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De Montpellier
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Le 26 avril 1798 naît Ferdinand-Victor-Eugène Delacroix
le 7 floreal an VI, à Charenton-Saint-Maurice Seine, mort, à 65 ans, le 13 août 1863 à Paris, peintre majeur du romantisme en peinture, mouvement arrivé en France au début du XIXe siècle. Il a pour maître Pierre-Narcisse Guérin. Il appartient au mouvement artistique Romantisme, Influencé par Géricault, Antoine-Jean Gros, Pierre Paul Rubens, Francisco de Goya. Ses Œuvres les plus réputées sont La Mort de Sardanapale; Femmes d'Alger dans leur appartement; Scène des massacres de Scio; La Liberté guidant le peuple
En bref
Delacroix naît dans un milieu parisien relativement aisé, cultivé et artistique. Il descend, par sa mère, de certains des ébénistes parisiens les plus célèbres du XVIIIe siècle Jean-François Œben notamment, et son père a eu une brillante carrière d'administrateur puis d'homme politique sous l'Ancien Régime et la Révolution, avant de terminer préfet de l'Empire. Mais l'un et l'autre sont morts avant son adolescence, et si Delacroix maintient toute sa vie des liens de famille assez étroits avec son frère et sa sœur aînés, plus âgés, ainsi que de nombreux cousins et neveux, il n'en reste pas moins, fondamentalement, ce qu'il a été très tôt, un solitaire, fidèle toutefois en amitié, comme d'ailleurs aux bonnes fortunes. L'homme, cultivé, musicien, curieux, imprégné des classiques, amateur de littérature contemporaine, était certainement très séduisant, et ceux qui l'ont approché ont vanté sa conversation, son esprit, son intelligence et sa hauteur de vues. Il avait tout pour briller dans le monde, mais ne s'y dispersa pas, retenu par des ennuis de santé précoces et une ardente volonté de travail qui est l'une des marques les plus affirmées de son caractère volontaire. De ses débuts dans le salon du peintre Gérard jusqu'aux réceptions de Napoléon III aux Tuileries, il sut cependant rester sociable et nouer des relations suivies dont il avait personnellement besoin (comme en témoigne par exemple son attachement à Chopin), mais qui servirent aussi sa carrière : il dut de partir pour le Maroc à l'actrice Mlle Mars, et à des arrangements de loges et d'alcôves. Les honneurs, sinon la reconnaissance unanime de la critique lui sont plutôt tardivement venus. Il les a acceptés non pour lui-même, mais pour l'idée, très haute, qu'il se faisait de la peinture, et de son œuvre, à laquelle il a consacré toute son existence. "Quand j'ai fait un beau tableau, je n'ai pas écrit une pensée. C'est ce qu'ils disent. Qu'ils sont simples ! Ils ôtent à la peinture tous ses avantages. L'écrivain dit presque tout pour être compris. Dans la peinture, il s'établit comme un pont mystérieux entre l'âme des personnages et celle du spectateur. Il voit des figures, de la nature extérieure ; mais il pense intérieurement, de la vraie pensée commune à tous les hommes. "Ces quelques phrases du Journal, écrites par Delacroix en 1822, sont révélatrices des malentendus qui l'ont toujours entouré. Attaqué de son vivant pour son style et la facture de ses œuvres, qui lui valurent ensuite d'être considéré comme un précurseur génial et comme un maître par des artistes aussi divers que Courbet, Degas, Cézanne, Signac ou Picasso, il déroute aujourd'hui par ce qui le rattache au camp classique, une peinture qui a toujours revendiqué et assumé la notion de sujet. C’est pourtant peut-être cette tension entre novation et tradition, constante chez lui mais qui n'est apparue clairement qu'avec le recul du temps ses contemporains retenant surtout ses audaces formelles, qui doit le faire ranger parmi les plus grands, comme l'a si bien exprimé Baudelaire dans l'article qu'il lui a consacré en 1863 : « La Flandre a Rubens ; l'Italie a Raphaël et Véronèse ; la France a Lebrun, David et Delacroix. Un esprit superficiel pourra être choqué, au premier aspect, par l'accouplement de ces noms qui représentent des qualités et des méthodes si différentes. Mais un œil spirituel plus attentif verra tout de suite qu'il y a entre tous une parenté commune, une espèce de fraternité ou de cousinage dérivant de leur amour du grand, du national, de l'immense et de l'universel. Toujours davantage replié sur lui-même, il jette dans la peinture les forces que lui laisse une laryngite tuberculeuse contractée vers 1835. Les compositions de la fin de sa vie sont souvent en diagonale, comme la Montée au calvaire Salon de 1859 ; certaines reprennent le thème favori de la femme victime et suppliante : Desdémone aux pieds de son père 1852, inspirée non par Shakespeare mais par l'opéra de Gioacchino Rossini, l'Enlèvement de Rébecca 1858, tableau après lequel il n'expose plus au Salon tant les critiques sont virulentes- sauf celle de Baudelaire, son génial défenseur. Le ton philosophique perceptible dans les grandes décorations est aussi manifeste dans un souci de représenter l'impuissance de l'homme face aux éléments. En 1840, Delacroix s'est inspiré du Don Juan de Byron pour son Naufrage de don Juan Louvre, isolé entre ciel et terre. À partir de 1853, il représente sept fois Jésus sur le lac de Génésareth, opposant au déchaînement des flots, qu'il aime tant observer à Valmont ou à Dieppe, et à l'affolement des disciples le sommeil apaisé du Sauveur. L'ambiance est plus élégiaque, la composition plus passante, les couleurs plus subtiles dans les dernières œuvres comme Ovide chez les Scythes 1862, sujet déjà traité au Palais-Bourbon. Ses forces déclinent, mais son imagination garde sa souveraineté ; peu avant sa mort, il confie à sa vieille servante, témoin de tant d'efforts, d'enthousiasmes, de désenchantements : "Si je guéris, je ferai des choses étonnantes." Bientôt, l'impressionnisme exploitera toutes les libertés en germe dans l'œuvre du maître, et Paul Cézanne pourra dire à propos des Femmes d'Alger :" Nous y sommes tous, dans ce Delacroix…".
