| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> Le port de l'étoile jaune 1 Septembre 1941 1ère partie [Les Forums - Histoire]

Parcourir ce sujet :   1 Utilisateur(s) anonymes





Le port de l'étoile jaune 1 Septembre 1941 1ère partie
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9501
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3167 / 56493
Hors Ligne
le 1 septembre 1941 un décret instaure le port de l'étoile jaune pour les juifs.


L'étoile jaune est une pièce de tissu en forme d'étoile de David et de couleur jaune, comme son ancêtre la rouelle, imposée par l'Allemagne nazie comme signe vestimentaire distinctif aux Juifs d'Allemagne d'abord, puis à ceux des zones conquises au cours de la Seconde Guerre mondiale en France, Pays-Bas, etc..
Elle devait y être cousue de façon inamovible, en évidence, soit sur le côté gauche, soit à l'avant et à l'arrière, selon les directives locales.

Dans certains pays, était inscrit au centre de l'étoile, en caractères imitant la calligraphie hébraïque, le mot désignant les Juifs dans la langue locale : Jude en Allemagne, Juif en France, Jood aux Pays-Bas, un simple J en Belgique, qui signifiait Jood pour les néerlandophones, et Juif pour les francophones en Slovaquie.
Outre son rôle primaire, discriminatoire, l'étoile jaune eut une fonction de marquage, désignant les Juifs aux nazis lors des rafles, etc.

Instauration

L'étoile jaune a été instaurée par un décret du 1er septembre 1941, signé par Reinhard Heydrich, alors à la tête de l'Office supérieur de la Sécurité du Reich : Reichssicherheitshauptamt.
Tous les Juifs âgés de plus de six ans durent alors la porter de manière bien visible chaque fois qu'ils se montraient en public, sans quoi ils s'exposaient, même par négligence, à une amende ou de la détention.
Dans sa finalité, l'étoile se voulait une adaptation plus récente du principe de la rouelle de 1215. Elle en reprend d'ailleurs la couleur, le jaune, symbole de trahison ou de folie aux yeux des chrétiens du Moyen Âge.

En France : la 8e ordonnance allemande

Le 5 mai 1942, lors de la venue à Paris de Reinhard Heydrich, l’adjoint de Himmler à la tête des SS, une réunion avec Dannecker, chef, à Paris, de la section IV J de la Gestapo, chargé de la question juive, Otto Abetz, ambassadeur d’Allemagne, et Carl-Theo Zeitschel, chargé des questions juives à l’ambassade, précisera la formulation du texte de la huitième ordonnance allemande en cours d’élaboration et promulguée le 29 mai 1942.
Elle sera imposée à tous les juifs de plus de six ans, aux Juifs de la zone occupée.
L'ordonnance entrera en vigueur le dimanche 7 juin 1942.
En l'espace de deux semaines, trois étoiles par personne seront distribuées dans les commissariats par la police française, à environ 83 000 exemplaires sur Paris et sa banlieue, en échange d'un point textile sur les cartes de rationnement.
L'ordonnance entrera en vigueur le dimanche 7 juin 1942.

De rares dérogations

Des dispositions dérogatoires existaient : l'ordonnance indiquait que lors de circonstances spéciales, dans l'intérêt du Reich, des dérogations à l'ordonnance peuvent être prévues dans des cas isolés.
Les exemptions devaient se limiter aux étrangers issus des pays belligérants : Grande-Bretagne, États-Unis, états ennemis d'Amérique Centrale ou du Sud, pays neutres : Suisse, Espagne, Brésil, Canada et des pays alliés de l'Allemagne : Italie, Grèce, Turquie, Bulgarie, pour éviter les représailles contre les ressortissants allemands ainsi que les interventions des pays neutres.


Dans sa lettre du 29 mai 1942 à l'ambassadeur de France, Fernand de Brinon, le général Karl Oberg, chef de la SS en France occupée, souligne qu'il se réserve la possibilité dans des cas particuliers, de procéder à des exceptions. Dans ces cas, le Juif exempté du port de l’insigne devra porter sur lui un certificat établi par le chef de la police de Sûreté et du service de Sûreté.
Seront également exemptés les Juifs vivant en mariage mixte, si leurs enfants étaient reconnus comme non-juif.
Une note du 25 août 1941 de Heinz Röthke, chef du service Juif à la SS de Paris, dresse une liste de 26 juifs, officiellement exemptés du port de l'étoile jaune. Lisette de Brinon, née Franck, est inscrite en tête de liste.
Elle est l'épouse de Fernand de Brinon, ambassadeur du gouvernement de Vichy à Paris.
Suivent trois exemptions sollicitées par le Maréchal Pétain.
Dans une lettre du 12 juin 19429, adressée à Brinon, Pétain écrit :
Mon attention vient d'être attirée à plusieurs reprises sur la situation douloureuse qui serait créée dans certains foyers Français si la récente Ordonnance des Autorités d'Occupation, instituant le port d'un insigne spécial pour les juifs, était appliquée sans qu'il soit possible d'obtenir des discriminations naturelles et nécessaires.
Je suis convaincu que les Hautes Autorités Allemandes comprennent parfaitement elle-mêmes que certaines exemptions sont indispensables ; le texte de la 8e ordonnance les prévoit d'ailleurs.
Et cela me semble nécessaire pour que de justes mesures prises contre les israélites soient comprises et acceptées par les Français.
Je vous demande donc d'insister auprès du Général Commandant les Troupes d'Occupation en France pour qu'il veuille bien admettre le point de vue que vous lui exposerez de ma part pour que M. le Commissaire Général aux Questions Juives puisse promptement obtenir la possibilité de régler par des mesures individuelles et exceptionnelles certaines situations particulièrement pénibles qui pourraient nous être signalées.
Une inscription manuscrite du SS-Obersturmführer Beumelburg, chef de la Gestapo, précise en Allemand qu'il s'agit de cent cas.
Le 3 juillet 1942, le Docteur Ménétrel, l'éminence grise de Pétain, transmettra à Brinon seulement deux demandes précises d'exemptions :
Madame de Chasseloup-Laubatnote .
Madame de Langladenote .
" Je pense qu'à ces demandes pourrait être jointe celle de Mme la Générale Billotte, dont je vous avais adressé la lettre reçue par le Maréchal, ainsi que copie de la réponse que je lui ai faite précise le courrier".
À la différence de sa sœur, Lucie Langlade n'obtiendra pas d'exemption ni le protecteur statut d‘aryenne d'honneur. Arrêtée, elle ne sera pas libérée malgré des interventions, et mourra en déportation.
Le 20 janvier 1944, elle fera partie du convoi n° 66 pour Auschwitz et sera envoyée à la chambre à gaz le 24 janvier.
Parmi les autres exemptions accordées, la comtesse Suzanne de Sauvan d'Aramonnote .
Outre les demandes relationnelles considérées comme indispensables, la note de Röthke fait état de huit cas où l'exemption est accordée pour de pressants motifs économiques .
Sept autres exemptions relèvent de demandes de l'AST : Abwehrstell, les services de contre-espionnage ; six exemptions concernent des Juifs « travaillant avec la police anti-juive ». Parmi ces derniers, se trouvait Moszek : Maurice Lopatka, né à Varsovie en 1883.
Léon Poliakov le considère comme le plus terrible des informateurs juifs, employé par les services anti-juifs tant allemands que français. Responsable de l’arrestation de centaines de juifs qu’il faisait chanter avant de les dénoncer pour toucher des deux côtés .
L'ambassade d'Allemagne à Paris avait examiné d'autres demandes lors d'une réunion tenue le 17 juin 194212.
L'ambassadeur Abetz, avec Oberg, Rudolf Rahn, Zeitschel, Knochen et Hagen, discuteront des demandes d'exemption pour Louise Neuburger, veuve du philosophe Henri Bergson ainsi que pour Maurice Goudeket marié en 1935 à la célèbre écrivaine Colette; il sera également question du pianiste Konstantin Konstantinoff, pilier de la programmation musicale de Radio Paris.
Si aucune décision ne sera prise pour ces célébrités, en revanche Marcel Lattès bénéficie d'une exemption à compter du 15 mai 1943, jusqu'au 15 septembre 1943, qui lui a permis de travailler. Mais, le 15 octobre 1943, la police vient le chercher à son domicile parisien.
Il sera déporté à Auschwitz par le convoi n°64 du 7 décembre 1943 et mourra le 12 décembre à 57 ans .
Les marchands d'art Allan Loeblnote Emmanuel Loebl, et Hugo Engel obtiennent des exemptions sur intervention de Hans Poss, chargé par Hitler des acquisitions pour son musée de Linz en Autriche .
La situation qui restait favorable à certaines nationalités évoluera très vite : début juillet 1942, les juifs hongrois sont astreints à l’étoile par un complément à la 8e ordonnance.
Les Juifs russes vivant en France doivent aussi porter l’étoile, qu’ils viennent ou non des territoires occupés. En septembre, suivront les Juifs bulgares et roumains.

