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Accueil >> newbb >> Alberto Giacometti [Les Forums - Photographe/Peintre]

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Alberto Giacometti
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Le 11 janvier 1966, à 64 ans meurt Alberto Giacometti

à Coire, né à Borgonovo dans le Val Bregaglia le 10 octobre 1901, sculpteur et un peintre suisse surréaliste formé à l'académie de la grande chaumière, son oeuvre la plus réputée est "l'homme qui marche"en 1960.

En Bref

Élève d'Antoine Bourdelle 1922-1925, il évolue, sous l'influence des arts primitifs et du cubisme, vers des formes simplifiées ; il développe une thématique obsessionnelle Femme-cuillère, bronze, 1926, Kunsthaus de Zurich qui s'épanouit, vers 1930-1935, dans les œuvres à la fois simples et ambiguës de sa période surréaliste le Palais à quatre heures de l'après-midi, 1932, musée d'Art moderne de New York ; l'Objet invisible 1934-1935. Mais, à travers de multiples recherches, il revient à la figure humaine figure debout immobile, figure en marche, buste, d'abord dans des sculptures, puis dans des dessins et des peintures. Ses sculptures, d'une facture tourmentée Femme debout, 1948, Kunsthaus de Zurich ; Homme qui marche I et II, 1959-1960, Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence, et ses toiles aux couleurs neutres et grises, structurées par des entrelacements linéaires Diego, 1951, Kunsthaus de Zurich, ont en commun un allongement et un déchargement caractéristiques, et répondent à une volonté de situer les figures dans l'espace vide plutôt que de les décrire. Avec l'aspect d'inachèvement, ce dépouillement participe à l'expression hagarde et angoissée qui domine sa production jusque dans les œuvres plus étoffées et plus réalistes d'après 1957 (Caroline, 1962, Bâle.
Il fréquenta l'École des arts et métiers de Genève. Après un séjour d'une année en Italie 1920-21, où Cimabue, Giotto et Tintoret le frappent , il gagne Paris 1922 et étudie chez Archipenko et Bourdelle. Dès 1925, il partage son atelier avec son frère Diego, qui, surtout après 1935, lui servira de modèle. Il passe la Seconde Guerre mondiale à Genève et, en 1949, épouse Annette Arm. Après une première période, où sa peinture se rattache au Néo-Impressionnisme, il se rallie quelque temps 1925-1928 au Cubisme, puis, en 1930, au Surréalisme, Femme, 1926, Zurich, Kunsthaus. Mais la puissance et l'originalité de son tempérament lui rendirent l'orthodoxie surréaliste rapidement intolérable. Aussi, dès 1935, s'ouvre une période de huit années de recherches centrées principalement sur la représentation de la figure humaine, presque exclusivement en sculpture. Dès 1945, Giacometti revient de façon constante aux expressions picturale et graphique : dessins, lithographies et eaux-fortes, illustrations d'André Breton (l'Air de l'eau), de Georges Bataille, Histoire de rats, de René Char (Poèmes des deux années), d'Eluard, de Genet et enfin une importante série de peintures comprenant de très nombreux portraits d'Annette et de Diego. Monochromes — gris sur gris — dominés par les éléments linéaires qui articulent l'espace, ses dessins et ses peintures prolongent et aident à définir son œuvre de sculpteur. Comme lorsqu'il crée dans trois dimensions, Giacometti organise et construit le dialogue dépouillé de la figure et de l'espace dans une relation qui tend à l'absolue vérité et à l'unicité du sujet (la Mère de l'artiste, 1950, New York, M.O.M.A. ; Diego, 1951, Zurich, Kunsthaus). Son œuvre se manifeste comme une totalité qui met en cause le sens même de notre existence : ces innombrables personnages, têtes, bustes, qui nous percent de leur regard intense au point que l'on craint de les approcher, surgissent dans leur immédiateté comme un cri désespéré, comme l'expression la plus humaine d'un monde qui se disloque, entraînant avec lui une humanité décharnée, déjà pourrissante. L'artiste est représenté à New York M.O.M.A., Pittsburgh (Carnegie Inst.), Paris (M.N.A.M., Portrait d'Isaku Yanaïhara, 1956 ; Caroline, 1965), Detroit (Inst. of Arts), Saint-Paul-de-Vence, fondation Maeght, Zurich (fondation Giacometti) et dans des coll. part. L'Orangerie des Tuileries à Paris lui a consacré une rétrospective en 1969-70. En 1986, une exposition portant exclusivement sur la période de son " retour à la figuration " 1933-1947 fut présentée au Musée Rath de Genève et au M.N.A.M., Paris. Une importante rétrospective a été consacrée à l'artiste M.A.M. de la Ville de Paris en 1991-92.

