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Nos différences (découverte)
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Hors Ligne
28 juin 2015, par Pierre Barthélémy
Le cas étrange des aveugles de l’imagination

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Je vais vous demander de fermer les yeux et de visualiser mentalement le visage d'un parent, la maison ou l'appartement où vous avez grandi, un caniche ou une personnalité publique (ne mélangez pas les deux...). Allez-y et rouvrez les yeux sur ce texte quand ce sera fait.

A priori, l'exercice ne devrait pas vous avoir posé de problème particulier. Vous avez, comme le suggère l'illustration de ce billet, allumé votre projecteur interne et le diaporama s'est lancé, faisant apparaître des images mentales plus ou moins détaillées, plus ou moins nettes. Seulement voilà, ce que vous avez réussi très naturellement se révèle impossible pour certains, incapables de visualiser ce qui n'est pas sous leurs yeux. Aussi étrange que cela puisse sembler, tant on a l'habitude de recourir à cette capacité pour se remémorer des souvenirs, rêvasser ou faire preuve de créativité, le projecteur interne de ces personnes, leur œil intérieur, est hors service. Ainsi que l'explique une étude britannique parue début juin dans la revue Cortex, on peut littéralement considérer ces individus comme des aveugles de l'imagination.

Cette cécité mentale n'est pas à proprement parler une découverte. On peut par exemple citer une publication de 1883 de Jean-Martin Charcot, intitulée « Un cas de suppression brusque et isolée de la vision mentale des signes et des objets (formes et couleurs) » où le célèbre neurologue français évoque un patient fascinant, un certain Monsieur X..., négociant doté à l'origine d'une impressionnante mémoire visuelle et qui en est subitement privé. La description de son cas précise : « On lui demande la description de la place principale d'A... (la ville où il vit et travaille, NDLR), de ses arcades, de sa statue : Je sais, dit-il, que cela existe, mais je ne m'en puis rien figurer et je ne vous en pourrai rien dire ". » Plus loin, le texte ajoute : « Un informe griffonnage représente l'arbre qu'on l'a prié de tracer : Je ne sais pas, je ne sais pas du tout comment cela est fait ". »

Mais, dans le cas de Monsieur X..., dont on peut supposer qu'il avait subi un petit accident vasculaire cérébral, plusieurs autres facultés liées au traitement des images avaient été touchées : impossibilité de reconnaître ses proches (un trouble nommé prosopagnosie auquel j'ai consacré un autre billet), perte de l'accès aux couleurs, d'une partie de la mémoire et de la reconnaissance des lettres. Pour les personnes dont parle l'article de Cortex, seul l'accès à la visualisation interne est coupé et les auteurs de l'étude ont baptisé cet état du nom d' « afantaisie » en référence, expliquent-ils, au mot de « fantaisie » utilisé par Aristote pour définir la faculté par laquelle les images et représentations mentales (appelées, elles, « fantasmes ») arrivent jusqu'à notre esprit.

Pour ces chercheurs, l'identification de l' « afantaisie » a commencé en 2005, lorsqu'un certain MX, géomètre expert à la retraite, est arrivé à l'hôpital d'Edimbourg, où travaillait un des signataires de l'étude. L'homme expliqua que, suite à une opération des artères coronaires, il avait senti une sorte de « réverbération » dans la tête et perdu son projecteur intérieur. MX avait notamment l'habitude, avant de s'endormir, de faire défiler dans sa tête les événements récents de sa vie, les personnes qu'il connaissait et même parfois les personnages des romans qu'il lisait. Tout cela était désormais impossible. Plus rien ne se matérialisait sur l'écran de cinéma de son cerveau. Et, pendant une période, ses rêves furent sans image. Il arrivait de temps en temps qu'à l'évocation d'un lieu qu'il connaissait, une image surgisse involontairement mais MX était dans l'incapacité de la faire apparaître de lui-même, de la convoquer dans sa tête. En revanche, contrairement au Monsieur X... de Jean-Martin Charcot, il ne souffrait pas de prosopagnosie et reconnaissait sans problème ses proches ou les célébrités sur des photographies. MX accepta de se prêter à de nombreuses expériences où ses performances étaient comparées à celles d'hommes du même âge que lui, géomètres-experts comme lui ou architectes.

