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Georges Clémenceau 2
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Le sénateur : anticléricalisme et anticolonialisme 1902-1906

Après dix ans d'absence, son retour à la vie parlementaire s'appuie sur ses nombreuses amitiés, mais aussi sur les résultats de ses campagnes d'agitation en faveur d'Alfred Dreyfus. Lorsqu'une place de sénateur inamovible se libère, ce qui provoque une élection partielle dans le Var, nombreux sont ceux qui l’incitent à poser sa candidature et se déclarent prêts à la soutenir. Réticent au départ, Clemenceau se laisse finalement convaincre par son éditeur, Stock, et surtout la délégation varoise menée par le maire de Draguignan. Une autre raison est que le général Mercier, ennemi acharné lors de l'Affaire Dreyfus, s'est fait élire sénateur. La décision du Tigre est saluée par Jaurès.
Bien que Clemenceau ait affirmé antérieurement son radicalisme et son socialisme, il reste à l'écart du nouveau Parti radical-socialiste, créé en 1901, ce qui ne l'empêche pas d'être soutenu dans le Var par les radicaux d'une part, des républicains indépendants d'autre part.
Le 6 avril 1902, le radical hostile au bicamérisme, qui dénonçait le Sénat comme une institution antirépublicaine vingt ans plus tôt est triomphalement élu avec 344 voix sur 474 votants, contre 122 pour son rival, un conseiller général radical-socialiste. Les législatives d'avril-mai 1902 voient la victoire du Bloc des gauches et la formation du cabinet Emile Combes.
Après la réaction cléricale et militariste provoquée par l'Affaire Dreyfus, l'ordre du jour républicain n'est autre que la séparation des Églises et de l'État revendiquée par le Tigre depuis des décennies. Cependant, dès la rentrée, son discours du 30 octobre 1902 étonne l'assemblée. Constituant selon l'historien Michel Winock une des bases de la philosophie républicaine en matière de laïcité et d'éducation, ce discours critique férocement la « politique romaine et le gouvernement romain, distingué de la religion catholique romaine, ces deux composantes formant l'Église romaine. Alors que la loi 1901 sur les associations visait uniquement les congrégations religieuses non autorisées, il pourfend la théocratie catholique et réclame la suppression pure et simple au nom de la liberté des congrégations religieuses, législativement » supprimées depuis 1790 :
Retirés du monde, les moines sont partout répandus dans le monde. La congrégation plonge ses racines dans tous les compartiments de l'État, dans toutes les familles. Et de toute sa puissance, elle enserre pour notre malheur cette société moderne, ce progrès, ce libéralisme que le Syllabus a condamné.
Il défend cependant la liberté d'enseignement, contestant, à l'encontre de Ferdinand Buisson qu'il cite et de la gauche républicaine, l'intérêt pour l'État du monopole de l'éducation :
l'État, au lieu de s'immobiliser dans le monopole, recevra de ses concurrents l'impulsion nécessaire à son propre développement d'éducateur.
Le Temps s'alarme de ce regain de jacobinisme tandis que Péguy, pas encore converti, publie ce discours dans les Cahiers de la quinzaine, avec le titre : Discours pour la liberté.
Il participe finalement à la chute du cabinet Combes, à la fois en raison de l'affaire des fiches et de la non-dénonciation du Concordat qui aurait dû, selon lui, être l'aboutissement de la crise provoquée par le voyage du président Loubet à Rome.
En avril 1905, lors des débats sur la loi de séparation des Églises et de l'État, Clemenceau passe à nouveau à l'attaque, cette fois-ci contre Aristide Briand et Jean Jaurès ; il s'oppose à leur frilosité à propos de l'article 4, qui concerne la dévolution de la propriété ecclésiastique aux associations cultuelles. Alors que le catholique Albert de Mun se félicite de ce grand coup donné à la loi, Clemenceau traite Briand de socialiste papalin et accuse la nouvelle formulation de l'article de mettre la société cultuelle dans les mains de l'évêque, dans les mains du pape ; voulant rompre le Concordat, la Chambre des députés est demeurée dans l'esprit du Concordat … au lieu de comprendre qu'elle aurait pour premier devoir d'assurer la liberté de tous les fidèles, sans exception. Malgré cela, il vote la loi. Le 30 septembre 1906, la séparation de l'Église et de l'État constitue le deuxième thème de son discours à la Roche-sur-Yon.
Pas plus que sur l'anticléricalisme, revigoré par l'Affaire, Clemenceau ne cède quoi que ce soit sur le colonialisme. Dans L'Aurore du 13 juin 1904, il critique la domination française sur le Maroc, et se moque, le 2 avril 1905, au moment de la crise de Tanger, de la politique de l'inamovible ministre des Affaires étrangères, Théophile Delcassé :
" Les politiques républicains, trouvant plus aisé de remporter des victoires sur les populations désarmées de l'Afrique et de l'Asie que de s'adonner à l'immense labeur de la réformation française, envoyaient nos armées à des gloires lointaines, pour effacer Metz et Sedan, trop prochains. Une effroyable dépense d'hommes et d'argent, chez une nation saignée à blanc, où la natalité baissait. … Partis de France dans l'illusion qu'à la condition de tourner le dos aux Vosges, le monde s'ouvrait à nous, nous rencontrons l'homme de l'autre côté des Vosges devant nous à Tanger."
La volonté de protéger le pays n'est jamais loin : Être ou ne pas être, voilà le problème, qui nous est posé pour la première fois depuis la guerre de Cent Ans, par une implacable volonté de suprématie.L'Aurore, 18 juin 1905. Il s'éloigne de Jaurès, entré aux côtés de Jules Guesde à la SFIO, et critique l'internationalisme de Gustave Hervé dans Pour la patrie 12 mai 1905 :
ils comprendraient peut-être que la nature humaine est à la racine de tous les faits sociaux, bons ou mauvais, et que la suppression de la patrie ne détruirait point le fondement universel de l'égoïsme humain, ne changeant que la forme des manifestations de violence inhérentes à l'homme, seul ou associé.

