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Wilhelm Furtwängler 1
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Le 25 janvier 1886 naît Wilhelm Furtwängler

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à Berlin, de son nom complet Gustav Heinrich Ernst Martin Wilhelm Furtwängler, il meurt à 68 ans, le 30 novembre 1954 à Baden-Baden, chef d'orchestre et compositeur allemand.Il a pour maîtres Arthur Nikisch et Heinrich Schenker, pour élèves Sergiu Celibidache, ses parents sont Adolf Furtwängler et Adelheid Furtwängler.
Wilhelm Furtwängler fut l'un des plus importants chefs d'orchestre de l'histoire de la musique classique occidentale, notamment grâce à ses interprétations de la musique symphonique allemande et autrichienne qui font encore référence pour les musicologues et les interprètes actuels.
Il mena à son apogée l'orchestre philharmonique de Berlin auquel il s'identifia toute sa vie. Furtwängler synthétisa la tradition d'interprétation germanique initiée par Richard Wagner et poursuivie par les deux premiers chefs d'orchestre permanents de l'orchestre philharmonique : Hans von Bülow et Arthur Nikisch.
Son style subjectif d'interprétation, profondément influencé par les théories du musicologue juif viennois Heinrich Schenker, a souvent été comparé et opposé à celui plus objectif d'Arturo Toscanini, son rival de toujours. Il a eu une influence considérable sur tous les chefs d'orchestre de l'après-guerre.
Son rôle, son image et certains de ses choix dans le contexte de l'Allemagne nazie lui valurent de nombreuses critiques. Toutefois, il n'apparaît pas qu'il ait jamais eu la moindre sympathie pour l'idéologie nazie.

En Bref

Dans le monde de la direction d'orchestre Wilhelm Furtwängler fait figure d'exception : plus d'un siècle après sa naissance, il est le seul chef dont les témoignages sonores n'ont connu aucune éclipse, continuant à susciter l'admiration ou à provoquer la discussion. Sa stature, sa démarche d'interprétation, les fonctions qu'il a occupées en ont fait un chef hors du commun. Un peu réticent à l'égard du disque, surtout dans ses premiers temps, Furtwängler a bénéficié des recherches d'admirateurs infatigables qui ont exhumé des enregistrements de concert partout où ils pouvaient se trouver. Tous ces documents ont été modernisés et ont connu d'emblée les honneurs de la gravure numérique. Au cœur de cette action figurent toutes les sociétés Wilhelm Furtwängler qui ont vu le jour principalement dans les pays occidentaux et qui jouent, en outre, un rôle médiatique non négligeable.
Cette médiatisation de son art, qu'il avait toujours refusée, n'a pas fait pour autant de lui une vedette. Il reste celui dont Fred Goldbeck a dit qu'il était l'art de diriger fait homme. Paradoxalement, alors qu'il n'avait pas fait école de son vivant, n'apportant aucun enseignement direct à de jeunes chefs d'orchestre, il semble inspirer la démarche de toute une génération qui a grandi plusieurs années après sa disparition, de Daniel Barenboïm à Simon Rattle, génération qui a su dépasser les problèmes politiques ou les choix d'un répertoire pour recevoir ce qui existe et non supputer ce qui aurait pu exister. Alfred Brendel n'hésite pas à écrire dans Réflexions faites, Buchet-Chastel, Paris, 1979 : Qu'est-ce qui peut aujourd'hui faire le plus sûrement l'unanimité parmi les jeunes musiciens de tous les pays ? Leur admiration pour le grand chef d'orchestre Furtwängler.
En 1934 et 1935, il est directeur général de la musique à la Staatsoper de Berlin. En décembre 1934, il se démet de toutes ses fonctions pour protester contre l'antisémitisme et l'immixtion du pouvoir dans le domaine artistique. Après plusieurs mois de négociations, il reprend ses activités à Berlin. L'Orchestre philharmonique de New York lui offre la succession de Toscanini, sous réserve qu'il abandonne toute fonction officielle en Allemagne. Il accepte, mais une campagne menée depuis Berlin fait échouer ce projet.
Furtwängler prend alors ses distances à l'égard de Berlin et dirige davantage hors d'Allemagne : à Paris, pour l'Exposition universelle de 1937, Londres, Salzbourg (où il se brouille avec Toscanini pendant le festival. Mais il ne peut se dégager totalement des concerts officiels de l'Orchestre philharmonique de Berlin dont il reste le directeur musical. Il refuse toutefois de participer à diverses manifestations de propagande, ce qui lui vaut l'hostilité de Goebbels et une étroite surveillance de la part de Himmler. En février 1945, il préfère s'exiler en Suisse où il se consacre surtout à la composition. Interdit de direction par les Alliés, il devra attendre le 17 décembre 1946 pour être lavé de toute accusation d'activités nazies, notamment grâce aux interventions de Yehudi Menuhin et d'Ernest Ansermet.
Dès 1947, il reprend ses activités avec l'Orchestre philharmonique de Berlin. Il dirige régulièrement les concerts de la Philharmonie de Vienne 1947-1949 et est invité dans le monde entier : Scala de Milan, Paris, Londres, Buenos Aires, Lucerne, Salzbourg... C'est l'époque des grands enregistrements qu'il réalise sous la direction artistique de Walter Legge avec le Philharmonia Orchestra de Londres. En Italie, il enregistre La Tétralogie pour la R.A.I. 1953 ; mais sa santé se détériore rapidement et il meurt à Baden-Baden le 30 novembre 1954.

Sa vie

Le père de Wilhelm, Adolf Furtwängler, cousin du mathématicien Philipp Furtwängler, était un éminent archéologue qui dirigea les fouilles allemandes à Égine, Mycènes et à Olympie — une salle porte son nom au musée d'Olympie — et dont certains des ouvrages sur la céramique grecque antique font encore autorité. Sa mère, Adelheid née Wendt, dont le père avait été un ami de Johannes Brahms, était peintre. Son oncle maternel était le zoologue Anton Dohrn qui avait fondé l'institut de zoologie de Naples. Wilhelm était l'aîné de quatre enfants, ses frères et sœurs se prénommant Walter, Märit et Annele. Il passa la plus grande partie de son enfance proche de Munich, où son père enseignait à l'université. Il reçut une éducation musicale dès son plus jeune âge, développant très tôt une prédilection pour Ludwig van Beethoven, compositeur qui l'accompagna artistiquement toute sa vie.
Statue du Temple d'Aphaïa fin du VIe ou du début du ve siècle av. J.-C. d'Égine. Furtwängler, adolescent, se rendit sur le site d'Égine où son père dirigeait les fouilles archéologiques. Cette statue est conservée actuellement à la Glyptothèque de Munich dont le père de Furtwängler était le conservateur.
Elisabeth Furtwängler, son épouse, témoigne ainsi de cette proximité intellectuelle entre Beethoven et le jeune Furtwängler : Wilhelm m'a raconté qu'adolescent il avait accompagné son père à Égine en 1901, où ce dernier dirigeait des fouilles archéologiques. Là, le jeune Furtwängler montait dès le matin dans les forêts de pins et les collines, et lisait les quatuors de Beethoven dans l'immensité solitaire de la nature.
Il décida à sept ans de devenir compositeur, vocation qui ne le quitta jamais. Il commença à composer dès cet âge, mais la composition lui déclenchait des crises de nervosité et de nombreuses insomnies. Bien que très brillant, le jeune homme s'ennuyait à l'école et fut donc retiré du système scolaire tôt. Il eut les archéologues Ludwig Curtius, Walter Riezler, les compositeurs Anton Beer-Walbrunn et Josef Rheinberger comme précepteurs. En 1902-1903, Furtwängler étudia la composition avec le chef d'orchestre et compositeur Max von Schilling.
Ludwig Curtius amena le jeune Furtwängler en Toscane en 1902. La découverte de l'art de la Renaissance italienne eut sur lui un impact dont l'importance ne peut être exagérée : dans la chapelle des Médicis, entouré des statues de Michel-Ange, l'adolescent demeura assis des heures refusant d'être dérangé par les adultes, composant le début de son Te Deum.