On s'aperçut notamment que MX avait, comme c'est parfois le cas à la suite d'atteintes cérébrales, réussi à pallier certaines lacunes en empruntant des détours cérébraux. Il était par exemple capable de dire que Tony Blair avait les yeux bleus alors même qu'il ne pouvait voir intérieurement le visage de l'ancien premier ministre britannique. Sans doute faisait-il appel à des souvenirs non visuels comme des mots entendus dans une conversation ou lus dans des articles. Ces expériences furent relatées en janvier 2010 dans la revue Neuropsychologia. Des résultats dont s'empara peu après mon confrère américain Carl Zimmer dans un article publié par le magazine Discover. Le plus beau de l'histoire fut que ce mariage entre recherche et vulgarisation scientifique s'avéra, pour une fois, fructueux.

En effet, en lisant l'article de Discover, 21 lecteurs se reconnurent dans le cas de MX et contactèrent les chercheurs qui l'avaient décrit. Pour ces derniers, l'irruption de cette troupe inattendue de patients montrait qu'il y avait plus qu'une anomalie cérébrale post-opératoire, étant donné que tous ces nouveaux sujets souffraient d' « afantaisie » depuis toujours. Comme l'explique l'étude de Cortex, ces personnes se sont pour la plupart aperçues de leur handicap au cours de leur jeunesse (entre dix et trente ans), en réalisant que les humains qui les entouraient avaient la capacité à se représenter mentalement des images, à jouer les metteurs en scène d'un théâtre intérieur. Tout comme MX, la majorité de ces aveugles de l'imagination avaient parfois des images qui leur venaient subitement à l'esprit, comme des flashes. Et tous avaient mis en place des stratégies pour contourner l'écran noir qui trône dans leur cerveau. Ainsi, à la question « combien y a-t-il de fenêtres chez vous », au lieu de se représenter mentalement chaque pièce ou la façade de leur maison, ils s'appuyaient sur leur mémoire afin de répondre.

Les auteurs de l'étude soulèvent de nombreuses questions, notamment celle de savoir quelle fraction de la population est frappée, partiellement ou totalement, d' « afantaisie », congénitale ou non. Ils s'interrogent également sur la possibilité d'une composante génétique puisque 5 des 21 sujets ont affirmé que certains des membres de leur famille souffraient du même trouble qu'eux. Sans nul doute faudra-t-il aussi identifier le mécanisme ou la zone cérébrale qui nous permet de jouer avec notre projecteur intérieur dont, tellement habitués que nous sommes à l'utiliser, nous oublions parfois la puissance.

Pour terminer en illustrant ce dernier point, je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous une petite performance réalisée en mai par le champion du monde d'échecs, Magnus Carlsen.

Dans cette vidéo, le Norvégien affronte simultanément trois joueurs. En temps normal, cela ne serait qu'une formalité pour lui. Toutefois, ici, non seulement Carlsen n'a que 9 minutes pour terminer les trois parties (tandis que chacun de ses adversaires dispose du même temps pour jouer la sienne) mais, en plus, il joue à l'aveugle, un bandeau sur les yeux. On lui annonce les coups de ses adversaires (par exemple « cavalier f6 ») et il répond de la même manière, sans jamais rien voir. Le champion du monde doit ainsi, en un temps très restreint, mobiliser trois échiquiers internes. Devinez qui a gagné...

Pierre Barthélémy (suivez-moi ici sur Twitter ou bien là sur Facebook)



Posté le : 29/06/2015 09:10
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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