Sa vie
Il naît au 2 rue de Paris1 actuelle 29, rue du Maréchal Leclerc à Charenton-Saint-Maurice aujourd'hui Saint-Maurice dans le Val de Marne, en proche banlieue parisienne. Sa maison natale, une grande demeure bourgeoise du xixe siècle, existe toujours. Inscrite à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, depuis 1973, elle a été transformée en bâtiment municipal en 1988 et abrite désormais la médiathèque de Saint-Maurice. Eugène Delacroix est le quatrième enfant de Victoire Œben 1758-1814 et de Charles-François Delacroix 1741-1805. Charles-François Delacroix, a débuté comme secrétaire de Turgot, Intendant de la généralité de Limoges qu'il a suivi à Paris. Député de la Marne le 3 septembre 1792, sous la Convention, il vote la mort du roi, comme le peintre David. Il devient tout d'abord ministre des Affaires extérieures, du 4 novembre 1795 au 18 juillet 1797, ensuite ministre en Hollande du 6 novembre 1797 à juin 17982. Rallié à l'Empire, il est nommé préfet de Marseille, le 2 mars 18002, puis trois ans plus tard, le 23 avril 1803 3 Floréal, An XI, préfet de la Gironde où il meurt le 4 novembre 1805 et où il repose, au cimetière de la Chartreuse. Sa mère, née en 1758, descend d'une famille d'ébénistes de renom les Œben. Le père de celle-ci, Jean-François Œben 1721-1763 est le célèbre ébéniste de Louis XV. Elle est également apparentée aux Riesener par le remariage de sa mère, en 17663, avec l'ébéniste Jean-Henri Riesener 1734-1806. De cette seconde union nait le 6 août 1767 Henri-François Riesener, peintre, demi-frère de Victoire et oncle d'Eugène Delacroix. Elle meurt le 3 septembre 18144, en le laissant dans un grand dénuement5. Le couple a quatre enfants : trois garçons et une fille. Charles-Henri Delacroix, l’aîné, naît le 9 janvier 1779 et fait une très belle carrière dans les armées impériales. Promu maréchal de camp honoraire en 1815, il est démobilisé avec le grade de général mais en qualité de demi-solde. Leur second enfant est une fille, Henriette. Elle naît le 4 janvier 1782 et meurt le 6 avril 1827. Elle a épousé le 1er décembre 1797, Raymond de Verninac-Saint-Maur 1762-1822, un diplomate dont elle a un fils, Charles de Verninac 1803-1834, futur neveu d'Eugène. C'est elle qui a recueilli son frère à la mort de leur mère en 1814. À la demande de son époux, David fait son portrait musée du Louvre, en 1799, dans un genre qu'il développe au cours des dernières années de la Révolution, c'est-à -dire le modèle assis, coupé aux genoux, sur fond uni. Son mari fait également sculpter par Joseph Chinard 1756-1813 son buste en Diane chasseresse préparant ses traits 1808, musée du Louvre. Son deuxième frère, Henri, né en 1784, est tué le 14 juin 1807, à la bataille de Friedland. Le règlement de la succession maternelle ruine la famille Delacroix. Ce désastre engloutit toute la fortune des enfants une propriété, achetée par la mère de l'artiste afin de couvrir une créance, doit être vendue à perte.
Controverse sur la paternité de Charles Delacroix
Selon certains auteurs, le géniteur d'Eugène Delacroix aurait été Talleyrand10. Cette opinion disputée se base en partie sur l'état de santé du père du peintre quelques mois avant sa naissance. Charles-François Delacroix, ministre des Affaires extérieures en 1795, remplacé par Talleyrand le 16 juillet 1797, souffrait depuis quatorze ans d'une volumineuse tumeur testiculaire. Le chirurgien militaire Ange-Bernard Imbert-Delonnes 1747-1818 publia en décembre 1797 une brochure à propos de l'ablation le 13 septembre 1797 de ce sarcocèle. Cette opération constituait une première médicale. Le bulletin, communiqué à l'Institut, indique que l'opération a réussi et que le citoyen Charles Delacroix fut complètement rétabli au bout de soixante jours. Eugène Delacroix nait sept mois après l'intervention. Cependant, pour A. Camelin, la tumeur de Charles Delacroix n'était pas nécessairement un obstacle à la procréation. S'il y a de sérieuses raisons de penser que Charles-François Delacroix n'a pas pu être son géniteur, celles qui font de l'artiste un fils naturel de Talleyrand sont moins solides. Caroline Jaubert évoque en 1880 cette rumeur dans la description d'une scène de salon qui aurait eu lieu vers 1840. Pour plusieurs historiens comme Raymond Escholier entre le masque du prince de Bénévent et celui de Delacroix il existe une étonnante ressemblance ... les traits de Delacroix ne rappellent ni ceux de son frère le général, ni ceux de sa sœur Henriette ...volà bien des chances pour qu'Eugène Delacroix ait été un de ces fils de l'amour, doués si souvent de dons prestigieux. Cependant Talleyrand était blond et pâle, alors que, décrivant leur ami Eugène Delacroix à la chevelure de jais, Baudelaire parle d'un teint de Péruvien et Théophile Gautier d'un air de maharadjah. Emmanuel de Waresquiel rappelle l'absence de sources sérieuses à cette paternité supposée et conclut : Tous ceux qui ont aimé à forcer le trait de leur personnage, ... se sont laissé tenter, sans se soucier du reste, ni surtout des sources ou plutôt de l'absence de sources. Une fois pour toutes, Talleyrand n'est pas le père d'Eugène Delacroix. On ne prête qu'aux riches… Talleyrand est en tous cas reconnu comme un proche de la famille Delacroix et l'un des protecteurs occultes de l'artiste. Il aurait facilité l'achat, pour une somme de 6 000 francs, des Massacres de Scio, présenté au Salon de 1824 et aujourd'hui au musée du Louvre, par le baron Gérard. Le petit-fils adultérin de Talleyrand, le duc de Morny, président du corps législatif et demi-frère utérin de Napoléon III, fit de Delacroix le peintre officiel du Second Empire, bien que l'empereur lui préférât Winterhalter et Meissonnier. L'ombre tutélaire de Talleyrand s'étend à travers Adolphe Thiers, dont il est le mentor. L'appui de Thiers semble avoir aidé Delacroix à obtenir plusieurs commandes importantes. Il obtient notamment la décoration du Salon du Roi, au Palais Bourbon, et une partie du décor de la Bibliothèque du Sénat, au Palais du Luxembourg. Cette protection n'établit cependant pas une paternité naturelle, et Maurice Sérullaz évite de se prononcer à ce sujet tandis que de nombreux autres refusent cette hypothèse, la frontière entre une ressemblance réelle et le phénomène de paréidolie étant ténue. Au-delà de l'intérêt de curiosité, les opinions sur cette controverse reflètent l'importance que les commentateurs veulent attribuer, soit au talent individuel et au caractère, soit aux relations sociales et familiales, soit même à l'hérédité, dans le succès de Delacroix.
Études et formation
À la mort de son père, Eugène n'a que 7 ans. La mère et le fils quittent alors Bordeaux pour Paris. En janvier 1806, ils habitent au 50 rue de Grenelle, dans l'appartement d'Henriette et de Raymond de Verninac. D'octobre 1806 à l'été 1815, Delacroix fréquente un établissement d'élite, le Lycée Impérial actuel lycée Louis-le-Grand où il reçoit une bonne instruction. Ses lectures sont classiques : Horace, Virgile, mais également Racine, Corneille et Voltaire. Il y apprend le grec et le latin. Les nombreux dessins et croquis griffonnés sur ses cahiers attestent déjà de ses dons artistiques. C'est au Lycée Impérial qu'il rencontre ses premiers confidents : Jean-Baptiste Pierret 1795-1854, Louis 1790-1865 et Félix 1796-1842 Guillemardet, et Achille Piron 1798-1865. Ils partagèrent sa vie de bohème et lui restèrent fidèles jusqu'à la fin de sa vie.