Débuts de carrière

À l'époque où Furtwängler fit ses débuts comme chef d'orchestre, à l'âge de vingt ans, il avait déjà écrit diverses œuvres, notamment sa première symphonie en ré majeur trois ans plus tôt, créée par la Schlesische Philharmonie en 1903. Toutefois, elles avaient reçu un accueil très mitigé. Craignant l'insécurité matérielle liée à une carrière de compositeur, il préféra se consacrer à la direction d'orchestre. Lors de son premier concert à Munich le 19 février 1906, il dirigea la Consécration de la maison de Beethoven, un poème symphonique en si mineur de sa composition et la neuvième symphonie d'Anton Bruckner. Les musiciens de l'orchestre furent irrités qu'un si jeune débutant choisisse une œuvre aussi difficile que la neuvième symphonie de Bruckner pour son premier concert. Lors de la première répétition, sa technique de direction était tellement catastrophique qu'ils furent persuadés que le concert n'aurait jamais lieu. Mais, curieusement, Furtwängler sut leur transmettre, par delà ses gestes incontrôlés, sa conception de cette symphonie. Après le concert, les musiciens furent enthousiastes et la réaction du public et des critiques encourageante. Il fut répétiteur et assura des directions d'orchestres temporaires à Breslau en 1905, Zurich durant la saison 1906, Munich de 1907 à 1909 et à Strasbourg de 1910 à 1911, où il travailla sous la direction du compositeur Hans Pfitzner. Ce dernier eut une grande influence sur Furtwängler : il dirigea et loua les compositions de Pfizner jusqu'à la fin de sa vie.
En 1911, Hermann Abendroth démissionna de son poste de directeur musical de l'orchestre municipal de Lübeck. En avril 1911, la ville organisa un concours pour trouver son remplaçant. En fait, l'orchestre avait déjà choisi officieusement le successeur mais devait organiser un concours pour la forme et Furtwängler se présenta. Ce dernier ne fut pas pris au sérieux par le jury : il n'avait presque aucune expérience et sa technique de direction était dramatique, il bougeait les mains dans tous les sens sans raison. Cependant, pendant les répétitions et durant l'audition, les musiciens de l'orchestre furent bouleversés par ce jeune candidat qui semblait possédé par la musique et qui leur transmettait sa passion à travers un sixième sens : ils exigèrent Furtwängler. Ce dernier devint donc le chef d'orchestre de la ville hanséatique où la vie culturelle jouait un rôle très important. C'est à Lübeck, le 28 avril 1913, qu'il dirigea pour la première fois de sa vie la Neuvième. Cette Neuvième n'a évidemment pas été enregistrée mais ceux qui l'entendirent déclarèrent n'en avoir jamais entendue d'aussi extraordinaire et allèrent jusqu'à prétendre que l'on ne pourrait jamais en entendre de meilleures. Des commentaires similaires furent rapportés lorsqu'il dirigea l'Eroica 2 janvier 1915 ainsi que pour l'adagio de la Symphonie nº 8 de Bruckner 28 mars 1914. Cependant, conscient de la nécessité d'améliorer sa technique de direction, Furtwängler se rendit à Hambourg, en février 1912, pour assister à un concert sous la direction d'Arthur Nikisch le directeur de Orchestre philharmonique de Berlin, considéré à l'époque comme le plus grand chef d'orchestre d'Allemagne voire du monde. Alors que Furtwängler fut toujours très critique vis-à-vis de ses confrères, il fut ce soir-là bouleversé. Après le concert, une amie le présenta à Nikisch mais le jeune homme fut tellement ému qu'il ne put dire un mot. Néanmoins, Furtwängler continua à aller assister à de nombreux concerts dirigés par Nikisch à Hambourg pour essayer de découvrir ce qu'il considérait comme le secret du vieux maître et qui correspondait exactement à ce qui lui manquait : la capacité qu'avait Nikisch à obtenir des sons magnifiques en utilisant un nombre très réduit de gestes simples. Ce dernier invitait systématiquement Furtwängler aux diners qu'il organisait après ses concerts. Un convive demanda un soir à Nikisch qui était ce jeune homme mal habillé et qui était si timide qu'il ne parlait presque pas. Il lui répondit simplement : Il est sûr qu'il est destiné à de grandes choses et prophétisa ce sera probablement mon successeur. Furtwängler considéra toujours Nikisch comme son unique modèle pour la direction orchestrale.
Il fut ensuite nommé à l'opéra de Mannheim en 1915. C'était son premier poste important et le début de sa fulgurante carrière : le 7 septembre 1915, pour son premier concert à Mannheim il dirigea Fidelio qui demeura toujours son opéra favori. Les critiques ne tarissaient plus d'éloges : on parla dans toute l'Allemagne du miracle Furtwängler. Le poste à Mannheim a aussi une forte valeur symbolique : c'est là, en effet, qu'un groupe de musiciens du milieu du XVIIIe siècle, que l'on dénomme l'École de Mannheim, développa la forme sonate dans sa confection classique, laquelle devint ensuite celle de la symphonie. Son épouse Elisabeth rapporte que sa nomination à Mannheim fut la plus grande joie de sa carrière, plus encore que celle à Berlin, qui intervint plus tard.
Furtwängler a raconté à de nombreuses reprises comment s'était déroulée l'audition. Friedrich Schnapp, qui était chargé des enregistrements de Furtwängler pendant une longue période, en fit également le récit : il fallait remplacer le chef d'orchestre Bodansky, lequel devait décider, avec un jury de trois personnes, qui allait être son successeur. Furtwängler dirigea Fidelio mais commit de nombreuses erreurs techniques alors que ses concurrents dirigèrent sans le moindre accroc. Schnapp raconta que Furtwängler était totalement déprimé et absolument sûr qu'il ne serait pas retenu. Mais, contre toute attente, Bodansky l'invita à dîner et, pendant le repas, il lui demanda quand il voulait commencer. Furtwängler fut très surpris et lui fit remarquer qu'il avait fait de nombreuses erreurs et pas les autres candidats. Schnapp raconta : Bodansky dit : cela ne m'intéresse pas du tout. Vous étiez de loin le meilleur ! Les autres ne font pas le poids c'est certain. Et Furtwängler me dit alors : voyez-vous, et c'était un Juif, et il faut… je devrais écrire un jour tout ce que je dois aux Juifs ! Ils avaient effectivement un sens de la qualité qui est unique ... Et ce fut le début de l'ascension de Furtwängler.

