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L'académie 2 (le dictionnaire)
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DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE

L'article 26 des premiers statuts de l'Académie française, fondée en 1635, prescrivait que la Compagnie rédigerait un Dictionnaire afin de donner des règles certaines à notre langue. La première édition parut en 1694. Ses deux volumes comprennent environ 15 000 mots, classés par familles de même racine pour rendre sensibles les rapports étymologiques. L'ordre alphabétique fut adopté dans la deuxième édition 1718, la simplification de l'orthographe poursuivie dans les révisions de 1740 et 1762, et l'intégration des mots que la Révolution et la République ont ajoutés à la langue opérée par un supplément à la cinquième édition, en 1798. Après les éditions de 1835 définissant près de 30 000 mots, de 1878 et de 1935, une neuvième édition de ce dictionnaire du bon usage de la langue, fixant l'orthographe des mots et précisant leur sens au moyen d'exemples, est en préparation. Elle verra l'entrée d'un grand nombre de termes nouveaux, notamment techniques, ce qui laisse prévoir un total approximatif de 45 000 mots.

ORTHOGRAPHE

L'orthographe est définie, en général, comme la manière correcte d'écrire les mots d'une langue, à une époque donnée. Elle correspond aussi aux manières plus ou moins personnelles d'écrire, en contraste avec la norme : ainsi en va-t-il en particulier pour les variétés de français et les variétés d'auteurs. L'orthographe, enfin, s'inscrit dans un cadre socioculturel prégnant qui a pu créer un amalgame idéologique entre graphie, langue et nation, faisant d'elle un mythe intouchable.

L'orthographe du français

Approche d'une définition

Le terme orthographe, en latin orthographia (composé des éléments d'origine grecque orthos « correct » et graphia « graphie »), a le sens propre « d'écriture correcte » et implique de par sa composition la notion de norme. L'orthographe est la manière d'écrire les sons et les mots d'une langue en conformité avec le système de transcription graphique, adopté à une époque donnée, et en conformité avec les rapports établis avec les autres sous-systèmes de la langue : la morphologie, la syntaxe, le lexique.
Le système de transcription graphique, adopté à une époque donnée
Le très ancien français a adopté dès les premiers textes écrits VIIIe-IXe siècle le système alphabétique latin, en l'adaptant pour la notation des sons nouveaux du français. Les diphtongues du très ancien français ont été notées par la combinaison des signes-voyelles du latin, qui sont demeurés inchangés dans l'écrit, bien que leur prononciation eût évolué. Ainsi, dans la Séquence de sainte Eulalie IXe siècle, a + i note la diphtongue ai, prononcée /Aj/ dans faire, faire ; la prononciation a évolué à /E/ depuis le XIIe-XIIIe siècle, mais la notation par le digramme ai est restée inchangée.
Les rapports établis avec les autres sous-systèmes de la langue
L'orthographe est un plurisystème. Les graphèmes utilisés pour la notation des sons qui composent un mot ou un syntagme sont appelés phonogrammes ; d'autres graphèmes prennent en compte plus particulièrement les marques grammaticales ou lexicales, et sont appelés morphèmes grammaticaux ou lexicaux ; d'autres, enfin, notent des aspects étymologiques et historiques qui permettent, par exemple, d'établir une distinction entre des formes homonymiques, et sont appelés logogrammes, ou notation de la figure du mot. Tout graphème est ainsi censé trouver sa justification par rapport à l'un ou l'autre secteur des sous-systèmes de la langue.

Le principe d'écriture phonogrammique rapport phonème-graphème
Ce principe note une correspondance privilégiée entre phonème et graphème qui facilite la lecture et la mise en écriture ; cette correspondance va du phonème ou unité de son à une certaine unité de signe. Ainsi le phonème /O/, généralement noté par le graphème o en français (env. 75 p. 100 des cas), peut être noté par le digramme au (21 p. 100) ou par le trigramme eau 3 p. 100, tous liés à l'histoire de la langue et de l'orthographe. Il n'existe aucun système graphique fondé sur une stricte correspondance biunivoque entre son et signe. Il s'agit dans ce cas de système de transcription phonétique, mais non plus d'orthographe. La prononciation des mots dans les dictionnaires est donnée en transcription phonétique alphabet phonétique international, A.P.I..

