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Accueil >> newbb >> Jules Simon 1 [Les Forums - Histoire de la Littérature]

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Jules Simon 1
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Le 8 juin 1896 à Paris 8ème, meurt, à 81 ans François-Jules Suisse

dit Jules Simon


philosophe et homme d'État français diplomé et professeur de l'école nationale supérieure de la rue Ulm, né le 27 décembre 1814 à Lorient Morbihan 29e président du Conseil des ministres français et Ministre de l'intérieur, 41e chef du gouvernement du 12 décembre 1876 au 17 mai 1877
Président Patrice de Mac-Mahon, Ie législature, son prédécesseur était Jules Dufaure et son successeur Albert de Broglie
Sénateur inamovible du 13 décembre 1875 au 8 juin 1896

Ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé et docteur en philosophie, Jules Simon est élu député en 1848. Il refuse de prêter serment à Napoléon III. Opposant à l'Empire, il est élu au Corps législatif en 1863 ; le 4 septembre 1870, il devient membre du gouvernement de la Défense nationale ; ministre de Thiers, il démissionne en mai 1871 par opposition à la droite monarchiste.
Sénateur inamovible à partir de 1875 et républicain modéré, il est appelé par Mac-Mahon à la succession de Dufaure à la présidence du Conseil en décembre 1875. Le clergé, par la voix de Mgr Dupanloup, fait preuve d'hostilité à son égard, à la suite de son action en faveur d'un enseignement primaire obligatoire. Mac-Mahon croit pouvoir, en lui confiant la présidence du Conseil, dissocier les républicains modérés des partisans de Gambetta. D'une vive intelligence, lui seul sait mettre en valeur les deux orientations possibles d'une même profession de foi :
"Je suis, vous le savez, profondément républicain et profondément conservateur "
dit-il, en se présentant tour à tour à la Chambre et au Sénat, après le choix de Mac-Mahon. Jules Simon entre dans l'histoire à l'occasion de la journée du 16 mai 1877.

Sa vie

Jules Simon était le fils d'Alexandre Simon-Suisse, marchand de draps originaire de Loudrefing en Moselle, d'abord établi à Lorient, puis à Saint-Jean-Brévelay 1818 et enfin à Uzel. Il fit de bonnes études aux collèges de Lorient et de Vannes et fut répétiteur au lycée de Rennes. Il commença de bonne heure à collaborer à la Revue de Bretagne.
Il entra à l'École normale supérieure en 1833 et devint professeur de philosophie à Caen 1836 puis à Versailles 1837. Agrégé puis Docteur en philosophie, il supplée Victor Cousin dans sa chaire à la Sorbonne, où il fit un cours, très suivi, sur les philosophes grecs, notamment Platon et Aristote.
Il collabora à la Revue des Deux Mondes, contribua à la fondation de la Liberté de penser 1847.
Il avait déjà songé à la politique et, malgré une campagne électorale des plus actives, il avait échoué aux élections législatives à Lannion en 1847 contre la coalition des partis d'extrême droite et d'extrême gauche. Il prit sa revanche, et une revanche éclatante, le 23 avril 1848. Le département des Côtes-du-Nord l'envoya à la Constituante où il siégea parmi les modérés.
Député républicain à l'assemblée constituante de 1848, puis de 1863 à 1871 sous l' Empire, il publie des études sur la condition ouvrière.
Le 7 décembre 1851, quelques jours seulement après le coup d'État du 2 décembre instaurant le Second Empire, Jules Simon se rendit à son cours de la Sorbonne et prononça l'allocution suivante, devenue célèbre :
"Messieurs, je vous fais ici un cours de morale. Je vous dois aujourd'hui non une leçon, mais un exemple. La France est convoquée demain dans ses comices pour blâmer ou approuver les événements qui viennent de se passer. N'y eût-il qu'un vote de blâme, je viens vous dire publiquement que ce sera le mien. "

Il fut révoqué le lendemain et privé, par suite, de sa conférence de l'École normale supérieure. Il se retira d'abord à Nantes où il employa ses loisirs à des recherches historiques. Pour marquer son opposition à l'Empire, il publia Le Devoir 1854 dont le retentissement fut énorme.
Bientôt suivirent La Religion naturelle 1856, La Liberté de conscience 1857, La Liberté 1859, et une série de conférences sur des questions de socialisme ou de philosophie.
Après la guerre de 1870, il devient ministre de l’Instruction publique du gouvernement provisoire au lendemain du 4 septembre 1870.
Il n'y a pas d'école neutre, disait-il, parce qu'il n'y a pas d'instituteur qui n'ait une opinion religieuse ou philosophique .