Sa vie

Alberto Giacometti naît en 1901 dans le canton des Grisons, l'ainé de quatre enfants. Son père, Giovanni Giacometti, lui-même peintre, le pousse à s'intéresser à l'art. Il peint ses premières œuvres dans le domicile familial, essentiellement des portraits des membres de sa famille ou de ses condisciples, reprenant le style postimpressionniste paternel. Au terme de ses écoles obligatoires, Alberto part étudier à l'École des beaux-arts de Genève avant d’arriver à Paris en janvier 1922. Il fréquente l'atelier d’Antoine Bourdelle à l’Académie de la Grande Chaumière à Montparnasse. Il découvre le cubisme, l’art africain et la statuaire grecque et s'en inspire dans ses premières œuvres1. Ses sculptures sont en plâtre, parfois peintes secondairement, ou coulées en bronze, technique qu'il pratiquera jusqu'à la fin de sa vie. Il étudia aussi au collège de Leonard de Vinci où il s'ennuya énormément.
Il emménage en décembre 1926 au 46 rue Hippolyte-Maindron 14e arrondissement dans la caverne-atelier qu'il ne quittera plus, malgré sa petite taille et son inconfort. Son frère Diego le rejoint de façon permanente en 1930. Bien que l'essentiel de sa production soit fait à Paris, Giacometti retourne régulièrement en Suisse où il travaille dans les ateliers de son père, à Stampa et Maloja. En 1927, Giacometti expose ses premières œuvres au Salon des Tuileries (Femme cuillère, 1927).
Peu de destins plus singuliers, dans l'histoire de l'art contemporain, que celui du sculpteur suisse Alberto Giacometti. Célèbre dans les années trente, fêté par les surréalistes, présent au sommaire de toutes les revues d'avant-garde, il semble s'effacer de la scène artistique à partir de la Seconde Guerre mondiale, car il apparaît comme à contre-courant des grands mouvements de l'esthétique du temps. C'est seulement vers 1960 que s'achève sa longue traversée du désert : rétrospectives, hommages, prix et grand prix celui de la Biennale de Venise en 1962 se succèdent, consacrant soudain une démarche sans précédent et restée sans héritier.
En 1969, l'exposition du musée de l'Orangerie à Paris, en rassemblant plus de trois cents numéros couvrant l'œuvre sculpté, l'œuvre peint et l'œuvre graphique, offrait les aspects successifs d'une recherche jusque-là restée presque secrète et la complexité d'une figure déjà devenue légendaire trois ans seulement après sa disparition. Dès 1950, cependant, des philosophes comme Sartre et Merleau-Ponty, des écrivains comme Jean Genet, Georges Bataille, Michel Leiris, des poètes comme Francis Ponge, René Char, Yves Bonnefoy, André Du Bouchet témoignaient de l'importance unique de cette œuvre en laquelle ils reconnaissaient une communauté de préoccupations avec leur propre démarche. C'est en effet par rapport aux courants existentialistes et phénoménologiques de l'après-guerre que l'œuvre de Giacometti prend toute sa signification. Elle est, dans les arts plastiques, le parallèle exemplaire de ces philosophies de l'humanisme athée qui devaient tirer les conséquences extrêmes de la « mort de Dieu ». L'érotisme et l'angoisse, le désir et l'absurde, l'être et l'étant, l'être-pour-la-mort enfin : d'Éros à Thanatos, l'œuvre de Giacometti a décrit les divers points d'une spirale rigoureuse dont on ne fait peut-être que commencer de saisir les lois de construction interne et la solidaire grandeur.

