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Dépèche de Ems, origine de la guerre de 1870
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Le 13 juillet 1870 la dépêche d'Ems, origine de la guerre de 1970 est envoyée

par le chancelier prussien Bismarck,


ce télégramme officiel est envoyé à toutes les ambassades et repris dans la Gazette de l'Allemagne du Nord concernant les rapports entre le roi de Prusse et la France. Jugé provocant, il amène Napoléon III à déclarer la guerre franco-prussienne de 1870, avec l'assentiment majoritaire du parlement, qui parle de casus belli.

La candidature le 21 juin 1870 du prince allemand Leopold de Hohenzollern-Sigmaringen au trône d'Espagne, vacant depuis la révolution de septembre 1868, soulève l'opposition de la France qui craint l'encerclement.
Le 12 juillet, Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen retire sa candidature. Le 13 juillet, lorsque la France demande confirmation dans la ville d'eaux de Bad Ems, le roi Guillaume de Prusse, agacé, confirme posément le retrait, en ajoutant qu'il n'a plus rien d'autre à dire à l'ambassadeur
Il envoie un compte rendu à Bismarck, qui, conscient de la supériorité militaire prussienne et désireux d'unir les nombreux États allemands sous la bannière prussienne, reformule la notification de manière plus sèche. Cette dépêche, en fait une circulaire administrative, est télégraphiée aux ambassades allemandes et aux journaux allemands et français. Certains la modifient pour la rendre encore plus méprisante.
La mobilisation est signée le 14 juillet, approuvée le lendemain par le Corps législatif, qui vote les crédits de guerre au chef du gouvernement Émile Ollivier, affaibli depuis avril par la démission des ministres du centre gauche, Daru et Buffet.
Les États allemands prennent alors parti pour la Prusse qui paraît agressée et remporte rapidement une victoire écrasante.

Le contexte diplomatique et politique. Génése d'une catastrophe.

Le 13 juillet 1870, une dépêche habilement caviardée par Bismarck soulève une tempête dans l'opinion française comme dans l'opinion allemande. Des deux côtés du Rhin, on en appelle à la guerre contre le voisin. C'est le début d'un terrible enchaînement qui va changer la face de l'Europe, jusque-là insouciante et prospère.
Deux semaines plus tôt, le 30 juin 1870, le chef du gouvernement français Émile Ollivier déclarait à la tribune de l'assemblée : «A aucune époque, le maintien de la paix n'a été plus assuré qu'aujourd'hui ! De quelque côté que l'on tourne les yeux, on ne découvre aucune question qui puisse révéler le danger .
Comment la situation internationale avait-elle pu si vite se dégrader ? La responsabilité en incombe à la duplicité de Bismarck, le chancelier allemand, et à l'inconséquence des opinions publiques et de leurs représentants, trop prompts à s'enflammer... Au vu de la faiblesse des hommes, qui peut être assuré qu'un semblable bouleversement ne pourrait se reproduire dans le monde ?