Clemenceau au pouvoir Le premier flic de France 1906

En mars 1906, après la victoire des radicaux aux législatives, Ferdinand Sarrien est appelé à former le cabinet. Clemenceau ironise : Ça, rien ? Tout un programme!. Mais Briand, qui doit encore négocier les inventaires de l'Église, préfère l'avoir avec lui plutôt que contre lui, et subordonne sa participation à celle de Clemenceau89 : ce dernier obtient ainsi l'Intérieur, alors que la France connaît une vague de grèves importantes, parfois quasi-insurrectionnelles, la CGT a entériné son orientation syndicaliste révolutionnaire avec la Charte d'Amiens, tandis que la SFIO est sur une position révolutionnaire et anti-réformiste bourgeoise, malgré les hésitations de Jaurès. Je suis le premier des flics, dit-il alors.
Place Beauvau, Clemenceau calme le jeu sur la question des inventaires : le 20 mars 1906, alors qu'il ne reste plus à inventorier que 5 000 sanctuaires sur 68 000, il déclare à la Chambre : Nous trouvons que la question de savoir si l'on comptera ou ne comptera pas des chandeliers dans une église ne vaut pas une vie humaine.
Confronté à la grève qui fait suite à la catastrophe de Courrières, plus de 1 000 morts, il refuse d'envoyer, comme c'est l'usage, la troupe de façon préventive, c'est-à-dire dès que la grève se déclare, mais se rend à Lens dès le 17 mars, et affirme aux grévistes que leur droit à faire grève sera respecté, sans envoi de la troupe, tant qu'aucune personne ni propriété ne sera menacée. Les grévistes s'échauffant, il se résout à envoyer une troupe de 20 000 soldats le 20 mars ; le Temps, 22 mars est rassuré89. Cette décision marque le début du divorce entre Clemenceau et la gauche socialiste, révolutionnaire et syndicaliste.
La grève fait tache d'huile, atteignant Paris : L'Écho de Paris titre Vers la révolution. À l'approche du 1er mai 1906, Clemenceau avertit Victor Griffuelhes, secrétaire général de la CGT, qu'il sera tenu responsable pour tout débordement, et fait arrêter préventivement plusieurs militants d'extrême-droite, laissant entendre la préparation d'un complot. Il fait aussi venir 45 000 soldats à Paris : la fête du Travail, sous haute surveillance policière, se déroule dans le respect de l'ordre et de la propriété. En juin 1906, une joute l'oppose à Jaurès à la Chambre pendant six jours.
Le 18 octobre 1906, Sarrien, malade, recommande Clemenceau au président Fallières pour lui succéder.

Le gouvernement Clemenceau 1906-1909

Il accède à la présidence du Conseil le 25 octobre 1906, à 65 ans, et restera au pouvoir presqu'aussi longtemps que Waldeck-Rousseau. Son cabinet comprend le socialiste indépendant René Viviani, à la tête d'un Ministère du Travail inédit, le général Picquart, qui avait dévoilé la supercherie accusant Dreyfus, comme ministre de la Guerre, et son ami journaliste et diplomate Stephen Pichon à la tête du quai d'Orsay. Conformément à l'habitude de cumuler la présidence du Conseil avec un portefeuille ministériel, Clemenceau demeure à l'Intérieur. Enfin, il maintient Briand à l'Instruction publique et aux Cultes.
Son programme ministériel, dévoilé le 5 novembre 1906 à la Chambre, vise à maintenir la paix avec l'Allemagne, tout en réformant l'armée afin de préparer la France à un éventuel conflit. Sur le plan social, il déclare vouloir accomplir la réalisation de la loi sur les retraites ouvrières, la loi sur les 10 heures, améliorer la loi Waldeck-Rousseau sur les syndicats, racheter la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest en quasi-faillite, intervenir dans le contrôle de la sécurité dans les mines avec possibilité de rachat des compagnies houillères, préparer un projet de loi sur l'impôt sur le revenu… 17 chantiers sont ainsi lancés.

La séparation de l’Église et de l’État

Le sujet prioritaire, c'est toutefois l'application de la loi de séparation des Églises et de l'État, fermement condamnée par Pie X dans l'encyclique Vehementer nos. Cela soulève de nouveaux débats, le Vatican faisant tout pour empêcher la formation des associations cultuelles, auxquelles sont censées être dévolues les biens de l'Église. Attaqué par Maurice Allard, Briand rétorque le 9 novembre 1906 en rappelant que la loi de séparation est une loi d'apaisement, que l'État laïc n'est pas antireligieux mais areligieux. Si la loi n'est pas appliquée d'ici décembre 1907, Briand déclare qu'il s'appuiera sur la loi de 1881 sur les réunions publiques afin de maintenir la possibilité d'un exercice légal des cultes. Par circulaire du 1er décembre 1906, il précise qu'une déclaration annuelle doit suffire à cet exercice. Le 11 décembre, le Conseil des ministres rappelle qu'en cas de non-déclaration annuelle, les infractions seront constatées : l’intransigeance pontificale menace de créer un délit de messe. Mgr Carlo Montagnini, à la tête de la Nonciature apostolique de la rue de l’Élysée, est expulsé sous l'accusation d’inciter au conflit.
Le 21 décembre 1906, un nouveau débat, durant lequel Briand accuse le Vatican de préconiser l’intransigeance afin de réveiller la foi endormie dans l’indifférence , aboutit à la loi du 2 janvier 1907 qui vise à rendre impossible la sortie de la légalité des catholiques quoi que fasse Rome. Le pape la dénonce à nouveau, le gouvernement parle d'ultimatum… et finalement, par la loi du 28 mars 1907, autorise les réunions publiques, sans distinction d'objet, et sans déclaration préalable. La position d'apaisement du gouvernement est confirmée par la loi du 13 avril 1908, qui considère les églises comme des propriétés communales et prévoit des mutualités ecclésiastiques,pour les retraites, etc.. Ces mesures ne seront cependant acceptées par le Vatican qu'après la Première Guerre mondiale avec le compromis, élaboré par Pie XI et le gouvernement français, des associations diocésaines.