La tentation cubiste

Il est difficile de parler de Giacometti sans évoquer sa terre natale, le petit hameau de Stampa, dans la haute vallée des Grisons, au cœur de ce paysage métaphysique que venait d'illustrer la présence ou le passage d'un Nietzsche, d'un Rilke ou d'un Segantini, dominé par la crête aiguë et dépouillée des monts qui sont, écrit André du Bouchet, comme le surplomb aveuglant que toute figure de Giacometti suppose ; sans évoquer encore la caverne où, enfant, il passait des heures entières, et que le minuscule atelier du 46 de la rue Hippolyte-Maindron semblera plus tard reconstituer. Il est l'aîné des enfants d'Annetta et de Giovanni Giacometti 1868-1933, peintre post-impressionniste de renom. Deux artistes encore dans sa famille : son cousin, Augusto Giacometti 1877-1947, en qui l'on voit parfois un précurseur du tachisme, et son propre frère, Diego, sculpteur lui-même et ornemaniste, qui l'assistera fidèlement toute sa vie, fondant les plâtres au fur et à mesure de leur production, les sauvant souvent d'une ruine certaine, abandonnés qu'ils étaient aussitôt conçus, sans jamais qu'Alberto songeât à les considérer autrement que comme les approches imparfaites d'un projet toujours poursuivi et dont seule l'œuvre en cours concrétisait l'espoir.
La première œuvre qu'on connaisse de lui est un petit buste de son frère Diego, qu'il exécute à treize ans, d'une autorité étonnamment précoce, fruit d'une sorte de grâce innocente qui obtiendrait tout sans avoir eu à chercher. Dès 1921, cependant, apparaissent des déformations singulières qui traduisent les premières impossibilités à réaliser exactement la sensation d'un volume dans l'espace : les apparences semblent se dérober à mesure, se contredire les unes les autres et finalement se détruire ; du détail d'une figure à son ensemble, du frontal au profil, se creusent des espaces immenses comme la Voie lactée ou comme le Sahara qu'aucune continuité créatrice ne paraît pouvoir combler. Les visages tendent à se réduire à des plaques sans épaisseur niant la réalité sensible de l'espace, sur lesquelles les traits sont simplement incisés. Devant cette sorte d'impuissance à traduire l'infinie variété – et la variabilité – du visible, Giacometti choisit de n'en retenir que la solidité et la permanence : s'éloignant du rendu d'après nature, il va, selon le mot de Cézanne, briser le compotier pour aller droit à des formes pures dont une loi de construction interne peut garantir la vérité more geometrico. En 1922, il se rend à Paris, entre dans l'atelier de Bourdelle et, bientôt, sous l'influence de Laurens et de Lipchitz, se soumet à la discipline cubiste. Les formes sont d'abord compactes, massives, frontales, comme le Torse ou la Femme-Cuillère, inspirée de la statuaire africaine. À partir de 1928, elles se font plus légères et plus claires : plaques et tablettes délicatement gravées ou déprimées. À l'opposé, Giacometti cherche alors à rendre la sensation d'un squelette dans l'espace : l'œuvre, comme dans L'Homme ou dans la Femme couchée, s'évide, devient construction transparente, structure à travers laquelle l'air circule, cage, enfin, emprisonnant un espace imaginaire. Le symbolisme sexuel se fait aussi plus insistant.

