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Albert Cohen
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Le 16 août 1895 naît Albert Cohen

à Corfou, mort à 86 ans à Genève en Suisse, le 17 octobre 1981, poète, écrivain et dramaturge suisse romand dont l'œuvre est fortement influencée par ses racines juives. C'était aussi un activiste politique dont l'engagement en faveur du sionisme a été profond, activiste politique
Il reçoit pour distinction le grand prix du roman de l'Académie française, il écrit de nombreux romans. Ses Œuvres principales sont Solal roman de 1930, Le Livre de ma mère, récit autobiographique de 1954, Belle du Seigneur, roman de 1968, Les Valeureux roman de 1969 Ô vous, frères humains roman de 1972.

En bref

Au début de l'année 1933, dans les semaines qui précèdent l'élection d'Adolf Hitler et la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes, les journaux allemands font de Solal, roman d'Albert Cohen, qui vient d'être traduit, un éloge démesuré : la Vossische Zeitung du 12 mars compare l'écrivain à Shakespeare et trouve dans le livre des scènes dignes de Richard III. Dès sa parution chez Gallimard en 1930, ce premier volume du cycle romanesque qui devait aboutir en 1968 à la publication de Belle du Seigneur bénéficia d'une critique exceptionnelle. Dans l'histoire de Solal, ce jeune homme venu d'Orient, qui salue dès son arrivée à Genève la statue de Rousseau et à qui grâce aux femmes tout semble réussir, le lecteur voit un émule de Rastignac, un nouveau Julien Sorel. Mais Solal est juif et le mal du siècle donne au livre une autre dimension. Avec les traductions, le succès du roman devient universel : Une œuvre stupéfiante, écrit le New York Herald Tribune ; pour le New York Times, Cohen, c'est Joyce, Caldwell, Rabelais réunis, avec en plus la magie des Mille et Une Nuits. Les critiques anglaise, autrichienne, italienne ou helvétique s'expriment sur le même ton. L'audience d'Albert Cohen dans le monde, à ce moment-là, est plus grande qu'elle ne le sera jamais. Ce n'est que peu de temps avant sa mort, après une longue éclipse, qu'on finira par lui rendre justice dans les pays de langue française : il n'en reste pas moins que la cassure qui marque son existence est essentielle à la compréhension de l'écrivain. Dans l'approche de l'œuvre, la tragédie du siècle – Seconde Guerre mondiale, génocide du peuple juif – est un phénomène capital.
Plusieurs livres de ce Juif ottoman, naturalisé suisse, haut fonctionnaire international à la SDN, puis à l'ONU, raillent l'univers clos des fonctionnaires internationaux, leur carriérisme et leur jalousie les Valeureux, 1969. Mais les valeureux, ce sont aussi ces Juifs qui, comme les personnages de Cohen, la famille Solal, les cinq compatriotes de Solal, ou Mangeclous, combattent avec courage et humour les injustices sociales et bravent la fatalité. À l'instar des personnages, récurrents, l'essentiel de cette œuvre, solidement ancrée dans le réel, s'organise autour de quelques sujets développés d'un livre à l'autre – amour d'un sacré qui se perd, fascination de la mort, Éros solaire volontiers destructeur – que l'écriture, par définition interminable, soutenue par une verve comique et une franche truculence, met constamment en échec. Fin observateur des cultures et des systèmes de valeurs, Cohen essaie de réconcilier l'Orient et l'Occident. De Solal 1930 à Ô vous, frères humains 1972, son œuvre affiche une unité indéniable. Il est également connu pour ses récits autobiographiques d'une grande justesse de ton Livre de ma mère, 1954 ; Carnets, 1978.
Belle du Seigneur 1968 a consacré la gloire de Cohen. Effusion lyrique et critique sociale ajoutent, dans cette histoire d'amour absolu, une nouvelle touche au portrait de Solal, héros protéiforme et favori de l'auteur qui dévoile, au sein du roman, les antagonismes opposant Orient et Occident, non seulement géographiquement, mais par rapport aux valeurs qui régissent les sociétés, une tradition qui a ses racines dans la morale et parfois dans le sacerdoce. Les considérations purement théologiques passent cependant au second rang, comme le montre une langue débridée, burlesque à souhait, sans signes de ponctuation, parodiant la litanie, souvent jubilatoire, mais où l'exultation sait éviter, dans son ironie contrôlée, l'écueil de l'exaltation ou du pathétique.

