| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> Elysée Reclus [Les Forums - Histoire de la Littérature]

Parcourir ce sujet :   1 Utilisateur(s) anonymes





Elysée Reclus
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9499
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 56943
Hors Ligne
Le 15 mars 1830 naît Élisée Reclus

de son nom complet Jean Jacques Élisée Reclus, né à Sainte-Foy-la-Grande Gironde, mort à 75 ans à Thourout en Belgique le 4 juillet 1905, géographe libertaire, Communard, militant et théoricien anarchiste, il fut un pédagogue et un écrivain prolifique militant activiste, théoricien, propagandiste, géographe, il défend la Cause du communisme libertaire et l'anarchisme. Il est Formé à l'Université de Paris, La Sorbonne, il reçoit le titre de Professeur des universités. Il reçoit la médaille d’or de la Société de géographie de Paris en 1892. Il s'intéresse à la géographie sociale. Ses travaux sont :Nouvelle Géographie universelle, la terre et les hommes en 19 volumes 1876-1894, L’Homme et la Terre en 6 volumes 1905-1908
Membre de la Première Internationale, il rejoint la Fédération jurassienne après l'exclusion de Michel Bakounine. Avec Pierre Kropotkine et Jean Grave, il participe au journal Le Révolté.
En 1892, il est invité par l’Université libre de Bruxelles qui lui offre une chaire de géographie comparée. Mais le cours est suspendu fin 1893, à la suite de l'attentat d'Auguste Vaillant à Paris. En octobre 1894, avec d'autres professeurs démissionnaires, il crée alors l'Université nouvelle de Bruxelles dont les premiers cours se donnent dans les locaux de la loge maçonnique Les Amis philanthropes.
Citoyen du monde avant l’heure, précurseur de la géographie sociale, de la géopolitique et de l'écologie, ses ouvrages majeurs sont Histoire d’un ruisseau, sa Géographie universelle en 19 volumes et L'Homme et la Terre en 6 volumes.
La revue Hérodote le considère comme l'un des géographes les plus importants de son temps, au point d'avoir consacré deux numéros entiers à son œuvre en 1981 et 2005
.

En bref

Né en Gironde et destiné à être pasteur comme son père, Reclus suit les cours de la faculté protestante de Montauban. Il perd très vite la foi et est séduit par les idéaux socialistes de son époque. Au cours d'un séjour à Berlin, il suit les cours de géographie de Karl Ritter dont il devient le disciple. Après le coup d'État de 1851, il quitte la France et voyage en Irlande, aux États-Unis, et tente de fonder une colonie agricole en Colombie. De retour en France, il publie ses premiers ouvrages de géographie. Fondateur de coopératives de consommation et d'assurances ouvrières, et attaché aux idées anarchistes, Reclus assiste au Congrès de Berne de la Première Internationale avec Bakounine. Membre de la garde nationale pendant la Commune, il est fait prisonnier lors de la désastreuse sortie en masse du 4 avril 1871. Grâce à l'intervention de savants anglais, sa condamnation à la déportation est commuée en une peine de dix années de bannissement. Résidant en Suisse, il milite à la Fédération jurassienne anarchiste. Amnistié en 1879, il reste à Genève où il anime le journal Le Révolté qu'il a fondé avec Pierre Kropotkine et Jean Grave. La publication de la Géographie universelle, commencée en 1875, établit définitivement sa réputation scientifique, et l'Université libre de Bruxelles fait appel à lui en 1890 pour prendre en charge la chaire de géographie. Comme son ami Kropotkine, il défend jusqu'à sa mort un anarchisme pur et intransigeant.Paul CLAUDEL

Sa vie

Son père Jacques Reclus, né en 1796, était pasteur calviniste français, tout d’abord rémunéré par l’État, puis indépendant et a aussi été quelques années professeur au collège protestant de Sainte-Foy-la-Grande. Le pasteur eut, avec son épouse Zéline Trigant, née en 1805, dix-sept enfants, dont trois ne survécurent pas à la naissance.
Élisée Reclus est le frère du journaliste Élie Reclus, du géographe Onésime Reclus, de l'explorateur Armand Reclus, du chirurgien Paul Reclus, le cousin germain de Pauline Kergomard née Ducos, fondatrice des écoles publiques maternelles françaises et l'oncle de Paul Reclus qui le seconde dans ses travaux à la fin de sa vie.

Les années de formation

Quatrième enfant du pasteur Jacques Reclus, Élisée est élevé jusque vers l’âge de 13 ans par ses grands-parents maternels, à La Roche-Chalais en Dordogne, à la suite de la décision prise par son père de ne plus être pasteur rétribué. En 1838, il regagne le foyer parental, à Orthez, après le décès de son grand-père.
En 1843, il a treize ans, son père, qui souhaite le destiner à une charge de pasteur, l’envoie rejoindre son frère Élie à Neuwied, en Prusse sur les bords du Rhin, dans un collège tenu par des pasteurs luthériens Frères Moraves.
Mais Élisée supporte mal le caractère superficiel de l’enseignement religieux de cette école : il rentre en 1844 à Orthez en passant par la Belgique. Son séjour à Neuwied n'est cependant pas entièrement négatif : il a l’occasion d’y apprendre des langues vivantes, allemand, anglais, néerlandais, et le latin, ainsi que d’y rencontrer des personnalités qu’il revit plus tard.
Élevé pendant quelques années par une sœur de sa mère à Sainte-Foy, il est inscrit au collège protestant de cette ville pour y préparer le baccalauréat. Il rencontre vraisemblablement à cette période un ancien ouvrier parisien ce qui lui permet de lire Saint-Simon, Auguste Comte, Fourier et Lamennais.
En 1848, Élisée et Élie suivent des études de théologie à la faculté de théologie protestante de Montauban. Ils en sont exclus en 1849 à la suite d’une fugue qu’ils firent en juin vers la Méditerranée. C’est sans doute au cours de ces années qu’il prit goût à ce qui devait devenir sa conception de la géographie sociale.
Élisée perd très vite la foi et est séduit par les idéaux socialistes de son époque. Il décide alors d’abandonner définitivement les études théologiques. Il se rend cependant au collège de Neuwied où il est engagé comme maître répétiteur.
Il est à nouveau déçu par l’atmosphère du collège, qu’il quitte pour se rendre à Berlin en 1851. Vivant assez chichement de leçons de français, il s’inscrit à l’université pour y suivre les cours du géographe allemand Carl Ritter dont il devient le disciple.
En septembre 1851, Élisée retrouve son frère Élie à Strasbourg et ensemble ils décident de rentrer à Orthez en traversant la France, à pied, ce qui a certainement contribué à former son caractère.
Conquis dès cette époque aux idées politiques progressistes et anarchistes, il écrit son premier texte d'inspiration libertaire, Développement de la liberté dans le monde, où il évoque « l’anarchie, la plus haute expression de l’ordre. L'article est publié, vingt ans après sa mort, en 1925, dans Le Libertaire.