L'étoile jaune et la zone libre

L'étoile jaune n'a pas été portée en zone libre, jusqu'à ce qu'elle soit envahie le 11 novembre 1942 par les Allemands et les Italiens suite au débarquement allié en Afrique du Nord.
En septembre 1942, Röthke, lors d'un entretien avec Jean Leguay, secrétaire général de la police, avait évoqué la déportation en zone libre en proposant la dénaturalisation des Juifs.
Pétain se serait opposé au port de l'étoile jaune en zone libre mais il fit apposer le tampon «Juif» sur les papiers d'identité. "Moi vivant, l’étoile juive ne sera pas portée en zone libre" aurait-il dit au grand rabbin Schwartz.

L'étoile jaune et les religions

Le pasteur Marc Boegner, président de la Fédération protestante de France, écrira à Pétain le 12 juin 1942 pour lui exprimer la douloureuse impression éprouvée par les Églises de son ressort devant les nouvelles mesures prises par les autorités d'occupation à l'égard des Israélites.
Et le pasteur André Bertrand, un de ses vice-présidents, adressera une lettre aux pasteurs de la zone occupée rappelant l'égalité des races devant Dieu.
L'archevêque de Paris, le cardinal Suhard, plaidera pour des demandes d'exemptions.
Dans son sermon du 7 juin 1942, à la Sainte-Chapelle, le suppléant du cardinal prendra position contre l'étoile, rappelant que « les Juifs et les Chrétiens sont des frères ".
À Vichy, rapporte Georges Wellers, "le RP Victor Dillard, devant ses fidèles de l'église Saint-Louis, les invite à prier pour les 80.000 juifs que l'on bafoue en leur faisant porter l'étoile jaune ".
L'abbé Jean Flory, curé de Montbeliard, lors de la messe de minuit de 1942, en présence d'Allemands en uniforme, avait fait porter par les enfants de chœur en procession, un enfant Jésus à l'étoile jaune. Dans la crèche, Joseph et Marie portaient aussi l'étoile.
L'affaire n'aura pas de suite.
Le statut des Juifs obligea l'archimandrite de Meudon, Serge Feffermann, haut dignitaire de l'église russe orthodoxe, à porter l'étoile jaune. Dans une lettre au CGQJ du 17 décembre 1942, il demande à ne plus porter l'étoile, après avoir rappelé avoir quatre grands parents juifs et sa conversion à 16 ans :
"Un demi-siècle passé au service de l'Eglise catholique orthodoxe pouvait me faire croire que jamais rien ne me rappellerait ma lointaine origine israélite.
Or, actuellement, à cause de règlements, peut-être trop rigoureusement interprétés, je suis astreint à porter l'étoile de Sion, que j'ai reniée à jamais, et qui comporte le plus douloureux sacrifice qui puisse être imposé à un prêtre, celui de ne pouvoir participer à la célébration de service religieux".
Sa demande sera rejetée le 27 février 1943.
Les juifs sépharades, qui figuraient parmi les dérogations du second statut des juifs accordées aux anciens combattants, ont fait l'objet de demandes d'exemption générale des mesures anti-juives. En juillet 1942, le directeur du Statut des personnes au Commissariat général des questions juives, demandera même conseil au consul général d'Espagne à Paris. Bernardo Rolland répondra que "la loi espagnole ne fait aucune distinction du fait de leur confession entre ressortissants espagnols", et il prônera de ne pas appliquer le statut aux sépharades.
Les mères israélites sépharadiques adressèrent une lettre au maréchal Pétain en ce sens.
Darquier de Pellepoix, commissaire général aux questions juives, mettra un terme aux hésitations en septembre 1943, en décidant l'application du statut.

Ils ont refusé l'étoile

Volontairement, Robert Debré n'a pas porté l'étoile jaune.
Dans ses mémoires, il revient sur son choix :
Personnellement j’étais bien décidé à ne pas obéir à cette mesure nouvelle pas plus qu’aux précédentes écrit-il.
Pour éviter toute complication, Élisabeth de La Panouse de La Bourdonnaye, qui sera sa seconde épouse, retira une étoile jaune au commissariat de police.
Elle avertit le commissaire de police que je ne la porterais point.
Il enregistra cette déclaration, et je rangeai le petit morceau d’étoffe dans un tiroir où devait le rejoindre plus tard, parmi les objets du souvenir, mon brassard FFI arboré pendant la libération de Paris.
J’étais convaincu, comme plusieurs d’entre nous, que cette désobéissance n’augmenterait guère les risques car nous fûmes assez nombreux à prendre cette attitude.
Sans nous être entendus, agirent de même les deux autres membres de ma famille astreints à cette obligation et alors présents à Paris :
" le professeur Jacques Hagueneau, mon cousin, qui échappa de justesse un peu plus tard à la Gestapo, et un autre cousin, Paul Dennery, qui fut arrêté place de la Madeleine et dont on n’eut plus jamais de nouvelles."
En mai 1943, il sera inquiété par la police française alors qu’il se rend sans étoile à l’Académie de médecine.
Dans son rapport d’enquête, l’inspecteur Henri Soustre, indique avoir interrogé le médecin à son domicile :
"Le Pr Debré déclare être Juif et ne pas porter l’étoile et avoir été relevé de toutes les interdictions portées au statut des Juifs par décret du 5 janvier 1941 pris en Conseil des ministres".
L’enquêteur précise que ce décret n’est pas signé de Pétain mais du secrétaire d’État à l’éducation nationale, Jérôme Carcopino, le 11 juillet 1941, réintégrant le Pr Debré dans ses fonctions à l’Académie avec effet rétroactif.
"D’après ses dires, ces faits seraient connus des autorités occupantes qui auraient toujours fait exception pour lui."
Le rapport poursuit :
"Récemment son téléphone ayant été supprimé à la suite d’une dénonciation, les autorités occupantes le lui ont fait remettre immédiatement.
Le Pr Debré ajoute qu’il s’est présenté à plusieurs reprises dans les bureaux allemands sans porter l’étoile.
Au moment du port de l’étoile, une demande à la préfecture de police a été faite, il lui aurait été répondu qu’il était dans un cas spécial en vertu de ce même décret".
La profession médicale protestera contre l’étoile jaune : en juin 1942, les professeurs Leriche et Lemierre, président et vice-président de l’Ordre des médecins, s’adresseront au CGQJ : Commissariat Général aux Questions Juives pour obtenir une exemption en faveur de Mme le Dr Widal, la veuve du célèbre Fernand Widal.
Une réponse sèche de dix lignes indiquera qu'il ne pouvait être donné une suite favorable.
Chez les avocats et notaires Juifs, certains envisageront une action collective de protestation.
Le 5 juin 1942, Zeitchel, expert aux Questions Juives à l’ambassade d’Allemagne, s’adresse en ces termes à Dannecker : "Le Comte de Brinon, Secrétaire d’État, a appris que les avocats et notaires Français projettent un manifeste et recueillent des signatures dans l’intention de faire exempter leurs collègues juifs du port de l’étoile jaune. Darquier de Pellepoix a l’intention de faire arrêter tous les avocats qui prendront part à cette action.
L’ambassade n’y voit pas d’inconvénient. Prière au SD de prêter son appui à cette mesure énergique en faveur des ordonnances allemandes."
En marge la mention "À Drancy ! " sera rajoutée à la main.
Le 15 juillet 1942, Röthke demandera une enquête qui n'aboutira pas en raison des vacances judiciaires et le bâtonnier Jacques Charpentier refusera de faire appliquer la 8e ordonnance.
Il répondra que douze à quatorze avocats juifs sont encore en fonctionner qu'ils " ne portent pas l'étoile, volontairement, malgré les observations faites ".
Chez les pompiers, le port de l'étoile sera évoqué par Oberg dans une lettre du 15 juin 1942 au colonel Simonin, commandant du régiment des sapeurs-pompiers de Paris, lui indiquant qu'il ne peut pas accorder d'exemption aux 28 caporaux et sapeurs juifs.

