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Accueil >> newbb >> Michelangelo Antonioni 1 [Les Forums - Photographe/Peintre]

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Michelangelo Antonioni 1
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Le 29 septembre 1912 naît Michelangelo Antonioni

Réalisateur et scénariste du cinéma italien naît à Ferrare en Émilie-Romagne et mort à Rome le 30 juillet 2007.

Il a obtenu de nombreuses récompenses, dont l'Oscar pour l’ensemble de sa carrière en 1995 et le Lion d'or pour la carrière à Venise en 1997.

Il est le seul réalisateur, avec Henri-Georges Clouzot et Robert Altman, à avoir remporté les trois plus hautes récompenses des principaux festivals européens que sont Cannes, Berlin et Venise.
Il y a dans chaque culture nationale comme dans chaque moyen d'expression des moments ou des personnes qui semblent être des points de convergence.
Ainsi des œuvres incarnent et propulsent en même temps certains changements culturels collectifs, si bien que l'itinéraire de leur auteur tend peut-être injustement à décevoir après coup, lorsqu'il vient s'insérer dans un courant plus régulier. Au même titre que l'œuvre de Bergman ou de Resnais, celle de Michelangelo Antonioni est marquée par un tel cheminement intellectuel.
Né dans une famille populaire, sa mère, Elisabetta Roncagli, fut ouvrière, Michelangelo Antonioni se passionne très jeune pour la musique et le dessin.
Violoniste précoce, il donne son premier concert à neuf ans.
Toutefois, son besoin de création ne le prédispose guère au métier d'interprète des classiques. En revanche, la peinture et le dessin seront des activités qu'il continuera d'exercer tout au long de sa vie.
À Ferrare, il ne fréquente pas le liceo, dont les élèves, très souvent issus des classes aisées, se destinent à des études supérieures, mais un lycée technique.
Il pratique en outre le tennis, au club de Marfisa à Ferrare, où il côtoie la jeunesse dorée et, en particulier, son ami, le romancier Giorgio Bassani.
Après son baccalauréat, il s'inscrit à la faculté d'économie et de commerce de Bologne, où il obtient un diplôme.
Le complexe de ne jamais avoir suivi d'études littéraires m'est toujours resté, avouait Antonioni.

Les débuts de cinéma

Attiré par le théâtre, il devient ensuite un cinéphile passionné et pratique, entre 1936 et 1940, la critique de films dans un journal de Ferrare, Corriere padano. Il quitte alors sa ville natale pour Rome et participe, bientôt, à la rédaction de Cinema, dirigée par Vittorio Mussolini, le fils de Benito Mussolini.
-Au moment où Antonioni y débute, les germes du néoréalisme n'étaient pas encore éclos.
Les jeunes théoriciens de ce mouvement, parmi lesquels Giuseppe De Santis, Carlo Lizzani, Antonio Pietrangeli… ne devaient débarquer dans l'équipe de rédaction qu'entre 1941 et 1943.
À la suite d'un différend, il est contraint de quitter la revue et c'est, à ce moment-là, qu'il entame une brève formation de cinéaste en intégrant les cours du Centro Sperimentale di Cinematografia de Rome.
Là, il noue une solide amitié avec l'enseignant Francesco Maria Pasinetti, auteur de la première histoire du cinéma italien.
Il épouse d'ailleurs la belle-sœur de ce dernier, Letizia Balboni, alors étudiante au Centro sperimentale.
Appelé sous les drapeaux au service des transmissions entre 1942 et 1943, il collabore au scénario de Un pilota ritorna de Roberto Rossellini. Ensuite, mettant à profit deux permissions exceptionnelles, il devient assistant sur deux films, I due Foscari d'Enrico Fulchignoni et Les Visiteurs du soir de Marcel Carné.


Les premiers films

Antonioni entre dans la profession cinématographique, en 1942 comme assistant de Marcel Carné pour Les Visiteurs du soir ; jusqu'à 1950, il collabore à quelques scénarios et réalise des courts-métrages qui ne sont pas indifférents.
C'est l'époque où le cinéma italien connaît la flambée du néo-réalisme fortement marqué à gauche, et qui, prôné ou contredit, influencera profondément toute la vie culturelle italienne de l'époque.
Les deux premiers courts-métrages d'Antonioni, Gente del Pò, 1943-1947 et N.U. 1948, c'est-à-dire Nettezza urbana ; il s'agit d'un documentaire sur les éboueurs, s'inscrivent directement dans ce mouvement néo-réaliste tandis que La Villa dei mostri, 1950, documentaire sur le parc aux rochers sculptés de Bomarzo témoigne de son ouverture à un certain fantastique.

En 1950, la culture italienne a déjà entamé sa déprovincialisation.

Face au cinéma traditionnel, les mélos, les drames et les comédies, d'ailleurs nullement méprisable et fort populaire, le néo-réalisme, s'il ne remporte pas dans la péninsule de grands succès publics, apporte une vision plus ouverte au monde et contribue à faire connaître le cinéma italien à l'étranger.
Depuis déjà quelques années, les écrivains américains ont été publiés en Italie grâce à Pavese et à Vittorini, et l'emphase d'annunzienne ne paraît plus obligatoirement liée à l'expression écrite italienne.
C'est dans ce nouveau contexte qu'Antonioni produit en 1950 son premier long-métrage, Chronique d'un amour.
Comme il avait influencé le premier film de Visconti Ossessione, le film noir américain a certainement inspiré cette histoire – devenue traditionnelle depuis Thérèse Raquin et américanisée par James Cain avec Assurance sur la mort et Le facteur sonne toujours deux fois – d'une femme et d'un amant qui veulent supprimer le mari.
Stylistiquement, en revanche, on distingue l'admiration du débutant pour le Laura de Preminger et pour Les Dames du bois de Boulogne de Bresson.
La technique du plan-séquence triomphe en effet dans Chronique d'un amour.
Ce style, que certains voulurent théoriser, alors que ses plus grands utilisateurs, Welles comme Preminger, Bresson comme Antonioni, Mizogushi comme Hitchcock, ne s'y enfermèrent jamais, procure au récit une fluidité, une aisance plus romanesque, et permet aussi une plus grande pudeur, un understatement fort anglo-saxon.
Il nous est possible de distinguer avec l'éloignement combien est grande la postérité de Chronique d'un amour.
Si, en effet, Lucia Bosé, qui interprète l'héroïne du film, ne peut nier sa dette à l'égard de la Louise Brooks des films de Pabst, elle a, à son tour, inspiré l'héroïne de L'Année dernière à Marienbad, de Resnais et Robbe-Grillet.
Et il convient aussi de citer Bardem, Maselli et Kast au nombre des cinéastes les plus directement marqués par cette histoire policière.
Plus récemment, si le cinéaste Jia Zhanke, pour Still Life, Chine, 2006, s'inspire du peintre Liu Xiaodong, il serait étonnant que pour décrire le barrage des Trois Gorges ni le peintre ni le cinéaste n'aient connu les images déshumanisées de L'Éclipse ou du Désert rouge.
On oubliera miséricordieusement de nombreux cinéastes sans talent qui ont essayé de faire de l'Antonioni comme d'autres faisaient du Godard.
Tandis que I Vinti 1952, film à sketches, retrace le malaise de la jeunesse de l'époque mais son sketch inspiré du fait-divers notoire des J3 de Malnoue est alors interdit en France, La Signora senza camelie, 1953 est un portrait de la profession de cinéaste, en Italie, à ce moment-là, mais des conventions mélodramatiques, l'auteur, isolé et génial, face aux contraintes dégradantes du commerce affaiblissent le film.
Tourné pour un film collectif, L'Amore in città, 1953, l'épisode Tentato suicidio est plus intéressant : Antonioni y inaugure en effet une méthode de cinéma direct où le cinéaste se fait à la fois détective et psychiatre pour interroger des femmes qui ont essayé de se tuer.