Éducation musicale
Il reçoit aussi une éducation musicale précoce, prenant des leçons avec un vieil organiste1, qui adorait Mozart. Ce maître de musique, qui a remarqué les talents de l’enfant, recommande à sa mère d’en faire un musicien. Mais, la mort de son père en 1805 met fin à cette possibilité. Cependant, toute sa vie, il continuera à participer à la vie musicale parisienne, recherchant la compagnie des compositeurs, des chanteurs et des instrumentistes : Paganini jouant du violon 1831, Collection Philipps de Washington. En 1815, son oncle, Henri-François Riesener, le fait entrer dans l'atelier de Pierre-Narcisse Guérin où il a pour condisciples Paul Huet, Léon Cogniet, Ary et Henry Scheffer, et Charles-Henri de Callande de Champmartin. C'est également dans son atelier qu'il fait la connaissance de Théodore Géricault, de sept ans son aîné, qui eut une influence capitale sur son art. Guérin leur enseigne les principes de la représentation néo-classique de l'ancienne école : primauté du dessin sur la couleur, retour à l'Antique, beauté des statues chères à l'Allemand Winckelmann, auteur de l'Histoire de l'art de l'Antiquité 1764. Toutefois, ce maître n'est pas totalement fermé aux idées nouvelles. Son enseignement est à la fois classique et libéral. En mars 1816, Delacroix entre aux Beaux-Arts également chez Guérin où l'enseignement est moins onéreux qu'en atelier privé. Il y poursuit son apprentissage en privilégiant le dessin et la copie des maîtres. Grâce à sa carte de travail qu'il acquiert le 13 juillet 1816, pour le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale, il copiera pendant plusieurs années, des manuscrits d'après des recueils de costumes du Moyen Âge. Ses résultats aux concours et aux examens de l'École des beaux-arts ne lui laissent pas espérer un séjour romain. En 1820, il tente le Prix de Rome où il échoue à la première partie. Parallèlement, il trouve des petits travaux dessin industriel, décoration d'appartements, costumes de théâtre, la faible rente de l'héritage ne suffisant pas à subvenir à ses besoins.
Le peintre romantique
La vocation artistique de Delacroix s'est manifestée assez tôt, dès ses années de collège, peut-être cristallisée par l'exceptionnel rassemblement d'œuvres d'art visibles alors au Louvre. Il entra dans l'atelier de Pierre-Narcisse Guérin en 1816, et les deux ou trois années de formation qui suivirent ont sans aucun doute été déterminantes. Son apprentissage a été celui d'un peintre classique. Il a exécuté nombre d'académies, dessiné et copié d'après l'estampe ou l'original, comme l'avait fait avant lui Géricault. C'est aussi chez Guérin qu'il a appris à maîtriser une technique picturale sans cesse reprise, perfectionnée et même théorisée, le mélange des pigments, l'usage des liants et des siccatifs, bref le métier de peintre qui ne lui fera jamais défaut, au contraire de tant d'artistes romantiques qui ruineront leurs toiles par un usage excessif du bitume ou un mauvais emploi des couleurs et des vernis. Seule la peinture murale lui occasionnera des problèmes sur ce point, bien plus d'ailleurs par la disposition interne des édifices qu'il aura à décorer que par méconnaissance pratique des contraintes de la peinture à la cire ou de la fresque. Il apprend également l'aquarelle, fait ses premiers essais de gravure et de lithographie, tout en se liant à un milieu artistique jeune et ouvert, où se détachent deux personnalités : Géricault, son ancien dans l'atelier de Guérin, qu'il considère très vite comme un modèle, et Bonington, qu'il rencontre au Louvre, avec lequel il travaille, séjourne à Londres et en Grande-Bretagne en 1825, renforçant grâce à d'autres camarades, les frères Fielding, sa connaissance de l'art et de la littérature d'outre-Manche, qui lui fournira tant de sujets. Trois tableaux, exécutés, sans avoir été autrement commandés, uniquement en vue du Salon, vont rapidement imposer le nom de Delacroix au public et à la critique. La Barque de Dante 1822, Scènes des massacres de Scio 1824, La Mort de Sardanapale 1827-1828, par leur sujet, par leur format, par l'ambition artistique qu'ils manifestent, par les polémiques qu'ils déclenchent font de lui, en moins de six ans, un des artistes français les plus en vue, mais pas des moins controversés. Le premier envoi avait été remarqué, sans plus, et immédiatement acheté par les Musées royaux. Le deuxième, exposé en même temps que Le Vœu de Louis XIII d'Ingres, avait frappé les imaginations par son côté dramatique et morbide, la franchise de l'exécution qui rappelait aussi bien les Vénitiens que les peintres britanniques contemporains, et la portée politique du sujet, évidente en plein mouvement philhellène. Mais la composition en restait somme toute relativement classique et maîtrisée, et l'on pouvait y distinguer l'influence manifeste de Gros. Le scandale survint avec Sardanapale, lointainement inspiré de Byron. Le mouvement romantique s'étendait dans les arts graphiques en ce moment précis, comme il l'avait fait précédemment dans le domaine littéraire, en s'opposant délibérément à tous les canons du beau idéal prôné par les tenants de l'esthétique néo-classique. Delacroix, par la violence du sujet dramatique et morbide qu'il avait en partie inventé, par la liberté qu'il avait prise dans son exécution, tant du point de vue de la composition que dans l'usage de la couleur, parut pousser jusqu'à l'outrance les caractères de la nouvelle école. Alors même que celle-ci s'imposait définitivement, avec des artistes plus sages comme Horace Vernet, Paul Delaroche ou Eugène Devéria, son tableau, objet de toutes les attaques, ne fut pratiquement pas défendu. Le peintre reçut une admonestation de l'administration des Beaux-Arts Sardanapale ne devait entrer au Louvre, par achat, qu'en 1921, sans pourtant être exclu des commandes officielles ou prestigieuses : La Bataille de Poitiers 1829 pour la duchesse de Berry, Le Cardinal de Richelieu disant sa messe 1828 pour la galerie du Palais-Royal rassemblée par Louis-Philippe et La Mort de Charles le Téméraire ou Bataille de Nancy, mort du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, 1831, esquisse peinte en 1828, sujets révélateurs du goût ambiant pour le Moyen Âge et le XVIIe siècle, et dont Delacroix est tout aussi friand comme de ceux qui sont tirés de Walter Scott, de Byron, de Shakespeare ou de Goethe il exécute une suite de lithographies sur Faust entre 1825 et 1828 et sur Hamlet entre 1836 et 1843. Cette fin de la Restauration est en fait sa véritable période romantique, celle où il va le plus loin dans la rupture avec les principes classiques, et où il se rapproche le plus de certains de ses contemporains, tant par les thèmes qu'il traite que par la facture de ses tableaux. C'est dans cette perspective qu'il faut replacer l'influence très perceptible d'artistes britanniques comme Lawrence ou surtout Bonington, sensible parfois à tel point que l'attribution de certains tableaux a oscillé entre les deux amis. Delacroix, toutefois, n'a jamais, même à ce moment, totalement renié l'héritage classique. Il revendique simplement une autre filiation que celle, communément reconnue de son temps, qui va de Raphaël aux peintres italiens du Seicento, puis de Poussin à David, artistes pour lesquels il éprouvait d'ailleurs une vive admiration. Mais ses vrais maîtres spirituels, ses modèles, demeurent les coloristes Titien, Véronèse, Rubens. Encore faut-il souligner que le dessin reste pour lui essentiel, comme en témoignent d'innombrables et souvent admirables feuilles, qui révèlent, au-delà de l'aspect strictement utilitaire, une pratique assidue, presque une ascèse. En revanche, il ne lui soumet pas totalement la composition, comme a pu le faire Ingres, dont le systématisme en la matière lui était insupportable. Il est enfin pour lui un autre point capital dans la mise en œuvre d'un tableau, le sujet. Son Journal est ainsi parsemé d'indications mises en réserve, au fil de la plume, où l'Antiquité et la mythologie se mélangent à la littérature classique ou contemporaine, et la religion à l'histoire. Le 28 Juillet, ou la Liberté guidant le peuple sur les barricades, une allégorie de faits contemporains à la composition dynamique mais équilibrée, probablement l'une de ses toiles les plus populaires reprise, en France, dans les timbres et les coupures bancaires exposée au Salon de 1831, synthétise bien ces diverses tendances. Aussi son côté subversif réside-t-il moins dans les aspects formels bien qu'on lui ait reproché son réalisme et l'absence d'idéalisation dans la figure de la Liberté que dans la portée politique jugée trop radicale : si le tableau fut acheté par l'État, il n'apparut jusqu'à la IIIe République que par intermittences sur les cimaises du musée du Luxembourg, puis du Louvre.