Le plus grand chef d'orchestre d'Allemagne

En 1920-1922, Furtwängler travailla tour à tour à Francfort-sur-le-Main, à Vienne, à la Staatskapelle de Berlin, à l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig en 1922, où il succéda à Arthur Nikisch et, simultanément, au prestigieux Orchestre philharmonique de Berlin. En 1922, à 36 ans seulement, il devint le principal chef d'orchestre en Allemagne. George Schneider raconta : au mois d'octobre 1922, dans la vieille salle de la Philharmonie, un jeune homme de trente-six ans dirige l'orchestre philharmonique de Berlin. Il vient d'être choisi pour prendre la tête du plus prestigieux orchestre du monde. Dans une loge Marie von Bülow, seconde femme du grand chef d'orchestre Hans von Bülow, ami de Liszt, Brahms et Wagner, remarqua : c'est la première fois que, depuis Bülow, j'ai retrouvé cette impression de chair de poule dans le dos.
Furtwängler naquit onze ans avant la mort de Johannes Brahms. Furtwängler eut toute sa vie une forte affinité pour la musique de Brahms. Son grand-père maternel fut l'ami du compositeur
Ultérieurement, il participa régulièrement au festival de Salzbourg et au festival de Bayreuth. Plus précisément, il dirigea à Bayreuth à partir de 1931 et à Salzbourg à partir de 1937. Il travailla très souvent avec l'orchestre philharmonique de Vienne qui avait été celui de Gustav Mahler. Furtwängler succéda à Felix Weingartner à la direction de cet orchestre en 1927. En 1930, il abandonna ce poste sous la pression du Sénat allemand qui voulait le conserver par tous les moyens en Allemagnea. Clemens Krauss lui succéda et, à partir de 1933, l'orchestre n'eut que des chefs invités. Cependant, Clemens Hellsberg expliqua qu'entre 1927 et 1954, le véritable chef principal de l'orchestre de Vienne fut Wilhelm Furtwängler qui s'est produit plus de 500 fois à la tête de l'orchestre. Mais Furtwängler déclara toujours que l'orchestre de Berlin avait la priorité par rapport à celui de Vienne. Il s'identifia toute sa vie à l'orchestre de Berlin, ce qui est une des raisons principales pour lesquelles il ne quitta jamais l'Allemagne. Les musiciens de l'orchestre de Vienne se plaignirent toujours que leur orchestre n'était que la maîtresse de l'illustre chef d'orchestre alors que celui de Berlin était sa femme. Furtwängler considérait que tous les musiciens de l'orchestre philharmonique de Berlin étaient sa famille, les traitant toujours avec grande affection, voire les protégeant durant la période nazie.
S'intéressant au plus haut point au travail de création des œuvres, pendant la première partie de sa carrière, Furtwängler programma régulièrement des œuvres de compositeurs qui lui étaient contemporains. Parmi beaucoup d'autres, il joua régulièrement Arthur Honegger, Hans Pfitzner, Igor Stravinsky, Arnold Schönberg, Béla Bartók, Gustav Mahler, Sergueï Prokofiev, Carl Nielsen, Maurice Ravel et Richard Strauss. Son compositeur préféré de cette période était Béla Bartók. En outre, il dirigea la création mondiale de plusieurs œuvres importantes du répertoire contemporain. À partir de 1920, Furtwängler travailla avec le musicologue Heinrich Schenker dont les théories font souvent encore aujourd'hui autorité pour l'interprétation de la musique tonale. Jusqu'à la mort de Schenker, en 1935, ils étudièrent ensemble en profondeur les partitions des œuvres que Furtwängler dirigeait ensuite et Schenker venait assister à ses concerts, commentant et corrigeant ses interprétations.

La République de Weimar

Stravinsky et Furtwängler. Sous la république de Weimar, Furtwängler joua un rôle important dans la mise en valeur de la musique contemporaine, en particulier celle de Stravinsky.
À la suite des accords de Locarno, Furtwängler joua un rôle de premier plan dans le rapprochement culturel avec la France, où il dirigea souvent. Il continua d'ailleurs à diriger de la musique française durant la Première Guerre mondiale : ainsi, le Carmen de Bizet apparaît à de nombreuses reprises dans les programmes des concerts de Furtwängler pendant cette période, malgré le contexte peu favorable.
Tous les éléments biographiques concordent pour indiquer que Furtwängler ne tomba jamais dans la haine des Français et l'utilisation des Juifs comme boucs-émissaires, idées qui traversèrent toute la société allemande pendant son existence. Il reçut la Légion d'honneur le 20 février 1939. Ce geste du gouvernement français tend à prouver que les chancelleries des démocraties occidentales savaient parfaitement que Furtwängler ne soutenait pas politiquement le régime nazi. Hitler fit d'ailleurs interdire la publication de cette nouvelle en Allemagne. D'autre part, comme Furtwängler refusa de mettre les pieds sur le territoire français durant l'Occupation, sa relation privilégiée avec la France reprit vite après la guerre : c'est la France qui fut le premier pays étranger à l'inviter après qu'il eut repris ses fonctions au Philharmonique de Berlin en 1947 les 24 et 25 janvier 1948 à Paris.
Durant la République de Weimar, l'Allemagne connut une grande effervescence culturelle, non seulement dans le domaine de la musique classique, mais aussi en architecture le Bauhaus, dans le cinéma, la peinture l'expressionnisme allemand, etc. Furtwängler, qui était devenu un symbole vivant de la grande tradition musicale germanique, joua un rôle important dans cet univers artistique. Que ce soit pour sa carrière ou pour les influences musicales qui façonnèrent son style de direction, Furtwängler ne devait donc rien à la période nazie.

1933-1945 : Un chef d'orchestre apolitique ?

Wilhelm Furtwängler et ses relations avec le régime nazi.

Les rapports de Furtwängler avec Adolf Hitler, et son attitude envers les nazis, ont occasionné de nombreuses polémiques. Lors de leur arrivée au pouvoir en 1933, le chef d'orchestre était très critique à leur encontre voir la section Relations tendues avec le pouvoir nazi. Après s'être opposé publiquement aux mesures raciales d'Hitler, Furtwängler se retrouva en situation d'affrontement direct avec les dirigeants nazis en particulier lorsqu'il prit la défense de l'œuvre de Paul Hindemit
Les dirigeants nazis cherchaient par tous les moyens à le garder en Allemagne car ils souhaitaient l'utiliser comme symbole de la culture allemande voir la section La volonté de récupération. D'autre part, comme Furtwängler pensait que son rôle était de rester en Allemagne pour protéger cette même culture et pour aider les Allemands menacés par le régime, il décida de rester dans son pays comme artiste apolitique, voir la section sur l'accord de 1935. Toutefois, rester en Allemagne sans aucun lien avec les dirigeants nazis se révéla très vite impossible, comme en témoigne le concert consacré à Beethoven le 2 mai 1935 où Hitler et tous les dirigeants nazis vinrent sans prévenir Furtwängler. Le fait de rester en Allemagne permit au chef d'orchestre de protéger certaines formations musicales, l'existence de l'Orchestre philharmonique de Vienne et d'aider de nombreuses personnes juives ou non juives.
Goebbels en avait conscience, il écrivit à plusieurs reprises dans son journal personnel que Furtwängler aidait sans arrêt des Juifs, demi-Juifs et son petit Hindemit mais il ferma volontairement les yeux. En effet, il réussit à obtenir en échange sa participation à quelques manifestations importantes : un concert des Die Meistersinger von Nürnberg en 1938 à Nuremberg, la veille des journées du parti nazi, et plusieurs concerts de Beethoven pour l'anniversaire d'Hitler, comme celui de 1942 à Berlin. Ces concerts furent vivement reprochés à Furtwängler après la guerre. Pendant la guerre, Furtwängler essaya systématiquement d'éviter de jouer dans les pays occupés. En particulier, il refusa catégoriquement de mettre les pieds en France sous l'Occupation. Il se rendit cependant en 1940 et 1944 à Prague, où il joua de la musique slave, et à Oslo en 1943 où il aida le chef d'orchestre d'origine juive Issay Dobrowen à s'enfuir en Suède.
Les dirigeants nazis fermèrent les yeux sur de nombreux faits concernant Furtwängler : entre autres, il refusa toujours de faire le salut nazi, de diriger les hymnes nazisA 8 et refusa de participer au grand film de propagande les Philharmoniker où il devait jouer le rôle principal. Mais la situation changea après l'attentat manqué du 20 juillet 1944 contre Hitler, quand il devint évident que Furtwängler avait des liens avec les membres de la résistance allemande au nazisme qui avait organisé l'attentat. Ayant appris que la Gestapo était sur le point de l'arrêter, il s'enfuit précipitamment en Suisse au début du mois de février 1945.

Premiers grands enregistrements

En 1937, Furtwängler réalisa une grande tournée en Angleterre pendant laquelle fut enregistrée sa première interprétation importante de la 9e symphonie de Beethoven ainsi que de nombreux extraits d'opéras de Richard Wagner avec notamment Kirsten Flagstad et Lauritz Melchior. Il existe même quelques enregistrements dans lesquels ils jouent tous les trois ensemble : ces enregistrements sont particulièrement importants car ils réunissent ceux qui furent probablement les trois plus grands interprètes wagnériens du XXe siècle.
En 1938, Furtwängler fut très affecté par les exactions systématiques contre les Juifs qui s'organisèrent et qui menèrent à la nuit de Cristal. Le témoignage le plus poignant de l'état dans lequel il était durant cette période est l'enregistrement qu'il fit de la Symphonie no 6 de Tchaïkovski cette année là. La critique unanime estime que jamais le pathétique et le tragique n'ont été poussés aussi profondément. Furtwängler était alors dans un état de pleine dépression et proche du suicide. Dans les enregistrements de Parsifal de 1938, on ressent la même impression de profonde dépression. Sami Habra déclara à propos de l'enregistrement de la Symphonie no 6 de Tchaïkovski : le dernier mouvement aurait probablement contenu quelque lueur d'espoir, n'eût été les évènements tragiques qui allaient plonger le monde dans ses heures les plus noires. Nombre d'observateurs ont fait observer que Furtwängler avait prévu ce qui allait se passer.