La tentation surréaliste Giacometti et les surréalistes

Cette intrusion de l'imaginaire au sein du conceptualisme cubiste et la rencontre avec Aragon et Breton orientent Giacometti, à partir de 1930, vers les eaux surréalistes. Pendant cinq ans, il se fait l'animateur d'un étonnant « théâtre de la cruauté », réalisant de purs et parfaits objets à fonctionnement symbolique, qui seront tantôt des mécanismes à la fois absurdes et précis, basés sur la représentation de mouvements virtuels, imminents ou répétitifs, comme la Fleur en danger ou Circuit, tantôt des constructions qu'il nomme affectives, évocatrices de catastrophes intimes, tel Le Palais de quatre heures. La coloration de l'œuvre est alors souvent l'expression d'un érotisme violent, voire sadique, comme dans la Pointe à l'œil ou la Femme égorgée : projection d'un désir toujours impuissant à rencontrer son objet et à se satisfaire et qui, indéfiniment désirant, semble se retourner contre lui-même pour se déchirer. L'Objet invisible de 1934-1935, en quoi Breton, dans L'Amour fou, reconnaissait « le désir d'aimer et d'être aimé ... en quête de son véritable objet et dans sa douloureuse ignorance », est cette figure hallucinée, au mouvement entravé, dont les mains à demi tendues se referment sur un objet toujours recherché et toujours absent, pour se l'approprier en un geste dérisoire et pathétique.
Cette sorte d'échec de la théâtralité surréaliste, dans sa répétition vaine du désir érotique, Giacometti s'en détourne, en 1935, comme d'une imposture, tout comme, auparavant, il s'était détourné du cubisme qui lui avait paru une « entreprise complètement absurde ». Tournant définitivement le dos à ces esthétiques autoritaires et volontiers terroristes, il s'engage dans une Vita Nuova dont le retour au réel serait le propos et atteindre à la « ressemblance », le terme.
Après avoir créé des sculptures plates Femme, 1929 et ouvertes Homme et Femme, 1929, Giacometti se rapproche des surréalistes et expose à partir de 1930 aux côtés de Joan Miró et Jean Arp à la galerie Pierre, avec laquelle il passe un contrat en 1929. Il rencontre Tristan Tzara, René Crevel, Louis Aragon, André Breton, Salvador Dalí, André Masson. Il adhère officiellement au groupe surréaliste parisien en 1931. Il y crée diverses œuvres ainsi que des gravures et des dessins servant d'illustration pour des livres de René Crevel, Tristan Tzara et André Breton. Il participe à la rédaction des revues du groupe.
Avec La Boule suspendue, Giacometti crée le premier objet à fonctionnement symbolique 1930 et une série de sculptures surréalistes qui enchantent Breton : L’Objet invisible 1934, Le Palais à 4 heures du matin, à propos duquel il publie un texte capital. Depuis des années, je n'ai réalisé que des sculptures qui se sont offertes tout achevées à mon esprit ; je me suis borné à les reproduire dans l'espace sans y rien changer, sans me demander ce qu'elles pouvaient signifier. … Rien ne m’est jamais apparu sous la forme de tableau, je vois rarement sous la forme de dessin. Les tentatives auxquelles je me suis livré quelquefois, de réalisation consciente d'une table ou même d'une sculpture ont toujours échoué. … L’objet une fois construit, j’ai tendance à y retrouver transformés et déplacés des images, des impressions, des faits qui m’ont profondément ému souvent à mon insu, des formes que je sens m’être très proches, bien que je sois souvent incapable de les identifier, ce qui me les rend toujours plus troublantes… Minotaure, 1933
L'inquiétude, l'onirisme, l'incertitude, la violence sont les caractéristiques des sculptures de cette époque : Cube, Femme qui marche, Femme couchée qui rêve, Femme égorgée, Cage, Fleur en danger, Objet désagréable à jeter, Table, Tête crâne. La plupart de ses œuvres de jeunesse ou surréalistes sont connues par l'édition en bronze commencée dans les dix dernières années de la vie de l'artiste.
Exclu du groupe surréaliste en 1935, Giacometti garde toutefois des relations amicales avec Michel Leiris et Georges Limbour, et ses sculptures ne cesseront d'être présentées dans les diverses expositions surréalistes.

Le retour au réel

Pendant cinq ans, jusqu'en 1940, Giacometti travaille sur modèle et, de nouveau, sent la réalité lui échapper : Une tête devenait pour moi un objet totalement inconnu et sans dimensions. Il cherche alors à utiliser les ressources de la mémoire comme si la distance temporelle pouvait devenir le substitut bénéfique de cette distance spatiale qu'il ressent comme un écueil. Les sculptures deviennent de plus en plus petites, guère plus hautes de un ou deux centimètres et, parfois, d'un dernier coup d'ébauchoir, finissent en poussière. La légende veut que toute sa production, durant les années de guerre, ait pu tenir dans quelques boîtes d'allumettes. En 1945, la pratique du dessin lui permet de donner à ses figures une taille à peu près normale, mais elles deviennent alors de plus en plus hautes et minces, jusqu'à cet aspect caractéristique qu'on leur connaît. Trois thèmes reviennent sans cesse, traités en général par séries : celui du buste, celui de la figure debout, immobile et frontale, celui enfin de la figure en marche. À partir de 1948 des groupements s'organisent soit autour du thème du mouvement, Trois Hommes qui marchent, La Place, soit autour du thème de l'immobilité, des bustes et des figures en pied, sans souci des rapports d'échelle : La Cage, La Clairière, La Forêt. De tels groupements peuvent apparaître comme la réalisation dans le bronze des rapprochements spontanés qui s'opéraient dans l'atelier de Giacometti, où les œuvres voisinaient au sol sans souci d'ordre, comme les approches successives et toujours inadéquates d'une même réalité, comme les fragments d'un tout à jamais insaisissable, comme les divers témoins, enfin, d'une même et infinie recherche : celle de la ressemblance.

