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Histoire du cinéma suite
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Le renouvellement

Federico Fellini, assistant et scénariste de Rossellini, est un poète, un peintre baroque et un visionnaire. Il se soucie moins de témoigner de la réalité, sociale ou politique. Il porte un univers qu'il doit impérieusement exprimer. Ce qu'il voit n'est que le miroir de ses songes.
Ses personnages sont des créatures imaginaires, ses récits sont des fables. Il est le plus brillant conteur du cinéma européen.
Il est aussi, avec Bergman, le seul véritable homme de spectacle, fasciné par le cirque, les comédiens, les clowns et les feux de la rampe.
C'est La Strada, en 1954, qui l'a révélé au grand public. Mais déjà Les Vitelloni (1952) et plus tard Il Bidone (1955) sont des œuvres admirables, plus sincères que La Dolce Vita (1959).
En 1963, avec Huit et demi, Fellini a réalisé son film le plus beau, le plus personnel, le plus courageux.
En marge du néo-réalisme, Antonioni a commencé en 1950 une carrière d'auteur maudit. Cet ancien assistant de Carné, architecte passionné du cinéma, compose ses plans avec une nostalgie évidente de l'équilibre plastique, de l'harmonie des masses, de l'immobilité.
Chaque geste, chaque travelling bouleversent cet ordre comme une brise la surface d'un lac. Un film d'Antonioni est d'abord un conflit sévèrement organisé entre le mouvement et le repos, l'agitation fébrile de la vie et la pétrification fascinante, le spasme de la mort.
C'est à ce niveau d'abord que son cinéma peut paraître morbide. Le Cri, Il Grido, 1957, après Femmes entre elles, Le Amiche, 1955, lui vaudra un succès d'estime.
Mais c'est la révélation de L'Avventura en 1960 qui fera de lui le cinéaste dont on parle. Il a profité de ce snobisme pour réaliser La Nuit (La Notte, 1961) et L'Éclipse, L'Eclisse, 1962.
Dans Le Désert rouge, Il Deserto rosso, 1964, il a abordé la couleur avec une exigence admirable.
Tourné en Angleterre, Blow-up (1966) est à la fois une réflexion sur l'ambiguïté de l'image et un instantané des swinging sixties.
Dans ces mêmes années, Francesco Rosi, disciple de Visconti, Main basse sur la ville Le Mani sulla città, 1963, Ermanno Olmi, Les Fiancés, Fidanzati, 1962, et surtout Bertolucci, Prima della rivoluzione, 1963 ; Le Conformiste, 1971, enfin Marco Bellocchio, Les Poings dans les poches, 1965 ; Au nom du Père, 1971 démontrent l'étonnante diversité et l'indépendance du jeune cinéma italien.
Pier Paolo Pasolini, écrivain, poète, cinéaste, est sans doute le plus bel exemple de cette indépendance. Comme Godard en France, il s'ingénie à briser toutes les conventions du spectacle cinématographique. Dans ses films, toutes les formes des cultures les plus diverses, toutes les mythologies, toutes les musiques se rencontrent, se heurtent, se détruisent, s'éclairent d'une lumière éclatante.
Accatone (1961), L'Évangile selon saint Matthieu (1964), Œdipe-roi (1967) et Théorème (1968) bousculent nos habitudes de penser et de voir.
Pasolini, transfuge de la littérature, entre dans le cinéma avec un regard vierge. Son œuvre violemment critique et transgressive trouvera une manière d'accomplissement avec Saló, ou les Cent Vingt Journées de Sodome (1975).

Le nouvel essor américain. Welles et Bogart

Le coup de force de Citizen Kane (1941) sera aussi déterminant pour les vingt années à venir que celui, en son temps, de Naissance d'une nation.
En 1915 s'affirmait l'unité américaine ; en 1941, cette unité se brise en la personne d'un Américain exemplaire. Le journaliste qui enquête sur la personnalité fabuleuse du citoyen Kane ne réunit que des bribes, des cendres, le bric-à-brac hétéroclite d'une existence désintégrée.
Les formes héritées de Griffith n'ont pas résisté à l'irruption du doute. Avec Citizen Kane, le cinéma entre à son tour dans l' ère du soupçon .
Welles est le premier cinéaste moderne. C'est lui qui fournira à Chaplin l'idée maîtresse de Monsieur Verdoux (1947), le film qui scandalisera l'Amérique, en opérant la destruction la plus sereine des valeurs qu'elle croyait fondamentales. Charlot lève le masque et se venge.
À présent il tue pour gagner sa vie confortablement.
C'est Welles qui filme, dans La Splendeur des Amberson, The Magnificent Ambersons, 1942, la fin d'un monde, celui du XIXe siècle bourgeois, dont il contemple les fastes abolis avec une lucidité mêlée de nostalgie. Il confronte les redoutables requins de la finance contemporaine dans La Dame de Shanghai, The Lady from Shanghai, 1947, où il libère la puissance poétique contenue dans le film noir.
En 1941, précisément, Humphrey Bogart interprète un gangster qui sort de prison dans La Grande Évasion (High Sierra) de Raoul Walsh. Dès lors, il impose son personnage, puis son mythe.
Avec la complicité de ses amis Huston, Hawks et Walsh, il va donner au film noir ses lettres de noblesse :
Le Faucon maltais, The Maltese Falcon, 1941 ; Le Port de l'angoisse, To Have and Have Not, 1945 ; Le Grand Sommeil (The Big Sleep, 1946) ; Le Trésor de la Sierra Madre, The Treasure of Sierra Madre, 1948.
Soudain, l'Amérique se réveille, découvre ses plaies secrètes, que l'humour de Bogart met à vif. Dans le même temps, Hitchcock, L'Ombre d'un doute, Shadow of a Doubt, 1943, Fritz Lang, Le Secret derrière la porte Secret Beyond the Door, 1948 et Otto Preminger, le Mystérieux Docteur Kowo Whirlpool, 1949 ressuscitent le jeu d'ombres et de lumières de l'expressionnisme, qui agit comme un révélateur.
La psychanalyse, naïvement mise à contribution dans le récit policier, est plus profonde qu'il ne paraît.
Après cette jeunesse intempérante, entièrement vouée à l'action, qu'incarnaient si bien avant la guerre Erroll Flynn, Clark Gable, Gary Cooper, Cary Grant, le cinéma américain est entré dans son âge adulte.
Bogart a dû attendre sa quarantième année pour accéder au succès. Ce n'est pas un hasard. Désormais, les héros vieillissent, de film en film et d'année en année.
L'histoire du cinéma américain est un peu celle des rides de Gary Cooper et de son regard tourné de plus en plus intensément vers la réflexion.

