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Nathalie Sarraute
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Le 19 octobre 1999, à Paris meurt à 99 ans Nathalie Sarraute

Natalia Natacha devenue Natalie Tcherniak née à Ivanovo-Voznessensk, en Russie, le 5 juillet 1900, écrivain, romancière, dramaturge, avocat. française d'origine russe. Elle appartient au mouvement du Nouveau Roman, elle reçoit le prix International. Ses Œuvres principales sont Tropismes en 1939, L'Ère du soupçon en 1956, Les Fruits d'or en 1963, Enfance en 1983
Elle est la mère de Claude Sarraute, journaliste, romancière et comédienne, d'Anne Sarraute, assistante de réalisation, chef monteuse et secrétaire de rédaction de La Quinzaine littéraire et de Dominique Sarraute photographe.

En bref

Si l'on peut faire remonter au recueil de L'Ère du soupçon, paru en 1956, le rayonnement de l'œuvre de Nathalie Sarraute, l'une des plus neuves et des plus marquantes de notre époque, c'est parce que s'y trouve alors abordée pour la première fois l'idée d'une crise du roman, idée partagée par un certain nombre d'écrivains dont l'œuvre serait rangée sous l'étiquette du Nouveau Roman. Il ne s'agissait pourtant pas là d'un manifeste ni d'un programme dont les livres à venir ne seraient que l'application. L'origine de cette œuvre n'a rien de théorique ; il faut la chercher dans ces premiers textes, écrits entre 1932 et 1937, ces Tropismes qui constituent la substance vivante d'un patient travail d'exploration. À quel point ces actions intérieures, ces mouvements indéfinissables sont enracinés dans l'expérience de l'individu, le texte d'Enfance 1983 le révèle mieux que jamais : dans ce livre, en effet, l'entreprise de l'écriture remonte vers ce dont elle est issue, vers ces moments d'intensité qui subsistent dans les souvenirs d'enfance, vers ces impressions confuses et fondamentales que l'œuvre n'a cessé de désigner comme la source secrète de notre existence.

Sa vie

" Je ne suis rien d'autre que ce que j'ai écrit "

