| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> François Mauriac [Les Forums - Histoire de la Littérature]

Parcourir ce sujet :   1 Utilisateur(s) anonymes





François Mauriac
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9499
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 56829
Hors Ligne
Le 1 septembre 1970, à Paris meurt François Mauriac.



François Mauriac, né le 11 octobre 1885 à Bordeaux est un écrivain français. Lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en 1926, il est élu membre de l'Académie française au fauteuil no 22 en 1933. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1952.

Mauriac est sans conteste l'un des plus importants romanciers français du XXe siècle.
Son domaine est limité. Le décor, les personnages, les thèmes, les procédés, rétrospection, monologue intérieur varient peu d'un livre à l'autre.
Il est essentiellement le peintre de la province française, des combats entre la chair et l'esprit, entre la sensualité de tout jeunes hommes, ou de femmes mûres et insatisfaites, et l'attrait de la religion pour les cœurs inquiets et blessés.
Il s'est posé dans divers ouvrages de critique et dans son Journal bien des problèmes qui tourmentent le romancier catholique, soucieux de ne rien dissimuler de la vérité et des séductions du péché.
Ses livres sont remarquables par la création d'une atmosphère fiévreuse, par leur tension tragique et surtout par leur poésie.
Poète, il le demeura dans l'écrit politique qui, après 1945, devint progressivement sa préoccupation majeure et l'expression d'un engagement que la mort seule arrêta.
Il possédait le don de capter l’évènement pour le transposer de l'éphémère évanescent, qui est son milieu propre, dans l'éternel et situer le relatif dans le sillage de l'absolu. Il restitue l'actualité intégrée dans la durée du poème sous la double optique de la tendresse de l'homme et de l'espérance de Dieu.