Dans Le Amiche, Femmes entre elles, Antonioni adapte, en 1955, un récit de Pavese, Entre femmes seules, tiré du Bel Été. Tout en restant plus fidèle que jamais au plan-séquence, il réalise le film peut-être le plus parfait et le plus beau de son œuvre.
Dans cette structure des rapports amicaux et sentimentaux, des haines et des rivalités qui traversent un groupe de femmes de la bourgeoisie turinoise, Antonioni réalise, comme dans Chronique d'un amour, la synthèse des apports anglo-saxon et français tout en rendant un hommage sans flagornerie à Pavese, bien qu'il n'ait jamais éprouvé à l'égard de la femme les sentiments de panique et de fascination que ressentit, jusqu'au suicide, l'écrivain.
Pour Antonioni, la femme est en effet un être plus fort, plus intelligent, plus équilibré que l'homme, et non, comme pour Pavese, l'incarnation de l'ombre, de l'irrationnel, de l'inconnu.
Après ce film, intervient dans la vie du cinéaste un changement profond : sa femme, Letizia, le quitte.
Il Grido, 1957 peut être vu comme le plus déchirant des cris de douleur d'un artiste pourtant secret et avare de confidences.
Le film, qui présente l'errance d'un ouvrier, abandonné par celle qu'il aime, dans le décor de la grise plaine du Pô, est une œuvre étrange et forte, qui n'a pas le caractère de pure beauté classique du film précédent, mais dont la séduction austère demeurera.

Le vertige dans l'image

Aucun des films d'Antonioni n'a, jusqu'alors, connu de succès commercial, et il a dû, pour vivre, effectuer des travaux non signés, dirigeant par exemple la seconde équipe de nombreux péplums.
Après avoir rencontré Monica Vitti, il parvient néanmoins en 1959, malgré mille difficultés, à réaliser L'Avventura qui fera sensation au festival de Cannes cette année-là. Avec La Notte, 1960, L'Eclisse, 1962 et Il Deserto rosso, 1964, il va faire tourner Monica Vitti dans quatre œuvres qui lui vaudront une notoriété internationale.
Ces quatre films se caractérisent par un changement de style : Antonioni renonce au plan-séquence et n'hésite plus à recourir fréquemment aux gros plans et aux contrechamps ; le thème aussi est le même dans ces quatre œuvres : l'incommunicabilité et le désarroi de l'homme qui découvre que ses règles morales sont dépassées par l'évolution du monde. Les critiques cessent de citer perpétuellement Pavese, ce qui agaçait Antonioni et, plus justement, évoquent Fitzgerald, Adorno ou Musil.
Les films ont un souffle plus ample, le récit s'étend plus volontiers dans des digressions plastiques comme la séquence baroque sur la ville de Noto, en Sicile, dans L'Avventura, le finale de L'Éclipse, qui ne montre que des objets ou des lieux déserts, la référence picturale est ici Giorgio De Chirico, ou les paysages désolés de la zone industrielle de Ravenne dans Le Désert rouge, le désert rouge recevra le Lion d'or au Festival de Venise 1964.
Ces films lui valent une reconnaissance mondiale. Monica Vitti sera l'égérie de ces quatre films et sera d'ailleurs sa compagne pendant quelque temps..
Antonioni accède au rang de grand cinéaste international tandis que Monica Vitti entame, de son côté, une carrière de star comique.
Avec Blow-up, policier psychologique anglais 1966, Zabriskie Point, essai romancé sur la rage de vivre d'un jeune Américain, 1970, Chung Kuo, 1972 ; La Chine, reportage qui connaîtra quelques mécomptes en raison des vicissitudes de la révolution culturelle maoïste et Profession reporter, 1975, attachant portrait d'un perdant incarné par Jack Nicholson, Antonioni nous donne alors des films séduisants et personnels, où l'on retrouve de discrets rappels des thèmes des premières œuvres, mais qui ne jouent plus le rôle de catalyseur de la culture européenne
À noter toutefois qu'avec Il Mistero di Oberwald, 1980, tiré de L'Aigle à deux têtes, de Cocteau, il est parmi les premiers à réaliser un film de fiction, de long-métrage, en vidéo. Ensuite, pour l'exploitation en salle, l'image électronique sera recopiée sur pellicule.
Le résultat est plus curieux que convaincant. Avec Identificazione di una donna 1982, il revient au style classique, avec une belle histoire d'amour.

C'est alors qu'il rencontre celle qui sera sa dernière compagne, Enrica.

En 1985, un accident cérébral grave contraint Antonioni à l'inaction, jusqu'à ce qu'il puisse, malgré sa condition physique, revenir à la mise en scène, avec l'aide de Wim Wenders pour Par-delà les nuages, 1995, puis, en 1994, pour Eros, 2004, les autres épisodes étant signés Wong Kar-wai et Steven Soderbergh.
Que dire de ces derniers films ?
Antonioni semble reproduire ici les dernières années de Luchino Visconti, avec cet acharnement à travailler, infiniment respectable, et qui prolongea sans doute son existence ; une vision exhaustive de son œuvre ne pourra les supprimer, mais ils ne sont nullement indispensables à sa grandeur créatrice – alors que ses courts-métrages initiaux, moins connus, le sont.

Sa dernière apparition publique peut être datée de l'automne 2006, lorsqu'il assiste à l'exposition de ses tableaux en plein centre de Rome.
Le palazzo ancien qui abrite cette exposition, près du Panthéon, aujourd'hui utilisé comme musée, fut naguère affecté à la Bourse de Rome, et c'est là qu'Antonioni tourna plusieurs scènes de L'Éclipse 1962.

Il meurt le 30 juillet 2007.

Une Å“uvre aux multiples facettes

Comme plusieurs grands cinéastes, Antonioni, au moment de son décès, a fait l'objet d'études et d'hommages divers.
Les appréciations de son œuvre relèvent évidemment de la liberté critique, mais peut-être, objectivement, sont-elles trop influencées par la renommée : il est courant d'entendre dire que l'œuvre d'Antonioni ne commence vraiment qu'avec L'Avventura.
Ce qui est exact, c'est que ce fut là le début de sa célébrité internationale.
On a aussi tendance à montrer une certaine unanimité : c'est oublier que le cinéaste eut bien de la peine à réaliser les films qu'il désirait, que l'Avventura fut hué à Cannes, que des cinéastes éminents comme François Truffaut ou Orson Welles n'ont jamais caché leurs plus sévères réserves sur son œuvre.
On peut rappeler sa période de formation, ses documentaires, comme Gente del Po, par exemple : mais il faut mentionner que ce film a été considéré, au même titre que l'Ossessione de Visconti, comme une œuvre fondatrice de l'école néo-réaliste.
Là encore il est important de rappeler sa période de formation.
Antonioni a fait partie de ce groupe de jeunes gens fous de cinéma, influencés par le Parti communiste italien clandestin, qui se regroupaient autour de la revue Cinema dirigée par Vittorio Mussolini – ce dernier étant à la fois fasciné par leur potentiel de création, et désireux comme eux de faire un cinéma italien qui tienne tête aux autres productions nationales.
C'est de ce groupe où figuraient notamment Visconti, De Santis ... que naîtra le néo-réalisme.
Le jeune Antonioni ne fut pas uniquement influencé par ses collègues, il collabora aussi au scénario du film fasciste de Rossellini, Un pilota ritorna. Car bien des cinéastes italiens de cette époque ont vécu leurs années d'apprentissage sous le régime mussolinien... Ce fut le cas pour Fellini ou pour Risi, il serait vain de le leur reprocher aujourd'hui.
Ainsi, l'examen de l'œuvre d'Antonioni, avec ses multiples facettes, ne peut se borner à la partie la plus importante, celle des longs-métrages de fiction.
Il y a sa vision documentariste, ses débuts, mais aussi son film sur la Chine, ses travaux alimentaires, ce film de commande sur Soraya en 1965, Le Bout d'essai, épisode du film collectif Les Trois Visages, ou ses tâches de réalisateur de seconde équipe pour Lattuada ou Brignone.
Il y a ses apparitions dans de longs interviews télévisés – qui nous le montrent plein d'humour, comme dans le film de 1966 de Gianfranco Mingozzi, Michelangelo Antonioni, storia di un autore.
Il y a ses tableaux, ses quelques rares livres. Antonioni, dans sa complexité, dans son œuvre comme dans les rapports parfois épineux qu'il entretint avec la société qui l'entourait, reste l'un des grands inventeurs de forme du XXe siècle.