Max Jacob, le poète à l'étoile

Né de confession juive, converti à 40 ans, Max Jacob, 1876-1944 a été surnommé le poète à l’étoile .
"Deux gendarmes sont venus enquêter sur mon sujet, ou plutôt au sujet de mon étoile jaune. Plusieurs personnes ont eu la charité de me prévenir de cette arrivée soldatesque et j’ai revêtu les insignes nécessaires "
écrit-il dans une lettre alors qu’il s’est réfugié à Saint-Benoît-sur-Loire.
Dans son poème Amour du prochain, il écrit :
"Qui a vu le crapaud traverser une rue ? C’est un tout petit homme, une poupée n’est pas plus minuscule. Il se traîne sur les genoux : il a honte, on dirait…? Non ! Il est rhumatisant. Une jambe reste en arrière, il la ramène ! Où va-t-il ainsi ? Il sort de l’égout, pauvre clown.
Personne n’a remarqué ce crapaud dans la rue. Jadis personne ne me remarquait dans la rue, maintenant les enfants se moquent de mon étoile jaune. Heureux crapaud, tu n’as pas l’étoile jaune.
Finalement, il est arrêté par la Gestapo d'Orléans le 24 février 1944, avant d'être déporté au Camp de Drancy, où il meurt d'épuisement deux semaines plus tard.
Ne pas porter l'étoile : quels risques ?

L'étoile jaune devait être solidement cousue.

Ne pas la porter ou même la dissimuler constituaient des infractions à l'ordonnance allemande, et un motif suffisant de déportation. Un Juif sans étoile prenait également un risque accru de dénonciation.
Ce sera le cas pour Louise Jacobson, une lycéenne de 17 ans, arrêtée chez elle, rue des Boulets, dans le XIe arrondissement de Paris, par la police française.
Incarcérée à Fresnes le 1er septembre 1942… Drancy, Beaune-la-Rolande, elle sera déportée par le convoi no 48 du 13 février 1943 et mourra gazée à son arrivée à Auschwitz.
Louise a laissé six mois de lettres émouvantes écrites pendant sa captivité, que sa sœur publiera en 1989, adaptées au théâtre sous le titre "Les lettres de Louise Jacobson".
Dans certaines circonstances, ne pas porter l'étoile a pu aussi sauver la vie.
Dans le Mémorial des enfants juifs déportés de France, Serge Klarsfeld cite le témoignage de Sarah Lichtstein, arrêtée à 14 ans, avec sa mère, lors de la rafle du Vél d'Hiv', le 16 juillet 1942 26 : " Je ne porte pas l'étoile jaune.
Des autobus arrivent sans cesse et, pendant que la police s'occupe des nouveaux venus, je m'avance un peu sur le trottoir. Un agent s'approche de moi et me demande : " Qu'est-ce que vous faites là ? " Je réponds : " Je ne suis pas juive, je suis venue voir quelqu'un ".
" Foutez moi le camp, vous reviendrez demain " dit-il ... " Je prends la rue Nocard, en face du Vél d'Hiv' et là, je la suis n'osant me retourner, tremblant qu'on me rappelle et le cœur lourd d'avoir laissé maman.
Au bout de la rue un agent arrête les gens qui veulent entrer. Je m'avance le cœur battant, mais il me laisse passer croyant que j'habite un immeuble de cette rue ". Sarah retrouvera sa mère qui avait pu s'échapper une demi-heure après.
Après deux années de répit, dénoncées, elles seront déportées à Auschwitz par le convoi n° 75 du 30 mai 1944, mais elles ont survécu.

Port de l'étoile jaune par des non-juifs

En France, par défi, un certain nombre de non-Juifs, en particulier les zazous, se sont affichés avec une étoile jaune portant l'inscription Swing à la place du mot Juif .
Une légende veut que, durant l'occupation du Danemark par l'Allemagne nazie, le roi Christian X, voire selon les versions, la population non-juive dans son ensemble, portaient aussi l'étoile jaune afin de soutenir leurs concitoyens juifs en rendant inefficace la mesure de l'occupant.
Toutefois, la mesure n'a pas été imposée au Danemark ; cette histoire est par conséquent fausse.
On retrouve la même légende avec le sultan Mohammed V du Maroc, alors que le territoire marocain ne fut jamais sous occupation allemande.
Il refusa de promulguer l'ordonnance allemande dans le protectorat français en répondant au représentant de l'administration coloniale : Il n'y a pas de juifs au Maroc, il y a seulement des sujets marocains .
Néanmoins, il avait signé un dahir, en octobre 1940, instaurant le numerus clausus dans les professions libérales.
Les dérogations contestées de Papon

À la 68e journée d'audience de son procès, Maurice Papon, l'ancien secrétaire général de la préfecture de Gironde, évoquera ses interventions pour sauver des juifs .
Il estimera à au moins 150 personnes libérées ou exemptées des convois entre 1942 et 1944 et assura que son service des questions juives accorda 1 182 dérogations au port de l'étoile jaune, ce qui donnait une chance supplémentaire aux juifs d'échapper aux Allemands .
Ces dérogations auraient concerné 951 Français et 231 étrangers. Michel Slitinsky, partie civile à l'origine du procès, contestera ces chiffres en les ramenant à seulement 11 dérogations accordéesnote.
Autres signes distinctifs imposés par le reischtag

En Pologne, les Allemands obligèrent les Juifs de plus de douze ans à porter un brassard blanc avec une étoile de David bleue au centre, sur le bras droit. En Croatie, le brassard était jaune avec une étoile noire au centre.
En Roumanie, à partir du 3 septembre 1941, le port de l'étoile sera étendu à l'ensemble du pays : une étoile noire sur fond blanc. Dans l'armée, le grade des juifs est représenté par des étoiles jaunes, le port des feuilles de chêne sur la casquette leur étant interdit.

Témoignages

Le compositeur Serge Gainsbourg, faisant allusion à l'Occupation où, enfant, il fut obligé de porter l'étoile jaune, dira avec ironie mais non sans ressentiment que c'était une étoile de shérif dans sa chanson Yellow Star.
Daniel Kahneman, prix Nobel d'économie 2002 :
"Alors que les juifs devaient porter l'étoile jaune et respecter un couvre feu à six heures, je rentrais tard après avoir été jouer avec des camarades chrétiens. Alors que je marchais dans la rue, un soldat allemand s'approche. Il portait l'uniforme noir des SS que l'on m'avait appris à craindre plus que tout. Alors que j'accélérais le pas, arrivant à son niveau, je notais qu'il me regardait intensément. Il s'est penché vers moi, m'a pris puis serré dans ses bras. J'étais terrifié qu'il ne remarque mon étoile sous mon chandail.
Il me parlait avec émotion, en allemand.
Il a desserré son étreinte, ouvert son porte-monnaie, montré la photographie d'un petit garçon et donné de l'argent. Je suis rentré à la maison, plus convaincu que jamais que ma mère avait raison :
"les gens sont infiniment compliqués et intéressants ".
Marcel Aymé, s'est révolté contre le port de l'étoile. Henri Jeanson rapporte :
"L’apparition de l’étoile jaune souleva la colère des Parisiens et ils surent la manifester, cette colère, à leurs risques et périls. Je me souviens très bien que Marcel Aymé, dont l’impassibilité n’était qu’apparente, écrivit alors sous le coup d’une émotion, qu’il ne put ni ne voulut maîtriser, un article d’une violence inouïe contre les responsables de ces mesures ignobles et humiliantes qui nous atteignaient tous.
Cet article, il le proposa en toute innocence à un journal.
L’article fut accepté, composé et soumis à l’obligatoire censure allemande qui, comme prévu, en interdit la publication. à l’imprimerie, les typos en tirèrent alors de nombreuses épreuves à la brosse et se firent un devoir de les distribuer autour d’eux avec prière de faire circuler.