Le principe d'écriture morphogrammique

Tandis que certains graphèmes correspondent à la notation de phonèmes, d'autres correspondent plus précisément à la notation de marques grammaticales morphogrammes grammaticaux qui assurent la cohésion du syntagme : il s'agit de marques de genre, de nombre, de flexions verbales personne/temps/mode, de notation de suffixes ou de préfixes. Les morphogrammes lexicaux correspondent à la notation de marques dérivatives, notant les rapports entre le mot de base et ses dérivés. L'ensemble de ces graphèmes constitue une sorte de grammaire écrite du français.

Le principe d'écriture idéovisuel ou logogrammique

Le logogramme correspond à la notation de la figure du mot. Ce principe d'écriture a pour fonction essentielle la distinction graphique des mots homophones et homonymes, en vue d'opérer la distinction du sens. Ce procédé peut être assuré par l'accent grave, à/a, qui distingue la préposition à du verbe avoir il a ; par x étymologique, signe logogrammique, qui distingue voix lat. vox, vocis de voie lat. via ; par g étymologique : le doigt lat. digitu y est distingué du verbe il doit lat. debet ; par des lettres historiques liées à l'évolution phonique : haire, nom féminin signifiant « vêtement grossier de poil francique harja, y est distingué de hère, nom masculin signifiant homme misérable peut-être par emprunt à l'allemand Herr, seigneur, par dérision, air, nom masculin, lat. aer aire, nom féminin, lat. area, il erre, et ers, nom masculin, lentille bâtarde, mot provençal lat. ervus.

