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Savinien Cyrano de Bergerac
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Le 28 Juillet 1655 à Sannois, meurt Cyrano de Bergerac

de son véritablement nom Hercule Savinien Cyrano, écrivain français, né à Paris le 6 mars 1619.
Cyrano de Bergerac est né à Paris. Il n'est donc pas gascon : "Bergerac" qu'il ajoute à son nom est le nom d'une terre possession de sa famille, sise dans la vallée de Chevreuse sur les rives de l’Yvette, à Saint-Forget en région parisienne. Ce poète et libre-penseur, contemporain de Boileau et Molière, aime à signer ses écrits de noms plus ou moins imaginaires qu’il rattache au sien.
C’est de 1638 que daterait l’ajout de "Bergerac" à son nom, ce fut peut-être fait lorsqu’il rejoint les cadets de Gascogne.
L'écrivain est surtout connu aujourd’hui pour sa comédie "Le Pédant joué", et pour son anticipation, "Histoire comique des États et Empires de la Lune, première partie de l’Autre Monde", et particulièrement pour avoir inspiré à Edmond Rostand le personnage central de sa pièce" Cyrano de Bergerac", qui reprend certes des éléments de la biographie du poète du grand siècle, mais s’en écarte également par des aspects non négligeables.

Sa vie :

Descendant d’une vieille famille parisienne, Savinien Cyrano de Bergerac naît à Paris, rue des Deux-Portes, l'actuelle Rue Dussoubs dans le 2e arrondissement de Paris, dans la paroisse Saint-Sauveur, où il est baptisé.
Il est le fils d'Abel Cyrano, marié le 3 septembre 1612 à Espérance Bellanger, fille de défunt noble homme Estienne Bellanger Conseiller du Roi et Trésorier de ses Finances ,
Il a quatre frères : Denys né en 1614,
Anthoine né en 1616,
Honoré 1617 — tous deux morts jeunes — et Abel,
ainsi qu'une sœur : Catherine.
Ses grands-parents paternels sont Savinien I Cyrano du domaine de Bergerac, mort en juillet 1590, qualifié de marchand et bourgeois de Paris dans un document du 20 mai 1555, de conseiller du Roi, maison et couronne de France le 7 avril 1573, et Anne Le Maire.
Puis, à partir de 1622, il vit avec sa famille dans les fiefs de Mauvières et Sousforest, nommé Bergerac à cause de ses anciens propriétaires et que son grand-père avait acquis en 1582 à Saint-Forget, près de Chevreuse, dans le sud-ouest de l'Île-de-France.
Après avoir passé une grande partie de son enfance dans cette paroisse de Saint-Forget, il étudie au collège de Beauvais de Paris, dont le principal, Jean Grangier, lui inspire le personnage principal du Pédant joué.
Il n'est donc pas du tout Gascon, mais il s'engage en 1638 avec son ami Henry Le Bret dans la compagnie Royal Gascogne du baron Alexandre Carbon de Casteljaloux du régiment des gardes du roi, qui en comptait un grand nombre.
En 1636, son père vend Mauvières et Bergerac à Anthoine Arbalestrier et place probablement le produit de cette vente en rentes que les dévaluations successives réduiront.
Engagé dans les combats qui opposent Français et Espagnols dans la guerre de Trente Ans, Cyrano est blessé en 1639 au siège de Mouzon d'un coup de mousquet à travers le corps, puis, peut-être passé dans les troupes de Conti, en 1640 à celui d'Arras d'un coup d'épée dans la gorge, qui met fin à sa carrière militaire.
Parmi les compagnons de bataille de Cyrano, Christophe de Champagne, baron de Neuvillette mort dans une embuscade, au retour du siège d'Arras, en août 1640, qui a épousé le 20 février 1635 Madeleine Robineau qui vécu de 1610 à 1657, cousine maternelle de l'écrivain.
De retour dans la vie civile, il reprend ses études au collège de Lisieux en 1641, passe un marché avec un maître d'armes et prend un engagement avec un maître à danser.
À la même époque, Libre-penseur, il devient intime avec Chapelle et s'introduit auprès du précepteur de ce dernier, Pierre Gassendi, un chanoine de l’Église catholique qui tente de concilier l’atomisme épicurien avec le christianisme, dont il devient le disciple.
C'est également sans doute à cette époque, qu'il aurait mis en fuite une centaine de spadassins pour défendre le poète François Pajot de Lignières, près de la porte de Nesle, et qu'il refuse, par haine de la sujétion, de prendre du service auprès du maréchal Jean de Gassion.
Après la fin de sa carrière militaire, il s'engage dans la carrière littéraire.
Son Pédant joué est peut-être représenté en 1646, sa Mort d'Agrippine avec certitude en 1653 — elle fait d'ailleurs scandale.
Tallemant des Réaux écrit dans ses Historiettes :
"un fou nommé Cyrano fit une pièce de théâtre intitulée: la mort d'Agrippine, où Séjanus disoit des choses horribles contre les dieux. La pièce estoit un vrai galimathias. Sercy qui l'imprima dit à Boisrobert qu'il avoit vendu l'impression, en moins de rien: Je m'en estonne, dit Boisrobert.
- Ah! Monsieur, reprit le libraire, il y a de belles impietez."