Apparitions dans la culture

En 1973, dans le roman Un sac de billes de Joseph Joffo, le narrateur, un écolier, échange son étoile jaune contre un sac de billes, qui donne son titre à l'œuvre.
En 1986, dans son sketch On me dit que des Juifs se sont glissés dans la salle ?, l'humoriste Pierre Desproges incarne, au second degré, un personnage antisémite qui présente l'étoile jaune avec une évidente mauvaise foi comme un objet de fierté pour les Juifs, qu'ils instituèrent eux-mêmes :
"On ne m'ôtera pas de l'idée que, pendant la dernière guerre mondiale, de nombreux Juifs ont eu une attitude carrément hostile à l'égard du régime nazi. Il est vrai que les Allemands, de leur côté, cachaient mal une certaine antipathie à l'égard des Juifs. Ce n'était pas une raison pour exacerber cette antipathie en arborant une étoile à sa veste pour bien montrer qu'on n'est pas n'importe qui, qu'on est le peuple élu
Dans la chanson Petit Simon, Simon étant un prénom d'origine hébraïque de Hugues Aufray figure le refrain " Les étoiles ne sont pas toujours belles / Elles ne portent pas toujours bonheur / Les étoiles ne sont pas toujours belles / Quand on les accroche sur le cœur" .

Dans d'autres pays

-Belgique : Le port de l'étoile sera imposé par l'ordonnance du 1er juin 1942. Les bourgmestres de l'agglomération de -Bruxelles écriront le 5 juin aux autorités allemandes :
"Vous ne pouvez exiger de nous une collaboration à son exécution. Un grand nombre de Juifs sont belges, et nous ne pouvons nous résoudre à nous associer à une prescription qui porte atteinte aussi directement à la dignité de tout homme quel qu'il soit ".
-Îles Anglo-normandes : La 8e ordonnance a été enregistrée le 30 juin 1942 par le tribunal royal de Guernesey mais, sur intervention du gouverneur et du procureur général, elle ne sera pas enregistrée à Jersey par le bailli Alexander Coutanche premier citoyen, chef du législatif et du judiciaire.
Passant outre, l'OKVR Wilhelm Casper adressera au Haut commandement SS à Paris, la liste des Juifs des deux îles, et demandera si les Juifs anglais, comme ceux d'autres nationalités, devaient porter l'étoile, avec la mention Jew

L'antisémiste

Dans un pamphlet publié en 1879, La Victoire du judaïsme sur la germanité, le journaliste et agitateur politique allemand Wilhelm Marr utilise les mots de "sémitisme" et d' "aryanisme", dérivés des classifications de la linguistique et de l'anthropologie physique de la seconde moitié du XIXe siècle.
La même année, il fonde la Ligue antisémite, qui consacre l'entrée du terme antisémitisme Antisemitismus dans le vocabulaire politique.
Produite directement par les idéologies nationalistes et racistes alors en pleine expansion, cette expression nouvelle de la haine contre les juifs n'est cependant pas sans liens avec ce que Hannah Arendt désigne, dans la Préface de Sur l'antisémitisme, par haine religieuse du Juif religious Jew-hatred qu'on appelle aujourd'hui antijudaisme, hostilité repérable dès l'Antiquité, qui va se prolonger et s'amplifier au Moyen Âge dans l'Occident chrétien, et finalement perdurer jusqu'au XXe siècle.
L'antijudaïsme ne naît certes pas avec le christianisme, même si sa version chrétienne comporte une dimension théologique absente dans les sociétés païennes, déterminante pour comprendre les conditions spécifiques d'apparition de l'antisémitisme contemporain dans la culture occidentale.
Il nous faut donc nécessairement faire retour sur cette « préhistoire » de l'antisémitisme avant d'aborder en tant que telles les causes immédiates de sa naissance et de son développement, aux XIXe et XXe siècles.

L'antijudaïsme de l'Antiquité au Moyen Âge

L'Antiquité païenne et chrétienne
L'hostilité aux juifs n'avait pas de caractère systématique dans les empires de l'Antiquité, qui étendaient leur domination sur de multiples peuples aux cultes les plus divers.
En Perse, en Grèce ou à Rome, les tensions ne procédaient pas principalement d'une mise en accusation de la religion juive ni d'une volonté de la société dominante de démontrer les erreurs des juifs par rapport à ses propres croyances.
La persécution déclenchée à partir de — 167 par Antiochus IV Épiphane, qui entend interdire la pratique de la religion juive en Judée et force les juifs à participer aux rites païens, fait de ce point de vue figure d'exception.
La profanation et le pillage du Temple de Jérusalem, les massacres et conversions forcées et l'instauration, dans le Temple, du culte de Zeus Olympien traduisent, combinés aux intentions politiques, des motifs expressément religieux qu'on ne retrouve pas par exemple chez les Romains, lorsqu'ils répriment les insurrections juives des Ier et IIe siècles.
On peut cependant repérer, chez les lettrés grecs et romains, la constitution précoce d'un discours a priori hostile aux juifs. Depuis Hécatée d'Abdère à la fin du IVe siècle av. J.-C. jusqu'à Dion Cassius, 155-235, en passant par Diodore de Sicile, Cicéron, Sénèque ou Tacite, les Anciens ont colporté des récits sur l'origine, les croyances et les rites du peuple juif où le mépris le dispute à l'ignorance.
L'opprobre frappant ce peuple de lépreux expulsés d'Égypte, son inconcevable prétention à ne reconnaître qu'une seule divinité sans effigie, ses pratiques irrationnelles avérées, circoncision, sabbat ou inventées pour la circonstance (adoration d'un âne, meurtre rituel), enfin la menace que représenterait son influente diaspora, tels sont les principaux motifs ressassés par les auteurs païens pour le stigmatiser.

L'antijudaïsme chrétien procède de mobiles différents.

Né de la prédication au Ier siècle de Jésus de Nazareth et de ses disciples, le christianisme est l'une de ces nombreuses sectes messianiques et apocalyptiques juives qui surgissent à l'époque, au sein d'un judaïsme profondément divisé sur l'attitude à adopter face à l'occupant romain et à l'hellénisation qui progresse grâce à lui.
Il en conserve évidemment de nombreux traits, comme le montrent les communautés judéo-chrétiennes du Ier siècle, qui entendent continuer d'observer la loi juive, circoncision, sabbat, interdits alimentaires, etc..
Il ne s'en sépare définitivement qu'à l'issue des deux guerres juives de 66-70 et de 132-135, qui scellent la faillite du messianisme séculier et confortent le judaïsme des pharisiens, qui ont condamné l'hérésie chrétienne.
Du côté chrétien, la priorité donnée, en particulier par l'apôtre Paul, à la prédication des Gentils, les non-juifs, conduit aussi à insister sur les différences et à créer la plus grande distance possible entre les deux communautés.
Dans les écrits des pères de l'Église grecs et latins, à partir du IIe siècle, la condamnation des valeurs religieuses et culturelles juives occupe une place de choix, comme l'illustre le Contre les Juifs de Tertullien, env. 200.
Le stéréotype du peuple déicide, assassin du Christ, devient alors un argument pour les dresser l'une contre l'autre, notamment chez Eusèbe de Césarée, Grégoire de Nysse et Jean Chrysostome. Au IVe siècle, un changement radical se produit.
Par suite de l'alliance passée entre l'empereur Constantin Ier et le parti chrétien, le christianisme devient la religion prépondérante de l'Empire et s'érige en Vrai Israël , selon l'esprit, Nouvelle Alliance, face à un Israël déchu, resté attaché à l'ancienne loi, selon la chair : Ancienne Alliance.
Lorsque le christianisme est proclamé religion de l'Empire par Théodose Ier, en 380, les grandes lignes de la théologie chrétienne sont définitivement arrêtées à l'égard des juifs.
Si la religion juive est la seule à conserver le statut de religio licita accordé sous l'empire païen aux multiples religions orientales, cultes d'Isis, de Mithra, etc., c'est uniquement parce qu'Israël est considéré comme peuple-témoin d'une erreur et que sa conversion, à terme, s'inscrit dans l'eschatologie chrétienne.
Il n'en reste pas moins que les juifs, qui n'ont reconnu ni la messianité ni la divinité de Jésus, portent la responsabilité de sa crucifixion, qu'ils ont été rejetés par Dieu, chassés de leur terre et condamnés à l'errance.
Les chrétiens s'affirment les seuls héritiers et interprètes légitimes de l'Écriture, laquelle témoigne contre les juifs.
Les interprétations que font ces derniers du texte sacré sont réputées insensées, comme l'énoncera en 553 une loi de l'empereur Justinien, la novelle 146.