Russe par sa famille, française par son éducation, Nathalie Sarraute, née Natalia Ilinitchna Tcherniak, voit le jour le 5 juillet 1900 à Ivanovo-Voznessensk, près de Moscou, dans une famille de la bourgeoisie juive assimilée, aisée et cultivée. Son père, docteur ès sciences, y avait installé une usine de produits chimiques, sa mère était écrivain. Ses parents, Ilya Tcherniak et Pauline Chatounowski, divorcent alors qu'elle est âgée de deux ans. Sa mère l'emmène vivre avec elle à Genève, puis à Paris, où elles habitent dans le cinquième arrondissement, avec sa mère. Chaque année, elle passe un mois avec son père, soit en Russie soit en Suisse, elle fait des séjours en Russie jusqu'en 1909. A partir de cette date elle reste à Paris, cette fois avec son père, remarié à son tour. La France sera bien davantage qu'un pays d'adoption. Comme Enfance l'évoque, Natalia va à l'école maternelle de la rue des Feuillantines, puis au lycée Fénelon, c'est l'expérience de la scolarité, d'abord à l'école communale puis au lycée Fénelon, qui permet à l'enfant d'échapper à l'univers instable des sentiments non formulés, de se constituer par la maîtrise de la langue un monde propre et un refuge, d'y découvrir son pouvoir et son identité. . Ensuite Natalia Tcherniak ira de nouveau vivre en Russie, à Saint-Pétersbourg, avec sa mère et le nouveau mari de celle-ci, Nicolas Boretzki. Ilya Tcherniak, le père de Natalia, qui connaît des difficultés en Russie du fait de ses opinions politiques, sera quant à lui contraint d'émigrer à Paris. Il va créer une usine de matières colorantes à Vanves. La jeune Natalia grandit aussi près de son père à Paris et avec Véra, la seconde femme de son père, et bientôt sa demi-sœur Hélène, dite Lili. Cette période, entre 1909 et 1917, sera difficilement vécue par Nathalie Sarraute. Après une double licence, d'anglais et de droit, un séjour à Oxford en 1920-1921 pour y préparer un B.A., Nathalie s'inscrit comme stagiaire au Barreau et, en 1925, elle épouse un avocat, Raymond Sarraute. Mais l'activité professionnelle cédera bientôt la place à la lente élaboration d'une série de vingt-quatre textes brefs, Tropismes, point de départ et cœur de l'œuvre.
Elle reçoit une éducation cosmopolite et, avant de trouver sa voie, poursuit d'ailleurs des études diverses : elle étudie parallèlement l'anglais et l'histoire à Oxford, ensuite la sociologie à Berlin, puis fait des études de droit à Paris. Elle devient ensuite avocate, inscrite au barreau de Paris. En 1925, elle épouse Raymond Sarraute, avocat comme elle. Elle a alors 25 ans. De cette union naissent trois enfants : Claude née en 1927, Anne née en 1930 et Dominique.
Parallèlement, Nathalie Sarraute découvre la littérature du XXe siècle, spécialement avec Marcel Proust, James Joyce et Virginia Woolf, qui bouleversent sa conception du roman. En 1932, elle écrit les premiers textes de ce qui deviendra le recueil de courts textes Tropismes où elle analyse les réactions physiques spontanées imperceptibles, très ténues, en réponse à une stimulation :
mouvements indéfinissables qui glissent très rapidement aux limites de la conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir. Tropismes sera publié en 1939 et salué par Jean-Paul Sartre et Max Jacob."
En 1940, Nathalie Sarraute est radiée du barreau à la suite des lois anti-juives et décide de se consacrer alors à la littérature. Elle a 41 ans. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle héberge un temps Samuel Beckett, dramaturge du théâtre de "l'absurde" alors recherché par la Gestapo pour ses activités de résistance. Elle réussira à rester en Île-de-France avec plusieurs changements d'adresse et de faux papiers, elle sera contrainte de divorcer pour protéger Raymond d'une radiation du barreau.
En 1947, Jean-Paul Sartre écrit la préface de Portrait d'un inconnu, qui sera publié un an après par Robert Marin. Mais il lui faudra attendre la publication de Martereau 1953 pour commencer à connaître le succès. Le livre paraît chez Gallimard et elle restera désormais fidèle à cette maison d'édition.

En 1960, elle compte au nombre des signataires du Manifeste des 121.

En 1964, elle reçoit le Prix international de littérature pour son roman Les Fruits d'Or. C'est la consécration.
Parallèlement à son œuvre romanesque, elle commence à écrire pour le théâtre, à l'invitation d'une radio allemande. Le Silence paraîtra en 1964, Le Mensonge deux ans plus tard. Suivront Isma, C'est beau, Elle est là et Pour un oui ou pour un non. Ces pièces suscitent rapidement l'intérêt des metteurs en scène. Ainsi, Claude Régy crée Isma en 1970, puis C'est beau en 1975 et Elle est là en 1980 ; Jean-Louis Barrault crée en 1967 Le Silence et Le Mensonge à l'Odéon, pièces que montera plus tard Jacques Lassalle 1993 pour l'inauguration du Vieux Colombier en tant que deuxième salle de la Comédie-Française. Simone Benmussa adapte son autobiographie Enfance pour la scène 1984, à Paris Théâtre du Rond-Point, puis à New York sous le titre Childhood 1985 et crée ensuite Pour un oui ou pour un non création en France, 1986, Théâtre du Rond-Point - création mondiale à New York par S.B. sous le titre For no good reason 1985. Simone Benmussa réalise aussi le film Portrait de Nathalie Sarraute, avec Nathalie Sarraute production Centre Georges Pompidou et Éditions Gallimard, sélectionné dans "Perspectives du cinéma français" pour le Festival de Cannes de 1978.

Nathalie Sarraute meurt à Paris le 19 octobre 1999 alors qu'elle travaille à une septième pièce et est inhumée à Chérence, dans le Val-d'Oise.