Sa vie

Famille, enfance, et formation[modifier | modifier le wikicode]
François Mauriac naît le 11 octobre 1885 dans la maison familiale du 86, rue du Pas-Saint-Georges à Bordeaux, fils de Jean-Paul Mauriac, marchand de bois merrains et propriétaire terrien dans les Landes de Gascogne, et Claire Mauriac née Coiffard, héritière d'une famille du négoce bordelais.
Dernier d'une fratrie composée d'une sœur aînée : Germaine née en 1878 et de trois frères, Raymond né en 1880, Pierre né en 1883, et Jean né en 1884, François Mauriac est orphelin de père à vingt mois après la mort subite de celui-ci suite à un abcès au cerveau, le 11 juin 1887.
Il vit toute son enfance très entourée par une mère très pratiquante, dont il est le fils préféré et qui gère toutes les affaires de la famille, par sa grand-mère Irma Coiffard, née Abribat, et sous le tutorat de son oncle Louis Mauriac, magistrat et seul frère cadet de son père.
François Mauriac fait, à partir de 1892, ses études primaires puis secondaires chez les Marianistes de l'institution Sainte-Marie Grand-Lebrun à Caudéran, où il fera la rencontre d'un ami d'une vie, André Lacaze.
Outre les divers logements que la famille occupera à Bordeaux, son adolescence est marquée par plusieurs lieux girondins qui tous marqueront profondément son œuvre : Gradignan où sa grand-mère Irma possède le Château-Lange, les Landes de Gascogne autour de Langon, Verdelais et surtout l'été à Saint-Symphorien, bourgs dominés par la bourgeoisie viticole ou ayant fait fortune dans l'exploitation forestière, aux climats lourds de secrets étouffés qu'il peindra dans la plupart de ses romans.
Alors que jusqu'ici il n'a écrit que de petits textes et poèmes, il compose à treize ans sa première réelle œuvre, un mélodrame de jeunesse intitulé "Va-t-en" !, dédié à sa sœur Germaine.
En 1902, la mort de sa grand-mère Irma est un profond choc pour l'adolescent qu'il est, constatant la profonde hypocrisie de sa famille religieuse et bourgeoise qui se partage déjà l'héritage à côté de l'agonisante.
François Mauriac rate la seconde partie de philosophie et doit redoubler, préférant refaire son année au lycée public de Bordeaux.
Dans cet établissement il a notamment pour professeur, Marcel Drouin, beau-frère d'André Gide, qui lui fait découvrir les textes de Paul Claudel, Francis Jammes, Henri de Régnier, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, Colette et Gide, notamment "L'Immoraliste" et "Les Nourritures terrestres" qui le marqueront, tous proscrits dans sa famille et chez les pères, finissant ainsi de constituer son corpus littéraire personnel.
Il découvre également à cette époque les textes et idées de Maurice Barrès qui marqueront sa jeunesse.
Après son baccalauréat obtenu en juillet 1904, il étudie la littérature à la faculté de Bordeaux, sous la direction de Fortunat Strowski.
Il a alors pour condisciple Jean de la Ville de Mirmont et se lie d'amitié avec André Lafon.
À cette époque, il habite toujours avec l'ensemble de sa famille, dans divers appartements et immeubles de Bordeaux, dont le 15 rue Rolland de 1903 à 1907 et fréquente à partir de 1905 les cercles bordelais du Sillon de Marc Sangnier, mouvement catholique ouvriériste , dont il se sent proche mais qui le laisse insatisfait; et dont il s'écarte définitivement en juin 1907.
Ces milieux catholiques étaient proches du modernisme, tendance d'exégètes et de philosophes qui mettaient en cause l'identité historique du Christ, voire la foi chrétienne.
Dans la préface à sa Vie de Jésus, Mauriac avoue qu'il fut durablement troublé par le modernisme, avant de se rendre compte de l'a priori contre le surnaturel de ce courant de pensée.
Si, dans le cas du Sillon, la rupture n'empêcha pas que Mauriac prenne des attitudes politiques qui, pour lui, en prolongeaient l'esprit, avec le modernisme, en revanche, la rupture fut complète et sans compromis, au point que la préface à la deuxième édition de la Vie de Jésus prend violemment à partie la principale figure du modernisme Alfred Loisy.
Sa famille l'envoie avec une rente annuelle de 10 000 francs à Paris, où il s'installe le 16 septembre 1907 — tout d'abord dans une pension étudiante de frères maristes au no 104 de la rue de Vaugirard où il réside un an avant d'être exclu, puis quelques mois dans l'hôtel l'Espérance voisin, et enfin seul en 1909 au cinquième étage du no 45 de la rue Vaneau— pour préparer l'École des chartes qu'il intègre mais finit très rapidement par abandonner pour se consacrer entièrement à l'écriture en publiant des poèmes, à son compte, dans la Revue du temps présent.
Son premier volume de poèmes, "Les Mains jointes", est publié en 1909. Bien que retenant l'attention des milieux littéraires et notamment de Maurice Barrès, auquel il voue un véritable culte, Mauriac ne sera connu du grand public qu'une dizaine d'années plus tard.
En 1913, il épouse Jeanne Lafon, rencontrée chez leur amie commune Jeanne Alleman, auteur qui publie sous le pseudonyme masculin de Jean Balde, et elle lui donne un premier fils, Claude, en 1914, année de la publication de La Robe prétexte.
Ses autres enfants, Claire, Luce, et Jean naîtront respectivement en 1917, 1919 et 1924
Sa carrière littéraire est interrompue par la Première Guerre mondiale, durant laquelle il s'engage un temps, bien que réformé et de santé précaire, dans un hôpital de la Croix-Rouge à Salonique.
Après la victoire de 1918, il reprend ses activités et publie, en 1921, Préséances, qui le brouille pour longtemps avec la bonne société bordelaise, puis, en 1922, Le Baiser au lépreux.


Le romancier

Né à Bordeaux, François Mauriac est resté attaché à cette ville, dont il a dépeint la bourgeoisie sans indulgence.
La plupart de ses romans sont placés dans ce décor de province, étroit, oppressant, parmi des gens soupçonneux et férocement attachés à leurs possessions et à leurs traditions.
Pour Mauriac comme pour Balzac, il n'y a qu'en province que l'on sache bien haïr, et peut-être aussi aimer.
Il a d'ailleurs grossi, par l'imagination ou le souvenir, et les passions de ses personnages, et les angoisses de malheureuses femmes de la province négligées par leurs maris, et la sensualité qui se dégage des étés brûlants, des pins des Landes assoiffées, des tilleuls et des lilas odoriférants des jardins solitaires.
Mais ses meilleurs romans doivent une partie de leur force de suggestion à ces vignettes poétiques par lesquelles la nature sans cesse influe sur les personnages.

Sa sensibilité très vive fut accrue par la perte de son père, mort comme celui de Gide avant qu'il eût atteint sa dixième année.
La mère, laissée veuve avec cinq enfants, le futur romancier était le dernier, dut les élever avec quelque sévérité ; elle était fort pieuse, et le tableau que le romancier a souvent tracé de son enfance est austère.
Il a parlé de son "éducation janséniste", sans qu'il ait aimé beaucoup le jansénisme plus tard.
Il en connut surtout les Pensées de Pascal, mais y regretta un abus de rationalisme dans les choses de la foi.
Il fut élevé d'abord par les Frères maristes, puis au lycée.
Se sentant, en raison de sa sensibilité, qui le rendait très vulnérable, mal armé pour la vie active, il songeait surtout à étudier le passé, il prépara à Paris l'École des chartes et à s'exprimer par la plume.