Clemenceau, briseur de grèves

L'article a aussi été publié dans la Neue Freie Presse. Il était nécessaire que Clemenceau devînt chef du gouvernement puisqu'il était chef du parti radical, qui forme la majorité de la Chambre. … J'ai souhaité son avènement aux affaires …Je suis plus socialiste que jamais. … Ce sera l'éternel honneur de Clemenceau d'avoir secoué l'égoïsme bourgeois des opportunistes. … Et quand Jules Ferry, abandonnant jusqu'aux apparences de l'anticléricalisme, s'allia avec le clergé dans des entreprises coloniales, fructueuses seulement pour quelques capitalistes privilégiés …, Clemenceau, au risque de perdre sa popularité, s'éleva contre un système de conquêtes lointaines … Si l'on regarde aux dangers que courra bientôt le ministère … Les dangers qui viennent de lui-même ne sont pas les moindres. D'esprit, il est souple et divers ; de caractère, il est vif et cassant. Je ne le fâcherai pas en disant qu'il y a des choses qu'il préfère au pouvoir. Il a le sens de l'action … il est philosophe … ministre de l'Intérieur, il était déjà tout le ministère avant d'en être le chef. Alors il a opposé aux socialistes les doctrines d'un agnosticisme social sans doute grave et mélancolique Bien qu'il n'ait jamais varié dans ses doctrines … et qu'il soit, aujourd'hui comme en 1870, républicain libéral et patriote, il surprend par l'imprévu de ses idées. …]Libéral de naissance … il est, de caractère et d'esprit, homme d'autorité. Il est révolutionnaire et il exècre la démagogie … Le journal Le Temps chaque jour vante sa sagesse, le loue de sa modération … le compromet ainsi chaque jour, le rend suspect aux yeux des républicains radicaux. Le côté faible de Clemenceau, c'est son indépendance … Il est libéral, mais il ne l'est pas comme eux. … Il faudra bien que Clemenceau, bon gré mal gré, réforme le bloc des gauches, sans quoi, pris entre l'extrême gauche et la droite, il est perdu.

Une journée sanglante, Le Matin du 31 juillet 1908.

Président du Conseil le plus à gauche qu'ait connu jusqu'alors la IIIe République, mais « premier flic de France, Clemenceau est confronté à d'importantes grèves 1906 bat des records. Il s'illustre par sa férocité, à la fois contre les mouvements sociaux et contre le personnel politique qu'il estime peu quand il ne l'accable d'un profond mépris - ainsi quand il décide de retirer le portefeuille des Finances au vieux président Ribot : Il est voûté, mais ce n'est pas un abri sûr.
C'est d'abord, en mars 1907, une grève des électriciens à Paris. Le génie militaire rétablit le courant. En avril, une grève de l'alimentation, lancée par la CGT, touche Paris. La fonction publique réclame le droit de grève,la Poste le 12 mars 1909, inimaginable pour Clemenceau. Des dizaines de postiers, ainsi que Marius Nègre, fondateur du Syndicat national des instituteurs, et le syndicaliste révolutionnaire Émile Janvion sont ainsi révoqués. La Ligue des droits de l'homme apporte son soutien aux révoqués.
Au printemps 1907, la révolte des vignerons du Languedoc s'étend à l'ensemble de la population de la région et prend une tournure insurrectionnelle. Le 10 juin 1907, le maire socialiste de Narbonne, Ernest Ferroul, démissionne, avec l'appui des maires locaux. Les viticulteurs réclament des aides équivalentes à celles accordées aux betteraviers du nord. Cinq ou six manifestants sont tués le 20 juin97, la préfecture de Perpignan est incendiée, et le lendemain, le 17e régiment se mutine.
Le 21 juin, la Chambre confirme son appui à Clemenceau. Le 23, il reçoit le leader gréviste et non-violent, Marcelin Albert. Et, comme celui-ci, venu en train, lui dit candidement n'avoir pas de quoi payer son billet de retour, il lui fait remettre 100 francs, après avoir placé un journaliste dans la pièce voisine de son bureau. La Presse, faisant ensuite passer Albert comme "acheté" par le ministre, le discrédite auprès des vignerons... La grève s'essouffle, et le 29 juin 1907, la Chambre vote la loi revendiquée, qui fixe une surtaxe sur les sucres utilisés pour la chaptalisation.

En juillet 1907, deux grévistes sont tués à Raon-l'Étape.

L'année suivante, il est confronté à la grève de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges : deux grévistes tués le 28 mai 1908. Le socialiste Édouard Vaillant accuse la politique du gouvernement d'être responsable du meurtre. Clemenceau rétorque : la Chambre …dira si elle veut faire avec nous l'ordre légal pour les réformes contre la révolution. Hormis les socialistes, la majorité le soutient. Le conflit redémarre le 2 juin 1908 à Vigneux, où deux grévistes sont tués et plusieurs blessés : il s'agit de la violence policière la plus grave depuis le début de la IIIe République, dans la mesure où les gendarmes ont tiré à bout portant dans une salle, sur des ouvriers désarmés et accompagnés de femmes et d'enfants. Le 30 juillet, toujours à Vigneux, quatre grévistes sont tués et il y a plusieurs blessés du côté des forces de l'ordre.
Clemenceau décide alors des arrestations massives dans les rangs de la CGT, Griffuelhes, Pouget, etc., malgré l'attitude conciliante du secrétaire général. Des rumeurs insistantes feront état d'un agent provocateur qui aurait été utilisé par Clemenceau pour dissoudre la CGT anarcho-syndicaliste qu'il abhorrait. Bien que l'existence d'un tel agent soit avérée, elle sera l'objet d'une interpellation de Caillaux en 1911, l'enquête historique de Jacques Julliard, Clemenceau, briseur de grèves, relativise son importance dans les événements : comme le disait Péricat, le secrétaire de la Fédération du bâtiment, surestimer son rôle serait faire bien peu de cas de la Fédération du bâtiment, de son Comité fédéral et de ses militants.
En fin de compte, Clemenceau, tout comme Viviani, préfèrerait plutôt favoriser une tendance moins dure à la CGT, poussant à ce que celle-ci abandonne le vote par membres un membre = une voix au profit d'un vote par syndicat, une fédération = une voix.
Il est également confronté à des grèves d'employés voulant faire appliquer la loi sur le repos hebdomadaire votée sous Sarrien, notamment dans le secteur de la boulangerie.
Il devient rapidement ami avec le préfet de police Lépine — alors qu'ils ne s'aimaient guère au départ — et conduit d'importantes réformes de la police. Alors que la presse s'effraie des Apaches, il soutient la création de la Police scientifique par Alphonse Bertillon, un des experts de l'Affaire Dreyfus, et des Brigades du Tigre officiellement : brigades régionales mobiles par Célestin Hennion, nommé à la tête de la nouvelle Sûreté générale104. Hennion met en place un fichier des récidivistes et crée un service d'archives, tandis que les Brigades régionales fichent les nomades. Le projet de loi du 25 novembre 1908 relatif à la réglementation de la circulation des nomades aboutira à la loi du 16 juillet 1912 sur le port du carnet anthropométrique d’identité : recensant les empreintes digitales ; ce carnet, qui ne s'applique qu'aux Tsiganes, préfigure la carte d'identité105 et le livret de circulation.
Le cabinet Clemenceau ne se résume cependant pas à la répression. L'abolition de la peine de mort est mise à l'ordre du jour de la Chambre le 3 juillet 1908, à la suite d'une intervention de Joseph Reinach. Le gouvernement est pour, ainsi que Jaurès, Briand et l'abbé Lemire ; mais la commission parlementaire est contre et son rapport est approuvé le 8 décembre 1908 par une majorité rassemblant le centre et la droite catholique. Le projet de loi sur l'impôt sur le revenu, présenté en février 1907 par le ministre des Finances Joseph Caillaux, est bloqué par le Sénat. En revanche, la loi Ribot sur les Habitation à bon marché HBM est votée en avril 1908, puis, en juillet 1909, la loi sur le bien de famille insaisissable, qui vise à protéger les paysans. Zola est transféré au Panthéon.
La posture de premier flic de France l'amène à se brouiller durablement avec Jaurès, qui n'écartait pas, au début de son cabinet, une possibilité d'alliance avec le leader radical. La SFIO et la CGT ne sont clairement pas sur la même ligne que le radical-socialisme de Clemenceau. D'où cet échange savoureux au Parlement :
" Monsieur Jaurès, vous promettez tout à l'ouvrier, mais vous n'êtes tout de même pas le bon Dieu !
- Et vous, vous n'êtes pas le Diable !
- Qu'en savez-vous ? "