Jules Simon, qui savait être autoritaire sous des formes douces et aimables, mit de l'ordre dans l'Université et obligea à démissionner Francisque Bouillier et Octave Feuillet. Il déposa le projet d'enseignement primaire obligatoire et brusquement se retira le 17 avril 1873 à la suite d'un discours officiel où il attribuait à Thiers tout seul l'œuvre de la libération du territoire, discours qui souleva à l'Assemblée nationale d'assez vives polémiques.
Le 16 décembre 1875, il fut élu sénateur inamovible et le même jour membre de l’Académie française.

Le 13 décembre 1876, il prenait la présidence du conseil et le portefeuille de l’Intérieur. Dans le discours annonçant son programme ministériel, qu’il prononça pour obtenir l’investiture de l'Assemblée, une phrase est devenue historique, celle où il se déclare profondément républicain et résolument conservateur.
Dans la période difficile que le pays traversait alors, Jules Simon représentait une politique de conciliation entre la droite et l’extrême gauche, très agitées par la question religieuse. Il créa par une circulaire de 1877 le livret de famille.
Simon ne put maintenir longtemps la balance égale entre les partis, et son ministère prit fin suite à la crise du 16 mai 1877.
Jules Simon, au Sénat, continua à s'occuper surtout des questions d’enseignement et combattit les décrets sur les congrégations. Sa dernière mission officielle, d’un grand éclat d’ailleurs, fut sa représentation de la France à la conférence internationale de Berlin sur le Travail du 15 mars 1890.
De 1889 à 1896, Jules Simon a été le premier président de l’Association Valentin-Haüy, créée en 1889 par Maurice de La Sizeranne pour venir en aide aux aveugles. Il est le premier président de l'Union française pour le sauvetage de l'enfance créée en 1887 UFSE.
Jules Simon était marié à Louise, Marie, Émilie Boissonnet. Il est le père de l’écrivain et journaliste Gustave Simon et du dramaturge Charles Simon.
Les papiers personnels de Jules Simon sont conservés aux Archives nationales sous la cote 87AP4.

Distinctions et hommages

Membre de l'Académie des sciences morales et politiques
Membre de l'Académie française
Le Collège Jules-Simon de Vannes porte son nom. Un médaillon sculpté par Joseph Vallet orne la grille de l'établissement.

Décorations

Chevalier de l'ordre de la Légion d'honneur en 1845

Citations

" Le peuple qui a les meilleures écoles est le premier peuple. S'il ne l'est pas aujourd'hui, il le sera demain."

"Je suis profondément républicain et résolument conservateur."
Å’uvres

Couverture de Le Devoir.
Étude sur la théodicée de Platon et d'Aristote 1840
Histoire critique de l'école d'Alexandrie 1844-1845
tome deuxième En ligne sur archive.org
La Mort de Socrate 1853
Le Devoir 1854
La Religion naturelle 1856
La Liberté de conscience 185 ; La Liberté de conscience sur Google Livres
La Liberté 1859
L'Ouvrière 1861 En ligne sur archive.org
L'École 1864
Le Travail 1866
L'Ouvrier de huit ans 1867
La Politique radicale 1868
La Peine de mort Bordeaux, 1869 édité par les éditions MARPON et E FLAMMARION 1870 4 ° édition, 186 pages dédicacé à V H
La Famille Paris, 1869
Le Libre Échange 1870
La Liberté politique 1871
Le Gouvernement de Thiers 1871, 2 vol. in-8
La Réforme de l'enseignement secondaire 1874
Souvenirs du 4 Septembre 1874
Dieu, Patrie, Liberté 1883
Une Académie sous le Directoire 1884
Thiers, Guizot, Rémusat 1885
Nos Hommes d'État 1887

Discours de réception de Jules Simon Le 22 juin 1876

Jules SIMON
M. Jules Simon ayant été élu par l’Académie française à la place rendue vacante par la mort de M. de Rémusat, y est venu prendre séance le 22 juin 1876, et a prononcé le discours suivant :

Messieurs,

L’Académie, depuis sa création, a toujours compté dans son sein, en proportions heureusement fort inégales, deux sortes de personnes : d’abord, les grands auteurs, qui entrent chez vous par droit de conquête ; et ensuite les amis fervents de la littérature, que la politique ou les affaires ont trop absorbés, mais dont vous récompensez, à défaut de mérites plus éclatants, la fidélité et le zèle. Vous avez ici, en un mot, les membres de la famille, et les amis de la maison. Ces derniers vous doivent, Messieurs, une reconnaissance bien vive, quand vous consentez à leur ouvrir vos portes.