Les enjeux de l'écriture

En 1956, Nathalie Sarraute publie l'Ère du soupçon, essai sur la littérature qui récuse les conventions traditionnelles du roman. Elle y décrit notamment la nature novatrice des œuvres de Woolf, de Kafka, de Proust, de Joyce et de Dostoïevski. Elle devient alors, avec Alain Robbe-Grillet, Michel Butor ou encore Claude Simon, une figure de proue du courant du nouveau roman.

Sarraute ambitionne d’atteindre une matière anonyme comme le sang, veut révéler le non-dit, le non-avoué, tout l’univers de la “sous-conversation”. N'a-t-on pas dit d'elle qu'elle s'était fixé pour objectif de peindre l'invisible ? Elle excelle à détecter les innombrables petits crimes que provoquent sur nous les paroles d’autrui. Ces paroles sont souvent anodines, leur force destructrice se cache sous la carapace des lieux communs, gentillesses d’usage, politesses… Nos apparences sans cesse dévoilent et masquent à la fois ces petits drames.

Le terme tropisme, emprunté au langage scientifique, désigne l'orientation des plantes en fonction de leur milieu. Chez Sarraute, qui a intitulé sa première publication Tropismes, ce vocable renvoie à des mouvements intérieurs presque insensibles dus à des causes extérieures: phrases stéréotypées, conventions sociales. Sous la banalité apparente de ces conventions langagières, il existe en effet des rapports humains complexes, des sentiments intenses, voire violents, sensations d'enfermement, d'angoisse, de panique. Sarraute les décrit comme des mouvements instinctifs, déclenchés par la présence d'autrui ou par les paroles des autres. Tropismes, refusé par Gallimard et par Grasset, ne sera reconnu par la critique qu'une quinzaine d'années après sa parution.

" Des mouvements qui émergeaient de la brume "

Les cinq années nécessaires à la rédaction de Tropismes semblent témoigner de la difficulté de l'entreprise. Il s'agissait de transcrire les impressions produites par des mouvements intérieurs, infimes et fugitifs, des affleurements incessants d'impulsions, de réactions, qui forment, aux limites mêmes de la conscience, la trame invisible de l'existence. Ces mouvements élémentaires, qui ne portent aucun nom et que Nathalie Sarraute baptisera d'un terme emprunté à la biologie, sont à l'origine de nos faits et gestes, de nos sentiments et de nos paroles. Antérieurs donc à tout langage, ils se développent dans ces régions marécageuses et obscures où l'écriture tentera de les rejoindre pour en exprimer la nature trouble et familière.
Le travail romanesque sera donc neuf en plusieurs sens. D'abord par l'objet poursuivi, ces « tropismes » qui ne se découvrent qu'au-delà des apparences et qui contraignent l'écrivain à déployer la vigilance d'un guetteur. Le but n'est pourtant pas d'approfondir grâce à eux l'analyse de certains caractères, de ces figures traditionnelles du roman que sont le jaloux, l'ambitieux ou l'amoureux. Ce malentendu ne peut qu'être le fait d'une lecture superficielle. Dans Portrait d'un inconnu 1948, sous le regard d'un narrateur obsédé par le couple formé par un vieil homme et sa fille, semblent se constituer des types familiers, l'avare égoïste, la fille sacrifiée. Est-ce de la psychologie ? À cette question posée par Sartre dans la Préface qu'il écrivit en 1947 pour cet anti-roman peut répondre le premier article de L'Ère du soupçon, De Dostoïevski à Kafka, paru en 1947 dans Les Temps modernes : l'écrivain doit-il vraiment choisir entre un roman psychologique, issu du maître russe, et un courant plus moderne, celui du roman métaphysique ? Dans celui-ci apparaîtrait l'homme absurde du XXe siècle, l'individu absent à lui-même et si réduit à ses seules apparences qu'il ne peut qu'être l'objet d'une description extérieure. S'il n'y a rien derrière cette surface, le roman doit renoncer à l'investigation psychologique comme à un instrument démodé.
Pourtant, l'alternative n'est pas fondée et l'écrivain l'abandonne dès lors que se pose de façon radicale la question de savoir ce qu'il poursuit par le langage de la fiction. Pour Nathalie Sarraute, d'un romancier à l'autre le but est toujours le même : c'est la mise au jour d'états inexplorés, d'états baladeurs, communs à tous les hommes, si instables et si universels que le personnage, qui n'en est au fond que le simple support, peut disparaître. Il faut donc renoncer au débat sur la nature psychologique du roman, ou modifier le sens de l'expression. Ce n'est pas sur le caractère d'un personnage que porte l'investigation soupçonneuse et passionnée d'un observateur, narrateur ou romancier, mais sur ces remous, ces fluctuations, ces tourbillons anonymes qui se dissimulent derrière la familiarité rassurante d'un type . Le caractère n'est pas cerné par le récit à force de pénétration, au contraire, il est dissous, désintégré, et le récit montre, derrière le bloc figé des apparences, l'informe, le non-nommé, le grouillement vivant, la matière secrète et vagabonde de toute existence.