Politique étrangère et coloniale

En politique extérieure, Clemenceau et Pichon se soumettent aux résultats de la Conférence d'Algésiras et probablement aussi à l'influence du parti colonial. En effet, lorsqu'en mars 1907 un médecin est assassiné au Maroc, il ordonne un débarquement et autorise le général Lyautey à occuper Oujda. Le 30 juillet 1907, plusieurs Français sont tués lors d'une émeute consécutive à la décision de faire passer un chemin de fer à travers un cimetière musulman. Cela finit par un bombardement de Casablanca en août puis par l'occupation de Settat. Ces incidents, comme ils sont qualifiés en France… suscitent aussi quelques remous avec l'Allemagne. En 1908, une querelle franco-allemande au sujet de la désertion de soldats de la Légion étrangère finit par un arbitrage de la Cour de La Haye, qui donne raison à la France le 22 mai 1909. Le 9 février 1909, par un accord franco-allemand, Paris s'engage à accorder l'égalité de traitement aux ressortissants allemands au Maroc, tandis que Berlin reconnait la légitimité de la France à s'octroyer le maintien de l'ordre dans le pays.
En revanche, un décret du 24 septembre 1908 propose une timide réforme en Algérie, avec l'élection des conseillers généraux indigènes, jusque là nommés par le gouverneur. En octobre 1908, une délégation des Jeunes Algériens vient réclamer la reconnaissance de l'ensemble des droits civils et politiques pour les Algériens évolués ». Clemenceau se heurte à ce sujet aux Européens d'Algérie ; il se rattrapera avec la loi du 4 février 1919, louée par Messali Hadj.

Delcassé fait tomber Clemenceau

Clemenceau est renversé au bout de presque trois ans, alors que la session parlementaire touche à sa fin et qu'un grand nombre de députés de la majorité sont rentrés dans leurs circonscriptions. Le 20 juillet 1909, Clemenceau se refuse à répondre à des questions d'ordre technique sur la Marine posées par son rival Delcassé, qui a fait tomber le ministre Gaston Thomson l'année précédente ; il fait voter un ordre du jour. Celui-ci est repoussé par 212 voix contre 176, avec 176 absents dont 76 radicaux-socialistes et 23 républicains de gauche et Clemenceau démissionne. En effet, furieux, il a révélé à la Chambre que les ministères de la Guerre et de la Marine considéraient, lors de la crise de Tanger, que la France n'était pas prête à la guerre, ce qui équivalait à révéler des informations confidentielles presque de l'ordre du secret défense. Dans sa biographie, Jean-Baptiste Duroselle écrit : la chute du gouvernement Clemenceau présenta un caractère accidentel et fut liée à une incontestable maladresse tactique de sa part. Le 21 juillet 1909, L'Humanité titre : La fin d'une dictature .

Le journalisme et l'Amérique latine

Le docteur Domingo Cabrel, qui a installé une clinique psychiatrique à ciel ouvert, dans la localité d'Open Door, Buenos Aires, visitée et louée par Clemenceau. Cabred fut l'un des premiers à plaider pour l'irresponsabilité pénale en matière psychiatrique lors du Congrès national d'anthropologie criminelle de Genève de 1898.
Les années 1909-1912 constituent dans sa carrière une période d'accalmie. Le 10 avril 1910 paraît le premier numéro du Journal du Var dont il est le créateur. Il se détache peu à peu de cette publication pendant les deux années qui suivent.
Le 30 juin 1910, il embarque sur le Regina Elina pour effectuer en Amérique latine Argentine, Uruguay, Brésil une tournée de conférences destinées à renflouer son portefeuille ; il y fait l'apologie du régime parlementaire. L'Illustration, ainsi que le New York Times, rend compte de la tournée et publie ses Notes de voyage. En Argentine, qui fête un siècle d'indépendance et s'apprête à voter la loi Sáenz Peña établissant le scrutin universel secret, le Tigre rencontre Villanueva, président du Sénat argentin, et fait l'éloge des indigènes locaux, du moins des survivants…. Il y assiste avec intérêt à une conférence sur la justice social du criminologue Enrico Ferri. Il fait l'éloge des systèmes scolaires, il remarque que la séparation entre l'Église et l'État existe presque entièrement de fait et pénitentiaire ainsi que des hospices ; il les juge bien meilleurs que leurs équivalents français, tout en soulignant certaines limites matérielles de l'Instruction publique. De même, il est étonné par la modernité du système de santé ; il critique l'enfermement psychiatrique, tel qu'il l'a connu à l'asile de Sainte-Anne, en comparaison avec le traitement en extérieur, accompagné d'essais de réinsertion, pratiqué par le docteur Cabred.
Revenu en Europe à bord du Principe Umberto, il doit passer devant une commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Rochette une sorte de chaîne de Ponzi qui avait suscité de nouvelles piques anti-parlementaires de Barrès, mais est blanchi de tout soupçon, ainsi que le préfet Lépine.
En 1912, il subit aussi une opération risquée de la prostate, dont il sort en meilleure forme. Après la crise d'Agadir, il vote, avec une quarantaine d'autres sénateurs, contre la ratification de la convention franco-allemande : nous voulons la paix … Mais … si on nous impose la guerre, on nous trouvera. Clemenceau, sans être devenu revanchard, est désormais convaincu de la réalité de la Weltpolitik allemande.
À la suite de l'élection présidentielle de janvier 1913, il se brouille de nouveau avec Raymond Poincaré, président du Conseil depuis 1912, qui ne s'étant pas retiré devant le candidat choisi par le camp républicain, Jules Pams, a été élu en s'appuyant sur la droite.
En mars 1913, il fait tomber le cabinet Briand en tant que président de la Commission sénatoriale chargée d'examiner le projet de loi, complexe, sur le scrutin proportionnel, destiné à remplacer le scrutin d'arrondissement, voté par la Chambre le 10 juillet 1912. Clemenceau, bien que critique à l'égard de ce dernier, considère celui-là comme propice au césarisme et s'oppose au changement. Le Sénat le suit 161 contre 128 et Briand démissionne : c'est le second cabinet de la IIIe République, depuis celui de Léon Bourgeois 1896, à être renversé par le Sénat.

