 1961, une maladie génétique qui provoque de sévères dommages physiques et mentaux. Cette maladie pourrait expliquer les nombreux suicides dans la famille Hemingway, son père, son frère, sa sœur et sa petite fille Margaux Hemingway.
Ses mariages
Ernest Hemingway se maria quatre fois : Hadley Richardson du 3 septembre 1921 à janvier 1927. Un enfant. Pauline Pfeiffer du 10 mai 1927 au 4 novembre 1940. Deux enfants. Martha Gellhorn de novembre 1940 (trois semaines après son divorce) en 1945. Mary Welsh Hemingway de mars 1946 jusqu'au suicide de Hemingway. Il est le parrain du comédien français Claude Brasseur.
Son Å’uvre
Romans
1926 : Torrents de printemps 1926 : Le soleil se lève aussi 1929 : L'Adieu aux armes 1937 : En avoir ou pas 1940 : Pour qui sonne le glas 1950 : Au-delà du fleuve et sous les arbres 1952 : Le Vieil Homme et la Mer, trad. Jean Dutourd, Gallimard, 1952, coll. Livre de Poche N° 946, 1963
Nouvelles
Recueils
1923 : Trois histoires et dix poèmes 1925 : De nos jours 1927 : Hommes sans femmes 1928 : 50 0000 Dollars 1933 : Le vainqueur ne gagne rien 1938 : La Cinquième colonne et 49 histoires 1961 : Les Neiges du Kilimandjaro et autres histoires
Nouvelles notables
1927 : Dix Indiens 1928 : Cinquante mille dollars 1936 : Les Neiges du Kilimandjaro
Traductions
1949 : Paradis perdu, recueil de nouvelles, trad. Henri Robillot, suivi de La 5° Colonne, pièce de théâtre en trois actes. Trad. de Marcel Duhamel, éditions Gallimard, 1949, coll. Livre de Poche N° 380, 381, 1961
Divers
1932 : Mort dans l'après-midi 1937 : Les Vertes Collines d'Afrique
Publications posthumes
1964 : Paris est une fête 1970 : Îles à la dérive, roman 1970 : En ligne. Choix d'articles et de dépêches de quarante années 1972 : E.H., apprenti reporter6 1972 : Les Aventures de Nick Adams (Nick Adams stories), œuvre posthume, recueil de nouvelles édité par Philip Young, paru chez Gallimard en 1977. 1984 : 88 poèmes 1985 : L'Été dangereux. Chroniques 1989 : Le Jardin d'Éden, roman 1995 : Le Chaud et le Froid. Un poète
Liens http://youtu.be/irklTHzaMhQ Ernest par Hémingway http://youtu.be/SKMqppVRSn0 Portrait http://www.youtube.com/watch?v=Niu0oU ... e&list=PLBDB09476461490DE le vieil homme et la mer
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Posté le : 21/07/2013 10:08
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