Les années 1950. Un nouvel équilibre

En 1945, après Hiroshima, c'en est fini des illusions de Capra. L'Amérique devient le champ clos d'un combat qui oppose les libéraux épris de justice et de progrès aux réactionnaires qui établissent un rempart autour des valeurs nationales.
À Hollywood, les libéraux sont nombreux : Jules Dassin, Joseph Losey, Abraham Polonsky, Elia Kazan, qui s'attaquent courageusement aux fléaux de la société américaine, la volonté de puissance, la corruption, le racisme.
La commission des activités anti-américaines du sénateur Mac Carthy contraindra les uns au silence et à l'exil, les autres à la délation.
Mais les chasseurs de sorcières ne peuvent empêcher le cinéma de refléter très exactement les aspirations et les inquiétudes américaines.
Une nouvelle génération de cinéastes et d'acteurs s'impose au cours des années 1950, qui vont représenter pour le cinéma parlant ce que furent les années 1920 pour le cinéma muet. Richard Brooks, Anthony Mann, Nicholas Ray, Robert Aldrich, Samuel Fuller achèveront avec une violence nouvelle l'immense fresque à laquelle travaillent encore les grands anciens : Ford, Hawks, Walsh, Lang, Hitchcock, Vidor, Mankiewicz, Cukor. La génération de 1940, Preminger, Huston, Minnelli, Kazan assure la transition,
Montgomery Clift, James Dean.
Les années 1950 seront marquées par l'accomplissement de tous les genres traditionnels, western, film noir, policier psychologique, comédie, comédie musicale, qui trouvent chacun un nouvel équilibre entre la réalité et la fiction, l'invention et la convention.
Les progrès techniques de l'écran large et de la couleur sont très facilement assimilés. À Paris, des jeunes gens qui se nomment Truffaut, Chabrol, Rivette, Rohmer, Godard découvrent avec passion ce cinéma foncièrement créateur, à la fois romanesque et lucide, qui éveille leur vocation de cinéaste. Dans la seule année 1955, ils ont vu et admiré : En quatrième vitesse, Kiss Me Deadly d'Aldrich ; À l'Est d'Eden, East of Eden d'Elia Kazan ; L'Homme de la Plaine, The Man from Laramie d'Anthony Mann ; Fenêtre sur cour, Rear Window d'Hitchcock ; Graine de violence, The Blackboard Jungle de Brooks ; La Comtesse aux pieds nus de Mankiewicz ; Johnny Guitare de Nicholas Ray ; Désirs humains, Human Desire de Fritz Lang. Pour eux, comme pour Jean Renoir en 1920, le cinéma est américain.
Pourtant l'éclosion de la Nouvelle Vague correspond dans les années 1960 à un recul d'ensemble du cinéma hollywoodien. La concurrence de la télévision contraint les grandes compagnies à de vaines superproductions où se compromettent de nombreux talents.
Les genres eux-mêmes ne sont plus porteurs d'énergie créatrice. L'assassinat du président Kennedy, le déclenchement de la guerre au Vietnam contraignent l'intelligentsia américaine à un surcroît de lucidité – qui tourne souvent à la complaisance. Seuls les vrais créateurs, Hawks, Ford, Kazan, Jerry Lewismaintiennent la tradition.
D'autres cinéastes ouvrent de nouvelles voies, Arthur Penn, Stanley Kubrick.

Le cinéma japonais

À Venise, en 1951, le cinéma japonais fit une entrée triomphale sur la scène d'Occident, et il y tient depuis lors une bonne place.
Le film présenté cette année-là était une œuvre d'Akira Kurosawa, Rashomon.
Un peu plus tard, on découvrait à la Cinémathèque française le plus grand cinéaste japonais, et sans doute l'un des plus grands de tout le cinéma : Kenji Mizoguchi. Mizoguchi, (1898-1956), né la même année qu'Eisenstein, avait connu une enfance pauvre.
Sa culture était celle d'un autodidacte. C'est peut-être pour cela qu'il était si redouté de ses collaborateurs, si connu pour son intransigeance : il ne leur apprenait rien, ne leur commandait rien. Il leur laissait une liberté redoutable.
Il voulait que chacun créât, comme lui, par soi-même. Il les rendait à leur solitude. Ses actrices le craignaient parce qu'il était capable de les laisser longtemps chercher le sens d'une scène, d'un geste, d'un dialogue. Il ne dirigeait personne. Il attendait que chacun trouvât sa vérité.
Il était par-dessus tout, lui-même, un créateur.
Mais il avait peur de s'attacher à son œuvre. Celle-ci est déchirée entre un formidable élan et une implacable volonté de destruction. Nul n'a su mieux que lui mettre en présence les forces de la vie et celles de la mort, inséparables dans l'acte même de la création.
"Ce qu'on a créé, ce n'est que du vent, disait-il à son scénariste. Après m'être efforcé, avec beaucoup de peine, de produire quelque chose, cela ne m'intéresse plus. Il est détestable celui qui se satisfait à contempler ses propres excréments. "
Plus que tout autre aussi, il est sensible au miroitement des apparences. Si la prostitution est l'un de ses thèmes majeurs, c'est parce qu'il a compris que l'homme est prisonnier d'un rêve et qu'il poursuit ce rêve toute sa vie en se détruisant.
Un film de Mizoguchi est toujours un règlement de comptes, un piège qui se referme sur un personnage qui n'arrive pas à se détacher des apparences, à se dégriser, ou, comme il le disait lui-même, à " se laver les yeux entre chaque regard".
Chaque plan de ses films est un tout qui contient déjà tout le drame. Aussi les films de Mizoguchi nous donnent-ils un sentiment de cauchemar, celui d'une fuite sur place, d'un élan cent fois répété, condamné. Le temps ici ne veut pas être réaliste, il est illusoire, liturgique.
C'est le temps d'une mise à mort, d'un sacrifice.
De cette œuvre immense, plus de quatre-vingts films, dont certains sont détruits, on ne connaît en France que des bribes, mais elles sont éclatantes :
Les Sœurs de Gion (1935), La Vie de O. Haru (1951), Les Contes de la lune vague après la pluie (1952), Les Amants crucifiés, Chikamatsu monogatori, 1954, L'Impératrice Yang Kuei Fei, Yokihi, 1955, Le Héros sacrilège (1955).
Il a fallu attendre 1978 pour découvrir en France celui qui est avec Mizoguchi et Kurosawa le plus grand cinéaste japonais, Yasujiro Ozu, mort en 1963.
Parmi ses cinquante-trois films, nous en connaissons moins d'une dizaine : Gosses de Tōkyō (1932), Voyage à Tōkyō (1953), Fin d'automne (1960), Dernier Caprice (1961), Le Goût du saké (1962).
Son art est celui du dépouillement.
Son parti pris du plan fixe fait de l'écran un lien de passage.
Avant, après, à côté, il y a le vide, l'absence. Jamais austère, débordant d'humour tendre, Ozu regarde les familles – son sujet de prédilection – à hauteur d'enfant.
Toujours un peu seul, hors du jeu, complice amusé, il filme des êtres qui se perdent et qui ne le savent pas. Il leur offre un espace où ils se révèlent. Il est un des plus grands architectes du cinéma.