Sa vie

Né dans l'île grecque de Corfou en 1895, Francis Albert Cohen a un père d'origine juive romaniote et une mère juive de langue italienne. Son grand-père préside la communauté juive locale.
Issus d'une famille de fabricants de savon, les parents d'Albert décident d'émigrer à Marseille après un pogrom, alors qu'Albert n'a que 5 ans. Ils y fondent un commerce d'œufs et d'huile d'olive. Il évoquera cette période dans Le Livre de ma mère. Albert Cohen commence son éducation dans un établissement privé catholique. C'est le 16 août 1905 qu'il se fait traiter de youpin dans la rue par un camelot de la Canebière, événement qu'il racontera dans Ô vous, frères humains. Le jeune garçon court à la gare Saint-Charles. Il s'enferme dans les toilettes, faute de pouvoir s'enfuir. Sur le mur, il écrit : Vive les Français !. En 1904, il entre au lycée Thiers, et en 1909, il se lie d'amitié avec un autre élève, Marcel Pagnol. En 1913, il obtient son baccalauréat avec la mention assez bien.
En 1914, Albert Cohen quitte Marseille pour Genève. Il s'inscrit à la faculté de droit de la ville en octobre. Dès lors, il s'engage en faveur du sionisme mais n'ira jamais en Israël. Il obtient sa licence en 1917 et s'inscrit à la faculté des lettres où il restera jusqu'en 1919. Cette année-là, il obtient la nationalité suisse il était ottoman. Il tente sans succès de devenir avocat à Alexandrie. Il épouse cette même année, Élisabeth Brocher. En 1921, naissance de sa fille Myriam. En 1924, sa femme meurt d'un cancer. En 1925, Albert prend la direction de la Revue juive à Paris, qui compte à son comité de rédaction Albert Einstein et Sigmund Freud. De 1926 à 1931, il occupe un poste de fonctionnaire attaché à la Division diplomatique du Bureau international du travail, à Genève. Il trouvera dans cette expérience l'inspiration qui lui permettra de construire l'univers d'Adrien Deume et de Solal des Solal pour Belle du Seigneur. En 1931, il se marie en secondes noces avec Marianne Goss dont il divorcera.
En 1941, il propose de regrouper les personnalités politiques et intellectuelles européennes réfugiées à Londres dans un comité interallié des amis du sionisme qui aidera la cause d'un État juif, une fois la paix revenue. En effet, les dirigeants sionistes choisissent de porter tous les efforts sur le sauvetage des Juifs d'Europe quitte à sacrifier l'avenir politique. La stratégie de propagande de longue haleine de Cohen n'est donc plus d'actualité. De plus, avec l'entrée en guerre des États-Unis, l'Agence juive comprend que l'avenir du sionisme dépendra plus de l'Amérique que de l'Europe. Cohen est alors chargé par l'Agence juive pour la Palestine d'établir des contacts avec les gouvernements en exil. Il s'irrite vite de la méfiance de ses supérieurs de l'Agence juive. Il démissionne en janvier 1944 très déçu par la cause sioniste.
Le 10 janvier 1943, la mère de Cohen décède à Marseille. Cette même année il rencontre sa future troisième épouse, Bella Berkowich, En 1944, il devient conseiller juridique au Comité intergouvernemental pour les réfugiés dont font partie entre autres la France, le Royaume-Uni et les États-Unis. Il est chargé de l'élaboration de l'accord international du 15 octobre 1946 portant sur le statut et la protection des réfugiés. En 1947, Cohen rentre à Genève. Il est directeur d'une des institutions spécialisées des Nations unies. En 1957, il refuse d'occuper le poste d'ambassadeur d'Israël, pour poursuivre son activité littéraire.
Dans les années 1970, Albert Cohen souffre de dépression nerveuse et manque de mourir d'anorexie en 1978. Cette mort qu'il attend à chaque instant depuis toujours, ne veut pas de lui. Il change alors radicalement de vie à plus de 80 ans… et va employer ses dernières années à faire ce que son grand ami Marcel Pagnol avait fait toute sa vie : la promotion de son œuvre. Sortant de l'ascèse, il publie ses Carnets 1978 et répond aux demandes d'interviews. Une interview télévisée exclusive de Bernard Pivot, réalisée depuis son domicile genevois situé 7, avenue Krieg, pour Apostrophes le propulse sur le devant de la scène littéraire. Un numéro du Magazine littéraire lui est enfin consacré.
Il publie son dernier texte dans Le Nouvel Observateur en mai 1981 en forme de dernière glorification de l'amour de sa femme pour sa personne.
Albert Cohen décède à 86 ans, le 17 octobre 1981 très tôt après la publication de son texte, des complications d'une pneumonie. Il est enterré au cimetière israélite de Veyrier, près de Genève. Bella Cohen est décédée le 1er décembre 2002, à 83 ans.