À Paris, il découvrit avec exaltation la liberté de la vie de l'esprit, mais aussi combien était grande, comme elle le sera chez ses personnages, la nostalgie de la petite patrie familiale et provinciale abandonnée.
"Chaque écrivain venu de sa province à Paris est une Emma Bovary évadée", s'écria-t-il.
Il a, après sa cinquantième année, prodigué les confidences sur sa jeunesse, dans Commencements d'une vie en 1932, Mémoires intérieurs en 1959 et 1965, Le Jeune Homme en 1926, La Province en 1926, Bordeaux en 1926.
Mais c'est dans ses romans qu'avec la liberté procurée par la fiction, plus vraie que le vrai, il s'est le mieux révélé. Longtemps, l'adolescent gauche, rêveur, tourmenté à la fois par le besoin d'idéaliser l'amour et de le souiller, rebelle aux contraintes familiales et se croyant incompris, va réapparaître dans les romans de Mauriac.

Il écrivit d'abord des vers, tendres mais fiévreux, que quelques aînés, dont Barrès, remarquèrent :
"il est revenu à la poésie en vers, influencée par Maurice de Guérin, dans Le Sang d'Atys en 1940."
Mais pas plus que Chateaubriand ou Gide, il n'est devenu un maître de la forme poétique.
Ses premiers romans, deux écrits juste avant la guerre de 1914, à laquelle il prit part, le troisième et le meilleur, au titre significatif, La Chair et le sang, en 1920, sont encore gauches, tendus, trop inclinés vers le lyrisme.


Écrivain Chrétien et journaliste politique

Grand interprète de la vie provinciale, François Mauriac dépeignit aussi les souffrances du chrétien troublé par les questions du monde moderne. Contrastant avec son œuvre romanesque, son activité de journaliste révéla un polémiste au ton volontiers voltairien.

