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Alexandre Scriabine
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Le 27 Avril- 14 Avril du calendrier Julien- 1915 meurt à 43 ans,

à Moscou Alexandre Nikolaïevitch Scriabine


ou Skriabine en russe : Александр Николаевич Скрябин pianiste et compositeur russe né à Moscou le 25 décembre 1871 du calendrier julien/6 janvier 1872, il reçoit sa formation au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, il collabore avec Serge Diaghilev, ses maîtres sont Zverev, Vassili Safonov, et Anton Arenski

Alexandre Nikolaïevitch Scriabine, est certainement l'une des figures les plus originales de la musique russe du XXe siècle. À ses débuts, il appartient avec Sergueï Mikhaïlovitch Liapounov, Vladimir Ivanovitch Rebikov et Serge Rachmaninov au cénacle moscovite, de tendance cosmopolite, ayant subi l'influence de Chopin, de Liszt, de Wagner et, dans une moindre mesure, de Debussy. Mais, depuis la création de Prométhée ou Le Poème du feu en 1911 à Moscou, Scriabine est considéré en Russie comme le chef de file incontestable du courant moderniste, prenant en charge en même temps que Schönberg, mais pour des raisons différentes, la réorganisation de l'univers sonore
Personnalité singulière par le symbolisme flamboyant de son langage musical et atypique par le refus de toute référence au folklore national, il n'en demeure pas moins un compositeur marquant de la musique russe de la fin XIXe siècle. Longtemps incompris des critiques et du public, ce mystique de l'extase influencé par la théosophie laisse une œuvre profondément originale d'où se détachent son imposant corpus de dix sonates pour piano, son Poème de l'extase pour grand orchestre, son Prométhée ou le Poème du feu et de nombreux préludes et études au style virtuose et coloré.
Dès son âge le plus tendre, Scriabine manifesta des dons exceptionnels en improvisant des fantaisies au piano ou en imaginant de petites pièces de théâtre. De 1882 à 1888, il fut un élève modèle de l'École militaire de Moscou, tout en préparant sous la direction de G. Conyous, de N. Zvérev et de S. Tanéiev son entrée au conservatoire de Moscou en 1888 où il continua ses études chez Vassili Safonov, Sergueï Tanéiev et Anton Stepanovitch Arenski, en même temps que Serge Rachmaninov. En 1892, muni d'une petite médaille de piano mais sans avoir obtenu la moindre récompense en composition, il quitta le conservatoire pour partager désormais son existence entre son activité de compositeur et sa carrière de virtuose itinérant. Ses premières tournées, pendant lesquelles il n'exécutait que sa propre musique, l'amenèrent en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et finalement à Paris où il devint en 1896 membre de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (S.A.C.E.M.). En 1898, il fut nommé professeur de piano au conservatoire de Moscou, poste qu'il conserva jusqu'en 1902.

Sa vie

Fils de Nikolaï Scriabine, diplomate, expert en langues orientales, et de Lioubov Petrovna Scriabine, pianiste talentueuse, Alexandre Scriabine est très vite livré à lui-même : sa mère meurt de tuberculose, un an après sa naissance,et son père part pour la Turquie. Il est alors recueilli et élevé par sa grand-mère Elizaveta Ivanovna 1823-1916, et surtout par sa tante Lioubov Alexandrovna 1852-1941, qui lui apprend les bases du piano. Il est présenté en 1881 à Anton Rubinstein, grand pianiste et compositeur de l’époque, qui lui prédit un grand avenir pour l’anecdote, Scriabine reproduira les mêmes encouragements à l’égard du pianiste Vladimir Horowitz, en ces mots adressés à sa mère : "Votre fils sera toujours un bon pianiste, mais cela ne suffit pas. Il doit aussi être un homme cultivé ".

Au début des années 1880, il entre au corps des Cadets de l’École militaire de Moscou grâce à son oncle. Il bénéficie alors d’un régime de faveur, puisqu’il peut faire plusieurs heures de piano par jour, et s’exempter des exercices physiques. 1883 est l’année de ses premiers vrais cours de piano, avec Nikolaï Zverev . En 1888, le jeune homme entre au Conservatoire de Moscou comme élève de Vassili Safonov en piano et d'Anton Arenski en composition. C'est là qu'il rencontre un autre élève, Rachmaninov, qui deviendra à la fois un ami et un rival. Il sera influencé par Chopin, à qui il voue un culte tout particulier, la légende veut que le jeune Scriabine eût l'habitude de dormir en ayant préalablement placé sous son oreiller quelques partitions de son maître. 1892 marque la fin de ses études au Conservatoire, sanctionnées par une médaille d’or en piano, et la publication de ses premières œuvres. Il n'achève pas son cursus en composition car il accepte mal l’esthétique de son professeur, Arenski, et s’y oppose.