L'émigration intérieure

À partir de 1938, Hitler mit en place en Allemagne un régime qui devait amener la Seconde Guerre mondiale et des crimes contre l'humanité à très grande échelle. Mais Furtwängler ne tomba pas dans le désespoir. Dans son interprétation de 1938 de la Pathétique de Piotr Ilitch Tchaïkovski, il parut toucher le fond, mais il semble que quelque chose se transforma complètement dans son esprit au tournant de la guerre. En témoigne un enregistrement de 1940 d'une version orchestrée de la Cavatina du treizième quatuor de Ludwig van Beethoven qui, au lieu d'exprimer un désespoir absolu, semble totalement hors du temps. Il n'est pas possible, en écoutant cet enregistrement, de ne pas se rappeler que Furtwängler apprenait par cœur, très jeune, les quatuors de Beethoven en Grèce, alors que son père dirigeait les fouilles dans les plus grands sanctuaires de la Grèce antique. Furtwängler sembla, à partir de ce moment, atteindre une dimension spirituelle qui prenait racine dans la plus haute tradition idéaliste grecque et dont la musique symphonique germanique se voulait l'héritière, dimension qui lui servit de refuge intérieur. Goebbels se rendit compte que Furtwängler s'était enfermé dans une émigration intérieure, utilisant ce terme bien avant que les intellectuels allemands ne le définissent après la guerre. Il écrivit, en avril 1944 :
Furtwängler n'a jamais été national-socialiste. Et il n'a jamais fait de mystère là-dessus …. Et les Juifs et les émigrés ont trouvé cela suffisant pour le considérer comme un des leurs, lui qui était dans une sorte d'« émigration intérieure ; … il n'a jamais changé d'avis sur nous.
Les enregistrements de la suite de la guerre, s'ils sont toujours en 1942 et 1943 marqués par le sceau du tragique, ne finissent pas dans le désespoir comme la sixième symphonie de Tchaïkovski de 1938. Au contraire, ils semblent s'ouvrir sur une dimension transcendant. Cette tendance va en s'accentuant alors que le monde s'effondre de plus en plus autour de lui pour culminer dans les versions de 1944-1945, dans lesquelles le tragique disparaît définitivement.

Rembrandt, Philosophe en méditation.

Tout comme dans les œuvres principales du peintre, il se dégage des interprétations de guerre de Furtwängler une forte présence spirituelle qui a été soulignée par de nombreux critiques comme André Tubeuf, Sami Habra ou Harry Halbreich. Furtwängler a comparé explicitement sa direction floue avec l'art de Rembrandt.
Cette transformation apparaît si l'on compare le dernier mouvement de la Symphonie no 6 de Tchaïkovski de 1938, l'adagio de la Symphonie no 7 d'Anton Bruckner de 1942 et l'adagio de la Symphonie no 8 de Bruckner de 1944. Alors que l'enregistrement de 1938 se finit sur un vide immense, celui de 1942 est tragique mais la grandeur du discours est telle qu'en arrière-plan, une présence surnaturelle transparaît. Dans l'adagio de 1944, le processus d'anéantissement et de mort semble pleinement accepté par le chef d'orchestre et, à la fin du mouvement, au bout du tunnel, cette présence surnaturelle, qui n'était qu'en arrière plan en 1942, se révèle clairement porteuse d'un espoir infini. Cette dimension spirituelle est encore plus claire dans le célèbre enregistrement de l'Eroica, la Symphonie no 3 de Beethoven, daté de décembre 1944 et qualifié de la plus grande interprétation de tous les temps de la plus grande symphonie de tous les temps. Furtwängler réalisa la plus grande Marcia funebre, le deuxième mouvement de la symphonie, jamais enregistrée. Mais, s'il s'agit toujours d'un dialogue avec la mort, cela n'a plus rien à voir avec l'expressionnisme allemand. On est beaucoup plus proche des plus grands chefs-d'œuvre de Rembrandt où la peinture semble habitée par une présence surnaturelle et où les décors semblent sortir du cadre du tableau pour occuper un espace sans limite. André Tubeuf écrivit dans son commentaire sur cet enregistrement de 1944 : un fabuleux classicisme, figures que l'on dirait de pierre par leur noblesse, de feu par leur urgence : mais qui libèrent soudain, sur l'aile d'un Scherzo, dans le pas d'une Marche, donné en acte, l'Infini.

Les enregistrements de 1942-1943

En 1942, les techniques d'enregistrement s'étant améliorées, Furtwängler commença à accepter d'être enregistré un peu plus souvent. S'ensuivirent des enregistrements qui comptent parmi les documents sonores les plus importants du XXe siècle : par exemple, le mythique adagio de la symphonie no 7 de Bruckner, le Concerto pour piano no 2 de Brahms avec Edwin Fischer, la symphonie no 5 de Bruckneram, une symphonie no 9 de Schubert intitulée la Grande, Till l'Espiègle de Richard Strauss et surtout la symphonie no 9 de Beethoven. À propos de cette version dantesque, Harry Halbreich déclara concernant le premier mouvement : nul n'a jamais approché Furtwängler dans l'évocation de ce terrifiant déchaînement de forces cosmique.
Le Jugement dernier de Michel Ange dans la chapelle Sixtine. La Neuvième de Beethoven de 1942 par Furtwängler a été comparée à la chapelle Sixtine de Michel Ange par la critique.
L'adagio a toujours été considéré par la critique comme un sommet de l'art de Furtwängler. René Trémine déclara en effet : quant à l′adagio, ne serait-il pas, en sa surhumaine ampleur, le plus haut sommet atteint par Furtwängler - avec la marche funèbre de l'Eroica à Vienne en 1944 ? En ce qui concerne le fortissimo de la mesure 330 du finale, suivi d'un point d'orgue démesuré, Harry Halbreich ajouta : il s'agit d'une]vision de Dieu où Beethoven, grâce à un interprète digne de lui, rejoint et égale en puissance le Michel-Ange de la chapelle Sixtine.
En 1943, il enregistra l'ouverture de Coriolan, une symphonie no 4 de Brahms, les Variations sur un thème de Haydn de Johannes Brahms et surtout la cinquième symphonie de Beethoven. En ce qui concerne cette dernière, la transition du 3e au 4e mouvement est probablement l'un des plus grands moments de l'histoire de la musique.
Quatre mois après cette 5e de Beethoven, il enregistra la 7e symphonie de Beethoven. Harry Halbreich écrivit à propos du second mouvement de cet enregistrement : Dès les premières mesures, la perfection nous subjugue par son évidence : comment en douter, c'est là le tempo juste, humainement, organiquement juste, de cette musique ... Qui décrira la beauté incroyable du phrasé de la sonorité ... du chant des altos et violoncelles ... ? ... l'expression sublime des violons dans l'aigu ... ? Quant au second thème, à son retour il apparaît encore plus émouvant et plus expressif, plus brahmsien aussi ! que la première fois. Pour le final : ce finale fut toujours l'un des grands chevaux de bataille de Furtwängler. … Furtwängler, rééditant l'incroyable performance de la conclusion de la cinquième de juin 1943, … se lance dans une gradation finale défiant toute description, un maelström d'enfer qui coupe le souffle … sans que ce déchaînement échappe un seul instant à la poigne de fer du génial meneur d'hommes. Je suis le Bacchus qui broie le délicieux nectar pour l'humanité. C'est moi qui donne aux hommes la divine frénésie de l'esprit : ainsi s'exprimait Beethoven. Il fallait un géant, comme le Furtwängler de ce jour d'automne 1943, pour faire vivre la réalité sonore de cette divine frénésie ! En 1943, Furtwängler dirigea aussi, au Festival de Bayreuth, Die Meistersinger von Nürnberg avec Max Loren.