Son œuvre porte fortement la marque de son enfance et de sa jeunesse : d'abord par les images de Bordeaux et des landes girondines qui reviennent constamment sous la plume du romancier, du poète ou du journaliste ; ensuite, et plus profondément, à cause de l'éducation chrétienne marquée de puritanisme, on a pu parler de jansénisme que le jeune François a reçue. C'est alors que s'est forgée la hantise du "péché de la chair" qui marque l'œuvre du romancier.
Des jeunes gens troublés et parfois troubles, l'Enfant chargé de chaînes, 1913 ; le Baiser au lépreux, 1922 ; Genitrix, 1923), des couples déchirés, le Désert de l'amour, 1925 ; le Nœud de vipères, 1932), des femmes révoltées et humiliées dans Thérèse Desqueyroux, 1927 témoignent de l'importance d'une sexualité partout présente et refusée comme le signe d'une dramatique misère humaine.
Cependant, chez cet écrivain chrétien, un attachement tout païen à la terre éclate dans les poèmes d'Orages en 1925 ou du Sang d'Atys en 1940.
De même, on devine, derrière certaines lignes proches de la révolte de Souffrances du chrétien en 1928, les manifestations d'une crise morale et religieuse.
Bonheur du chrétien en 1929 traduit la fin de la crise et marque la "conversion" de Mauriac.
Après une grave opération à la gorge en 1932, Mauriac, qui s'est cru perdu, est élu à l'Académie française en 1933 : s'ouvre alors une carrière prestigieuse où les succès se suivent.
Délaissant les romans centrés sur un drame individuel, Mauriac, sous l'influence d'œuvres contemporaines plus complexes, tente de diversifier et de multiplier les personnages dans les Anges noirs en 1936 et surtout les Chemins de la mer en 1939.
Malgré les critiques de Sartre, qui, en 1939, lui reproche d'intervenir trop souvent dans le destin de ses personnages et de ne pas leur laisser la liberté indispensable à l'indétermination de la créature romanesque, Mauriac reste toujours moins préoccupé des questions de technique romanesque que des répercussions spirituelles de ses écrits.
La Pharisienne en 1941, le Sagouin en 1951, Galigaï en 1952, l'Agneau en 1954" complètent une œuvre qui reste centrée sur les problèmes du péché et de la grâce.
En 1952, le prix Nobel de littérature est non seulement une consécration, mais le point de départ d'une nouvelle carrière : Mauriac, qui ne connaît pas au théâtre le succès escompté evec Asmodée, en 1937 ; et les Mal-aimés, en 1945 ; Passage du Malin, en 1947 ; le Pain vivant, en 1950, se voue désormais presque entièrement à une œuvre journalistique, souvent polémique et politique.
En fait, dès avant 1914, en réaction contre le conservatisme étroit et l'antidreyfusisme de son milieu, l'écrivain avait été touché par le catholicisme libéral du Sillon, le mouvement de Marc Sangnier.
Après 1920, au contraire, les articles de l'Écho de Paris traduisaient la pensée d'un homme de droite.
Il avait fallu la guerre civile espagnole et l'influence spirituelle exercée par les prêtres et les laïcs de l'Action catholique , autour des hebdomadaires Sept et Temps présent, entre 1937 et 1940, pour que Mauriac s'engageât peu à peu aux côtés des catholiques libéraux.
Le Cahier noir, publié dans la clandestinité en 1943 aux Éditions de Minuit, sous le pseudonyme de Forez, révèle une pensée politique nuancée, mais intransigeante sur la défense des droits de l'homme.
La crise marocaine en 1953, puis l'engagement aux côtés du général de Gaulle marquent le Bloc-Notes, publié successivement dans la Table ronde, l'Express puis le Figaro littéraire.
Jamais Mauriac n'a eu autant de lecteurs. Redoutable polémiste, il égratigne, voire déchire les médiocres de la vie politique.
Lorsque les crises marocaine puis algérienne sont réglées, le vieil homme tourne plus facilement sa pensée vers le passé ou vers la réflexion spirituelle : le Bloc-Notes s'élargit en méditation.
Plus qu'un journaliste, Mauriac est alors tantôt poète, tantôt philosophe dans des pages où le lyrisme affleure.
On retrouve alors les thèmes que la réflexion mauriacienne nourrit depuis les origines dans un certain nombre d'ouvrages théoriques ou autobiographiques comme le Journal en 1934-1950, les Mémoires intérieures 1959 et les Nouveaux Mémoires intérieurs en 1965, ou cette sorte de bilan spirituel que constitue Ce que je crois en 1962.
On peut mesurer dans ces ouvrages l'importance affective de Maurice Barrès, qui accueillit et lança le jeune poète des Mains jointes en 1909 et surtout la permanence de l'influence pascalienne, qui date des années de collège et ne se démentit jamais ' Je doute que sans lui je fusse demeuré fidèle '.
Pascal apparaît à Mauriac comme le modèle de l'homme de foi, d'une foi vécue plus que traduite intellectuellement dans des raisonnements.
Le Dieu de Pascal comme celui de Mauriac est le Christ vivant, souffrant et ressuscité, et non le Dieu des philosophes et des savants.
Non que Mauriac prêche le quiétisme : il est au contraire convaincu de l'importance des débats théologiques, mais il sait que sa vocation l'appelle à méditer sur des situations concrètes plus que sur des idées.
Dans cette perspective, les romans peuvent apparaître comme des sortes d'expériences qui poussent à l'extrême des situations réelles en les portant au point où elles éclatent en drames porteurs d'une signification philosophique. En fait, la seule question qui passionne vraiment Mauriac est de savoir comment la grâce parvient à triompher du péché le plus invétéré.
Mais ne serait-ce pas aussi sous l'influence du Pascal janséniste que le péché apparaît comme si puissant et la grâce si peu agissante parfois sur des créatures vouées à la médiocrité et à une quasi-mort spirituelle ?
La fidélité au Christ passe par la fidélité à l'Église, mais elle nourrit surtout la foi, l'espérance et la charité, dont retentissent de plus en plus les pages de Mauriac et qu'il résume dans les dernières lignes de Ce que je crois : "Tu existes puisque je t'aime... Croire, c'est aimer."

