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François Pétraque 1 début
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Le 20 juillet 1304 à Arezzo Italie naît Francesco Petrarca, en français

François Pétrarque


érudit, poète et humaniste italien. Avec Dante Alighieri et Boccace, il compte parmi les premiers grands auteurs de la littérature italienne, il meurt à Arquà le 19 juillet 1374
Plus que Dante avec Béatrice, Pétrarque est passé à la postérité pour la perfection de sa poésie qui met en vers son amour pour Laure. Pour beaucoup, l'ensemble de sa gloire, l'essentiel de sa renommée, la portée de son influence, tant stylistique que linguistique, tiennent uniquement à un volume, son immortel Canzoniere dans lequel il rénova la manière des écrivains du dolce stil novo.
C'est dans cette œuvre majeure qu'il se présente comme une sorte de Janus regardant à la fois vers le passé et l'avenir, l'antiquité et la chrétienté, la frivolité et le recueillement, le lyrisme et l'érudition, l'intérieur et l'extérieur.
Il est également l'homme qui, durant ses nombreux voyages, a retrouvé les Correspondances de Cicéron jusqu'alors perdues. Ces dernières sont à l'origine de la volonté de Pétrarque de publier ses propres lettres.

En bref

Premier des grands humanistes de la Renaissance, il est passé à la postérité pour la perfection de sa poésie en langue vulgaire (le toscan) devenue au cours des siècles, en alternative au réalisme de Dante, le modèle de tous les classicismes occidentaux.
Père de la poésie moderne et de la culture humaniste, auteur en langue vulgaire de cet immortel Canzoniere, Rerum vulgarium fragmenta, qui a suscité des foules d'imitateurs en Italie et dans toute l'Europe et qui a marqué la poésie amoureuse en Occident jusqu'au romantisme et au-delà, et d'une œuvre en latin, impressionnante par sa masse et qui, de son temps, lui valut la couronne de laurier et la gloire, Pétrarque se présente comme une sorte de Janus regardant à la fois vers le passé et vers l'avenir, l'Antiquité et la chrétienté, la frivolité et le recueillement, le lyrisme et l'érudition, la turbulence et le repos, l'intérieur et l'extérieur.
Avide des biens et des plaisirs de ce monde, follement ambitieux, actif, entouré d'une légion d'amis, de disciples, d'adulateurs, flatté et sollicité par les puissants – princes, papes et rois –, tenté et très souvent séduit par la politique – il accepta d'innombrables missions –, il est aussi ce méditatif épris de la solitude dans laquelle il s'est enfermé pendant longtemps et qu'il a élevée au rang d'un mythe. Voyageur infatigable, curieux des mœurs et des choses, amant intrépide de la nature et en même temps érudit, archéologue, philologue, lecteur subtil et passionné des auteurs latins, promoteur de l'étude du grec, même lorsqu'il est tourné vers les Anciens, il est plongé dans l'actualité : conformément à son double rôle de précurseur et de médiateur, il cherche moins, dans les œuvres du passé qu'il admire, des modèles à copier qu'un moyen, en renouant avec les traditions, en retournant aux origines, d'aller de l'avant, de créer ce monde moderne où la morale et la philosophie de l'Antiquité et la foi chrétienne se fondraient, réconciliées.

Sa vie

Le lundi 22 juillet de l’an 1304, au lever de l’aurore, dans un faubourg d’Arezzo appelé l’Horto, je naquis, en exil, de parents honnêtes, Florentins de naissance et d’une fortune qui touchait à la pauvreté.
(Pétrarque, Epistola ad Posteros, Épître à la Postérité)
Fils du notaire ser Pietro, Petrarco di Ser Parenzo, il passa son enfance dans le village de Incisa in Val d'Arno, proche de Florence car son père avait été banni de la cité florentine par les Guelfes noirs en 1302 en raison de ses liens politiques avec Dante. Le notaire et sa famille rejoignirent ensuite Pise puis Marseille et le Comtat Venaissin.

Études à Carpentras

Les exilés arrivèrent à Avignon en 1312 puis François s’installa à Carpentras où il fit ses humanités sous la férule de l’excellent maître toscan Convenole de la Prata. La tradition veut que celui-ci ait reçu de son élève un livre de Cicéron contenant, entre autres, le De Gloria aujourd’hui perdu. Toujours gêné pécuniairement, le maître avait engagé ce livre et, malgré les offres de Pétrarque pour le lui racheter, il refusa toujours par fierté. À sa mort, le poète gémit d’avoir perdu à la fois son livre et son maître. Ce fut pourtant de lui que le jeune homme acquit le goût des belles lettres. Dans une lettre à son ami d’enfance, Guido Settimo, archevêque de Gênes, qui étudia avec lui chez le maître toscan, il rappelle :
" Je séjournais quatre ans à Carpentras, petite ville voisine d’Avignon, du côté du levant, et dans cette ville j’appris un peu de grammaire, de dialectique et de rhétorique, autant que l’on peut en apprendre à cet âge et qu’on peut en enseigner à l’école."
Pour payer ses études, son père donnait chaque année au recteur du collège quatorze éminées de blé et le futur poète devait apporter son vase à vin et son gobelet pour boire au cours des repas.
À Carpentras, le jeune Pétrarque vécut un moment important. Il assista, le 1er mai 1314, à l’arrivée du Sacré Collège venu élire un nouveau pape. Les vingt-trois cardinaux – dont quinze cisalpins et huit transalpins – entrèrent en conclave puis durent se disperser face à l’attaque armée des Gascons de la famille de Clément V, le pape défunt.

Universités

Cloître de la faculté de droit de Montpellier
François, qui avait terminé ses études, quitta Carpentras pour suivre des cours de droit à l'Université. C'est lui-même qui nous indique son cursus :
"Je me rendis à Montpellier, où je consacrai quatre années à l'étude des lois ; puis à Bologne, où pendant trois ans, j'entendis expliquer tout le corps du droit civil."
Il y arriva à Montpellier au cours de l'automne 1316 et y apprécia son séjour estudiantin si l'on en croit cette confidence épistolaire :
"Là-bas aussi, quelle tranquillité avions-nous, quelle paix, quelle abondance, quelle affluence d'étudiants, quels maîtres ! "
En 1318 ou en 1319, Pétrarque perdit - en tant qu'adolescent - sa propre mère, Eletta, qui était alors âgée de 38 ans.
Détail véridique ou inventé, c'est cette disparition qui lui fit écrire ses premiers vers, une élégie de trente-huit hexamètres latins en hommage à cette mère morte à trente-huit ans.
Pourtant, ce fut dans cette cité universitaire qu'à peine un ou deux ans plus tard, se déroula un autre drame. En 1320, son père brûla ses livres. Lui et son cadet Gérard partirent alors continuer leurs études à Bologne, le plus grand centre européen d'études juridiques.
Ils étaient accompagnés de Guido Settimo, rencontrèrent les trois fils de l'influente et puissante famille Colonna, Agapito, Giordano et Giacomo et se lièrent avec ce dernier. Ce fut là, dès l'automne 1320, que le jeune homme prit conscience de la naissance d'une nouvelle forme de poésie écrite, non plus en latin, mais en langue vulgaire, le plus souvent le toscan.
La famille Colonna aura une importance considérable pour Pétrarque; il entrera en 1325 au service de celle -ci à travers Giacomo et son père, Stefano le Vieux, et jusqu'en 1347. Il vouera à la figure parentale de Stefano une affection et une admiration considérable, ayant trouvé en devenant orphelin des deux parents - le père de Pétrarque mourut en avril 1326 - un père modèle qui lui permettra de faire face aux aléas de la vie. Dans les Correspondances, il témoignera de reconnaissance pour ce lien néo-parenta.
Les deux frères ne revinrent à Avignon qu’à la mort de leur père, abandonnant leurs études de droit. François, âgé de 22 ans, attiré par la Cour pontificale, s’y installa en avril 1326. L'héritage paternel, bien écorné, permit aux deux frères de mener pendant quelques mois une vie insouciante et mondaine.