L'Homme, libre ou enchaîné ? La guerre Première Guerre mondiale.

Le 6 mai 1913 paraît le premier numéro de L’Homme libre, journal édité à Paris. Il y publie quotidiennement son éditorial, et ne cesse d'avertir la France du danger que constitue l'Allemagne, Pour la défense nationale, 21 mai 1913 ; Vouloir ou mourir, 24 mai ; Ni défendus ni gouvernés, 15 juillet, etc.. Il défend avec ardeur la loi des trois ans, qui accroît la durée du service militaire, et qui est votée le 19 juillet 1913 avec l'appui de la droite contre les deux-tiers des députés radicaux-socialistes.
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en juillet 1914, Clemenceau défend dans son journal l'Union sacrée et la prééminence des civils sur l'état-major. Déterminé à se battre, il est loin de l'optique de la fleur au fusil : La parole est au canon … Et maintenant, aux armes ! Tous. J'en ai vu pleurer, qui ne seront pas des premières rencontres. Le tour viendra de tous.… Mourir n'est rien. Il faut vaincre.L'Homme libre, 5 août 1914. Le 26 août 1914, il refuse la proposition de Briand d'entrer dans le cabinet Viviani : il ne veut rien d'autre que la présidence du Conseil !
Il va jusqu'à reprocher au ministre Malvy de n'avoir pas arrêté les militants fichés au carnet B, alors que la quasi-totalité de la gauche socialiste s'est ralliée à l'Union sacrée. Après qu'il a dénoncé les insuffisances du service sanitaire aux armées, qui fait voyager les blessés dans les mêmes wagons que des chevaux atteints du tétanos, son journal est suspendu par Malvy du 29 septembre au 7 octobre 1914, en application de la loi du 4 août qui réprime les indiscrétions de la presse en temps de guerre. Le journal reparaît le 30 septembre sous le titre L'Homme enchaîné ; immédiatement saisi, il reparaîtra sous ce nouveau nom le 8 octobre à Paris. Son quotidien sera à nouveau suspendu en août 1915. Clemenceau enverra alors les articles aux parlementaires.
Pendant les années qui suivent, Clemenceau s’emploie à critiquer l’inefficacité du gouvernement, l'insuffisance des informations qu’il transmet, le défaitisme, l'antimilitarisme et le pacifisme, et défend sans cesse le patriotisme et l'Union sacrée face aux Allemands. Siégeant à la Commission des Affaires étrangères du Sénat et à la Commission de l'Armée, il en devient rapidement président, distribuant rapports et blâmes au ministère, effectuant de multiples visites au front en sa qualité de président de la Commission de l'Armée. Il affirme la légitimité du contrôle du Parlement sur les actes du gouvernement et la conduite de la guerre : Il n'est bon pour personne de n'être pas contrôlé, critiqué ; cela n'est que trop vrai, même et surtout du haut commandement militaire.
En juillet 1915, son secrétaire Léon Martin ayant été envoyé au front, il est remplacé par le poète Jean Martet.
Il siège au sein des comités secrets du Sénat réunis à partir de juin 1916, alors que la bataille de Verdun fait rage. Trois jours après la première réunion du comité secret, il fait partie avec son ami Stephen Pichon des 16 sénateurs qui refusent de voter la confiance au gouvernement Briand. Au lendemain d'une nouvelle réunion, il présente au Sénat, le 24 décembre 1916, un ordre du jour refusant la confiance à Briand, mais celle-ci est votée 194 voix contre 60.
Malgré son patriotisme, Clemenceau reste attaqué par certains royalistes. Ainsi, le 30 août 1916, Léon Daudet, fils de l'écrivain Alphonse, lui adresse cette lettre ouverte : Oh ! Comme je vous connais ! Votre élément, c'est le désastre national à condition de pouvoir y faire des mots. Vous appartenez à la génération absurde et aveugle qui, en 1870-71, guettait une ascension politique sur les malheurs de la patrie. Il est toutefois soutenu par Barrès.
À l'entrée en guerre des États-Unis, avril 1917, il déclare sans prévoir l'évolution des événements en Russie ni le traité de Brest-Litovsk d'avril 1918 :
" Le suprême intérêt des pensées générales par lesquelles le président Wilson a voulu justifier l'action de son pays, c'est que la révolution russe et la révolution américaine se complètent à miracle pour fixer définitivement toute la portée idéaliste du conflit. Tous les grands peuples de la démocratie, c'est-à-dire du juste droit pour tous, ont désormais pris, dans la lutte, la place qui leur était destinée.
Le 22 juillet 1917, lors d'une interpellation concernant l'offensive Nivelle, il fait pendant deux heures et demie une critique acharnée de Malvy ; ce discours, applaudi au Sénat, est reproduit en plusieurs éditions par L'Homme enchaîné du 23 juillet puis diffusé en brochure sous le titre L'Antipatriotisme au Sénat. Malvy démissionne un peu plus tard, ce qui entraîne la chute du cabinet Ribot septembre 1917, remplacé par Painlevé.

Le président du Conseil, le Père la Victoire 1917-1920 1ère Guerre mondiale.