"Je ne suis pas un écrivain "

Dès son entrée au royaume des lettres, Albert Cohen a été promis à la gloire, cette gloire qu'il sera contraint de refuser. Il finira par nier avec obstination son titre d'écrivain. Un entretien qu'il accorde au Magazine littéraire en 1979 débute ainsi : « Je dois le dire tout de suite : je ne suis pas un écrivain. » Cette attitude explique le long silence qui fut le sien. Célèbre en 1930, Albert Cohen n'aura plus qu'un petit nombre d'admirateurs dans les années cinquante ; il faudra, en 1954, la publication du Livre de ma mère, et en 1968, de Belle du Seigneur (qui lui vaudra le grand prix du Roman de l'Académie française), pour qu'on entende à nouveau parler de lui. Le 23 décembre 1977, Bernard Pivot dans son émission Apostrophes révèle à des millions de téléspectateurs qu'Albert Cohen est l'un des grands écrivains de notre temps. Les dernières années de sa vie, le romancier, qui vit tranquille dans son appartement de Genève, reçoit les honneurs de la consécration ; lui, l'oublié de la plupart des anthologies, entre enfin dans le dictionnaire ! Cette reconnaissance n'est qu'une consolidation : rien ne pouvait réduire les effets de la cassure. Dans Belle du Seigneur, Albert Cohen arrête le récit aux années trente ; le reste de son œuvre ne consacre que quelques phrases au temps du mépris et de l'abomination. Dire le malheur a été au-dessus de ses forces, il n'en a été que le prophète. « Non, Seigneur Ézéchiel, ils ne sont pas méchants, les Allemands, ils sont des fils, ils aiment leur Maman, ils chantent des jolies chansons. Seulement, ils ne comprennent pas que les Juifs ont mal quand on leur fait mal... » fait-il dire à Jérémie dans Ézéchiel, pièce jouée à la Comédie-Française en 1933. En 1938, Albert Cohen cesse de se vouloir écrivain et ce n'est pas là un échec ordinaire : il vient de publier Mangeclous, un chef-d'œuvre du roman comique. Éclat de rire gigantesque, ce roman est la suite de Solal, et constitue un nouveau pas dans la dérision.
Déjà, en 1922, la seconde nouvelle publiée par Albert Cohen à la N.R.F. s'intitulait La Mort de Charlot et le jeune écrivain y donnait la parole à un film muet. C'est que le cinéma des Chaplin et des Buster Keaton est un signe de notre temps et l'écriture de Cohen emprunte ce signe à l'image. Le rire, arme de vérité, fait du burlesque flamboyant de Mangeclous un chant en l'honneur de la dignité bafouée. « Albert Cohen nous montre l'authentique visage de l'homme », proclamait le critique allemand de la Vossische Zeitung : qu'il s'agisse des jeux de la passion amoureuse ou du gouvernement des hommes, toujours l'écrivain en appelle aux forces de vie. Mais en même temps ce sage, incarnant l'esprit de civilisation, nous met en garde : c'est la faillite de l'Occident que l'œuvre éclaire.