Le spectre de Charles Quint

Otto von Bismarck, mû par un farouche nationalisme prussien, veut parachever l'unité de l'Allemagne autour de la Prusse et de son roi, Guillaume 1er de Hohenzollern.
Trois ans plus tôt, par la guerre des duchés et la guerre de Bohème, conclues par la bataille de Sadowa, il a mis l'Autriche hors jeu et réussi à unifier l'Allemagne du Nord dans une Confédération dominée par Berlin. Ne reste plus qu'à rallier les États du Sud Bavière, Bade, Wurtemberg, Hesse.
Il songe pour cela à une guerre d'union nationale contre la France et attend l'heure propice pour la provoquer.
Dès 1867, l'affaire du Luxembourg avait manqué lui fournir le prétexte attendu. L'empereur des Français Napoléon III, désireux d'obtenir une compensation en contrepartie de sa neutralité dans la guerre de Bohème, avait convaincu le roi des Pays-Bas de lui céder contre indemnité le Luxembourg.
Mais le grand-duché est une ancienne terre de l'Empire germanique et sa citadelle est occupée par une garnison prussienne. Le jour même où le traité franco-hollandais doit être signé, le 1er avril 1867, un député prussien interpelle Bismarck au Reichstag. Émotion à Berlin.
Le roi des Pays-Bas, effrayé, renonce à la cession. Déjà on s'attend à une guerre mais ni Bismarck ni Napoléon III ne s'y sentent prêts. Finalement, on s'accommode d'une conférence internationale qui se réunit à Londres et proclame la neutralité du Luxembourg, pour complaire aux Prussiens, et le départ des Prussiens, pour complaire aux Français. La même année, l'exécution de l'archiduc Maximilien à Queretaro consacre la faillite de la politique mexicaine de Napoléon III.
Le ciel se couvre pour l'empereur, qui plus est atteint par la maladie de la pierre et de violents calculs rénaux qui ne vont plus le laisser en repos. Averti par l'affaire du Luxembourg, il tente de renforcer l'armée mais l'opinion n'est guère favorable au renforcement de la conscription et aux dépenses militaires de sorte que la réforme restera en chantier jusqu'à la guerre.
C'est finalement d'Espagne que va sortir celle-ci. En septembre 1868, la reine Isabelle II 38 ans a renoncé au trône espagnol pour demeurer auprès de son dernier amant ! Bismarck songe à mettre à sa place un prince allemand. Il lance le 26 avril 1869 la candidature du prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen.
Émotion à Paris. Pour Napoléon III et son gouvernement, il est hors de question que se reconstitue l'union dynastique de l'Allemagne et de l'Espagne comme au temps de Charles Quint. Le comte de Benedetti, ambassadeur de France à Berlin, proteste auprès du chancelier mais celui-ci feint de ne rien savoir de la candidature.
Le 17 février 1870, le général Prim, chef du gouvernement espagnol, écrit secrètement à Léopold pour lui offrir la couronne. Mais dans un souci d'apaisement, celui-ci repousse l'offre en accord avec le Kronprinz, fils et héritier de Guillaume 1er. Mais Bismarck s'accroche à l'idée de mettre un Hohenzollern sur le trône espagnol et convainc Léopold de changer d'avis.
Le vieux roi Guillaume 1er encaisse mal cette nouvelle manoeuvre de son chancelier mais ne dit mot.

Les maladresses du gouvernement français

Le 3 juillet, la nouvelle de la candidature Hohenzollern remonte jusqu'à Paris où elle fait l'effet d'une bombe espagnole selon le mot de l'impératrice Eugénie. Il appartient au nouveau ministre des Affaires étrangères, le duc Adolphe de Gramont, de faire valoir des arguments solides contre cette candidature mais par son incompétence, il va tout gâcher.
Le ministre de la Guerre, le maréchal Leboeuf, assure l'empereur et ses collègues du Conseil des ministres que l'armée française, «admirable, disciplinée, exercée, vaillante», est prête à toutes les éventualités.
Fort de cette assurance, le duc de Gramont prononce le 5 juillet devant les députés du Corps Législatif un discours inutilement provocateur à l'égard de la Prusse.
Acclamations dans le clan des mameluks les va-t'en-guerre. On crie : C'est la guerre !... Suspension de séance. Trop tard. Le mal est fait. La perspective de la guerre s'est insinuée dans les esprits.
Le roi Guillaume 1er, à ce moment-là, fait une cure à Ems, une ville d'eau proche de Coblence et du Rhin.
C'est là que le 9 juillet, il reçoit l'ambassadeur français Benedetti et l'assure de ses bonnes intentions. Discrètement, il tente de faire renoncer Léopold à sa candidature mais il ne peut décemment en faire plus.
Finalement, heureuse surprise, le 12 juillet, le prince Antoine, père de Léopold, télégraphie au maréchal Prim et à l'ambassadeur espagnol que son fils retire sa candidature.
La modération de Guillaume 1er et de Napoléon III semblent l'avoir emporté !... Bismarck, déconfit, voit s'effondrer son rêve d'une grande Prusse et songe à démissionner !
À Paris, le chef du gouvernement, Émile Ollivier, ne cache pas sa joie : C'est la paix ! Hélas, c'est faire fi de la bêtise de son ministre des Affaires étrangères.
Le duc de Gramont ne veut pas se satisfaire d'une déclaration du prince Antoine de Hohenzollern. Il souhaite une déclaration du roi Guillaume 1er lui-même, avec l'assurance en bonne et due forme qu'il s'associe à la renonciation du prince de Hohenzollern.
L'empereur, gravement affecté par la maladie de la pierre qui va l'emporter, est troublé par l'agitation de quelques va-t'en-guerre sur le chemin qui le mène vers Saint-Cloud. Dans la soirée, son ministre et l'impératrice le convainquent d'exiger un plus ferme engagement du roi de Prusse.
Sans en référer à personne, Gramont rédige le brouillon de cet engagement et, via le télégraphe, demande à son ambassadeur de le transmettre au roi, à Ems.