L'année 1944

Fin 1944, Berlin et Vienne étaient sous les bombardements alliés. Les salles de concert étaient détruites les unes après les autres. Furtwängler réalisa une dernière série de concerts souvent sans public, pour être ensuite retransmis à la radio. Il est difficile de se représenter ce qu'il se passe dans son esprit, dirigeant ses derniers musiciens dans des salles vides, dans un univers complètement apocalyptique. Toujours est-il que Furtwängler, particulièrement inspiré par l'effondrement du IIIe Reich, enregistra une série d’œuvres de tout premier plan : une symphonie no 3 de Beethoven, l'Eroica, le premier mouvement de la symphonie no 8 de Schubert, l'ouverture de Léonore III et la symphonie no 6 de Beethoven, une symphonie no 8 de Bruckneram 9, une symphonie no 9 de Bruckner, elle aussi considérée par certains critiques comme le plus extraordinaire enregistrement symphonique du XXe siècle et, in extremis, début 1945 à Vienne alors qu'il s'enfuyait en Suisse, poursuivi par la Gestapo, la Symphonie en ré mineur de César Franck et une ultime symphonie no 2 de Brahms.
Les Soviétiques occupèrent Berlin dès 1945 et s'emparèrent des enregistrements de Furtwängler avec l'Orchestre philharmonique de Berlin. Ces derniers ne furent rendus officiellement par l'Union soviétique qu'à la fin des années 1980.

Les années de silence 1945-1946

Wilhelm Furtwängler et ses relations avec le régime nazi.
Ayant appris qu'il allait être arrêté par la Gestapo, Furtwängler s'était enfui en Suisse au début de l'année 1945. Après l'effondrement du Troisième Reich et la découverte des crimes contre l'humanité d'une échelle sans précédent commis par les nazis, une partie de la presse helvétique se déchaîna contre Furtwängler lui reprochant d'être resté en Allemagne. En dépit du fait qu'il n'avait jamais été membre d'une organisation nazie et que des musiciens juifs de haut niveau comme Yehudi Menuhin, Nathan Milstein et Arnold Schönberg prirent publiquement sa défense, Furtwängler dut passer par une commission de dénazification sur fond de guerre froide. En effet, les Soviétiques souhaitaient le récupérer pour Berlin-Est, mais Furtwängler souhaitait reprendre la direction de l'orchestre de la ville, situé en zone américaine. Sa défense fut préparée en grande partie par deux Juifs allemands qui avaient fui le régime nazi voir la section Curt Riess, Berta Geissmar, le procès et l'acquittement. La première de ces deux personnes était Berta Geissmar, qui avait été son assistante jusqu'en 1935. Elle avait préparé un grand nombre de documents prouvant l'aide apportée par Furtwängler à de nombreuses personnes. Ces documents disparurent mystérieusement lors de leur transfert à la commission de dénazification. La deuxième était Curt Riess, écrivain et journaliste qui croyait au départ que Furtwängler avait été un collaborateur nazi. Après l'avoir rencontré, Curt Riess passa l'année 1946 à aider Furtwängler.
Lors du procès, on reprocha à Furtwängler deux concerts officiels pendant la période 1933-1945, son titre honorifique de Staatsrat de Prusse il avait démissionné de ce titre en 1934 mais sa démission avait été refusée et une réflexion antisémite contre le demi-Juif Victor de Sabata. Des musiciens vinrent pour témoigner en sa faveur, comme Hugo Strelitzer qui déclara à la fin du procès : si je suis vivant aujourd'hui c'est grâce à ce grand homme. Furtwängler a aidé et protégé de nombreux musiciens juifs et cette attitude prouve un grand courage car il le faisait sous les yeux des Nazis, en Allemagne même. L'histoire jugera cet homme.La commission blanchit Furtwängler. En dépit de cela, certains reprochèrent toujours à Furtwängler d'être resté en Allemagne et d'avoir dirigé de la musique en présence d'Hitler, comme en témoigne le boycott de l'orchestre de Chicago organisé en 1948 par des musiciens américains pour empêcher sa venue aux États-Unis.
Interdit de diriger tant que la commission de dénazification ne s'était pas prononcée, Furtwängler passa les années 1945-1946 à composer : il finit sa deuxième symphonie et commença sa troisième.

L'apogée

En 1947, Maria Callas venait régulièrement aux concerts de Furtwängler en Italie.
En 1947, Furtwängler reprit sa carrière tout d'abord en Italie. Maria Callas raconta en août 1968 qu'elle assistait régulièrement à ses concerts à cette époque et, après s'être plainte de la baisse du niveau des chefs d'orchestre depuis la mort de Furtwängler, elle conclut : pour moi, il était Beethoven.Furtwängler enchaîna les concerts avec beaucoup de succès.
Le 25 mai 1947, il revint au Philharmonique de Berlin où il dirigea les 5e et 6e symphonies de Ludwig van Beethoven. La presse parla d'un triomphe, de seize rappels et surtout d'un public international. En effet, de nombreuses personnes que Furtwängler avait aidées pendant la période nazie étaient venues pour le remercier. La même chose se reproduisit durant sa tournée à Londres en 1948 où de nombreuses personnes d'origine juive que Furtwängler avait aidées vinrent lui faire un triomphe. Le fait que de nombreux Juifs étaient allés aux concerts de Furtwängler à Londres en 1948 fut rapporté même dans la presse américaine.

Yehudi Menuhin et le message d'amour

En septembre 1947, Yehudi Menuhin, qui considérait que le comportement de Furtwängler pendant la période nazie avait été irréprochable, vint à Berlin pour jouer le concerto pour violon de Beethoven avec lui8. La photographie prise à la fin du concert où le chef allemand et le violoniste juif se tiennent chaleureusement la main et font face au public fit le tour du monde et eut une grande portée symbolique. Le visage de Furtwängler, rayonnant de bonheur, contrastait fortement avec celui, extrêmement crispé, des photographies de la période nazie. Il s'ensuivit une longue amitié entre les deux musiciens8 et des enregistrements de premier plan, comme celui du concerto de Beethoven à Lucerne en 1947 et à Londres en 1953, ou encore le concerto pour violon de Brahms de 1949, de Béla Bartók le deuxième enregistré en 1953 et celui, tout particulièrement symbolique de Felix Mendelssohn enregistré en 1952. Cette série de concertos fut vite considérée comme l'un des sommets de la carrière du violoniste. Yehudi Menuhin écrivit en juillet 1989 :
À une époque où chacun était entouré de dangers, il a su offrir son aide à beaucoup de musiciens et compositeurs. Hindemith disait qu'il était devenu l'exemple du monde musical. ... J'ai eu le bonheur, peu après la guerre, de rencontrer en lui un homme qui semblait incarner ce que la tradition allemande a de plus grand et de plus noble. Il était formidable de découvrir avec lui, dans la musique, les prémisses d'une nouvelle Allemagne au milieu des ruines de Berlin. ... Il a vraiment racheté le temps au sens biblique du terme ; pour lui, le temps signifiait faire de la musique ... À travers son interprétation, une œuvre devenait vivante et libre, et il en était de même pour les musiciens auxquels il insufflait une nouvelle inspiration.
Yehudi Menuhin fut scandalisé par le boycott de l'orchestre de Chicago de 1948 contre la venue de Furtwängler aux États-Unis car certains de ses principaux organisateurs lui avouèrent avoir eu pour seul but d'éliminer la concurrence de Furtwängler en Amérique du Nord.