Combats

La guerre déclarée, Albert Cohen se tait et mène son combat, à Londres, nouvelle étape d'une carrière diplomatique commencée au B.I.T. d'Albert Thomas et qu'il avait quittée pour se consacrer totalement à l'écriture. La réussite littéraire, pourtant, le jeune prodige découvert par Jacques Rivière la désirait intensément. Dès leur première rencontre, à Genève, Jacques Rivière lui avait proposé un contrat pour des romans. À vingt ans, Cohen dirige La Revue juive à laquelle collaborent Albert Einstein et Sigmund Freud ; en 1926, à propos de Visions – texte qui ne sera jamais publié – Max Jacob déclare son admiration et clame le génie de l'écrivain genevois ; dès la publication de Solal, Gaston Gallimard verse une rente au romancier. Le comité de lecture de la Comédie-Française découvre une pièce de théâtre envoyée à l'insu de son auteur et la monte en 1933. Il y a des bousculades et des cris aux représentations d'Ézéchiel : l'auteur est juif, mais la critique parle de ses accents shakespeariens. Malgré cette fulgurante ascension, Albert Cohen laissera le devant de la scène à son meilleur ami, son compagnon du lycée de Marseille, Marcel Pagnol. Sa fuite ne sera pas exactement celle de Rimbaud : renonçant à l'écriture, il ne cherchera son désert que dans les ruines des bombardements. On est tenté de l'identifier à Solal, le plus fameux de ses personnages, mais une telle assimilation serait téméraire : aux dernières pages du premier roman, Solal, nous dit l'auteur, est « celui qui regarde le soleil en face ». Est-il encore Solal, le Cohen de Londres, ce neveu bien-aimé des Valeureux, qui fait carrière et devient ministre ? Le roman naît de l'enchantement de l'antique Méditerranée, berceau de l'humanisme : comment être Solal quand les Valeureux, dans l'Europe agonisante, sont l'objet de la pire des persécutions ? Finie la dérision joyeuse : dans les brumes de Londres, Albert Cohen mène la résistance d'Israël. Personnage important, il représente Chaïm Weizmann et le sionisme. Il va rencontrer de Gaulle, dont il sera plus tard l'un des auteurs de chevet (les hommes politiques aiment à lire Cohen et François Mitterrand fera beaucoup pour la reconnaissance de son mérite). Dès 1945, il dirige la division de protection juridique et politique à l'O.N.U. et ce cahier blanc dont il est l'auteur, travail de juriste qui permet aux apatrides d'avoir enfin un vrai passeport, il va le considérer comme une des œuvres marquantes de sa vie. Solal n'est plus Solal et pourtant, par la grâce d'une femme, Bella, cette troisième épouse rencontrée en Angleterre et qui sera la compagne de sa vie, Albert Cohen va finir par le ressusciter. Le retour à l'écriture est l'œuvre de Bella. Désormais, tous ses livres, il va les écrire pour elle : Belle du Seigneur, chef-d'œuvre du roman français contemporain, féroce dénonciation de la passion, a été écrit dans la quiétude du bonheur conjugal par un diplomate en retraite de soixante-dix ans.
Entre Mangeclous et Belle du Seigneur, entre le deuxième et le troisième roman, s'étale une marge de trente années. Dans cette marge, un seul livre, le premier de trois ouvrages de confession, à la fois mise à nu et testament. Puisque Bella n'a pas connu sa mère, Albert Cohen écrit pour elle Le Livre de ma mère. De l'écrivain qu'il a été, de son succès, le diplomate garde, sans doute, une nostalgie. Quand Paul-Henri Spaak, son ami, lui conseille de renoncer à l'ambassade d'Israël à Paris (« Il y a beaucoup d'ambassadeurs dans le monde, il n'y a qu'un écrivain du nom d'Albert Cohen ! »), il est ébranlé.