Séjour et imprécations contre Avignon

"Là, je commençai à être connu et mon amitié fut recherchée par de grands personnages. Pourquoi ? J'avoue maintenant que je l'ignore et que cela m'étonne ; il est vrai qu'alors cela ne m'étonnait pas car, selon la coutume de la jeunesse, je me croyais très digne de tous les honneurs."
François, flanqué de son ami Giacomo Colonna, s'est effectivement fait remarquer par son élégance, sa prestance et son éloquence avant de se faire admirer par ses talents poétiques. En effet, le jeune homme, qui avait définitivement abandonné le droit, s'adonna dès lors à une activité littéraire.
"Le talent qu'il va démontrer dans ces exercices poétiques et le raffinement de sa personne lui permettent d'acquérir rapidement, dans cette société courtoise, une réputation prometteuse".
Mais, pour continuer à satisfaire autant leurs besoins que leurs ambitions, les deux frères durent s'assurer des revenus réguliers. C'est sans nul doute ce qui les amena à recevoir les ordres mineurs, seule possibilité de percevoir des revenus ecclésiastiques.
En 1330, François rejoignit son ami Giacomo, évêque de Lombez où il retrouva son frère Gherardo, devenu chanoine, ainsi que deux autres de ses amis, Lello et Luigi di Campina. Son séjour estival dans la cité a été idyllique :
"Ce fut un été quasi divin grâce à la franche allégresse du maître de céans et de ses compagnons."
De retour dans la cité papale, il entra au service du cardinal Giovanni Colonna. Mais il ne se plaisait point à Avignon, la cité des papes lui semblant être une nouvelle Babylone. Il déversait sur elle les pires calomnies et médisances. La cité papale avait droit à ce type d'invective :
" Ô Avignon, est-ce ainsi que tu vénères Rome, ta souveraine ? Malheur à toi si cette infortunée commence à se réveiller ! ".
Pour lui, Avignon était l’enfer des vivants, l’égout de la terre, la plus puante des villes, la patrie des larves et des lémures, la ville la plus ennuyeuse du monde ou bien le triste foyer de tous les vices, de toutes les calamités et de toutes les misères ». Il ajouta même que La Cour d’Avignon était un gouffre dévorant que rien ne peut combler. Enfin, il eut cette formule qui fit florès Avignon, sentine de tous les vices .
Attaques contre les cardinaux français d'Avignon
Mais plus que sa haine d'Avignon, c'est celle contre les cardinaux du Sacré et Antique Collège qui éclate dans ses lettres. Les affublant du nom de boucs, il leur réservait ses traits les plus acérés.
Il cloua au pilori un de ceux-ci qui pesait de tout son poids sur les malheureuses chèvres et ne dédaignait aucun accouplement, dénonça son alter ego qui troublait tous les enclos et ne laissait aucune chèvre dormir tranquillement pendant la nuit somnifère, fustigea un autre qui n'épargnait pas les tendres chevreaux .
Dans son Invective contre le cardinal Jean de Caraman , il s'attaquait en particulier à un petit vieillard capable de féconder tous les animaux. Il avait la lascivité d'un bouc ou s'il y a quelque chose de plus lascif et de plus puant qu'un bouc. Pour que ses contemporains l'identifient avec précision, Pétrarque indiqua qu'il avait dépassé sa soixante-dixième année, qu'il ne lui restait plus que sept dents, qu'il avait la tête blanche et chauve et qu'il était si bègue qu'on ne pouvait le comprendre.
Puis il narra à son sujet un épisode tragicomique. Le barbon dut, alors qu'il était dans le plus simple appareil, coiffer son chapeau de cardinal pour convaincre une jeune prostituée effarouchée qu'il était membre du Sacré Collège.
Et le poète de conclure :
"Ainsi ce vétéran de Cupidon, consacré à Bacchus et à Vénus, triompha de ses amours, non en armes, mais en robe et en chapeau. Applaudissez, la farce est jouée."

Rencontre avec Laure

Pourtant, en 1327, en dépit de la mort de sa mère Eletta Cangiani, la cité pontificale d’Avignon lui sembla parée de tous les charmes un certain 6 avril. Ce jour-là, pour la première fois, le poète rencontra Laure. Sur son manuscrit de Virgile, il nota :
"Laure, célèbre par sa vertu et longuement chantée par mes poèmes, apparut à mes regards pour la première fois au temps de ma jeunesse en fleurs, l’an du Seigneur 1327, le 6 avril, à l’église de Sainte-Claire d’Avignon, dans la matinée."
Laure de Sade, épouse du marquis Hugo de Sade, venait d'avoir dix-sept ans et Pétrarque eut un coup de foudre. Un événement banal qui allait pourtant, par la grâce du génie d’un poète, entrer dans l’histoire de la littérature mondiale. Il allait, en effet, la chanter et la célébrer comme jamais aucun poète ne l’avait fait depuis le temps des troubadours.
Fidèle aux règles de l'Amour Courtois, le poète a peu donné de renseignements sur Laure. Il précisa seulement que sa démarche n'avait rien de mortel, que sa bien-aimée avait la forme d'un ange et que ses paroles avaient un autre son que la voix humaine .
Il en conclut : Moi qui avais au cœur l'étincelle amoureuse, quoi d'étonnant si je m'enflammais tout à coup.
Depuis quelques années, une nouvelle campagne négationniste a été développée par certains pétrarquistes. Pour eux, il faut que Laure n'ait point existé charnellement et qu'elle soit réduite, si l'on en croit leurs subtiles analyses, à un simple mythe poétique. Le plus acharné est Nicholas Mann qui nie en bloc et l'existence même de Laure et la véracité, nous le verrons plus loin, de l'ascension du Ventoux par le poète. Une dernière et récente hypothèse suggère que le personnage de Laure ait été celui d'une chanteuse rencontrée en Vénétie vers la moitié du XIVe siècle.
Ces hypothèses d'école sont battues en brèche par une lettre du poète à Giacomo Colonna, parue dans ses Epistolæ metricæ, I, 6, et qui a été écrite à Vaucluse, vers l'été ou l'automne 1338 Il est dans mon passé une femme à l'âme remarquable, connue des siens par sa vertu et sa lignée ancienne et dont l'éclat fut souligné et le nom colporté au loin par mes vers. Sa séduction naturelle dépourvue d'artifices et le charme de sa rare beauté lui avaient jadis livré mon âme. Dix années durant j'avais supporté le poids harassant de ses chaînes sur ma nuque, trouvant indigne qu'un joug féminin ait pu m'imposer si longtemps une telle contrainte.