Premier exil

À Orthez, apprenant le coup d’État du 2 décembre 1851, les deux frères manifestent publiquement leur hostilité au nouveau régime et leur engagement républicain. Menacés d’être arrêtés, ils s’embarquent pour Londres où ils connaissent l’existence miséreuse des exilés. Élisée ne reverra la France qu’en 1857.
À Londres, il prend la mesure de l’humiliation qu’engendre la pauvreté. Élisée vit chichement de quelques leçons. En Irlande, où il est un moment ouvrier agricole, il découvre, la pauvreté de la campagne irlandaise encore très marquée par la grande famine de 1847 et la dureté de la domination coloniale anglaise.
Début 1853, il s’embarque pour La Nouvelle-Orléans. Il y exerce divers petits métiers dont celui d’homme de peine, puis est embauché comme précepteur des trois enfants d’une famille de planteurs d’origine française, les Fortier. C’est au cours de cette période, qu'il confronté à une nouvelle situation de domination, la société esclavagiste des planteurs. Révolté par la condition des esclaves, il sera un partisan indéfectible des Nordistes durant la guerre de Sécession.
Il forme le projet de s’installer en Amérique du Sud comme agriculteur et de faire venir auprès de lui son frère Élie et sa femme. Fin 1855, il part donc pour la Colombie alors Nouvelle-Grenade en traversant le Mexique et l’Amérique centrale. Il essaye pendant deux ans de s’installer comme planteur de bananes ou de café. Peu doué pour les affaires et sans capitaux suffisants pour créer son exploitation, l’échec est total. Il quitte la Colombie en 1857 grâce à l’argent envoyé par son frère aîné qui lui permet de payer ses dettes et son billet pour le retour.

Géographe et anarchiste

En juillet 1857, Élisée revient en France et se fixe chez son frère Élie, à Paris. Les deux frères y rencontrent Auguste Blanqui et Pierre-Joseph Proudhon.
Tout en donnant des cours de langues étrangères, Élisée s’engage dans ce qui allait par la suite devenir sa principale occupation : il entre dans la Société de géographie.
Fin 1858, il retourne à Orthez en compagnie de son père qui revient d’Angleterre où il est allé chercher des aides financières pour un asile de vieillards qu’il a créé dans son village.
Le 11 mars 1858, il est initié dans la loge maçonnique, Les Émules d’Hiram du Grand Orient de France. Il n’y est jamais actif et au bout d’un an il s'éloigne de la franc-maçonnerie.
Le 14 décembre 1858, il se marie civilement avec Clarisse Brian et il retourne à Paris chez Élie.
En 1859, il contribue à la Revue des deux Mondes où il donne des articles de géographie, de géologie, de littérature, de politique étrangère, d'économie sociale, d'archéologie et de bibliographie, qui sont fort remarqués.
La maison Hachette décide d’employer Élisée pour rédiger des guides pour voyageurs, guides Joanne, ce qui va l’amener à parcourir de nombreux pays européens, Allemagne, Suisse, Italie, Angleterre, Sicile, Espagne…. Son premier livre, Voyage à la Sierra Nevada de Sainte-Marthe, est publié en 1861.

En 1862, Élisée se rend à Londres pour l’Exposition universelle.

Dans le courant de l'année 1863, les deux frères vont s’installer à Vascœuil, Eure, Haute-Normandie chez leur ami Alfred Dumesnil, gendre de Jules Michelet. Adèle Dumesnil, la fille de l'historien étant décédée en 1855, Dumesnil, veuf, épouse en 1871 Louise Reclus, sœur d'Élisée et d'Élie.
Le 1er octobre 1863, il est parmi les fondateurs de la Société du Crédit au Travail, banque dont le but était d’aider à la création de sociétés ouvrières.
En juin 1864, avec son frère Élie, il est l’un des vingt-sept fondateurs de la première coopérative parisienne de type rochdalien : l’Association générale d’approvisionnement et de consommation. Élisée est élu secrétaire de L’Association, bulletin international des coopératives, fondé le 1er novembre. Il collabore à La Coopération, qui lui succède. En 1866, il fait partie avec Élie d’une société coopérative d’assurances sur la vie humaine créée à Paris sous le nom de L’Équité.

Militant de la Première Internationale et communard

En septembre 1864, les deux frères Élie et Élisée adhèrent à la section des Batignolles de l’Association internationale des travailleurs fondée le 28 septembre à Londres AIT, Première Internationale.
En novembre de la même année à Paris, Élie et Élisée rencontrent Bakounine avec qui ils entretiennent des liens amicaux et politiques forts. Ils militent ensemble à la Fraternité Internationale, société secrète fondée par Bakounine. En 1865, Élisée se rend à Florence, où il revoit Bakounine et fait la connaissance de révolutionnaires italiens.
En 1867, Élisée participe à deux réunions internationales : du 2 au 7 septembre, deuxième Congrès de l’Association internationale des travailleurs à Lausanne et du 9 au 12 septembre, premier Congrès de la Ligue de la Paix et de la liberté à Genève. Du 21 au 25 septembre 1868 il participe activement au 2e Congrès de la Ligue de la Paix et de la Liberté, à Berne. Il y fait une intervention que l’on considère généralement comme sa première adhésion publique à l’anarchisme. Élisée, Bakounine et quelques autres s’opposent à la majorité des congressistes sur la question de la décentralisation. Ils en tirent les conséquences et quittent la Ligue.
En 1868, il adhère à l’Alliance internationale de la démocratie socialiste fondée par Bakounine et admise, en juillet 1869, par le Conseil général de l’Association internationale des travailleurs, au nombre des sections genevoises.
Le 6 juillet et le 17 août 1869 à Londres, Élisée assiste, à titre d’invité, à une séance du Conseil général de la Première Internationale.
En 1869, il rédige son Histoire d’un ruisseau.
En 1869, il s’engage comme volontaire au 119e bataillon de la Garde nationale, puis dans le bataillon des aérostiers, dirigée par son ami intime, le photographe Nadar.
Soucieux de donner un foyer à ses filles, confiées à deux de ses sœurs à la suite de la mort de sa femme Clarisse le 22 février 1869, Élisée et Fanny Lherminez déclarent s’accepter librement l’un l’autre pour époux en mai 1870 lors d'une réunion de famille.
Lors de la guerre franco-prussienne de 1870, puis de la Commune de Paris, Élisée s’engage activement dans l’action politique et militaire.
En décembre, il participe, avec André Léo, Benoît Malon et son frère Élie Reclus, à la création du journal La République des travailleurs.
Il se présente aux élections législatives du 8 février 1871. Après la proclamation de la Commune, le 28 mars 1871, il s'engage comme volontaire dans la Fédération de la Garde nationale.
Le 4 ou 5 avril 1871, à l'occasion d'une sortie à Châtillon, il est fait prisonnier les armes à la main, par les Versaillais.
Il est emprisonné à Quélern, puis sur les pontons de l’île de Trébéron près de Brest, enfin au camp de Satory, soit en tout une quinzaine de prisons en onze mois de captivité.