La ressemblance

"Ce qui m'intéresse dans toutes les peintures, écrivait Giacometti, c'est la ressemblance, c'est-à-dire ce qui pour moi est la ressemblance : ce qui me fait découvrir un peu le monde extérieur". Ainsi envisagée, la ressemblance n'a plus rien à voir avec le souci naturaliste du rendu ; plutôt que de reproduire la réalité, il s'agit de réaliser la sensation qu'on en peut avoir, de rendre réelle la vision que l'on en a. Or, qu'est-ce que voir un objet ? Cette question qu'à la même époque se posait la phénoménologie, Giacometti semble l'inscrire dans son œuvre. La vision courante est une vision perpétuellement « redressée » par la raison, par l'intellect, par l'habitude. Que serait une vision nue, délivrée de ces « redressements » ? Quelles sont les limites exactes d'une figure ? Où, exactement, se trouve l'objet que l'on considère ? Quelle est l'échelle de cet objet ? Par quel processus visuel éprouve-t-on qu'une chose est là ? Toute l'œuvre de Giacometti semble célébrer ce mystère de la visibilité des apparences et l'énigme de la présence du monde. De là ces figures élongées, aux limites imprécises, étirées comme un plasma vibrant au sein de l'espace. De là encore ces apparentes aberrations optiques, proches parfois de certaines anamorphoses maniéristes, où la minuscule figurine acquiert la qualité monumentale de la grande figure et la grande figure la minutie de la figurine, où la figure en marche acquiert le statisme de la figure immobile et la figure dressée la mouvance de la figure en marche, en une sorte de paradoxe zénonien sur le mouvement et l'immobilité, sur l'un et le multiple, où toutes les qualités du visible s'interpénétreraient et finiraient par s'abolir dans un espace indifférent qui, tout à la fois, les suscite et les engloutit. De là, enfin, ce besoin de redonner à ces figures perdues une échelle qui soit relative à l'œuvre elle-même, soit dans la sculpture au moyen d'une cage ou d'un socle par rapport auxquels la figure retrouve une taille, soit, dans les peintures, au moyen de caches dédoublant le cadre de la toile, dans lesquels la figure inscrit sa dimension vraie. La figure peut alors apparaître hiératique, impérieuse, et devenir, selon le mot de Sartre, cette apparition qui est aussi une disparition, une « apparition interrogative ».

L'art et la mort

Si proches et si saisissantes, les figures de Giacometti semblent aussi séparées de nous par une infranchissable distance. Immédiates, leur immédiateté est saisie comme dans une sorte d'éloignement définitif. Elles sont là depuis toujours et, en même temps, elles ont depuis toujours disparu : elles surgissent d'au-delà de notre propre mort. Les plus achevées recèlent en elles une qualité qui n'a appartenu qu'aux plus grands arts funéraires du passé, à la Chaldée, à l'Égypte, au Fayoum. Cette nécessité de la présence de la mort au sein de l'œuvre est une exigence qui apparaît très tôt, et que ne pouvaient satisfaire ni le cubisme, tourné vers une sorte d'éternité conceptualiste de la forme, ni l'imaginaire surréaliste, tourné vers la dynamique répétitive du désir. Dans un texte célèbre de 1946, Giacometti a expliqué comment la mort devait, pour lui, s'imposer dans sa réalité quotidienne et fascinante et, dès ce moment, comment il devait commencer de voir les apparences de la vie sous les aspects de la mort, c'est-à-dire le mouvement sous celui de l'immobilité, la diversité du vécu sous celui d'une fixité définitive, la multiplicité sous celui d'une impossible unité ; tout être lui apparaître enfin comme un être-pour-la-mort, « quelque chose de vif et mort simultanément ». Les dernières œuvres qu'il ait faites, entre 1960 et sa propre mort, à Coire, en 1966 – série des bustes d'Annette, sa femme, série des bustes d'Élie Lotar, le cinéaste – sont parmi les plus bouleversantes de l'art contemporain. Hallucinantes en leur présence, insaisissables en leur au-delà, elles posent inlassablement la question de savoir si, en une époque privée de transcendance, un art funéraire est encore possible et si l'art, à défaut d'une religion révélée, peut encore offrir un salut.