L'Occident médiéval

Tout au long du Moyen Âge, le sort réservé aux communautés juives variera selon les périodes et les contextes : protection relative et maintien dans une condition dépendante et humiliante, campagnes de conversion par la persuasion, persécutions violentes, conversions forcées et expulsions, diabolisation et ségrégation systématiques. L'évolution n'est pas uniforme dans l'ensemble du monde chrétien, mais une nette aggravation peut être repérée à partir du XIIe siècle.

Durant le haut Moyen Âge, l'Église s'applique à réduire la place qu'occupent encore les juifs dans la société, héritée de leur statut de citoyens sous l'Empire romain.
Elle interdit aux clercs de s'attabler avec les juifs, à ces derniers de sortir en public pendant la période de tension religieuse allant du Jeudi saint à la fin des Pâques, ou de se mêler à la population chrétienne.
Elle prohibe les mariages mixtes, jusque-là relativement fréquents, en particulier sous les Mérovingiens.
Les fonctions de percepteur d'impôts et de juge sont fermées aux juifs. Les décisions réitérées des conciles locaux, entre le VIe et le VIIe siècle, montrent en même temps que l'Église peine à les faire appliquer rigoureusement.
Elle s'attelle aussi à la tâche de ramener sur la bonne voie les juifs perfides – l'expression apparaît au VIIe siècle, l'adjectif latin étant alors utilisé au sens d' infidèle –, par la conversion au christianisme en usant davantage de la persuasion que de la contrainte, comme le préconisait le pape Grégoire le Grand.

Ces mesures de l'Église n'altèrent pas encore en profondeur la condition des juifs dans le royaume franc, malgré la précarité qu'elles lui impriment, et n'apparentent nullement leur sort à celui de leurs coreligionnaires de l'Espagne wisigothique, après la conversion au christanisme des souverains de ce pays. Néophytes zélés, ceux-ci vont redoubler de rigueur à l'égard des juifs.
Finalement, le roi Sisebut les oblige en 613 à recevoir le baptême.
Nombreux sont ceux qui cherchent refuge dans des terres plus hospitalières, notamment en Provence.

La période des croisades marque un tournant dans l'antijudaïsme chrétien d'Occident.
En 1095, l'appel à la première croisade entraîne une vague de violences contre les juifs, dans une moindre mesure en France mais surtout dans la vallée du Rhin.
Des communautés sont massacrées à Spire, Mayence, Worms, Ratisbonne. La pratique des conversions forcées provoque des suicides collectifs pour échapper à l'apostasie.
Les récits juifs des persécutions qui ont accompagné le passage des croisés font état de la protection accordée par certains évêques. En tout état de cause, l'Église ne peut être tenue responsable des massacres commis.
Elle condamne derechef les violences similaires déclenchées par la deuxième croisade, en 1146.
La bulle Sicut Iudeis prise par le pape Calixte II en 1122 ou 1123, qui garantissait la protection des juifs, fut réitérée par plusieurs de ses successeurs jusqu'au XVe siècle.

Le resserrement de l'étau

Aux XIIe et XIIIe siècles apparaissent un peu partout en Occident chrétien des symptômes inquiétants d'une dégradation de la condition juive.
Les juifs dépendent de plus en plus du seul bon vouloir du prince qui peut disposer d'eux à sa guise.
C'est ainsi que Philippe Auguste expulse les juifs du domaine royal en 1182 pour mettre la main sur leurs biens et renflouer le Trésor, avant d'autoriser leur retour en 1198.
Le règne de Saint Louis est quant à lui marqué par toute une série de mesures dirigées contre les juifs et par le brûlement du Talmud : 1242 ou 1244.

C'est aussi l'époque où resurgit la calomnie du meurtre rituel.
Dans cette nouvelle version, les juifs sont accusés d'utiliser le sang de chrétiens sacrifiés pour la confection des pains azymes consommés pendant la fête de Pâque.
La première de ces accusations est proférée en 1144 à Norwich en Angleterre.
Malgré la dénonciation expresse de ce mensonge par Innocent IV dans sa lettre Lacrimabilem Iudaeorum adressée aux évêques en 1247, l'accusation se répétera. À Blois, en 1277, elle aboutit à l'anéantissement presque total de la communauté locale.
Elle est suivie de bien d'autres.

Depuis le quatrième concile du Latran, en 1215, le juif doit porter sur lui la marque de sa différence : la rouelle en France, un chapeau particulier en Allemagne, un signe en forme de tables de la Loi en Angleterre.
À la longue, l'antijudaïsme, justifié en dernière instance par la science théologique, a gagné à la fin du XIIIe siècle l'ensemble de la société chrétienne.
Une nouvelle période d'expulsions s'ouvre pour les juifs d'Europe. En 1290, ce sont les communautés d'Angleterre et de Gascogne qui sont chassées.
Des expulsions locales sont décidées en Allemagne et en Italie.
En 1306, Philippe le Bel expulse une nouvelle fois les juifs du royaume de France.

Le Moyen Âge finissant est marqué par de profonds bouleversements.
Les famines et les épidémies sont plus fréquentes.
Les populations sont décimées.
L'Occident est traversé par des crises sociales, économiques, politiques et religieuses.
Tandis que les interdictions faites aux chrétiens de pratiquer l'usure se font de plus en plus rigoureuses, la spécialisation progressive du groupe juif dans le prêt à intérêt contribue à accentuer sa différence, même s'il est bien loin d'en avoir le monopole, banquiers cahorsins et lombards.
Il devient la cible d'une certaine frange de la société, qui constitue sa clientèle, en particulier en période de famine ou de crise économique, où il est livré à la vindicte populaire.

Les années 1320-1321 voient déferler une croisade de pauvres, essentiellement des bergers, la croisade dite « des pastoureaux ». Elle donne lieu à des persécutions et des massacres de juifs dans le Midi, puis en Touraine et dans le Berry, où ces derniers sont accusés, avec les lépreux, d'empoisonner les puits. En 1336 et 1339, des bandes de paysans pauvres, les Judenschlager : tueurs de juifs, réunies autour d'un chef qu'ils appellent le roi Armleder, font régner la terreur de l'Alsace à la Souabe.
Pendant la grande épidémie de peste noire de 1348 à 1352, les juifs sont tenus pour responsables de la propagation du fléau et sont massacrés dans nombre de localités. Les persécutions s'étendent à toute l'Europe.

Les expulsions du royaume de France se multiplient à cette époque, jusqu'à l'expulsion définitive décidée par Charles VI, en 1394.
En revanche, dans le Midi et dans les territoires qui ne sont pas encore rattachés à la couronne, les juifs continuent à mener une vie relativement paisible.
Dans les royaumes d'Espagne voisins, les grandes persécutions de 1391 portent un coup fatal au judaïsme ibérique et entraînent des conversions forcées massives au christianisme qui créent la catégorie stigmatisée des conversos : convertis.
Entre 1450 et 1520, de nombreuses villes allemandes expulsent leurs juifs, puis les rappellent ; les princes agissant de même. Toutefois, l'absence, dans l'Empire germanique, d'une autorité centrale susceptible de prononcer une expulsion globale limite l'impact de ces mesures.
À la fin du XVe siècle, il est mis fin à la présence juive en Provence, annexée au royaume de France à la mort du roi René en 1480.
En 1492, les souverains espagnols expulsent définitivement les juifs de leur pays, lesquels trouvent refuge dans l'Empire ottoman et dans une moindre mesure en Afrique du Nord.