Bannissement en Suisse

Le 15 novembre 1871, le 7e Conseil de guerre le condamne à la déportation simple transportation en Nouvelle-Calédonie. Une pétition internationale regroupant essentiellement des scientifiques anglais et américains et réunissant une centaine de noms dont vraisemblablement Darwin, obtient, 3 février 1872, que la peine soit commuée en dix années de bannissement. Élisée Reclus se refuse à signer un recours en grâce. Sa peine sera remise le 17 mars 1879.
À la suite de sa commutation de peine, Élisée et sa famille séjournent en Italie, puis en Suisse, à Lugano, Vevey et surtout Clarens.
Il assiste au congrès de la Paix de Lugano septembre 1872, et fonde une section internationaliste en 1876 à Vevey, avec son ami cartographe Charles Perron, qui dessine pour lui dans la Nouvelle Géographie Universelle. La section publie un journal, Le Travailleur, prônant notamment l'éducation populaire et libertaire.
En février 1874, sa compagne Fanny meurt en couches. Le 10 octobre 1875, il s'unit à Ermance Trigant-Beaumont née Gonini, veuve d’un cousin de la mère des Reclus. Héritière d’une petite fortune, Ermance fait construire une maison à Clarens, au bord du lac Léman, où la famille s’installe de 1876 à 1891.

Communiste libertaire

En Suisse, il est membre de la Fédération jurassienne où il acquitte sa cotisation de membre central. Il entretient des relations suivies avec Michel Bakounine dont il préface, en 1882, Dieu et l'État et Pierre Kropotkine dont il fait la connaissance en février 1877. Une grande amitié le lie à James Guillaume.
En 1873 et 1874, il collabore à l’Almanach du peuple, et en 1877, à La Commune. Le 19 mars 1876 à Lausanne, il affirme son communisme libertaire lors d’une réunion commémorative de la Commune de Paris.
Le 3 juillet 1876, à Berne, il assiste aux obsèques de Bakounine et prononce un discours funèbre.
Au printemps 1877, il lance à Genève, la revue Le Travailleur, avec son camarade et collaborateur Charles Perron, Nicolas Joukovsky et Alexandre Oelsnitz, dans laquelle ils se déclarent an-archistes.
Amnistié en 1879, il reste à Genève où il collabore avec Jean Grave au journal Le Révolté, par Pierre Kropotkine et François Dumartheray.
Les 9 et 10 octobre 1880, il participe au congrès de la Fédération jurassienne. Il y définit son communisme libertaire, conséquence nécessaire et inévitable de la révolution sociale et expression de la nouvelle civilisation qu’inaugurera cette révolution, et qui implique notamment la disparition de toute forme étatiste et le collectivisme avec toutes ses conséquences logiques, non seulement au point de vue de l’appropriation collective des moyens de production, mais aussi de la jouissance et de la consommation collectives des produits Le Révolté, 17 octobre 1880.
En 1883, les autorités tentent de l'impliquer dans le procès mené, à Lyon, contre Kropotkine. Il est présenté comme son collaborateur dans l'organisation du parti anarchiste international qui par définition ne se prête guère à une discipline ni à une hiérarchie. Il écrit au procureur général pour se mettre à sa disposition et finalement les poursuites sont abandonnées.

Nouvelle Géographie universelle

Pendant toute cette période, il rédige certains de ses grands textes géographiques : Histoire d’une montagne 1882, ainsi que les premiers éléments de sa Nouvelle Géographie universelle, dont la publication est poursuivie régulièrement de 1875 à 1894.
Il continue aussi à voyager Algérie, États-Unis, Canada, puis Brésil, Uruguay, Argentine et Chili. En février 1886, il se rend à Naples et y rencontre le révolutionnaire hongrois Kossuth.
Au début de 1891, Élisée et sa famille reviennent en France et se fixent à Sèvres.
En 1892, il reçoit la médaille d’or de la Société de géographie de Paris.

Bruxelles et l’Université nouvelle

En 1892, à la suite de la condamnation de Ravachol, la situation devient dangereuse pour lui en France, et il décide d’accepter une proposition de l’Université libre de Bruxelles ULB qui lui offre une chaire de géographie comparée en lui décernant le titre de docteur agrégé.
Ce cours doit prendre place en mars 1894, mais deux événements vont intervenir qui vont changer l'histoire. Le 9 décembre 1893, Auguste Vaillant lance une bombe à la Chambre des députés à Paris. Le géographe en est jugé moralement responsable. Au même moment, un texte de Reclus intitulé, Pourquoi sommes-nous anarchistes ? est diffusé sur le campus. Dans ce texte, il condamne la bourgeoisie, les prêtres, les rois, les soldats, les magistrats qui ne font qu’exploiter les pauvres pour s’enrichir. C'est un véritable appel à la révolution : l’unique moyen d’arriver à l’idéal anarchiste, c’est-à-dire à la destruction de l’État et de toutes autorités, par l'action spontanée de tous les hommes libres. Dès lors, les événements vont se succéder rapidement.
En sa séance du 30 décembre 1893, le conseil d'administration de l'ULB prie Élisée Reclus de reporter son cours sine die, ce qui provoque la démission du recteur de l'université Hector-Denis, et de plusieurs professeurs. C’est à ce moment que surgit l’idée de créer une institution concurrente, l'Université nouvelle de Bruxelles, répondant mieux à leurs convictions philosophiques, matérialistes et positivistes, d'autant que plusieurs professeurs étrangers sont prêts à venir y donner cours. Le 30 janvier 1894, alors que l’Université libre de Bruxelles est fermée pour une durée indéterminée, les premiers cours sont donnés, rue du Persil à Bruxelles, dans les locaux de la loge maçonnique Les Amis philanthropes, elle-même à l’origine de la fondation de l’ULB. L'Université nouvelle de Bruxelles est fondée officiellement le 25 octobre 1894 : elle sera ouverte aux théories positivistes et basée sur le libre examen.
Les cours d’Élisée Reclus attirent énormément de monde, une manifestation étudiante suit sa première conférence. Son frère Élie le rejoint pour y donner des cours de mythologie. Des personnalités éminentes y enseigneront : Émile Vandervelde, Louis de Brouckère, Paul Janson, Edmond Picard, etc.
L’Université Nouvelle existe jusqu’en 1919, date à laquelle elle fusionne avec l’Université Libre de Bruxelles, mettant fin au conflit entre libéraux doctrinaires et progressistes.