L’apprentissage de l’aquarelle et le voyage en Angleterre
C'est en 1816 que Delacroix rencontre Charles-Raymond Soulier, aquarelliste amateur anglophile, revenu d'Angleterre et influencé par les artistes anglais, notamment Copley Fielding 1787-1855 dont il est un ancien élève. Grâce à cet ami et à Richard Parkes Bonington, Delacroix se familiarise avec l'art de l’aquarelle, qui le libère ainsi du carcan académique enseigné aux Beaux-Arts. Pour les Britanniques, l’aquarelle n’est pas qu’une peinture à l’eau. Ils l’associent aussi à la gouache et à divers procédés, tel l’emploi des gommes, de vernis et de grattages. Charles Soulier lui enseigne également les rudiments de la langue anglaise Du 24 avril à la fin août 1825, il effectue un voyage en Angleterre où il découvre le théâtre de Shakespeare, en assistant aux représentations de Richard III, Henri IV, Othello, Le Marchand de Venise et La Tempête avant qu'une troupe anglaise se déplace à Paris, deux ans plus tard le 9 septembre 1827. Il assiste également à une adaptation audacieuse du Faust 1773-1790 de Goethe 1749-1832. Pour Delacroix, la littérature et le théâtre seront une source importante d'inspiration, tout au long de sa carrière : Hamlet et Horatio au cimetière 1835, Francfort et Hamlet et les deux fossoyeurs 1859, musée du Louvre. Ces nouveaux sujets se mêleront jusqu’à sa mort aux thèmes orientaux, historiques ou religieux. À partir de ce voyage, la technique de l'aquarelle acquiert une importance dans son œuvre. Elle lui sera d'une grande aide lors de son voyage en Afrique du Nord, pour pouvoir en restituer toutes les couleurs.
Les débuts de la carrière de Delacroix Ses débuts en peinture 1819-1821
En 1819, Delacroix aborde pour la première fois la décoration avec la salle à manger de l’hôtel particulier de M. Lottin de Saint-Germain, situé dans l’île de la Cité. Les dessus de porte, qu’il exécute dans le style pompéien, seront terminés avant mars 1820. De cet ensemble, aujourd’hui disparu, il ne reste que les dessins et projets, personnages, scènes allégoriques ou mythologiques, déposés au musée du Louvre. Il exécute également le décor de la salle à manger de l'hôtel particulier que le tragédien Talma se faisait construire, au 9 rue de la Tour-des-Dames, à Montmartre. Cette décoration lui a été confiée en 1821 et a pour sujet : les quatre saisons en dessus de porte, dans le style gréco-romain dont l'inspiration vient des fresques d'Herculanum, comme précédemment pour celles de M. Lottin. Le Louvre a en sa possession un certain nombre de dessins préparatoires et de projets, le reste étant conservé dans une collection particulière à Paris. Ses premiers tableaux de chevaux sont deux retables religieux41,5, inspirés des peintres de Renaissance : La Vierge des moissons 1819, Église St Eutrope d'Orcemont, près de Rambouillet, influencé par les Madones florentines41 de Raphaël 1483-1520, notamment La Belle jardinière 1507-1508, musée du Louvre. La Vierge du Sacré-Cœur 1821, Cathédrale d'Ajaccio, rappelle Michel-Ange 1475-1564, par l’aspect massif et statique de la figure de la Vierge. Ce retable a été commandé, à l’origine, à Géricault, par le ministère de l'Intérieur, pour la cathédrale Saint-Pierre de Nantes. Peu intéressé par le sujet, celui-ci le sous-traite à Delacroix, qui avait des besoins pressants d’argent. La substitution ne sera révélée qu’en 1842, par Batissier, dans un article publié dans La Revue du XIXe siècle. La révélation d’un talent 1822-1824
La Barque de Dante ou Dante et Virgile aux Enfers
En 1822, Delacroix, désireux de se faire un nom dans la peinture et de trouver une issue à ses difficultés financières, se présente pour la première fois au Salon officiel, avec La Barque de Dante ou Dante et Virgile aux Enfers que l’État achète pour 2 000 francs au lieu des 2 400 francs demandés par le peintre. Les réactions de la critique sont vives, voire virulentes, comme celles d'Étienne-Jean Delécluze, défenseur de l'école davidienne, qui parle d’une vraie tartouillade, dans le Moniteur du 18 mai. Cependant, Adolphe Thiers, jeune journaliste, écrit dans le Constitutionnel du 11 mai, un article élogieux qui parle de l’avenir d’un grand peintre. Quant à Antoine-Jean Gros, qui admire La Barque de Dante, il qualifie le peintre de Rubens châtié. Ayant défini son sujet très tardivement à la mi-janvier, Delacroix doit travailler dans l'urgence afin d’être prêt pour exposer au Salon Officiel, dont l'inauguration est le 24 avril. Pour cela, il utilise des vernis qui, en permettant un séchage plus rapide des couleurs, compromettent la conservation de sa toile. Les couches sombres sous-jacentes en séchant plus vite que les couches claires en surface provoquent d’énormes craquelures et gerçures. Très attaché à ce tableau, il finit par obtenir, en février 1860, l'autorisation de le restaurer lui-même46. En agissant ainsi, il veut prouver qu’il est un vrai peintre, en montrant qu’il maîtrise les différentes parties de son art : le nu, le drapé, l’expression. Le thème, tiré du chant VIII de l'Enfer de Dante, est inédit pour l’époque. La connaissance superficielle, que ses contemporains ont de l’œuvre de Dante, font qu’ils illustrent toujours les mêmes épisodes : l’histoire d’Ugolin Enfer, chant XXXIII, Paolo et Francesca Enfer, chant V, et La Barque de Charon Enfer, chant III. La nouveauté de Delacroix s’exprime donc par le choix du sujet et par le format utilisé, pour cette peinture à sujet littéraire. Jusqu’à présent, ce format était réservé pour des peintures à sujets religieux ou mythologiques. Pour ce tableau, les influences sont multiples. Il faut d'abord noter celle du Radeau de la Méduse 1819, musée du Louvre de Géricault : une vue de gros plan, une embarcation, des flots déchaînés. Si la critique signale des ressemblances entre La Barque de Dante et l'œuvre de Géricault, c'est pour mieux en diminuer l'importance. Ensuite, c'est l'emprise de Michel-Ange 1475-1564 qui apparaît avec les musculatures imposantes des damnés rappelant l'un des Deux Esclaves du Louvre et de la femme dérivée d'un prototype masculin. Celle de l’Antique vient après : la figure de Phlégyas, le nocher, chargé de conduire Dante et Virgile jusqu’à la ville infernale de Dité, renvoie au Torse du Belvédère IVe av. J.