" Plonger le lecteur dans le flot de ces drames souterrains "

Une autre nouveauté de ce travail est alors évidente. Si le principe de personnages aux caractères bien définis est remis en question, l'action dramatique, liée par tradition aux caractères des héros, ne peut que s'en trouver profondément modifiée. Elle se déplace de cette surface où semblent se dérouler les événements d'une fiction, vers ces palpitations souterraines dont les péripéties incessantes se découvrent plus riches et plus réelles. Ce sont les variations des tropismes, le nuage de leurs modifications, qui vont former la substance du récit. L'action traditionnelle éclate, disparaît. Une quantité de drames infimes la remplacent, dont le déroulement dans la conscience de quelques individus donnera au livre l'aspect oscillant, infini et pourtant ordonné de ce ciel qu'observent les astronomes.
Martereau 1953 et Le Planétarium 1959 témoigneront, comme Portrait d'un inconnu, d'une sorte de jeu entre deux niveaux de l'action et de la lecture. Celui des personnages, maintenus à titre de simples apparences, et celui de leurs soubassements. Dans Martereau, le neveu-narrateur, l'oncle, la tante, Martereau lui-même, peuvent être saisis tantôt de l'extérieur, figures banales et stéréotypées, tantôt dans l'agitation des tropismes qui se déroule à l'arrière-plan de leurs actes et de leurs paroles, ce qui annule toute possibilité d'un jugement à leur égard. Ce qu'ils sont échappe, et le plus réel, cette part d'innommé que recherchait l'écrivain pour l'investir dans du langage, se révèle justement le plus ambigu. Chaque récit en recommence l'exploration sans jamais la terminer. Martereau peut ainsi proposer quatre actions dramatiques concurrentes qui pourraient se dérouler derrière l'échange de phrases identiques au cours d'un même dialogue. De même, dans Le Planétarium, les fragments apparents d'une intrigue en sont plutôt la parodie : déposséder la tante Berthe de son appartement, décider de l'achat d'un fauteuil, approcher Germaine Lemaire, l'écrivain célèbre, et s'infiltrer dans sa coterie ne sont que les occasions, les prétextes d'une mise à jour vertigineuse : celle du flux et du reflux des courants contradictoires qui nous habitent.

" Ces instants privilégiés où tout se détraque "