La passion de l'Occident

Mais la déchirure est profonde et ce livre qu'il écrit pour sa femme révèle le drame. La mère d'Albert Cohen est morte à Marseille, pendant l'Occupation. Elle a succombé à la peur et au chagrin. Plusieurs membres de sa famille n'allaient pas revenir des camps de concentration. La judéité habite l'écrivain quand il parle de sa mère. Mais, tout en citant Moïse et la loi qui bannit le meurtre et la haine, il se veut aussi Homère, le conteur. Albert Cohen est juif de Grèce (il est né à Corfou le 16 août 1895). La première étape de son odyssée fut son voyage en France : il a cinq ans et déjà sa famille fuit un pogrom. Il fait ses classes à Marseille ; enfant solitaire, il ne vit que pour sa mère et pour ses livres. Si, pour une mère mythique, il compose ses plus beaux chants, c'est que l'amour de l'humble personne le guide et qu'elle éclaire son origine. Par elle, toutes les énigmes – et même la séduction de Solal – trouvent leur explication. Le petit Albert parlait patois vénitien avec sa mère : de Casanova, Solal hérite certains défauts que le romancier prendra soin de fustiger.
En 1972, Albert Cohen donne un prolongement à ce récit intime avec : Ô vous, frères humains. Au livre de la mère répond le livre de l'enfant. En 1905, Albert a dix ans : c'est l'histoire fameuse du camelot, la blessure fondamentale. Il se fait injurier, humilier par un de ces distraits qui confondent les juifs avec les chiens. La France vit au rythme de l'affaire Dreyfus, et l'antisémitisme fait des ravages. L'enfant apprend le racisme... Approchant les quatre-vingts ans, le vieil homme se souvient de l'enfant qu'il était, soixante-dix ans plus tôt. Parce qu'il a publié Le Livre de ma mère et travaillé déjà à l'histoire du camelot, Albert Cohen ose renouer avec l'imagination romanesque : ce sera Belle du Seigneur, où il se montre fidèle à ses fantasmes de jeunesse.
Avec ce monument de 845 pages, reviennent encore une fois les mêmes personnages que dans Solal et Mangeclous, la même société, cette Genève qu'il a habitée si longtemps et dont il a fait sa ville. Albert Cohen est aussi écrivain genevois, le plus grand sans doute depuis Jean-Jacques Rousseau. Il n'avait pas vingt ans lorsqu'il y débarqua, venant de Marseille. Il y épousa sa première femme, emportée très jeune par la maladie. Les filles de la cité de Calvin, tentation de la jeunesse, ont une beauté cruelle sous la plume du romancier. Ses livres étant miroir de sa vie, Albert Cohen a écrit toute sa vie le même livre, un livre unique, qui lui appartient totalement. Nous contant la passion amoureuse, il semble accepter un des grands thèmes de la littérature. Le voici dans le jardin des Stendhal, des Tolstoï, des Flaubert et des Proust. Ariane est une Mme Bovary, le beau Solal, un cousin de Vronsky, Genève et les salons de la S.D.N. sont un monde proustien qui semble à la mesure des ambitions stendhaliennes du héros. Mais par la singularité de son enracinement, Cohen se nourrit de plusieurs traditions. Son génie n'est pas seulement ce don d'écriture, cette maîtrise de la langue, héritée de la fréquentation des poètes latins et de l'admiration des écrivains français de son adolescence ; dans sa fresque, le romancier règle, une fois de plus, son compte à l'Occident : l'esprit de conquête a été la véritable vocation de la chevalerie, qu'il a entraînée dans les croisades de l'Orient, puis sur les vaisseaux des conquistadores. Ils ont fini par vouloir dompter la planète entière et leur aventure s'est terminée au milieu de ce siècle dans les plaines de Russie et de Pologne. L'amour-passion est lui aussi un legs de la chevalerie, c'est l'autre face de l'esprit de conquête. Le même orgueil conduit à la bestialité et au trépas. Le lien qui unit Solal et Ariane est lien de mort : les amants vont au suicide.
Empruntés à la comédie bourgeoise, les personnages du dernier roman d'Albert Cohen ont le destin des amants de Vérone ; comme Roméo et Juliette, Belle du Seigneur est une tragédie. Le poème de Tristan et Yseult renaît dans les beautés de l'écriture pour se dissoudre presque aussitôt dans le rire vainqueur de la caricature. Toutefois, les personnages du livre gardent une profonde humanité et l'écrivain conserve de la sympathie pour les victimes de son ironie. Le mari, le pauvre Adrien Deume, l'idiot d'une famille ridicule, s'il incarne la dérision de l'ambition, amuse plus qu'il ne rebute. Ariane agace, mais toujours le lecteur est séduit par son plaisir d'être ; la créature trouve son pardon dans les charmes que lui prête son créateur. On croit que le romancier s'identifie à Solal, mais, s'il a ressenti jamais la faiblesse de cette tentation, c'est pour mieux le morigéner, dénoncer sa superbe, l'inviter à son tribunal. Le verdict est impitoyable : il met hors la loi l'amour profane. L'indulgence ne concerne que les Valeureux. Avec Mangeclous, Saltiel et autres bons clowns, l'idée de l'homme est sauvegardée par le triomphe des humbles, que magnifie le comique. La place des Valeureux était plus importante encore dans la première version du roman : on en retrouve les pages soustraites – avec la tribu, ses philosophes et leur carnaval – dans Les Valeureux, livre publié en 1969.
Ultime éclairage donné à l'ensemble de son œuvre, renforçant sa conscience de l'homme, Albert Cohen publie en 1979 ses Carnets, impossible dialogue avec Dieu, suite de réflexions et d'aveux, confession écrite au jour le jour pendant de longs mois... Il meurt dans son appartement de Genève, le 17 octobre 1981. Gérard Valbert

