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Alexis Emmanuel Chabrier
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Le 13 septembre 1894 meurt, Alexis Emmanuel Chabrier

à 53 ans, à Paris, compositeur romantique français né à Ambert le 18 janvier 1841 . Bien que principalement connu pour deux de ses œuvres orchestrales, España et Joyeuse Marche, il composa de nombreux opéras, pièces pour piano et chansons. Ses créations étaient admirées de nombreux compositeurs, comme Debussy, Ravel, Satie, Richard Strauss, ou encore Stravinsky.
Chabrier était ami avec beaucoup d'écrivains et de peintres de son temps, comme Claude Monet, Édouard Manet, Émile Zola ou encore Alphonse Daudet, avec qui il entretenait une grande amitié. Admirateur des peintres impressionnistes, il acheta de nombreuses toiles, dont certaines sont aujourd'hui exposées dans les plus grands musées du monde.
Entré dans l'Administration, il démissionna en 1879 afin de se consacrer à la musique. Il a écrit des mélodies l'Invitation au voyage, Ode à la musique, 1890 ; des œuvres pour piano Bourrée fantasque, 1891 ; des œuvres pour orchestre España, 1883, des opéras le Roi malgré lui, 1887. Chabrier se tourna de préférence vers les sources populaires françaises ou espagnoles et les recherches rythmiques. Son style est plein de jovialité exubérante et de vitalité ardente.