L'antijudaïsme en terre d'islam

Comparé à cette dégradation sensible observée dans le monde chrétien, le statut et la condition des juifs en terre d'islam sont restés dans l'ensemble plus stables et nettement plus cléments.
Les relations entre musulmans et non-musulmans étaient régies par le pacte de la dhimma, un terme qui signifie à la fois garantie, foi, protection, contrat et pacte.
La présence en terre d'islam de non-musulmans, à condition qu'ils puissent se réclamer de la Bible, est expressément prévue par le Coran et la tradition, qui interdisent de les convertir par la contrainte et règlent en détail leur statut par une série de clauses qu'aucune autorité terrestre n'est censée pouvoir abroger ni modifier.
Grâce à ces clauses, de fortes minorités chrétiennes et juives ont vécu longtemps au milieu des sociétés musulmanes en jouissant du statut de dhimmi, de protégés , astreints au paiement de l'impôt de capitation.
Leur infériorité se définit en termes sociaux et religieux. Les juifs sont obligés de se distinguer des musulmans par leur costume, leur coiffure, leurs montures et même par le choix de leurs noms.
En contrepartie de ces restrictions, ils obtiennent la garantie de leur vie et de leurs biens et jouissent d'une grande liberté dans tout ce qui touche leurs affaires intérieures.

La compétition religieuse était moindre entre l'islam et le judaïsme, malgré des poussées d'hostilité virulente à l'endroit des juifs la persécution des Almohades au XIIe siècle en fournissant le pire exemple.
Les formes précitées de l'antijudaïsme médiéval chrétien ne se manifesteront donc pas en terre d'islam.
Cette relative quiétude des relations entre les deux religions se maintiendra jusqu'à l'époque coloniale.

L'antijudaïsme de la Renaissance au XVIIe siècle

Dans l'Espagne du XVe siècle, la suspicion permanente et la jalousie entretenue à l'encontre des conversos et de leur descendance, aussi appelés nouveaux chrétiens ou marranes, fait naître l'idée chez certains vieux chrétiens d'exiger des statuts de pureté du sang : estatutos de limpieza de sangre pour l'accès aux offices publics.
Le premier de ces statuts, arrêté par la ville de Tolède en 1449, fut condamné catégoriquement la même année par la bulle Humani generis inimicus du pape Nicolas V, en pure perte.
Rapidement étendus aux ordres religieux, aux corporations de métier, officialisés en 1501 par deux pragmatiques des Rois Catholiques pour les fonctionnaires royaux, les statuts de pureté de sang, qui viseront aussi les chrétiens d'ascendance musulmane : Moriscos ou hérétique, deviennent une obsession en Espagne aux XVIe et XVIIe siècles.
Après le milieu du XVIe siècle, en raison de ces statuts, bien des secteurs de la vie politique et économique furent réservés à des vieux chrétiens au sang pur : sangre limpia.
Cette loi discriminatoire, abolies au Portugal en 1773, sévira en Espagne jusqu'au XIXe siècle.
L'Inquisition, instaurée en 1478 en Espagne et en 1547 au Portugal, se chargera pour sa part de traquer les moindres pratiques judaïsantes chez les conversos et leurs descendants jusqu'au XVIIIe siècle.

Ni la Renaissance ni la Réforme ne parviennent à modifier l'image et la condition dégradées des juifs d'Europe.
Le développement de l'imprimerie en Europe contribue puissamment à la propagande des stéréotypes antijuifs. Un humaniste comme Érasme ne leur applique guère ses principes de tolérance.
Dépité qu' ils n'aient pas adhéré à sa nouvelle doctrine, Luther publie en 1543 trois pamphlets Von den Juden und ihren Lügen :À Propos des juifs et de leurs mensonges, qui non seulement reprend les calomnies médiévales, mais appellent ouvertement à la violence contre les juifs, à brûler leurs synagogues et à les bannir.
En raison du rejet par Luther de la doctrine de la transsubstantiation – qui affirme la présence réelle du Christ dans l'eucharistie –, les calomnies de meurtre rituel et de profanation d'hostie tendent en revanche à disparaître dans le monde protestant européen.
C'est le courant calviniste, davantage ancré dans l'Ancien Testament, qui se montre finalement le plus accueillant à leur égard.
Les nouveaux chrétiens fuyant la péninsule Ibérique créent à partir du XVIe siècle de nouvelles communautés dans le nord de l'Europe, en des lieux qui n'en abritaient pas jusque-là, notamment à Amsterdam,.
C'est le puritain Cromwell qui autorise finalement en 1656 le retour des juifs en Angleterre, d'où il avaient été bannis en 1290 par un édit d'Edouard Ier.

Dans l'Europe catholique, les territoires relevant de la papauté, Comtat Venaissin, Avignon et domaine pontifical italien sont les seuls encore, au début du XVIe siècle, en mesure de garder leurs juifs ou d'en accueillir de nouveaux.
Mais la Contre-Réforme, en raison de son retour à l'orthodoxie doctrinale catholique, réaffirme avec vigueur son hostilité aux juifs infidèles et meurtriers du Christ.
Cette période correspond à l'apparition des ghettos, conséquence de lois contraignant les juifs à habiter dans un quartier unique et fermé, et mesure qui contribue à les marginaliser davantage. Le premier d'entre eux est implanté à Venise en 1516.
Cette ségrégation restera effective durant tout le XVIIe siècle.
Absents du royaume de France, mis à part dans le Sud-Ouest, où ils sont tolérés dès le XVIe siècle en tant que marchands portugais ou en Lorraine et en Alsace, avec l'entrée des troupes françaises à la même époque puis l'annexion de ces régions au XVIIe siècle, les juifs n'en continuent pas moins de rester la cible privilégiée de l'hostilité à la moindre crise.
Le Parlement de Paris juge ainsi nécessaire, en 1615, de renouveler l'édit d'expulsion de 1394.

Les Lumières et l'antijudaïsme

Les philosophes des Lumières ont eu en général peu de contacts suivis avec des juifs, ce qui les a laissés en partie réceptifs aux préjugés hostiles traditionnels qui se maintiennent encore au XVIIIe siècle.
Il faut replacer leurs propos dans le cadre de leur conception de la rationalité comme force libératrice, qui leur commandait de soustraire l'individu au joug oppressant de la religion, quelle qu'elle fût.
Dans les pamphlets antireligieux qui circulent à l'époque, juifs et catholiques sont ainsi souvent logés à la même enseigne.

À défaut de sympathie, Montesquieu invite néanmoins à la tolérance à l'égard des juifs dans les Lettres persanes en 1721, ce qui ne l'empêche pas de manifester de l'hostilité tant à l'égard du Talmud que des rabbins.
Dans L'Esprit des Lois en 1748, il s'insurge contre les inquisiteurs d'Espagne et du Portugal et va jusqu'à demander la création d'une ville de refuge, à Saint-Jean-de-Luz ou à Ciboure, pour les juifs persécutés de la péninsule Ibérique.

L'Encyclopédie, 1751-1772 contient des critiques contre le judaïsme – biais pour combattre le christianisme –, mais elle renferme également des articles, notamment l'article Juif, rédigé par le chevalier de Jaucourt et Diderot faisant preuve d'une ouverture inédite à l'égard de la réalité juive.
Aujourd'hui oublié, le marquis d'Argens, dont les écrits étaient largement diffusés, conviait lui aussi à la tolérance dans ses Lettres juives, 1736-1737, tout en s'opposant à l'enseignement talmudique et aux rabbins.

Voltaire ne distingue pas entre un jésuite et un juif pieux ashkénaze, tous deux symboles d'un passé dont les philosophes comptent abolir les vestiges.
Son combat antireligieux ne pouvait pas ne pas s'en prendre au judaïsme, source du christianisme.
Pour Voltaire, la Bible comporte des superstitions comme n'importe quel autre texte sacré ; il était naturel qu'elle focalise ses critiques, et, avec elle, le peuple qui y puisait son enseignement.
Reste que, sous l'ironie voltairienne, on reconnaît les préjugés du christianisme et du paganisme, repris et amplifiés. Plusieurs chapitres de l'Essai sur les mœurs en 1753 et nombre des cent dix-huit articles du Dictionnaire philosophique en 1764 contiennent des attaques virulentes contre les juifs.

Rousseau, quant à lui, se situe nettement dans la tradition de tolérance ouverte par les milieux érudits calvinistes au siècle précédent, illustrée par Pierre Bayle et son Traité de tolérance universelle en 1686 et par le Rouennais Jacques Basnage, 1615-1695.
Tout en rejetant le judaïsme et ses prescriptions, ce dernier manifeste une claire sympathie à l'égard des juifs, victimes eux aussi de l'Église romaine et de son intolérance. Il préconise de fonder pour eux des écoles, des universités et aussi un État, parce qu'il les considère comme les tenants de la religion naturelle.