L’homme enchaîné garde son nom jusqu’à l’accession de Clemenceau à la Présidence du Conseil, le 16 novembre 1917. Le 13 novembre en effet, le gouvernement Painlevé tombe et le président Poincaré doit rapidement lui trouver un successeur. Il aurait eu alors à choisir entre Joseph Caillaux et Clemenceau. Bien qu'il n'aime guère Clemenceau, il préfère celui-ci, favorable à une victoire militaire et dont la force morale l'impressionne, plutôt que Caillaux, partisan d’une paix de compromis mais accusé d'intriguer contre la France en faveur de l'Allemagne. Dès janvier 1917, Charles Ier d'Autriche avait entamé des pourparlers de paix secrets avec Poincaré qui se montre enthousiaste et prêt à faire des concessions, colonies et avantages commerciaux à l'Allemagne. Clemenceau, belliciste souhaitant la guerre jusqu'au bout, refuse cette paix négociée, prétextant que c'est un piège tendu par l'Allemagne.
À 76 ans Clemenceau devient ainsi à nouveau président du Conseil, malgré l'opposition de Briand et des socialistes (Marcel Sembat affirme à Poincaré que sa nomination susciterait un soulèvement immédiat. Hormis la presse socialiste, les journaux acclament sa nomination, jusqu'au New York Times, dithyrambique.
Son gouvernement est essentiellement composé de proches et de figures qui s'effacent derrière lui : Stephen Pichon aux Affaires étrangères, Jules Pams à l'Intérieur, Georges Leygues à la Marine, Louis Loucheur à l'Armement. Son ami Georges Mandel devient chef de cabinet et Jules Jeanneney sous-secrétaire d'État à la présidence ; dans son cabinet se trouve aussi Georges Wormser, son futur biographe. En novembre 1919, il fera entrer André Tardieu au gouvernement ; celui-ci restera un ami proche jusqu'à son entrée dans le Gouvernement Poincaré dans les années 1920. Lui-même se réserve le portefeuille de la Guerre, La Guerre ! C'est une chose trop grave pour la confier à des militaires !", avait-il dit en 1887 lors de l'affaire Schnæbelé. Il s'y adjoint les services du général Henri Mordacq, qui devient son chef de cabinet militaire et véritable bras droit pour les questions militaires.
Le 20 novembre 1917, il annonce à la Chambre son programme de gouvernement : Vaincre pour être juste, voilà le mot d'ordre de tous nos gouvernements depuis le début de la guerre. Ce programme à ciel ouvert, nous le maintiendrons. Il rend hommage aux poilus comme au courage de l'arrière : ces silencieux soldats de l'usine, sourds aux suggestions mauvaises, ces vieux paysans courbés sur leurs terres, les robustes femmes de l'arrière et ces enfants qui leur apportent l'aide d'une faiblesse grave. Mais il affirme également la fin des campagnes pacifistes : Ni trahison, ni demi-trahison : la guerre !. Il précise toutefois : Nous sommes sous votre contrôle. La question de confiance sera toujours posée. Il est acclamé. Seuls les socialistes lui refusent la confiance ; le lendemain, La Lanterne de Marcel Sembat écrit : Depuis le début de la guerre, on n'a rien entendu d'aussi vide !
Il restaure la confiance, mettant tout en œuvre pour que la République soutienne le choc de cette guerre Guillaume II prédisait justement le contraire, assurant que les démocraties – France et Royaume-Uni – s'effondreraient d'elles-mêmes si la guerre devait durer. Il s'attache d'abord à épurer l'administration, révoquant le préfet de police et le préfet de la Seine, ainsi que nombre de fonctionnaires jugés incompétents.
Dans sa politique intérieure, Georges Clemenceau s’emploie à mater énergiquement toute tentative de révolte, de mutinerie ou de grève dans les usines. Il mène également une lutte énergique pour le soutien du moral des troupes. Pour ce faire, il pourchasse les pacifistes, les défaitistes, les embusqués pour soutenir le moral des troupes et fait également pression sur la presse favorable à ces mouvements sans pour autant utiliser la censure.
Il généralise l'appel aux troupes coloniales la force noire du général Mangin, qu'il nomme à la tête du 9e corps d'armée malgré l'hostilité de Pétain, nommant le député sénégalais Blaise Diagne, qui vient d'adhérer à la SFIO, Commissaire Général chargé du recrutement indigène. Malgré les révoltes, 65 000 hommes sont ainsi recrutés dans les colonies en 1918. Il fait également appel à l'immigration italienne, négociant avec le président du Conseil Orlando pour obtenir cette main-d'œuvre d'appoint. 70 000 immigrants italiens sont ainsi en France en mars 1918. Par la loi du 10 février 1918, il obtient le droit de réglementer par décret la production, la circulation et la vente des produits servant à la consommation humaine ou animale, point sur lequel le cabinet Briand avait échoué en 1916. Ceci lui permet de renforcer l'économie de guerre.
Les défaitistes sont réprimés, soit à la demande de Clemenceau, soit par la justice. Ainsi, l'ex-ministre de l'Intérieur Malvy, lourdement attaqué par Clemenceau journaliste, demande à ce qu'une Commission de la Chambre examine son cas pour le disculper ; celle-ci le renvoie devant la Haute Cour de justice, et il sera condamné pour forfaiture à l'été 1918.
Le 11 décembre 1917, Clemenceau s'attaque directement à Joseph Caillaux, accusé de chercher une paix blanche sans annexions ; il demande la levée de son immunité parlementaire conjointement à celle du député Louis Loustalot128. 397 députés votent pour la levée ; Caillaux est incarcéré en janvier 1918, Clemenceau refusant toute intervention judiciaire. Caillaux sera condamné par la Haute Cour en février 1920.
Clemenceau frappe aussi la rédaction du Bonnet rouge, journal défaitiste subventionné par l'Allemagne, ainsi que Paul Bolo dit Bolo Pacha, payé par l'Allemagne pour racheter Le Journal, ce qui lui vaudra d'être condamné à mort.