Avant même leur parution, ses œuvres circulent sous une forme manuscrite.
Nicéron prétend, dans ses Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres, qu'il a rencontré Molière.
Même si ce n'est pas le cas, ce dernier lui a emprunté de nombreux passages, en particulier une scène de son Pédant Joué.
Les œuvres les plus éminentes de Cyrano sont son duo de proto-romans de science-fiction, L’Autre Monde : l’Histoire comique des Estats et empires de la Lune en 1657 et L’Histoire comique des Estats et empires du Soleil, inachevée à sa mort, qui décrivent des voyages fictifs vers la Lune et le Soleil.
Inventives, souvent ingénieuses, et parfois enracinées dans la science, les méthodes de voyage spatial que décrit Cyrano reflètent la philosophie matérialiste dont il était adepte.
L’objectif principal de ces romans de science-fiction était de critiquer de façon subtile la physique traditionnelle d'inspiration aristotélicienne, notamment le géocentrisme, et le point de vue anthropocentrique de la place de l’homme dans la création, ainsi que les injustices sociales du XVIIe siècle.
Comme en témoignent les divers manuscrits existants, la version de L’Autre Monde parue après la mort de Cyrano a été mutilée pour satisfaire la censure.

Plaque commémorative de Cyrano de Bergerac à Sannois.
Cyrano, décrit par maints auteurs comme homosexuel, devient probablement, vers 1640, l’amant de l’écrivain et musicien D’Assoucy, avant de rompre brutalement en 1650.
Lorsque leur relation se transforme en amère rivalité, Cyrano adresse des menaces de mort à D’Assoucy, qui l’obligent à quitter Paris.
La querelle prend alors la forme d’une série de textes satiriques :
Cyrano écrit Contre Soucidas anagramme du nom de son ennemi et Contre un ingrat, tandis que D’Assoucy contre-attaque avec la Bataille de Cyrano de Bergerac avec le singe de Brioché sur le Pont-Neuf.
En 1653, à bout de ressources, il accepte la protection du duc d'Arpajon, qui l'aide à publier l'année suivante chez Charles de Sercy ses Œuvres diverses et La Mort d'Agrippine.
Cyrano est blessé, en 1654, par la chute d’une poutre en bois alors qu’il entrait dans la maison de son protecteur, le duc d’Arpajon.
On ignore s’il s’agit d’une tentative délibérée contre sa vie ou simplement d’un accident, de même qu’il est impossible de déterminer si sa mort est ou non la conséquence de cette blessure, ou d’une raison non précisée.
Abandonné par le duc d'Arpajon, il trouve refuge chez Tanneguy Renault des Boisclairs.

Le 23 juillet 1655, il se fait transporter à Sannois, dans la maison de son cousin Pierre de Cyrano, trésorier général des offrandes du Roi, où il meurt chrétiennement, selon le certificat de décès délivré par le curé de la paroisse, le 28 juillet, à l'âge de 36 ans.
Il est inhumé dans l’église de Sannois.