Le jeune cinéma des années 1960

La première génération du cinéma était née en même temps que le cinéma : un peu avant 1900. Il fallut attendre les années 1960 pour qu'elle cède le pas à la seconde génération, née, elle, en même temps que le cinéma parlant.
Ce qui surprend, c'est que ce renouvellement s'est produit dans tous les pays à la fois. Et souvent avec plus d'efficacité dans les pays où l'industrie cinématographique était peu développée, voire inexistante. En effet, des pays comme l'Inde, qui était en 1956 au deuxième rang de la production mondiale, ou comme l'Égypte, qui bénéficie de l'exportation de sa production dans le monde arabe, ne se distinguent guère par des œuvres de qualité – à quelques exceptions près :
Le Monde d'Apu, Apur Sensar, 1959 de Satyajit Ray, en Inde ; Gare centrale, Bab el-Hadid, 1958 de Youssef Chahine, en Égypte.
C'est en France que le mouvement de la Nouvelle Vague a ouvert la voie, prenant une signification exemplaire, devenant l'emblème d'une révolution à la fois critique et économique.
Pendant les années 1950, l'équipe des Cahiers du cinéma, réunie autour du critique André Bazin, fréquente assidûment la Cinémathèque et remet en question tous les jugements sur l'histoire du cinéma.
Le cinéma d'Hollywood est réhabilité autour de Hitchcock, Hawks, Lang, Lubitsch et quelques autres. Mais Renoir, Rossellini, Bresson viennent aussi au premier plan.
Par cette réflexion sur le cinéma, il s'agit de dégager la notion d'"auteur de films" .
Il faut faire la preuve qu'à travers les pires contraintes de l'industrie et du commerce un homme parvient à s'exprimer.
Cette révolution critique débouche sur une révolution économique.
Les jeunes critiques français, au lieu de suivre la filière réglementée de l'assistanat stérilisant, tournent des films par tous les moyens.
Ils parviennent à réaliser leurs premières œuvres avec des budgets dérisoires : Le Beau Serge de Chabrol (1958) ; Les 400 Coups de Truffaut (1959) ; À bout de souffle de Godard (1960) ; Lola de Demy (1960). Agnès Varda avait été la première à tourner un film à petit budget, en 1954 : La Pointe courte, qui avait été boycotté par les commerçants du cinéma.
Dans ces deux domaines, une insolente liberté s'affirmait.
Elle allait mettre en question toutes les routines professionnelles, hâter les progrès de la technique, précipiter l'avènement des caméras légères qui, avec leur synchrone, bouleversaient les conditions de tournage d'un film. Jean Rouch, ethnologue et cinéaste, que Rossellini devait saluer comme un frère, avait montré la voie en inventant, caméra de 16 mm au poing, sur les quais d'Abidjan ou dans la brousse du Niger, un cinéma dépourvu de toute contrainte, La Chasse au lion à l'arc, 1965.
À la même époque, Rossellini tournait India 58, à peu près dans les mêmes conditions. Rouch allait par la suite révéler au public des œuvres étonnantes qui eurent une influence décisive sur les jeunes Français : Les Maîtres fous (1957) ; Moi, un Noir (1958) ; La Pyramide humaine (1961).
L'influence de Rouch se fit sentir jusqu'au Canada, où des jeunes n'attendaient que cet exemple pour oser tourner des grands films en 16 mm.
Des aînés aussi se trouvaient enlisés dans les contraintes du film de commande, du court-métrage industriel. Alain Resnais et Georges Franju étaient prêts à apporter leur concours aux jeunes qui voulaient faire une entrée en force.
Au festival de Cannes 1959 furent révélés Hiroshima, mon amour, premier long-métrage de Resnais, et Les 400 Coups, premier film de Truffaut.
La maîtrise souveraine du premier, la liberté de ton, l'humour, la sensibilité du second suffirent à impressionner l'opinion mondiale. Le jeune cinéma avait conquis le droit à l'existence.
Alors, dans d'innombrables pays, de jeunes cinéastes purent tourner ou montrer leur premier film, tels, en France, Jacques Rozier (Adieu Philippine, 1960-1962), Jacques Rivette, Paris nous appartient, 1960, Éric Rohmer, Le Signe du lion, 1960...
En Pologne, grâce à une politique d'aide aux jeunes, ce mouvement a pu se dessiner en même temps qu'en France. Andrzej Wajda a tourné en 1958 Cendres et diamants, Popiōl i Diament, où jouait Roman Polanski qui réalisera son premier film en 1962, Le Couteau dans l'eau NōÝ w Wodzie avant de partir faire une brillante carrière en Angleterre et aux États-Unis (Répulsion, 1964 ; Cul-de-sac, 1966 ; Rosemary's Baby, 1968).
Ce sera le cas aussi de Jerzy Skolimowsky, autre acteur de Wajda, dans La Barrière, qui viendra travailler en Belgique, Le Départ, 1967.
Dans les autres pays de l'Est, le même mouvement se dessine : en Tchécoslovaquie, à partir de 1963, avec l'école de Prague : L'As de pique, Cerny Pets, 1963, Les Amours d'une blonde (1965), de Forman ; Quelque chose d'autre (1963), Les Petites Marguerites (1966), de Vera Chytilova ; Du courage pour chaque jour (1965), d'Ewald Schorm.
En Hongrie, avec Jancso, Les Sans-Espoirs, 1966 ; Rouges et blancs, 1967 ; Silence et cri, 1968, en Yougoslavie, avec Makavejev, Une affaire de cœur, 1967, c'est le même courant de liberté dans tous les domaines : politique, social, moral et esthétique.
Au Brésil, un cinema novo s'organise autour de Glauber Rocha, Le Dieu noir et le diable blond Deus eo Diablo na terra do Sol, 1964 et de Ruy Guerra, formé à Paris, Les Fusils Os Fuzis, 1964.
Le cinema novo s'efforce de renouer avec les sources profondes de l'art populaire. Il entend témoigner sur la misère et l'aliénation du peuple brésilien, bref, il veut être un véritable cinéma politique.
C'est aussi l'ambition du jeune cinéma tchèque et du cinéma hongrois, qui multiplient les références au stalinisme et les métaphores transparentes sur la faillite d'un certain communisme.
Au Canada, les cinéastes québécois se servent de la caméra comme d'une arme pour crier leur volonté d'indépendance, Le Chat dans le sac, 1964 ; ou Il ne faut pas mourir pour ça, 1967.
En Belgique, André Delvaux crée une œuvre solitaire et bouleversante, d'une poésie et d'une maîtrise extraordinaire : L'Homme au crâne rasé (1966) ; Un soir, un train (1968) ; Rendez-vous à Bray (1971).
On n'en finirait pas d'énumérer les noms et les pays.
Car le propre du jeune cinéma, parti de la notion bourgeoise d'auteur, est d'être arrivé aussitôt à une telle profusion d'œuvres et de talents qu'il faut renoncer à les classer.
Cet épanouissement prouve que le cinéma est devenu une écriture universelle et qu'il faudra bientôt renoncer au concept d'œuvre, en même temps qu'à celui d'auteur, et peut-être à celui d'art.
Proche de la télévision dans son inspiration spontanée, le jeune cinéma veut être la marque d'une époque qui se cherche.
C'est pourquoi, malgré la diversité des expressions nationales, il exprime la stupéfiante unité des préoccupations de la jeunesse. Pour elle, le cinéma est un cri.
Elle se sert du cinéma pour tuer le cinéma, détruire le langage, exhaler son angoisse.
Et la France aura vu disparaître en 1968 la belle unité de sa Nouvelle Vague sous la pression des événements et la contagion des jeunes cinémas étrangers : d'un côté Truffaut, Resnais, Chabrol, fidèles à la notion de spectacle, Baisers volés, 1968 ; Je t'aime, je t'aime, 1968 ; Les Biches, 1967.
De l'autre, Godard, Jean Eustache et le très jeune Philippe Garrel, La Concentration, 1968 ; La Cicatrice intérieure, 1970, qui jette sur l'écran un univers halluciné, et des images effrayantes où il faut reconnaître le miroir qu'une génération tend à ses pères.

Maturité et mondialisation. Fin du cinéma ?