Le graphème, une unité à fonctions multiples

Le graphème est une unité du système graphique composée d'une lettre ou d'un groupe de lettres (digramme vocalique ai, an, ou consonantique, ss ; ou trigramme, eau). Il peut avoir différentes fonctions selon sa position et son entourage graphémique. Sa fonction première est la notation d'un phonème, voire de différents phonèmes, à laquelle il faut ajouter diverses fonctions morphogrammiques et sémantiques. Le graphème consonantique s note différentes valeurs phoniques, selon sa position. Par exemple, s note /s/ sourd à l'initiale et à l'intérieur devant consonne : savoir, reste. Au milieu du mot, entre deux voyelles, le s correspond à la notation de la fricative sonore /z/ : rosace, rose /roz/ ; le digramme ss, double dans cette position, note /s/ sourd, ainsi dessus, poisson (différencié de poison). À la limite préfixe-radical, cependant, lorsque la composition est sentie, s simple note /s/sourd, sur le type entresol, parasol, antiseptique. En finale, par contre, s peut correspondre à un morphogramme grammatical, muet, notant la marque du pluriel de substantifs ou d'adjectifs : les cafés (s peut être prononcé en liaison). Dans le système verbal, s final est un morphogramme grammatical muet, caractéristique de la deuxième personne du singulier : tu marches, tu marchais, tu marcheras.
Les règles de position et de syllabation
La notation de certains graphèmes consonantiques en français est liée à leur position dans le mot (initiale, milieu, finale) et à la nature du phonème vocalique qui suit.
Règles de position
Notation de g selon sa valeur phonémique :
a) g prononcé /ʒ/
g + e, i correspond à /ʒ/, ainsi gémir, girouette
ge + a, o correspond à /ʒ/, ainsi bouger, il bougea, nous bougeons avec insertion de e diacritique.
b) g prononcé /g/
g + a,o,u correspond à /g/, ainsi galop, gourde
gu + e,i, correspond à /g/, ainsi orgueil avec insertion de u diacritique.
Notation de c selon sa valeur phonémique :
a) c prononcé /s/
c + e,i correspond à /s/, ainsi ceci
ce + a correspond à /s/, ainsi douceâtre, ou douçâtre dans la graphie rectifiée 6 déc. 1990.
b) c prononcé /k/
c + a,o,u correspond à /k/, ainsi cacao
cu + e,i correspond à /k/, ainsi cueillir avec insertion de u diacritique
Notation des voyelles nasales an, en /ã/ ; in /ẽ/, on /õ/, un /œ̃/ :
a) Elles sont nasales en finale absolue, et devant consonne muette ou prononcée : /ã/ dans ban, banc, banque.
b) Devant une voyelle prononcée (ou devant e caduc), le digramme nasal devient oral : fin /ẽ)/ ; mais fine /i/, finesse ; brun /œ̃)/, mais brune /y/, brunissage.
c) Règle d'assimilation graphique latine : n est noté m devant m, p, b, type imparfait, semblable, composition. Cette règle graphique d'assimilation latine, recommandée par Alcuin au VIIIe siècle pour la restauration d'une langue écrite latine surnormée (par exemple, in mutabilis devait être écrit immutabilis, « immuable », in pius remplacé par impius « impie »), a été appliquée et généralisée au français, par le double souci d'une écriture étymologique et de l'observance de la tradition.