Méconnu


Serait-ce donc le destin de Cyrano de ne susciter que commérages ou contresens ?
Ce fut pourtant son lot, jusqu'aux articles de Nodier en 1838 et de Théophile Gautier en 1844, avant que l'enthousiasme du bibliophile Jacob alias Paul Lacroix ne rendît au jour une œuvre que son anticonformisme avait sans doute dérobée à la gloire.
Lorsqu'en 1897 Edmond Rostand donna son Cyrano de Bergerac, il crut peut-être par une imposture réparer une injustice.
Ce qui eut du moins l'intérêt d'attiser l'ardeur vigilante de Remy de Gourmont ou de susciter les recherches érudites de Frédéric Lachèvre.
Mais, pour le public, le nom de Cyrano restait celui d'un nez, ou d'une épée fleurie de vers lyriques, lorsque tout à coup, à la Noël 1968, l'auteur de l'Histoire comique des États et Empires de la Lune eut droit aux honneurs qu'on aurait pu craindre provisoires ou d'une information où l'on s'était passé le mot.
Par chance, il n'en fut rien. En posant le pied sur la Lune, le premier astronaute allait raviver durablement l'intérêt jusque-là languissant que l'on portait à l'un des plus libres, des plus puissants esprits de la première moitié du XVIIe siècle.

Du mythe à l'homme

Il faut débarrasser Cyrano des affûtiaux de son mythe ;
-Comme dit plus haut, il n'était point gascon, mais natif, en 1619, de la région de Chevreuse, où se trouvait la terre de Bergerac.
-Il fut un temps vaillant soldat et glorieusement blessé au siège d'Arras. Bretteur ? Jamais et, s'il dégaina souvent, ce ne fut point pour son compte.
-Il écrivit peu de vers galants et son nez avait la forme exactement opposée à celle dont l'affuble Rostand.
-Il fut pauvre, en effet, et ne mena que peu de temps joyeuse vie dans les tripots de la capitale.
-Il vécut sobre et chaste, d'eau pure et de légumes, à l'exemple de son maître Gassendi, pour raison de santé aussi, jusqu'à l'âge de trente-six ans où il mourut des suites d'un accident, peut-être provoqué, sans avoir pu parachever une œuvre où il avait pourtant déjà donné toute sa mesure.

Il était venu tard à l'étude, en adulte consentant : les collèges l'avaient si bien dégoûté de la férule qu'il exerça d'abord sur ses maîtres un talent qu'ils n'avaient pas su exalter :
Le Pédant joué est une admirable comédie, pleine d'invention, où tout le monde, y compris Molière, a si largement puisé qu'elle en est restée méconnue.
C'est donc sur le tard qu'il se fit admettre au collège de Lisieux, puis dans le cercle de Gassendi où il se trouva en compagnie aussi docte qu'orientée : Molière, Bernier, Chapelle, La Mothe Le Vayer le fils. Il fut l'ami de Tristan l'Hermite, " le seul philosophe et le seul homme libre que la France ait ".
Il admirait Sorel et ne cachait point, même chez Gassendi, sa vénération pour Descartes. Son ami Le Bret, qui, à sa mort, prit soin d'éditer son œuvre et de l'édulcorer un peu, disait que « Démocrite et Pyrrhon lui semblaient, après Socrate, les plus raisonnables de l'Antiquité ». On appréciait l'écrivain, l'homme aussi, malgré son humeur un peu fantasque.
Dans ses Lettres, il fait preuve d'une verve "philosophique" digne de Montaigne ou des Lumières et tente d'y réhabiliter la pointe, dont le goût s'était perdu.
S'il se mêle de tragédie, c'est magistralement : La Mort d'Agrippine est un chef-d'œuvre dont Corneille n'eût point rougi. Avouons qu'en politique il fut assez pyrrhonien, et qu'à des mazarinades fort lestes il fit succéder des pamphlets contre les frondeurs, d'aussi bonne venue et plus conformes au machiavélisme des cercles qu'il fréquentait.