Richard Strauss et les années 1947-1949

Richard Strauss
Furtwängler avait souvent dirigé Richard Strauss mais avait toujours émis certaines réserves sur ses compositions. Strauss était en 1947 proche de la mort et avait vécu une situation similaire à celle de Furtwängler : il était resté en Allemagne malgré son aversion pour le nazisme. Furtwängler apprécia sans réserves les deux dernières œuvres qu'il composa. La première, les Métamorphoses Metamorphosen, est certainement l'œuvre symphonique la plus aboutie de Strauss : Furtwängler en dirigea une version prodigieuse en 1947 à Berlin qui montre à quel point les deux musiciens étaient unis désormais. La même année, il enregistra aussi un Don Juan du même niveau. Peu de temps après la mort du compositeur survenue en septembre 1949, c'est Furtwängler qui eut l'honneur de diriger la première mondiale de la dernière composition de Richard Strauss : les Quatre derniers lieder Vier letzte Lieder. Cette première eut lieu à Londres le 22 mai 1950 avec Kirsten Flagstad et l'Orchestre Philharmonia.
En 1948, il fit une tournée en Angleterre où fut filmée une répétition de la fin de la quatrième symphonie de Brahms. Une vidéo de l'enregistrement est toujours disponible. Il enregistra à Hambourg sa deuxième symphonie : cet enregistrement prouve que Furtwängler sut être un grand compositeur. L'influence d'Anton Bruckner est évidente mais sa façon de structurer sa symphonie relève de la pure tradition allemande plutôt que de celle autrichienne. Le compositeur Arthur Honegger déclara à propos de cette composition : il n'y a pas à discuter d'un homme qui peut écrire une partition aussi riche. Il est de la race des grands musiciens.
Cette même année, il enregistra deux fois la 3e des suites pour orchestre de Jean-Sébastien Bach : dans le célèbre air le deuxième mouvement de cette suite, Furtwängler adopta un tempo incroyablement lent. En 1949, il enregistra une ouverture de Leonore II qui est un monument de l'interprétation beethovénienne et une symphonie no 3 de Brahms du même niveau.

La Scala et le festival de Salzbourg

En 1950, Furtwängler dirigea un Ring de Richard Wagner à la Scala de Milan avec Kirsten Flagstad, qui fut un triomphenote 16. Furtwängler montra clairement que Wagner avait su articuler à la perfection la musique avec ses innombrables inventions scéniques. Dans son texte sur la Tétralogie daté de 1919 et publié dans Musique et Verbe, Furtwängler expliqua qu'il y avait une grande différence entre Tristan und Isolde et le Ring : du premier opéra se dégageait une grande unité, que Furtwängler révéla de façon exemplaire dans son enregistrement de 1952, mais non dans le Ring où, déclara-t-il, la musique est entièrement liée au détail et au moment. Tout est assujetti à la tâche d'expliquer. Il conclut qu'il n'existe pas de plus fidèle musique de théâtre. Ses enregistrements du Ring sont, à ce sujet, une véritable mine d'informations pour les interprètes wagnériens tant le chef d'orchestre a compris les moindres subtilités musicales qu'avait inventées Wagner pour colorer cet univers mythologique. Lors des concerts de 1950, sa vision de la musique wagnérienne impressionna deux jeunes musiciens qui étaient présents : Carlos Kleiber et Claudio Abbado.
Pendant le festival de Salzbourg de 1950, on demanda à Furtwängler d'auditionner un jeune baryton de 25 ans du nom de Dietrich Fischer-Dieskau. Furtwängler fut subjugué et le prit sous son aile. Ils jouèrent ensemble, durant le festival de Salzbourg de 1951, les Lieder eines fahrenden Gesellen, Chants d'un compagnon errant de Gustav Mahler qui lança sa carrière internationale. Il le fit ensuite chanter dans le Requiem de Brahms en 1951, dans Tristan und Isolde en 1952 et dans la Passion selon saint Matthieu de Jean-Sébastien Bach en 1954. Elisabeth Furtwängler, la femme du chef d'orchestre, rapporta qu'après la mort de Furtwängler, Dietrich Fischer-Dieskau m'écrivit qu'il s'était senti un peu comme son fils. Dietrich Fischer-Dieskau déclara beaucoup plus tard que Furtwängler était le chef d'orchestre qui avait eu sur lui la plus grande influence.
C'est durant le même festival de Salzbourg de 1950 que Furtwängler enregistra son meilleur Fidelio avec l'Orchestre philharmonique de Vienne en compagnie, entre autres, de Kirsten Flagstad, Julius Patzak et Elisabeth Schwarzkopf. Peu de temps après il dirigea, à Vienne, toujours avec l'Orchestre philharmonique de la ville, un concert pour célébrer le 200e anniversaire de la mort de Jean-Sébastien Bach. Le point d'orgue du concert fut le cinquième des Concertos brandebourgeois où Furtwängler joua, lui-même, au piano. Le musicologue Joachim Kaiser, qui a toujours considéré Furtwängler comme le plus grand interprète qui ait jamais vécu, fut tellement impressionné qu'il écrivit immédiatement un article pour le Süddeutsche Zeitung : lorsque Furtwängler joue c'est d'une telle monumentalité qu'il se pare de traits mystiques. Rien ne demeure inhabité - chaque détail resplendit et sonne extraordinairement beau, libre et romantique. Là où d'autres ne voient que des notes les unes à côté des autres, autant d'étoiles isolées, le regard de Furtwängler découvre des constellations. La même année, il enregistra un Concerto grosso no 10 de Haendel. Il se rendit aussi cette année-là à Buenos Aires. Ce voyage eut un impact important sur deux futurs chefs d'orchestre. Le premier était Carlos Kleiber qui vint à tous les concerts et répétitions du maître ce qui l'impressionna profondément. Le second était Daniel Barenboim : il fut tellement bouleversé par la Passion selon saint Matthieu que dirigea Furtwängler qu'il décida de devenir chef d'orchestre durant le concert.

L'accomplissement à Bayreuth

Le 29 juillet 1951, Furtwängler inaugura le premier festival de Bayreuth d'après-guerre avec la neuvième symphonie de Beethoven avec Elisabeth Schwarzkopf comme soliste dans le Finale. Ce concert symbolisa la renaissance de la culture allemande et un grand nombre de personnalités du monde artistique et de la politique étaient présentes. La direction du festival fut confiée à Wieland et Wolfgang Wagner qui modernisèrent la mise en scène. Herbert von Karajan dirigea Die Meistersinger von Nürnberg et Hans Knappertsbusch un Parsifal exemplaire. Mais, comme le dit André Tubeuf :
L'acte solennel, l'accomplissement sublime, c'est Furtwängler qui l'assuma : comme Wagner, en 1876, avant d'inaugurer son palais des Festivals, qui serait voué à sa propre musique, avait sollicité l'auguste parrainage de Beethoven, dirigeant lui-même la 9e symphonie au théâtre de la Margravine, ainsi, la veille du grand jour et trois quarts de siècle tout juste après Wagner, Furtwängler bénissait Bayreuth renaissant en dirigeant la 9e symphonie. De l'œuvre immense, il a donné des lectures plus incandescentes et plus furieusement sublimées. Mais aucune fois la circonstance n'avait été si vénérablement solennelle. Le disque était là. Ce qu'il a fixé, c'est un instant mystique de l'histoire de l'Occident.
Contrairement à 1942, la joie fut plus présente que jamais. Dans l'hymne, Furtwängler commença par un pianissimo quasiment inaudible semblant surgir du lointain. Il réalisa ensuite un gigantesque crescendo où le rubato c'est-à-dire les variations du tempo accompagna à la perfection le déploiement de l'émotion de bonheur qui se dégage de la musique de Beethoven. Pour le finale, il demanda aux chœurs de s'approcher le plus possible du public : il voulait que le texte de Friedrich von Schiller retentisse comme un immense message d'espoir pour l'humanité qui venait de sortir de la Seconde Guerre mondiale. Ce concert avait une portée symbolique importante pour Furtwängler. Il déclara explicitement, à la fin de son procès en dénazification, qu'il était resté en Allemagne pour assurer la pérennité de la musique allemandenote 18 » et Arnold Schönberg lui avait quasiment donné l'ordre de rester en Allemagne pour sauver l'honneur de la musique allemande. Furtwängler devait prouver au monde entier, par ce concert de réouverture du festival de Bayreuth, que l'Allemagne de Beethoven, Goethe et Schiller n'avait été détruite ni par les Nazis ni par les Alliés .