Je ne suis pas embarrassé pour dire à laquelle de ces deux classes d’académiciens appartenait M. Charles de Rémusat. Il a autant écrit, et il a produit d’aussi beaux livres, que s’il avait passé toute sa vie à faire de la philosophie et de la littérature. Un critique illustre, qui vous a appartenu, Messieurs, a laissé échapper cette parole : « C’est, dans tous les genres, le premier des amateurs » ; et j’ai entendu un grand philosophe, qui était aussi de l’Académie, qui a été mon maître, et un peu le sien, dire de lui : « C’est un sceptique. » Un amateur et un sceptique ! Voilà un jugement complet ; mais, quoiqu’il vienne de deux hommes très-compétents, qui aimaient et admiraient M. de Rémusat, j’oserai dire que je n’en connais pas de plus faux. Dans la philosophie, M. de Rémusat était un philosophe ; dans la philosophie et dans la vie, c’était un croyant. Je n’aurai pas de peine à le montrer : il me suffira de raconter sa vie et d’analyser ses livres. Peut-être aussi, chemin faisant, trouverons-nous l’excuse de la double erreur que je viens de signaler. M. de Rémusat n’a jamais rien fait pour mériter ce double reproche, mais il a bien fait quelque chose pour l’expliquer.

M. Charles de Rémusat est né à Paris le 14 mars 1797. Toutes les familles qui, par leur origine et leurs emplois, avaient appartenu à l’ancien régime étaient alors frappées ou menacées. Le père de M. de Rémusat, avocat général à la cour des aides de Provence, en avait été quitte pour perdre sa charge et la plus grande partie de sa fortune. Il épousa en 1796 Mlle de Vergennes, dont le père, neveu du ministre de Louis XVI, avait péri sur l’échafaud. La prudence conseillait aux nouveaux époux de vivre dans la retraite ; l’état de leur fortune leur en faisait une nécessité. On vécut d’abord à Saint-Gratien, puis à Sannois. Madame de Rémusat, qui n’avait que seize ans à l’époque de son mariage, devint mère de Charles de Rémusat l’année suivante. Admirablement élevée elle-même par sa mère, éprouvée déjà par le malheur, tendre mais grave et réfléchie, elle fut pour son fils la meilleure des institutrices, en attendant qu’elle devînt la meilleure des amies, et très-rapidement le plus docile, le plus encourageant et le plus aimable des disciples ; car, suivant la remarque de Sainte-Beuve, elle instruisit d’abord M. de Rémusat comme son fils, puis elle l’aima comme son compagnon, et enfin elle l’écouta comme son guide : semblable à une sœur aînée qui apprend à marcher à un très-jeune frère, qui le précède au commencement, marche ensuite à côté de lui, et bientôt a de la peine à le suivre, mais le surveille encore et l’avertit de loin avec tendresse. Charles de Rémusat conserva toute sa vie le souvenir de cette intimité charmante. Il aimait à rapporter à la douce et sérieuse influence de sa mère tout ce qu’il avait en lui de sentiments généreux et de pensées élevées. Elle avait écrit deux romans qui sont restés manuscrits, une nouvelle qu’elle laissa publier, des mémoires sur l’empire, écrits au jour le jour pendant qu’elle vivait à la cour impériale, et qu’elle a malheureusement jetés au feu, et enfin un Essai sur l’éducation des femmes qui a paru en 1824, trois ans après sa mort, et que vous avez, Messieurs, très-justement couronné. Ce livre, quoique très-féminin dans sa forme, aurait pu être écrit et surtout pensé par son fils. C’est lui qui s’en est fait l’éditeur avec un soin pieux, et il dit dans sa préface, en parlant de madame de Rémusat, qu’elle a été « le père » de son esprit.