En bref

Né dans une famille bourgeoise implantée en Auvergne depuis plusieurs générations, il étudia, à six ans, le piano avec Manuel Zaporta, puis Mateo Pitarch. En 1852, ses parents s'installèrent à Clermont-Ferrand, où il travailla avec le violoncelliste Tarnowski. Une de ses compositions, Aïka, polka mazurka arabe, fut imprimée à Riom. En 1856, il suivit ses parents à Paris, où, tout en poursuivant ses études classiques, il étudia le piano avec Édouard Wolff, tandis que Th. Semet, puis R. Hammer et A. Hignard lui enseignèrent l'écriture. Bien qu'il se sentît une vocation de compositeur, Emmanuel Chabrier sembla accepter sans révolte l'idée de suivre la tradition familiale en poursuivant des études de droit qui le menèrent au ministère de l'Intérieur, où il resta de 1861 à 1880.
Peu après, il fréquentait le milieu parnassien et s'y liait avec Verlaine, qui lui fournit le livret de deux opéras bouffes, Fisch-Ton-Kan et Vaucochard et Fils Ier. Les poètes qu'il rencontra alors lui inspirèrent, en 1862, neuf mélodies. Cette même année parurent ses Souvenirs de Brunehaut pour piano. Mais un projet plus ambitieux devait le retenir à partir de 1867 : la composition d'un opéra en 4 actes sur un livret de H. Fouquier : Jean Hunyade. À cette époque, il se lia aussi avec les impressionnistes, dont il allait être l'un des rares et des plus avertis collectionneurs. Son ami Manet fit plusieurs portraits de lui.
En 1876, Chabrier devint membre de la Société nationale de musique qui allait accueillir la plus grande partie de ses œuvres. Son Larghetto pour cor et orchestre y fut créé en 1877 et, l'année suivante, son Lamento pour orchestre. En 1877, le théâtre des Bouffes-Parisiens avait créé son opéra bouffe, l'Étoile. L'opérette Une éducation manquée fut jouée en 1879 dans un cercle privé. L'audition de Tristan et Isolde à Munich, en 1880, bouleversa le compositeur. L'année suivante, son ami Lamoureux créa les Nouveaux Concerts et l'appela pour le seconder dans l'étude des œuvres wagnériennes qui allaient former le fond de son répertoire. Le musicien venait de composer ses Pièces pittoresques pour piano. Un voyage à travers l'Espagne, au cours de l'automne de 1882, lui inspira España. Donnée en première audition par Lamoureux en 1883, cette œuvre rendit son auteur célèbre. Cette même année, il donna à la Société nationale de musique ses Valses romantiques pour 2 pianos.
1883 marqua un changement dans la vie de Chabrier. Désormais, il séjourna plusieurs mois, chaque année, à La Membrolle, petit village de Touraine, où il composa la majeure partie de son œuvre. Après plusieurs tentatives lyriques infructueuses Jean Hunyade, 1867 ; le Sabbat, 1877 ; les Muscadins, 1878, il composa Gwendoline, puis le Roi malgré lui. Mais ces deux œuvres virent leur essor arrêté peu après leur création : le 10 avril 1886, à la Monnaie de Bruxelles pour Gwendoline, abandonnée après quelques représentations à la suite de la faillite du directeur ; le 18 mai 1887, pour le Roi malgré lui, à l'Opéra-Comique qui brûla une semaine plus tard. Quant à Briséis, Chabrier ne put l'achever pour raison de santé. Seul le premier acte fut joué après sa mort par Lamoureux (1897), avant d'être monté par l'opéra de Berlin, puis par celui de Paris. Sans l'amitié agissante de Félix Mottl ­ qui accueillit avec succès Gwendoline, en 1889, et le Roi malgré lui, en 1890, au théâtre de Karlsruhe, favorisant ainsi leurs entrées sur plusieurs grandes scènes d'outre-Rhin (Munich, Leipzig, Dresde, Cologne, Düsseldorf) ­, Chabrier n'aurait connu que d'éphémères succès.
Avant d'assister, impuissant, à la perte progressive de ses facultés, le compositeur écrivit encore quelques œuvres radieuses où apparaissent les deux faces de son génie cocasse et tendre. Prélude et Marche française qu'il rebaptisa Joyeuse Marche ­ fut créé en 1888 à l'Association artistique d'Angers, sous sa direction, avec Suite pastorale formée de quatre des Pièces pittoresques orchestrées, Idylle, Danse villageoise, Sous-Bois et Scherzo-Valse. En 1890, il publia une série de mélodies d'aspect tout nouveau, qu'il baptisa avec humour ses « volailleries ». Cette même année, il réorchestra la Sulamite vieille de six ans, et composa, pour l'inauguration de la maison d'un ami, l'Ode à la musique. Avec la Bourrée fantasque de 1891 confiée au piano ­ sur lequel il fut, au témoignage de tous, un remarquable virtuose ­, il abandonna son papier réglé sur un chef-d'œuvre qui inaugurait une nouvelle manière de traiter cet instrument.
Chabrier déroute. Comme son ami Manet, il présente plusieurs manières admirables d'être soi . Ses volte-face déconcertent. À peine remis de l'audition de Tristan et Isolde, qui l'assombrit, et le fit douter de lui, il composa allégrement l'éblouissante España. Connu pour son fervent wagnérisme ­ Fantin-Latour le campa devant le piano au centre d'une grande toile que le public baptisa les Wagnéristes ; le pape du wagnérisme, Lamoureux, se l'attacha à la fondation des Nouveaux Concerts ­, il aborda la composition par de désopilantes opérettes écrites en collaboration avec son ami Verlaine : Fisch-Ton-Kan et Vaucochard et Fils Ier. Il écrivit des œuvres plus ambitieuses que ces tentatives de jeunesse, mais sans abandonner pour autant sa veine comique. Parallèlement à Gwendoline et à Briséis, drames lyriques wagnériens d'intention, surtout à cause des livrets de Catulle Mendès, il composa non seulement d'autres opérettes comme l'Étoile, Une éducation manquée, le Roi malgré lui ­ opéra bouffe transformé en opéra-comique à la demande de Carvallho ­, mais également des pièces orchestrales comme la Joyeuse Marche ou des romances telles que la cocasse suite des « volailleries », ainsi qu'il nommait plaisamment la Villanelle des petits canards, la Ballade des gros dindons, les Cigales, la Pastorale des cochons roses.