Le 6 avril 1327 en l'église de Sainte-Claire à Avignon, Pétrarque aperçoit Laure, la femme qui inspirera sa poésie, mais non son œuvre entière, encore moins sa vie comme l'ont voulu les romantiques. Tout un courant de pensée marqué par le positivisme s'est obstiné à donner un nom et un visage à la dame du Canzoniere. On a tour à tour évoqué Laure de Noves, épouse de Hugues de Sade, Laure de Sabran, Laure de Chiabau, Laure Colonna... Cette recherche maniaque a, par réaction, produit la tendance contraire, déjà fort répandue chez les pétrarquistes de la Renaissance qui ne voulaient voir en elle qu'un pur symbole ou senhal, pour parler le langage de la poésie provençale, une personnification de la Beauté, de l'Intelligence et de la Vérité. Or, ni les images très précises qui tissent la matière lyrique, ni les transfigurations et les règles imposées par la tradition littéraire – sans compter les déclarations explicites de l'auteur lui-même, Familiares, II, IX – ne permettent de réduire Laure à un symbole ou à une allégorie. Toutefois, il semble vain de rechercher l'identité d'un être que Pétrarque, si bavard par ailleurs sur tant de détails de sa vie, tait avec une remarquable obstination, comme si son état civil et sa condition importaient peu : Laure ne vit que dans ses rimes et par ses rimes, elle est création du poète, même s'il n'est pas permis de douter qu'à l'origine de ce motif poétique il y eut une créature de chair et de sang que Pétrarque a vraiment connue et aimée. En outre, il convient de remarquer que sa divine inspiratrice ne paraît pour ainsi dire pas en dehors du Canzoniere où du reste transparaissent d'autres amours et qu'elle n'occupe qu'une place fort modeste dans une œuvre immense, caractérisée en réalité par des intérêts moraux, religieux, culturels, littéraires, historiques, civiques et politiques, lesquels, comme le prouvent amplement les documents et les textes que nous possédons, ont dominé et orienté sa vie.
Entre Terre et Ciel

Invité en 1330 par son ami de Bologne, Giacomo Colonna, alors évêque de Lombez, Pétrarque passe dans la petite ville gasconne un été quasi divin grâce à la franche allégresse du maître de céans et de ses compagnons. Il entre ensuite chez le frère de Giacomo, le cardinal Giovanni Colonna, au service duquel il restera jusqu'en 1347, non comme sous l'autorité d'un maître, mais plutôt comme sous la protection d'un père ou mieux d'un très tendre frère. Ce sont des années fécondes jalonnées par des voyages studieux et des périodes d'austère retraite, où alternent les rêves de gloire et les travaux humbles et acharnés de la création littéraire. En 1333, en homme de science avide de connaître gens et choses, il parcourt la France, le Brabant, la Rhénanie. Un an plus tard, le poète accompagna le dauphin Humbert II lors de son pèlerinage à la Sainte-Baume. En cette année 1337, à Avignon, naquit Giovanni, son fils naturel; l'événement suscita un scandale. Dans la chapelle napolitaine de Sancta Maria dell’Incoronata de Naples, lieu de culte voulu par la souveraine et édifié entre 1360 et 1373, les fresques des voûtes représentent les sept Sacrements et le Triomphe de l’Église. Dans le Mariage, les spécialistes ont pu identifier les portraits de Robert d’Anjou et de la reine Jeanne, et on suppose que dans le Baptême on a représenté Pétrarque et Laure.
À Paris, c'est la révélation des Confessions de saint Augustin, lues pour la première fois avec passion. À Liège, il sent le Pro Archia de Cicéron comme le grand manifeste de l'essence de la poésie. Sa vocation lui apparaît alors déjà clairement : avec la mise en chantier de ses deux plus vastes et plus significatives œuvres en latin, le De viris illustribus 1338-1353 et Africa 1338-1342, s'affirme son rôle de médiateur entre la culture classique et le message chrétien, se précise sa figure de précurseur et de héros de l'humanisme occidental. Au début de 1337, il réalise un de ses rêves les plus chers ; il se rend à Rome pour la première fois et admire, confondu par tant de choses grandes et belles, les vestiges de l'Antiquité et les saintes reliques.

Son cadet le rejoignit dans le Comtat Venaissin en 1336. Là, le 26 avril, François et Gérard firent l’ascension du mont Ventoux. Le poète décrivit sa randonnée de Malaucène jusqu’au sommet à François Denis de Borgo San Sepolcro. Certains auteurs ont mis en doute la date de cette montée. Pour étayer leur thèse, les adversaires de la réalité de la montée du Ventoux, en 1336, ont été obligés de déplacer la date de l'ascension après 1350, période où effectivement, pendant un demi-siècle, les accidents climatiques se succédèrent. Cet artifice leur permet d'expliquer que, dans de telles conditions, ce périple était impossible à réaliser au printemps 135313 et parle donc d’une recherche uniquement mystique.
Personne aujourd'hui ne nie que la lettre relatant la montée du Ventoux n'est pas la relation primitive que Pétrarque fit à son confesseur. Si elle a été réécrite par le poète pour mieux passer à la postérité, cela ne peut servir d'argument pour expliquer que cette ascension n'eut pas lieu.
C'est bien pourtant la voie dans laquelle s'est lancé Nicholas Mann, un professeur d'histoire de la tradition antique au Warburg Institute de l'Université de Londres. Indiquant que la lettre ne prit sa forme définitive qu'en 1353, il glose :
"Dix-sept ans plus tard, l'excursion d'une journée était devenue un programme pour la vie. Même, si au bout du compte, Pétrarque n'escalada jamais le mont Ventoux, la chaleur du récit qu'il en tira est autant littéraire que morale : la difficulté d'adopter le chemin le plus escarpé qui mène au bien ".
Des arguments bien différents en faveur de la réalité de cette montée ont été apportés dès 1937, année où Pierre Julian a fait paraître une traduction du texte latin de François Pétrarque sur L'ascension du Mont Ventoux suivie d'un essai de reconstitution de l'itinéraire du poète par Pierre de Champeville. En dépit du peu d'indications géographiques données, il en existe une essentielle. Le poète signale s'être reposé au pied de la Filiole.
Cette dénomination désigne toujours un ensemble toponymique qui comprend un piton dominant la combe la plus haute et la plus importante du Ventoux qui part du Col des Tempêtes et descend jusqu'au Jas de la Couinche. Cette combe est aujourd'hui dite Combe Fiole. Sa désignation a été, à l'évidence, faite par le berger qui guidait les deux frères. Elle est largement suffisante, à moins de traiter le poète de menteur, pour prouver qu'il a atteint dans son ascension au moins ce point précis situé à quelques centaines de mètres du sommet.
Dans son essai de reconstitution de l'itinéraire des frères Pétrarque, l'alpiniste Pierre de Champeville suppose qu'après Les Ramayettes, à la différence de la route qui emprunte à partir de là le flanc nord, ils ont parcouru la face méridionale moins boisée et plus accessible de l'ubac.