Tout se déconstruit, les personnages et l'action se désintègrent, à chaque moment de l'observation l'objet se dérobe ou se retourne. Le récit n' avance pas ; de tous côtés s'ouvrent des abîmes où le lecteur s'enfonce sans en voir jamais la fin. Ce qui captive ce lecteur de Nathalie Sarraute, ce n'est donc plus la paroi lisse d'un caractère déterminé ni le mouvement familier d'un récit classique ; ce sont plutôt, on peut le soupçonner, ces failles, ces points de rupture où l'apparence se déchire tandis que s'écroulent les certitudes. Mais c'est au prix d'une vigilance constante, d'une sorte d'état de guet ou d'alerte, que l'écrivain parvient à communiquer au lecteur par l'invention de formes nouvelles.
Avec Les Fruits d'or, qui obtient en 1964 le prix international de Littérature, l'œuvre de Nathalie Sarraute semble en effet prendre un tournant. Dans ce texte où s'ébauchent et se défont des jugements critiques portés sur un livre, ce qui des apparences avait été jusqu'alors conservé disparaît. Plus de personnages, mais de simples pronoms, il, elle, eux, dans leurs tâtonnements intérieurs, leurs élans, leurs reculs. Mouvements presque tactiles auxquels se plient des phrases qui en imitent la démarche. Dans les premiers textes de Tropismes, l'écriture cherchait déjà les images capables d'éveiller chez le lecteur les mêmes impressions, de lui faire percevoir ces irradiations sensibles dont est porteur le moindre mot ; déjà l'ordre temporel était perturbé, ralenti à l'extrême, n'était plus celui de la vie réelle, mais celui d'un présent démesurément agrandi. Avec Les Fruits d'or, d'autres conventions disparaissent, comme celle d'un découpage du livre en chapitres. Les paragraphes se séparent les uns des autres, espacés par des intervalles, des blancs, qui marquent l'hésitation, la relance de la quête, l'ébranlement ou le retournement d'un point de vue. Et dans les phrases hachées, suspendues, cabrées semble se lire la difficulté d'approcher ces points fragiles de la surface, le danger d'y accéder par l'écriture, par le langage.
Car ce que l'œuvre circonscrit peu à peu, par une exploration de plus en plus fine de son territoire, c'est le rôle que joue la parole dans notre existence. Support de la communication, mais aussi instrument universel du jugement stéréotypé, de la manie de classer, du bavardage, du lieu commun, le langage va montrer tout à la fois qu'il est le grand responsable des apparences et le moyen de les dépasser.

" Quelque chose d'anodin, de familier au possible "

Fragments de phrases, rires, intonations, clichés, rumeurs, exclamations, silences : ce sont eux qui vont bientôt constituer l'univers du roman et celui du théâtre. Entre la vie et la mort 1968 essaie d'explorer le travail même d'un écrivain, cette relation difficile qu'il entretient avec les mots et avec la société ; Vous les entendez ? 1972, les perturbations profondes provoquées par un certain rire ; Disent les imbéciles 1976, l'influence de la construction factice de personnages sur la liberté de pensée. Partout le langage s'interroge sur son propre pouvoir, sur cette parole qui est l'arme quotidienne, insidieuse et efficace, d'innombrables petits crimes.
Dans l'œuvre écrite pour la scène, la recherche est identique. Nathalie Sarraute vient au théâtre en 1965, à la suite d'une commande de la radio allemande de Stuttgart. Ce seront Le Silence puis Le Mensonge, créés deux ans plus tard au théâtre de France dans une mise en scène de J.-L. Barrault. Les autres textes qui suivront manifestent souvent, par leur titre même, Isma, C'est beau, Pour un oui ou pour un non que le rôle principal est joué par un mot, par quelques mots, par une façon de les prononcer. Par ses tics, ses accents, ses réticences ou ses banalités, la parole est porteuse de drames qui se déclenchent à la première occasion. Il suffit d'un silence, d'un changement d'intonation pour qu'affleure cette sous-conversation qui se dissimule sous le bavardage. Par là se manifeste la force d'une écriture théâtrale qui tire d'elle-même, c'est-à-dire du dialogue et de ses ratés, les moments d'une action dramatique.
Si menaçant, trouble, explosif que soit ce pouvoir du langage, il semble pourtant, et l'œuvre en témoigne, qu'il soit aussi le moyen de combattre ses propres méfaits. Les mots, dont l'assemblage patient et nouveau tâchait de traduire cette part d'innommé que poursuit l'écrivain, sont aussi capables de combattre leur propre usure, leur lourdeur, leur tendance à pétrifier ce qui est vivant. L'Usage de la parole 1980 prend pour objet ces réactions imperceptibles produites en nous par les expressions les plus courantes : À très bientôt, Et pourquoi pas ?, Je ne comprends pas . C'est cet usage général, irresponsable et meurtrier de la parole que l'œuvre n'a cessé de dénoncer, soulevant la plaque de ciment » des conventions et des clichés, tâchant de cerner l'innommé, de déjouer les pièges de ce langage qui nous constitue.
Dans la déconstruction des formes traditionnelles du roman, Nathalie Sarraute rejoignait les préoccupations du groupe du Nouveau Roman. De toutes parts, cependant, son travail affirme sa singularité. Ce que semble chercher l'écriture, à travers les fragments d'un univers que les conventions ont cessé de souder, c'est l'épreuve de son propre pouvoir, la possibilité d'un usage vigilant, peut-être d'une innocence de la parole. Mais c'est aussi, depuis l'origine, la mise au jour de ces espaces intérieurs vers lesquels l'œuvre, patiemment, solitairement, ne cesse, livre après livre, de s'avancer à tâtons.