La famille, à Sannois, avait des relations d’intimité avec madame d’Houdetot, l’amie de Jean-Jacques, et elle connut, par elle, les derniers survivants des écrivains à côté desquels Jean-Jacques avait vécu : Suard, Saint-Lambert, l’abbé Morellet. Madame de Vergennes, qui n’avait pas quitté sa fille, même après le mariage, connaissait aussi très-intimement celle qui fut l’impératrice Joséphine. En 1802, quand Bonaparte, devenu premier consul, réorganisa tous les services publics, madame de Vergennes demanda une place pour son gendre. Joséphine fit plus qu’on ne lui demandait, plus qu’on ne désirait ; elle prit auprès d’elle madame de Rémusat comme dame du palais, et fit nommer M. de Rémusat préfet du palais du premier consul. On quitta la petite maison de Sannois, où du moins on était libre, et le salon de Madame d’Houdetot, pour le palais de Saint-Cloud. La faveur alla grandissant pendant les premières années : c’était le temps où la France, enivrée de la gloire et du génie de Napoléon, ne voulait voir en lui que la personnification de l’unité et de la force. Plus tard, quand le joug s’appesantit, M. et Mme de Rémusat partagèrent le sentiment de malaise et de sourde inquiétude qui devenait très-général dans les classes éclairées. Le maître le sentit et fit comprendre qu’il le sentait. Ce fut moins une disgrâce que la cessation de la faveur. M. de Rémusat conserva sa place jusqu’au départ pour l’île d’Elbe ; madame de Rémusat avait suivi Joséphine à la Malmaison après le divorce. Au moment de la catastrophe, leur fils achevait ses études au lycée Napoléon ; et déjà, à dix-sept ans, malgré les liens officiels de sa famille, il manifestait, par des chansons, à la manière du temps, ses dispositions libérales. C’est aussi dans ces dernières années de collège qu’il sentit naître en lui un goût très-vif pour la philosophie.

Le professeur de philosophie du lycée Napoléon s’appelait M. Fercoc. Il enseignait une doctrine qui était au fond celle de Condillac, avec quelques-unes des « nouveautés » de la Romiguière, et un peu de la sentimentalité du Vicaire savoyard. On raconte que Charles de Rémusat entra un jour par hasard à sa leçon, et qu’il en sortit philosophe. Cette anecdote en rappelle une autre plus célèbre : M. Royer-Collard, nommé professeur de philosophie à la Sorbonne, se demandant, non sans effroi, ce qu’il pourrait bien enseigner sous ce beau nom, et trouvant sur les quais la réponse qu’il cherchait, sous la forme d’un volume dépareillé des œuvres de Thomas Reid.

Non, Messieurs, le hasard n’est pour rien dans les grandes vocations. Ce n’est pas une leçon de M. Fercoc qui apprit de bonne heure à M. de Rémusat qu’il aimerait la philosophie toute sa vie ; c’est ce qui se passait en France ; ce qu’il voyait, ce qu’il entendait autour de lui, le milieu même où il vivait : voilà ce qui le rendit philosophe. Non pas qu’on fit de la philosophie dans le salon de sa mère ; tout au contraire, les hommes et les femmes distinguées qui s’y rencontraient, madame d’Houdetot, madame de Vintimille, Pauline de Meulan, qui fut la première madame Guizot, Molé, Parquier, de Barante, Georges Cuvier, le cardinal Beausset, Talleyrand, venaient là chercher la liberté décente, les plaisirs de l’esprit, les grâces d’une société aimable, et se gardaient bien, même dans l’intimité, d’aborder des questions de politique ou de philosophie. En sortant de la Terreur, on avait, sous l’impulsion de Bonaparte, créé un nouveau gouvernement, une nouvelle société, et presque une nouvelle religion. Cette religion, pour les courtisans, n’était pas une croyance, mais une sorte de police des esprits qui dispensait de réfléchir. Ils avaient repris la religion par bienséance, comme ils avaient repris leurs titres et leurs décorations. Quelqu’un, vers ce temps-là, disait à Sieyes : « Que pensez-vous ? — Je ne pense pas », répondait le vieux métaphysicien, dégoûté et intimidé. Il disait le mot de tout le monde. Ces esprits très-ouverts, qui avaient été voltairiens et encyclopédistes et qui ne voulaient plus penser, ces muets volontaires qui avaient tonné dans les clubs, ces faiseurs de révolutions et d’utopies qui s’en tenaient aux constitutions de l’empire et à la religion des articles organiques comme un fidèle à son credo ; tous ces survivants de 93 qui faisaient alors pénitence, mais que, par un malheur, la pénitence ramenait du côté de la fortune, ne pouvaient que dépraver la jeunesse qui s’élevait à côté d’eux, ou la révolter ; l’habituer à ne rien croire, à tout subir, et à tirer profit de son abaissement, ou lui inspirer le généreux désir de se faire une croyance et d’y conformer sa conduite. C’est le spectacle de ce néant qui enseigna la philosophie à M. de Rémusat, bien plus que toutes les leçons de M. Fercoc. Il se montra, depuis, respectueux pour la mémoire de Napoléon ; mais il jugea toujours sans pitié cette société asservie, cette époque de découragement universel et d’abdication de la pensée. La France attristée en était venue à manquer de l’illusion des souhaits. Son gouvernement l’alarmait, et ne l’irritait pas. Elle n’en désirait pas la chute ; elle n’en espérait pas la réforme. Elle le regardait comme nécessaire et dangereux, et se sentait dans une égale impuissance de lui faire du mal ou du bien, de l’éclairer, de le contenir, ou de le renverser. Elle n’avait pas de but. « C’est un temps, dit-il avec amertume, où il fallait être soldat ou géomètre. » Pour lui, dès ce temps-là, encore enfant, à dix-sept ans qu’il avait alors, il fut et se sentit philosophe.