L'art de la maturité

À partir de 1935, Giacometti délaisse l'anecdote et les titres littéraires pour poursuivre une quête de la représentation de la réalité, produisant des séries de têtes pour lesquelles posent un modèle et son frère.
En décembre 1941, il quitte Paris pour Genève. Il travaille dans une chambre d'hôtel, poursuivant la production des sculptures minuscules commencée à Paris. L'impossibilité de réaliser une sculpture de grande taille le hante, et ce n'est qu'après avoir vaincu cet obstacle avec la Femme au chariot en 1944-45 qu'il décide de quitter la Suisse.
En septembre 1945, Giacometti revient à Paris, où il est rejoint en 1946 par Annette Arm, qu'il épouse en 1949. En octobre 1946, André Breton, de retour des États-Unis, déclare à la presse : Au terme de ses nouvelles recherches, j’ai vérifié avec enthousiasme qu’en sculpture Giacometti était parvenu à faire la synthèse de ses préoccupations antérieures, de laquelle m’a toujours paru dépendre la création du style de notre époque. Néanmoins Giacometti décline la proposition de Breton de le rejoindre et de participer activement à l'exposition que Breton prépare à la galerie Maeght, Le Surréalisme en 1947. Certaines de ses œuvres font néanmoins écho au surréalisme (Le Nez 1947-49, La Main 1947.
C'est pendant cette période 1946-1947 que s'affirme le nouveau style de Giacometti, caractérisé par des hautes figures filiformes. Sa production est stimulée par les relations qu'il renoue avec le marchand new-yorkais Pierre Matisse, qui accueille sa première exposition personnelle d'après-guerre en janvier 1948. Grâce à la reconduction des accords passés en 1936 avec le galeriste, Giacometti peut faire fondre en bronze en 1947 huit de ses nouvelles sculptures, dont L'Homme qui pointe et le premier Homme qui marche. Suivent en 1948 Les Trois hommes qui marchent et les Places. Mais c'est pour l'exposition qui ouvre en décembre 1950 dans la galerie de Pierre Matisse que Giacometti produit quelques-unes de ses plus fameuses sculptures, dont commence l'édition en bronze, parmi lesquelles : Quatre femmes sur socle, Quatre figurines sur piédestal, La Forêt, La Clairière, La Cage, Le Chariot, La Femme qui marche entre deux boîtes qui sont des maisons.
C'est seulement en juin 1951 qu'a lieu sa première exposition d'après-guerre à Paris, à la galerie Maeght, où son ami Louis Clayeux l'a convaincu d'entrer. Il y présente des œuvres déjà montrées chez Matisse, et plusieurs œuvres nouvelles, toutes en plâtre, dont Le Chat et Le Chien. Contrairement à la légende qui veut qu'Aimé Maeght ait permis à Giacometti de faire fondre ses œuvres en bronze, Giacometti peut faire fondre ce qu'il veut depuis 1947, grâce à Pierre Matisse.
En 1948, Jean-Paul Sartre avait signé la préface de sa première exposition à New York, La recherche de l'absolu. En 1951, ce sont Leiris et Ponge qui accompagnent l'exposition chez Maeght. En 1954, Sartre écrit un autre texte de référence sur l'artiste. La même année, Giacometti rencontre Jean Genet, dont il fait le portrait, et c'est pour la publication de la galerie Maeght, Derrière le miroir, que Genet écrit en 1957 un des plus brillants essais sur l'artiste, L'Atelier d'Alberto Giacometti.
À partir du milieu des années 1950, Giacometti réduit ses motifs à des têtes, à des bustes et à des figures. Représentant la France à la Biennale de Venise en 1956, Giacometti expose une série de figures féminines un peu moins grandes que nature, connues par la suite sous l'appellation de Femmes de Venise, même si certaines furent montrées pour la première fois à Berne la même année. À la fin de 1958, il obtient grâce à Pierre Matisse une commande pour une place à New York devant la Chase Manhattan Bank, projet qu'il abandonnera. Pour ce monument, il crée trois éléments : une grande femme, un homme qui marche, une grande tête, poursuivant ses recherches antérieures en grande taille. Ce monument ne sera installé finalement que dans la cour de la Fondation Maeght. Il comprend alors deux Hommes qui marchent, deux Grandes femmes et une tête monumentale.
À la fin de sa vie, Giacometti est comblé d'honneurs. Il remporte le prix Carnegie International en 1961, le grand prix de sculpture de la Biennale de Venise en 1962, le prix Guggenheim en 1964, et le Grand Prix international des Arts décerné par la France en 1965.
Opéré d'un cancer de l'estomac en février 1963, Giacometti en guérit. À cette époque, il participe activement au projet de la Fondation Maeght, en faisant cadeau pour le prix de la fonte d'un nombre important de bronzes Il y a un certain intérêt à ce que ces sculptures existent groupées ensemble, écrit-il à Pierre Matisse. Dans ses dernières années, il suit attentivement le projet de Fondation à son nom qui est créée en Suisse pour recueillir la collection de G. David Thompson, un industriel de Pittsburgh qui avait le projet d'ouvrir un musée aux États-Unis.