Ses romans

Le désert de l'amour
En 1922 et 1923, coup sur coup, parurent deux courts romans, condensés, linéaires, creusant l'analyse vivante de quelques âmes tourmentées et implacables dans leur peinture de la laideur morale et de l'égoïsme des familles :
Le Baiser au lépreux en 1922 et Génitrix en 1923.
Dans le premier, Jean Péloueyre, provincial riche, mais laid, affreusement timide, épouse, sur les conseils du curé et parce que sa richesse fait de lui "un bon parti ", une fille robuste et simple, Noémi.
Il sait vite qu'elle ne donne, à ce " lépreux qu'il croit être, ses baisers que par devoir ou par pitié.
En vain médite-t-il les écrits de Nietzsche pour apprendre à devenir un fort avec volonté de puissance.
Il analyse incessamment sa faiblesse et meurt, se disant presque que sa jeune épouse sera enfin soulagée et libre. Génitrix trace l'image d'une mère, veuve, dominatrice, qui veut maintenir son fils unique en dehors du mariage, pour le conserver tout à elle, entouré de soins qui l'emprisonnent.
Il se marie cependant. Et sa femme, malade, est en train de mourir, abandonnée, dans une chambre isolée de la maison, détestée par la belle-mère, car elle est l'intruse. Une fois disparue cependant, elle sera regrettée du fils bourrelé de remords, intérieurement révolté contre cet égoïsme paysan de sa mère qu'il sait porter aussi en lui.

D'autres œuvres bien connues allaient suivre : Le Désert de l'amour en 1925, peut-être la meilleure réussite technique de Mauriac. Il y use, comme il l'a souvent fait, de la technique de la rétrospection.
Un incident rappelle soudain à Raymond Courrèges, habitué des boîtes de nuit à Paris, son passé d'adolescent bordelais, sa solitude au sein de sa famille où il se croyait incompris et, par timidité, ne savait se faire comprendre.
Maladroitement et brutalement, il avait alors essayé de violer une femme de réputation douteuse, Maria Cross, que son père, médecin naïf et bon, idéalisait.
Elle l'avait repoussé et vexé dans sa jeune fierté. Tout ce passé et la figure pathétique de son père revivent dans ce long récit. Mauriac, grand admirateur de Proust bien qu'il reproche à son œuvre d'avoir laissé béant le trou immense que devrait remplir Dieu, était passé maître dans l'art de remémorer le passé et de l'enchâsser dans le présent.

Deux autres romans de sa quarantaine sont de grandes œuvres : Thérèse Desqueyroux en 1927 et Le Nœud de vipères en 1932.
Le premier, utilisant avec plus de virtuosité encore la technique de la rétrospection, est le dramatique monologue d'une épouse plus fine et plus intelligente que son mari, propriétaire campagnard plein de suffisance ; elle se laisse entraîner à tenter de l'empoisonner, est jugée et, par égard aux convenances familiales, acquittée.
Mise au ban de la famille, contrainte d'abandonner sa petite fille, elle ne se repent point, mais va habiter seule à Paris. Elle y vit en névrosée malheureuse ; dans une nouvelle, "Thérèse chez le docteur", et un autre roman, "La Fin de la nuit" en 1935, Mauriac est revenu à ce personnage maladif et attachant, l'un des rares protagonistes de ses romans qu'il s'est résigné à ne pas convertir in extremis.
Le Nœud de vipères est celui d'une famille avare et haineuse, et plus encore le réseau de méchanceté, de dépit, d'endurcissement dans l'égoïsme et la poursuite des biens matériels d'un riche avocat, Louis.
Il se meurt d'angine de poitrine, note dans un journal atroce de vérité le progrès de sa haine envers sa femme, ses enfants, la religion hypocrite et lui-même. Mais son " effrayante lucidité" ainsi que la quête d'un amour vrai ouvrent une voie à la grâce qui le mène à la conversion.