La téméraire manoeuvre de Bismarck

Le 13 juillet 1870, entre huit et neuf heures du matin, l'ambassadeur Benedetti rencontre le roi Guillaume 1er sur sa promenade des sources à Ems. Il lui demande une garantie pour l'avenir. Le roi, irrité, rejette net la demande et propose à l'ambassadeur de le revoir l'après-midi. Un peu plus tard, le roi reçoit une lettre du prince de Hohenzollern confirmant le retrait de sa candidature. Il envoie son aide de camp de service Radziwill en informer l'ambassadeur Benedetti. Et l'aide de camp de préciser à l'ambassadeur : «Par là, Sa Majesté considère l'affaire comme liquidée»... L'ambassadeur se le tient pour dit et en informe son ministre.
À Berlin, à la chancellerie, Wilhelmstrasse, Bismarck dîne ce soir-là avec son chef d'état-major von Moltke et son ministre de la Guerre Roon. Arrive un télégramme d'Ems qui raconte en termes neutres l'entrevue du matin entre le roi et l'ambassadeur, la lettre du prince de Hohenzollern et la visite de l'aide de camp à Benedetti.
Quelques formules laissent toutefois percer l'irritation du roi : «Le comte Benedetti m'a saisi au passage à la promenade et, finalement, d'une manière très importune, exigea de moi que je l'autorise immédiatement à télégraphier que je m'engagerais pour l'avenir à ne plus jamais donner mon consentement, si les Hohenzollern revenaient de nouveau sur leur candidature...
Sa Majesté a reçu depuis lors une lettre du prince. Alors Sa Majesté a daigné décider de ne plus recevoir le comte Benedetti mais seulement de lui faire dire par un aide de camp que Sa Majesté n'avait plus rien à dire à l'ambassadeur...»
Bismarck et ses amis sont d'abord déçus de voir l'affaire conclue. Mais le chancelier ne tarde pas à se ressaisir. Il prend son grand crayon et rédige un résumé à sa manière du télégramme sans rien retrancher ni ajouter :
Ems, 13 juillet 1870. Après que les nouvelles de la renonciation du prince-héritier de Hohenzollern eussent été communiquées au gouvernement impérial français par le gouvernement royal espagnol, l'ambassadeur de France a exigé encore de Sa Majesté, à Ems, l'autorisation de télégraphier à Paris que Sa Majesté le roi s'engageait pour tout l'avenir à ne plus jamais donner son autorisation, si les Hohenzollern devaient à nouveau poser leur candidature.
Là-dessus, Sa Majesté le roi a refusé de recevoir encore une fois l'ambassadeur et lui a fait dire par l'aide de camp de service que Sa Majesté n'avait plus rien à communiquer à l'ambassadeur.
Tout y est mais en des termes proprement humiliants pour la France comme pour l'opinion publique allemande. Les Allemands sont choqués que l'ambassadeur français ait pu exiger quoi que ce soit du roi de Prusse et les Français que le roi ait pu refuser de recevoir à nouveau leur ambassadeur et le lui ait fait savoir par un simple aide de camp de service.
C'est l'objectif souhaité par Bismarck qui communique illico la dépêche aux ambassades, au gouvernement et à la presse. Le soir même, la dépêche paraît dans une édition spéciale de la Norddeutsche Allgemeine Zeitung. Elle est par ailleurs distribuée dans les rues de Berlin. Le tollé est immédiat. Comment ose-t-on traiter notre roi ! Dès le lendemain, tous les Allemands se solidarisent avec les Prussiens comme le souhaitait Bismarck.
À Paris, le Conseil des ministres se réunit d'urgence sitôt informé et siège toute la journée du 14 juillet. Gramont propose in extremis un congrès international pour régler la succession d'Espagne. Trop tard. Dehors, la foule s'agite et s'en prend à l'ambassade de Prusse. Le soir même, le ministre de la Guerre rappelle les réservistes.
L'excitation guerrière gagne les assemblées. Au Corps Législatif, Adolphe Thiers, qui tente de faire entendre la voix de la modération, est aussitôt conspué. Émile Ollivier prononce à la tribune des paroles malheureuses : De ce jour commence pour les ministres mes collègues et pour moi une grande responsabilité. Nous l'acceptons d'un coeur léger... d'un coeur confiant. Le même jour, à Berlin, Guillaume 1er signe un décret de mobilisation.