Postérité

Dans un entretien accordé à Serge Kaganski en 2004, Jean-Luc Godard juge à regrets qu'Antonioni est le cinéaste qui a le plus influencé le cinéma contemporain.
Il considère par exemple qu'un cinéaste comme Gus Van Sant fait du sous-Antonioni.

Filmographie

Réalisateur

Note : Michelangelo Antonioni était également scénariste des films qu'il a réalisés.

Courts métrages

Note : Les courts métrages de Michelangelo Antonioni sont tous des documentaires.
1943 : Gente del Po (Les Gens du Pô)
1948 : Roma-Montevideo
1948 : Oltre l'oblio (Plus loin, l'oubli)
1948 : Nettezza urbana (Nettoyage urbain)
1949 : Superstizione (Superstition)
1949 : Sette canne, un vestito (La Rayonne)
1949 : L'Amorosa menzogna (Mensonge amoureux)
1950 : La villa dei Mostri (La Villa des monstres)
1950 : La funivia del Faloria (Le Téléphérique du mont Faloria)
1989 : Kumbha Mela, court métrage sur l'Inde
1993 : Noto, Mandorli, Vulcano, Stromboli, Carnevale (Connu, amandiers, volcan, Stromboli, carnaval)
2004 : Lo sguardo di Michelangelo (Le Regard de Michelangelo)
Longs métrages[modifier | modifier le code]
1949 : Ragazze in bianco (Jeunes en blanc), documentaire
1949 : Bomarzo, documentaire
1950 : Chronique d'un amour (Cronaca di un amore)
1953 : La Dame sans camélia (La signora senza camelie)
1953 : Les Vaincus (I vinti)
1953 : L'Amour à la ville (L'Amore in città), segment J'essaye le suicide (Tentato suicidio)
1955 : Femmes entre elles (Le amiche)
1957 : Le Cri (Il grido)
1960 : L'aventura
1961 : La Nuit (La notte)
1962 : L'Éclipse (L'eclisse)
1964 : Le Désert rouge (Il deserto rosso)
1965 : Les Trois Visages (I tre volti), segment Il provino (Le Bout d'essai)
1966 : Blow-Up
1970 : Zabriskie Point
1972 : Chung Kuo, la Chine (Chung Kuo, Cina)
1975 : Profession : reporter (Professione : reporter)
1980 : Le Mystère d'Oberwald (Il mistero di Oberwald)
1982 : Identification d'une femme (Identificazione di una donna)
1989 : 12 registi per 12 città (Douze réalisateurs pour douze villes), coréalisation promotionnelle pour la Coupe du monde de football de 1990 en Italie, segment Roma
1995 : Par-delà les nuages (Al di là delle nuvole), coréalisé avec Wim Wenders
2000 : Destinazione Verna
2004 : Eros, segment Il filo pericoloso delle cose

Scénariste

1942 : Un pilote revient (Un pilota ritorna) de Roberto Rossellini
1942 : I due Foscari (Les Deux Foscari) d'Enrico Fulchignoni
1947 : Chasse tragique (Caccia tragica) de Giuseppe De Santis
1952 : Le Cheik blanc (Lo sceicco bianco) de Federico Fellini
Producteur[modifier | modifier le code]
1988 : Liv d'Edoardo Ponti (P)

Lui-même

Chambre 666 de Wim Wenders (interview sur l'« avenir du cinéma ») en 1982

Récompenses

1948 : Ruban d'argent du meilleur documentaire pour Nettezza urbana (Nettoyage urbain)
1950 : Ruban d'argent du meilleur documentaire pour L'Amorosa menzogna (Mensonge amoureux)
1951 : Ruban d'argent spécial pour les valeurs humaines et stylistiques pour Chronique d'un amour (Cronaca di un amore)
1955 : Lion d'argent à la Mostra de Venise pour Femmes entre elles (Le amiche)
1956 : Ruban d'argent du meilleur réalisateur de film italien pour Femmes entre elles (Le amiche)
1957 : Léopard d'or au Festival international du film de Locarno pour Le Cri (Il grido)
1960 : Prix du Jury au Festival de Cannes pour L'avventura
1961 à la Berlinale :
Ours d'or du meilleur film pour La Nuit (La notte)
Prix FIPRESCI pour l'ensemble de son travail
1962 : Ruban d'argent du meilleur réalisateur de film italien pour La Nuit (La notte)
1962 : Prix spécial du Jury au Festival de Cannes pour L'Éclipse (L'eclisse)
1964 à la Mostra de Venise :
Lion d'or pour Le Désert rouge (Il deserto rosso)
Prix FIPRESCI pour Le Désert rouge (Il deserto rosso)
1967 : Palme d'or au Festival de Cannes pour Blow-Up
1967 : NSFC Award du meilleur réalisateur pour Blow-Up
1968 : Ruban d'argent du meilleur réalisateur de film étranger pour Blow-Up
1968 : Prix de la critique (Syndicat français de la critique de cinéma) du meilleur film étranger pour Blow-Up
1976 : Ruban d'argent du meilleur réalisateur de film italien pour Profession : reporter (Professione : reporter)
1976 : Prix Luchino Visconti aux David di Donatello
1976 : Bodil du meilleur film européen pour Profession : reporter (Professione : reporter)
1982 : Prix du xxxve anniversaire au Festival de Cannes pour Identification d'une femme (Identificazione di una donna)
1983 : Lion d'or à la Mostra de Venise pour sa carrière
1991 : Prix François Truffaut au Festival du film de Giffoni
1993 : Prix pour sa performance aux Prix du cinéma européen
1995 : Prix FIPRESCI à la Mostra de Venise pour Par delà les nuages (Al di là delle nuvole)
1995 : Grand Prix spécial des Amériques au Festival des films du monde de Montréal à l'occasion du centenaire du cinéma, pour son exceptionnelle contribution à l'art cinématographique
1995 : Prix d'honneur aux Oscars du cinéma
1995 : Griffon d'or pour la carrière au Festival du film de Giffoni
1996 : Prix pour la carrière au Festival international du film d'Istanbul
1998 : Prix Pietro Bianchi du SNGCI à la Mostra de Venise
2000 : Prix pour la carrière au Festival du film Flaiano
2001 : NFSC Award spécial pour l'intelligence exemplaire, la créativité et l'intégrité de sa carrière longue d'un demi-siècle
2004 : Prix FIPRESCI du meilleur court métrage au Festival international du film de Valladolid pour Lo sguardo di Michelangelo (Le Regard de Michelangelo)

Distinctions

: Chevalier grand-croix de l'ordre du Mérite de la République italienne, le 18 novembre 19927.