d) Le digramme positionnel en
é, i, y + en donne /ẽ)/, lycéen, rien, moyen
en + t donne /ã)/, client, clientèle, argent.
Règles générales de syllabation et place des accents aigu ou grave
a) Syllabe phonique fermée : pas d'accent, sur le type mer
Une syllabe phonique est dite fermée lorsqu'elle est terminée par une consonne prononcée : par exemple, cher, (la) mer, lec-ture, etc. Dans cette position la voyelle E tend à s'ouvrir : /ṭ/, et n'est pas notée par un accent.
b) Syllabe phonique ouverte : e noté d'un accent, sur le type thé
Une syllabe phonique est dite ouverte lorsqu'elle est terminée par une voyelle. Dans cette position le E tend à se fermer et est noté par un accent aigu, par exemple, thé, ca-fé, é-lé-phant.
c) Changement de la nature de la syllabe et changement d'accentuation de la voyelle : événement, évèn(e)ment en orthographe rectifiée.
L'emploi de l'accent aigu sur le é de la deuxième syllabe (ouverte, avec une voyelle fermée) dans la graphie traditionnelle événement s'expliquait par la prononciation de e caduc dans la troisième syllabe /evenəmã)/. Avec l'amuïssement de e caduc dans la prononciation courante actuelle /evṭnəmã/, la deuxième syllabe s'est fermée, avec ouverture de la voyelle, notée par un accent grave (Le Dictionnaire de l'Académie donne en 1694-1718 evenement, en 1740-1935 événement, en 1992 évènement ou événement).
d) Syllabe graphique fermée
Une syllabe graphique est dite fermée lorsqu'elle est terminée par une consonne. Les syllabes dès, près, la syllabe finale de a-près, ex-près, sont des syllabes graphiques fermées par une consonne muette s, qui présentent un e ouvert noté par l'accent grave.

Méthode d'analyse d'un système graphique d'auteur

Après s'être assuré de l'authenticité d'un document et/ou de la conformité d'une édition avec le souci orthographique d'un auteur, il convient de faire apparaitre orthographe rectifiée, Acad. franç., selon une méthode d'analyse distributionnelle, segmentation en unités graphémiques et mise en correspondance systématique avec les phonèmes vocaliques et consonantiques, le matériel ou inventaire de graphèmes utilisé par l'auteur pour la notation du système phonémique.
Il s'agit ensuite d'analyser les graphèmes en fonction des différents secteurs ou sous-systèmes de la langue, les éventuels écarts concernant la notation de la prononciation, de la morphologie, du lexique, de la syntaxe pouvant constituer les caractéristiques du système graphique d'un auteur. L'analyse des variantes graphiques selon leur fréquence permet de déterminer s'il s'agit de graphies individuelles, continues, liées à un idiolecte, ou de graphies occasionnelles et isolées.