Le projet humaniste

Mais Avignon, objet de tant d'amour et de haine, permit surtout à Pétrarque de mener à bien un grand dessein qui occupa toute sa vie, « retrouver le très riche enseignement des auteurs classiques dans toutes les disciplines et, à partir de cette somme de connaissances le plus souvent dispersées et oubliées, de relancer et de poursuivre la recherche que ces auteurs avaient engagée.
Il a eu non seulement la volonté mais aussi l'opportunité et les moyens de mettre en œuvre cette révolution culturelle.
Sa notoriété de poète et d'homme de lettres désormais reconnue, ses contacts avec la Curie qui lui ouvre ses portes, le soutien efficace de la famille Colonna, lui permirent de rencontrer tous les érudits, lettrés et savants qui se rendaient dans la cité papale. À titre d'exemple, sous le pontificat de Benoît XII, Pétrarque apprit les rudiments de la langue grecque grâce à un grec calabrais, le basilien Barlaam, évêque de Saint-Sauveur, venu à Avignon avec le Vénitien Étienne Pandolo en tant qu'ambassadeurs du basileus Andronic III Paléologue afin de tenter de mettre un terme au schisme entre les Églises orthodoxe et catholique. La condition était que les armées «franques » vinssent soutenir l’empire byzantin contre la poussée turque, les arguties réciproques firent capoter cette ambassade. L’évêque Barlaam, de retour à Constantinople, en butte aux persécutions quiétistes, préféra revenir en Avignon où il se lia d’amitié avec Pétrarque.
Il créa, au cours de ces rencontres, un réseau culturel qui couvrait l'Europe et se prolongeait même en Orient. Pétrarque demanda à ses relations et amis qui partageaient le même idéal humaniste que lui de l'aider à retrouver dans leur pays, leur provinces, les textes latins des anciens que pouvaient posséder les bibliothèques des abbayes, des particuliers ou des villes.
Ses voyages lui permirent de retrouver quelques textes majeurs tombés dans l'oubli. C'est à Liège qu'il découvrit le Pro Archia de Cicéron et à Vérone, Ad Atticum, Ad Quintum et Ad Brutum du même. Un séjour à Paris lui permit de retrouver les poèmes élégiaques de Properce. En 1350, la révélation de Quintilien marqua, aux dires du poète, son renoncement définitif aux plaisirs des sens.
Dans un souci constant de restituer le texte le plus authentique, il soumit ces manuscrits à un minutieux travail philologique et leur apporta des corrections par rapprochements avec d'autres manuscrits.
C'est ainsi qu'il recomposa la première et la quatrième décade de l'Histoire Romaine de Tite-Live à partir de fragments et qu'il restaura certains textes de Virgile.
Ces manuscrits, qu'il accumula dans sa propre bibliothèque, en sortirent par la suite sous forme de copies et devinrent ainsi accessibles au plus grand nombreN 32. Un de ses biographes, Pier Giorgio Ricci, a expliqué à propos de la quête humaniste de Pétrarque :
L'aspiration à un monde idéal, soustrait à l'insuffisance de la réalité concrète, se trouve à la base de l'humanisme pétrarquiste : étudier l'antiquité par haine du présent et rechercher une perfection spirituelle que Pétrarque n'aperçoit ni en lui ni autour de lui.
Abordant la question d'une possible dichotomie entre humanisme et christianisme, il affirme :
Il n'existe aucun conflit entre son humanisme et son christianisme. La vrai foi manqua aux Anciens, c'est vrai, mais lorsqu'on parle vertu, le vieux et le nouveau monde ne sont pas en lutte.
L'admiration de Pétrarque envers les auteurs classiques n'est pas simplement la marque de son humanisme mais révèle une prise de conscience nationale, un nationalisme romain qui, à l'instar de Dante, juge les autres cultures barbares toujours imprégnées de scolastique, ce qui entraîne en retour un réveil du nationalisme français17.

Les séjours du poète à la fontaine de Vaucluse

Le site enchanteur de la Fontaine de Vaucluse
Pétrarque, parce qu’il n’aimait point Avignon ou parce que Laure ne l’aimait pas, se réfugia sur les berges de la Sorgue à la fontaine de Vaucluse à partir de 1338. Décidé de mettre un terme à ses obligations mondaines et à mener une vie consacrée à la solitude, la poésie et la réflexion, il y fit installer sa bibliothèque18. C'est ce qu'il explique dans son Épître à la Postérité : Je rencontrai une vallée très étroite mais solitaire et agréable, nommé Vaucluse, à quelques milles d'Avignon, où la reine de toutes les fontaines, la Sorgue, prend sa source. Séduit par l'agrément du lieu, j'y transportai mes livres et ma personne.
Il va y séjourner épisodiquement mais régulièrement jusqu'en 1353 faisant de ce lieu le centre de sa vie émotive et intellectuelle. Philippe de Cabassolle, l’évêque de Cavaillon, qui y possédait son château épiscopal, devint dès lors son ami le plus cher. Ses amours ne l’empêchèrent point d’avoir le sens de la formule puisqu’il déplora ce bien petit évêché pour un si grand homme.
Il resta en tout quinze années à Vaucluse. Le poète dit lui-même : Ici j’ai fait ma Rome, mon Athènes, ma patrie. Dans l'une de ses lettres à l'évêque de Cavaillon, Pétrarque explique les raisons de son amour pour la Vallis Clausa : Exilé d'Italie par les fureurs civiles, je suis venu ici, moitié libre, moitié contraint. Que d'autres aiment les richesses, moi j'aspire à une vie tranquille, il me suffit d'être poète. Que la fortune me conserve, si elle peut, mon petit champ, mon humble toit et mes livres chéris ; qu'elle garde le reste. Les muses, revenues de l'exil, habitent avec moi dans cet asile chéri.
Dans ses Familiarum rerum, il nota : Aucun endroit ne convient mieux à mes études. Enfant, j'ai visité Vaucluse, jeune homme j'y revins et cette vallée charmante me réchauffa le cœur dans son sein exposé au soleil ; homme fait, j'ai passé doucement à Vaucluse mes meilleures années et les instants les plus heureux de ma vie. Vieillard, c'est à Vaucluse que je veux mourir dans vos bras.
La Sorgue, reine de toutes les fontaines
Au cours d’un premier séjour de deux ans, il rédigea De Viris Illustribus et le monumental poème latin Africa dont les neuf livres inachevés ont pour héros Scipion l’Africain. Son second séjour, d'un an, eut lieu en 1342, après la naissance de Tullia Francesca, sa fille naturelle. Jules Courtet, le premier historiographe du Vaucluse, se permit de commenter Pétrarque n’aima que Laure. C’est possible, sauf la distraction .
En 1346, il retourna à nouveau à Vaucluse. Il y écrivit De Vita Solitaria et Psalmi Penitentiales où il implorait la rédemption. Un an plus tard, il se rendit à Montrieux rencontrer son frère Gherardo. De retour de la Chartreuse, il composa De Ocio Religiosorum.
L’année 1351 marqua le commencement des trois séjours consécutifs du poète à Vaucluse. Au cours de ces trois années, où il fustigeait les mœurs de la Cour pontificale d’Avignon, il composa ses traités Secretum meum et De otio religioso.
La somme de travail qu'il accumula est impressionnante, car c'est dans le Vaucluse que prirent corps toutes ses œuvres poétiques et littéraires, le poète le reconnaît lui-même : En résumé, presque tous les opuscules qui sont sortis de ma plume et le nombre est si grand qu'ils m'occupent et me fatiguent encore jusqu'à cet âge ont été faits, commencés et conçus ici.
Ce qui est certain, c’est que François, rêvant et travaillant sur les rives de la Sorgue, cultivait autant ses amours platoniques pour Laure que sa réputation (bien établie de poète. La solitude de la Vallis closa lui servit à faire revenir la mémoire en arrière et à vagabonder par l'esprit à travers tous les siècles et tous les lieux. En dépit de sa gloire, il revenait toujours à son séjour de prédilection. Il y organisait sa vie et écrivit à Francesco Nelli, prieur de l'église des Saints-Apôtres à Florence : J'ai acquis là deux jardins qui conviennent on ne peut mieux à mes goûts et à mon plan de vie. J'appelle ordinairement l'un de ces jardins mon Hélicon transalpin, garni d'ombrages, il n'est propre qu'à l'étude et il est consacré à notre Apollon. L'autre jardin, plus voisin de la maison et plus cultivé, est cher à Bacchus.
Pétrarque, comblé d’honneurs, cultivait donc conjointement sa muse et ses vignes. Comme il le nota lui-même la fontaine de la Sorgue aurait été un lieu parfait de résidence si l'Italie avait été plus proche et Avignon plus lointaine. C'est de plus à sa plume qu'est dû le plus ancien croquis de la Fontaine. Il dessina en marge de son Histoire Naturelle de Pline la Sorgue jaillissante du rocher sommé d'une chapelle avec en premier plan un échassier. Il légenda transalpina solitudo mea jocundissimo