Sur Antonioni

Ouvrages

Fabio Carpi, Antonioni, Parme, Guanda, 1958
Pierre Leprohon, Antonioni, Paris, Seghers, coll. Cinéma d'aujourd'hui , 1961
Roger Tailleur et Paul-Louis Thirard, Antonioni, Paris, Éditions universitaires, coll. Classiques du cinéma, 1963
Michelangelo Antonioni, Rien que des mensongeslieu=Paris, Lattèsn, 1985
Joëlle Mayet Giaume, Michelangelo Antonioni : le fil intérieur, Crisnée, Belgique, Yellow Now, 1990
René Prédal, Michelangelo Antonioni ou la vigilance du désir, Paris, Le Cerf, coll. 7e art, 1991
Céline Scemama, Antonioni : le désert figuré, Paris, L'Harmattan, 1998
José Moure, Michelangelo Antonioni, Cinéaste de l'évidement, Paris, Champs visuels, 2001
Alain Bonfand, Le cinéma de Michelangelo Antonioni, Paris, Images Modernes, 2003
Aldo Tassone (trad. Caecillia Pieri), Antonioni, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2007
Stig Björkman (trad. Anne-Marie Teinturier), Michelangelo Antonioni, Paris, Cahiers du cinéma, coll. « Grands cinéastes », 2007
Seymour Chatman et Paul Duncan, Michelangelo Antonioni - filmographie complète, Paris, Taschen, 2008

Article

Roland Barthes, Cher Antonioni, dans Cahiers du cinéma, no 311 (mai 1980)

Films

1966 : Michelangelo Antonioni storia di un autore (Antonioni : documents et témoignages), documentaire pour la télévision de Gianfranco Mingozzi
1982 : Chambre 666, documentaire pour la télévision de Wim Wenders avec Antonioni
1996 : Fare un film per me è vivere (Faire un film pour moi c'est vivre), documentaire pour la télévision d'Enrica Antonioni sur le tournage de Par delà les nuages
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INTERVIEW D'ANTONIONI par TELERAMA


Il sait tout faire : ses films sont des chefs-d'œuvre célèbres dans le monde entier. Il écrit des nouvelles qui sont autant de scénarios étonnants. Une exposition à Paris nous révèle des montagnes magiques, car il peint aussi. Ex¬ceptionnellement, il parle et raconte son obsession de l'avenir.
"Je ne m'intéresse qu'au futur"