Scriabine décide tout d'abord de devenir pianiste. Il commence sa carrière en 1892 et voyage dans toute l'Europe. Cependant, un jour qu'il joue les Réminiscences de Don Juan de Liszt, il se blesse à la main droite. Scriabine avait des mains relativement petites, et certains écarts imposés l'obligeaient à forcer sur l'extension de sa main. Il commence à douter de sa carrière de virtuose après que des médecins lui ont dit que les dégâts sont irréparables. Sa maladie lui permet d’éviter le service militaire. Cette période de handicap est pour lui une période de doute intense qui lui fait choisir la voie de la composition. Une fois ses capacités pianistiques retrouvées, les spécialistes de l'époque s'étaient trompés, il décide de reprendre une carrière de pianiste, mais il n'interprètera que ses propres compositions. Il débute en Russie, et obtient son plus grand succès à Paris le 16 mars 1896, salle Érard. Lors de son séjour dans la capitale française, il s’inscrit par ailleurs à la SACEM. C'est à cette époque qu'il fait la connaissance du richissime homme d'affaires Mikhaïl Morozov et de sa femme Margarita Morozova qui le lance dans son salon musical de Moscou et devient son mécène.

Margarita Morozova.

En 1897, il se marie avec Vera Ivanovna Issakovitch, brillante pianiste du conservatoire moscovite, dont il a une fille l’année suivante. En 1898, Scriabine pose également sa candidature au Conservatoire de Moscou, où il obtient le poste de professeur de piano. Les années qui suivent voient se succéder les naissances : en 1898, Rimma, en 1900 Elena1, en 1901 Maria, et en 1902, Lev. Pendant ces quelques années, il visite l’Exposition Universelle de Paris de 1900, est nommé inspecteur de la musique à Sainte-Catherine de Moscou, devient membre de la Société de philosophie moscovite, et se plonge dans la lecture des philosophes antiques. En 1902, fatigué des jalousies au sein du Conservatoire de Moscou, il démissionne. Il fait la connaissance d'une élève du conservatoire, Tatiana Fiodorovna Schloezer Tatiana de Schloezer, et dès lors sa situation familiale se dégrade. Il obtient une rente de la part de Margarita Morozova pour partir vivre aux environs de Genève en 1904, afin de poursuivre ses travaux philosophiques et musicaux.

À partir de 1904, le compositeur tient un journal personnel où sont notées ses réflexions musicales et philosophiques. Scriabine continue une vie conjugale artificielle avec sa femme, tandis que Tatiana Schloezer et Margarita Morozova devenue veuve le rejoignent en Suisse pour bénéficier de ses leçons. Sa vie personnelle est mouvementée : il quitte sa femme, et perd sa petite fille Rimma en 1905, puis il part quelques semaines plus tard en Italie avec Tatiana Schloezer qui devient enceinte de sa fille Ariane. Cependant, Vera Issakovitch refuse le divorce. Scriabine s’installe en couple sur la Riviera italienne, puis ne tenant plus compte de sa femme, il se marie avec Tatiana Schloezer.

Il se lie avec Gueorgui Plekhanov, 1865-1918, fervent partisan des idées marxistes. En 1907, il s’installe à Paris avec Tatiana et signe un contrat de nombreux concerts avec Diaghilev, le fondateur des Ballets russes. Puis il s’installe à Bruxelles 45 rue de la Réforme, et réfléchit abondamment sur la synesthésie, résultat notamment de ses rencontres avec divers artistes et philosophes. En 1908, c'est l'année de la naissance de son fils Julian Scriabine. En 1909, il retourne en Russie, et continue à composer, tout en imaginant des projets grandioses alliant couleur et musique. Il s’inspire des écrits du Père Louis-Bertrand Castel 1688-1757, inventeur d’un clavecin qui associe couleurs et sons. Il continue ses tournées, notamment en Allemagne et en Angleterre, où ses pièces sont de plus en plus reconnues.