Vaucluse : solitude et fécondité

De retour en Provence, cherchant à fuir la vie agitée et corrompue d'Avignon toute bruissante des souvenirs de ses années les plus frivoles, il élit domicile à quelques lieues vers l'est, dans la solitude de Vaucluse, aux sources de la Sorgue, lieu qui restera longtemps son refuge sacré, son Hélicon. C'est dans cette retraite qu'en 1340 lui parvient, à la fois de Paris et de Rome, l'invitation à recevoir la couronne de poète qu'il avait sollicitée, certes par ambition, mais aussi pour célébrer finalement, après mille ans d'injurieux oubli, le retour au culte des études littéraires et de la poésie. C'est pourquoi, du reste, il accorde sans hésiter la préférence au Capitole sur la Sorbonne et c'est là que, le 8 avril 1341, après un examen solennel à Naples où il est reconnu digne de ce suprême honneur par ce roi ami des lettres qu'était Robert d'Anjou, il reçoit des mains du sénateur romain, Orso dell'Anguillara, la couronne de laurier qu'il va déposer en un geste symbolique sur la tombe de saint Pierre.

Ce que l'on a appelé la crise de Pétrarque suit de peu cet événement : après une nouvelle période de mondanités et de plaisirs en Avignon en 1343 naît sa fille naturelle Francesca, il s'engage avec fermeté vers une voie plus recueillie et plus ascétique. Il paraît excessif de parler de conversion ou de crise, alors que tant de vers, parmi les plus anciens, portent la trace de ses angoisses morales et religieuses. Le tourment intérieur qui s'aggrava au cours des années – peut-être en partie à la suite de la décision de son frère, compagnon joyeux de ses anciennes débauches, de se retirer à la chartreuse de Montrieux en Provence – se réduit au fond à une lutte entre une foi religieuse sincère et l'impossibilité d'y adapter sa conduite, en refusant les séductions et les honneurs terrestres : situation qu'il analyse lui-même avec une impitoyable lucidité dans le Secretum meum, Mon Secret, 1342-1343 : Plus d'une fois j'ai songé à secouer le joug ancien, mais il est fiché dans mes os... je mourrai au milieu de mes péchés, si le secours ne me vient pas du Ciel. Plus que de crise, il serait donc juste de parler d'une évolution au sens moral et culturel du terme ; cette évolution l'amène à considérer comme coupable son amour pour Laure, fût-il chaste et uniquement tendu vers la conquête du Bien, parce qu'il l'incite à aimer le Créateur à travers sa créature et non l'inverse, et que par là il témoigne de son attachement à la Terre. Cette même évolution le conduit à dépasser les limites d'une admiration trop exclusive pour l'Antiquité et à prêter l'oreille à de nouveaux et plus convaincants accents. Dans le De vita solitaria 1346-1371, l'antinomie entre culture classique et culture chrétienne paraît presque entièrement résolue ; la solitude, ce grand mythe littéraire que Pétrarque a légué au monde humaniste et moderne, est pour lui le point de rencontre de l'otium litterarum des Anciens et de l'ascétisme chrétien, théorie qu'il développe dans le De otio religioso Le Repos des religieux, 1347, où héros et maîtres à penser de l'Antiquité coudoient les prophètes, les saints et les Pères de l'Église. Ainsi le projet initial de De viris s'élargit-il, empruntant sa matière aussi bien à l'histoire sainte qu'à la profane.

Ces années voient se produire des événements qui ont joué un rôle primordial dans la vie et l'œuvre de Pétrarque : son enthousiasme désintéressé pour les rêves et les tentatives de Cola de Rienzo 1313 ou 1314-1354 pour instaurer un gouvernement populaire à Rome, attitude qui l'éloigne progressivement de la cure d'Avignon et l'amène en 1347 à rompre définitivement avec le cardinal Giovanni Colonna, la terrible peste de 1348 où périssent tant d'amis et Laure elle-même, la rencontre avec Boccace, la révélation de Quintilien en 1350, date que Pétrarque indique comme celle où il a renoncé pour toujours aux plaisirs des sens

Entre ces pôles décisifs, la vie de Pétrarque se déroule, alternant les missions diplomatiques innombrables avec les haltes méditatives et créatrices. L'automne 1343 le trouve à Rome et à Naples, envoyé par les Colonna en ambassade auprès de la reine Jeanne ; en décembre 1345, il est chez Azzo da Correggio, à Parme, où il complète le Rerum memorandarum libri, Des choses mémorables, 1343-1345, puis à Bologne et à Vérone, où – découverte capitale – il exhume les lettres de Cicéron Ad Atticum, Ad Quintum, Ad Brutum qui lui donnent l'idée de ses propres recueils de lettres ; à la fin de 1345, il retourne en Avignon, mais, presque immédiatement, il se réfugie dans son Vaucluse bien-aimé pour deux années d'intense ferveur spirituelle et d'activité littéraire Bucolicum carmen, 1346-1364 ; De vita solitaria, De otio religioso. En novembre 1347, il repart de l'Italie, sans doute en mission pour le compte de Cola, que la révolution de mai a porté à la tête de l'État romain, mais la chute du tribun le contraint à bifurquer vers Vérone et Parme où – à part quelques déplacements – il reste une année avant de s'installer à Padoue, où le prince Giacomo Novello da Carrara lui avait obtenu un fort avantageux canonicat ; dans cette ville, peuplée d'amis et de fidèles, il espérait mettre un terme aux vagabondages et aux voyages, mais le seigneur de Padoue est assassiné et le désir prend Pétrarque « de revoir les collines et les eaux et les bois et le fameux pont de la Sorgue... et de mettre la dernière main à certaines petites œuvres, de manière à achever là-bas, avec l'aide de Dieu, l'ouvrage commencé avec la même aide, Familiares, XI, XII. Rien, ni la visite de Boccace à Padoue, ni les entretiens intimes et graves avec son illustre contemporain, qui au nom de la Signoria vient lui offrir une chaire à l'université nouvellement créée de Florence, rien ne le retient. Il part en mai 1351 pour Vaucluse. À Vaucluse je fus enfant, et lorsque j'y suis retourné adolescent, l'amène vallée, par sa position riante m'a apporté réconfort. Homme, j'ai passé doucement à Vaucluse mes meilleures années, tissant de fils candides la trame de ma vie. À Vaucluse, je désire finir mes jours et il me plaît mourir, Familiares, XI, IV. En dépit de fréquentes apparitions en Avignon surtout pour intervenir en faveur d'amis, dont Cola, cette quatrième retraite est particulièrement féconde : il refond et remanie le Canzoniere, commence avec les Familiarum rerum libri env. 1349-1366 à donner vie à son projet de former un corpus de ses lettres, poursuit régulièrement la rédaction des Epistolae metricae 1348-1363, entame avec vigueur sa polémique contre les médecins, ennemis acharnés des Humanae Litterae, reprend et corrige nombre de ses précédents ouvrages. La visite à son frère, leurs saintes méditations dans la paix de la chartreuse semblent couronner idéalement, en 1353, cette période de profond recueillement.