Avec le recul d'un quart de siècle, on s'aperçoit que les années 1980 ont formé une période charnière, et à bien des égards fondamentale, dans l'histoire du cinéma.
Les décennies précédentes avaient marqué le recul inexorable d'une pratique sociale peu à peu remplacée par la télévision. Entre 1946 et 1963, trois fois moins de spectateurs allaient voir un film en salle pour les seuls États-Unis – et trois fois moins de films étaient produits.
L'année 1963, avec notamment la faillite de la maison de production américaine Fox, reste dans l'histoire celle de la crise : non seulement la fréquentation et la production connaissaient alors leur assiette la plus basse, mais le système des studios avait vécu.
Les grandes compagnies ne disparaissaient certes pas de la carte, mais l'instrument de travail – le studio – ne leur appartenait plus : il était tout simplement supprimé, transformé en parking ou en supermarché, ou bien encore cédé au vainqueur de la partie : la télévision. La période qui s'ouvrait conjuguait le dérisoire (adaptation de best-sellers, coups montés avec des stars, le funèbre (retraite imposée à de grands artistes) et le passionnant (invention de nouvelles formes, montée en puissance des « indépendants »). Par une série de contrecoups, comme toujours décalés dans le temps, cette crise allait inexorablement affecter le monde entier, en dépit de la résistance de grandes cinématographies : la France et l'Italie, d'ailleurs fortement soudées par un accord de coproduction, furent les emblèmes de la persistance d'un objet pourtant fort mal en point.
Le premier mouvement du cinéma au début des année 1980, du côté de certains grands auteurs, consista à mettre en évidence la prise de conscience de son éventuelle disparition.
Des cinéastes-cinéphiles comme Wim Wenders, L'État des choses, 1982 et Jean-Luc Godard, Passion, 1982, ou de vieux maîtres comme Federico Fellini, Intervista, 1987 s'attachaient à décrire la fin d'une liaison fatale ou désenchantée, après les films flamboyants des années 1970, Fellini-Roma, 1972 ; Amarcord, 1973.
Ce qui avait été aimé plus que tout, le grand cinéma, qui avait fait l'objet de luttes gigantomachiques pour la reconnaissance, était pensé, de fort hégélienne façon, comme une chose du passé, ce que confirmerait le début de la vogue du magnétoscope : désormais disponible hors de l'espace premier de la salle ou de sa diffusion dans le flux audiovisuel, le film pouvait être vu et étudié comme on lit un livre.
Mais ce qui peut s'interpréter comme un incontestable progrès, en parfaite synchronie avec la montée de l'individualisme comme nouvel horizon indépassable de notre temps, démontre à la fois le caractère inéluctable d'un déclin et la dimension mélancolique d'une relation où la mémoire du film n'est plus de même nature.
Baudelaire avait grandi adossé à une bibliothèque, le cinéphile vivra maintenant face à sa collection, ne visionnant qu'une part infime du trésor accumulé.

Naissance du blockbuster

Tel était l'état des choses dans les années 1980. Le cinéma avait eu lieu, sa survie ne pouvait être qu'artificielle à partir du moment où les conditions qui avaient fait son succès n'étaient plus réunies. Il ne s'agit pas de critiquer ici ce diagnostic historiciste largement partagé par les générations de la cinéphilie. Mais, si utile et juste soit-elle, cette vision ne peut qu'être nuancée, à partir du moment où l'on constate non seulement la survivance, mais surtout l'éclatante santé d'un certain champ de la production cinématographique.
La compréhension de la situation, et de l'écart entre le diagnostic mélancolique et la vigueur du patient, impose dès lors qu'on se reporte à la crise des années 1960-1970, aux réponses qui y furent apportées – et de traverser une nouvelle fois l'Atlantique.
Les années 1972-1975 avaient marqué un net frémissement. Le succès des deux premiers épisodes de la trilogie du Parrain (1972, 1974), de Francis Ford Coppola, et de L'Arnaque (1973), de George Roy Hill, préparait le terrain à un retour du spectaculaire, d'abord marqué par la vogue du film-catastrophe, L'Aventure du Poséidon, 1972, de Ronald Neame ; Tremblement de Terre, 1974, de Mark Robson, le retour du film d'horreur, L'Exorciste, 1973, de William Friedkin, qui battit les recettes du Parrain, mais surtout d'une forme nouvelle, mêlant horreur, aventure et critique sociopolitique, et dont Steven Spielberg fut l'inventeur avec Les Dents de la mer en 1975.
À partir de là, George Lucas fut à son tour capable de se lancer, dès 1977, dans l'aventure de la trilogie de La Guerre des étoiles, et la face du cinéma commercial changea radicalement. La rencontre avec un jeune (et moins jeune) public montra bien que la demande était à la hauteur de l'offre, si cette dernière savait afficher les signes de son renouveau.
La politique du blockbuster était née : grand spectacle, nouvelles techniques, croyance en l'art de la mise en scène évidente, affichée et d'autant plus maîtresse de ses effets ; mais aussi renouveau des salles, généralisation des multiplex, multiplication des copies pour asphyxier la concurrence. En quelques années, la physionomie de la programmation cinématographique changea du tout au tout.
Cette attitude conquérante permit au cinéma américain d'écraser une concurrence dont la faiblesse était devenue criante, compte tenu de la libéralisation des réseaux télévisuels : le cinéma italien offrit le plus triste exemple d'une production de grande qualité – à la fois artistique et commerciale – anéantie en quelques années de berlusconisme audiovisuel.
Inversement, quoi que l'on puisse penser de l'action de Jack Lang comme ministre de la Culture, il est incontestable que le soutien de l'État, appuyé sur la clé de voûte de l'avance sur recettes, permit au cinéma français de conserver une production digne de ce nom, et des parts de marché importantes. L'exception est notable, même si à la fin des années 1980, et pour la première fois de l'histoire, la part de marché du cinéma américain dépassa celle de son homologue français sur notre territoire.