Le 19 juillet enfin, la France déclare officiellement la guerre à la Prusse.

Elle sortira défaite de l'épreuve.
L'Allemagne en sortira quant à elle unie sous l'égide de la Prusse, selon les voeux de Bismarck, mais aussi dangereusement militarisée, à l'opposé de ses traditions humanistes.

Début juillet, la poussée de fièvre des éditorialistes

Guillaume Ier et Vincent Benedetti à Ems
Une semaine avant la dépêche d'Ems, la presse française est déjà très excitée. Dans un éditorial intitulé La guerre, le quotidien Le Pays écrit le 7 juillet :
" Cette affaire qui eût été sans importance il y a dix ans est la goutte d’eau qui fait déborder notre calice trop plein d’amertume … Ou la Prusse retirera ses prétentions, ou elle se battra ".
Même agressivité pour le quotidien Le Gaulois :
" s’il faut choisir une fois encore entre la patrie amoindrie, réduite, et la guerre, nous n’hésitons pas ! "
D’autres quotidiens se montraient plus réservés. Le Temps parlait même d’une espèce de fureur qui s’était emparée de la presse. Le lendemain de la déclaration du ministre des Affaires étrangères De Gramont, applaudie frénétiquement à l'assemblée, plus d’une dizaine de titres l'approuvèrent : Le Gaulois, Le Figaro, L’Univers, Le Correspondant, Le Constitutionnel, Le Pays, Le Soir, La Presse, L’Opinion nationale, Le Moniteur universel et La Liberté. Parmi ceux qui l’interprétèrent comme une déclaration de guerre intempestive, Le Français, Le Temps, Le Siècle, Le Réveil, L’Électeur libre, Le Public, Le Rappel, L'Avenir national et La Revue des deux Mondes, selon Stéphane Audoin-Rouzeau.

Les pros-guerre sont plus virulents, plus mobilisés, que les pacifistes : le 7 juillet, le correspondant particulier de L’Écho du Parlement de Bruxelles, écrit que tout le monde me paraît en train de perdre le peu de sang-froid que l'on avait encore conservé depuis deux jours … de la presse, l'émotion est rapidement descendue dans les masses, et il n'est pas un coin de Paris, peut-être même de la France, où l'on ne s'indigne contre la prétention de la Prusse de relever à son profit l'empire de Charles Quint, même s'il est plus que probable que parmi ceux qui parlent ainsi, les neuf dixièmes au moins ignorent de la façon la plus complète ce que furent Charles Quint et son empire.

Voyage à Ems du 9 au 13 juillet

À Berlin, le secrétaire d’État prétend ne pas savoir où joindre Bismarck. Envoyé par l’ambassadeur de France, le comte Benedetti se rend à Ems le 9 juillet, où le roi de Prusse prend les eaux, pour le prier de parler au prince, qui retire officiellement sa candidature le 12 juillet. Bismarck est pris à contre-pied : il doit annuler son voyage à Ems. Il menace de démissionner si le roi de Prusse reçoit une fois encore Vincent Benedetti.
Le 13 juillet au matin, Vincent Benedetti sollicite une nouvelle audience. Guillaume Ier l'accoste à la promenade des Sources. Benedetti lui présente la demande de renoncement définitif. Guillaume Ier est excédé mais reste poli et ajoute Vous en savez plus que moi. Quand je connaîtrai les conditions du renoncement, je vous reverrai. Ce qui ne l'empêchera pas de saluer cordialement Benedetti dès le lendemain, à son départ pour Berlin.