Un ami qui le connaît m'avait dit : « Si tu veux faire parler Antonioni, un conseil: lance-le sur Platini ».
Je comptais faire ça. Mener l'entretien en stratège lucide, pas intimidé, en tâchant d'oublier que l'existence d'Antonioni sur terre est une des choses qui rendent la vie moins pesante - sans doute parce qu'il sait comme personne nous en restituer le poids. Et puis j'ai oublié, dès qu'il a ouvert la porte et que, presque avant de le voir lui, j'ai vu le ciel. Encadré par de grandes baies vitrées, « un espace vide entre deux immeubles, vide de tout sauf de vide », comme il l'écrit dans une de ses nouvelles (1).
Il habite au dernier étage d'une résidence cossue, sur la colline Fleming, à la périphérie de Rome - et Monica Vitti, depuis vingt-cinq ans, à l'étage en dessous. Quand on approche des fenêtres, qu'on se penche, on voit le fleuve, et cet étrange paysage, suburbain et chic, ni ville ni campagne, qu'il décrit dans une autre nouvelle, Un bowling sur le Tibre. Mais si on ne se penche pas, le ciel vide seulement, découpé .en immenses tableaux gris sur lesquels se détache la silhouette mince, élégante, très tennisman, de Michelangelo Antonioni, 73 ans, cinéaste, peintre et écrivain.
D'autres tableaux, les siens, s'empilent contre les murs, sous leurs housses de plastique : ils vont bientôt être expédiés à Paris, pour l'exposition (2). Pas vraiment des tableaux, en fait : des « blow-up ». Des agrandissements photographiques.
-J'ai commencé, il y a quelques années, à peindre de petites choses, explique-t-il dans un français impeccable. Et puis, en les regardant à la loupe, j'ai été fasciné parla matière, la face cachée de ce qu'on voit à l'œil nu. Alors, j’ai décidé de les photographier et de les agrandir. C'est cela qui m'intéresse : je ne suis pas vraiment un peintre. Et l'œuvre, c'est l'agrandissement, pas ça.
Il montre « ça », quand même : les originaux. Minuscules, entre la carte postale et le timbre-poste.
-Au début, si je les faisais très petits, c'est parce que je n'avais pas assez- de place chez moi et aussi que je n'aime pas peindre devant un chevalet. Mais en fait, cela m'amuse de travailler sur des formats de plus en plus réduits. Cela augmente la surprise à l'agrandissement. C'est un peu comme une céramique qu'on met au four : on ne sait jamais ce que cela va donner quand on l'en sortira. On entre vraiment ainsi dans la vie de la matière..
La vie de la matière, scrutée attentivement : je repense à Blow-up, bien sûr, mais aussi au montage d'objets quotidiens, pur poème de l'inanimé qui -conclut L'Éclipse. Sur le mur, derrière Antonioni, est encadrée une nature morte de Morandi des bouteilles, des ombres sur ces bouteilles, c'est tout. Juste le calme, la vibration des choses. Mais les « blow-up » actuels d'Antonioni ignorent les objets d'industrie humaine, ne représentent que des montagnes : éboulis volcaniques, ravines d'encre et d'aquarelle, un monde minéral. Montagnes enchantées, c'est le titre de l'exposition.
- Un jour, j'ai peint un visage imaginaire, je l'ai découpé en morceaux, remonté un peu au hasard c'était une montagne. Je suis un homme de la plaine, pourtant, et j'ai peint aussi des plaines magiques, que je préfère d'ailleurs à mes montagnes. (Il rit, tout à coup juvénile) : Mais je ne vais quand même pas exposer toutes mes périodes. Même si j'ai eu de meilleures critiques pour ces trucs là que pour mes films. Si ça marche, à Paris, puis à New York, je continuerai. Il faut bien prévoir sa retraite.
Plaisanterie : il songe à tout, sauf à sa retraite. Mais la peinture n'est pas pour lui un caprice, un bouche-trou. Ni une nouveauté. Il l'aime, la connaît bien. Enfant, adolescent, il dessinait et peignait sans relâche. Des architectures surtout.
- Mais c'est presque l'inverse. L'architecture suppose un projet, des techniques complexes qu'on met à son service. Alors que ces peintures, spontanément, me libèrent de l'obsession du sentiment, du psychologique.
Même démarche dans ses films, obsédés autrefois par l'habitat humain, le paysage industriel, et qui dérivent vers le désert de Zabriskie point, de Profession reporter, ou la Venise paradoxale d'Identification d'une femme : on n'y voit pas un bâtiment, rien que de l'eau et du brouillard. La ville la plus civilisée du monde se dilue dans les éléments premiers.
Derrière la baie vitrée, des oiseaux zèbrent le gris du ciel. Très japonais. .
« Je pense rarement à ma jeunesse », écrit Antonioni dans son récit « Report about myself ». Et c'est vrai qu'il n'aime pas parler du passé. Pourtant la plaine, l'architecture entraînent la conversation vers Ferrare, sa ville natale. « Une ville très belle, très mystérieuse. C'était la plus importante d'Europe au XV° siècle ». Et il va chercher un livre d'art, sur les fresques du palais Schifanoia (dont le nom signifie : dissiper l'ennui), s'amuse d'une reproduction : « C'est très païen, voyez-vous. Les chevaliers mettent les mains sous les jupes des dames, j'aime ça ». Un autre livre, sur la peinture métaphysique : « Chirico a découvert tout cela à Ferrare ».
Nous feuilletons. Places écrasées de soleil froid, menace diffuse des monuments, instants figés : Antonioni erre des yeux dans le territoire de son adolescence, sourit quand je lui rappelle une phrase d'une de ses nouvelles : « Seul quelqu'un de Ferrare peut comprendre qu'une liaison dure onze ans sans avoir jamais existé ».
Ferrare dans les années 30, secrète, brumeuse, renfermée derrière les murs ocres de ses palais. Les jardins aussi, les courts de tennis, le choc mat des balles frappées, les voix qu'assourdit la pelouse, comme dans le parc anglais de Blow-up, encore. Et la montée du fascisme, que décrit dans Le Jardin des Finzi-Contini le romancier Giorgio Bassani, son ami de jeunesse.
Il rit encore - c'est vrai qu'il rit souvent. « Bassani, à cette époque, écrivait très mal, une prose baroque, chargée. Comme j'étais responsable de la page littéraire du Courrier de Padoue, je devais toujours couper, reprendre ses papiers. J'étais partisan, moi, d'une écriture sèche, dépouillée, presque sans adjectifs ».
L'écriture qu'on retrouve aujourd'hui dans ses nouvelles. « Quel est votre but en les écrivant ? » lui a-t-on demandé lors de leur parution. Réponse pince-sans-rire : « De les écrire le mieux possible ». Il ne se présume pas plus écrivain que peintre, pourtant, et ses récits ne sont que des sujets de films couchés sur le papier, des exutoires nécessaires quand l'industrie du cinéma l'oblige à rester longtemps sans tourner.
« - Quand je ne tourne pas, je griffonne sans arrêt, je noircis des feuilles, j'efface, des nuits entières. Mais ja mais quand je tourne : je ne fais qu'une seule chose à la fois.
- Quand je ne sais pas quoi faire, écrit-il, je commence à regarder. Il y a des techniques pour cela. J'ai la mienne, qui consiste à remonter d'une série d'images à un état de choses. »
Quatre hommes en mer, par exemple, doit être le point de départ de The Crew qu'il tente vainement de monter depuis plusieurs années.
« - L'idée vient d'un fait divers que j'ai lu dans un journal australien. Et j'ai écrit le récit lors d'un voyage en voiture, entre Téhéran et Chiraz. Il y avait une tempête de neige dans le désert et moi j'écrivais cette histoire de mer. »
Un riche homme d'affaires, lors d'une croisière sur son yacht, est pris d'une lubie : il enferme dans la cale ses trois hommes d'équipage. Qui parviennent à sortir au bout de quelques heures et s'aperçoivent que leur patron s'est jeté à la mer. En fait, il se cache et épie leur comportement. Pourquoi ? « Question sans réponse, qui laisse comme un arrière-goût d'indignation jalouse ».
Ce récit doit beaucoup à Joseph Conrad, une des grandes passions littéraires d'Antonioni, avec Faulkner, Gide - « Mais cela m'est un peu passé, comme une sorte d'amour perdu » - ou son ami Roland Barthes, dont il a rêvé d'adapter les Fragments d'un discours amoureux.
« - C'était très difficile. Je voulais faire un film sans véritable intrigue, sur un personnage prenant conscience de tout ce qui se dit sur l'amour, confronté à l'expérience qu'on en a. J'y ai renoncé à la mort de Barthes, j'aurais eu besoin de lui pour le faire. Ce n'était pas seulement un essayiste, mais un poète. Je pense qu'il se retrouvera quelque chose de ce projet dans un film que je prépare, d'après une de mes nouvelles, Deux télégrammes. De toute façon, mon prochain film parlera encore de l'amour. »
Comme le dernier. Mais, à la fin d'Identification d'une femme, Niccolo, le cinéaste, projette de tourner un film de science-fiction. Qu'arrivera-t-il quand le soleil sera trop proche de la terre ? se demande-t-il. Et une nouvelle du recueil, Antarctique, fait écho à cette question en évoquant la progression du continent austral vers nos, régions tempérées...
« - Je vous l'ai dit, je ne m'intéresse qu'au futur. Et j'ai beaucoup de curiosité pour la science, ses incertitudes, l'obligation d'être toujours en mouvement, de trouver des questions. Je crois aussi que notre terre devient trop petite, et que nous 'n'avons guère qu'un choix : l'holocauste nucléaire ou bien l'émigration vers d'autres planètes. Je pense réaliser bientôt un film avec Carlo Ponti et Sophia Loren, d'après une nouvelle d'un écrivain de science-fiction américain, Jack Finley, qui s'appelle Destination Verna.
C'est l'histoire d'une femme qui n'attend plus rien de la vie et à qui on offre de partir ailleurs, sur une planète hors du système solaire, où l'on suppose que le bonheur existe. Et elle a peur de prendre sa décision. C'est un sentiment très courant. Si vous demandez à la plupart des gens de partir, d'aller au bout du monde, sur la lune ou sur Jupiter, très peu accepteront, ils préféreront rester chez eux, i dans leur désespoir. Et le sujet de mon film, c'est la dernière chance offerte ferle à cette femme, qu'elle perd ».
Mais lui, Antonioni, est bien décidé à ne laisser passer aucune chance. Il ne cesse de bouger, de courir le monde, d'imaginer telle histoire en Ouzbekistan, telle autre à Singapour, d'échafauder des projets qui capotent régulièrement faute d'argent, de confiance des producteurs. L'un des grands artistes du monde n'arrive pas à tourner, mais n'en tire aucune amertume-: seulement un surcroît de vitalité. Loin de se résigner, il se bat, parle avec confiance de ses prochains films, se tient au courant de l'astrophysique comme des nouvelles technologies de l'image, toujours sur la brèche pour les expérimenter le premier.
Il vient de tourner un vidéo-clip sur la rockeuse Gianna Nannini, Fotoromanzo, quatre minutes « intimistes » dans le climat des années trente (« Mais je n'en suis pas content : la production ne m'a pas aidé ») et rêve de pousser plus loin les recherches inaugurées par Le Mystère d'Oberwald, une adaptation vidéo de L'Aigle à deux têtes de Cocteau, jamais sortie en France.
« - Je ne comprends d'ailleurs pas que la France ne l'ait pas acheté, au moins la télé. Le résultat est loin d'être satisfaisant, mais enfin, sur la couleur, c'était une expérience intéressante. Je suis convaincu que l'électronique, c'est l'avenir, qu'elle supplantera le cinéma comme la couleur le noir et blanc et, que ce soit un bien ou un mal, je souhaite participer à cette évolution inévitable. Si je tourne, comme il est prévu, un saint François d'Assise, j'espère pouvoir le faire avec ces nouvelles techniques. »
Paradoxal : on imagine mal Antonioni tournant des films d'époque, en costumes, mais les deux fois où il y a songé, c'était pour tester des technologies de pointe.
« - C'est normal, vous savez. D'abord, l'histoire de saint François m'a été proposée par la télé, sur l'initiative d'un frère franciscain. J'avais besoin d'argent, c'était pour moi un projet très mercenaire. Je n'avais aucune curiosité pour cette histoire, je n'aime pas le personnage, je ne suis pas croyant, je trouve les Fioretti mièvres, douceâtres, et si je le fais, ce sera en mettant l'accent sur une réalité historique beaucoup plus dure : la corruption, la violence du Moyen-âge, la guerre entre Pérouse et Assise... Je n'aime pas non plus les films à costumes, mais quand je pense à en faire un, il devient mon futur. Donc, pour moi, c'est en quelque sorte de la science-fiction. (Rire). Vous voyez, je suis cohérent. » Partis des nouvelles et de la peinture, nous en sommes, depuis une heure, au quatrième projet de cinéma en chantier. « Chaque fois que je suis sur le point de commencer un film, il m'en vient un autre à l'esprit ».
Le téléphone sonne. Antonioni s'excuse, répond. Je regarde le ciel qui s'assombrit, l'eau-forte de Morandi, les rayonnages chargés de livres, les montagnes magiques sous leur plastique. Je le regarde lui, qui parle, à l'autre bout de la grande pièce, et je repense à une de ses nouvelles, lue dans l'avion.
Le narrateur observe sans l'entendre une jeune fille qui parle au téléphone. Il essaie mentalement de la doubler en adaptant au mouvement de ses lèvres une phrase d'un scénario en projet : « J'ai 24 ans, et derrière moi, il y a un rideau vert. Que veux-tu savoir d'autre ? »
« Que voulez-vous savoir d'autre ? » me demande Antonioni, le téléphone raccroché, signifiant poliment qu'il en a dit assez. Je remercie, prends congé. Je me rappelle dans l'ascenseur, trop tard : Platini.
Propos recueillis par EMMANUEL CARRERE – Télérama


HOMMAGE A MICHELANGELO ANTONIONI


TÉLÉRAMA 3005 115 AOÛT 2007

Par-delà le silence - Centrée sur l’absence de communication, attirée par le vide, l’œuvre de Michelangelo Antonioni fait aussi la part belle aux frémissements de la vie et à la sensualité.