Le Nouvel Hollywood

Il ne faudrait pas cependant se contenter d'une lecture purement économique. Le désir de fiction – le fait n'est pas nouveau – rencontre toujours sur son chemin la production américaine, et le blockbuster n'est pas nécessairement synonyme de navet. Des Aventuriers de l'Arche perdue (1981), de E.T. (1982) à La Liste de Schindler (1993), Il faut sauver le soldat Ryan (1998) et Munich (2005), Steven Spielberg, né en 1946, montre parfaitement que du pur divertissement aux grands sujets, la nouvelle matrice hollywoodienne peut engendrer une grande diversité de productions tout en maintenant une réelle exigence artistique. Il en va de même pour son compère George Lucas, né en 1944, dont l' audace wagnérienne dans La Guerre des étoiles. L'ultime séquence du dernier épisode, La Revanche des Sith, 2005 fait ainsi le lien entre les parties, quand Anakin Skywalker devient Dark Vador pour l'éternité...
L'esprit de suite est une qualité prise à la lettre par l'équipe de Steven Spielberg, comme en témoignent les trois épisodes de Retour vers le futur (1985, 1989 et 1990) de Robert Zemeckis, sur le thème du voyage dans le temps, et les deux Gremlins (1984 et 1990) où Joe Dante parvient à imposer son style inquiétant dans un paysage familier.
Dans ces cas, la relation spielbergienne à la réalité américaine – la narration partant d'une petite ville, à l'instar du film de Frank Capra La vie est belle (1946) – imprègne sincèrement un dispositif fondé sur l'identification de masse. Mais l'élaboration de sagas permet aussi, pour reprendre l'expression de Fritz Lang dans Le Mépris (1963) de Jean-Luc Godard, de finir ce que l'on a commencé.
Tel est le cas de Francis Ford Coppola qui offre une magnifique méditation sur le temps et la filiation dans Le Parrain III (1990), quinze ans après le second épisode. Les cinéastes italo-américains forment un groupe remarquablement stable : la carrière de Coppola, né en 1939, mais aussi celles de Brian De Palma, né en 1940, avec Phantom of the Paradise (1974), et de Martin Scorsese, né en 1942, avec Taxi Driver (1976), démontrent que, si l'esprit du Nouvel Hollywood des années 1970 s'est quelque peu dilué, les artistes d'importance font souvent mieux que de tirer leur épingle du jeu.
Le plus beau film américain de cette période, Il était une fois en Amérique (1984), fut d'ailleurs réalisé par Sergio Leone (1929-1989).
Le cas de Michael Cimino, né en 1939, est une exception : le désastre de La Porte du Paradis (1980), magnifique fresque sur l'Amérique et échec retentissant, contraignit son auteur au silence, puis à une carrière à éclipses, avant l'abandon définitif du cinéma pour la littérature.
Si l'Europe, dans les années 1950, inventa le « cinéma d'auteur », ce fut en référence à des réalisateurs hollywoodiens tels Howard Hawks, Joseph Mankiewicz ou encore Ernst Lubitsch.
La génération suivante allait s'appuyer sur ces classiques pour délivrer un cinéma d'une grande diversité, avec Arthur Penn (1922-2010), à qui l'on doit Missouri Breaks (1976), Sam Peckinpah (1925-1984) avec Les Chiens de paille (1971), Alan J. Pakula (1928-1998) avec Les Hommes du Président (1976), Sydney Pollack (1934-2008) avec Jeremiah Johnson (1972).
Cette lignée historique allait rester active très longtemps. John Frankenheimer (1930-2002) et Blake Edwards (1922-2010), firent mieux que se survivre, tandis que Robert Altman (1925-2005) et Stanley Kubrick (1928-1999) donnèrent certaines de leurs plus grandes œuvres à la fin du siècle avec Short Cuts (1993) et Eyes Wide Shut (1999).
Si l'on ne peut que déplorer la disparition prématurée de John Cassavetes (1929-1989), il faut remarquer l'étonnante vitalité de Woody Allen, né en 1935, dont la production – un film par an – fait alterner facilité et profondeur, maîtrise et prise de risque, Crimes et délits, 1989 ; Harry dans tous ses états, 1997 ; Match Point, 2005). Quant à Clint Eastwood, né en 1930, son œuvre récente a su gagner en ampleur tragique, Mystic River, 2003 ; Million Dollar Baby, 2004 sans jamais perdre de sa force de persuasion classique. On verra une forme d'aboutissement dans ce registre avec le diptyque consacré en 2006 à la bataille d'Iwo Jima, d'abord du point de vue américain, Mémoires de nos pères, puis japonais, Lettres d'Iwo Jima.
En restant dans cette perspective auteuriste, il faut aussi souligner la réalité du renouveau américain de ces vingt dernières années. Joel et Ethan Coen, nés respectivement en 1954 et 1957, Miller's Crossing, 1990 ; Barton Fink, 1991 ; The Big Lebowski, 1998 ; O Brother, 2000, Michael Mann, né en 1943, heat, 1995 ; Collateral, 2004, Spike Lee, né en 1957, Malcolm X, 1992, Quentin Tarantino, né en 1963, Reservoir Dogs, 1992 ; Pulp Fiction, 1994 ; Jackie Brown, 1997, et David Lynch, né en 1946, Sailor et Lula, 1990 ; Lost Highway, 1997 ; Mulholland Drive, 2001, sont sans conteste les individualités marquantes de la période.
L'imagination débridée et le nouvel élan insufflé à la narration s'allient pour produire une nouvelle image de l'Amérique qui renoue avec la tradition purement autochtone d'un Mark Twain ou d'un Preston Sturges, tout en la mêlant de culture populaire et d'art contemporain.
D'autres tentatives de description de l'âme américaine adoptent un registre plus grave. La grande surprise de la fin du XXe siècle dans ce domaine fut le retour au cinéma de Terrence Malick, né en 1943, près de vingt ans après la réalisation des Moissons du ciel (1978).
Avec La Ligne rouge (1998) et Le Nouveau Monde (2005), le cinéaste poursuit lui aussi sa quête de l'Amérique à partir de deux moments cruciaux de l'histoire, la bataille de Guadalcanal, la rencontre de John Smith et Pocahontas en développant sa méditation sur l'offense directe faite par l'homme à la nature. Digne héritier du transcendantalisme d'Emerson, Malick renouvelle son propre idiome : pluralité des points de vue, voix multiples qui ne se réduisent en aucune façon à la seule narration, vision cosmique où la musique marque une quête d'harmonie qui vise l'accord – toujours contrarié – de l'homme et du monde. L'ampleur esthétique et philosophique de son projet le place loin au-dessus de la production traditionnelle. En même temps, son statut à part dans le cinéma américain lui confère une aura telle que les plus grandes vedettes, George Clooney, John Travolta se bousculent pour apparaître, ne serait-ce que fugitivement, dans ses films qui ne ressemblent à rien de connu, aux États-Unis ou ailleurs.
Si Hollywood reste une terre de transfert culturel où de grands cinéastes européens, le Tchèque Milos Forman, né en 1932, le Hollandais Paul Verhoeven, né en 1938, l'Italien Bernardo Bertolucci, né en 1940, l'Anglais Stephen Frears, né en 1941 ou asiatiques, le Chinois John Woo, né en 1946, le Taïwanais Ang Lee, né en 1954 sont toujours appelés à travailler – comme ce fut le cas dans le passé pour F. W. Murnau, A. Hitchcock, F. Lang ou O. Preminger –, il faut cependant reconnaître que cet espace globalisé permet aussi l'émergence de talents nationaux souvent inspirés par la manière européenne. Tel est le cas de Steven Soderbergh, né en 1963, pilier du box-office depuis Sexe, mensonges et vidéo (1989) découvert au festival de Cannes, mais aussi de Tim Burton, Edward aux mains d'argent, 1990, Todd Haynes – qui se livre à un splendide hommage aux mélodrames de Douglas Sirk dans Loin du Paradis (2002).
Dans un registre moins délibérément artistique, on ne peut que louer l'intelligence cinématographique d'auteurs comme Oliver Stone, Spike Lee, Jonathan Demine, Rob Reiner et même des frères Farrely.
Il faut rappeler enfin que le renouveau du système hollywoodien – en quoi il ne diffère pas de l'ancien – est fondé sur la capacité toujours actualisée d'imposer de nouvelles stars.
La relation avec le public n'a guère changé en près de cent ans, et c'est toujours à une vedette qu'il revient de créer ce lien. Bruce Willis et George Clooney, Leonardo DiCaprio et Tom Cruise, Nicole Kidman, Julia Roberts et quelques autres du même acabit n'apparaissent donc pas, elles non plus, comme de simple créatures du système, mais bien plutôt comme l'un des points d'ancrage d'un processus appelé Hollywood. S'il faut craindre une quelconque dénaturation du spectacle cinématographique, elle réside surtout dans une médiatisation accrue où ce qui arrive aux stars dans la vie s'avère plus important que notre relation aux œuvres. Le phénomène n'est pas nouveau, mais il est indéniable que sa généralisation ne laisse pas d'inquiéter.