La période italienne

La mort de ses amis les plus chers, " nous étions une foule, nous voici presque seuls ", Familiares, VIII, VII, l'hostilité du pape Innocent VI qui avait succédé en décembre 1352 au bienveillant Clément VI, les conflits de plus en plus âpres qui l'opposent à la curie d'Avignon à cause de Cola, de Rome et de sa polémique contre les médecins décident Pétrarque à quitter à jamais la Provence pour rentrer dans sa patrie ; en mai, du haut du Mont-Genèvre, il salue l'Italie avec une éloquence émue : " Salut terre très sainte, terre chérie de Dieu, terre douce aux bons, aux superbes redoutable ! "Epistolae metricae, III, XXIV.

Les lauriers d'Apollon

Sa notoriété était telle qu’en 1340, son maître et confesseur, le moine augustin François Denis de Borgo San Sepolchro, lui proposa de recevoir la couronne de lauriers à la Sorbonne où il professait. Les docteurs de Paris lui offraient cette distinction pour remercier celui qui permettait la renaissance des lettres, la redécouverte des textes anciens oubliés et ouvrait la voie aux humanistes.
Le Sénat romain lui fit la même proposition. Pétrarque eut donc le choix entre Paris et Rome. S’il opta pour la Ville Éternelle, ce fut avant tout pour être honoré par Robert d’Anjou, roi de Naples et comte de Provence. Car, expliqua-t-il, Le roi de Sicile est le seul que j’accepterai volontiers parmi les mortels comme juge de mes talents .
Au cours de l’année 1341, Pétrarque quitta momentanément sa retraite de Vaucluse et sa chère fontaine pour se rendre en Italie. Le Vauclusien fut d’abord accueilli, en mars, par le roi Robert à Naples qui allait juger s’il était digne d’être couronné des lauriers d’Apollon comme prince des poètes.
Durant trois jours, Pétrarque se soumit publiquement à son jugement. Le premier jour, il discourut longuement sur l’utilité de la poésie ; le second, le roi l’interrogea sur des sujets allant de la métaphysique aux phénomènes naturels, de la vie des grands hommes à ses voyages à Paris ; le troisième, après lecture de quelques extraits de l'Africa, le souverain le déclara digne des lauriers et proclama Nous l’engageons dans notre maison pour qu’il soit possesseur et jouisse des honneurs et privilèges que possèdent les autres familiers, après avoir prononcé le serment d’usage. Ce que Pétrarque fit avec joie. Et le poète vauclusien proclama haut et fort :
"Heureuse Naples, à qui il est échu, par un singulier don de la Fortune, de posséder l’ornement unique de notre siècle ! Heureuse Naples, et digne d’envie, siège très auguste des Lettres ; toi qui parus déjà douce à Virgile, combien dois-tu le sembler davantage maintenant que réside en tes murs un juge si sage des études et des talents . "
Robert d’Anjou lui ayant proposé de le couronner à Naples, le poète insista pour l’être à Rome. Il partit donc en compagnie de Giovanni Barrili, chambellan royal et fin lettré, après avoir reçu des mains du roi l’anneau et le manteau pourpre aux fleurs de lys. Le 8 avril 1341, jour de Pâques, au cours d’une cérémonie qui se déroula au Capitole dans une pompe et une solennité extraordinaires, Pétrarque se vit remettre, par le sénateur Orso dell’Anguillara, la Couronne de laurier d’Apollon.
Dès lors, il fut porté aux nues par tout ce que l’Occident comptait de lettrés.
Mais ces lauriers si désirés déçurent rapidement le poète vauclusien. Cette couronne n’a servi qu’à me faire connaître et me faire persécuter écrivit-il à l’un de ses amis. Il confia à un autre Le laurier ne m’a porté aucune lumière, mais m’a attiré beaucoup d’envie. François Pétrarque adorait égratigner mais ne supportait pas de l’être.
Il quitta Rome et ses lauriers à l'invitation d'Azzo di Correggio, seigneur de Parme qui lui offrit l'hospitalité pour un an. Là, il découvrit et chérit sa seconde solitude à Selvapina.

Pétrarque et l’idéalisation de Rome

Rome, où le poète avait été couronné, devint dès lors pour lui une obsession. Vénérant et idolâtrant cette ville plus que toute autre, il écrivit à son propos :
Rome, la capitale du monde, la reine de toutes les villes, le siège de l'empire, le rocher de la foi catholique, la source de tout exemple mémorable.
Cette glorieuse cité ruinée, capitale d’un empire, devait retrouver tout son lustre. Pétrarque, partisan des gouvernements populaires, vit d’un bon œil la politique qu’y menait Nicola Gabrino, dit Cola di Rienzo. Mais, pour que Rome redevienne Rome, il fallait surtout que la papauté délaissât les berges du Rhône pour retourner sur celles du Tibre.
En 1342, travaillé par une profonde crise spirituelle due à sa lecture des textes de Saint Augustin, il quitta Vaucluse pour revenir à Avignon. Là, il demanda à Clément VI de retourner à Rome qui bouillonnait de révolte sous la férule du jeune et brillant de Cola di Rienzo. Ce fut une fin de non-recevoir.
Un an plus tard, il arriva à Avignon à la tête d’une ambassade italienne. Le tribun et le poète ne purent que sympathiser. Ne venait-il pas demander au Souverain Pontife de quitter Avignon pour Rome ? Lors de sa réponse, le pape ne daigna pas aborder ce sujet mais accorda aux Romains un jubilé pour l’année 1350. Déçu, le poète retourna à sa chère maison de Vallis Closa ruminer contre Clément quelques acerbes clémentines.
Le pape le sortit rapidement de sa réserve et le chargea d’une ambassade à Naples au cours de ce mois de septembre 1343. Arrivé sur place, il constata que le Royaume était comme un navire que ses pilotes conduisaient au naufrage, un édifice ruiné soutenu par le seul évêque de Cavaillon. Pétrarque dénonça à Clément VI la camarilla qui entourait Jeanne et mit particulièrement en cause un certain fra Roberto qu’il accusa d’être responsable de la décrépitude de la Cour napolitaine.
Un an plus tard, le poète vauclusien, retourné à ses chères études, commença la rédaction des quatre livres de Rerum Memorandorum. Il reprit foi dans le devenir de Rome quand, en 1347, Rienzo se fit élire Tribun. Pétrarque rompit alors avec le cardinal Giovanni Colonna et partit rejoindre la Ville Éternelle pour le soutenir.
La déception fut à la hauteur de l’espoir. Chassé de Rome le 15 décembre 1347 aux cris de Mort au tyran, Rienzo fut contraint de se réfugier chez les franciscains spirituels puis à Prague auprès de l'empereur Charles IV de Luxembourg. Celui-ci le fit incarcérer puis l'envoya à Avignon, où il fut emmuré pendant un an au Palais des Papes dans la Tour du Trouillas.
Pétrarque commença à se poser des questions sur celui en qui il voyait l'homme providentiel capable de faire renaître la splendeur de la Rome antique. Il écrivit à son ami Francesco Nelli :
Nicolas Rienzi est venu dernièrement à la Curie, pour mieux dire, il n'est pas venu, il y a été amené prisonnier. Jadis tribun redouté de la ville de Rome, il est maintenant le plus malheureux de tous les hommes. Et pour comble d'infortune, je ne sais s'il n'est pas aussi peu digne de pitié qu'il est malheureux, lui qui, ayant pu mourir avec tant de gloire au Capitole, a à supporter à sa grande honte et à celle de la République romaine d'être enfermé dans la prison d'un Bohème puis dans celle d'un Limousin.
Un an plus tard, il envoya une lettre à Rienzo dans laquelle il put lire : Vous me ferez dire ce que Cicéron disait à Brutus : Je rougis de vous .
Incarcéré à Avignon, Rienzo est resté prisonnier jusqu’au 3 août 1353. Rappelé à Rome par le cardinal Gil Álvarez Carrillo de Albornoz, il n'échappa pas à son destin et mourut lors d'une nouvelle émeute du peuple romain.