Un blanc - Michelangelo Antonioni vient de disparaître. Un blanc avant l’éclipse, cette fois définitive. On en avait oublié son âge son âge (94 ans), on s’était fait à l'idée de son long sursis devenu renaissance après son attaque survenue en 1985. Un accident cérébral l'avait cloué sur place. Paralysie. Aphasie. Comme si le sort avait tenu à parachever l'« incommunicabilité » qui lui collait à la peau. Et puis l'artiste avait recouvré un peu de mobilité, la parole revenait par bribes, l'envie de cinéma aussi. L'attente dura onze ans, jusqu'à Pardelà les nuages (1995), tourné avec l'ami Wim Wenders. Un ratage magnifique, libre et vacillant, digest teinté d'ironie des thèmes antonioniens et consécration du corps de Sophie Marceau. L'érotisme, jadis symbolisé, s'incarnait. Antonioni récidiva dans sa contribution au film collectif Eros (2004). Et puis...
Celui qu'on a souvent désigné comme le maître d'oeuvre de la modernité a donc rejoint le néant, ce centre obscur ou radieux, allez savoir, autour duquel il gravitait depuis ses débuts, au lendemain de la guerre. L'absence, le vide, le silence, le désert, la dissolution du sens, il représentait tout cela mieux que quiconque avec une élégance formelle et morale qui lui interdisait tout pessimisme complaisant. Car ces obsessions, loin de nourrir une œuvre de la noirceur ou de la cruauté, s'expriment avec une telle ambivalence qu'inquiétude et volupté y paraissent indissociables, créant une sensation d'unité, de beauté. La vie d'Antonioni ? Une énigme de plus, pas si facile à résoudre. Aldo Tassone, célèbre critique italien et fidèle parmi les fidèles, en sait quelque chose, lui qui eut toutes les peines du monde à soutirer quelques rares souvenirs de l'intéressé, pour les besoins d'un livre resté incontournable. L'enfance ? « Très heureuse », selon lui. Des parents de classe moyenne, bienveillants et généreux, et un frère, avec lequel il fait les quatre cents coups dans la rue. Michelangelo grandit en montrant un talent précoce pour la musique et la peinture. Il aime aussi la littérature (Pirandello, Ibsen, Pavese), mais il s'inscrit en économie. En 1939, il s'établit à Rome, où il travaille comme journaliste et critique - vif et visionnaire - à la revue Cinéma. Pendant la guerre, il collabore à divers scénarios et devient assistant réalisateur, de Carné entre autres. Grâce à Tassone, on retient cette confession : « L'un de mes jeux favoris consistait à "organiser" des villes. Sans rien connaître en architecture, je bâtissais des immeubles et des rues entre lesquels je faisais évoluer des figurines. Je m'inventais des histoires. Ces happenings d'enfant -j'avais 11 ans - étaient un peu comme de petits films. »
Ces façades de maisons qu'il dessinait auront chez lui valeur de visages. Elles exprimeront, dissimuleront une histoire, un couple, un sentiment. Pas de plus claire symbolique pour signifier le passage de l'extérieur à l'intérieur, de la surface des choses à l'intériorité. La ville et le désert se confondent chez lui. Il aimait les matins blêmes, les avenues vides de juillet. Il reste de fait associé à la cité plane de son enfance, la bourgeoise Ferrare, qui s'étend sur le cours inférieur du Pô. Arcades de silence, dimanche éternel, vie engourdie - ce théâtre urbain immortalisé par les toiles de Chirico ou de Carlo Carrà. Antonioni est né là-bas, y a vécu vingt-sept ans. Il y reviendra tourner un épisode hivernal - le plus épuré - de Par-delà les nuages. Cette plaine du Pô sera le décor de ses premiers films, des documentaires précurseurs du néoréalisme, Les Gens du Pô (1943¬1947), de Chronique d'un amour (1950) ou du Cri (1957), dérive grise et poignante d'un ouvrier trompé qui tente en vain d'oublier sa femme. Un film à part dans l'oeuvre d'Antonioni, plus habitué à dépeindre la grande bourgeoisie. Plaine, îlot rocheux, route, crevasse, esplanade. Brouillard, vent, pluie, soleil rasant ou vertical. Impossible de penser le cinéma d'Antonioni autrement qu'en termes de géographie et de climat. Le relief, le décor et le temps qu'il fait comptent autant sinon plus que les scénarios, contre lesquels ils semblent même s'inscrire. L'action, l'attente devrait-on dire, tend vers un présent suspendu qui dément le déroulement d'une intrigue, l'existence d'un passé, l'emploi de flash-back. Créer des liens mystérieux, des vibrations infra-sensibles entre l'homme et le paysage, voilà la grande idée antonionienne. Pour creuser et exprimer différemment la grande question qui taraude aussi Bergman et Go¬dard : le couple, et ses corollaires, passion, solitude, désir, abandon. La trilogie L’Avventura (1960), La Nuit (1961) et L'Eclipse (1962), puis Le Désert rouge (1964) : Antonioni signe coup sur coup quatre chefs-d'œuvre, qui le placent au rang des plus grands mais aussi des mal-aimés. Autant Fellini, son rival amical de toujours, a su récolter les suffrages du public, autant Antonioni, lui, s'est heurté à pas mal d'incompréhension. Sa vraie carrière commence par un scandale, fameux : en 1960, à Cannes, son Avventura est copieusement sifflé, Monica Vitti sort de la projection en larmes.
Aujourd'hui, non seulement L'Avventura - coécrit avec Elio Bartolini et Tonino Guerra, le fidèle scénariste - n'a pas pris une ride, mais il a gardé son caractère scandaleux : une femme (Lea Massari), personnage central, disparaît, et cette disparition est purement et simplement effacée du récit, supplantée par un amour naissant entre son compagnon et une amie proche. Chez Antonioni, on oublie vite, et l'être aimé peut rapidement devenir un étranger. Tout s'évanouit, le bonheur comme le malheur. De là l'inquiétude, ce besoin de toucher les choses pour les retenir. Intensité foudroyante du sentiment amoureux, puis plus rien. Tout Antonioni palpite de ces intermittences du cœur, de l'alternance terrible de joie et de tristesse. Chaque film de la trilogie débute ou s'achève par une séparation. Un couple échappe in extremis au naufrage (la fin de L’Avventura), un autre est à l'agonie (La Nuit), un troisième passe à côté d'une grande (?) histoire (L'Éclipse et son casting de rêve, Vitti-Delon). La faute à l'incommunicabilité ? On aurait autant tort de ricaner que de ne jurer que par cette formule, qui vaut ce qu'elle vaut. Certains - Alain Robbe-Grillet, fin connaisseur - l'ont retournée pour dire combien ça communique à outrance chez Antonioni. D'autres ont insisté sur la difficulté de s'unir avec les mots. On tranchera en avançant l'hypothèse que ce n'est pas tant la communication qui est recherchée que son dépassement, son détachement. Dans la métaphore, la coïncidence, la correspondance, en un mot, dans la poésie.

Longtemps, une femme a compté.