Le cinéma européen. Le cinéma français

Dans l'espace occidental, il est le seul concurrent sérieux de son homologue américain. Le soutien étatique et le dynamisme de la production fondée sur la relation privilégiée avec la chaîne de télévision Canal Plus, qui s'est imposée comme le grand argentier du cinéma français n'expliquent cependant pas tout. Si dans d'autres domaines la France a fait valoir, à tort ou à raison, la prépondérance du politique sur l'économique, la dimension symbolique apparaît essentielle en ces matières. Le succès considérable – y compris à l'exportation – de films comme L'Ours (1988) de J.-J. Annaud, Le Grand Bleu (1988) de Luc Besson, Les Visiteurs (1993) de J.-M. Poiré, Astérix Mission Cléopâtre (2002) d'Alain Chabat ou Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain (2001) de J.-P. Jeunet confirme, certes, la réalité des prétentions commerciales. Et cela même si la France continue d'être à l'étranger le pays des frères Lumière, du festival de Cannes, de la Nouvelle Vague, des Cahiers du cinéma, de l'exception culturelle et du film d'auteur.
Aux yeux des amateurs britanniques et américains, la catégorie French Film représente un espace de liberté, déconnecté de la production standard, où tout peut se dire et se montrer. La force du cinéma national tient précisément dans la conjonction de l'économique et du symbolique.
La longévité des représentants de la Nouvelle Vague peut servir d'emblème à cette dimension originale du cinéma français. La disparition prématurée de François Truffaut en 1984, qui venait de donner La Chambre verte (1978) et La Femme d'à côté (1981), n'a pas sonné le glas d'une génération toujours très active. Après avoir achevé la série des Contes moraux (1962-1969), Éric Rohmer (1920-2010) se lance dans l'aventure des Comédies et proverbes qui vont scander au long des années 1980 la pérennité d'une inspiration – et rencontrer un public plus large, car étendu à de nouvelles générations.
La décennie suivante fut consacrée à un quatuor des saisons. Puis Éric Rohmer renouvela profondément son inspiration avec L'Anglaise et le duc (2001) consacré à la Révolution française, Triple Agent (2004) où est abordée la trouble période des années 1930, avant de réaliser un vieux rêve : l'adaptation, en 2007, de L'Astrée d'Honoré d'Urfé.
Jacques Rivette, né en 1928, qui construit une œuvre exigeante (Out One, 1971 ; Céline et Julie vont en bateau, 1974), poursuit son travail dans une direction plus secrète mais davantage à l'écoute des nouvelles générations d'actrices et de spectateurs : on retiendra en particulier La Belle Noiseuse (1991), avec Emmanuelle Béart, adaptation très personnelle du Chef-d'œuvre inconnu de Balzac ; Jeanne la Pucelle (1994), avec Sandrine Bonnaire, où l'amateur de Roberto Rossellini et d'Otto Preminger donne sa propre version du personnage de Jeanne d'Arc ; Haut, bas, fragile (1995), avec Marianne Denicourt – qui rejoint Juliet Berto et Bulle Ogier dans le panthéon des grandes actrices rivettiennes ; ou encore Ne touchez pas la hache (2007), d'après La Duchesse de Langeais de Balzac.
Claude Chabrol (1930-2010) est resté égal à lui-même, tant par la quantité de films réalisés (un par an depuis un demi-siècle) que par l'intérêt toujours actualisé de productions souvent liées au genre policier, de Poulet au vinaigre (1985) à La Demoiselle d'honneur (2004), en passant, entre autres, par La Cérémonie (1995) et Merci pour le chocolat (2000), deux films attestant de la relation privilégiée avec Isabelle Huppert, grande star française parfaitement à l'aise dans l'univers chabrolien.
Jean-Luc Godard, né en 1930, comparable au cinéaste précédent pour sa frénésie de production, a effectué son retour au cinéma au tout début des années 1980, après avoir réalisé un certain nombre de films militants.
De Passion (1982) à Allemagne 90 neuf zéro (1991), cette décennie a représenté le dernier grand investissement créatif dans le cinéma français d'un artiste hors norme. Comme à l'accoutumée, il fit alterner les œuvres plus confidentielles et les « coups » médiatiques, fondés sur la collaboration avec de grandes vedettes, Johnny Hallyday dans Détective, 1985 ; Alain Delon dans Nouvelle Vague, 1990 ; et jusqu'à Gérard Depardieu, en 1993, dans Hélas pour moi.
Mais la grande affaire de la période 1988-1998 fut pour Godard l'élaboration de sa monumentale Histoire(s) du cinéma, véritable œuvre d'art totale, en plusieurs épisodes, où l'historien-philosophe donne à sa manière, mélancolique s'il en est, la seule version possible de l'histoire du cinéma : celle qui s'écrit en images avec l'histoire du XXe siècle.
Alain Resnais, né en 1922, autre grand aîné moderniste (Providence, 1977 ; Mon Oncle d'Amérique, 1980), poursuit une aventure tout à fait originale, qui – au contraire de Godard – le voit se rapprocher d'un plus large public sans jamais céder pour autant sur le primat de la forme, ce qu'attestent de très grandes œuvres comme Mélo (1986), Smoking/No Smoking (1993) ou Cœurs (2006).
Parmi les autres grands anciens , Louis Malle (1932-1995) et Maurice Pialat (1925-2003) livrèrent certains de leurs plus beaux films jusqu'au milieu de la décennie 1990. Le premier retrouva les faveurs du grand public avec Au revoir les enfants (1987), qui réactivait un souvenir traumatique essentiel pour comprendre l'inspiration du cinéaste, celui de l'arrestation et du départ pour les camps de la mort de deux collégiens juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Mais on retiendra aussi les grands documentaires télévisés consacrés aux États-Unis, la seconde patrie de Malle (en particulier God's Country, 1985 ; et And the Pursuit of Happiness, 1986). Maurice Pialat restera l'atrabilaire que nous aimons tant ; il est aujourd'hui l'auteur qui manque le plus au cinéma français. De sa dernière période, on retiendra en particulier trois œuvres majeures réalisées coup sur coup : Police (1985) ; Sous le soleil de Satan (1987), d'après le roman de Georges Bernanos ; et Van Gogh (1990).
Pour en terminer avec une génération très active, il faut encore mentionner Bertrand Blier, Alain Cavalier, Jacques Doillon, Jean Eustache, La Maman et la putain, 1973, Luc Moullet et Jean-Pierre Mocky, Jean-Daniel Pollet, Jacques Rozier, Claude Sautet et Bertrand Tavernier, André Téchiné, Catherine Breillat, cinéastes essentiels, moins portés que d'autres à jouer les premiers rôles, mais qui, par la fantaisie de leur poésie, marchent souvent sur la ligne de crête de l'inspiration française.
Plus marginaux et en dépit de bien des résistances, Jean-Marie Straub (né en 1933) et Danielle Huillet (1936-2006) ont également réalisé certaines de leurs plus belles œuvres (La Mort d'Empédocle, 1987 ; Cézanne, 1989 ; Du jour au lendemain, 1997) au cours des deux dernières décennies. Pour la génération intermédiaire, Chantal Ackerman, née en 1950, et surtout Philippe Garrel, né en 1948, ont confirmé leur dimension d'artistes reconnus, en apportant à leur projet artistique une rare dimension autobiographique. C'est notamment le cas de Garrel depuis L'Enfant secret (1982) jusqu'aux Amants réguliers (2005), avec une mention particulière pour J'entends plus la guitare (1991), où le cinéaste revient sur sa relation avec la chanteuse Nico.
Parmi les nouveaux venus se détachent Olivier Assayas, né en 1955, et Arnaud Desplechin, né en 1960. Le premier, ancien critique aux Cahiers du cinéma, amateur de cinéma contemporain américain et de musique rock, épouse délibérément son époque au risque de tourner parfois à l'attitude branchée, mais en donnant des œuvres de plus en plus abouties – et qui sortent du franco-français.
La rupture dans sa filmographie apparaît avec sa belle adaptation des Destinées sentimentales (2000) de Jacques Chardonne, qui le conduit à abandonner l'évocation du petit monde parisien et à se consacrer à des formes nouvelles. Arnaud Desplechin, lui, s'est fait connaître avec le moyen-métrage La Vie des morts (1991), chronique familiale sensible et d'une grande inventivité formelle.
Cinéaste-philosophe, influencé comme Terrence Malick par l'œuvre de Stanley Cavell, Desplechin s'intéresse aux racines de notre propre expérience du monde en tâchant de répondre au scepticisme, qui est la basse continue de nos vies.
Réalisé en 1996, Comment je me suis disputé, ma vie sexuelle apparaît avec le recul comme le premier jalon d'une mise en forme de cette ambitieuse problématique.
Esther Kahn (2000) et Rois et reine (2004) ont marqué son authentique déploiement. Du côté du cinéma d'auteur, il convient de citer aussi Bruno Podalydès, Bruno Dumont, Pascale Ferran, Patricia Mazuy et le très original Emmanuel Mourret, digne successeur de Sacha Guitry dans la tradition des auteurs-acteurs. Somme toute un bilan assez riche, auquel il faut adjoindre quelques belles réussites d'un cinéma plus ouvert sur le grand public, mais qui n'abandonne pas le projet de trouver sa place dans le monde : tel est notamment le cas de Cédric Klapisch avec le diptyque que forment L'Auberge espagnole (2002) et Les Poupées russes (2005).