La rencontre avec Alexandra David-Néel

C'est en 1886 qu'Élisée Reclus va rencontrer à Bruxelles une jeune fille appelée à devenir célèbre par la suite : Alexandra David-Néel. Il a cinquante-six ans, elle en a dix-huit. Une forte amitié se noue entre eux, qui ne cesse qu'à la mort d'Élisée. Il eut sur sa jeune admiratrice une influence certaine : le premier ouvrage écrit par Alexandra David Pour la vie parut en 1898 avec une préface d'Élisée Reclus. Ils s'écrivent à plusieurs reprises, notamment lors du séjour d'Alexandra à Hanoï, en 1895.
En 1893 Élisée se rend à Florence pour témoigner dans un procès d’anarchistes italiens, qui sont relaxés. En 1898, il a la douleur de perdre sa fille cadette. Il fonde l’Institut géographique, qui dépend de l’Université nouvelle. Cette même année, il crée aussi une société d’édition de cartes géographiques qui fait faillite en 1904. C'est aussi au cours des années 1890 qu'il se lance dans un projet de construction d'un grand Globe, destiné à représenter fidèlement la Terre avec une maquette de plus de 127,5 mètres de diamètre, à l'échelle 1:100 000. Ce projet, qui devait être réalisé pour l'Exposition universelle de 1900, réunit Reclus, Charles Perron, l'urbaniste Patrick Geddes pour réaliser le relief de l'Écosse.
Entre 1896 et 1901, il fournit plusieurs mémoires importants aux journaux scientifiques français, allemands et anglais.
En 1903, il demande à son neveu Paul Reclus de s'établir à Bruxelles pour l'aider à terminer l'édition de L'Homme et la Terre, publiée après sa mort 1905-1908 sous le contrôle vigilant de son neveu Paul Reclus .

Disparition sans cérémonie

Les Temps nouveaux du 15 juillet 1905 annoncent la mort de Reclus.
Durant les dernières années de sa vie, Élisée Reclus qui souffre d’angine de poitrine, voyage encore France, Angleterre, Écosse, Berlin.
Fin juin 1905, il apprend la révolte des marins du cuirassé Potemkine, ce qui constitue l’une de ses dernières joies.
Il meurt le 4 juillet 1905 à Torhout, près de Bruges. Conformément à ses dernières volontés, aucune cérémonie n’a lieu : seul son neveu Paul Reclus suit le cercueil.
Il est enterré au cimetière d’Ixelles, commune faisant partie de l'agglomération de Bruxelles, dans la même tombe que son frère Élie mort l’année précédente.
Il est apparenté à Franz Schrader 1844-1924, géographe, alpiniste, cartographe et peintre paysager, fils de sa cousine germaine Marie-Louise Ducos, ainsi qu'à Élie Faure 1873-1937, critique d'art.

Les idées d’Élisée Reclus

Le bannissement politique d’Élisée Reclus pour ses idées anarchistes a certainement été à l’origine de l’oubli relatif dans lequel il est aujourd’hui. Selon la géopoliticienne Béatrice Giblin : C’est bien parce qu’on ne pouvait dissocier le géographe, qui aurait dû être nanti d’on ne sait de quelle sereine impartialité scientifique, du militant anarchiste, que les représentants de l’institution universitaire ont choisi de l’oublier et de le faire oublier au plus vite.
Il est méfiant envers la valeur du progrès : Certes, l’industrie amena de réels progrès dans son cortège, mais avec quel scrupule il importe de critiquer les détails de cette grande évolution ! il faut prendre définitivement conscience de notre humanité solidaire, faisant corps avec la planète elle-même. Pour lui, le progrès s'accompagne de régrès, de régressions qui inscrivent les évolutions dans une problématique dialectique. Ainsi, dans L’Homme et la Terre il revient à de nombreuses reprises sur cette idée : Le fait général est que toute modification, si importante qu’elle soit, s’accomplit par adjonction au progrès de régrès correspondants tome VI p° 531. Reclus ne désapprouve pas l'action de l'homme sur la nature, mais cette dernière doit répondre à des critères sociaux, moraux et esthétiques.
Pour Yves Lacoste, il serait le père de la réflexion géopolitique française même si Reclus n'emploie jamais ce mot dans son œuvre.
L'un des aspects les plus marquants de sa personnalité, outre ses convictions libertaires, est sa faculté de penser et d'agir par lui-même. À 18 ans, il affirme : Je ne veux avoir sur le front la marque d'aucun maître, je veux garder ma libre pensée, ma volonté intacte, ne rendre compte de ma conduite qu'à ma conscience ! Plus tard, il sera proche de la Fédération de la libre pensée créée en 1848 et donnera des conférences dans des loges maçonniques.
En ce qui concerne ses idées religieuses, bien que formé dans sa jeunesse pour devenir pasteur, il se détache rapidement et radicalement du christianisme. Selon la géopoliticienne Béatrice Giblin : Son projet de jeunesse est alors d’établir la République chrétienne, plus tard, devenu athée, il parlera de la République universelle. Devenir athée, ne signifie pas que Reclus perde ce qui fait de lui un être religieux, s’il ne croit plus en l’existence de Dieu, il croit avec la foi du charbonnier à la liberté, condition indispensable pour qu’existe un jour la République universelle.
Élisée Reclus vécut toujours très simplement et mit les revenus qu’il avait à sa disposition grâce aux éditions Hachette ou à Ermance au service de la famille, des amis, des militants et du mouvement anarchiste.

Le géographe
Un exemple d'illustration dans La Nouvelle Géographie Universelle : Le Lac de Sete Cidades.
Prolongeant les travaux du naturaliste Carl Ritter dont il a suivi les cours à Berlin en 1851, Élisée Reclus observe la nature. Il rédige de nombreux ouvrages de géographie dont la Nouvelle Géographie universelle en 19 tomes, et L'Homme et la Terre sont sans doute les plus importants.
Son œuvre en fait un précurseur de la géographie sociale. Pour Reclus, il s’agit d’inclure la dimension humaine dans le processus géographique.
Il réfléchit aussi à l’enseignement de la géographie et souhaite mettre à la portée de chacun des outils originaux de compréhension dont le Projet de globe terrestre au 100 000e en collaboration avec l'architecte Louis Bonnier.
Pour son travail de géographe, ses engagements anarchistes lui assurent un réseau d'informateurs dans le monde entier, mais lui ont également fermé les portes de la reconnaissance universitaire française pendant le XXe siècle.