Un même évènement, interprété différemment dans les deux pays

En France comme en Allemagne, cette conversation courtoise dans les allées du parc d'une station thermale sera présentée comme un incident diplomatique par une partie de la presse. De violentes manifestations de rue, les émeutes nationalistes des 13 et 14 juillet 1870 ont lieu, d'abord à Berlin, puis à Paris.
Au soir du 13 juillet, Bismarck fait imprimer et distribuer gratuitement dans les rues de Berlin plusieurs milliers d'exemplaires d'un numéro spécial de la Gazette de l'Allemagne du Nord, son organe de presse officiel, afin de donner sa version de ce qui s'est passé à Ems.
Le texte est appuyé par une caricature présentant l'ambassadeur de France en train d'humilier et harceler le roi de Prusse sur son lieu de cure thermale, en exigeant que le retrait de la candidature prussienne au trône d'Espagne soit suivie d'un engagement à ne jamais recommencer.
D'autres journaux de Berlin publièrent à partir de 22 heures des éditions spéciales, pour décrire à leur tour la scène. Le 14 juillet, lendemain de ces manifestations, Bismarck envoie sa circulaire aux ambassadeurs partout en Europe. Les manifestations de la veille les ont conditionnés, pour influer sur leur lecture des faits.

Le lendemain aussi, le journal du soir La France donne la réponse française à la Gazette de l'Allemagne du Nord, comme il en avait déjà l'habitude depuis le mois de mai, chacune des deux publications dénonçant un activisme militaire de l'autre puissance. La France affirme dans cette édition du 14 juillet au soir que le gouvernement français s'apprête à réagir par une déclaration de guerre à l'incident diplomatique, ce qui déclenche des manifestations à Paris.
La foule s'en prend à l'ambassade de Prusse, dont les vitres sont cassées. Le ministre de la Guerre rappelle les réservistes, le soir même. Cette dramatisation est précédée par un Conseil des ministres où il avait pourtant été décidé, par huit voix contre quatre, que si le roi de Prusse ne souhaitait pas s’engager pour l’avenir, on ne pousserait pas plus loin l’affaire. Mais cette information n'est pas publiée. Le numéro de La France diffusé le soir même laisse au contraire entendre qu'on s'achemine vers une déclaration de guerre, ce qui galvanise les manifestants.

La version du Roi de Prusse et celle condensée de Bismarck

Le roi de Prusse fait envoyer par son conseiller diplomatique Abeken, le jour même du 13 juillet, un télégramme à Bismarck, qui est à Berlin. C'est un résumé de ce qui s'est dit. Par égard pour Bismarck, le conseiller diplomatique lui donne la possibilité d'en faire lui-même l'annonce officielle, peut-être pour apaiser la France10 :

Message d’Abeken à Bismarck

texte allemand extrait des Gedanken und Erinnerungen von Otto v. Bismarck - Stuttgart 1898 (p. 87 & 88) texte français extrait des Pensées et Souvenirs par le prince de Bismarck traduit par E. Jaeglé - Paris 1899 - T. II p. 104