Histoire de l'orthographe du français

Histoire de l'orthographe à travers des manuscrits et des incunables
Les textes manuscrits du très ancien français les Serments de Strasbourg, 842, et la Séquence de sainte Eulalie, deuxième moitié du IXe siècle, la Passion de Clermont, Xe siècle) font apparaitre que l'orthographe du français est loin d'être aussi simple et phonétique qu'on a bien voulu le dire. Elle est, depuis ses débuts, un système mixte ou plurisystème, dans lequel se côtoient, dans des proportions variables, des signes-lettres qui notent l'oral, ou phonogrammes, des signes-lettres qui correspondent à des morphogrammes et à des logogrammes.
À côté de mots qui ont une histoire graphique très riche (six variantes graphiques pour le parfait (il) fut, dans la Passion de Clermont : formes communes oïl/oc : fut, fu ; formes graphiques relevant proprement de la langue d'oc : fud, fo, foi, fui), il est frappant de constater qu'un très grand nombre n'ont pratiquement pas varié et ont leur forme actuelle depuis le IXe siècle. Ainsi de la série des mots grammaticaux il, elle, les, (ne) pas, plus, (il) est, non, bien, moins, certes, etc.
Une des caractéristiques de la langue écrite de ces textes manuscrits est d'être composite : dans la Séquence de sainte Eulalie, des formes graphiques du très ancien français (dans une proportion de 66,85 p. 100) côtoient des formes graphiques proprement latines (11,23 p. 100) et des formes graphiques hybrides, latinofrançaises (15,16 p. 100) ; d'autres enfin présentent des aspects régionaux/dialectaux empruntés au système picard-wallon (6,17 p. 100). On peut affirmer que, du IXe au XVe siècle, on observe globalement une tendance à la diminution du nombre des variantes graphiques. C'est un premier pas vers une standardisation, liée entre autres à l'impression : certains incunables (premiers textes imprimés avant 1500), à la différence des textes antérieurs, ne présentent que peu de variantes de ce type. La réduction du nombre des variantes graphiques se fait au profit de grandes séries d'alternances (du type e/a, o/ou « ouisme », i/y, -ier/-er, consonnes doubles/consonne simples, notation des palatales ign/gn, ill(i), gli/ll, etc.). On observe l'apparition d'un accent distinctif sur le i, à l'origine du point, dans des manuscrits du XIIIe siècle (Fou. Dixième Conte de la vie des pères), qui ôte toute ambigüité (orthographe rectifiée, Acad. franç.) à la lecture de i devant m, n et u, et sera systématisé par l'imprimerie dans les incunables. Dans le même manuscrit, on note une tendance, non encore systématique, à la distinction de ʃ long réservé à l'initiale et à l'intérieur, remplacé par un petit s en finale dans la désinence de formes verbales, ou dans des finales adverbiales, marque spécifique du morphogramme grammatical s. Au XIVe siècle, on observe le développement de y comme variante plus lisible que i (Psautier de Metz, Prologue) en finale (mercy), comme deuxième élément de digramme, (ayde), pour la notation de yod initial (yawe, « eau ») ; dans les incunables y cumule les fonctions citées, avec en particulier la notation de yod intervocalique (La mort au roy artus, 1488), dans ioye à côté de ioie, et dans des formes verbales de l'imparfait et du conditionnel développées en -oye : ie pensoye « je pensais », au conditionnel vous aymeroye « je vous aimerais », à côté de aymeroie. On assiste au développement de la majuscule du nom propre et du nom de la fonction (Tractatus, XIVe-XVe siècle, et La mort au roy artus, XVe siècle) sans que cet emploi soit encore systématique (il ne le sera pas avant le XVIIIe siècle). Ces grandes tendances s'accompagnent d'une grammatisation plus large de l'écrit, caractérisée par une systématisation des marqueurs morphologiques, tels que les marques du pluriel, du genre, des désinences verbales, etc. L'emploi du tiret en cas d'inversion n'est pas encore en usage. Avec la mise en place de l'apostrophe notant l'élision, dans le premier tiers du XVIe siècle, la segmentation graphique des mots va trouver pratiquement sa forme moderne.