L’anarchiste
Élisée Reclus est un militant impliqué directement dans des organisations ouvrières comme l'Association internationale des travailleurs, la Fédération jurassienne, la Ligue de la Paix et de la liberté. Il est également en relation avec nombre des grandes figures du mouvement libertaire de l'époque : Bakounine, Kropotkine, Dumartheray, Jean Grave, James Guillaume, Max Nettlau, etc.
L’écrasement sanglant de la Commune de Paris l'a convaincu de l’antagonisme irréductible entre le capital et le travail, du rôle néfaste de l’État et de l’impossibilité de parvenir au socialisme par des voies pacifiques ou électoralistes, ce qui n’empêche pas des pratiques éducationnistes. De son exil en Suisse à sa mort, il ne cesse de prendre position sur les problèmes théoriques et pratiques qui se posent au mouvement libertaire : déclaration en faveur de l’union libre à l’occasion du mariage libre de ses deux filles, Le Révolté, 11 novembre 1882 ou prise de position catégorique contre le principe des élections : Voter, c’est abdiquer, Le Révolté, 11-24 octobre 1885
Sur certaines questions, il défend des positions originales. Il considère que la révolution ne se produira pas dans un proche avenir, Bulletin de la Fédération jurassienne, 11 février 1878. En opposition à Jean Grave, il se déclare favorable au droit de reprise individuelle : Le révolutionnaire qui opère la reprise pour la faire servir aux besoins de ses amis peut tranquillement et sans remords se laisser qualifier de voleur, Correspondance, t. III, 21 mai 1893. Enfin, il se montre hostile aux expériences de colonies anarchistes ou milieux libres : Il ne faut nous enfermer à aucun prix, il faut rester dans le vaste monde pour en recevoir toutes les impulsions, pour prendre part à toutes les vicissitudes et en recevoir tous les enseignements, Les Temps Nouveaux, 7-13 juillet 1900. Dans un long passage de L’Évolution, la révolution et l’idéal anarchique 1897, en accord avec Kropotkine, il se livre à un sévère réquisitoire contre Thomas Malthus. Il est également hostile au néo-malthusianisme défendu par Paul Robin.
En 1896, il publie son plus célèbre texte, L'Anarchie, reproduction d'une conférence prononcée devant les membres de la loge maçonnique Les Amis philanthropes de Bruxelles.

Élisée Reclus et la franc-maçonnerie
Le 11 mars 1858, Élisée Reclus est initié en franc-maçonnerie à la loge Les Émules d'Hiram du Grand Orient de France à Paris. Son frère Élie déjà initié à la loge Renaissance est présent.
Élisée se contente de l'initiation. Au bout d'un an, il s’en détache et ne fréquente, à nouveau, les loges que lors de son dernier exil à Bruxelles, pour y donner de nombreuses conférences sur l'anarchie. Même s'il ne fut jamais un franc-maçon actif, sa présence à Bruxelles en 1894, a une importance déterminante sur la Maçonnerie belge, et notamment sur la loge Les Amis philanthropes.

Le partisan de l’union libre
Union libre
Je crois que votre frère E. s'est trompé lorsqu'il vous répondit que chez nos camarades, la question de l'union libre a peu d'importance. Au contraire, l'opinion est désormais fixée et l'importance capitale de la liberté complète, absolue de la femme en face du masculin est reconnue chez tous les anarchistes ... Je puis dire qu'à mon avis la révolution est accomplie, le mariage officiel a virtuellement vécu. Il ne reste qu'à déblayer la voie.

Anarchisme et liberté sexuelle
Fervent partisan de l'union libre, Élisée Reclus eut trois compagnes, avec chacune desquelles le contrat social fut différent. Une constante est cependant marquée : il a toujours refusé le mariage religieux.
La première, Clarisse Briand, qu’il épouse civilement à Orthez le 14 décembre 1858, avec qui il a trois filles, la troisième ne vécut pas, avait des origines Peul sa mère était une Peul du Sénégal qui avait épousé un armateur bordelais. Clarisse meurt quelques semaines après son troisième accouchement, le 22 février 1869. Ce mariage avait une signification toute particulière pour l’anti-esclavagiste de retour de Louisiane.
En mai 1870, à Vascœuil, il s’unit avec la seconde, Fanny Lherminez, en union libre, mariage sous le soleil dit-il. Une très grande unité de vues les rassemble pendant leur courte vie commune. Fanny meurt, en février 1874, en mettant au monde un enfant qui ne vécut pas.
C’est avec sa dernière compagne, Ermance Gonini elle-même veuve, qui lui survécut, qu’il passe les trente dernières années de sa vie. Le 10 octobre 1875, à Zurich, ils s'unissent librement sans aucune formalité civile ou religieuse mais lecture d'un texte qui fut signé par les deux époux et leurs seize témoins. Ils n’eurent aucune descendance.
Le 14 octobre 1882, sans permettre à la loi religieuse et civile de s'en occuper, dans des conditions de vérité où les fiancés n'eurent point à faire de cérémonies civile ou religieuse en l'honneur d'une loi qui leur paraît injuste ou d'un culte qu'ils ne pratiquent point, ses deux filles s'unissent librement, avec des amis de son neveu Paul : Magali avec Paul Régnier et Jeannie avec Léon Cuisinier. L’autorité paternelle que je m’adresse à vous, mes filles, et à vous, jeunes hommes qui me permettez de vous donner le nom de fils. Notre titre de parents ne nous fait en rien vos supérieurs et nous n’avons sur vous d’autres droits que ceux de notre profonde affection.

L Élisée Reclus et l’espéranto
Élisée Reclus appelle de ses vœux une langue universelle qui ne viendrait pas se substituer aux langues maternelles mais qui serait une langue vraiment commune à l’humanité entière. Cette langue ne peut pas être une langue ancienne : à de nouveaux pensers il faut un instrument nouveau. Nulle langue moderne ne convient non plus au rôle de véhicule universel de l’intelligence humaine. Il cite l'espéranto en exemple et se réjouit du fait que dix ans seulement après son invention, il réunisse déjà quelques 120 000 adeptes.

Le naturiste
Élisée Reclus pensait que la nudité était l'un des moyens de développer la socialisation entre individus, il en vantait les bienfaits hygiéniques moralement comme physiologiquement, et il la mettait en perspective dans de vastes vues englobantes sur l'histoire et la géographie des cultures. Certains le considèrent comme le fondateur du naturisme.

Le végétarien
Très tôt rebuté par la viande, Élisée Reclus pratique un végétarisme strict. Il fut un « légumiste » convaincu comme il aimait à le dire et partageait cette conception avec son frère Élie.