Les derniers grands enregistrements

Elisabeth Schwarzkopf fut très proche de Furtwängler après la guerre.
Durant les quatre dernières années de sa vie, les interprétations majeures de Furtwängler se succédèrent : en 1951, la Symphonie no 1 de Brahms à Hambourg et le Concerto pour piano no 5 de Beethoven intitulé L'Empereur avec Edwin Fischer. La même année, il participa au festival de Salzbourg où il joua avec Dietrich Fischer-Dieskau les Lieder eines Farhenden Gesellen qui lança la carrière du baryton. Mais Furtwängler décida de programmer, au festival, contre toute attente, l'Otello de Giuseppe Verdia. La décision était périlleuse : il se lançait en effet sur le terrain d'Arturo Toscanini. L'affaire fit grand bruit et tous les experts de Verdi attendaient le chef allemand au tournant. Alexander Witeschnik était l'un deux ; il écrivit juste après avoir assisté à tout le festival :
On connaissait l'insurpassable Neuvième de Furtwängler, on connaissait son Fidelio et son Tristan, mais Furtwängler et Verdi ? …. Le premier Verdi de Furtwängler … constitua … le sommet du festival de Salzbourg de 1951. … Furtwängler vint, dirigea et vainquit. … L'orchestre Verdi de Furtwängler est d'une éloquence capable d'exprimer l'inouï et de dire l'ineffable.
Gottfried Kraus, qui assista lui aussi au festival, écrivit en 1995 : nul n'a été en mesure de rendre aussi nettement saisissable que le fit Wilhelm Furtwängler toutes les caractéristiques musicales du génial chef-d'œuvre de la dernière phase créatrice de Verdia. Furtwängler prouva, comme lorsqu'il dirigea des œuvres du répertoire slave ou français, que, pour lui, la musique n'avait pas de frontières.
En 1952, Furtwängler enregistra un Tristan und Isolde légendaire avec Ludwig Suthaus et Kirsten Flagstad. Dietrich Fischer-Dieskau était Kurnewal, alors qu'Elisabeth Schwarzkopf était présente pour aider Kirsten Flagstad dans les aigus si nécessaire. Kirsten Flagstad fut vexée que l'information ait été diffusée. La diva le reprocha au chef d'orchestre, le tenant pour responsable de la fuite. Kirsten Flagstad fut, peut-être, la plus grande soprano wagnérienne de tous les temps mais, en 1952, sa carrière, comme celle de Furtwängler, touchait à sa fin. Ce dernier sut donner une unité exceptionnelle à l'œuvre et la mort d'Isolde par Kirsten Flagstad, accompagnée par l'Orchestre Philharmonia dirigé par Furtwängler, resta comme l'un des plus grands moments de l'histoire de la musique.
Aux festivals de Salzbourg de 1953 et 1954, Furtwängler enregistra plusieurs Don Giovanni dont une version filmée avec une distribution idéale comprenant, entre autres, Elisabeth Schwarzkopf, Cesare Siepi et Elisabeth Grümmer. Furtwängler structura tout l'opéra de Wolfgang Amadeus Mozart autour de sa fin tragique : la scène du Commandeur atteignit une grandeur dramatique exceptionnelle. En 1953, il accompagna au piano Elisabeth Schwarzkopf dans les Lieder d'Hugo Wolf.
Le 14 mai 1953, il enregistra en studio la Quatrième symphonie de Robert Schumann avec son orchestre, celui de Berlin. Sami Habra écrivit en février 2005 :

Cette quatrième de Schumann fut longtemps considérée comme l'enregistrement du siècle …. Avant le joyeux Finale, il y a la célèbre transition durant laquelle Furtwängler réalise le crescendo le plus impressionnant jamais entendu. Cette manière de faire du grand chef est citée en référence par les professeurs de Conservatoire et les chefs d'orchestre comme étant la perfection même, et ce en dépit de son apparente impossibilité. Celibidache et Karajan ont bien tenté, à plusieurs occasions, d'imiter Furtwängler dans ce passage, mais tous les deux se sont retrouvés à bout de souffle vers le milieu du crescendo. Cette interprétation de Furtwängler n'est pas encore égaléea.
À la fin de sa vie, Furtwängler devint souvent malade et commença à perdre l'ouïe, comme son père à la fin de sa vie et comme Beethoven, le musicien auquel il s'identifiait depuis toujours. Cette découverte de cette surdité déclencha en lui de grandes inquiétudes et des états semi-dépressifs. Le 23 janvier 1953, il s'effondra en dirigeant l'adagio de la 9e de Beethoven.

Le chant du cygne et la mort dans la sérénité

En 1954, Furtwängler enregistra un Freischütz de Carl Maria von Weber, une ouverture de l'Alceste de Christoph Willibald Gluck et, surtout, il dirigea son ultime 9e à Lucerne avec l'Orchestre Philharmonia de nouveau avec Elisabeth Schwarzkopf. Cette version sublimement équilibrée est pleine de retenue et d'acceptation face à la mort qu'il sent venir. L'adagio, le troisième mouvement, atteignit une beauté ineffable du même niveau que celui de la version de 1942. Il est certain que le maître de Furtwängler, Heinrich Schenker, aurait été fier de lui tant cette version atteint la perfection sur le plan musicologique. Bradshaw, le timbalier de l'orchestre, confia à Sami Habra que jouer le premier mouvement de cette symphonie avec Furtwängler fut l'expérience la plus éprouvante et la plus enrichissante de toute sa carrière. Denis Vaughan, qui était l'un des contrebassistes de l'Orchestre Philharmonia, ajouta : la manière dont Furtwängler employait les notes de Beethoven pour nous décrire la vérité a été pour moi une expérience indélébile...
Cette année-là, Furtwängler et l'Orchestre philharmonique de Berlin furent invités de nouveau aux États-Unis. Furtwängler, qui avait été très échaudé en 1936 et 1948, ne souhaitait pas y aller. Le gouvernement américain finit par envoyer une invitation officielle et le chancelier Konrad Adenauer déclara qu'il engageait sa responsabilité personnelle dans cette affaire. La tournée du plus grand chef d'orchestre allemand devenait une affaire politique, au plus haut niveau, qui devait symboliser la réconciliation entre l'Allemagne de l'Ouest et les États-Unis. Furtwängler accepta et la tournée fut prévue pour 1955.
En septembre, juste après une ultime Walkyrie, lors d'une répétition de sa Deuxième symphonie, Furtwängler se rendit compte qu'il n'entendait plus du tout la ligne de basson initiale. Il semble que le chef d'orchestre, qui n'avait vécu que pour la musique, n'avait plus tellement goût à la vie. Les évènements se déroulèrent alors très vite : il attrapa une pneumonie qui se guérissait bien à l'époque comme les médecins le déclarèrent à sa femme. Mais il déclara à cette dernière, avant d'entrer dans l'hôpital à Baden-Baden : de cette maladie je vais mourir et ce sera une mort facile. Ne me quitte pas un seul instant. … Tu sais, ils croient tous que je suis venu ici pour guérir. Moi, je sais que je suis venu pour mourir. Le médecin de l'hôpital déclara à sa femme après l'avoir vu : je dois reconnaître que, quand je suis entré dans sa chambre, il n'avait plus envie de vivre. Il avait compris qu'il perdait l'ouïe, et il avait certainement peur de connaître le destin de Beethoven... Je suis certain qu'aucun médecin ne peut guérir un malade qui a perdu la volonté de vivre.
Wilhelm Furtwängler mourut le 30 novembre 1954 de cette pneumonie, à Baden-Baden, dans la sérénité la plus profonde. Il fut enterré au cimetière de Heidelberg, le Bergfriedhof, dans le caveau de sa mère. Un grand nombre de personnalités du monde artistique et de la politique étaient présentes dont le chancelier Konrad Adenauer.