L’année 1911 voit la naissance de sa fille Marina. En 1914, il revient à Moscou, et continue à travailler sur ses projets grandioses. Son père décède la même année, et il ne tarde pas à le suivre dans la tombe : Scriabine donne son dernier concert en avril et décède le même mois. Les circonstances de son décès n’ont pas été éclaircies, certains la relient à une piqûre de mouche charbonneuse qui aurait entraîné une infection sanguine, d’autres considèrent que le grand compositeur est mort d’une pleurésie.

Comme de nombreux autres artistes russes puis soviétiques, Scriabine repose au cimetière de Novodiévitchi, à Moscou.

Couleurs synésthésiques perçues par Scriabine

Par la combinaison des sons, des couleurs, clavier à lumières pour Prométhée ou le poème du feu, à la recherche d'une liberté spirituelle et de l’extase, sa musique évolue de façon toujours plus nette vers les aspects mystiques de la vie, de la mort, de la réincarnation.
Les circonstances historiques et le changement d'esthétique tant en Russie après la Révolution de 1917 que dans l'Europe de l'après guerre expliquent en grande partie le fait que le compositeur ait été oublié ou violemment critiqué après sa mort. La jeune musique soviétique sera d'inspiration futuriste et constructiviste tant que Lounacharski lui laissera les mains libres, avant la dictature du réalisme socialiste imposée par Staline et Jdanov. L'esthétique mystique de Scriabine était évidemment à l'opposé de ces tendances. Le seul compositeur soviétique que l'on puisse situer dans la lignée scriabienne est Nikolaï Roslavets, persécuté en URSS et dont beaucoup d'œuvres ont été détruites. En Occident, tant le néoclassicisme au sens le plus large que l'atonalité libre puis le dodécaphonisme sériel se fondent musicalement et intellectuellement sur des principes extrêmement éloignés de ceux de Scriabine. Il est probablement significatif de constater qu'un compositeur comme Olivier Messiaen, dont la probité et l'intégrité morale étaient légendaires, dont le langage modal est si proche de celui de Scriabine, et si enclin à commenter son œuvre et à rendre des hommages appuyés à ses prédécesseurs de Mozart à Dukas, n'ait jamais cité le nom de Scriabine dans ses écrits publics.

L’œuvre de Scriabine

Les œuvres op. 1 à 29, composées pendant cette première période de sa vie, peuvent être considérées comme un fervent hommage au génie de Chopin. Le romantisme et l'affectivité de Scriabine s'y expriment à travers une harmonie tonale, mais souvent chromatisée, et une architecture formelle simple, inspirée des modèles épuisés de la musique de salon toujours en vogue en Russie à l'aube du XXe siècle. Les compositions les plus importantes de cette phase sont sans doute les Études, op. 8, les trois premières Sonates op. 6, 19 et 23, les Préludes, op. 11, 15 et 16, son Concerto pour piano, ses deux symphonies op. 26 et op. 29, marquées plutôt par l'influence wagnérienne, ainsi qu'une série de mazurkas, impromptus et nocturnes. Ces œuvres furent éditées par le mécène Mitrofan Bélaiev qui avait fondé sa propre maison d'édition pour faire connaître la musique russe de son temps. Vers 1900, Scriabine avait adhéré à la Société de philosophie de Moscou, dirigée par Serguei Troubetzkoi, et il se plongera désormais dans l'étude d'ouvrages philosophiques.

Une créativité intense

L'année 1903 avait été très fertile en créations. Scriabine avait écrit environ trente-cinq pièces pour le piano, dont la magnifique Quatrième Sonate, op. 40, le Poème tragique, le Poème satanique, les Études, op. 42, et surtout une grande partie de la Troisième Symphonie, le Poème divin tout imprégné de fichtéisme. Dans cette œuvre grandiose, il s'efforce d'atteindre une sorte de dimension cosmique en dépassant le plan des émotions personnelles. En 1904, Scriabine quitta la Russie pour séjourner plusieurs années à l'étranger, d'abord à Vézenaz en Suisse, puis à Paris (en 1905), à Bogliasco en Italie (1905-1906), aux États-Unis (1906). Après avoir pris part en 1907 aux Concerts russes, organisés à Paris par Diaghilev, il s'installa à Lausanne et à Beatenberg en 1907 pour y terminer le Poème de l'Extase et y écrire sa magnifique Cinquième Sonate, op. 53.