Citations

Sur la morale
Celui qui commande se déprave, celui qui obéit se rapetisse. Des deux côtés. comme tyran ou comme esclave, comme préposé ou comme subordonné, l'homme s'amoindrit. La morale qui naît de la conception actuelle de l'État, de la hiérarchie sociale, est forcément corrompue. "La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse", nous ont enseigné les religions, elle est le commencement de toute servitude et de toute dépravation, nous dit l'histoire. 18 juillet 1892, Correspondance

Sur la famille
C’est dans la famille surtout, c’est dans ses relations journalières avec les siens que l’on peut le mieux juger l’homme : s’il respecte absolument la liberté de sa femme, si les droits, la dignité de ses fils et de ses filles lui sont aussi précieux que les siens, alors la preuve est faite ; il est digne d’entrer dans une assemblée de citoyens libres ; sinon, il est encore esclave, puisqu’il est tyran.
L'Homme et la Terre, 1905

Sur l'anarchie
Notre destinée, c'est d'arriver à cet état de perfection idéale où les nations n'auront plus besoin d'être sous la tutelle d'un gouvernement ou d'une autre nation; c'est l'absence de gouvernement, c'est l'anarchie, la plus haute expression de l'ordre. Le développement de la liberté dans le monde, 1851.

Pour que l’anarchie triomphe, il faut qu’elle soit déjà une réalité concrète avant les grands jours qui viendront. Aux compagnons, Les Entretiens politiques et littéraires, juillet 1892

Sur la révolution
... l’équilibre rompu d’individu à individu, de classe à classe, se balance constamment autour de son axe de repos : le viol de la justice crie toujours vengeance. De là, d’incessantes oscillations. Ceux qui commandent cherchent à rester les maîtres, tandis que les asservis font effort pour reconquérir la liberté, puis, entraînés par l’énergie de leur élan, tentent de reconstituer le pouvoir à leur profit. Ainsi des guerres civiles, compliquées de guerres étrangères, d’écrasements et de destructions, se succèdent en un enchevêtrement continu, aboutissant diversement, suivant la poussée respective des éléments en lutte.Ou bien les opprimés se soumettent, ayant épuisé leur force de résistance : ils meurent lentement et s’éteignent, n’ayant plus l’initiative qui fait la vie ; ou bien c’est la revendication des hommes libres qui l’emporte, et, dans le chaos des événements, on peut discerner de véritables révolutions, c’est-à-dire des changements de régime politique, économique et social, dus à la compréhension plus nette des conditions du milieu et à l’énergie des initiatives individuelles.
L’Homme et la Terre, préface du tome I, 1905.

Il est cependant des esprits timorés qui croient honnêtement à l’évolution des idées, qui espèrent vaguement dans une transformation correspondante des choses, et qui néanmoins, par un sentiment de peur instinctive, presque physique, veulent, au moins de leur vivant, éviter toute révolution. Ils l’évoquent et la conjurent en même temps : ils critiquent la société présente et rêvent de la société future comme si elle devait apparaître soudain, par une sorte de miracle, sans que le moindre craquement de rupture se produise entre le monde passé et le monde futur. Êtres incomplets, ils n’ont que le désir, sans avoir la pensée ; ils imaginent, mais ils ne savent point vouloir.
L’évolution, la révolution et l’idéal anarchique, 190251.

Sur le vote
Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n’est ni votant, ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l’exercice du droit de suffrage. ... Voter, c’est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c’est renoncer à sa propre souveraineté. Qu’il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d’une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu’ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir. Voter, c’est être dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d’une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l’échenillage des arbres à l’extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l’immensité de la tâche. L’histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement
Le Révolté, octobre 1885.

Sur le progrès
De quels chants de triomphe en l’honneur du progrès n’ont pas été accompagnées les inaugurations de toutes les usines industrielles avec leurs annexes de cabarets et d’hôpitaux ! Certes, l’industrie amena de réels progrès dans son cortège, mais avec quel scrupule il importe de critiquer les détails de cette grande évolution ! Les misérables populations du Lancashire et de la Silésie nous montrent que tout n’a pas été progrès sans mélange dans leur histoire ! Il ne suffit pas de changer d’état et d’entrer dans une classe nouvelle pour qu’on acquière une plus grande somme de bonheur.
L’Homme et la Terre, tome VI, 1905.
... prendre définitivement conscience de notre humanité solidaire, faisant corps avec la planète elle-même, embrasser du regard nos origines, notre présent, notre but rapproché, notre idéal lointain, c’est en cela que consiste le progrès.
L’Homme et la Terre, tome VI, 1905.

Sur l'écologie
La question de savoir ce qui dans l’œuvre de l’homme sert à embellir ou bien contribue à dégrader la nature extérieure peut sembler futile à des esprits soi-disant positifs : elle n’en a pas moins une importance de premier ordre. Les développements de l’humanité se lient de la manière la plus intime avec la nature environnante. Une harmonie secrète s’établit entre la terre et les peuples qu’elle nourrit, et quand les sociétés imprudentes se permettent de porter la main sur ce qui fait la beauté de leur domaine, elles finissent toujours par s’en repentir. Là où le sol s’est enlaidi,là où toute poésie a disparu du paysage, les imaginations s’éteignent, les esprits s’appauvrissent, la routine et la servilité s’emparent des âmes et les disposent à la torpeur et à la mort. Parmi les causes qui dans l’histoire de l’humanité ont déjà fait disparaître tant de civilisations successives, il faudrait compter en première ligne la brutale violence avec laquelle la plupart des nations traitaient la terre nourricière. Ils abattaient les forêts, laissaient tarir les sources et déborder les fleuves, détérioraient les climats, entouraient les cités de zones marécageuses et pestilentielles ; puis, quand la nature, profanée par eux, leur était devenue hostile, ils la prenaient en haine, et, ne pouvant se retremper comme le sauvage dans la vie des forêts, ils se laissaient de plus en plus abrutir par le despotisme des prêtres et des rois. Du Sentiment de la nature dans les sociétés modernes, La Revue des deux mondes, n°63, 15 mai 1866.