Histoire de l'orthographe à travers les imprimés

Dans le prolongement de l'orthographe des manuscrits et des incunables, l'histoire de l'orthographe à travers les imprimés est dépendante de facteurs matériels, mais aussi de facteurs socioéconomiques, de l'évolution de la langue et des théories de l'écrit dans lesquelles se situent les auteurs et leurs œuvres.
Alors que l'écrit bénéficie au XVIe siècle d'une extraordinaire démultiplication grâce au processus de l'imprimerie, la tendance à la standardisation des systèmes graphiques du français est freinée par toutes sortes de contraintes matérielles. L'absence de caractères distincts i et j et u et v (jointe à l'existence des seules capitales I et V pour j et u majuscules dans les casses d'imprimerie) continue à favoriser l'emploi de lettres muettes adscrites dans l'orthographe ancienne, ajoutées dans le mot comme « lettres de lisibilité », qui servaient à désambigüiser le caractère vocalique ou consonantique de i et u, sur le type adiouster, aduenir, maulue « mauve ». Tandis que la première édition du Dictionnaire de l'Académie (1694) adopte les caractères distincts i, j, u, v (entrés peu à peu dans l'usage typographique dans la décennie 1660-1670, tandis que les capitales modernes J et U apparaissent à la fin de cette décennie), les lettres adscrites continuent à être employées jusque dans la première moitié du XVIIIe siècle, témoignant des habitudes anciennes d'imprimeurs et d'auteurs. L'évolution de l'usage typographique rend certains usages graphiques désuets : ainsi l'usage du tréma sur ü servait à noter u voyelle (en l'absence de la distinction de ces caractères). De même, les échanges de caractères entre v et u, du type vn, Vn subsistent dans les usages typographiques, dont les ateliers ont du mal à se débarrasser, alors que les grammairiens les dénoncent déjà comme autant d'erreurs.
La modernisation de la notation des voyelles en français passe par l'introduction d'un système d'accentuation, qui n'existait pas en latin. L'accentuation introduite aux XVIe et XVIIe siècles par les réformateurs et par des écrivains modernes (Ronsard dans Les Odes, 1550, emploie l'accent aigu à l'initiale et en finale ; Corneille dans la Préface du Théâtre, 1663, recommande la distinction graphique des différents E), ne sera mise en place systématiquement que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. La distinction des homophones par l'introduction de l'accent grave (à/a, là/la, où/ou), observée par quelques imprimeurs au XVIe siècle, s'étend au XVIIe siècle ; mais la recommandation faite par Corneille de distinguer é fermé, de è ouvert, et de ê ouvert long ne se fera que dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Là aussi des aspects matériels comme le long usage des ligatures dans les casses d'imprimerie (type ʃt, ʃi, l'emploi d'un seul caractère constitué de deux signes-lettres liés reproduisant l'écriture manuscrite) vont freiner la modernisation, l'emploi de la ligature allant contre la suppression de s et son remplacement par un accent : voir ainsi les variantes dans Corneille 1682 Eʃtrangers et étrange, touʃiours (en 1740, le Dictionnaire de l'Académie donne toûjours).
La modernisation du système graphique du français trouve son origine au XVIIIe siècle, dans les travaux de l'abbé d'Olivet, appliqués aux éditions de 1740 et 1762 du Dictionnaire de l'Académie. L'académicien reconnait l'intérêt de la suppression des lettres muettes adscrites de l'orthographe ancienne afin d'éviter des erreurs de prononciation, et la fonction équivalente des accents de l'orthographe modernisée. Il décrit la fonction de l'accent aigu servant à noter e fermé en remplacement de s muet en syllabe atone, 1694, 1718 eʃcrire/1740 écrire ; le s long en syllabe tonique servant à noter la voyelle longue peut être remplacé par l'accent circonflexe, qui a la même fonction de notation de la durée, du type en 1694, 1718 paʃte, giʃte, coʃte/ en 1740 pâte, gîte, côte ; il recommande l'introduction de l'accent grave servant à noter e ouvert, du type en 1694, 1718 these/1740 thèse, ou en finale, en 1694, 1718 decés, succez/ devenu en 1740 décès, succès.
L'analyse de la prosodie permet à d'Olivet de dégager quelques caractéristiques du fonctionnement linguistique, phonique et graphique du français : l'existence de voyelles brèves et de voyelles longues ; en français, seule la syllabe tonique peut contenir une voyelle longue. Il décrit la règle de désaccentuation qui caractérise une voyelle longue et sa notation, lors du passage en syllabe atone, où celle-ci perd l'accent circonflexe, du type grâce/gracieux, pôle/polaire ; le pronom possessif par opposition à l'adjectif : c'est le nôtre/notre enfant. À cette règle s'oppose la règle analogique et morphologique de notation de la famille de mots, qui tend à rapprocher graphiquement les dérivés et composés de la notation du mot de base, du type tête, têtu ; crêpe, crêper, crêpeler, crêpage, décrêpage ; affût, affûtage, affûter, affûteur. Recommandée par Alcuin au VIIIe siècle lors de la reconstruction d'un latin écrit normé, cette règle fut reprise ensuite par les traités médiévaux pour le français, et enfin au XVIIe siècle par l'Académie.
L'histoire de l'orthographe à travers les imprimés, et en particulier à travers les neuf éditions successives du Dictionnaire de l'Académie, montre que 50 p. 100 environ des mots français ont connu des modifications graphiques, et certains jusqu'à trois modifications différentes. La langue a évolué. L'orthographe, d'édition en édition, a été ajustée, modernisée : c'est dans le même esprit que le Dictionnaire de l'Académie de 1992 a poursuivi cette tâche, en acceptant les rectifications de l'orthographe proposées par le Conseil supérieur de la langue française tabl..