La création du Poème divin à Paris, le 20 mai 1905, au théâtre du Châtelet par les Concerts Colonne fut très mal accueillie. Malgré cela, Gabriel Pierné, alors chargé du journal L'Illustration, publia le 1er juillet 1905 le Poème languide, op. 52, que Scriabine avait spécialement écrit pour les lecteurs français. Pendant longtemps, ce devait être la dernière publication d'une œuvre de Scriabine, car après la mort de Bélaiev il s'était brouillé avec les nouveaux administrateurs de la maison d'édition et, pendant quatre ans, il ne trouva personne qui acceptât de l'éditer. De ce fait, il vécut pendant plusieurs années dans des conditions matérielles très difficiles, notamment à Bogliasco où il avait loué une petite maison pour y composer le Poème de l'Extase, intitulé d'abord Poème orgiaque.

Dans une lettre à Tatiana de Schloezer, il relate la genèse du Poème de l'Extase :

Je suis emporté par une énorme vague de créativité. J'en perds le souffle, mais, oh, quelle joie ! Je crée comme un Dieu. J'examine le plan de ma nouvelle composition pour la millième fois. Chaque fois, il me semble que le canevas est dessiné, que j'ai exprimé l'Univers en termes de libre créativité et que je puis finalement devenir le Dieu joyeux qui crée librement. Puis, le lendemain amène de nouveaux doutes, de nouvelles questions ...
En raison de son éloignement de sa patrie, Scriabine n'avait pas participé directement aux graves événements survenus en Russie en 1905. Sa musique est le miroir de notre révolution. Mais c'est un mystique incorrigible !, disait alors de lui le philosophe marxiste et ami de Lénine Gheorghi Valentinovitch Plekhanov, que Scriabine avait rencontré à Bogliasco. Sur les instances de Plekhanov, il donna le 30 juin 1906 à Genève un récital au bénéfice des réfugiés politiques de la révolution. Son adhésion aux idées marxistes ne fut cependant que passagère, et ses convictions élitaires le guidèrent bientôt vers d'autres sphères comme les milieux théosophiques de Bruxelles, qu'il fréquenta dès son installation dans la capitale belge, en septembre 1908.

Une conception mystique de la musique

Entre 1904 et 1906, Scriabine tint un journal dans lequel il nota ses idées et ses réflexions philosophiques. La réalité lui apparaissait alors comme un complexe de sensations et le monde extérieur comme le résultat de l'activité créatrice. On sait qu'il avait lu la Clef de la théosophie et la Doctrine secrète de Hélène Petrovna Blavatzky, mais rien ne prouve qu'il ait jamais adhéré à la Société théosophique, même s'il fréquentait à Bruxelles plusieurs théosophes comme le linguiste Émile Sigogne et le peintre symboliste Jean Delville, auteur d'un livre, La Mission de l'art, et de la page de titre d'inspiration théosophique de Prométhée, Le Poème du feu, ébauché en 1909 à Bruxelles. Scriabine n'avait pas assisté à l'échec de la première exécution de son Poème de l'Extase à New York, le 11 décembre 1908. Conscient de la valeur de son œuvre, il avait accepté le fiasco avec une complète indifférence, car tous ses efforts étaient alors consacrés à la réorganisation complète de son univers sonore, afin de le rendre conforme aux buts fantastiques poursuivis sans relâche : la création d'une œuvre d'art total, magique, qui conduirait ses participants à l'extase collective et produirait le miracle de leur transformation spirituelle. Sous l'apparence statique des grands accords synthétiques de Prométhée, déroulés tantôt horizontalement, tantôt échafaudés en grands blocs monolithiques, se devine une dimension spirituelle qui commande à chaque instant au travail d'écriture. De même, la présence d'un clavier à couleurs dont les chromatismes accompagnent le vertige des sons selon des correspondances secrètes crée un climat sonore où l'on pressent des tourbillons sidéraux qui transcendent le temps. La pensée qui commande à l'élaboration d'une telle œuvre repose essentiellement sur la vision grandiose d'un monde en vibration constante, régi par la sympathie mutuelle des choses, d'un univers donc où tout est lié, où tout est vibration. Ainsi Scriabine entend-il agir comme par magie sur tout ce qui existe au moyen d'une œuvre parfaite, faisant appel à toutes les perceptions sensorielles : par la musique et la parole à l'ouïe, par les couleurs à la vision, par l'emploi d'un orgue à parfums à l'odorat et, au toucher, par les caresses de l'assistance. Certes, Prométhée n'est que le tout premier jalon d'une longue quête dont l'aboutissement ultime devait être la grandiose liturgie sacrée du Mystère, son Opus magnus dans le sens alchimique. L'ouvrage ne fut jamais écrit et seuls subsistent le texte poétique et cinquante-trois pages d'esquisses musicales de l'Acte préalable, devant servir précisément de rituel préparatoire au Mystère.