Alberto Giacometti meurt à l’hôpital cantonal de Coire, en Suisse, le 11 janvier 1966. Son corps est transféré à Borgonovo, et inhumé près de la tombe de ses parents.

Sa veuve se consacre à la défense de son œuvre et crée par testament une Fondation Alberto et Annette Giacometti, reconnue d'utilité publique en 2003, dont le siège se situe à Paris. Elle comprend un grand nombre de tableaux et de sculptures de l'artiste, ainsi qu'un centre de recherche et de documentation.[réf. nécessaire]2.

Peintures et dessins

Il s'agit d'un pan important de l'œuvre de l'artiste. Il est connu essentiellement pour ses portraits, même s'il a fait quelques paysages ou natures mortes dans sa jeunesse. Il a également peint des tableaux abstraits dans les années 1920 et 1930.
Ses portraits sont faits soit d'après modèles, soit de mémoire. Le nombre de ses modèles est relativement limité. Les plus connus sont son frère Diego et sa femme Annette. Il a également utilisé des modèles professionnels ainsi que certains de ses amis dont le professeur de philosophie Yanaihara à partir de 1955.
Les portraits de Giacometti se caractérisent par l'absence de décor, le caractère quasi monochrome et sombre de la palette, l'attitude figée du modèle, toujours de face, qui contraste avec l'abondance des retouches au niveau du visage, jusqu'à en effacer l'esquisse initiale.

Principales Å“uvres, Sculptures

Torse, 1926
Femme cuillère, 1927
Le Couple, 1927
Composition cubiste. Homme, 1927, bronze3
Tête qui contemple, 1927
Femme couchée qui rêve, 1929
Homme et femme », 1929
La Boule suspendue, 1930-1931
Projet pour un couloir, 1932
Cage, 1933
Objet désagréable à jeter, 1931
Pointe à l’œil, 1932
On ne joue plus, 1932
Femme égorgée, 1932
Main prise, 1932
Table surréaliste, 1933
Le Palais à quatre heures du matin, 1932
Fleur en danger, 1933
L’Objet invisible ou Mains tenant le vide, 1934
La Femme qui marche, 1932
Nuit, 1946
Femme assise, 1946
L’Homme au doigt, 1947
Le Nez, 1947 et 1949
Tête sur tige, 1947
Homme qui marche, 1947
Femme au chignon,1948
Grande figure, 1949
La Place, 1949
Le Chariot, 1950
Le Chien, 1951
Le Chat, 1951
Tête de Diego sur socle, 1953
Femme debout, 1953, bronze à patine brune signé et numéroté4.
Le Petit Lustre avec figurine, années 1950, adjugée pour 1,86 M€ aux enchères en octobre 2007 chez Artcurial Paris. Œuvre réalisée pour le critique et éditeur Tériade de la revue surréaliste Le Minotaure.
Bust of Diego, 1954
Femmes de Venise, 1956
Buste de femme aux bras croisés Francine Torrent, Madame Télé (Mrs. T.V.), 1960' 5.
Grande femme IV, 1960
Grandes figures II et III, 1960
L'Homme qui marche I, 1960 ; Palais de l'UNESCO, Paris
Arbre, sculpture pour le décor d’En attendant Godot de Samuel Beckett, 1961

Peintures

Auto-portrait, 1921
Le Couple, 1926
La Mère de l’artiste, 1937
Pomme sur un buffet, 1937
Stehende Figur, 1947
La rue, 1952
Paysage à Stampa, 1952
Diego in a Plaid Shirt, 1954
Rue d'Alésia, 1954
Annette dans le studio, 1954
Yanaihara, 1958
Annette, 1962
Jean Genet
Michel Leiris

Dessins

Paris sans fin, recueil de 150 dessins de Paris, dernière œuvre restée inachevée, publié à 200 exemplaires par Tériade en 19696.