Une égérie tremblante et vaillante qui portait en elle les questions du monde et pouvait pardonner la lâcheté des hommes. Monica Vitti, blonde rayonnante et amère, muse sensuelle. Un roman ne suffirait pas pour dire son visage, sa silhouette, sa voix cassée. Antonioni l'a révélée. Plus tard, d'autres femmes furent magnifiées - Maria Schneider, Da¬niela Silverio, Christine Boisson... Avant, il y eut la divine Lucia Bosé dans Chronique d'un amour (1950) et La Dame sans camélias (1953). Dans les années 60, Antonioni est le plus fin apologiste de la femme.
Et puis il part. Il quitte l'Italie comme on se sépare d'une compagne, défait et refait son cinéma ailleurs. La femme n'est plus le personnage en avant, il devient objet de quête, voire d'enquête. Comme si le personnage masculin ne supportait plus sa propre lâcheté et sa vulgarité, désormais il s'interroge et interroge. Antonioni se ressource d'abord dans un jardin anglais, où il développe un suspense très audacieux tout en enregistrant - en direct, s'il vous plaît ! - la déferlante du swinging London (Blow up, 1967). La jeunesse le fascine, le fascinera toujours. Çabouge aux Etats¬Unis ? Il file là-bas en pleine période hippie pour suivre l'échappée dans le désert d'un étudiant contestataire et d'une jeune secrétaire qui a tout largué. C'est Zabriskie Point (1970), road-movie d'un romantisme fou, peut-être le film le plus radical de ces années. Ensuite, c'est la Chine (Chung Kuo, la Chine, 1972). Puis l'Afrique noire et l'Europe, où il signe Profession: reporter (1975), errance parfaite, aboutissement magistral parce que naturel de son esthétique. Aux portes du désert, depuis une fenêtre béante, Anto¬nioni attend - sereinement? - que la mort advienne. Il pressentait les choses avant tout le monde, expérimentait la couleur - ce qu'il réalise dans LeDésert rouge (surtout saturé de bleu et de vert) est inouï -, la vidéo -Le Mystère d'Oberwald (1980), petite merveille, et retrouvailles avec Vitti. Inventeur de la modernité, Antonioni ? Vous rigolez ? De la postmodernité, oui ! Observez la photographie plasticienne, la danse contemporaine, l'art vidéo, ou bien encore la mode, et vous aurez de fortes chances d'apercevoir son ombre portée se profiler dans tous les domaines où le style est une vertu.
Sa postérité cinématographique (même diffuse) l'atteste. La puissance de fascination intemporelle de ses films les protège de fait de toute idée de vieillissement. Il res¬tera sans doute comme le plus exigeant compositeur de plans, avec Hitchcock, qu'il rejoint d'ailleurs sur bien d'autres aspects. Rigueur, abstraction géométrique, nudité architectonique.
Il n'a jamais oublié pour autant d'être profondément humain. Nul formalisme intégriste chez lui. Sa suprême élégance vient de là : c'est comme si la forme conduisait au fond. « Il va de l'abstraction vers l'humain », résume bien Olivier Assayas dans son commentaire sur le DVD de L’Avventura. Le voir en cinéaste froid est absurde. On pleure beaucoup dans les films d'Antonioni, on caresse aussi, on pose sa joue sur le corps de l'autre, la terre, les murs. Contact charnel, matériel et minéral, qui est à la mesure du vide, de l'extinction de la sensation.
Ces vibrations, ce rapport sensoriel, tactile, au monde mène tout naturellement à l'érotisme. Un érotisme manifeste et éclatant dans certaines séquences - l'impudente montée du plaisir de Daniela Silverio dans Identification d'une femme (1982). Ou plus allusif, ne serait-ce qu'à travers les décors chargés de métaphores sexuelles, phalliques ou en creux. Tout se passe comme si Antonioni avait toujours tendu vers un absolu d'unité, compact, irréductible. Quelque chose de réel, et qui toujours se dérobe. Reste l'attente, ce temps de cinéma indéterminé, ce brouillard, ce désir vague - de vivre ou de mourir ? De splendides pressentiments dépourvus du moindre ressentiment.
JACQUES MORICE

Antonioni d’hier et de demain par André S. Labarthe

Parmi les mille façons d’entendre la mise en scène, il en est une qui est peut-être plus propre qu’une autre à éclairer la démarche du cinéaste.C’est celle qui accorde à la mise en scène une fonction ordonnatrice particulièrement sensible chez Murnau et Lang, cette fonction, qui commande au créateur d’aller du désordre à l’ordre, se révèle à des degrés divers chez tous les cinéastes modernes. Ceux-ci semblent d’ailleurs en être plus ou moins conscients, alors que les anciens réalisateurs, partisans d’un style où le montage et le truquage étaient au premier plan de l’expression, l’ignoraient tout en luttant inconsciemment contre elle. Le cinéma moderne, résolument démystificateur, ne l’est réellement que parce que les cinéastes modernes ont pris conscience de cette évidence.
Le mythe du cinéma-oeil a fait long feu. La fameuse objectivité fondamentale du cinéma est en fait corrélative d’une aussi grande subjectivité du cinéaste. L’analyse phénoménologique de la perception tentée par Merleau-Ponty doit a fortiori s’appliquer à cet oeil mécanique qu’est l’objectif de la caméra. Ainsi, voir, ce n’est déjà plus tout à fait voir, filmer, ce n’est plus tout à fait enregistrer du réel sur pellicule.Que dire alors de la mise en scène, sinon qu’elle est en fin de compte une manière de juger (de Murnau à Astruc), d’interroger (de Rossellini à Chabrol), d’aimer ou de haïr (de Stroheim à Renoir) ? Sinon qu’elle propose toujours un certain ordre du monde ? Un plan de Welles, par exemple, est toujours une certaine façon d’ordonner l’espace, engage par conséquent toujours une certaine façon qu’a Welles de regarder le monde, de s’y insérer et d’y formuler son interrogation.
Pour toutes ces raisons, il n’est jamais alarmant qu’un auteur qui aborde la mise en scène nous donne un film désordonné, touffu, seulement balayé de brefs éclairs de génie. Tout porte à croire que ses films ultérieurs se définiront par une clarification - non pas une simplification - de son propos, une maîtrise croissante de son instrument, pour atteindre, peut-être, à la suprême souveraineté : une réconciliation de l’homme et de la nature, l’apaisement d’une lutte dans laquelle le désordre doit finir par rendre les armes.
La rétrospective Antonioni à la Cinémathèque française a mis justement l’accent sur cet itinéraire de la création. Un film tenu jusqu’ici pour un chef-d’oeuvre, Chronique d’un amour, apparaît, après L’Avventura, à la fois comme une esquisse et un brouillon : une oeuvre désordonnée, plus pleine qu’un oeuf mais imprécise, une oeuvre sans impact sur laquelle la mise en scène n’a pas encore inscrit sa suprématie. En regard, La Dame sans camélias, en dépit d’une erreur de distribution (voir plus bas) qui eût pu lui être fatale, prend une importance inattendue. Mais Chronique d’un amour comme La Dame sans camélias, malgré de réelles beautés, souffrent aujourd’hui d’être confrontés avec la perfection des derniers films.

Ce qu’on désigne par l’approfondissement d’une oeuvre n’est jamais qu’une prise plus nette de conscience.On va d’une oeuvre floue à une oeuvre limpide, d’un brouillon à une épure. Les étapes d’une carrière de cinéaste sont comparables aux états successifs d’un tableau. Par exemple, le personnage qui nous est montré dans Chronique d’un amour, on s’en aperçoit aujourd’hui, manque singulièrement de netteté : sa silhouette est épaisse, sa démarche incertaine. C’est qu’il est encore loin d’être « la somme de ses actes ». Mais qu’Antonioni le « reprenne », comme on « reprend » un tableau, et cette silhouette se précisera, cette masse d’ombre s’éclaircira, et Massimo Girotti laissera la place au Steve Cochran du Cri et celui-ci au Gabriele Ferzetti de Femmes entre elles et de L’Avventura. Il éclaircira si bien ses contours qu’il s’opposera finalement au décor et à l’histoire dont au début il restait confusément solidaire. Ceci n’est qu’un exemple, mais caractéristique : que ce personnage se précise, et c’est le décor, et c’est la fiction, et c’est la mise en scène elle-même qui gagnent en efficacité.
La véritable maîtrise d’Antonioni commence avec le sketch d’Amore in citta. Avec Tentato suicidio - tel est son titre - pour la première fois la couleur n’empiète pas sur le dessin. Le réalisateur survole sa matière et affirme déjà péremptoirement cette limpidité du style, et cette acuité du regard qui frapperont tant le spectateur de Femmes entre elles. La conception de la mise en scène qui se fait jour ici témoigne en effet d’un regard éminemment aigu - presque critique - posé sur certains aspects privilégiés du réel. En même temps qu’elle retient le spectateur au piège de sa seule beauté, elle rend compte de la position de l’auteur. Réaliser un film n’est pas pour Antonioni faire une parenthèse dans sa vie d’homme, mais tout au contraire continuer à vivre en s’interrogeant sur le sens de la vie, et peut-être par là apprendre à mieux vivre. Bref, le temps du film continue le temps réel,mais l’ordonne,mais le rend transparent à la conscience. La mise en scène a donc cette mission de résoudre ou d’aider à résoudre les problèmes et les difficultés qui assaillent un homme. Elle est une technique de la conscience de soi.
Qu’est-ce à dire ? Simplement ceci : un film sera d’autant meilleur, sa mise en scène d’autant plus remarquable que son auteur aura une conscience plus nette de sa place dans le monde et de son rapport au monde. Antonioni est une affirmation, criante de justesse, de la politique des auteurs.
L’ensemble présenté par la Cinémathèque n’était pas complet. Manquaient, outre L’Avventura, certains courts métrages réalisés entre 1943 et 1950. Mais cela du moins a-t-il suffi pour que cette oeuvre, entre toutes maudite (aucun film d’Antonioni n’a connu en France une exclusivité autre que confidentielle), nous apparaisse dans tout son déploiement. En voici une rapide analyse.