Les pays nordiques

La production européenne a été remarquable dans les pays nordiques, où la tradition cinématographique est séculaire. En Suède, Bille August, né en 1948, deux fois primé à Cannes (Pelle le conquérant, 1987, et Les Meilleures Intentions, 1992), a confirmé son talent.
Au Danemark, Lars Von Trier, né en 1956, a puissamment influencé le cinéma contemporain, par son talent propre, mais aussi en fédérant autour de lui – par l'entremise du mouvement Dogma 95 – les énergies rebelles à la production standard et en revitalisant les acquis du néo-réalisme. Une telle recherche de la vérité est perceptible dans ses propres réalisations (Les Idiots, 1998).
Mais les œuvres récentes les plus précieuses sont celles où l'auteur parvient à les intégrer au style du mélodrame – tel est le cas notamment de Breaking the Waves (1996) et surtout de Dancer in the Dark (2000), autre production nordique récompensée au festival de Cannes.
La cinématographie finlandaise fit quant à elle une entrée remarquable dans le cercle international, avec notamment l'œuvre tragi-comique d'Aki Kaurismaki (Leningrad Cowboys go to America, 1989 ; J'ai engagé un tueur, 1990).

Le cinéma anglais

Le cinéma britannique a connu une renaissance au début des années 1980, à l'époque où la fresque olympique de Hugh Hudson, Les Chariots de feu (1981), remportait l'oscar du meilleur film étranger. Ce succès était ambigu, car il consacrait certaines qualités, reconstitution historique, photographie impeccable, beauté et talent des acteurs qui ont souvent été utilisées – au moins depuis François Truffaut – pour faire du cinéma britannique un monument d'académisme.
Il est indéniable que certains attributs stylistiques et de production typent très nettement les productions d'outre-Manche. Il n'y a d'ailleurs aucune raison de se plaindre de cette anglicité.
D'autant que l'étonnante diversité de la production britannique infirme le verdict truffaldien :
"l'expression cinéma anglais est une contradiction dans les termes ".
En laissant délibérément de côté les films américains de Tony Richardson, John Schlesinger et autres Ridley Scott ou Mike Figgis, et sans même mentionner l'inoxydable série des James Bond, il faut souligner que le cinéma anglais a produit certains des grands succès des vingt dernières années.
L'un des plus réjouissants est le fait d'un vétéran du studio Ealing, Charles Chrichton (1910-1999), qui signa en 1988 une comédie mémorable : Un poisson nommé Wanda. Révélé en 1985 par l'insolite Dance with a Stranger, Mike Newell, né en 1942, réalisa l'autre blockbuster planétaire de la comédie britannique avec 4 Mariages et un enterrement (1994).
La période confirma le grand talent d'auteurs comme John Boorman, né en 1933 (Hope and Glory, 1987 ; The General, 1998), ou Ken Loach, né en 1936 (Regards et sourires, 1981 ; Raining Stones, 1993 ; Sweet Sixteen, 2002), autant de cinéastes dont les préoccupations politiques et sociales permirent de porter un regard toujours plus acéré sur la réalité qui vit Tony Blair suivre le chemin de Margaret Thatcher. Ce type de cinéma fit un émule avec Mike Leigh, né en 1943, l'auteur de High Hopes (1988) et Secrets et mensonges (1996).
Quant à Stephen Frears, né en 1941, ancien assistant de Lyndsay Anderson et Karel Reisz, prolifique réalisateur de télévision, il est devenu l'une des valeurs sûres du cinéma international (My Beautiful Laundrette, 1985 ; The Snapper, 1993 ; Mary Reilly, 1996 ; The Queen, 2006).
On découvrit aussi de très attachantes personnalités. L'acteur Kenneth Branagh, né en 1960, s'imposa au cinéma comme un grand shakespearien, héritier de Laurence Olivier, Beaucoup de bruit pour rien, 1993 ; Hamlet, 1996.
Mais il se livra aussi à de passionnantes lectures d'autres classiques, en particulier avec son Frankenstein (1994), meilleure adaptation du chef-d'œuvre de Mary Shelley.
Dans un tout autre registre, qui fait rimer cinéma, tableau vivant et chanson populaire, Terence Davies, né en 1945, a réalisé l'un des films les plus enthousiasmants de l'histoire du cinéma, en racontant l'histoire de sa propre famille à Liverpool dans les années 1950 : Distant Voices, Still Lives (1988) reste totalement singulier – car le cinéaste devait tout de même passer à autre chose, parler de son homosexualité, The Long Day Closes, 1992 ou adapter Edith Warthon, Chez les heureux du monde, 2000.
En laissant de côté Peter Greenaway, qui s'est révélé une fausse valeur, il faut saluer la mémoire de Derek Jarman (1942-1994), auteur de Wittgenstein (1993), et rappeler que, s'il est américain, James Ivory, né en 1928, a bien réalisé certains films qui demeurent les fleurons de l' anglicité au cinéma, depuis Chambre avec vue (1985) et Maurice (1987), jusqu'à La Coupe d'or (2000) et Le Divorce (2003).

Le cinéma espagnol

Pedro Almodóvar, né en 1949, est l'auteur phare du cinéma espagnol, affirmation que nul ne songerait à contester aujourd'hui, mais qui ne manque pas d'ironie rétrospective quand on songe aux débuts de l'auteur-acteur-chanteur au temps de la movida madrilène.
Jusqu'à Femmes au bord de la crise de nerfs (1988), son septième film qui marque le début de son époque classique, Almodóvar était un vrai punk du cinéma, imposant de manière très trash un univers composé de junkies, de transsexuels et de paumés qui composaient une étonnante comédie humaine.
S'il est resté fidèle à ce monde et à ce personnel dramatique, le cinéaste leur a imposé peu à peu une forme, d'abord celle de la comédie américaine héritée d'un Preston Sturges ou d'un Billy Wilder – c'est le moment de Femmes... – puis du grand mélodrame international, hollywoodien, allemand, italien, français, espagnol, sud-américain.
Ses films ont pris alors une force inédite et, lestés de leurs scories provocatrices, sont devenus des œuvres d'une grande humanité, où les femmes occupent le premier plan.
Le tournant a lieu avec Talons aiguilles (1991).
Mais l'œuvre connaît son acmé avec la trilogie formée par En chair et en os (1997), Tout sur ma mère (1999) et Parle avec elle (2002). Parmi ses compatriotes, si l'on peut regretter que Carlos Saura, né en 1932, aime vraiment trop le tango pour se consacrer au cinéma, on saluera l'inspiration d'un Fernando Trueba, né en 1955, dans le très réussi Belle Époque (1992).