Controverses

Sept ou huit autres romans de Mauriac, tous reprenant un décor, une intrigue, un leitmotiv analogues, n'atteignent que par moments à la beauté de ces réussites.
La Pharisienne en 1941, atroce peinture d'une dévote rigide et privée de charité, que l'on prendrait pour une attaque contre la religion si Mauriac n'avait tant proclamé sa foi catholique, a quelques parties saisissantes.
Sartre a, dans un célèbre article, pris à partie, non sans injustice, La Fin de la nuit, pour reprocher à l'auteur de priver ses personnages de toute liberté.
Il est vrai que Mauriac a toujours été confronté au dilemme du romancier catholique : éviter le doucereux et la prédication des romanciers dits bien-pensants, peindre le mal et le vice dans leur noire vérité, ne pas fausser la vie, mais par là même risquer de rendre la chair, la passion et le mal pleins d'attraits pour le lecteur peu averti.
Aussi l'orthodoxie de Mauriac a-t-elle été mise en doute par bien des catholiques, qu'il a effarouchés, même après qu'il eut été élu à l'Académie française en 1933, décoré par les gouvernements successifs du pays, consacré par le prix Nobel en 1952 et qu'il eut prodigué depuis 1945 ses éloges éperdus au général de Gaulle.
Néanmoins, avec Bernanos et, par moments seulement, Julien Green, Mauriac représente, dans le roman de ce siècle, le sommet de la littérature catholique, hardie et jeune.
Un autre reproche a été adressé à Mauriac, dont il n'a eu nulle peine à se justifier : celui de monotonie.
Car non seulement le décor, mais les thèmes, les personnages, la technique ne varient guère d'un roman à l'autre, pas plus qu'ils ne le font chez l'auteur qu'il met au-dessus de tout autre, Racine.
Mauriac s'est expliqué sur son art dans divers écrits sur le roman, dans son Journal, dans ses Mémoires et dans de nombreux articles de journal et de revue : depuis 1951, sa veine de romancier s'étant tarie, le théâtre ne lui ayant qu'à demi réussi, il est devenu un journaliste et un moraliste, parfois bavard.
Il a du moins réfléchi assidûment sur son art : il n'a pas caché que son premier souci avait été de rester fidèle à son monde intérieur, de dépeindre le monde qu'il connaissait le mieux et les obsessions ou souvenirs qui l'habitaient, et, acceptant ses limites, de renouveler son mode d'expression, mais non ses sujets.
Il est le plus grand en effet dans sa peinture des Mal-Aimés, c'est le titre d'une de ses pièces de 1945, et de l'amour où la chair lutte contre l'esprit, mais aussi où l'esprit, selon une formule de saint Paul, convoite contre la chair.
L'amour, même quand il devrait être ennobli par le sacrement du mariage et par la progéniture, est présenté par le romancier sous un jour lugubrement féroce : femmes solitaires en vain amoureuses de jeunes hommes égoïstes, adolescents traînant dans la boue l'objet de leurs désirs, hommes mûrs endurant les tortures de la jalousie, démons de midi et du soir et démons plus avides encore de l'adolescence, " cherchant qui dévorer ".
Cette insuffisance de l'amour humain préserve les personnages de Mauriac de la satisfaction dite bourgeoise : le sentiment de l'incomplet de leur existence leur fait enfin désirer le seul vrai amour, celui de Dieu.

La vertu d'engagement

"De sorte que bien loin qu'ils aient le droit de fuir les hommes en Dieu, il leur est enjoint de retrouver Dieu dans les hommes. Qu'ils le cherchent d'abord et qu'ils le trouvent dans ceux qui souffrent persécution pour la justice, chrétiens ou païens, communistes ou juifs, car de ceux-ci, la ressemblance avec le Christ est en raison directe des outrages qu'ils endurent : le crachat sur la face authentifie cette ressemblance."
Ce texte du Cahier noir – manifeste clandestin paru sous l'occupation allemande – détient la clé d'une bonne part de l'aventure mauriacienne : l'inflexion progressive du grand bourgeois vers la gauche comme celle de l'écrivain d'imagination vers le journalisme politique, jusqu'au pamphlet.
La révolution espagnole de 1936 en fut le point de départ ; la guerre de 1940 détermina Mauriac à l'engagement qui prit de plus en plus le meilleur de son talent.
D'abord dans son Journal, ensuite au fil du"Bloc-Notes" qui passa de l'Express au Figaro littéraire, il assuma les soucis majeurs de la France et du monde et y prit résolument parti avec autant de courage que de générosité.
Polémiste redouté, il ne s'est pas montré indulgent pour les jeunes romanciers dont les tentatives allaient à l'encontre de sa technique, paraissaient renoncer à toute action nouée, à toute exploration d'un caractère, à toute poésie dans l'art romanesque. Il n'était pas tendre non plus pour les politiciens de gauche, et moins encore pour ceux de droite, qui lui semblaient incapables de reconnaître, ou de proclamer, que la France recherchait une grandeur morale et l'avait trouvée en de Gaulle. Mais, si ses mots à l'emporte-pièce et ses jugements critiques ne manquaient pas de venin, ils savaient aussi faire place à la bonté et à la compassion.
Si Mauriac a ainsi dépeint un enfer plutôt qu'une antichambre du Paradis, il exerce, moins par la noirceur de ses sujets que par la nostalgie de pureté et de poésie qui est partout en son œuvre, une fascination sur ses lecteurs.
Il a souvent répété que le roman de son époque – et il pensait sans doute au sien – ne se sauvait de la médiocrité que par la poésie qu'il exprimait.
Cette poésie éclate dans le cadre d'une technique sobre et classique, et donne à la prose de Mauriac une vibration et une richesse qui le mettent, avec Malraux et Bernanos, aussitôt après Proust parmi les romanciers modernes de la France.