" Seine Majestät schreibt mir : „Graf Benedetti fing mich auf der Promenade ab, um auf zuletzt sehr zudringliche Art von mir zu verlangen, ich sollte ihn autorisiren, sofort zu telegraphiren, daß ich für alle Zukunft mich verpflichtete, niemals wieder meine Zustimmung zu geben, wenn die Hohenzollern auf die Candidatur zurück kämen. Ich wies ihn zulezt etwas ernst zurück, da man à tout jamais dergleichen Engagements nicht nehmen dürfe noch könne. Natürlich sagte ich nicht, daß ich noch nichts erhalten hätte und, da er über Paris und Madrid früher benachrichtigt sei als ich, er wohl einsähe, daß mein Gouvernement wiederum außer Spiel sei.“
Seine Majestät hat seitdem ein Schreiben des Fürsten bekommen. Da Seine Majestät dem Grafen Benedetti gesagt, daß er Nachricht vom Fürsten erwarte, hat Allerhöchst-derselbe, mit Rücksicht auf die obige Zumuthung, auf des Grafen Eulenburg und meinem Vortrag beschloßen, den Grafen Benedetti nicht mehr zu empfangen, sondern ihm nur die durch einen Adjutanten sagen zu lassen : daß Seine Majestät jetzt vom Fürsten die Bestätigung der Nachricht erhalten, die Benedetti aus Paris schon gehabt, und dem Botschafter nichts weiter zu sagen habe. Seine Majestät stellt Eurer Excellenz anheim, ob nicht die neue Forderung Benedetti’s und ihre Zurückweisung sogleich sowohl unsern Gesandten, als in der Presse mitgetheilt werden sollte."

" Sa Majesté m’écrit : " Le comte Benedetti m’a arrêté au passage à la promenade pour me demander finalement, d’une manière très indiscrète, de l’autoriser à télégraphier aussitôt à l’empereur que je m’engageais pour l’avenir à ne jamais plus donner mon consentement, si les Hohenzollern revenaient sur leur candidature. Je finis par refuser assez sévèrement, attendu qu’on ne devait ni ne pouvait prendre de pareils engagements à tout jamais. Je lui dis naturellement que je n’avais encore rien reçu et puisqu’il était, par la voie de Paris et de Madrid, informé plus tôt que moi, il voyait bien que mon gouvernement était de nouveau hors de cause.
Sa Majesté a depuis reçu une lettre du prince. Comme Sa Majesté avait dit au comte Benedetti qu’elle attendait des nouvelles du prince, elle a résolu, sur la proposition du comte Eulenbourg et la mienne, de ne plus recevoir le comte Benedetti, à cause de sa prétention, et de lui faire dire simplement par un aide de camp que Sa Majesté avait reçu du prince confirmation de la nouvelle que Benedetti avait déjà eue de Paris, et qu’elle n’avait plus rien à dire à l’ambassadeur. Sa Majesté laisse à Votre Excellence le soin de décider si la nouvelle exigence de Benedetti et le refus qui lui a été opposé ne doivent pas être aussitôt communiqués tant à nos ambassades qu’aux journaux. "

À Berlin, Bismarck dîne avec deux généraux allemands: Moltke, chef des armées et Roon, ministre de la Guerre. Le repas se déroule sans entrain. Il semble que le piège allemand ait été déjoué car un journal parisien titre en première page La Prusse cane !. Bismarck envisage sérieusement de démissionner, ce qui lui attire les reproches amers des deux généraux : ils se sentent abandonnés.

Il est 18 heures quand lui parvient le télégramme chiffré du conseiller diplomatique du Roi de Prusse. Bismarck le lit à ses invités. Puis il demande à Moltke si l’armée serait prête à entrer en campagne et s’il croit possible de vaincre la France. Moltke se dit certain d’une victoire et précise que, s’il y a une guerre, il est beaucoup plus avantageux de la commencer au plus tôt.

Alors Bismarck rédige pour tous les ambassadeurs une version condensée selon ses propres termes du télégramme, dont il retire les passages apaisants.