La censure est cependant allégée, étant restreinte aux faits militaires et diplomatiques : Le droit d'injurier les membres du gouvernement doit être mis hors de toute atteinte, déclare-t-il à la suite de la publication d'un article qui le visait férocement. Il pose également régulièrement la question de confiance, se soumettant ainsi au contrôle parlementaire. À de nombreuses reprises, les chambres du Parlement doivent ainsi choisir entre soutenir ses décisions et le renverser.
Mettant la pression sur les États-Unis pour faire venir des troupes, il participe au Conseil supérieur de guerre interallié, dont la première réunion a lieu le 1er décembre 1917 avec Lloyd Georges, Orlando et le conseiller présidentiel de Wilson, Edward House, et à la Conférence interalliée pour tenter de mettre en place une direction intégrée des troupes.
Plus résolu et plus intransigeant que jamais, il conduit ainsi une politique de salut public qui porte ses fruits l'année suivante, consacrant un tiers de son temps à la visite des tranchées, suscitant l'admiration des poilus pour son courage; il se couvre la tête d'un simple chapeau. Le 8 mars 1918, il présente ainsi son programme de gouvernement à la tribune alors qu'il veut faire voter les crédits de guerre :
Vous voulez la paix ? Moi aussi. Il serait criminel d'avoir une autre pensée. Mais ce n'est pas en bêlant la paix qu'on fait taire le militarisme prussien.
Ma politique étrangère et ma politique intérieure, c'est tout un. Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais la guerre. Je fais toujours la guerre.
Il ajoute alors : Celui qui peut moralement tenir le plus longtemps est le vainqueur.Churchill a ainsi dit de lui : Dans la mesure où un simple mortel peut incarner un grand pays, Georges Clemenceau a été la France
Le 24 mars 1918, trois jours après le déclenchement d'une nouvelle offensive du général Ludendorff, Clemenceau envisage sérieusement d'opérer un retrait du gouvernement sur la Loire, mais Poincaré l'en dissuade. Le Tigre se rend alors à Compiègne voir Pétain, qu'il juge à nouveau trop pessimiste. Le 26 mars, il se rend avec Poincaré à Doullens, au nord d'Amiens. Il préfère alors Foch à Pétain comme généralissime des troupes interalliées, choix entériné le 14 mai après une rencontre à Beauvais, le 3 avril, avec Lloyd George et le général Pershing. Poincaré et Clemenceau se méfient en effet de Pétain, malgré cela nommé maréchal en novembre 1918. Poincaré raconte ainsi que le Tigre lui aurait dit :
" Imaginez-vous qu'il m'a dit une chose que je ne voudrais confier à aucun autre que vous. C'est cette phrase : " Les Allemands battront les Anglais en rase campagne ; après quoi, ils nous battront aussi." Un général devrait-il parler et même penser ainsi ? "
À son surnom de Tigre vient s'ajouter celui de Père la Victoire, qui résume à lui seul la part prise par lui au redressement de 1918, notamment pour son rôle dans la création du commandement unique. Après une nouvelle offensive lancée à partir du Chemin des Dames, qui permet à l'armée allemande de se trouver à 60 km de Paris, Pétain conseille alors à Clemenceau de quitter la capitale, le gouvernement est critiqué par les présidents des Chambres, Dubost et Paul Deschanel. Le 4 juin 1918, il obtient la confiance de la Chambre par 377 voix contre 110. Deux jours plus tard, un Comité de défense du camp retranché de Paris est institué, pour préparer les mesures en cas d'évacuation du gouvernement.
À partir de la bataille de Château-Thierry, en juillet 1918, le vent commence à tourner. En octobre, alors que l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et la Turquie ont fait savoir qu'elles demandaient l'armistice sur la base des Quatorze points de Wilson, Clemenceau manque de démissionner à la suite d'une lettre de Poincaré, dans laquelle celui-ci refuse tout armistice tant que les troupes ennemies n'auront pas évacué tout le territoire français, voire l'Alsace-Lorraine. Alors que la droite, L'Action française, L'Écho de Paris, Le Matin… fait preuve de jusqu'au boutisme, réclamant d'aller jusqu'à Berlin imposer l'armistice, Clemenceau s'y refuse, préférant mettre fin au carnage et signer l'armistice du 11 novembre 1918. Ceci lui vaut l'ironique Perd-la-Victoire au sein de la droite nationaliste.
Viscéralement antibolchevique, il lance, dans les dernières semaines de 1918, une importante opération en mer Noire pour soutenir les armées blanches en lutte contre la Révolution d'Octobre. Mais les moyens engagés fondent avec la démobilisation, et les soldats, épuisés, ne comprennent pas cette nouvelle guerre lointaine. L'échec de l'expédition sera consommé au printemps 1919 avec la vague de mutineries qui secoue l'escadre de la mer Noire.
Le Conseil des Quatre à la conférence de paix : Lloyd George, Vittorio Orlando, Georges Clemenceau, et Woodrow Wilson.
En compagnie du Président de la République, il entreprend un voyage triomphal dans l’Alsace et la Lorraine libérées. Le 21 novembre 1918, l'Académie française l'élit à l'unanimité, aux côtés du maréchal Foch ; Clemenceau ne siégera jamais. L'Humanité ironise :
M. Clemenceau a contribué à la Commune. Il est devenu conservateur. M. Clemenceau a été dreyfusard. Il a étouffé la justice. M. Clemenceau a assailli, criblé de sarcasmes et ruiné le Sénat. Il est sénateur. M. Clemenceau a mésestimé l'Académie française. Il en a été élu hier membre.
L'empereur déposé Guillaume II écrira au contraire, dans ses Mémoires :
La cause principale de la défaite allemande ? Clemenceau. … Non, ce ne fut pas l'entrée en guerre de l'Amérique, avec ses immenses renforts … Aucun de ces éléments ne compta auprès de l'indomptable petit vieillard qui était à la tête du gouvernement français. … Si nous avions eu un Clemenceau, nous n'aurions pas perdu la guerre.