Sur le naturisme
Au fond, il s’agit de savoir lequel, du nu ou du vêtement, est le plus hygiénique, le plus sain pour développement harmonique de l’homme au physique et au moral. Quant au premier cas, il ne peut y avoir aucun doute. Pour les hygiénistes, c’est une question jugée que celle de la nudité. Il n’est pas douteux que la peau reprend de sa vitalité et de son activité naturelles quand elle est librement exposée à l’air, à la lumière, aux phénomènes changeants du dehors. La transpiration n’est plus gênée ; les fonctions de l’organe sont rétablies ; il redevient plus souple et plus ferme à la fois ; il ne pâlit plus comme une plante isolée privée de jour. Les expériences faites sur les animaux ont prouvé aussi que, lorsque la peau est soustraite à l’action de la lumière, les globules rouges diminuent de même que la proportion d’hémoglobine. C’est dire que la vie devient moins active et moins intense. Encore un exemple de ce fait, que les progrès de la civilisation ne sont pas nécessairement des progrès et qu’il importe de les soumettre au contrôle de la science. La question des vêtements et de la nudité, L'Homme et la Terre

Commentaires

Pour le géographe et géopoliticien, Yves Lacoste dans la revue Hérodote en 2005 : Élisée Reclus nous a énormément apporté et depuis une vingtaine d’années notamment depuis la redécouverte de son œuvre, l’école géographique française, pour d’autres raisons a progressé. Il fut un homme du xixe siècle qui, comme bien d’autres hommes de haute culture, avait l’espérance d’un monde meilleur et ses convictions libertaires, et en vérité sa religiosité profonde, le rendaient à la fois plus lucide à moyen terme et plus utopique pour l’avenir. Nous vivons dans un monde qui a perdu ses illusions et où l’on raisonne en termes de dangers quant à l’avenir de la planète. C’est une raison majeure de nous interroger sur notre position à l’égard de l’œuvre d’Élisée Reclus .
Pour la naturaliste et historienne Valérie Chansigaud : le géographe Élisée Reclus, l’un des premiers à étudier la place de l’espèce humaine dans la nature après les révolutions industrielles, pose les bases de ce qui s’appellera plus tard l’écologie.
Selon Philippe Garnier dans Philosophie Magazine : Sa pensée mêle anarchisme et méfiance vis-à-vis du progrès, lequel s’accompagne selon lui nécessairement de régrès. Face aux idéologies saint-simonienne et positiviste qui fleurissent sous le Second Empire, il regrette la bruta­lité avec laquelle l’homme prend possession de la terre et prône la recherche d’un équilibre avec le milieu naturel. Reclus travaille à un moment où l’humanité bascule des campagnes vers les villes, où la planète est en voie de globalisation tout en présentant encore d’immenses différences de paysages et de cultures. Écologiste avant l’heure, il saisit dans une vision embrassant le social, l’économique, le psychologique, l’impact des migrations et des masses sur l’environnement. S’intéressant autant à l’Afrique centrale qu’aux volcans, à Bakounine qu’à l’union libre en passant par le régime végétarien, il a construit, avec ces classiques que sont devenus Histoire d’un ruisseau ou L’Homme et la Terre, l’une des dernières œuvres encyclopédiques.
Pierre Kropotkine, ami intime d’Élisée qu’il a rencontré pour la première fois en 1877, le défini : Type du vrai puritain dans sa manière de vivre et, au point de vue intellectuel, le type du philosophe encyclopédiste français du dix-huitième siècle.
Un fonctionnaire de police l’a jugé ainsi : M. Reclus est un homme fort instruit, laborieux et d’habitudes régulières, mais très rêveur, bizarre, obstiné dans ses idées et croyant à la réalisation de la fraternité universelle,rapport du 9 janvier 1874, Archives de la Préfecture de Police.

Å’uvres

Université du Québec à Chicoutimi : Bibliographie partielle.
Revue Itinéraire : Bibliographie.
RaForum : Écrits et ouvrages publiés.

Ouvrages de géographie

Guide du voyageur à Londres et aux environs, Guides Joanne, Hachette, Paris, 1860.
Fragment d'un voyage à la Nouvelle-Orléans, Le Tour du monde, 1860, éditions du Sextant, 2013, préface de Jean Morisset.
Voyage à la Sierra Nevada de Sainte Marthe. Paysages de la nature tropicale, Hachette, Paris, 1861.
Les Villes d’hiver de la Méditerranée et les Alpes maritimes, Guides Joanne, Hachette, Paris, 1864.
Introduction au Dictionnaire des Communes de France, en collaboration avec Élie Reclus, Hachette, Paris, 1864.
La Terre. Description des phénomènes de la vie du globe, Hachette, Paris, 1868.
Histoire d’un ruisseau, Paris, Hetzel, 1869, texte intégral ; Infolio éditions, 2010, notice éditeur.
Histoire d’une montagne, La Science illustrée, Paris 1875-1876 ; Paris, Hetzel, 1882 ; Actes Sud, 1999 ; Infolio éditions, 2011, notice éditeur.
Nouvelle Géographie universelle, la terre et les hommes, 19 volumes, Paris, Hachette, 1876-1894, BNF
Nouvelle géographie universelle. Tome 1., Hachette et Cie Paris, 1879
Nouvelle géographie universelle. Tome 2., Hachette et Cie Paris, 1881,
Projet de construction d’un globe terrestre à l’échelle du cent millième, Bruxelles, 1895-1896.
Renouveau d’une Cité, Bruxelles, 1896.
L’Afrique australe, avec Onésime Reclus, Hachette, Paris, 1901.
L'empire du milieu. Le climat, le sol, les races, les richesses de la Chine, avec Onésime Reclus, Hachette, Paris, 1902, .
L’Homme et la Terre, 6 volumes, Paris, Librairie universelle, 1905-1908, préface au tome 1.
Les volcans de la Terre, 1906-1909.
Les Arméniens, Magellan et cie, 2006, notice.

Ouvrages politiques

Évolution et révolution, Genève, 1880, texte intégral.
L’Évolution, la révolution et l’idéal anarchique, Paris, Stock, 1897, extraits de l'édition de 1898.
L’Évolution, la révolution et l’idéal anarchique nouvelle version de 1902, Paris, Stock, 1906,

Textes géographiques

De l’action humaine sur la géographie physique, Revue des deux mondes, 15 décembre 1864,
Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes, Revue des deux mondes, no 63, 15 mai 1866,
Atlas de la Colombie, bulletin de la Société de géographie, 1866,
L'enseignement de la geographie, Ciel et Terre, vol. 23, 1903, p. 29-38,

Textes politiques

Le développement de la liberté dans le monde, 1851 ; Paris, Le Libertaire, 28 août 1925.
De l'esclavage aux États-Unis, quatre articles pour la Revue des deux mondes, 1860-1863
Pourquoi sommes-nous anarchistes ?, 188960,
À mon frère le paysan, Groupe de propagande communiste anarchiste, Paris, Impr. Les temps nouveaux, 1899,
L'Anarchie et l'Église, Revue des deux Mondes, 190061 ; Les Temps nouveaux, 1900 ; La Brochure Mensuelle, no 6A, juin 1923, texte intégral ; Éditions du Chat Ivre, 2013, notice éditeur.
Une opinion sur Louise Michel, L’Insurgé, 19 janvier 1905
Quelques mots d'histoire, La Société Nouvelle, novembre 1894.