-C., Musée Pio-Clementino à Rome. Et pour finir, il faut également parler de l'influence de Rubens, avec les naïades du Débarquement de Marie de Médicis à Marseille 1610, musée du Louvre, dont il s'inspire pour la coloration, par petites touches de couleurs pures juxtaposées, des gouttes d’eau sur les corps de damnés. D'ailleurs, il en a fait une esquisse : Torse d'une sirène, d'après le Débarquement de Marie de Médicis Kunstmuseum de Bâle. C'est sous l'influence de Géricault et les encouragements de Gros que dans les années 1820, Delacroix s'intéresse aux chevaux et multiplie les études d'après nature. À la date du 15 avril 1820, il note dans son journal : Il faut absolument se mettre à faire des chevaux. Aller dans une écurie tous les matins ; se coucher de très bonne heure et se lever de même. Pour cela, il s'établit un véritable programme d'étude comprenant des visites dans les écuries ou au manège. La constitution de cette encyclopédie lui servira pour ses futurs tableaux. Théodore Géricault, dont Delacroix fait la connaissance dans l'atelier de Guérin a eu une influence importante, particulièrement au début de sa carrière. Il lui emprunte sa manière de peindre : de forts contrastes d’ombres et de lumières donnant du relief et du volume aux modèles. Il utilise également certaines de ses couleurs : des vermillons, des bleus de Prusse, des bruns, des blancs colorés. L’un des sommets de sa première manière est : L’Assassinat de l’évêque de Liège 1831, Louvre. L’Officier turc, enlevant sur son cheval l’esclave grec Les Massacres de Scio 1824, musée du Louvre est notamment inspiré de L’Officier de chasseur à cheval 1812, musée du Louvre de Géricault. Quand celui-ci meurt le 26 janvier 1824, Delacroix devient malgré lui le chef de file du Romantisme.
Les Scènes des Massacres de Scio
Les Massacres de Scio, que Delacroix présente en 1824 au Salon Officiel, obtient la médaille de seconde classe. Il est acheté 6 000 francs, par l’État, pour être exposé ensuite au musée du Luxembourg. La toile s’inspire d’un fait d’actualité : le massacre de la population de l’Île de Chio par les Turcs, survenu en avril 1822. Dès cette date, Delacroix a l’idée de peindre un tableau sur ce thème qu’il abandonne au profit de La Barque de Dante. Les costumes orientaux que Jules-Robert Auguste 1789-1850 dit M. Auguste, lui prête pour l’élaboration de son tableau, proviennent de la collection qu’il ramena de ses voyages, en Orient. Delacroix put également effectuer des recherches iconographiques à La Bibliothèque Nationale. Un carnet, conservé aux Départements des Arts graphiques du musée du Louvre et utilisé vers 1820-1825, mentionne la consultation d’un ouvrage de Claude-Étienne Savary 1750-1788, Lettres sur la Grèce, édité en 1788 ainsi que des croquis effectués d’après le livre de Rosset, Mœurs et coutumes turques et orientales dessinés dans le pays, en 1790. M. Auguste, ancien sculpteur devenu aquarelliste et pastelliste, a rapporté de ses voyages en Grèce, Égypte, Asie Mineure et Maroc61 de remarquables études et toute une série d’objets : étoffes, costumes, armes et bibelots divers. Il est considéré comme l’initiateur de l’Orientalisme, en France. Son influence sur Delacroix et son art est très forte, surtout entre 1824 et 1832, date de son voyage en Afrique du Nord. C’est avec des œuvres, comme Les Massacres de Scio et le La Grèce sur les ruines de Missolonghi 1826, musée des Beaux-Arts de Bordeaux, toutes les deux tirés d'évènements contemporains, que Delacroix participa au mouvement philhellène. Tout d’abord, ce sont les poètes, qui se sont enflammés les premiers, pour la cause grecque : Casimir Delavigne 1793-1843 et ses Douze Messéniennes 1818-1842, Byron, Népomucène Lemercier 1771-1840 et ses Chants héroïques des montagnards et matelots grecs, de 1824 et sa Suite des chants héroïques et populaires, de 1825, Victor Hugo 1802-1885 et ses Orientales. Son tableau fut durement accueilli par les critiques, par la majorité des artistes et par le public. Bien que Gros ait apprécié La Barque de Dante, il jugea Les Massacres de Scio, avec sévérité, en affirmant qu’il s’agissait du Massacre de la peinture !. Certains critiques, tout en signalant l’influence des Pestiférés de Jaffa de Gros, écrivirent qu’il avait Mal lavé la palette de Gros. Cependant, Delacroix eut aussi des défenseurs. Dans Le Constitutionnel, Thiers écrivit : M. Delacroix … a prouvé un grand talent, et il a levé des doutes en faisant succéder le tableau des Grecs à celui de Dante. Ce tableau le place comme porte-drapeau des romantiques, ce qu'il déplore, ne voulant être affilié à aucune école. En fait, ce que ses détracteurs lui reprochent, c’est sa manière de peindre, sa négligence vis-à -vis du dessin, d’où l’emploi du mot tartouillade par Delécluze en 1822 et les remontrances d’Anne-Louis Girodet sur ce sujet. En effet, c’est à dessein que Delécluze emploie ce mot, car selon Le Littré, il signifie : En langage d’atelier, peinture d’une exécution très lâchée, et dans laquelle la composition et le dessin sont complètement sacrifiés à la couleur. Cependant, Delacroix n’a pas eu que des détracteurs. Tout au long de sa carrière, il a pu bénéficier du soutien indéfectible de Thiers qui lui apporta son appui, de Théophile Gautier 1811-1872 et de Charles Baudelaire 1821-1867 qui lui consacra un poème64, Les Phares VI, Les Fleurs du mal et un de ses salons, celui de 1846 IV, Mes Salons. Le peintre présente également trois autres tableaux au Salon : Tête de vieille femme musée des Beaux-Arts d’Orléans et Jeune orpheline au cimetière musée du Louvre et hors catalogue, Le Tasse dans la maison des fous collection particulière. Entre 1823 et 1825, il peint plusieurs tableaux de Grecs en costume de palikares soldats grecs combattant les Turcs pendant la Guerre d’indépendance et des Turcs, dont certains ont pu être utilisés pour Les Massacres de Scio. Lors du Salon Officiel, Delacroix eut l’occasion de voir des peintures de John Constable que son marchand Arrowssmith présentait, notamment La Charrette à foin 1821, National Gallery de Londres, récompensée par la médaille d’or. Une anecdote veut qu’après avoir vu cette toile, il décida de refaire le ciel des Massacres de Scio, après en avoir demandé la permission au comte de Forbin 1777-1841, directeur des musées.