Ce ne fut pas par hasard que des musiciens des plus divers, voire les plus étrangers les uns aux autres, chérirent comme un père spirituel un compositeur si mobile dans ses expressions. Son influence se décèle dans les directions les plus opposées, chez Fauré comme chez Richard Strauss, chez Messager comme chez Satie, chez Ravel, qui le vénéra, et chez Debussy, qui pourtant était plus secret sur ses sources, mais dont le Pelléas rappelle Briséis, chez R. Hahn et chez M. de Falla, chez Milhaud, Poulenc, etc.
Mais quel que fût le genre qu'il adopta, comique ou grave, léger ou dramatique, la rupture des styles reste de surface et n'affecte pas sa manière. En toutes circonstances réapparaissent des obsessions syntaxiques qui lui confèrent un visage très particulier, où la tendresse, le chatoiement harmonique, l'imprévu rythmique, l'ardeur, la naïveté, tout un monde de sensations captées dans l'allégresse se combinent subtilement.
Il n'aborda d'ailleurs pas les grandes surfaces. Point de symphonies, de poèmes symphoniques, de sonates comme chez ses amis de la Société nationale de musique qui gravitèrent autour de Franck. Chabrier fut un musicien sérieux, mais c'était un sérieux qui se cachait. Il ne joua pas les importants. La hiérarchie des genres, il l'ignorait et, de même que ses amis impressionnistes, Manet, Monet, Renoir, Sisley, Cazin, Sargent, dont les toiles, et des plus belles, illuminèrent son appartement, il traita avec une lucide conscience de courtes pages pour le piano comme l'Impromptu en ut majeur (1873) dédié ­ on pourrait dire symboliquement ­ à Mme Manet, de petites pièces improprement appelées « pittoresques », la Bourrée fantasque ou des romances comme la troublante Chanson pour Jeanne, de même que ces peintres aimés donnèrent, par leurs vertus strictement picturales, de la noblesse à des sujets qui en principe n'en avaient guère : une serveuse de bar, une femme enfilant ses bas, une danseuse de café-concert…
Cet autodidacte « écrivit » comme personne, avec la science cachée d'un maître déduisant avec sûreté l'effet recherché. Néanmoins, un départ relativement tardif dans la carrière musicale, un emploi de fonctionnaire au ministère de l'Intérieur, un enseignement musical dispensé hors des écoles patentées lui créèrent une réputation d'amateur. Lui-même ne fut pas sans en éprouver un obscur complexe. « J'ai peut-être plus de tempérament que de talent », confia-t-il trois ans avant sa mort. « De nombreuses choses que l'on apprend dans sa jeunesse, je ne les conquerrai plus jamais. » Sans doute regrettait-il cette aisance à composer qu'il observa chez tant de ses amis et camarades, Saint-Saëns, Massenet, Messager, Lecocq. « Je n'ai pas ce que l'on appelle de la facilité ! » soupira-t-il. Il est vrai qu'il travaillait minutieusement, au petit point, dans une trame serrée, où vinrent s'entrecroiser des éléments variés.
On y trouve, et dès ses premières compositions, dès Fisch-Ton-Kan ­ avant un Fauré par exemple, plus long à se dégager de l'emprise tonale ­, une utilisation très caractérisée des gammes modales. Les gammes défectives suivirent, comme par exemple dans la troisième des Valses romantiques. Wagner, Chopin, Schumann, qu'il a soigneusement étudiés, l'aidèrent à se libérer de contraintes d'une écriture toujours pesantes à l'esprit. Enchaînements inusités de neuvième parallèles, frottements audacieux autant que délicieux, accords incomplets sont chez lui autant de piments. Sa nature tellurique, liée à son hérédité auvergnate, lui fit, comme il le disait plaisamment, « rythmer sa musique avec ses sabots d'Auvergnat » ­ et pas seulement dans la Bourrée fantasque ­ et retrouver dans la polyrythmie espagnole un monde rythmique en liberté qui le confirmait dans sa voie. Et Berlioz, dont il avait réduit à quatre mains Harold en Italie en 1876, n'avait pu que renforcer sa tendance à rompre avec les carrures prévues. Ajoutons-y l'esprit léger, allusif, tout d'accentuation, en trompe-oreille, de la musique de nos grands clavecinistes, qui anime tant de ses œuvres, telles les Pièces pittoresques et la Suite pastorale qui en découle. Quant à son génie de l'orchestration, plus que chez certains musiciens, dont Berlioz en premier lieu, sa source pourrait en être décelée sur les toiles de ses amis impressionnistes où la couleur prélevée sur le motif irradie avec une véhémence et une pureté sans précédent. De même, sa couleur orchestrale aux timbres sans mélange, ignorant les bitumes, a pu choquer ou surprendre, jusqu'à paraître « crue, voire outrancière », même un ami et admirateur comme Vincent d'Indy, encore que le coup de soleil d'España lorsqu'il éclata sous la baguette de Lamoureux sous un tonnerre d'applaudissements ait, et pour longtemps, chassé plus d'une ombre, dissipé bien des brumes, éclairant vers l'avenir un radieux paysage musical français.