Un nouveau monde sonore

En 1910, Scriabine avait regagné sa patrie. Il ne la quittera plus que pour de brèves tournées à l'étranger. On peut dire que l'apogée du rayonnement de Scriabine coïncide avec les quatre dernières années de sa vie, après la création de Prométhée en 1911. C'est maintenant que Scriabine est vraiment lui-même et que son œuvre est écrite sur des bases qui ne doivent plus rien à personne. On note alors dans sa musique une tendance vers la dématérialisation du son et des sonorités de cloches, des fusées de triples croches et des gerbes de trilles y abondent. La Septième Sonate, composée en 1912, est, par sa joie tranquille, déjà proche du Mystère. Constamment, il cherche l'équivalent de ses idées sur le plan sonore. Derrière les schémas formels simples de ses sonates se cache tout un monde souterrain secret de proportions numériques, de sections dorées et de séries fibonaciennes, assez analogue à la géométrie invisible des peintres de la Renaissance qui avaient quadrillé leurs tableaux selon de telles proportions harmoniques, avant d'y étaler leurs couleurs. À l'époque de la composition des trois dernières sonates dans une datcha de Kalouga, en 1913, Scriabine déclarait précisément à son ami et biographe, le compositeur Léonide Sabaneev, que la forme, les thèmes, les harmonies de la Huitième Sonate étaient des ponts jetés entre l'harmonie et la géométrie, le visible et l'invisible. Que l'interprétation des dernières œuvres pose donc des problèmes autres que la virtuosité pure n'est guère surprenant. Chaque œuvre étant une sorte de rituel magique miniature, des points de repère psychologiques tels que mystérieux, lugubre, divin, comme en un rêve, etc., suggèrent à l'interprète l'ambiance sonore qu'il devra évoquer. Le pianiste devient ainsi un mage qui nous invite à la méditation, à l'écoute attentive de quelque chose de plus que la musique, indéfinissable en son essence mais où l'on pressent de secrètes mutations internes. C'est par le philosophe-musicien Inayat Khan, venu du nord de l'Inde pour donner quelques concerts à Moscou en 1914, que Scriabine fait connaissance avec les danses des derviches tourneurs, provoquant l'extase collective dans certaines conditions. C'est en Inde, en effet, qu'il veut faire bâtir un temple, consacré uniquement à l'exécution de son Mystère, sorte de Bayreuth hindou. L'exécution de Prométhée à Londres en avril 1914 lui donnera enfin l'occasion d'approcher les milieux théosophiques londoniens dont il espère l'aide pour la réalisation de ses projets – projets que la mort soudaine anéantira bientôt. Piqué par une mouche charbonneuse à la lèvre supérieure, il mourut de septicémie, après d'atroces souffrances, le jour de Pâques, 27 avr. 1915, en murmurant : Qui est là ? Il n'avait que quarante-trois ans. On l'enterra au cimetière de Novodévitchy.

Les Oeuvres

Œuvres principales Liste des œuvres d'Alexandre Scriabine.
Œuvre orchestrale : Scriabine a composé trois symphonies, dont la plus célèbre est la Troisième, sous-titrée Poème divin .
Son œuvre pour orchestre compte également des poèmes symphoniques :
le Poème de l'extase pour grand orchestre 1904–1907,
Prométhée ou le Poème du feu 1908–1910, pour grand orchestre avec orgue,
chœurs, piano, et clavier à lumières
et sa dernière œuvre et projet le plus ambitieux resté inachevé, Le Mystère commencé en 1903.
Un concerto, le Concerto pour piano et orchestre en fa dièse mineur, op. 20 1896–1897.