Tableau

Rectifications de l'orthographe, Journal officiel, 6 déc. 1990
Rectifications de l'orthographe proposées par le Conseil supérieur de la langue française (d'après : Documents administratifs du « Journal officiel », 6 décembre 1990).
L'orthographe, système de représentation écrite des variétés de français et des variétés d'auteurs
Des variétés de français, liées aux diverses aires géographiques, ont coexisté, au cours de l'histoire, avec des formes communes de la langue. Ce sont les différentes évolutions linguistiques jointes à des facteurs socioéconomiques qui sont à l'origine des formes dialectales enregistrées dans les littératures périphériques. Les parlers d'auteurs de la seconde moitié du XXe siècle, dont l'étude est importante pour notre sujet, s'inscrivent dans ce patrimoine linguistique.
L'analyse de l'écriture des variétés de français fait apparaitre orthographe rectifiée, Acad. franç. des systèmes graphiques différentiels, en contraste avec la norme usuelle du français. Cette systématique est destinée à conférer une identité linguistique propre, perceptible non seulement à l'oral, mais transmise également par l'écrit. Les procédés de différenciation sont de deux types : ou la forme à transcrire présente un écart phonique dont la notation est parlante par elle-même ; ou la différence phonique n'est pas suffisante. Elle est alors compensée par des procédés de déformation de la norme graphique destinés à créer la différenciation. Ces procédés sont complémentaires, assurant au texte lisibilité et compréhension.
Distinction graphique par la notation de différences de prononciations
Une alternance de prononciation, à l'initiale a/é (azité/hésité) caractérise le parler de l'Orléanais : J'ai azité avant d' vous acrire « j'ai hésité avant de vous écrire » (A. Gilbert, 1995). Le sarthois, tout en partageant l'alternance a/e (al/elle), se caractérise par une finale en /ṭ/ très ouvert, notée par l'accent grave : al tait point contrarièe « elle [n'é]tait pas contrariée » (É. Jacqueneaux, 1993).
Distinction par l'emploi de l'apostrophe et par la segmentation graphique
Lorsque la différence de prononciation entre le français et la variété dialectale n'est pas assez marquée, les particularités linguistiques sont mises en valeur par divers aménagements graphiques.
L'utilisation de l'apostrophe sert à noter les voyelles ou les consonnes liquides amuïes à l'oral : ainsi de l'apostrophe en remplacement de l et e amuïs dans que'qu' « que(l)qu(e) », de r amuï dans quat' « quat(re) », ou de e amuï dans : j' sais pas pour « j(e ne) sais pas ».
L'agglutination graphique yavé « il y avait » signale une expression courante avec réduction phonique de trois éléments en un seul.
Un procédé de déglutination caractérise l'écriture du pronom sujet il(s) des troisième et sixième personnes. Devant un verbe à initiale vocalique, il y a déglutination du pronom en deux éléments graphiques : y l' allé « il allait » (singulier), y l' allint « ils allaient » (pluriel, avec notation de la désinence verbale de l'imparfait, en -int), le l final du pronom notant la liaison avec le verbe qui suit ; le l' est marqué d'une apostrophe censée rappeler l'élision. Devant un verbe à initiale consonantique, par contre, la graphie du pronom est réduite à un seul élément, y : y disé « il disait », y disint « ils disaient .
Cette prononciation courante du pronom, admise à l'oral, est stigmatisée à l'écrit et correspond à une tradition graphique pour noter le parler relâché, familier ou populaire, tandis que la notation de la finale en -int est caractéristique de l'Orléanais.

Distinction par la suppression de marques graphiques, lexicales et grammaticales, ou dégrammatisation
Parmi ces procédés de distinction graphique on note la suppression à l'écrit de -r final muet dans un mot comme gas « gars », qui signale une forme familière, voire populaire. Ce procédé est renforcé par l'adjonction d'un accent circonflexe gâs [ga] (É. Jacqueneaux, 1993), qui confirme la prononciation populaire. Une seule forme verbale, allé pour aller, allait, allez, allée (participe passé), neutralise chez A. Gilbert (1995) les formes de l'infinitif, de l'imparfait, ainsi que les désinences verbales et la marque de genre du participe. Ce procédé de dégrammatisation graphique est récurrent, présent chez la plupart des auteurs.
L'ensemble des procédés qui caractérisent les variétés écrites ont souvent été vécus comme une atteinte à la norme orthographique, au lieu d'être considérés comme des variétés de français dont l'existence ne peut qu'enrichir le patrimoine de la langue.
L'orthographe, depuis les plus anciens textes français, est un plurisystème complexe, qui entretient des rapports avec différents niveaux de la langue. Les rectifications de l'orthographe, à la suite des modifications graphiques qui ont eu lieu au cours de l'histoire, permettent aujourd'hui de corriger un certain nombre d'anomalies, de régulariser un certain nombre de graphies et de décrisper une certaine rigidité à l'égard de la norme. L'étude des variétés écrites du français, tout en apportant légitimité et respect à un patrimoine linguistique souvent délaissé, se révèle d'ores et déjà riche d'enseignements pour la connaissance des systèmes graphiques.Liselotte Biedermann-Pasques

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Posté le : 21/02/2015 16:19
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Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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