Cyrano entre Descartes et Gassendi

Il travaillait cependant à son Autre Monde, son grand œuvre.
À l'Histoire comique des États et Empires de la Lune, qui en composait la première partie, il adjoignit celle des États et Empires du Soleil, à quoi devait succéder "L'Étincelle".
Il avait lu Thomas Morus, la Civitas Solis de Campanella, sans doute John Wilkins et Godwin qui circulaient en traduction.
Giordano Bruno était son maître, comme de tous les libertins, lui qui fut brûlé vif pour avoir cru à la pluralité des mondes.
Et c'est peut-être à l'invite directe de Sorel que Cyrano répondait en décrivant "des choses qui soient arrivées dans la Lune", puisque "cette Terre où nous sommes il faut croire qu'elle sert de Lune à cet autre monde".
N'oublions pas qu'en 1610 la lunette astronomique avait permis d'observer des montagnes dans la Lune et des taches sur le Soleil, qu'en 1636 Gassendi avait établi la première carte de la Lune et qu'en 1648 un Italien avait expérimenté une machine volante.
Comme Cyrano avait plus que de solides connaissances scientifiques, peut-être lui doit-on la rédaction au moins de l'un des livres de la Physique de Rohault, il ne se lançait point en aveugle dans l'utopie.
On est donc loin de pouvoir parler ici d'intuition géniale ! Outre que Cyrano ne faisait qu'adapter, en matière d'astronomie, des connaissances qu'il avait acquises par des lectures et des expériences faites en compagnie de Gassendi, quelque savant et "philosophe" qu'il fût, son éclectisme en ce domaine n'alla point sans quelques incohérences. Lorsqu'on se préoccupe de sciences exactes, vouloir concilier l'atomisme de Gassendi et la physique cartésienne, voilà qui tient sans doute plus du funambulisme que de la science.
Or Cyrano professe pour Descartes une admiration si patente qu'il a voulu clore "les États et Empires du Soleil" par une accolade du philosophe et de Campanella.
Comme, d'autre part, il a fort rigoureusement démonté la métaphysique de Descartes, avec une force d'argumentation qui ne trouvera pas d'expression plus convaincue chez Diderot, ne dirait-on pas plutôt que la méthode cartésienne porte en soi des germes fatals à la métaphysique de Descartes ?
Si le XVIIIe siècle put être à la fois cartésien et athée, n'est-ce point à des libertins comme Cyrano qu'on doit l'amorce de ce renversement ?

Oeuvre païenne

C'est pourquoi L'Autre Monde sent si fortement la poudre et le bûcher.
Sans jamais sacrifier la clarté à la prudente équivoque, qui était de règle, Cyrano refuse et réprouve tous les compromis.
C'est ainsi qu'il réfute en quelques pages tout le raisonnement sur lequel Pascal appuiera son pari .
Loin, d'autre part, de se sentir angoissé entre l'infiniment grand et l'infiniment petit, cette évidence scientifique le satisfait plutôt.
Et le cycle de l'azote, comme nous dirions aujourd'hui, est pour lui raison de sérénité, de modestie, car "ce grand pontife que vous voyez la mitre sur la tête était peut-être, il y a soixante ans, une touffe d'herbe dans son jardin".
Philosophie bien païenne ; sa morale ne l'est pas moins.
Elle repousse toutes les orthodoxies, toutes les religions et tous les conformismes : les morales en cours et l'ordre moral tout court, l'autorité quelle qu'elle soit, temporelle, spirituelle ou tout simplement paternelle.
Il va bien plus loin que Voltaire et ses convictions sont autrement provocantes.
C'est plutôt à Diderot qu'il fait penser avec, en moins, le souffle lyrique et l'ampleur de la voix. Pour lui, tout vit et tout souffre, même le chou sous ce couteau qui l'arrache à la terre, même la pierre.
Son naturalisme s'exprime à l'échelle cosmique : allègre mutation dans une chaîne ininterrompue, du minerai à l'oiseau, de la graine à l'homme en passant par l'arbre et la fleur ; audacieuse prémonition, s'il en fut, de ce que plus tard on nommera évolution.
Philosophie matérialiste que celle de Cyrano ; rien d'étonnant qu'elle lui ait permis de pressentir l'existence de ce que nous appelons maladies ou médecine psychosomatiques et la nécessité d'avoir recours à des hysionomes , c'est-à-dire à des diététiciens, pour assurer le bon fonctionnement des esprits.
On comprend mal que certains n'aient vu qu'un burlesque, un amuseur, en Cyrano.
De même, on se demande si les surréalistes, en s'entichant de lui, n'ont point commis de contresens.
Chez cet Arcimboldo de la plume ou ce Brauner avant la lettre, ce qu'ils ont pris pour les monstres d'une imagination divagante nous semblerait de rigoureuses fantaisies – et dangereuses à coup sûr.
Le paradoxe, c'est que, vérifiées aujourd'hui, les hypothèses scientifiques de Cyrano ont perdu leur valeur explosive. Loin de brûler personne, fût-ce par l'anathème, on s'accommode si bien des acquis du savoir qu'un esprit sincèrement orthodoxe se flattait naguère de ne rien voir d'embarrassant pour sa foi dans le fait qu'on ait soufflé sur du singe plutôt que sur de la glaise.
Que ne s'en est-on avisé plus tôt ?
Peut-être aurait-on épargné le bûcher à ceux qui, à l'instar des habitants de la Lune, auraient pu se quitter sur un : Songez à librement vivre , après s'être salués d'un : Aime-moi, Sage, puisque je t'aime.
Il est vrai que, en des siècles qui ne connurent point d'aggiornamento, Giordano Bruno ne monta peut-être pas en vain sur le bûcher, que Cyrano ne reçut peut-être pas en vain sur le crâne une poutre qu'on a supposée criminelle.
Puisqu'il faut des martyrs...