Œuvres pour Piano :

l'essentiel de l’œuvre de Scriabine consiste en pièces pour piano seul.
On y trouve notamment 12 sonates pour piano, dont 2 ont été éditées à titre posthume :
les plus célèbres sont la seconde, la cinquième et la neuvième.
Scriabine a également écrit de nombreux Préludes,
14 poèmes ,
26 études,
9 impromptus,
21 mazurkas,
3 valses et
3 nocturnes.
L'une des dernières œuvres de Scriabine, le poème Vers la flamme op. 72, est un des joyaux de la musique russe pour piano du début du XXème siècle et reprend toute l'esthétique et la technique pianistique de Scriabine.
De même, l’Étude Pathétique op. 8 no 12 est l'une de ses pièces pour piano les plus connues et les plus jouées ; son style rappelle l'étude Révolutionnaire de Chopin.
À ces deux pièces s'ajoutent un lot de compositions pour piano assez impressionnant, qui fut notamment enregistré par de grands pianistes du xxe siècle comme Vladimir Horowitz ou Vladimir Sofronitsky, notamment

Influence d'autres compositeurs

" Il se pourrait bien qu'il soit fou ",
notait Rimski-Korsakov, après avoir entendu au piano Scriabine jouer des passages du Poème de l'extase. Il est vrai que la personnalité de Scriabine est complexe, pleine de contradictions même ; sa remise en question du système tonal, sa volonté d'organiser ou de réorganiser la musique s'entourent de considérations philosophico-mystiques et d'un sentiment romantique exalté confinant à la morbidité et l'emphase qui explique le jugement de décadence qui a été jeté sur sa musique à partir de 1925-1930. La musique est pour lui une force théurgique d'une puissance incommensurable appelée à transformer l'homme et le cosmos tout entier Marina Scriabine.
Il rejoint, là, la conception de l'art de symbolistes tel Ivanov, un compagnon des dernières années, ou, sans le savoir, la pensée du poète romantique allemand Novalis. La musique est donc pour lui un moyen de libération et cette idée a pu nourrir les points de vue marxistes auxquels il adhère passagèrement lors de son séjour en Suisse, fondant son socialisme sur la pitié et l'amour de l'homme. Il refuse néanmoins toute concession au grand nombre et tout emprunt au folklore ; en cela, son art reste essentiellement aristocratique.
Il est un novateur et son originalité s'exerce d'abord dans le domaine harmonique, bien que les autres aspects de son langage en soient difficilement dissociables. En effet, parti de l'influence de Chopin : les 24 Préludes et, en général, toute son œuvre jusqu'en 1903, il découvre à travers Wagner l'hyperchromatisme. En outre, Wagner l'oriente vers des œuvres orchestrales de style néoromantique : la 1re et la 2e Symphonie. La libération de la tonalité n'intervient qu'à l'issue de cette étape intermédiaire et prend la forme de l'accord mystique do, fa dièse, si bémol, mi, la, ré, pour Prométhée, c'est-à-dire d'un accord de 6 sons, formé de quartes justes et altérées et fondé sur la résonance harmonique. Par ce biais, Scriabine évite le piège de l'attraction tonale. Il lui accorde, en outre, une valeur mystique dans la mesure où il le comprend comme un principe unificateur et un moyen de refléter l'harmonie des mondes. Dans ses dernières sonates, toute armure disparaît même à la clef : la mobilité de l'œuvre devient une dimension de l'atonalité. Mais, dépassant Wagner, à qui il reproche d'avoir maintenu l'autonomie du texte et de la musique, Scriabine tente la fusion des arts et des sens, car le mystère ne peut être qu'un acte total. Dans cette optique, il utilise pour Prométhée 1910 des projections colorées établies sur la base d'une table de correspondances du spectre des hauteurs sonores et du spectre des couleurs, do = rouge, sol = orange, ré = jaune brillant, la = vert, mi = blanc bleuâtre, etc..
Il s'agit en somme d'un clavier lumineux dont il imputa l'échec, lors de la création de Prométhée, au mauvais fonctionnement de la machine de l'Anglais Remington. Ses recherches devaient trouver leur aboutissement dans le Mystère que la mort ne lui permit pas d'achever. Selon son ami Oscar von Riesemann, il envisageait de faire circuler l'air de la nature elle-même dans l'acte à la fois artistique et liturgique du Mystère : le bruissement des feuilles, le scintillement des étoiles, les couleurs du lever et du coucher de soleil devaient y trouver place avec la participation active du public. Stockhausen ne dit pas, ne fait pas autre chose depuis Sternklang, Cage non plus.
Cette rupture avec le monde occidental annonce les nouvelles relations Orient-Occident dans la musique à partir des années 60, une fois dépassé le stade des emprunts conscients, Messiaen. En effet, outre les recherches de timbres, célesta, cloches, clochettes, tam-tam dans le Poème de l'extase 1905-1907, gong dans Prométhée, Scriabine, à partir de 1905, après avoir découvert Nietzsche et Schopenhauer, se tourne vers la philosophie hindoue, parallèlement au théosophisme : alors commencent l'ascension vers le soleil et l'accession par l'extase à la fusion avec le cosmos, dont les œuvres de 1903 à 1915 sont les préliminaires. La fougue, la violence, si caractéristiques de son style, l'amènent d'autre part à faire éclater le cadre formel de la sonate, soit qu'il rejette le schéma de la forme sonate pour le monothématisme, 4e Sonate, 1904, 2e partie, soit qu'il se tourne, dernières Sonates, 3e Symphonie, Poème de l'extase, Prométhée vers une construction continue en un mouvement qui, seule, par l'absence de cloisonnement, peut rendre compte de l'élan de sa pensée. Alors qu'à sa mort en 1915 Scriabine était considéré comme le chef de file des modernistes et qu'un public sans cesse grandissant s'enthousiasmait pour ses œuvres, alors même qu'il exerçait une influence certaine sur Miakovski, Medtner, Szymanovski, Krioukov ou Feinberg, il est aujourd'hui toujours aussi méconnu ou mal compris parce qu'il y a eu, trop longtemps, polarisation sur son discours souvent obscur ou primaire. Néanmoins, au-delà de ce débordement, ce romantique total B. de Schloezer ne clôt pas seulement une époque, il mérite toute notre attention si nous nous penchons sur les sources de la musique du XXe siècle.