Le cinéma allemand

Contrairement à l'Espagne, le cinéma allemand connaîtra une éclipse, les années 1980-1990 ne tenant pas les promesses des décennies précédentes, en dépit de cinéastes tels que Werner Herzog, Wim Wenders, Werner Schroeter, Hans-Jürgen Syberberg, Volker Schlöndorff, Margarethe von Trotta.
Il est vrai que la carrière des anciens jeunes cinéastes allemands a eu tendance, pour une part d'entre eux, soit à se tourner vers la vidéo ou la mise en scène d'opéra, soit à se dérouler hors des frontières de la R.F.A. ou de l'Allemagne réunifiée.
La mort de R. W. Fassbinder, en 1982, a renvoyé le pays à son propre vide. Le poids de l'histoire permit cependant à l'Allemagne de se réconcilier avec son cinéma, ce qu'un Wim Wenders, né en 1945 – par ailleurs la grande déception de la période –, a su percevoir avec beaucoup de lucidité dans Les Ailes du désir (1987), deux ans avant la chute du Mur de Berlin et le début de la réunification.
Les essais de Harun Farocki, la fresque Heimat (1984-2006), d'une durée de 15 h 40 min, de Edgar Reitz, et les œuvres de Rudolf Thome, Le Microscope, 1988 ; Le Philosophe, 1989 sont d'évidence à découvrir.
On notera enfin au début du XXIe siècle un authentique regain de la production allemande, il est vrai toujours portée par l'histoire, avec deux œuvres emblématiques : Good Bye Lenin ! (2003), de Wolfgang Becker, et La Vie des autres (2006), de F. Henckel von Donnersmarck.

Le cinéma italien

Les exemples tirés de l'histoire récente du cinéma en Europe sont beaucoup moins probants, et se limitent souvent à l'œuvre d'un grand artiste éclipsant la médiocrité nationale : Emir Kusturica, né en 1954 en Yougoslavie ; Krzysztof Zanussi et Krzysztof Kieslowski, nés respectivement en 1939 et 1941 en Pologne ; Béla Tarr, né en 1955 en Hongrie ; le Grec Theo Angelopoulos (1935-2012) ; les Russes Andrei Tarkovski (1932-1986) et Alexandre Sokourov, né en 1951 ; le Géorgien Tenguiz Abouladzé (1924-1994).
Il est beaucoup plus inquiétant que ce type de constat affecte une patrie non négligeable du cinéma italien. En truffant d'antennes de télévision ses derniers films, Ginger et Fred, 1986 ; La Voce della Luna, 1990, Federico Fellini (1920-1993) avait clairement désigné l'ennemi d'un cinéma qui non seulement reflète mais requiert pour condition la sociabilité italienne.
Le genre de la comédie italienne ne semble être repris qu'épisodiquement. Quant aux grandes fresques historiques telles que Senso (1954), Le Guépard (1963), Les Damnés (1969), Ludwig II (1972), où un savoir-faire hérité de la mise en scène d'opéra s'alliait à une profonde culture littéraire, il semble bien que leur possibilité ait disparu avec leur auteur, Luchino Visconti (1906-1976).
L'œuvre de Nanni Moretti, né en 1953, a permis aux amateurs de ce cinéma d'entamer un travail de deuil d'autant plus pénible que le cinéaste-acteur, loin de panser leurs plaies, prend un plaisir masochiste – et bien sûr narcissique – à les rouvrir. Après ses critiques ouvertes des mondes télévisuel, Sogni d'oro, 1981 et politique, Palombella rossa, 1989, Moretti a d'abord observé le chemin parcouru avec un certain recul, Journal intime, 1993) avant d'attaquer de nouveau avec une rage sourde un pays qu'il dépeint sous emprise, Le Caïman, 2006. Mais en dépit d'un nouveau volontarisme dont il convient de prendre acte, et de belles tentatives comme Nos Meilleures Années, 2003, de Marco Tullio Giordana, il ne semble pas que le cinéma puisse vraiment reprendre ses droits dans un pays largement sous influence télévisuelle.

Vers une cinéphilie globalisée

La situation italienne se révèle être le meilleur point de vue pour observer et comprendre la profonde modification du marché mondial du cinéma.
Elle montre par l'exemple qu'une partie du monde qui se « contente » de la télévision laisse la part trop belle aux pays affamés de cinéma. Et si les cinéphiles adoubent les pays « émergents » dans les festivals, il va de soi que l'offre cinématographique pivote sur son axe et bascule clairement vers l'Est.
L'Iran dévoilé par Abbas Kiarostami, né en 1940, apparaît ainsi comme une terre du cinéma moderne, où la quête du sens par l'esthétique cinématographique héritée du néo-réalisme trouve une forme de nouvel espace. Mais c'est surtout en Extrême-Orient que le désir de cinéma a trouvé ses conditions les plus viables.
Les cinémas du Japon, de Corée, de Hong Kong, Taïwan et de Chine, fondés sur de solides traditions artisanales, ont su réactiver leur production à partir de genres traditionnels, des films de combat au mélodrame et engendrer des artistes singuliers, vedettes ou en position d'outsiders dans leur propre pays, mais qui n'ont pas tardé à être reconnus par les critiques, les cinéphiles et le public d'Occident. Tel fut le cas notamment de Hong Kar-wai, né en 1958, Chunking Express, 1994 ; In the Mood for Love, 2000, et de Johnie To, né en 1955, The Mission, 1999 ; Election, 2005, à Hong Kong ; de Hou Hsiao-hsien, né en 1947 (Les Fleurs de Shanghai, 1998 ; Millenium Mambo, 2001), et de Tsai Ming Liang, né en 1957, Vive l'amour, 1994 ; I Don't Want to Sleep Alone, 2006, à Taïwan ; de Bong Joon-ho, né en 1969, Memories of Murder, 2003 ; The Host, 2006, et de Kim Ki-duk, né en 1960, Printemps, été, automne, hiver... et printemps, 2003, en Corée du Sud ; de Jiu Zhang Ke, né en 1970, Still Life, 2006, en Chine ; de Takeshi Kitano, né en 1947, Sonatine, 1993 ; Hana-bi, 1997 ; Dolls, 2002, ou de Kiyoshi Kurosawa, né en 1955, Cure, 1997 ; Kairo, 2001, au Japon.
Si l'astre du cinéma s'est bien levé à l'Est pendant une bonne décennie, il n'est cependant pas sûr que cette position soit définitivement acquise.
La grande leçon du cinéma asiatique a en effet consisté à renouveler puissamment les vieilles grammaires cinématographiques, qui ne sont plus adaptées pour simplement expliquer les processus de narration – et leur exportation.
Il ne serait guère étonnant que le réveil des cinématographies d'Amérique centrale, le Mexique, avec par exemple Bataille dans le ciel, de Carlos Reygadas, 2005 et d'Amérique du Sud, l'Argentine, avec La Ciénaga, de Lucrecia Martel, 2001 vienne perturber le bal d'une cinéphilie globalisée où la bourse de valeurs n'a plus rien d'éternel. Il n'est pas certain qu'un tel constat soit plaisant.
On peut se consoler par l'examen de la réelle richesse d'une offre qui mérite certes mieux que le dédain écœuré du vieil amateur – qui a pourtant bien des raisons de ne pas vouloir mourir...

Posté le : 05/10/2013 18:53
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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