Vinrent les évènements de 1814. L’empereur, à son retour de l’île d’Elbe, trouva de l’enthousiasme dans les soldats et dans une partie du peuple, non chez les grands qu’il avait faits, ni chez les politiques. « Il revient pour nous déshonorer tous », dit M. de Barante en apprenant la nouvelle du débarquement. Le père de M. de Rémusat tenait le même langage. Il fut exilé à soixante lieues de Paris pendant les Cent jours. La seconde restauration le fit préfet, d’abord à Toulouse, et plus tard à Lille. Après l’orage qui dura du 31 mars 1814 au 21 juin 1815, nous retrouvons Charles de Rémusat à Paris où il fait ses études de droit.

Il avait déjà cette expérience que donnent le spectacle de la politique quand on le voit de près, et celui des révolutions. À mesure que le gouvernement s’écarta des promesses libérales de la Charte et revint aux idées et aux pratiques de l’ancien régime, Charles de Rémusat sentit croître son dégoût pour ce monde d’arrivés et de courtisans, qui fuyait les idées nouvelles comme des piéges, les idées générales comme des visions, et qui se reprochait d’avoir trop pensé pour son salut même en ce monde. Il s’était d’abord voué entièrement aux lettres, dans l’incertitude de ce que deviendrait la politique. « Mais, dit-il lui-même, la littérature de tous les siècles, prise dans son ensemble, est libérale ; elle habitue l’esprit à se compter pour beaucoup. D’ailleurs les évènements se précipitaient ; la restauration faisait la lumière sur elle-même. Nous ne savions pas la révolution, dit-il ; c’est la restauration qui nous l’apprit. Avec une rapidité singulière, la première vue de la restauration fit comprendre, même à ceux qui l’accueillaient sans vive inimitié, pourquoi l’ancien régime avait dû périr, pourquoi la révolution s’était faite. »

M. de Rémusat s’habituait, dès ce temps-là, à penser la plume à la main, comme il l’a fait toute sa vie. Ses articles étaient écrits pour lui-même, ou pour des conciliabules d’étudiants ; on en parlait dans le quartier des Écoles, et même dans les salons libéraux. Ils se ressentent, en bien et en mal, de la vingtième année ; mais bien peu d’hommes ont écrit et pensé ainsi à vingt ans. L’article sur la jeunesse est de 1817 ; l’année suivante, nous trouvons trois articles dont les titres mêmes racontent le mouvement de son esprit : la Situation des gouvernements, la Bonne Foi dans les opinions, la Révolution française. Ce dernier avait été inspiré par le livre de Mme de Staël, qui venait de paraître. On en parla à M. Guizot ; il le lut, et l’inséra avec quelques mots de présentation, dans les Archives, dont il était directeur. À partir de ce moment, les publications de M. de Rémusat se multiplièrent. Il traduisit le Traité des lois, de Cicéron, pour la grande édition de M. Victor Le Clerc, son ancien professeur, resté son ami ; il traduisit aussi le théâtre de Goethe avec M. de Guizard. La brochure sur la Procédure par jurés en matière criminelle parut en 1820. C’est plutôt un livre (200 pages) qu’une brochure, et même c’est un bon livre, et, pour l’époque, un livre courageux. Il écrivait dans le Lycée, dans les Tablettes universelles, un peu partout, un peu sur toutes choses ; défendant sans relâche la liberté, faisant la guerre aux hypocrites, aux apostats, et poursuivant de son invective éloquente la classe des esprits prétendus pratiques, prétendus positifs, qui se croient quittes envers leur conscience et envers leur pays parce qu’ils ont de la probité dans les affaires privées ; en un mot, la classe des honnêtes gens mauvais citoyens. « De quel prix serait la vie, s’écrie le jeune écrivain, de quel prix serait la vie avec les passions qui la corrompent et les chagrins qui la désolent, de quel intérêt serait la société, que l’erreur égare et que la force ravage, sans le besoin de chercher la vérité et le devoir de la dire ? »