Textes sur les mœurs

Unions libres. Allocution du père à ses filles et à ses gendres du 14 octobre 1882, Paris, Chamerot, 1882, imprimé pour la famille à l'occasion du mariage de ses filles Magali et Jeannie
La question des vêtements et de la nudité, L'Homme et la Terre
La grande famille, Le Magazine International, janvier 1897, format doc.
Pages de sociologie préhistorique, L'Humanité Nouvelle, février 1898;

Biographie

Vie d'Élie Reclus, 1905

Préfaces

Michel Bakounine, Dieu et l'État, Genève, 1882.
Pierre Kropotkine, Paroles d'un révolté, Paris, 1895,
Pierre Kropotkine, La Conquête du pain,
Alexandra David-Néel, Pour la vie, Bruxelles, 1902.
Jean Grave, Patriotisme-Colonisation, Paris, 1903.
Max Nettlau, Michel Bakounine, Messine, 1903.

Correspondance

Correspondance, 3 volumes, Éditions Archives Karéline, 2010.
Tome I, 1855-1870, Librairie Schleicher frères, 1911,
Tome II, 1870-1888, Librairie Schleicher frères, 1914
Tome III, 1890-1905, Librairie Schleicher frères, 1915

Conférences

La Peine de mort, Genève, 1879, texte intégral.
L'Anarchie, Bruxelles, 1894, texte intégral ; Éditions du Sextant, Paris, 2006, 2011, préf. Hélène Sarrazin, postf. Isabelle Pivert.
Discours à la séance solennelle de rentrée du 22 octobre 1895 de l’Université Nouvelle de Bruxelles, Bruxelles, Imprimerie veuve Ferdinand Larcier, texte intégral.

Anthologie

Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes et autres textes, Éditions Premières Pierres, 2002
Nombreux articles dans des revues géographiques ou anarchistes
Bulletin de la Société de géographie Paris
Revue des deux Mondes Paris
Revue germanique Paris
Le Réveil Paris
Le Globe Paris
Le Travailleur Paris
Le Révolté Genève
The Anarchist Londres
Les Temps nouveaux Paris
The Contemporary Review Londres
Humanité Nouvelle Paris-Bruxelles
Ciel et Terre, bulletin de la Société belge d’astronomie Bruxelles
La Science illustrée Paris
Revue belge de géographie, Société royale belge de géographie, Bruxelles,

Bibliographie Ouvrages

Revue Hérodote, no 22, Élisée Reclus, géographe libertaire, 1981, texte intégral,63.
Revue Hérodote no 117, Élysée Reclus, 2005, texte intégral.
Hem Day, Élisée Reclus, savant et anarchiste, Paris Bruxelles, Cahiers Pensée et Action, 1956.
Hem Day, Deux frères de bonne volonté : Élisée Reclus et Han Ryner, Bruxelles, Pensée & Action, Amis de Han Ryner, 1956.
Paul Reclus, Les frères Élie et Élisée Reclus, ou du Protestantisme à l'Anarchisme, Paris, Les Amis d'Élisée Reclus, 1964, notice.
Hélène Sarrazin, Élisée Reclus ou la passion du monde, Éditions du Sextant, Paris, 2004, notice éditeur.
Roger Gonod, Élisée Reclus, Prophète de l'idéal anarchiste, Paris, Presses de Covedi, 1996.
Henriette Chardak, Élisée Reclus. L'homme qui aimait la Terre, Paris, Éditions Stock, 199764.
Henriette Chardak, Élisée Reclus : un encyclopédiste infernal !, L'Harmattan, 2006, notice éditeur.
Joël Cornuault, Élisée Reclus, géographe et poète, Éditions Fédérop, Église-Neuve d'Issac, 1995, 2014, notice éditeur.
Joël Cornuault, Élisée Reclus, étonnant géographe, Périgueux, Éditions Pierre Fanlac, 1999, 2003 notice.
Joël Cornuault, Élisée Reclus et les Fleurs Sauvages, Bergerac, Librairie La Brèche, 2005, notice.
Crestian Lamaison, Élisée Reclus, l'Orthézien qui écrivait la Terre, Orthez Cité du Livre, 2005, notice.
Ernesto Mächler Tobar, Un nom confisqué : Élisée Reclus et sa vision des Amériques, Paris, Éditions Indigo & Coté-Femmes, 2007, notice éditeur.
Federico Ferretti, Élisée Reclus, lettres de prison et d'exil, Lardy, A la frontière éditions, 2012, notice éditeur.
Florence Deprest, Élisée Reclus et la colonisation de l'Algérie, Saint-Denis, Éditions Bouchene, 2009, notice.
Philippe Pelletier, Élisée Reclus, géographie et anarchie, Éditions du Monde libertaire, 2009, notice éditeur.
Jean-Paul Bord, Raffaele Cattedra, Ronald Creagh, Jean-Marie Miossec, Georges Roques, Élisée Reclus - Paul Vidal de la Blache, le géographe, la cité et le monde, hier et aujourd'hui, Paris, L'Harmattan, 2009, notice éditeur.
John P. Clark, Lire Reclus aujourd’hui ?, texte intégral.
Marianne Enckell, Élisée Reclus, inventeur de l'anarchisme, texte intégral.
Jean-Didier Vincent, Élisée Reclus, géographe, anarchiste, écologiste, Robert Laffont, 2010, note critique & note critique, Prix Fémina de l'essai 201065.
Didier Jung, Élisée Reclus, collection Qui suis-je ?, Pardès, 2013.
Léo Campion, Le Drapeau noir, l'Équerre et le Compas, Bruxelles, Éditions Alternative libertaire, 1996, texte intégral.
Christophe Brun, Élisée Reclus. Les grands textes, Flammarion, 2014, notice, Philosophie Magazine.

Thèses


Béatrice Giblin, Élisée Reclus, géographe, Université Paris-VIII, 197166,67.
Federico Ferretti, L'Occident d'Élisée Reclus, Thèse de doctorat en Géographie sous la direction de Marie-Claire Robic et de Franco Farinelli, Paris 1, Università di Bologna, 2011, résumé.
Bertrand Guest, Écritures révolutionnaires de la nature au XIXème siècle. Géographie et liberté dans les essais sur le cosmos d'Alexander von Humboldt, Henry David Thoreau et Élisée Reclus, Thèse de doctorat en Litteratures française, francophones et comparée sous la direction de Jean-Paul Engélibert, Université Bordeaux Montaigne, 2013, résumé.

Revues

Collectif, Élisée Reclus, Chelles, Itinéraire no 14-15, 1998, sommaire68.
Marianne Enckell, Suisse. Un exil très actif, p. 60-6369.
Joël Cornuault, Les Cahiers Élisée Reclus, Bergerac, Librairie La Brèche, 56 numéros, 1996 - 2006, notice & notice.
L'Union plénière du civilisé avec le sauvage selon Reclus, s/d, texte intégral.


Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Posté le : 14/03/2015 22:16
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer



 Haut   Précédent   Suivant




[Recherche avancée]


Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
46 Personne(s) en ligne (27 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 46

Plus ...