Documentaires
Nous avons vu trois documentaires : N.U. (Netezza urbana, 1948) film sur les éboueurs de Rome : Superstizione (1948), reportage sur les coutumes et croyances de certaines populations des Abruzzes ; Tentato suicidio, épisode de Amore in città (1953), enquête sur le suicide. Les deux premiers, strictement documentaires, surprennent d’emblée par l’écart qu’ils accusent avec la technique néoréaliste. Certes, Antonioni a tourné dans des lieux réels. Mais les angles de prises de vues, les cadrages et jusqu’à l’utilisation qui est faite de la bande sonore, opèrent à l’égard du document un recul qui deviendra plus tard la caractéristique d’un style.
À vrai dire, dans la suite, ces films, et probablement ceux qui leur sont contemporains, ne mériteraient guère que l’on en parlât. Mais, à voir et à revoir Tentato suicidio, réalisé après trois longs métrages, on comprend le chemin parcouru. Tentato suicidio est, à mon sens, l’un des trois chefs-d’oeuvre absolus d’Antonioni. Cette enquête sur le suicide, menée sans tricherie, où des rescapées du suicide viennent raconter ou mimer devant nous leur geste de désespoir, est traitée par Antonioni avec une élégance extraordinaire. Jamais le document ne verse dans la compassion, jamais la mise en scène ne rompt sa digue pour laisser le document envahir le spectateur. Chaque plan, généralement long et tourné à la grue, fait éclater le constat en même temps qu’il le juge.

Chronique d’un amour (1950)
Chronique d’un amour est intéressant pour deux raisons. La première est que c’est le premier film de son auteur, la seconde que, dès son premier film, Antonioni fait oeuvre d’auteur complet (ce n’était pas si courant en 1950 !).
À la lumière des films qui le suivront, Chronique d’un amour est la première mouture d’une situation qui se répétera jusqu’à L’Avventura. Chronique d’un amour est l’histoire d’une femme qui amène son amant (dont elle a naguère tué la fiancée) à assassiner son mari. Un accident rendra le meurtre inutile,mais la liaison des amants ne lui survivra pas. Première esquisse de l’univers d’Antonioni : Paola (Lucia Bosè) est une femme (fatale) qui n’arrive pas à triompher d’un certain destin malheureux. Exactement comme, plus tard, Clara (Lucia Bosè) dans La Dame sans camélias ou Claudia (Monica Vitti) dans L’Avventura.
Malgré toutes ses imperfections, Chronique d’un amour impose un authentique cinéaste. Il n’est que de comparer le film à Assurance sur la mort ou à Thérèse Raquin, dont les sujets sont voisins, pour se rendre compte de son originalité.

I vinti (1952)

Comme il arrive toujours, du seul fait qu’il y ait été interdit par la censure, ce film jouit en France d’un préjugé favorable. Comme si la censure était plus perspicace que la critique ! Il s’agit pourtant là, incontestablement, de l’oeuvre la plus inégale de Michelangelo Antonioni.
Le film est constitué de trois sketches qui ont respectivement pour cadre la France, l’Italie et l’Angleterre. Tous trois sont inspirés de faits divers réels. L’épisode français, qui est à l’origine de l’interdiction du film en France, évoque l’affaire Guyader. Affaire de J3 ou fait divers de blousons noirs avant la lettre, tout ce qui a trait directement à la géographie et au climat parisiens est insupportable : Paris ressemble comme un frère à un faubourg de Rome (on y voit un autobus quitter la ville pour la pleine campagne !). Seul intérêt du récit : les scènes d’extérieurs à la campagne où se manifeste le goût d’Antonioni pour les grands espaces, ponctués de personnages disposés en profondeur (l’espace selon Antonioni ressemble fort à un échiquier). L’épisode italien, qui relate les derniers instants d’un gang de la drogue, est meilleur,mais encore maladroit. Le meilleur sketch est paradoxalement l’anglais, plein d’humour, et d’humour anglais comme les Anglais eux-mêmes ne savent plus en faire depuis longtemps.

La Dame sans camélias (1953)
De l’aveu d’Antonioni lui-même, le sujet de La Dame sans camélias avait été conçu pour Gina Lollobrigida et le résultat s’en ressent. Que Lucia Bosè soit belle, personne n’en doute, mais comment croire entièrement au personnage, malgré les modifications apportées par l’auteur au rôle, quand celui-ci a été si manifestement écrit pour Gina ?
Singulière coïncidence. Il en est des sujets d’Antonioni comme de la plupart de ceux de Bergman.Réduits à leur argument, ce ne sont que romans de presse du coeur avec ce que cela comporte de fatalisme et de lendemains désenchantés. Ainsi réduit, celui de La Dame sans camélias vaut son pesant de guimauve : une jeune starlette, sur le point de conquérir la gloire, abandonne une carrière qui s’annonce fructueuse pour devenir une actrice sérieuse et conserver son amour. Mais elle finira par tout perdre.
Mais comme chez Bergman, le film vaut mieux que son argument. Il représente même, plus que Chronique d’un amour, une étape décisive dans l’oeuvre d’Antonioni en ce sens que la mise en scène se libère de l’emprise du sujet et tend déjà vers cet art « critique » qui définira demain le style propre d’Antonioni. La place des acteurs dans le cadre, ce souci majeur de l’esthétique d’Antonioni qui a pu parfois irriter, devient à la fois plus sûre et plus souple ; la composition de l’image, toujours soignée, sait s’effacer au fur et à mesure que le film se déroule : elle n’arrête plus le regard, elle le guide.

Femmes entre elles (1955)
Le second chef-d’oeuvre absolu d’Antonioni. Chef-d’oeuvre paradoxal : Femmes entre elles, l’un des deux films dont Antonioni n’ait pas conçu le sujet, nous en apprend plus sur son auteur que Chronique d’un amour ou Le Cri qu’il a signés intégralement ! C’est que la mise en scène investit toutes les significations du film. Antonioni peint un certain monde, mais c’est la mise en scène qui fait que cette peinture est aussi une critique, ce constat une vision du monde. Tous les éléments de la mise en scène, l’organisation de l’espace, les rapports des personnages dans le cadre, le rapport des personnages et du décor, concourent à la perfection. On sent constamment qu’ici Antonioni résout quelque chose, qu’il a trouvé, grâce à ce film, le lieu secret d’où le monde lui apparaît selon un certain ordre. Au comment de la technique répond, au quart de ton près, le comment d’un homme qui regarde. Dans la relation qui unit ces deux comment réside le secret d’un art.

Le Cri (1957)
Mieux accueilli, plus hautement loué, Le Cri ne renouvelle pas tout à fait la réussite de Femmes entre elles. Ce beau film émouvant n’est pas un chef-d’oeuvre. Il semble qu’ici Antonioni ne soit pas pleinement parvenu à prendre ses distances à l’égard de son sujet, que son oeil ait un peu perdu de cette acuité critique qui fait le prix de Femmes entre elles. Le film, sans aucun doute, tenait à coeur à son auteur. Mais sa beauté n’a pas cette évidence tranchante, un peu sèche, que l’on attendait. Il y manque le regard d’aigle.
Il faudra attendre L’Avventura pour que s’élève une nouvelle fois cet écho en retour du bonheur et du malheur d’un homme qui éveille ses semblables à un partage sans compassion.

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Posté le : 28/09/2013 21:05
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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