D'une manière générale, les philosophes, imbus de rationalisme et d'universalisme, sont peu favorables au judaïsme et au peuple juif. Hostiles à l'oppression et à la discrimination, ils revendiquent bien pour lui davantage d'humanité, mais sans pour autant vraiment connaître et respecter la spécificité du monde juif.
Plus que de la reconnaissance du juif en tant que juif, les apôtres des Lumières sont surtout soucieux de sa régénération par l'éducation et l'exercice de métiers considérés comme plus utiles à la société que le prêt à intérêt et le colportage.
Dans le même esprit, l'abbé Grégoire dénonce dans son Essai sur la régénération physique, morale et politique des juifs de 1787 la propension des juifs à se multiplier, leur dégénérescence, dénigre le Talmud, prône la disparition de la langue yiddish, demande de combattre le pouvoir des rabbins et espère en dernière analyse leur conversion.
Malesherbes se situe dans la même mouvance.

À la fin du XVIIIe siècle, les termes ainsi posés du problème juif se retrouvent jusque chez les réformateurs juifs. Notable juif alsacien, Isaac Cerf-Berr Hirtz de Bischheim, 1726-1793 finance le plaidoyer en faveur des juifs de l'historien protestant Christian Wilhelm Dohm, 1751-1820, Ueber die buergerliche Verbesserung der Juden, écrit à la demande de Moses Mendelssohn, principal figure du mouvement de la Haskala, les Lumières juives.
Paru à Berlin en 1781, il est traduit par Jean Bernoulli en 1782 sous le titre De la réforme politique des juifs.
Mirabeau reprend quelques-unes des idées contenues dans l'ouvrage et publie en 1787, à Londres, une brochure intitulée Sur Moses Mendelssohn, sur la réforme politique des juifs et en particulier sur la Révolution tentée en leur faveur en 1753 dans la Grande-Bretagne. L'ère des réformes, de fait, s'annonçait déjà en Europe avec l'édit de Tolérance :Toleranzpatent pris en 1781-1782 par Joseph II à la tête du Saint-Empire.

Éclosion de l'antisémitisme au XIXe siècle

Aboutissement politique des réflexions engagées par les Lumières, la loi relative aux Juifs adoptée par l'Assemblée nationale le 27 septembre 1791 et promulguée par Louis XVI le 13 novembre apporte à la question juive une réponse qui consacre pour la première fois en Europe le principe de l'égalité en droit des juifs.

Le choc de l'émancipation

L'émancipation des Juifs en Francede 1790-1791 suscite des réactions diverses.
Il y a ceux qui craignent que les juifs ne remplissent pas leurs obligations à l'égard de la nation qui les a reconnus comme citoyens à part entière.
Il y a aussi ceux qui par principe refusent cette entrée dans la nation, les partisans de l'ordre ancien, fondé sur la ségrégation et les discriminations.
L'émancipation s'était accompagnée de l'octroi de facilités de remboursement aux débiteurs chrétiens des juifs et de l'annulation de nombre de créances. Les méthodes de l'Ancien Régime n'avaient pas tout à fait disparu. Par la suite, la Terreur, avec sa politique antireligieuse dirigée contre les prêtres réfractaires, n'épargne pas non plus les juifs.

Au fil de ses victoires, Napoléon étend l'émancipation en Europe.
Au niveau de l'organisation du culte, son règne ouvre une phase nouvelle.
En 1808, il crée les consistoires, parallèlement aux consistoires protestants. Reste que d'un point de vue juridique, la période napoléonienne constitue une régression.
En 1808 toujours, l'Empereur prend un décret par la suite qualifié de décret infâme, qui instaure un système d'inégalité juridique pour les juifs en reprenant quelques-unes des pratiques discriminatoires de l'Ancien Régime.
Il reste en vigueur pendant dix ans. Après 1848, l'émancipation des juifs s'impose un peu partout en Europe.

Les trois sources modernes du rejet

Dominant la société d'Ancien Régime dans son ensemble, l'antijudaïsme hérité du christianisme se politise en se réduisant peu à peu à la droite monarchiste antilibérale et à sa clientèle paysanne, opposées au capitalisme industriel et financier.
L'Église romaine reste quant à elle inflexible dans son hostilité religieuse, comme l'illustre tristement, en 1858, l'affaire Mortara : baptisé secrètement par une servante chrétienne, Edgardo Mortara est enlevé en toute légalité canonique à ses parents juifs à l'âge d'un an pour être élevé catholiquement puis ordonné prêtre, en dépit des protestations internationales.

Dans l'imagerie populaire et rurale correspondant à ce courant, le juif est l'agent de la Révolution, le persécuteur du clergé, le fossoyeur de la religion et de la civilisation chrétiennes, accusations réactivées lors de la révolution russe. L'antijudaïsme religieux du XIXe siècle est donc nettement contre-révolutionnaire, associé au clan « ultra ». Il est plus virulent que jamais sous la IIIe République, à partir de 1879, en réaction au programme de laïcisation de l'éducation entrepris par le nouveau régime.
Le juif est considéré non seulement comme l'artisan de la Révolution et de l'anticléricalisme, mais aussi comme le persécuteur du clergé, le fossoyeur de la religion et de la civilisation chrétiennes. Dès le début du siècle, cet antijudaïsme a produit une abondante littérature.
Il prend de l'ampleur sous le second Empire, avec la parution, en 1869, de l'ouvrage du chevalier Henri Gougenot des Mousseaux, Le Juif, le judaïsme et la judaïsation des peuples chrétiens, qui deviendra une référence de l'antisémitisme.

La gauche apporte sa propre contribution au renouvellement du discours de haine contre les juifs. Les premiers théoriciens de la révolution industrielle et de la classe ouvrière, tels Charles Fourier, Pierre Joseph Proudhon et Auguste Blanqui, dénoncent les conséquences de cette révolution ainsi que le cortège d'injustices qu'elle entraîne et préconisent le retour au stade préindustriel.
À l'exception notable du mouvement saint-simonien, cet anticapitalisme socialiste vire très facilement à l'antisémitisme économique : le juif devient alors ce parasite qui infeste, d'après Fourier, les fonctions improductives du commerce, qui investit dans les machines destructrices de travail, qui détourne le revenu des classes laborieuses.
Déclaré hier ennemi du vrai Dieu par les chrétiens, le voici métamorphosé en ennemi du peuple par le millénarisme socialiste à son tour en quête de coupable.
Dans cet avatar athée de morale chrétienne, les juifs seront globalement assimilés aux Rothschild, agents du mal absolu : l'égoïsme et l'injustice capitalistes. Dans Les Juifs rois de l'époque : histoire de la féodalité de l'époque, ouvrage en deux volumes publié en 1845, Alphonse Toussenel, un disciple de Fourier, stigmatise le règne de l'argent.
Ses formules tendancieuses sur les juifs inspireront nombre d'antisémites extrémistes comme Édouard Drumont, ainsi qu'un antisémitisme conservateur et rural qui trouve plus tard son expression dans l'Action française.
Au début de la IIIe République, les plus importants écrits se tendance antisémite sont dus à la plume de socialistes tels Albert Regnard, Gustave Tridon, ou Auguste Chirac.
Il faudra attendre l'affaire Dreyfus pour que la gauche républicaine rompe finalement avec cette tradition.

Alfred Dreyfus

L'officier français Alfred Dreyfus, 1859-1935. Accusé à tort de trahison, en 1894, il est emprisonné à l'île du Diable. Il sera gracié en 1899 et réhabilité en 1906.
Crédits: Hulton Getty Consulter
Si certains socialistes de la première heure confondent juifs et banquiers juifs avec capitalisme, d'autres deviennent antisémites en raison de positions antireligieuses.
Les Rothschild nourrissent le fantasme des antisémites de droite et de gauche, avec son corollaire, la hantise du pouvoir juif occulte.
C'est l'ère de la dénonciation du complot juif qui s'ouvre, un thème récurrent supposé expliquer tous les troubles sociaux et politiques, bientôt indissociable de son jumeau, le complot franc-maçon.