Fin de vie

Son dernier roman, Un adolescent d'autrefois reçoit un accueil enthousiaste de la critique en 1969. Une suite, Maltaverne, demeure inachevée et sera publiée de manière posthume en 1972.

François Mauriac meurt à Paris le 1er septembre 1970 et est enterré au cimetière de Vémars (Val-d'Oise).

Ses œuvres complètes ont été publiées en douze volumes entre 1950 et 1956. Une édition complète de ses œuvres romanesques et théâtrales a été éditée dans la collection de la Bibliothèque de la Pléiade, en quatre volumes, parus entre 1978 et 1985 ; elle est suivie en 1990 d'une édition de ses œuvres autobiographiques.
Claude Mauriac et Jean Mauriac, ses fils, et Anne Wiazemsky, sa petite-fille, sont aussi écrivains. Luce Mauriac, sa fille, a publié un roman en 2008.
Le domaine de Malagar, à Saint-Maixant, qui fut le lieu de la fin de l'adolescence et que l'écrivain reçut en 1927 à la suite d'un partage familial, est aujourd'hui propriété du Conseil régional d'Aquitaine. Cette maison d'écrivain, transformée en centre culturel, est désormais ouverte à la visite.

Révélations sur l'homosexualité de Mauriac

S'appuyant sur des sources écrites, l'ouvrage biographique de Jean-Luc Barré s'attache au fait que François Mauriac aurait notamment brûlé de passion — dont la nature exacte n'est pas précisée — pour un jeune écrivain, diplomate suisse, Bernard Barbey22,23.
L'information selon laquelle Mauriac aurait vécu des passions, probablement platoniques pour des jeunes gens avait été donnée dans une interview de Daniel Guérin publiée dans le livre de Gilles Barbedette et Michel Carassou, Paris gay 1925 publié aux Presses de la Renaissance.
Daniel Guérin est venu confirmer cette information, vérifiable dans la correspondance qu'il a reçue de Mauriac, conservée à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, en contradiction avec la volonté de l'écrivain de la récupérer et de la détruire.

Au cours de sa vieillesse combative, courageusement acceptée, il sut retrouver également son inspiration romanesque d'antan.
Son ultime roman, Un adolescent d'autrefois, publié en 1969, ne renouvelle ni le cadre ni les thèmes de son œuvre antérieure.
Mais il est frémissant encore de vie et il constitue comme le testament d'un romancier qui, à plus de quatre-vingts ans, comprenait encore la passion, les remords et les conflits entre la chair et les aspirations de l'âme.

L' Å’uvre

Romans, nouvelles, récits
1913 : L'Enfant chargé de chaînes
1914 : La Robe prétexte
1920 : La Chair et le Sang
1921 : Préséances
1921 : Dialogue d'un soir d'hiver
1922 : Le Baiser au lépreux
1923 : Le Fleuve de feu
1923 : Genitrix
1924 : Le Mal
1925 : Le Désert de l'amour (Grand prix du roman de l'Académie française, 1926)
1927 : Thérèse Desqueyroux
1928 : Destins
1929 : Trois récits : Coups de couteau, 1926 ; Un homme de lettres, 1926 ; Le Démon de la connaissance, 1928
1930 : Ce qui était perdu
1932 : Le Nœud de vipères
1933 : Le Mystère Frontenac
1935 : La Fin de la nuit
1936 : Les Anges noirs
1938 : Plongées comprenant Thérèse chez le docteur, 1933 ; Thérèse à l'hôtel, 1933 ; Le Rang ; Insomnie ; Conte de Noël
1939 : Les Chemins de la mer
1941 : La Pharisienne
1951 : Le Sagouin
1952 : Galigaï
1954 : L'Agneau
1958 : Le Fils de l'homme
1969 : Un adolescent d'autrefois
1972 : Maltaverne (posthume)

Théâtre

1938 : Asmodée
1945 : Les Mal-aimés
1947 : Passage du malin
1951 : Le Feu sur la terre