Vers le même temps (1824), M. de Rémusat devient secrétaire général de la gauche. C’est l’année de la fondation du Globe. Le Globe n’était d’abord qu’un recueil purement littéraire et philosophique ; mais le groupe de jeunes libéraux qui l’avaient fondé aspiraient à régénérer la société par les lettres et par la philosophie, et ils entendaient bien refondre aussi la politique. Il y avait là des élèves de l’École normale, la plupart disgraciés, tous destinés à un grand avenir : Jouffroy, Damiron, Patin, Farcy ; des lettrés comme J.-J. Ampère, Magasin, Lerminier, des jeunes gens appartenant à ce qu’on pourrait appeler le grand monde libéral, Vitet, Duchâtel, M. Duvergier de Hauranne. M. Dubois (de la Loire-Inférieure) dirigeait cette brillante élite, aidé par Pierre Leroux, qui ne voulait encore transformer que la science et la religion. Sainte-Beuve et M. Barthélemy Saint-Hilaire vinrent aussi, mais plus tard. Au milieu de tous ces vaillants, M. de Rémusat était un des plus laborieux et des plus remarqués. Il devint sur la fin le principal rédacteur du Globe, transformé en journal politique. Sans le quitter, et à une époque même où il y écrivait quotidiennement, il entre à la Revue française fondée par M. Guizot. Au milieu de cette activité féconde et diverse, l’unité de sa vie et de son esprit se fait jour : il est le chef, l’un des chefs les plus en vue et les plus énergiques, de la réaction morale contre toutes les hypocrisies, et du mouvement libéral contre toutes les tyrannies. M. de Rémusat ne poursuivait pas le renversement de la restauration comme un but, mais il l’acceptait comme une chance. Il se défiait des improvisations en politique, précisément parce qu’il avait vu tous les partis improviser l’un après l’autre, et toutes les improvisations s’écrouler l’une après l’autre. Il disait que nous savons mieux bâtir que planter. Tous ses efforts tendaient à opérer une transaction entre le gouvernement et l’opposition libérale. Ce fut le roi Charles X qui voulut la guerre. Il la commença en en nommant le ministère Polignac. M. de Rémusat était alors directeur du Globe, pendant que le titulaire, M. Dubois (de la Loire-Inférieure), subissait un emprisonnement pour délit de presse. C’est comme directeur du Globe qu’il rédigea, de concert avec M. Thiers, la protestation contre les ordonnances. Pour dire la vérité exacte, je crois que le texte est tout entier de la main de M. Thiers ; qu’il fut seulement revu et modifié dans quelques passages par M. de Rémusat. Ce qui lui appartient en propre, c’est le Globe du 27 juillet 1830. J’en cite les premières paroles, parce qu’elles sont un acte. Elles ont été écrites au commencement du combat, et pouvaient coûter la vie à leur auteur. « Le crime est consommé ; les ministres ont conseillé au roi des ordonnances de tyrannie. Nous n’appelons que sur les ministres la responsabilité de pareils actes ; nous la demandons mémorable. Le moniteur que nous publions fera connaître à la France son malheur et ses devoirs. Nous ne céderons qu’à la violence, nous en prenons le solennel engagement. Le même sentiment animera tous les bons citoyens... »

Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=5866#forumpost5866

Posté le : 08/06/2014 14:40
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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