La période de maturité Les années romantiques 1825-1831
Durant son voyage en Angleterre, qui s’est déroulé de mai à août 1825, Delacroix a visité Hampstead et l’Abbaye de Westminster, dont il s’est inspiré pour l’Assassinat de l’évêque de Liège 1831, musée du Louvre. Il a rencontré Sir David Wilkie 1785-1841, peintre d’histoire, de genre et de portrait ainsi que Thomas Lawrence 1769-1830, qu’il a pu voir dans son atelier. Il a été très influencé par son style et ses portraits qu'il admirait beaucoup. Il s'est inspiré du portrait de David Lyon vers 1825, Musée Thyssen-Bornemisza de Lawrence, pour celui du baron de Schwiter 1826-1830, National Gallery de Londres. C'est dans les années 1820 que Delacroix, de sept ans son aîné, croise pour la première fois, chez son ami Jean-Baptiste Pierret, Louis-Auguste Schwiter 1805-1889. Ils furent des amis très proches et tous les deux, de grands admirateurs du portraitiste anglais. Il rend également visite au Dr Samuel Rush Merrick, un antiquaire très réputé68 pour sa très belle collection d’armes et d'armures, dont il fait des études, en compagnie de Richard Parkes Bonington qu’il avait revu à Londres. Les deux hommes partageaient les mêmes goûts pour le Moyen Âge, d'où les études communes qu'ils firent ensemble : plusieurs feuilles leur ayant été successivement imputées l'un à l'autre. C’est à partir de 1826 que Delacroix fréquente Victor Hugo et son cénacle. Dans un premier temps, un premier groupe se constitue autour de deux représentants de la littérature officielle : Charles Nodier et Alexandre Soumet 1788-1845. Ce premier cénacle se réunit tout d’abord dans l'appartement de Nodier, rue de Provence puis à l’Arsenal où il avait été promu bibliothécaire. Leur intérêt commun pour le Moyen Âge donnera naissance au style troubadour : Ingres et Delacroix ont l'un et l'autre réalisés des peintures de petit format dans ce style. En parallèle et dès 1823, les amis de Hugo se groupent autour du poète, formant une sorte d'école. De plus en plus nombreux, ce second groupe forme à partir de 1828 et en 1829 le second cénacle : Hugo devenant le chef de file du mouvement romantique. Les membres du premier cénacle se rallieront à eux. C'est en 1830 que les rapports entre Delacroix et Hugo se détériorent : le poète lui reprochant son manque d’engagement vis-à -vis de la cause romantique.
Eugène Delacroix, La Grèce sur les ruines de Missolonghi, 1826, musée des Beaux-Arts de Bordeaux.
Le 25 avril 1826, Missolonghi, bastion de la résistance grecque, est prise par les Turcs. Une exposition est organisée le 24 mai, à la Galerie Lebrun, 4 rue du Gros-Chenet afin de récolter des fonds pour soutenir leur cause. Delacroix y présente d'abord Le Doge Marino Faliero Wallace collection de Londres, Don Juan et Un officier tué dans les montagnes, qu'il remplace en juin, par Le Combat du Giaour et d'Hassan et en août, par La Grèce sur les ruines de Missolonghi musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Il s’agit pour le peintre d’alerter l’opinion publique alors que le gouvernement français prône la neutralité. Pour cette allégorie de La Grèce, il s’inspire des Victoires Antiques et de la figure mariale avec son manteau bleu et sa tunique blanche. Ce tableau rappelle la mort de Byron, le 19 avril 1824 à Missolonghi, et le courage et la témérité de Marcos Botzaris 1788-1823, qui a lui-aussi été tué à Missolonghi. Hormis Victor Hugo, les critiques étaient déroutés par cette interprétation du sujet qui les laissait perplexes.
Eugène Delacroix, La Mort de Sardanapale détails 1827-1828, Louvre.
Au Salon officiel de 1827-1828, Delacroix expose plusieurs œuvres, dont La Mort de Sardanapale musée du Louvre, unanimement rejeté par les critiques. Pourtant, par ses références à l’art du passé, par la multiplicité de ses sources d’inspiration et par le choix de son thème dans l’Orient ancien, Delacroix n’a nullement voulu choquer ses pairs, mais plutôt les convaincre de son génie. Mais, les injures fusent de partout. Dans Le Quotidien, il est question d’un ouvrage bizarre 24 avril. Pour La Gazette de France, c’est le plus mauvais tableau du Salon 22 mars. Quant à Étienne-Jean Delécluze, il en rajoute en affirmant, dans Le Journal des débats, qu’il s’agit d’une erreur de peintre 21 mars. Le déchaînement suscité par la présentation de son tableau gêne ses amis, qui n’interviennent pas pour le défendre. Victor Hugo, en effet, ne prend pas publiquement son parti. C’est seulement dans une lettre du 3 avril 1828, adressé à Victor Pavis, qu’il manifeste son enthousiasme pour La Mort de Sardanapale, en écrivant : Ne croyez pas que Delacroix ait failli. Son Sardanapale est une chose magnifique et si gigantesque qu’elle échappe aux petites vues …. Le peintre est également victime des bons mots des humoristes, qu’il n’apprécie pas, malgré son goût pour les calembours. Le surintendant des Beaux-Arts, Sosthène de La Rochefoucauld 1785-1864 l’invite même à changer de manière. Ce qu’il refuse catégoriquement. La violence de ces attaques va précipiter sa brouille avec le mouvement romantique et cette fois-ci le tableau n’est pas acheté. Il écrit qu'on l’éloigne pendant cinq ans des commandes publiques, mais il n'en est rien, dès l'année suivante il en obtient des nouvelles. Comme autre participant au Salon, il faut également citer Ingres, avec L'Apothéose d'Homère musée du Louvre. Celui-ci avait déjà exposé, au Salon de 1824, Le Vœu de Louis XIII Cathédrale de Montauban. Jean-Auguste-Dominique Ingres, représentant du peintre néoclassique par excellence, sera le grand rival de Delacroix, pendant toute sa vie. À travers ces deux artistes, c’est deux conceptions de la peinture diamétralement opposées qui s’affrontent : le disegno dessin et le colorito couleur. Avec L'Apothéose d'Homère musée du Louvre d’Ingres et La Mort de Sardanapale musée du Louvre de Delacroix, les deux artistes affirment leurs doctrines. La fameuse querelle du coloris des années 1670, qui opposa jadis les Rubénistes et les Poussinistes, partisans de la couleur et de la ligne, était toujours vivace au XIXe siècle.
Eugène Delacroix, La Nature morte aux Homards 1826-1827, Louvre
Après cet échec cuisant, Delacroix va conserver son tableau, dans son atelier jusqu’en 1844, date à laquelle il se décide de le mettre en vente. En 1845, il trouve un acquéreur en la personne d’un collectionneur américain, John Wilson, pour une somme de 6 000 francs. Le Salon de 1827-1828 est avec l’Exposition Universelle de 1855, la manifestation la plus importante pour Delacroix, par le nombre de toiles présentées. En deux envois, il expose tout d’abord : Le Portrait du comte Palatiano en costume souliote 1827-1828, Cleveland Museum of Art, Le Christ au jardin des Oliviers 1824-1827, Église Saint-Paul-Saint-Louis Le Doge Marino Faliero Wallace collection de Londres Deux chevaux de ferme anglais 1825, Brame et Lorenceau Jeune turc caressant son cheval, Un pâtre de la campagne de Rome, blessé mortellement, Tête d’une indienne, Scène de la guerre actuelle des Turcs et des Grecs, Nature morte aux homards 1826-1827, musée du Louvre L’Empereur Justinien composant ses lois tableau aujourd’hui détruit Puis ce sera :
Le Docteur Faust dans son cabinet, Milton et ses filles.