Poésie


1909 : Les Mains jointes
1911 : L'Adieu à l'adolescence
1925 : Orages
1940 : Le Sang d'Atys
Essais, recueils d'articles
1919 : De quelques cœurs inquiets (Société littéraire de France)
1926 : La Province (Hachette ; réédition Arléa, 1988)
1928 : Le Roman (L'artisan du livre)
1928 : La Vie de Jean Racine (rééd. Paris, Perrin, 1999)
1929 : Dieu et Mammon
1931 : Souffrances et bonheur du chrétien
1933 : Le Romancier et ses personnages
1936 : La Vie de Jésus (rééd. Seuil, 1999)
1945 : La Rencontre avec Barrès (rééd. La Table ronde, 1994)
1981 : Souvenirs retrouvés - Entretiens avec Jean Amrouche, éd. Fayard/INA
1993 : Bloc-notes, Seuil, 5 vol.
1996 : Mozart et autres écrits sur la musique, éd. Encre marine
2000 : La Paix des cimes : chroniques, 1948-1955, éd. Bartillat
2004 : D'un Bloc-notes à l'autre : 1952-1969, éd. Bartillat
2008 : Téléchroniques, 1959-1964, éd. Bartillat
Mémoires
1943 : Le Cahier noir
Publié sous le nom de Forez, qui était son pseudonyme, en clandestinité, par les éditions de Minuit
1948 : Journal d'un homme de trente ans (extraits) Editions Egloff
1959 : Mémoires intérieurs
1962 : Ce que je crois
1964 : Nouveaux mémoires intérieurs
1967 : Mémoires politiques

Autobiographie

1925 : Bordeaux, version première des Commencements d'une vie (L'Esprit du Temps, 2009)
1932 : Commencements d'une vie
1953 : Écrits intimes
Scénario
1955 : Le Pain vivant (scénario et dialogue du film Le Pain vivant sorti en 1955)
Œuvres complètes
Œuvres romanesques et théâtrales complètes, dirigées par Jacques Petit, éditions Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1986-1991, 4 vol.
Œuvres autobiographiques complètes, dirigées par François Durand, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1990.
Préface
1958 : La Nuit d'Elie Wiesel

Prix et distinctions

Grand prix du roman de l'Académie française (1926)
Membre de l'Académie française (1933)
Prix Nobel de littérature (1952)
Grand-croix de la Légion d'honneur (1958)

Hommages

En 1994, l'État et la ville de Paris rendent hommage à l'écrivain en baptisant de son nom le quai François-Mauriac, aux pieds de la Bibliothèque nationale de France, dont c'est l'adresse officielle, dans le 13e arrondissement.
Par ailleurs, deux prix littéraires portent son nom :
Le prix François-Mauriac de l'Académie française
Le prix François-Mauriac de la Région Aquitaine



Liens

http://youtu.be/rzXRTZe06jM Pivot parle de Cams et Mauriac
http://youtu.be/yCMcJdbchhA Rencontre avec François mauriac
http://youtu.be/YvPIlc0G8IY Biographie de F. Mauriac
http://youtu.be/IqxwzU0bodo Thérèse Desqueyroux (extrait du film)


Cliquez pour afficher l

Attacher un fichier:



jpg  thc3a9rc3a8se-desqueyroux-2012-02.jpg (25.35 KB)
3_52227860477aa.jpg 470X353 px

jpg  figaro-litteraire.jpg (489.62 KB)
3_5222787d9c19f.jpg 1280X934 px

jpg  4124069253_2161188709.jpg (186.94 KB)
3_5222789158fba.jpg 500X388 px

jpg  mauriac.jpg (36.41 KB)
3_5224bd1a19324.jpg 580X568 px

jpg  mauriac.JPG (30.66 KB)
3_5224bd398f822.jpg 346X400 px

jpg  6a00e550874e2588330147e01abda2970b-320wi.jpg (24.37 KB)
3_5224bd4923640.jpg 320X506 px

jpg  mauriac_abbe_560.jpg (38.74 KB)
3_5224bd67761e6.jpg 560X409 px

jpg  114742998.jpg (51.61 KB)
3_5224bd8045aa2.jpg 499X499 px

jpg  156369.jpg (229.58 KB)
3_5224bd90e42a7.jpg 454X991 px

jpg  le-sagouin-9782266023139_0.jpg (150.59 KB)
3_5224bda893919.jpg 500X500 px

jpg  51L8zwlzogL.jpg (34.28 KB)
3_5224bdd11906c.jpg 325X500 px

jpg  SHAR.5952.250.2.jpg (27.49 KB)
3_5224bde0bb717.jpg 251X400 px

jpg  genitrix-mauriac.jpg (24.92 KB)
3_5224bdf42d2f8.jpg 300X421 px

Posté le : 01/09/2013 01:13

Edité par Loriane sur 02-09-2013 18:34:11
Edité par Loriane sur 02-09-2013 18:37:16
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer



 Haut   Précédent   Suivant




[Recherche avancée]


Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
39 Personne(s) en ligne (21 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 39

Plus ...