Vers le dodécaphonisme Accord synthétique de Prométhée

L'évolution du langage harmonique de Scriabine est remarquable. Entre ses premières études, composées sous l'influence de Chopin, et les esquisses du Mystère, la transition est parfaitement assumée du romantisme finissant à la musique du XXe siècle la plus avancée.
C'est en préparant la composition de Prométhée que Scriabine s'engage sur la voie du dodécaphonisme non sériel. Au lieu de partir d'une série de notes, allant, in fine, jusqu'aux douze tons de la gamme chromatique, les méditations du musicien lui font considérer un accord mystique, ou synthétique :
Cet accord de six tons est exclusivement composé de quartes, en intégrant les tritons do-fa dièse, puis si bémol-mi bécarre.
Il est présenté dès la première mesure du poème symphonique, sous une forme renversée. À la fin de l'œuvre, les trompettes énoncent ces six notes en triolets de noires, vers un embrasement de tout l'orchestre, sans résolution vers un accord parfait.
Cet accord est composé des harmoniques naturels de la fondamentale do, réarrangés en quartes. La gamme ainsi constituée do majeur avec fa et si est de ce fait dénommée gamme acoustique. Kerkel op. cit. démontre que Prométhée dérive d'un traitement de la gamme acoustique tout aussi rigoureux sinon davantage que le langage harmonique traditionnel dérive de la constitution de la gamme majeure ou mineure et des notes communes à ces diverses transpositions pour réaliser les modulations sur des degrés plus ou moins lointains. Le langage de Prométhée est fait de modulations plus ou moins lointaines de la gamme acoustique et des accords qui en dérivent.
Debussy utilisait assez souvent la gamme acoustique, exemple très connu ; le thème aux cors du premier mouvement de La Mer : gamme acoustique sur Réb - autre bel exemple dans le prélude Ondine sur Ré. Ravel utilisera l'accord acoustique très régulièrement sous sa forme naturelle, en tierces, d'où le nom de onzième naturelle accord de onzième sur la fondamentale avec neuvième mineure et onzième augmentée et ce à partir des Miroirs. Quant à Bartok, d'innombrables exemples montrent qu'il en fait son système diatonique par opposition au système chromatique l'exemple le plus typique est l'opposition entre les deux petits scherzos, l'un chromatique et l'autre diatonique, qui forment les 2e et 4e mouvements de son 4e Quatuor voir les analyses du musicologue hongrois Lendvai.