L'Autre monde ou les états et empires de la lune, et les états de l'empire du soleil,


livre de Savinien de Cyrano de Bergerac. Première oeuvre de fiction.( exception faite de la Bible, de la torah, le coran ..;)

L

L'Autre Monde ou les États et Empires de la Lune, de Savinien Cyrano de Bergerac (1619-1655), rédigé vers 1650, a d'abord circulé sous forme manuscrite, avant de paraître après la mort de l'auteur, en 1657, mais modifié au regard des manuscrits retrouvés, qui datent de 1653 environ. Le Bret, ami de l'auteur et éditeur de l'écrit libertin, ne souhaitait pas affronter la censure. Cette première publication se terminait avec l'idée qu'il y aurait une suite. Mais ce n'est qu'en 1662 qu'un éditeur anonyme publia un texte, dont on est certain, là aussi, qu'il fut expurgé, mais qui reste infiniment explosif : Les États et Empires du Soleil.

Les États et Empires de la Lune

Sous les couleurs d'une Histoire comique (titre donné par l'éditeur du texte posthume, en 1657), donc du genre littéraire le moins codifié qui soit, Cyrano convie son lecteur à un récit de voyage parfaitement hétérodoxe, régulièrement interrompu par des propositions fantaisistes qui développent des arguments capables de miner durablement les vérités et les croyances au nom d'une liberté matérialiste. Dans le même temps, cette histoire se réfère clairement à Lucien de Samosate et à son Histoire véritable et à l'anglais Francis Godwin (L'Homme dans la Lune, 1638, traduit en 1648), pour l'effet fictionnel de déplacement, mais surtout aux connaissances scientifiques du temps. Géographiques tout d'abord : Les États, empires, royaumes et principautés du monde de Pierre Davity (1625), fournit la trame du roman. Scientifique et philosophique ensuite : le voyage cosmique, cette imagination en actes, n'est valide que s'il est en accord avec les théories de Galilée. Il faudra donc que le personnage se déplace de manière romanesque, comique et scientifique, à la fois dans l'univers (d'un point de la Terre à un autre, de la Terre à la Lune, puis de la Terre au Soleil) et dans les représentations possibles et contradictoires de l'ordre du monde, et surtout dans celles qui choquent les traditions établies.

Le récit d'aventures est rédigé à la première personne. Au tout début des États et Empires de la Lune, le personnage-narrateur, sur une route proche de Clamart, au sud de Paris, déclare, en regardant la Lune, que cet astre « est un autre monde comme celui-ci, à qui le nôtre sert de lune ». Le narrateur décide d'aller vérifier la chose, et part expérimenter sa vision de l'autre monde (ou des nouveaux mondes possibles) en attachant à ses vêtements des fioles de rosée qui, attirées par la chaleur du Soleil, le propulsent dans le ciel et le transportent non point sur la Lune mais en Nouvelle-France (la Terre tourne durant son élévation). Là, il doit se justifier de sa manière à la fois burlesque, poétique et scientifique de voyager auprès de ceux qui le soupçonnent de magie – en particulier le vice-roi et les Jésuites. Voulant détruire sa « machine » par l'explosion de fusées, il se trouve à nouveau propulsé dans le ciel, et finit par se poser sur la Lune, un astre évidemment habité, comme Francis Godwin, John Wilkins et Pierre Borel le supposaient.