En 1983, Sarraute publie Enfance, qui fait revivre le monde disparu des émigrés russes à Paris au début du xxe siècle. Dans ce recueil de scènes isolées, l'auteur s'efforce de retrouver ce qui constitue sa personnalité, s'attachant en particulier à reconstituer ses premières rencontres avec les mots, le plaisir de la lecture et l'activité introspective de l'écriture. Écriture à deux voix, ce texte se présente sous la forme d'un dialogue entre l'écrivain et son double, qui soumet l'entreprise autobiographique à un contrôle à la fois constant et rigoureux. Ce qui n'empêche pas les inexactitudes comme l'anachronisme qui cite deux comédiennes avec un évident a posteriori : la première Véra Korene est en effet d'un an plus jeune qu'elle et la seconde entre tout juste au Français.

Œuvre

Romans

Portrait d'un inconnu, 1948, Robert Marin; réédition en 1956, Gallimard.
Martereau, 18 mai 1953, Gallimard.
Le Planétarium, 13 mai 1959, Gallimard.
Les Fruits d'or, 1963, Gallimard. Prix international de littérature.
Entre la vie et la mort, 22 avril 1968, Gallimard.
Vous les entendez ?, 17 janvier 1972, Gallimard coll. "Le Chemin".
"disent les imbéciles", 2 septembre 1976, Gallimard.
L'Usage de la parole, 8 février 1980, Gallimard.
Enfance, 1983, Gallimard.
Tu ne t'aimes pas, 1989, Gallimard.
Ici, 1995, Gallimard.
Œuvres complètes, 1996, Gallimard Bibliothèque de la Pléiade.
Ouvrez, 1997, Gallimard.

Théâtre

Le Silence, suivi de Le Mensonge, 1967, Gallimard.
Isma ou Ce qui s'appelle rien suivi de Le silence et Le mensonge, 1970, Gallimard coll. "Le Manteau d'Arlequin"
Théâtre contenant Elle est là E.O., Le Mensonge, Isma, C'est beau, 18 octobre 1978, Gallimard.
Pour un oui ou pour un non, 25 janvier 1982, Gallimard.

Essais

Tropismes, 1939, Denoël
L'Ère du soupçon, 1956, Gallimard coll. «Les Essais LXXX
Tropismes, 1957, Éditions de Minuit suppression d'un texte de l'édition originale de 1939 et ajout de six nouveaux
Paul Valéry et l'enfant d'éléphant, suivi de Flaubert le précurseur, 1986, Gallimard

Hommage

Une esplanade, séparant la halle Pajol de la rue Pajol dans le 18e arrondissement de Paris a été nommée Esplanade Nathalie-Sarraute en novembre 20132.

Liens
http://youtu.be/PMscmupgUn8 pour un oui, pour un non
http://youtu.be/v0cbEX118MA Tropismes
http://youtu.be/uovXq7Y-83M interview


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Posté le : 18/10/2014 18:49
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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