Message condensé par Bismarck

texte allemand extrait des Gedanken und Erinnerungen von Otto v. Bismarck - Stuttgart 1898 (p. 90 & 91) texte français extrait des Pensées et Souvenirs par le prince de Bismarck traduit par E. Jaeglé - Paris 1899 - t. II p. 108
" Nachdem die Nachrichten von der Entsagung des Erbprinzen von Hohenzollern der kaiserlich französischen von der Regierung königlich spanischen amtlich mitgeteilt worden sind, hat der französische Botschafter in Ems an Seine Majestät den König noch die Forderung gestellt, ihn zu autorisieren, daß er nach Paris telegraphiere, daß Seine Majestät der König sich für alle Zukunft verpflichte, niemals wieder seine Zustimmung zu geben, wenn die Hohenzollern auf ihre Candidatur wieder zurückkommen sollten. Seine Majestät der König hat es darauf abgelehnt, den französischen Botschafter nochmals zu empfangen, und dem selben durch den Adjutanten vom Dienst sagen lassen, daß Seine Majestät dem Botschafter nichts weiter mitzutheilen habe."
" La nouvelle du renoncement du prince héritier de Hohenzollern a été officiellement communiquée au gouvernement impérial français par le gouvernement royal espagnol. Depuis, l’ambassadeur français a encore adressé à Ems, à Sa Majesté le Roi, la demande de l’autoriser à télégraphier à Paris, que Sa Majesté le Roi, à tout jamais, s’engageait à ne plus donner son consentement si les Hohenzollern devaient revenir sur leur candidature. Sa Majesté le Roi là-dessus a refusé de recevoir encore l’ambassadeur français et lui a fait dire par l’aide de camp de service que Sa Majesté n’avait plus rien à communiquer à l’ambassadeur."

Dans ses Gedanken und Erinnerungen (t. II, p. 91 & Pensées et souvenirs, t. II p. 108 & 109), Bismarck précise :

" Je lus à mes deux hôtes la rédaction qui condensait la dépêche. Moltke fit alors la remarque :
" Voilà qui sonne tout autrement maintenant ; auparavant on eût cru entendre battre la chamade, à présent c’est comme une fanfare en réponse à une provocation. "
So hat das einen andern Klang, vorher klang es wie Chamade, jetzt wie einen Fanfare in Antwort auf eine Herausforderung. Je crus devoir ajouter ceci :
" Ce texte n’apporte aucune modification, ni aucune addition à la dépêche. Si, exécutant le mandat de Sa Majesté, je le communique aussitôt aux journaux, et si en outre je le télégraphie à toutes nos ambassades, il sera connu à Paris avant minuit. Non seulement par ce qu’il dit, mais aussi par la façon dont il aura été répandu, il produira là-bas sur le taureau gaulois l’effet du drapeau rouge Eindruck rothen Tuches auf den gallischen Stier machen… Le succès dépend cependant avant tout des impressions que l’origine de la guerre provoquera chez nous et chez les autres. « Il est essentiel que nous soyons les attaqués "
es ist wichtig, daß wir die Angegriffenen seien ".

Le terme allemand Adjutant, employé par le roi et par Bismarck, signifie aide de camp selon le Littré, le français aide vient du latin adjutum.

Les informations de l'Agence continentale, déformées par certains journaux

L’Agence Continentale télégraphie le 13 juillet à sa partenaire l’Agence Havas une dépêche qui reprend strictement les termes du télégramme que Bismarck enverra le lendemain aux ambassadeurs11, mais donne aussi la version du roi de Prusse.
La dépêche est diffusée avec la signature " service télégraphique Havas-Bullier ", comme le veut l'accord d'échanges d'information entre les deux agences. Le second paragraphe donne un scoop, une information très importante, absente de la version condensée du télégramme que diffusera Bismarck aux ambassadeurs : le roi de Prusse a approuvé la renonciation de son petit-cousin Léopold au trône d’Espagne et considère dès lors tout sujet de conflit comme écarté. Cette information provenait du recoupement auprès d'autres sources, en application des principes de vérification des faits et de protection des sources d'information des journalistes.
L'Agence Continentale aurait normalement dû commencer sa dépêche par cette information, en vertu du principe de découpage de l'information par priorité. Elle l'a en fait relégué au second paragraphe :

" Berlin, 14 juillet - On mande d’Ems. Après que la renonciation du prince Léopold de Hohenzollern eut été communiquée au gouvernement français par le gouvernement espagnol, l’ambassadeur de France demanda de nouveau au roi de l’autoriser à télégraphier à Paris que le roi de Prusse s’engageait à ne jamais donner de nouveau son consentement dans le cas où le prince des Hohenzollern reviendrait sur sa candidature. Le roi refusa de recevoir de nouveau l’ambassadeur de France et lui fit dire par l’adjutant de service que Sa Majesté n’avait plus rien à lui communiquer."