En 1828, Charles Motte, éditeur rue des Marais, publie Faust, la tragédie de Goethe 1749-1832 : celle-ci a été traduite par Philippe Albert Stapfer 1766-1840 et illustrée d’une suite de 17 lithographies 1827-1828, par Delacroix. De Weimar, dans une lettre adressée à son ami Johann Peter Eckermann 1792-1854, Goethe est enthousiasmé par le travail du peintre et estime qu’il a bien su retraduire les scènes qu’il avait imaginées. Eugène Delacroix, Quentin Durward et le Balafré, vers 1828-1829, musée des Beaux-Arts de Caen C’est après la visite de Charles X à Nancy que Delacroix reçoit, le 28 août 1828, une commande du ministre de l’Intérieur. Il s’agit de La Mort de Charles le hardi ou Le Téméraire, plus couramment appelé La Bataille de Nancy musée des Beaux-Arts de Nancy, que le roi veut offrir à la ville de Nancy et qui ne sera terminé qu’en 1831, et ne sera exposé au Salon qu’en 1834. Sa disgrâce n’a donc pas duré longtemps. Grâce à la protection de la famille royale, Delacroix reçoit en décembre 1828 ou en janvier 1829, la commande de deux peintures pour la duchesse de Berry 1798-1870, veuve de l’héritier du trône légitimiste : Quentin Durward et le Balafré vers 1828-1829, musée des Beaux-Arts de Caen et La Bataille de Poitiers, dit aussi Le Roi Jean à la bataille de Poitiers musée du Louvre, qui ne seront achevés qu’en 1830.
Eugène Delacroix, L’Assassinat de l’évêque de Liège, 1830, Louvre
À la demande du duc Louis-Philippe d'Orléans 1775-1850, Delacroix peint un tableau de grande dimension 420 × 300 cm pour sa galerie historique, au Palais Royal. Il s’agit de Richelieu disant sa messe 1828 ou Le Cardinal de Richelieu dans sa chapelle au Palais-Royal, détruit durant La Révolution de 1848 et dont il ne reste qu’une lithographie de Ligny figurant dans l’Histoire du Palais Royal par Jean Vatout 1830 En janvier, il le sollicite de nouveau pour un autre tableau inspiré de Walter Scott 1771-1832, l’Assassinat de l’évêque de Liège musée du Louvre, tout d’abord présenté à la Royal Academy en 1830, ensuite au Salon officiel de 1831 et enfin à l’Exposition Universelle de 1855 à Paris et à celle de Londres en 1862. Une anecdote circule au sujet de ce tableau, concernant une nappe blanche, point capital de cette scène, que Delacroix avait du mal à peindre. En dessinant un soir chez son ami Frédéric Villot 1809-1875, le peintre se serait fixé un ultimatum, en déclarant : Demain j’attaque cette maudite nappe qui sera pour moi Austerlitz ou Waterloo. Et ce fut Austerlitz. Pour la charpente de la voûte, il s’était inspiré de croquis faits au Palais de justice de Rouen et du vieux hall de Westminster qu’il avait visité durant son séjour à Londres. C’est à partir de 1830 que Delacroix commence à écrire, comme critique d’art, cinq articles pour La Revue de Paris, fondée en 1829 par le docteur Véron 1798-1867. Le premier de ses articles, consacré à Raphaël 1483-1520, paraît en mai et le deuxième, sur Michel-Ange 1475-1564, en juillet. Dans ces deux articles, il y exprime son admiration pour ces deux artistes, qui ont eu une grande influence sur son œuvre. Ce qui lui permet également d’y exposer ses propres convictions esthétiques. Les journées du 27, 28 et 29 juillet 1830 ont lieu les évènements, qui devaient précipiter la chute de Charles X 1757-1836 et propulser au pouvoir, Louis-Philippe 1773-1850. Sur les trois concours organisés le 30 septembre, par le nouveau gouvernement, pour la décoration de la Salle des séances, dans la nouvelle Chambre des Députés, au Palais Bourbon, le peintre se présente aux deux derniers. Les sujets proposés sont :
Le Serment de Louis-Philippe Ier à la chambre des Députés en août 1830,
La Protestation de Mirabeau 1749-1791 contre le congé signifié par Louis XVI aux États généraux par la bouche du marquis de Dreux-Brézé 1766-1829, Boissy d’Anglas 1726-1826 tenant tête à l’émeute. Delacroix se voit préférer Nicolas-Auguste Hesse 1795-1869, élève de Gros 1771-1835, pour Mirabeau et Jean-Baptiste Vinchon 1787-1855 pour Boissy d’Anglas 1756-1826. Le jury est composé de Guérin 1774-1833, Gros et Ingres 1780-1867. Cette injustice est récupérée par Achille Ricourt 1798-1874, écrivain et journaliste, fondateur de L'Artiste, une grande revue d’art, pour la défense de la cause romantique. Louis Boulanger 1806-1867 y écrit un article sur Un des Cinquante Boissy d’Anglas : Mon peintre, c’est Delacroix. Tout cela vit, tout cela se meut, se tord et accélère le mouvement du sang dans vos artères … C’est l’accent de la nature saisi dans ce qu’il a de plus inattendu, qualités précieuses, qui seules révèlent le grand peintre, mais qui malheureusement le révèlent trop souvent à un trop petit nombre. La longue lettre, intitulée Lettre sur les concours que Delacroix avait adressée le 1er mars 1831, a été également publiée par la revue, afin d’accentuer la controverse. C’est un violent réquisitoire contre les concours, opposant les médiocres, aux Rubens, aux Raphaël, aux Hoffmann89, sur un ton plein d’ironie. L’esquisse qu’il avait réalisée pour le deuxième sujet, intitulée Mirabeau devant Dreux-Brézé 1830, est aujourd’hui exposée au Musée National Eugène-Delacroix. Celle du troisième sujet, Boissy d’Anglas tenant tête à l’émeute, se trouve au musée des beaux arts de Bordeaux.