Le troisième discours moderne de rejet des juifs qui se met en place au cours du siècle n'est pas d'ordre religieux ou socio-économique, mais d'ordre pseudo-scientifique.
Détournant à son profit les catégories de la linguistique, de l'anthropologie physique et de la biologie évolutionniste, l'antisémitisme pseudo-scientifique dresse des hiérarchies entre les races, idéalise l'aryen et fait du sémite son négatif, affligé des signes physiques visibles de son infériorité.
Cette science récente qu'est alors l'anthropologie était très imprégnée des idées de race, de sélection et de hiérarchie naturelles : Paul Broca en France, Ernst Haeckel en Allemagne, Herbert Spencer et Francis Galton en Grande-Bretagne fondent toute leur science sociale sur la mesure des différences biophysiques.
Anthropométrie et craniométrie fournissent les armes de cette anthropologie physique, prétexte à une hiérarchisation des cultures reposant en dernière instance sur le postulat raciste de la supériorité blanche.
Mais ce sont des figures beaucoup plus obscures, et pour tout dire marginales, que l'on tient pour les véritables pères de la raciologie.

Dénuées de tout projet de restauration de la race supérieure, les élucubrations pessimistes d'un Gobineau, dans son Essai sur l'inégalité des races humaines, paru de 1853 à 1855, sur la déchéance irréversible des Arians condamnés au métissage, n'en dressent pas moins la première histoire raciste de l'humanité construite autour du mythe aryen.
Dans ses Lois psychologiques de l'évolution des peuples, paru en 1894, Gustave Le Bon propose quant à lui une hiérarchie psychologique des races et ironise sur cette obscure petite tribu de Sémites qui n'a jamais rien apporté à la civilisation.
Enfin Georges Vacher de Lapouge (1854-1936) reprend le mythe aryen de Gobineau en l'appareillant de données anthropométriques qu'il combine à l'eugénisme de Galton pour en tirer un véritable programme politique dans L'Aryen, son rôle social en 1899, où les Juifs sont présentés comme les seuls concurrents dangereux des Aryens.
Cet antisémitisme raciste trouve d'ardents défenseurs en Allemagne et en Grande-Bretagne.
En France, c'est Édouard Drumont qui réussit à donner à cette tendance de l'antisémitisme une large diffusion, lui adjoignant des références à Taine et à Renan. Maurice Barrès, à son tour, fonde sur elle son antisémitisme.
Ses prétentions scientifiques sont par contre rapidement anéanties par la critique des sociologues durkheimiens, qui sont aussi dreyfusards.

Deux décennies de convulsions

L'Europe des années 1880 connaît une grave récession économique.
Les mutations politiques, sociales et économiques déstabilisant les sociétés d'Europe vont précipiter le rapprochement des diverses tendances antijuives, donnant naissance à l'antisémitisme moderne.

En France, avec l'arrivée des républicains anticléricaux, le clergé et les milieux aristocratiques sont écartés du pouvoir. On est en pleine guerre de religions entre catholicisme et rationalisme. Le complot juif fournit l'explication imparable de leurs déboires.
Ainsi le krach, en 1882, de l'Union générale, banque catholique créée en 1878 par Paul-Eugène Bontoux, ancien employé des Rothschild, est attribué à l'action de ces derniers, alors même que le procès condamne son fondateur pour opérations frauduleuses.
La droite et la presse catholiques se déchaînent contre les juifs.
Dix années plus tard, le scandale de Panamá, affaire de corruption politique impliquant parmi beaucoup d'autres quelques hommes d'affaires juifs, se solde à nouveau par la ruine de milliers de petits épargnants.
Dès lors, l'antisémitisme se déploie fiévreusement sous toutes ses formes, et antirépublicanisme et antisémitisme se confondent.

L'ouvrage du journaliste Édouard Drumont, La France juive, cristallisant toutes les tendances de l'antisémitisme, paraît en 1886, entre le krach et le scandale de Panamá, en deux volumes totalisant 1 200 pages.
C'est un formidable succès éditorial.
En deux mois, plus de 70 000 exemplaires sont vendus et plus de 100 000 avant la fin de l'année.
Le livre connaît ultérieurement des dizaines de rééditions et des suites.
L'antisémitisme prôné par Drumont fédère les forces opposées des catholiques et des ouvriers dans le combat contre la République, supposée capitaliste, enjuivée et anticatholique. Il devient une idéologie et une pratique politique capables d'expliquer et de résorber crises et mécontentements.
Il cristallise l'identité nationale dans un rapport d'opposition au juif, perçu comme une menace pour l'intégrité de la nation.
L'extrême droite en fait désormais le plus large usage.
En 1892, Drumont fonde son propre journal, La Libre Parole, qui fait éclater publiquement le scandale de Panamá et se distingue par un antisémitisme d'une extrême violence.
Dans la presse catholique officielle, les différentes éditions parisiennes et régionales de La Croix, contrôlé par les pères assomptionnistes, et du Pèlerin, avec leurs 500 000 exemplaires, enfin la revue Civilisation catholique des jésuites concourent également à l'essor de cet antisémitisme de plume.
À quoi il faut ajouter l'impact des ligues comme la Ligue antisémitique, qui compte finalement 11 000 militants en juillet 1898.

La passion antisémite est à son comble le 5 janvier 1895, lors de la cérémonie de dégradation du capitaine Dreyfus, faussement accusé de trahison.
L’évènement allait fortement impressionner le futur fondateur du sionisme, Theodor Herzl.
Des violences antisémites se produisent simultanément en province et en Algérie. Personne alors ne doute de la culpabilité du premier officier juif entré à l'état-major des armées.
Ce n'est qu'à partir de 1896, avec la mise en évidence des faux versés comme pièces à conviction par l'état-major au procès que l'affaire va véritablement éclater, mobiliser l'opinion.
Au départ, il ne s'était agi que d'un fait relativement insignifiant. Mais l'Affaire finit par constituer un tournant dans l'histoire du pays. De ce point de vue, on ne saurait la réduire à une simple affaire juive.
L'antisémitisme n'en avait pas moins joué un rôle important dans la condamnation du capitaine Dreyfus, finalement réhabilité et réintégré dans l'armée en 1906.

La suite --> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=3108#forumpost3108



Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l

Attacher un fichier:



jpg  jewmuslimshake.jpg (23.98 KB)
3_5224568044077.jpg 450X292 px

jpg  dfe510dbcb9206ec44061a0f2e7c36f7_600.jpg (61.94 KB)
3_5224568c6a072.jpg 600X412 px

jpg  h-20-2672358-1325538823.jpg (39.72 KB)
3_52245698dc97b.jpg 500X333 px

jpg  Etoile-Jaune-IMG_0942.jpg (45.67 KB)
3_522456a73b473.jpg 767X768 px

jpg  humiliation1.jpg (33.09 KB)
3_522456bfaf33d.jpg 480X316 px

jpg  ast_enfants_1942_ete.jpg (38.95 KB)
3_522456d9a8cf3.jpg 500X484 px

jpg  etoilejaune.jpg (52.41 KB)
3_522456e596978.jpg 520X370 px

jpg  06660.jpg (26.68 KB)
3_522456f356f4d.jpg 480X295 px

jpg  849376_des-juifs-orthodoxes-portent-la-tenue-des-camps-de-concentration-ainsi-que-l-etoile-jaune-lors-d-une-manifestation-a-jerusalem-le-31-decembre-2011.jpg (52.91 KB)
3_52245712a0152.jpg 605X407 px

jpg  55169.jpg (43.07 KB)
3_5224571fd94d6.jpg 513X369 px

jpg  06660.jpg (26.68 KB)
3_5224572bb0e1d.jpg 480X295 px

Posté le : 31/08/2013 13:38

Edité par Loriane sur 02-09-2013 11:15:40
Edité par Loriane sur 02-09-2013 11:18:33
Edité par Loriane sur 02-09-2013 11:24:34
Edité par Loriane sur 02-09-2013 11:32:58
Edité par Loriane sur 02-09-2013 11:35:48
Edité par Loriane sur 02-09-2013 11:37:53
Edité par Loriane sur 02-09-2013 12:03:34
Edité par Loriane sur 02-09-2013 12:04:19
Edité par Loriane sur 02-09-2013 13:13:35
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer



 Haut   Précédent   Suivant




[Recherche avancée]


Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
32 Personne(s) en ligne (17 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 32

Plus ...