" D’après d’autres informations d’Ems, le Roi aurait fait dire à M. Benedetti qu’il avait approuvé hautement la renonciation de son cousin au trône d’Espagne et qu’il considérait, dès lors, tout sujet de conflit comme écarté. "

Bismarck avait accru son contrôle sur l'Agence Continentale, financée depuis 1865 par son ami le banquier Gerson von Bleichröder 1822-1893 et qu'il a fait transformer depuis 1869 en Société en commandite. La dépêche est exacte, mais l'information importante reléguée à la fin.

Réactions contradictoires de la presse française et polémique à l'Assemblée

La réaction en France varie en fonction des journaux et des partis politiques. Dans la soirée du 14 juillet, le quotidien parisien La France révèle que les ministres se sont réunis dans l'après-midi aux Tuileries autour d'Émile Ollivier, qu'ils y étaient encore à 15 h 30, pour rédiger une déclaration concluant à la guerre, demandant que le contingent soit porté à 140 000 hommes. Le journal précise qu'une dépêche chiffrée de l'ambassadeur De Benedetti devait arriver vers 16 h 30, et que le gouvernement attendra de l'avoir déchiffrée pour faire officiellement sa déclaration de guerre, le lendemain.
Mais déjà les partisans de la guerre s'emballent. Dans la soirée du 14 juillet une foule immense envahit les boulevards en criant À bas Bismarck ! et Au Rhin, Au Rhin !, rapporte Le Constitutionnel. La dépêche Havas-Bullier, reçue dans la journée, est encore inconnue : la plupart des quotidiens sont imprimés dans la nuit et ne pourront la publier que le lendemain 15 juillet. Le lendemain justement, le journal La Liberté a déjà une opinion tranchée :

" Si la Prusse refuse de se battre, nous la contraindrons à coups de crosse dans le dos à repasser le Rhin et à vider la rive gauche. "

Plus prudent Journal des Débats en appelle au contraire au sang-froid du gouvernement, en espérant qu'il reviendra sur ses projets de guerre. Il ne lui demande qu'une chose :

" Ne pas se laisser émouvoir par les clameurs des partis extrêmes "

Même son de cloche pour le quotidien Le Constitutionnel :

" Quand on veut la paix, les problèmes de forme trouvent aisément la solution nécessaire "

C'est dans ce climat qu'éclate dès le 15 juillet à l'assemblée nationale une polémique violente, déclenchée immédiatement par le discours d'Émile Ollivier, protégé de l'empereur Napoléon III et premier ministre officieux du gouvernement:
" Je tiens bien à le préciser : il peut arriver qu'un roi refuse de recevoir un ambassadeur. Ce qui est blessant, c'est le refus intentionnel, divulgué dans des suppléments de journaux La Gazette officielle de Berlin, dans des télégrammes adressés à toutes les cours d'Europe.

Adolphe Thiers lui répond :

" Que tout le monde en juge… Ce n'est pas pour les intérêts essentiels de la France, c'est par la faute du cabinet que nous avons la guerre. "

Aussitôt, 83 députés menés par Adolphe Thiers, Emmanuel Arago et Gambetta, qui s'opposent à la guerre, demandent qu'on leur communique toutes les pièces diplomatiques, pour savoir ce qui s'est vraiment passé et ce que désire vraiment le roi de Prusse. Finalement, la majorité requise des deux chambres s'oppose à la demande de l'opposition à ce que soit dévoilé au public le télégramme de Bismarck, les autres pièces diplomatiques. La majorité réclame l'étouffement de l'affaire et la guerre est déclarée.


Liens

http://youtu.be/hgk5CBtgYng Napôléon III 2000 ans d'histoire
http://youtu.be/PQ3nteK7uxQ d'Ems à Sedan
http://youtu.be/MgzHeDApXEY La guerre les causes
http://youtu.be/HATiym28lJI?list=PLCFE6633E30137A31 La Guerre Franco/prussienne
http://youtu.be/2hZ9RfA3k8w La guerre de 1870


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Posté le : 13/07/2014 00:16

Edité par Loriane sur 13-07-2014 13:40:20
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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