La Conférence de paix 1919 Conférence de paix de Paris 1919.

Où l'on voit les quatre chefs d'État de la conférence de Versailles, sous le titre Paix et future chair à canon. En bas, la légende : Le Tigre : C'est curieux ! J'ai l'impression d'entendre un enfant pleurer. L'image montre Clemenceau regardant un enfant, avec marqué au-dessus Classe militaire de 1940. Ce dessin prémonitoire de l'Australien Will Dyson est paru dans le Daily Herald en mai 1919.
La gauche lui est alors hostile, invoquant les Quatorze points de Wilson et sa vision idéaliste contre Clemenceau, opposition exprimée tant dans Le Rappel ou La République française que dans Le Matin, proche de Briand et dans L'Œuvre radicale de Gustave Téry. La droite, au contraire, soutient Clemenceau, espérant arracher le plus possible à l'Allemagne, Le Figaro, Le Gaulois, L'Écho de Paris, L'Action française et une partie de la presse radicale, Le Pays, Le Radical ainsi que le centriste Le Temps. Le 29 décembre 1918, la Chambre lui renouvelle sa confiance par 398 voix contre 93.
Représentant de la France à la conférence de paix de Paris janvier-juin 1919, il y défend trois priorités : la ratification de la réintégration de l'Alsace-Lorraine, les réparations et l'assurance de la sécurité de la frontière franco-allemande. Il fixe seul la composition de la délégation française, faisant venir Tardieu comme négociateur, accompagné du ministre des Affaires étrangères Stephen Pichon, du ministre des Finances Klotz et de l'ambassadeur Jules Cambon. Il est élu président du Conseil des Dix, devenu, après le départ du Japon, Conseil des Quatre, avec Wilson, Lloyd George et Orlando.
Pour cela, il exige l'annexion de la rive gauche du Rhin et de lourdes indemnités matérielles et financières. En mars, il obtient la réduction de l'armée allemande à 100 000 hommes, avec un service militaire sur la base du volontariat. Le 14 avril 1919, le Conseil des Quatre lui accorde l'occupation du Rhin pendant 15 ans avec évacuation partielle de 5 ans en 5 ans, celle-ci pouvant être retardée en cas d'absence de garanties suffisantes contre des projets d'agression allemande, art. 429 du Traité. Il s'oppose sur ce sujet au maréchal Foch, qui, soutenu par Barrès, prône l'annexion de la Rhénanie. Il revendique également l'annexion de la Sarre, bassin minier qui remplacerait les pertes du Nord de la France, et obtient finalement, en avril 1919, un consensus avec la création d'un statut autonome, sous administration de la Société des Nations, de celle-ci.
Le 19 février 1919 à 8h30 du matin, après avoir attendu que le président du Conseil sorte de son domicile rue Franklin, l'anarchiste Émile Cottin qui reproche à Clemenceau d'être un briseur de grève et un tortionnaire de la classe ouvrière, tire à neuf reprises sur sa Rolls. Il le touche trois fois, sans le blesser grièvement. Une balle, jamais extraite, se loge dans l’omoplate à quelques millimètres de l’aorte. L’attentat déclenche dans la population et dans la presse une ferveur extraordinaire. L’enthousiasme populaire est exacerbé, on idolâtre Clemenceau. Il s’en sort finalement sans trop de dommages et intervient pour commuer la condamnation à mort de Cottin en dix ans de réclusion. Six jours plus tard, il reprend ses activités, faisant preuve d'une santé vigoureuse pour son âge, et conserve son poste de président du Conseil jusqu'en 1920.
S'il défend les promesses faites à l'Italie lors du pacte de Londres, il refuse de soutenir Orlando sur la question de Fiume, qui n'avait pas été évoquée en 1915. Le Premier ministre italien part, furieux. En juin 1919, les Allemands montrant des réticences à l'égard du traité de paix, Clemenceau consulte Foch pour organiser une éventuelle offensive. Finalement, le traité de Versailles est signé le 28 juin 1919, dans la Galerie des Glaces de Versailles, une idée de Clemenceau qui voulait marquer le coup par rapport au lieu de la proclamation du Reich allemand. La ratification par la Chambre a lieu le 23 octobre 1919, Clemenceau déclarant au Sénat :
" Poussé par une opinion publique traumatisée par les destructions de la guerre, le boche doit payer, Clemenceau a eu envers l'Allemagne et l'Autriche une attitude très intransigeante. Concernant l'Allemagne, concessions territoriales et versement de réparations importantes sont les deux pans de son programme. La République d'Autriche allemande, en allemand Deutschösterreich doit être renommée en Autriche, en allemand Österreich, et la revendication d'une partie de sa population, de bénéficier du 9e point de Wilson en rejoignant la nouvelle république d'Allemagne, est formellement rejetée, le Traité de Saint-Germain, signé en septembre 1919, interdisant ce rattachement. Clemenceau se heurte aux réticences du Royaume-Uni et des États-Unis, soucieux de préserver la stabilité de la toute nouvelle République de Weimar et l'équilibre de l'Europe centrale, et le texte du traité de Versailles sera finalement un compromis, où la position de Clemenceau est cependant dominante.
Clemenceau lui-même devait, sur le plan intérieur, tenir compte des positions antagonistes des partis français : la SFIO se montre très critique, accusant Clemenceau d'avoir surchargé l'Allemagne au risque de compromettre la paix ; en revanche, la droite nationaliste, Jacques Bainville, de l'Action française, est particulièrement virulent, l'accuse d'avoir fait preuve de faiblesse face à l'ennemi héréditaire .

Politique intérieure 1919

Avant de partir, Clemenceau, qui se montre particulièrement dur envers la Russie soviétique, fait tout de même voter la loi des huit heures avril 1919, afin de couper l'herbe sous le pied de la SFIO, quelques jours avant le 1er mai 1919. Le ministre de l'Intérieur Jules Pams interdit toute manifestation. Celle-ci a tout de même lieu : 300 manifestants blessés, deux morts, et 400 blessés du côté des forces de l'ordre. Le gouvernement est interpellé à la Chambre le 6 mai, mais celle-ci lui vote la confiance par une large majorité.
Une loi sur les conventions collectives est également adoptée le 25 mars 1919. Cela n'empêche pas qu'il continue à être attaqué par les socialistes : le 4 avril 1919, à la suite de l'acquittement de Raoul Villain, l'assassin de Jaurès, un article d'Anatole France, publié dans L'Humanité, déclare : Ce verdict vous met hors la loi, vous et tous ceux qui défendent votre cause. En juin, les métallurgistes parisiens entament une grève d'envergure, revendiquant l'application de la loi des 8 heures. Le 18 juillet 1919, le radical et ex-ministre Augagneur fait voter un ordre du jour défavorable au ministre de l'Agriculture Victor Boret. Au lieu de démissionner, Clemenceau remplace ce dernier par Joseph Noulens, ex-ambassadeur en Russie et anti-bolchévique notoire. Il convoque le dirigeant de la CGT Léon Jouhaux, un modéré, et lui promet l'amnistie et l'accélération de la démobilisation tout en affirmant qu'il n'hésitera pas à réquisitionner la fonction publique en cas de grève générale. Le 22 juillet 1919, il est à nouveau mis en difficulté à la Chambre par la gauche, mais parvient à se maintenir.
Aux législatives de novembre 1919, que Clemenceau a refusé de repousser, la droite, réunie au sein du Bloc national, l'emporte largement : c'est la chambre Bleu horizon. Cette victoire est en partie due à la nouvelle loi électorale du 22 juillet 1919, qui a instauré le scrutin proportionnel avec une dose de majorité, mais aussi aux divisions de la gauche.


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Posté le : 16/11/2014 17:47
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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