La Liberté guidant le peuple, 1830
En 1831, Delacroix présente au Salon officiel, qui avait ouvert ses portes, cette année-là , le 14 avril La Liberté guidant le peuple. Le tableau, répertorié au no 511 du catalogue du Salon, est intitulé Le 28 juillet ou La Liberté guidant le peuple titre qu’il conservera par la suite. Il l’a peint afin d’effacer les mémoires de son précédent échec au salon de 1827 et pour s’attirer les bonnes grâces du nouveau pouvoir, et bénéficier ainsi de nouveau des commandes publiques. Il a été acheté pour une somme de 3 000 francs par Louis-Philippe afin d’être exposé au Musée Royal, alors au Palais du Luxembourg. Sa peinture n’y est présentée que quelques mois, de peur que son sujet encourage les émeutes. Elle est d’abord mise dans les réserves par Hippolyte Royer-Collard, directeur des Beaux-Arts, ensuite reprise par Delacroix, dès 1839, avec l’autorisation d'Edmond Cavé, son successeur et exposé de nouveau en 1848. Cependant, quelques semaines plus tard, il est invité à la reprendre. Grâce à Jeanron, directeur des musées et à Frédéric Villot, conservateur au musée du Louvre, La Liberté guidant le peuple rejoint les réserves du musée du Luxembourg. Avec l’accord de Napoléon III, elle sera exposée à l’Exposition Universelle de 1855. Ce n'est qu'en novembre 1874, qu'elle est déplacée d'une manière définitive, pour être exposée en permanence au musée du Louvre. Son sujet est lié aux combats de rues, qui se sont déroulés durant les journées révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet, dites aussi Les Trois Glorieuses. La figure de La Liberté, représentée par une jeune-femme à la poitrine nue, coiffée d’un bonnet phrygien, tenant un drapeau tricolore97 est accompagnée par un enfant des rues, placé à sa droite et par un jeune homme à la redingote, coiffé d’un haut de forme et tenant une espingole fusil tromblon à deux canons parallèles, placé à sa gauche. La légende veut que ce jeune homme représente Delacroix et qu’il ait participé aux évènements. Or, plusieurs éléments réfutent ces faits : le témoignage d’Alexandre Dumas, les convictions politiques du peintre fervent bonapartiste. Il aurait tout au plus été enrôlé dans la garde nationale, qui avait été restaurée le 30 juillet 1830 après avoir été supprimée en 1827, afin de garder le trésor de la Couronne, d’ailleurs déjà au Louvre. Pour Lee Johnson, expert britannique et spécialiste de Delacroix101, il s’agirait plutôt d’Étienne Arago 1802-1892, ardent républicain, directeur du Vaudeville de 1830 à 1840. C’était déjà la figure politique à laquelle Jules Claregie avait pensé, en 1880. Quant à l’enfant des rues, il aurait inspiré Victor Hugo 1802-1885 pour son personnage de Gavroche, des Misérables, publiés en 1862. Le tableau reçoit un accueil modéré de la part de la critique. Cependant, Delécluze s’est montré compréhensif104 envers lui, en écrivant dans Le Journal des Débats, du 7 mai : … Ce tableau peint avec verve, coloré dans plusieurs de ses parties avec un rare talent, rappelle tout à fait la manière de Jouvenet …. Certains critiques ont apprécié le tableau, mais d’autres ont trouvé que la représentation de la Liberté était inacceptable. Celle-ci a été la cible des qualificatifs les plus vulgaires : poissarde, fille publique, faubourienne. C'est son réalisme qui dérangeait : la nudité de son torse, la pilosité des aisselles. Son absence, pendant des années des cimaises du musée, en fait une œuvre emblématique, une icône républicaine, qui servira d’affiche à la réouverture en 1945, du musée du Louvre et ornera l’ancien billet de 100 francs. Le sculpteur François Rude s’en inspirera pour son Départ des volontaires, figurant sur l’arc de triomphe de Paris et en 1924, le peintre, Maurice Denis, reprendra ce sujet pour orner la coupole du Petit Palais, consacré à l’art romantique et réaliste. Les querelles, qui opposent les classiques et les romantiques ou modernes, agacent beaucoup Delacroix. Le 27 juin 1831, il écrit au peintre Henri Decaisne 1799-1852, membre comme lui de la Société libre de peinture et de sculpture, fondée le 18 octobre 1830, afin d’adopter une stratégie commune face à l’influence puissante de la Société des Amis des Arts, proche de l’Institut créée en 1789 et ressuscitée en 1817. Sur les conseils de Decaisne, il contacte Auguste Jal 1791-1873, critique d’art important pour qu’il défende leur cause dans Le Constitutionnel. Dans une longue lettre qu’il adresse alors à M. d’Agoult, ministre de l’intérieur de l’époque, afin d’exposer leurs griefs et de signaler les dangers de séparer les artistes officiels, des autres, d’un talent bien souvent plus grand. Par ailleurs, en septembre 1831, Delacroix obtient la Légion d’honneur. Ce qui est un début de reconnaissance officielle.
Le voyage au Maroc
Ce qui peut apparaître comme un retour à l'ordre se concrétisa, assez paradoxalement, dans le voyage que Delacroix fit au Maroc au cours des six premiers mois de 1832. Il y accompagnait un diplomate, le comte de Mornay, venu négocier avec le sultan des arrangements rendus nécessaires par la conquête de l'Algérie voisine. Partie de Toulon, l'ambassade arriva à la fin de janvier 1832, via Gibraltar, à Tanger, qui devait constituer sa base. Elle se rendit à Meknès, pour rencontrer le sultan, en mars-avril, avant de rentrer en France, cette fois-ci par Oran et Alger, en juin-juillet. Une brève escapade avait permis à Delacroix, en mai, de découvrir l'Espagne, c'est-à -dire Cadix et Séville. Durant ce séjour, il n'arrêta pas de prendre des notes, remplissant carnets et feuilles volantes de brèves indications manuscrites et surtout de croquis au crayon ou à l'aquarelle, plus ou moins rapides, qu'il lui arrivait de reprendre le soir, et où l'on voit en germe nombre d'œuvres futures. Le voyage marocain devait en effet lui procurer, jusqu'à la fin de sa vie, une source inépuisable de sujets. Aux compositions religieuses, mythologiques, historiques ou littéraires s'ajoutent désormais, développant et parachevant sa veine grecque, les tableaux orientalistes, une part majeure de son œuvre, appuyée, on l'a amplement souligné, sur une réalité vécue et non, comme avant 1832, sur un Orient mythique, imaginé ou rêvé. Il ne faut cependant pas réduire l'expérience nord-africaine au seul apport pittoresque. De même que l'Italie, Rome et l'antique avaient ouvert les yeux de David, le Maroc fut pour Delacroix une révélation, celle du « sublime vivant qui court ici dans les rues et qui vous assassine de sa réalité, comme il l'écrit à son ami Pierret. À chaque pas, il y a des tableaux tout faits qui feraient la fortune et la gloire de vingt générations de peintres. Vous vous croyez à Rome ou à Athènes moins l'atticisme .... Un gredin qui raccommode une empeigne pour quelques sous a l'habit et la tournure de Brutus ou de Caton d'Utique, dira-t-il un peu plus tard à Armand Bertin. L'antique imaginé par le peintre se vivifie au contact de la réalité marocaine, qui lui apporte des impressions similaires à celles qu'avaient éprouvées, cinquante ans plus tôt, les néo-classiques devant la statuaire romaine et les fresques de Pompéi. Il y a plus : c'est certainement dans ces quelques mois décisifs que le coloriste s'est définitivement révélé, par l'exemple même de la réalité exotique et bigarrée qu'il avait sous les yeux, certes, mais aussi par les effets d'une lumière tout aussi nouvelle et inattendue. Il y sentit, selon ses propres termes, la précieuse et rare influence du soleil qui donne à toute chose une vie pénétrante : une caractéristique, pourrait-on dire, de toute son œuvre ultérieure.
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Posté le : 24/04/2015 20:19
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