Après sa mort, l'écrivain et metteur en scène Ernst Lothar déclara :
Il était allemand totalement et il l'est resté, en dépit des attaques. C'est pour cela qu'il n'a pas quitté son pays souillé, ce qui par la suite lui a été compté comme une souillure par ceux qui ne le connaissaient pas assez. Mais il n'est pas resté auprès de Hitler et de Himmler, mais auprès de Beethoven et de Brahms.

Personnalité

La musique n'est ni intellectuelle, ni abstraite, mais organique, immédiate et comme jaillie des mains de la nature

Le cas Furtwängler

Richard Wagner. Malgré ses réserves sur la personnalité du compositeur allemand, Furtwängler prit de plus en plus la défense de ce dernier contre Nietzsche dans son journal personnel.
Furtwängler était connu pour ses grandes difficultés à s'exprimer. Sergiu Celibidache se rappelait que son argument favori était : bien, contentez-vous d'écouter la musique. Durant les répétitions avec un orchestre, Furtwängler parlait peu, parfois fredonnait seulement. Furtwängler a laissé de nombreux textes qui révèlent une grande profondeur mais qui ne s'expriment pas sous la forme d'un discours philosophique structuré. Les difficultés d'expression de Furtwängler sont même soulignées par les traducteurs de Musique et Verbe. Ils déclarent, en effet, que le chef d'orchestre utilise souvent des structures extrêmement compliquées pour exprimer des truismes voire des choses qui n'ont pas un sens rationnel très clair. Ils écrivent : il faut bien en effet se rendre à l'évidence que Furtwängler n'est pas un penseur — il ne le prétendait d'ailleurs pas ; son discours ici comme ailleurs est plutôt répétitif, voire tautologique.
Non seulement il ne le prétendait pas, mais il se méfiait de la spéculation intellectuelle, préférant l'action à travers la créativité artistique. Cela explique que la relation entre Richard Wagner et Friedrich Nietzsche semble l'avoir beaucoup préoccupé, et que la critique du philosophe allemand à l'encontre du musicien, que Nietzsche formula dans son livre Le Cas Wagner l'ait beaucoup tourmenté. Il écrivit, en effet, un long texte sur ce livre publié dans Musique et Verbe. Il était d'autant plus touché par ces critiques qu'il percevait les faiblesses humaines du compositeur au début de sa vie, Furtwängler n'aimait pas du tout Wagner même en tant que compositeur. Mais, progressivement, Furtwängler, dans ses carnets personnels, défendit de plus en plus le musicien. Il écrivit en 1951 : la lutte de Friedrich Nietzsche contre Richard Wagner, dans sa volonté de puissance, est la lutte de l'intellect contre l'homme de l'imaginaire La sentence tombe à la fin du texte sur Le Cas Wagner dans Musique et Verbe : Richard Wagner est un homme d'imagination. C'est-à-dire un être bien plus profond que le penseur Nietzsche.
Il déclara que la valeur artistique de Wagner est finalement plus importante que ses faiblesses humaines. On comprend que Furtwängler se soit senti directement concerné par les critiques de Nietzsche contre Richard Wagner. L'intérêt qu'il portait à cette relation révèle que la créativité artistique jouait un rôle, dans l'esprit de Furtwängler, bien plus important que la spéculation intellectuelle et le langage, mais aussi que Furtwängler se sentait dans la même situation que Wagner. Ce dernier fut un musicien génial mais à la personnalité très contestée. Or, Furtwängler fut un interprète exceptionnel mais il savait que sa décision de rester en Allemagne était aussi violemment critiquée par les intellectuels. Il y a même un parallèle direct entre les critiques de Nietzsche vis-à-vis de Richard Wagner et celles de Thomas Mann vis-à-vis de Furtwängler. L'écrivain allemand, qui considérait Furtwängler comme le plus grand chef d'orchestre du monde, s'était en effet érigé en inquisiteur du chef d'orchestre et ce depuis 1938, en particulier juste après la guerre. Furtwängler essaya de lui expliquer sa décision de rester en Allemagne et de retrouver un lien d'amitié à travers une relation épistolaire en 1946 et 1947EW 16. Mais ces lettres ne menèrent à rien : Thomas Mann ne pardonna jamais à Furtwängler de ne pas s'être engagé activement politiquement dans la lutte contre le nazisme. Thomas Mann écrivit à Furtwängler cette phrase restée célèbre : il n'est pas permis de jouer Beethoven dans l'Allemagne de Himmler. En fait, Furtwängler avait répondu clairement, par avance, aux critiques de Thomas Mann dans son texte sur Le cas Wagner : l'attitude de Richard Wagner ... ce en quoi il se différencie le plus de Nietzsche est celle de l'homme qui agit, ... comme tous les hommes qui ont une action à accomplir, il est lié à son milieu immédiat .... Il doit tenir compte des données » du monde réel. ... C'est qu'il sait que son travail artistique est étroitement lié à l'action, qu'il est un artiste véritable. ... Pour Nietzsche, au contraire, aucune possibilité d'agir ainsi : simplement ; directement. Le penseur ne peut fabriquer quelque chose avec un matériau de son choix ni surtout avec lui-même, mais seulement réfléchir sur d'autres êtres ; sur un monde où des hommes s'affirment par des actes.
Ce texte, écrit en 1941, concerne non seulement la créativité artistique mais aussi, directement, l'attitude de Furtwängler durant le IIIe Reich. Furtwängler n'a cessé de répéter que c'est dans l'action, dans les gestes concrets, et pas dans une posture intellectuelle, qu'il a combattu le régime hitlérien.
Ses textes sur Wagner et Nietzsche en disent encore plus long sur sa personnalité et sur son rapport à l'art et, en particulier, sur son immense différence par rapport aux nazis. En effet, Furtwängler remarqua, toujours dans le texte de 1941, que Nietzsche finit par dire que Wagner n'est qu'un comédien . Ce qu'il lui reproche le plus c'est d'être retourné au christianisme avec son Parsifal. Il n'est qu'un comédien » puisqu'il peut passer sans complexe des mythes germaniques au christianisme. Nietzsche aimait les opéras de Wagner, justement à cause de son intérêt pour ce qui était pré-chrétien de même qu'il s'intéressait aux présocratiques. Furtwängler répondit clairement : où est dirait le philosophe le vrai Wagner ? Eh bien justement, l'artiste et le poète est toujours vrai. Toujours et partout : dans Parsifal comme dans Siegfried. Il n'y a d'une œuvre à l'autre, aucune contradiction.
Furtwängler était résolument du côté de l'artiste, pour lequel le contenu intellectuel de l’œuvre n'est pas important mais uniquement la dimension artistique de celle-ci. Hitler avait une immense fascination pour Wagner. Outre l'antisémitisme du compositeur, c'était surtout pour son retour aux mythes germaniques pré-chrétiens. Les nazis voulaient retourner au paganisme germanique (en particulier Alfred Rosenberg, le théoricien du parti nazi et considéraient certains opéras de Wagner comme de vraies cérémonies païennes. Il semble qu'Hitler n'aimait pas Jean-Sébastien Bach probablement en raison de la dimension chrétienne de son œuvre alors que Furtwängler le considérait comme le plus grand des musiciens. Les nazis limitèrent même les représentations de certaines œuvres de Bach en raison de leurs nombreuses références à l'Ancien Testament et, donc, au peuple juif ainsi que pour les nombreux mots hébraïques que l'on y trouvaitR 39. Pour Furtwängler, tout cela n'avait aucun sens. C'est, précisément, pour cela qu'il s'était toujours identifié à Ludwig van Beethoven. Il a toujours dit que ce dernier était le compositeur par excellence, de la musique pure, c'est-à-dire d'une musique qui exprime des choses d'une force extrême mais indépendamment du langage et de tout contenu rationnel explicite.

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Posté le : 24/01/2015 19:36
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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