Son Å“uvre

En 1921 il publie Paroles juives, un recueil de poèmes. Il publie ensuite un roman, Solal 1930, premier volume d'un cycle que Cohen a pensé un temps intituler La geste des juifs, ou Solal et les Solal. Le roman, préfigurant en quelque sorte Belle du seigneur, raconte la jeunesse du jeune grec sur l'ile de Céphalonie, ainsi que ses premières amours. Le livre bénéficie en France d'une critique exceptionnelle. Il est traduit dans de nombreuses langues et le succès du roman devient universel : Une œuvre stupéfiante, écrit le New York Herald Tribune ; pour le New York Times, Cohen, c'est James Joyce, Erskine Caldwell, Rabelais réunis, avec en plus la magie des Mille et Une Nuits. Les critiques anglaise, autrichienne, italienne ou helvétique s'expriment sur le même ton.
Vient ensuite Mangeclous en 1938. Aux analyses sentimentales s'ajoutent l'observation amusée de la gent S.D.N.. Après seize ans de silence, Cohen publie Le Livre de ma mère en 1954, poignant portrait d'un être à la fois quotidien et parfaitement bon qu'il évoquera une nouvelle fois dans ses Carnets 1978.

Belle du Seigneur

1968 est l'année de consécration pour Albert Cohen qui publie son œuvre majeure: Belle du seigneur. L'œuvre reçoit le Grand Prix de l'Académie Française. Il est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1970. Belle du Seigneur, considéré par certains dont Joseph Kessel comme un roman central de la littérature française, est un hymne éternel à la femme, objet de fascination et de désespoir pour l'auteur. La leçon de séduction de Solal, donnée à Ariane au Chapitre XXXV, détruit plus vite et brutalement encore que Les Liaisons dangereuses l'espoir d'un amour qui ne serait pas basé sur une stratégie guerrière. Le livre est un succès public.

Å’uvres

Sont parus en volume du vivant de Cohen les ouvrages suivants :
Paroles juives poèmes, Kundig, 1921.
Solal roman, Gallimard, 1930.
Mangeclous roman, Gallimard, 1938.
Le Livre de ma mère récit autobiographique, Gallimard, 1954.
Ézéchiel théâtre, Gallimard, 1956 première version datant de 1930.
Belle du Seigneur roman, Grand prix du roman de l'Académie française, Gallimard, 1968.
Les Valeureux roman, Gallimard, 1969.
Ô vous, frères humains récit autobiographique), Gallimard, 1972.
Carnets 1978 récit autobiographique, Gallimard, 1979.
Et de manière posthume, les recueils suivants :

Écrits d'Angleterre textes rédigés par Cohen en Angleterre entre 1940 et 1949 ; préface de Daniel Jacoby, Les Belles Lettres, 2002.
Mort de Charlot textes rédigés en revue par Cohen dans les années 1920 ; préface de Daniel Jacoby, Les Belles Lettres, 2003.
Salut à la Russie textes rédigés par Cohen en 1942 dans la revue française de Londres La France libre ; préface de Daniel Jacoby, Le Préau des collines, 2004.
Le Roi mystère : entretiens avec Françoise Estèbe et Jean Couturier entretiens réalisés en 1976 pour France Culture, Le Préau des collines, 2009.



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Posté le : 14/08/2015 21:46

Edité par Loriane sur 15-08-2015 19:15:44
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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