retour aux sources

Grâce à l'intervention de l'archevêque Giovanni Visconti, il s'installe à Milan, où, à part quelques rares parenthèses, il reste huit ans 1353-1361, bien que ses amis, surtout florentins, ne lui ménagent pas les reproches pour être devenu, lui naguère le défenseur de la liberté et de la solitude, le thuriféraire des tyrans ennemis de sa patrie, installé dans une ville bruyante, collaborateur actif d'une ambitieuse politique de conquête. Pourtant cette époque milanaise est une des plus heureuses et des plus fécondes de sa vie. Il termine la première véritable édition de ses Rime, se consacre aux Familiares, achève de composer le De remediis utriusque fortunae 1354-1360, travaille aux Triomphes Trionfi, 1351-1374, compose l'Invectiva 1355 contre le cardinal Jean de Caraman et l'Itinerarium syriacum, revoit et ordonne ses écrits précédents. C'est au cours de cette période d'intense activité littéraire qu'il accueille dans sa maison Boccace et, comme pour symboliser leur parfaite entente spirituelle, il plante dans son jardin des lauriers fatidiques. Cette entente se maintiendra et se renouvellera jusqu'à sa mort par un constant échange de correspondance, de nouvelles, de livres, d'amis et surtout par d'autres rencontres toujours stimulantes et riches. Cette amitié exaltante, la plus féconde des lettres italiennes, prend la forme d'une action commune pour le renouvellement, à la fois chrétien et classique, de la culture italienne, voire européenne. En 1361, fuyant la peste qui ravageait la plaine du Pô, il se réfugie à Venise, " ville auguste, seul réceptacle à notre époque de liberté, de paix et de justice, dernier refuge des bons, port unique où peuvent trouver abri les vaisseaux de ceux qui aspirent à la tranquillité" Seniles, IV, III. La Signoria fait don d'une maison sur la Riva degli Schiavoni à l'homme " dont la renommée est telle dans le monde entier qu'aussi loin qu'on remonte dans le temps il n'y eut jamais, parmi les chrétiens, poète qui puisse lui être comparé", et Pétrarque promet de léguer à sa mort tous ses livres à la République de Venise. Sa fille Francesca, son mari et leur petite fille Eletta viennent le rejoindre et leur bonheur réjouit ce père affectueux, en 1361, son fils Giovanni, natus ad laborem ac dolorem meum ", était mort de la peste. Il prend une part active à la vie et à la politique de la cité, ce qui ne l'empêche pas de poursuivre son œuvre littéraire dans la sérénité.

Mais l'affront qu'il subit, sans que la ville de Venise s'en émeuve de la part de quatre jeunes disciples d'Averroès qui, tout en reconnaissant qu'il est bon homme, voire excellent, le taxent d'illettré, tout à fait ignare parce qu'il croit plus au Christ et à l'Église qu'aux doctrines attribuées à Aristote, le détermine, après avoir répondu à ses détracteurs par le De sui ipsius et multorum ignorantia 1371, à changer une fois de plus de résidence et à se fixer à Padoue où il demeure jusqu'à sa mort, faisant la navette entre son domicile padouan et la maison qu'il avait acquise à Arquà, son dernier refuge.
Après le départ de sa fille pour Pavie, sa solitude spirituelle s'accentue, en dépit de l'amitié et de la dévotion dont il est entouré. On le pressent encore pour des missions politiques : en avril 1368, il va, en compagnie du seigneur et de l'évêque de Padoue, à la rencontre de l'empereur Charles IV qui, allié de la ligue contre les Visconti, descend en Italie ; puis il se rend à Pavie et à Milan à l'occasion des noces de Lionel, puîné du roi d'Angleterre, et passe, objet de vénération, entre les armées ennemies.
En 1370, heureux de voir enfin réalisé son grand rêve du retour de la papauté à Rome, il s'achemine vers la Ville éternelle sur l'invitation d'Urbain V, mais une syncope lui interdit de poursuivre sa route. En 1372, il accompagne pourtant le fils du seigneur de Padoue Francesco Novello, battu par Venise, pour aller implorer son pardon à la Sérénissime ; à cette occasion, il prononce un discours.
Toutefois, il ne cesse de travailler, remaniant encore et toujours ses œuvres anciennes dont l'édition définitive de ses poésies, mais entreprenant également des ouvrages nouveaux : De gestis Caesaris, l'Invectiva contra eum qui maledixit 1373, contre Jean Hesdin, les dernières parties des Triomphes ; enfin il traduit en latin la centième nouvelle du chef-d'œuvre de son ami Boccace, celle de Griselda. Quand la mort le surprend, il travaillait seul dans le bureau de sa résidence d'Arquà : on le découvre le lendemain matin, le front incliné, d'après une pieuse légende, sur un manuscrit de son Virgile bien-aimé.

La mort de Laure et le Canzoniere

Laure, le 6 avril 1348, vingt et un ans jour pour jour après sa rencontre avec Pétrarque, Laure, le parangon de toutes les vertus, trépassa, sans doute atteinte de la Peste Noire. Pétrarque était alors en ambassade auprès du roi Louis de Hongrie. Ce fut son ami Louis Sanctus de Beeringen qui, le 27 avril, lui envoya un courrier d’Avignon pour l’informer. Pétrarque reçut la missive le 19 mai. Outre la mort de l’aimée, elle l’informait qu’Avignon était vidé de ses habitants les plus notables, réfugiés dans les campagnes avoisinantes et que sept mille demeures étaient fermées.
De plus, le 3 juillet, son ami et protecteur, le cardinal Giovanni Colonna, décédait à son tour du mal contagieux. C'est à lui qu'en 1338, il avait confessé son amour pour Laure, cette dame de rang élevé, dont l'image le poursuivait dans ses pérégrinations et dans sa solitude de Vaucluse. Effondré, le poète ne put qu’écrire La postérité pourra-t-elle croire à tant de malheurs ?. Mais, son naturel reprenant le dessus, il composa un sonnet où il explique que la mort paraissait belle sur son beau visage. Celui-ci reste un des sommets de la poésie de Pétrarque, l'une des images les plus parfaites du concept idéal incarné par Laure.
Il ne lui restait plus qu’à compiler ses différents sonnets pour composer le Canzoniere dit encore Rime Sparse ou Rerum Vulgarum Fragmenta. Dans sa première partie, In Vita di Madonna Laura, le poète apparaît tourmenté par sa passion amoureuse, l'humaniste épris de vie et de gloire se heurte au chrétien cherchant à renier toutes ses faiblesses. Dans la seconde, In Morte di Madonna Laura, les tourments du poète se sont apaisés et Laure, transfigurée par la mort, devient plus tendre et plus accessible pour un François dont l'amertume a laissé place à la mélancolie.
Des poèmes qui allaient faire pendant des siècles le tour de l’Europe entière. Grâce à eux, Laure et Pétrarque entrèrent dans l'imaginaire amoureux au même titre que Tristan et Iseut ou Roméo et Juliette. L’impossible amour de Messer Francesco pour Madonna Laura avait, de toute éternité, trouvé son cadre sur les rives de la Sorgue. Il avait suffi de la magie d’une rencontre pour que le génie d’un des plus grands poètes puisse le magnifier. Car si Vaucluse est le lieu où germèrent les Épitres, c'est aussi et surtout la vallée dans laquelle l'amant de Laure vagabonda de pensée en pensée, de monts en monts.

Le départ pour l'Italie...