En prolongeant cet accord — c'est-à-dire, en ajoutant le sol aigu, puis do dièse, et ainsi de suite comme dans une série mathématique — et en opérant des renversements des accords obtenus de sept, huit et dix sons, Scriabine obtient des accords de douze sons sans répétition pour son projet ultime, le Mystère…

Une phase intermédiaire fort utilisée par Scriabine est l'échelle octophonique dite « de Bertha » faisant alterner demi-tons et tons (ex. en do ; do, ré , mi , mi, fa , sol, la, si , do (voir M. Kerkel). C'est une échelle à transpositions limitées (trois transpositions possibles), largement utilisée par Messiaen sous le nom de « second mode à transpositions limitées » (O. Messiaen, Technique de mon langage musical). On remarquera qu'elle intègre les quatre premiers sons de l'« accord mystique » mais non les deux sons supérieurs. la comparaison de la gamme acoustique et de l'échelle de Bertha montre que la seule différence est la dissociation du ré de la première en un ré et un mi .

Il convient de réaliser que la pensée de Scriabine est plus modale que sérielle. Les deux systèmes peuvent parfaitement coexister, ainsi que le système modal et tonal Messiaen par exemple est assez souvent tonal. On peut donc se demander s’il y a eu commutation consciente d’un style tonal mais modal vers un style dans lequel la modalité devient le fait premier par rapport à la tonalité. Il est relativement facile de répondre grâce aux dix sonates publiées. La 4e Sonate, op. 30 propose un fa majeur sans bavures. La plus tardive 5e Sonate, op. 53 commence avec cinq dièses à la clef, termine avec trois bémols après bien des sections intermédiaires. Donner un sens à la musique en fonction des polarités sous-tendues par ces accidents est un exercice périlleux, le compositeur semblant mettre un malin plaisir à contredire ces armures. Seuls quelques passages à l’intérieur de la sonate peuvent s’y raccrocher sans trop de mal. Pour autant, le langage modal n’est pas encore structuré. Nous avons là en fait une expérimentation réussie d’éloignement extrême, difficilement analysable, des centres tonaux, souvent avec des accords nouveaux pris comme agrégats en soi. Scriabine ne se sent pas de larguer les amarres. Cette œuvre est splendide par l’art avec lequel le compositeur traduit son hésitation technique, stylistique et philosophique sous-jacente. Rien de tel dans la lumineuse 6e Sonate, op. 62. Plus d’armure à la clé. Le langage modal est bien en place et devient le seul outil pertinent d'analyse à petite et grande échelle. Les choses vont se complexifier, mais la direction technique et stylistique est définitivement engagée sur une voie précise.

Enregistrements

En 1910, Scriabine a enregistré sur piano mécanique neuf de ses pièces pour le compte de la société Welte-Mignon.

En voici trois exemples :
Prélude Op. 11, n° 1
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728 kB
Prélude Op. 11, n° 2
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1492 kB
Mazurka Op. 40, n° 2
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677 kB

Curiosités

Julian Scriabine, son fils, s'avèrera posséder les mêmes dons musicaux que son père, en témoignent quatre préludes composés à un très jeune âge. Cependant, Julian mourra, noyé dans le Dniepr, quatre ans après son père, à l'âge de 11 ans.
Sa fille Elena épousa le pianiste Vladimir Sofronitsky


Liens

http://youtu.be/dnn9Na185Y4 Sonate N°3
http://youtu.be/0ctxJ227LgM poème de l'extase
http://youtu.be/sa7s2wpmjI0 Concerto 3ème mouvement
http://youtu.be/tbAtttGsMXI Symphonie Maestoso
http://youtu.be/b3hXACyw1mc Sonate N° 5



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[img width=600]http://www.anaclase.com/sites/default/files/CD%20scriabine%20pr%C3%A9ludes%20zzt%20anaclase.jpg?1372180737[/img]

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[img width=600]http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/2/2a/Robert_Sterl_-_Klavierkonzert_(Kussewizki_und_Skrjabin)_1910.jpg/220px-Robert_Sterl_-_Klavierkonzert_(Kussewizki_und_Skrjabin)_1910.jpg[/img]


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Posté le : 26/04/2014 10:17
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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