Écrits

Olivier Larronde Rien voila l'ordre, illustré de 31 dessins de Alberto Giacometti, chez l'Arbalète / Barbezat, 1959
Écrits, préfaces de Michel Leiris et Jacques Dupin, éd. Hermann, 1991 ; édition revue et augmentée, 2007
Écrits, nouvelle édition revue et augmentée sous la direction de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, Paris, Hermann Éditeurs des sciences et des arts, 2009

Postérité, Principales expositions

Rétrospective à Londres, New-York et Copenhague en 1965
Première rétrospective française au Musée de l'Orangerie à Paris en 1969
Alberto Giacometti 1901 -1966, peintures, sculptures, dessins et estampes au Gemeente museum à La Haye, Hollande en 1986.
Rétrospective au musée d’Art moderne de Paris en 1991
L'Atelier d'Alberto Giacometti, exposition au Centre Pompidou à Paris, du 17 octobre 2007 au 11 février 2008
Fondation Maeght à Saint Paul de Vence, du 27 juin au 31 octobre 2010
Giacometti et les Étrusques, Pinacothèque de Paris, du 16 septembre 2011 au 8 janvier 2012
Alberto Giacometti au Musée de Grenoble, du 9 mars au 9 juin 2013

Cote de l'artiste

Le 3 février 2010, L'Homme qui marche I est vendu pour 74,2 millions d'euros chez Sotheby's à Londres, trois fois plus cher que son estimation la plus élevée7. Deux petites sculptures, intitulées Projet pour un monument pour Gabriel Péri et Projet pour une place ont été vendues en 2007 à Cologne, chez Lempertz Kunsthaus, pour une valeur de 1 590 000 euros frais compris. L'estimation était de 1 300 000 euros8.

Hommages

Son portrait apparaît sur les billets de 100 francs suisses.

Bibliographie

Yves Bonnefoy, Alberto Giacometti : biographie d’une œuvre, Paris, Flammarion, 1991
Jean Clair, Le Nez de Giacometti, Paris, Gallimard, 1992
Jean Clair, Le résidu de la ressemblance. Un souvenir d’enfance d’Alberto Giacometti, Paris, l’Échoppe, 2000
Claude Delay, Giacometti, Alberto et Diego, l’histoire cachée, Paris, Fayard, 2007
Georges Didi-Huberman, Le cube et le visage, Paris, Éditions Macula, 1993, réédition 2007
André Du Bouchet, Alberto Giacometti. Dessins, Paris, Maeght éditeur, 1969, réédition 1991
Thierry Dufrêne, Giacometti, Genet : masques et portrait moderne, Paris, l’Insolite, 2006
Thierry Dufrêne, Alberto Giacometti. Les dimensions de la réalité, Genève, Éditions d’art Albert Skira, 1994
Thierry Dufrêne, Le Journal de Giacometti, Paris, Hazan, 2007
Jacques Dupin, Alberto Giacometti, Tour, Farrago, 1999.
Jean Genet, L’atelier d’Alberto Giacometti, Décines (Isère), L’Arbalète, 1958. Rééditions 1963 et 2007, Paris, Gallimard
Reinhold Hohl, Alberto Giacometti, Stuttgart, Gerd Hatje Verlag, 1971
Charles Juliet, Giacometti, POL, 1995
Michel Leiris, Pierre pour un Alberto Giacometti, dans Derrière le miroir, n° 39-40, juin-juillet 1951, réédition 1991 (Paris, L’Échoppe).
James Lord, Giacometti : biographie, New York, 1983 ; Nil éditions, 1997.
Suzanne Pagès (directrice de publication), Alberto Giacometti. Sculptures - peintures - dessins, catalogue de l’exposition du Musée d'art moderne de la ville de Paris, 1991-1992
Jean Soldini, Alberto Giacometti. Le colossal, la mère, le sacré, préface de René Schérer, Lausanne, Éditions L'Âge d'Homme, 1993
David Sylvester, Looking at Giacometti, éd. Henry Holt & Co., 1996
Giacometti, Paris sans fin, Les Cahiers dessinés, Buchet/Chastel, 2003 (ISBN 2-283-01994-X)
Véronique Wiesinger, Alberto Giacometti, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », 2007
Véronique Wiesinger, L'Atelier d'Alberto Giacometti. Collection de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, cat. exp., Paris, Centre Georges Pompidou, 2007
Casimiro Di Crescenzo, Thierry Dufrêne, Marco Franciolli, Donat Rütimann, Nadia Schneider, Alberto Giacometti : Rétrospective, coédition du Musée d'art et d'histoire de Genève et des Presses du réel, Dijon, , 2009
Franck Maubert, Le Dernier Modèle, Mille et une nuits, 2


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[img width=600]http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/9e/Alberto-Giacometti,-etching-(author-Jan-Hlad%C3%ADk-2002).jpg/220px-Alberto-Giacometti,-etching-(author-Jan-Hlad%C3%ADk-2002).jpg[/img]


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Posté le : 11/01/2015 15:33
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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