Si les rapports de Pétrarque avec Clément VI avaient été quelquefois tendus, une estime réciproque unissait les deux hommes. Mais sentant venir la fin de ce pontife, le 16 novembre 1352, le poète voulut quitter définitivement sa retraite de Vaucluse. Surpris par une pluie torrentielle, il dut s'arrêter à Cavaillon. Là, il apprit que les routes vers l'Italie étaient bloquées soit par la neige, soit par des soldats débandés. Il préféra faire demi-tour.
Ses relations avec le nouveau pape Innocent VI furent peu amènes. Il faut dire que le poète avait pris en grippe non seulement la Curie mais aussi les physiciens de la Cour pontificale dont l'illustre Guy de Chaulhac et que son soutien affiché à Rienzo et ses partisans, contre lesquels luttait le cardinal Albornoz en Italie, lui avait valu l'hostilité du nouveau Souverain Pontife.
Il préféra quitter Vaucluse et le Comtat Venaissin pour aller se faire oublier en Italie. Avant son départ, il s’arrêta à la Chartreuse de Montrieux pour y rencontrer son frère Gérard. Pétrarque passa la frontière au Montgenèvre en mai 1353. La vue de son pays d'origine du sommet du col souleva son émotion littéraire et il versifia :
"Salut terre très sainte, terre chérie de Dieu, terre douce aux bons, aux superbes redoutable."
Il avait quitté le village de Vaucluse au bon moment. En effet, le jour de Noël de cette même année, une bande de pillards pénétra dans la Vallis Clausa et la maison du poète fut brûlée.

... et l’impossible retour à Florence

En route à Padoue, Pétrarque se vit remettre une lettre du Sénat de Florence par l’intermédiaire de son ami Boccace. Elle lui proposait de venir enseigner à l’Université florentine qui venait d'ouvrir et de rentrer en possession des biens paternels. Dans leur missive, les sénateurs florentins le couvraient de louanges :
Illustre rejeton de notre patrie, il y a longtemps que votre renommée a frappé nos oreilles et remué nos âmes. Le succès de vos études et cet art admirable dans lequel vous excellez vous ont valu le laurier qui ceint votre front et vous rendent digne de servir de modèle et d’encouragement à la postérité. Vous trouverez dans les cœurs de vos compatriotes tous les sentiments de respect et d’affection auxquels vous avez tant de droit. Mais, afin qu’il n’y ait rien dans votre patrie qui désormais puisse encore vous blesser, nous vous accordons, de notre propre libéralité et par un mouvement de tendresse paternelle, les champs jadis ravis à vos ancêtres, qui viennent d’être rachetés des domaines publics. Le don est faible en lui-même, sans doute, et peu proportionné à ceux que vous méritez, mais vous l’apprécierez davantage si vous avez égard à nos lois, à nos usages, et si vous vous rappelez tous ceux qui n’ont pu obtenir une semblable faveur. Vous pouvez donc, à l’avenir, habiter dans cette ville qui est votre patrie. Nous nous flattons que vous n’irez pas chercher ailleurs les applaudissements que le monde vous donne et la tranquillité que vous aimez. Vous ne rencontrerez pas parmi nous des César et des Mécène. Ces titres nous sont inconnus. Mais vous rencontrerez des compatriotes zélés pour votre gloire, empressés à publier vos louanges et à étendre votre renommée, sensibles à l’honneur d’avoir pour concitoyen celui qui n’a pas d’égal dans le monde. Nous avons résolu, après mûre délibération, de relever notre ville en y faisant fleurir les sciences et les arts ; c’est par là que Rome, notre mère, acquit l’empire de toute l’Italie. Or il n’y a que vous qui puissiez remplir nos vœux. Votre patrie vous conjure, par tout ce qu’il y a de plus saint, par tous les droits qu’elle a sur vous, de lui consacrer votre temps, de présider à ses études et de concourir à lui donner ainsi un éclat qu’enviera le reste de l’Italie. Les magistrats, le peuple et les grands vous appellent ; vos dieux pénates et votre champ recouvré vous attendent. S’il y a dans notre style quelque chose qui vous blesse, ce doit être un motif de plus pour vous porter à vous rendre à nos vœux : vos leçons nous seront nécessaires. Vous faites la gloire de votre patrie, et c’est à ce titre que vous lui êtes si cher ; c’est à ce titre qu’elle vous chérira davantage si vous cédez à ses instances.

Pétrarque répondit négativement :

"J’ai assez vécu, mes chers compatriotes, suivant l’axiome du sage, qu’il faut mourir quand on n’a plus rien à désirer… Hommes illustres et généreux, si j’avais été auprès de vous, aurais-je pu solliciter rien de plus que ce que vous m’avez accordé en mon absence, et lorsque je ne le sollicitais pas ! Comblé de vos faveurs, j’oserais m’approprier la réponse que fit Auguste au Sénat, en versant des larmes : Arrivé au comble de mes vœux, que puis-je demander aux dieux si ce n’est que votre bonne volonté dure autant que ma vie ! Jean Boccace, interprète de votre volonté et porteur de vos ordres, vous dira combien je désire vous obéir et quels sont mes projets pour mon retour. Je les lui ai confiés. En vous remettant cette lettre, il vous fera connaître mes sentiments ; je vous prie de croire à ses paroles comme si je vous parlais moi-même. Fasse le ciel que votre république soit toujours florissante".
Et il ne retourna jamais à Florence.

L’ambassadeur des Visconti

À l'invitation de l'archevêque Giovanni Visconti, il se fixa à Milan d'abord dans une petite maison près de Saint-Ambroise puis au monastère de Saint-Simplicien-hors-les-murs. Au cours des neuf années de son séjour lombard, il exerça à nouveau sa verve contre Guy de Chaulhac en publiant Invective contre un médecin.
En 1356, Barnabò et Galeazzo Visconti, potentats de Milan qui venaient de succéder à leur oncle Giovanni, le chargèrent de se rendre à Prague auprès de l’empereur Charles IV de Luxembourg. Sa présence en Lombardie n’empêcha point Innocent VI d’utiliser ses talents d’ambassadeur auprès du doge Giovanni Dolfin en 1357.
Le 13 janvier 1361, à Villeneuve-lès-Avignon, arriva l’ambassadeur de Galeazzo Visconti en l’Hôtel du Dauphin. C’était François Pétrarque. Après un discours d’une rare éloquence, il remit au roi de France, de la part du Milanais, la bague sertie d’un diamant perdu par Jean II à Maupertuis. Puis il offrit au Dauphin Charles une autre bague montée d’un rubis. Ravi, le roi voulut retenir le poète à sa Cour mais Pétrarque préféra rejoindre Milan.
À son retour, son fils Giovanni venait de mourir de la peste. Fuyant l'épidémie qui ravageait la plaine du Pô, il quitta les Visconti et se réfugia à Padoue à l'invitation de Francesco da Carrara. Il se rendit ensuite à Venise, en 1362, où il fut accueilli par le doge Lorenzo Celsi. Dithyrambique, le poète proclama :
"Ville auguste, seul réceptacle à notre époque de liberté, de paix et de justice, dernier refuge des bons, port unique où peuvent trouver abri les vaisseaux de ceux qui aspirent à la tranquillité"
Il allait y rester cinq ans et fut rejoint par sa fille et son gendre. Le couple venait d'avoir une petite fille, Eletta. Au cours de ce séjour, il termina De Remediis et Familiari ainsi que son recueil Senili. Pour répondre aux attaques de jeunes vénitiens averroïstes, il composa De sui ipsius et multorum ignorantia, dégoûté d'avoir été traité d'ignorant par ce groupe.

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Posté le : 19/07/2014 18:59
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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