C'est là que tout s'inverse. Car, sur la Lune, on appelle la Terre la Lune, les vieux obéissent aux jeunes, la virginité est un scandale. Le suicide, infiniment recommandable, se fait en cérémonie : on y boit le sang du suicidé, et on s'accouple ensuite pour que le mort revive dans les enfants qui naîtront. Assisté du démon de Socrate qui lui traduit le langage lunaire, le narrateur y débat de tout – mœurs, nature, croyances – sans préjugés. Romanesque, vision, imagination, réalité, expérimentation scientifique et ironie se mêlent alors pour enquêter sur le monde, les hommes et la matière.


Les États et Empires du Soleil

Au début des États et Empires du Soleil, le narrateur Drycona, (anagramme de Cyrano) est pourchassé par le parlement de Toulouse qui veut l'envoyer au bûcher au motif qu'il pratique la sorcellerie, alors qu'il ne fait que penser librement. Il est également poursuivi pour avoir écrit Les États et Empires de la Lune. Ce qui permet à Cyrano, en jouant de cette intertextualité, de mettre en scène sa propre persécution et de revendiquer la force polémique de ses ouvrages. Drycona erre donc dans les alentours de la Ville rose, échappe à la populace déchaînée, se fait gueux, voire picaro, avant de poursuivre son voyage, sous une forme nettement plus initiatique. Car il s'agit, durant ce parcours, de se libérer des traditions dogmatiques en explorant les mondes possibles, tout en gardant la distance de l'ironie, si bien que la quête de la vérité se transforme en déstabilisation de tout énoncé de vérité. C'est donc un regard nouveau, frôlant l'utopie, qui, via l'imagination et via la Lune, puis le Soleil, est posé sur notre monde.

Cette fois, pour se rendre sur le Soleil, le narrateur imagine une machine spatiale, constituée d'une boîte percée en haut et en bas, et surmontée d'un vaisseau de cristal qui a forme de globe. Sur le Soleil, les oiseaux, les arbres, les fruits savent raisonner et les choux revendiquent une âme. Les oiseaux, athées impénitents, ont peur des étrangers et haïssent la guerre. Ils regardent les coutumes des hommes avec naïveté et clairvoyance, s'étonnant de leur servitude et de l'oppression tant familiale que politique et religieuse que ceux-ci souhaitent et supportent. Les volatiles, qui n'ont pas lu la Bible, en viennent à contester la supériorité de l'homme sur les animaux, et la singularité de l'espèce humaine dans le règne naturel.

Cette visite aux États du Soleil, qui en appelle tout à la fois à Descartes, Campanella et Gassendi, est-elle le fruit d'une imagination déréglée, celui d'une expérience philosophique, ou bien littéraire ? Elle dessine d'abord la figure d'une émancipation, l'apprentissage de la liberté à travers la recherche d'une science de l'homme fondée sur l'énergie de la matière, sur le désir de sentir et d'être, profondément, homme. Pour Cyrano, l'imagination est un merveilleux plaisir en même temps qu'une rigoureuse expérience. Mais c'est aussi un plaisir sans préjugés, et sans Dieu. On comprend que cette pensée, nouvelle, libertine, polémique et infiniment séduisante, ait été très longtemps combattue et qu'elle soit encore, trop souvent, minimisée par la critique.


Liens

http://youtu.be/3O9cKH8-WN4 Du fabuleux voyage
http://youtu.be/jpAAuf4iL1A Cyrano Film complet 1950
http://youtu.be/SialomNaCZg le pédant joué I
http://youtu.be/dF-V4xS1AW8 le pédant joué II
http://youtu.be/09dPtXQdHAIle pédant joué acte III
http://youtu.be/Yc0AqEo2RqQ le pédant joué IV
http://youtu.be/exzXtKeXW7Y le pédant joué V



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Posté le : 27/07/2013 13:34

Edité par Loriane sur 28-07-2013 00:44:40
Edité par Loriane sur 28-07-2013 14:27:13
Edité par Loriane sur 28-07-2013 14:31:44
Edité par Loriane sur 28-07-2013 14:45:37
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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