Sa vie

Né à Ambert Puy de Dôme, il passe par Clermont-Ferrand de 1852 à 1856 au lycée impérial avant de rejoindre le lycée Saint-Louis à Paris en 1856.
À partir de 1862, il travaille au ministère de l'Intérieur à Paris. En 1880, il choisit de se consacrer entièrement à la musique. Il fréquente les peintres Auguste Renoir, Claude Monet, Édouard Manet dont il est un fidèle admirateur.
Il meurt le 13 septembre 1894, à Paris. Il est enterré au cimetière du Montparnasse à Paris.

Présentation de l'œuvre

Le style d'Emmanuel Chabrier est très varié : harmonies wagnériennes d'opéra Gwendoline, esprit mélodique d'opérette Duo de l'ouvreuse de l'Opéra-Comique et de l'employé du Bon Marché et de mélodies traditionnelles (Les plus jolies chansons du pays de France, créations amusantes Ballade des gros dindons.

En 1882, Chabrier se rend en Espagne. Ce voyage lui inspire sa plus célèbre œuvre, la rhapsodie España 1883, mélange d'airs populaires espagnols et des créations de son imagination. À en croire son ami Duparc, cette composition pour orchestre affirmait un style personnel, riche et très coloré. Ses compositions influencèrent de nombreux compositeurs français, notamment Claude Debussy, Maurice Ravel et Francis Poulenc. Joyeuse marche (un arrangement de ses propres partitions pour piano, Pièces pittoresques et España sont ses œuvres les plus connues. La femme de Renoir, ami de Chabrier, écrit de lui : Un jour, Chabrier vint, et joua España pour moi. Ce fut comme si un ouragan avait été libéré. Il battait et battait encore le clavier. Une foule s'était réunie dans la rue et écoutait, fascinée. Quand Chabrier atteignit les formidables derniers accords, je me jurai à moi-même de ne jamais plus toucher un piano... Il avait d'ailleurs cassé plusieurs cordes, et mis le piano complètement hors d'usage.
Il partage avec les Parnassiens un humour dans sa vision critique de la société.
Emmanuel Chabrier disait de lui-même : Je rythme ma musique avec mes sabots d'Auvergnat. » Au contraire de George Onslow, Chabrier ne fut cependant pas attaché à l'Auvergne et ne s'impliqua d'aucune façon dans la vie culturelle de cette région qu'il quitta très tôt pour s'installer à Paris. Il présida néanmoins l'association dénommée "La Soupe aux choux d'Auvergne", laquelle se réunissait régulièrement à Paris.

Comment définir Chabrier ? Quel trait choisir pour exprimer la juste physionomie de son art ? Qu'on cherche à le classer, et il se dérobe. Combien n'ont vu qu'une seule de ses expressions si variées, si mouvantes surtout et promptes à s'entrecroiser, à se superposer ? Rien d'étonnant dès lors à ce que divers clans ou écoles l'aient revendiqué, que des compositeurs dissemblables, voire opposés – un Milhaud, un Reynaldo Hahn – se soient retrouvés en lui.
Ce n'est pas que son œuvre soit abondante : le destin lui fut cruel et ne lui laissa que trop peu de temps pour la bâtir. Il disposa de vingt ans à peine pour composer ses pièces pour piano, quelques mélodies, chœurs et pièces d'orchestre, deux opérettes, un opéra-comique, deux opéras dont l'un, inachevé. Ce bagage léger tient pourtant une place considérable dans l'histoire de la musique. Car, si l'œuvre reflète les aspirations diverses et parfois contradictoires de leur auteur, elle connaît une unité profonde, elle est marquée du sceau particulier que le tempérament unique de Chabrier lui imprima. Cette œuvre, en effet, est moins le fruit d'une idée sur l'art qu'elle ne témoigne de la passion de son auteur à le vivre.

Chabrier, Wagner et les romantiques

Dès que Chabrier connaît Wagner, il en fait son dieu. À vingt et un ans, il recopie la partition entière de Tannhäuser. Il se rendra à Munich, à Bruxelles, à Bayreuth pour entendre et applaudir les œuvres du maître. À Paris, il sera l'un des piliers du « Petit Bayreuth » et ce n'est pas sans raison que Lamoureux, grand prêtre du wagnérisme en France, se l'attachera lorsqu'il créera, en 1881, les Nouveaux Concerts. Cependant, il aborde la composition par des opéras bouffes, tant la force comique est grande chez lui. Vers sa vingtième année, il écrit en collaboration avec son ami Verlaine deux opérettes restées inachevées, Fisch Ton Kan et Vaucochard et fils Ier. En 1877, on représente L'Étoile au théâtre des Bouffes-Parisiens et, deux ans plus tard, il donnera Une éducation manquée, opérette en un acte dont le livret est dû aussi à Leterrier et Van Loo. Chabrier ne cessera jamais d'être attiré par le genre comique. C'est ainsi que Le Roi malgré lui fut un opéra bouffe avant d'être transformé en opéra-comique, sur la demande de Carvalho. Et, jusqu'à la fin de sa vie, il rechercha de nouveaux livrets qui lui auraient encore permis de « raconter pompeusement des choses comiques », ainsi que le conseillait Baudelaire. Dans cet apparent divorce entre le grave et le gai, Chabrier se mouvait avec aisance. « Je n'aime plus qu'Offenbach et Wagner », dira-t-il à la fin de sa vie, indiquant bien par là ses tendances extrêmes.
Nous touchons ici à l'incompréhension dont eut à souffrir et dont souffre toujours son œuvre. Le malchanceux Chabrier est mis en accusation de plusieurs côtés à la fois. Ses contemporains jugeaient sa musique légère trop sérieuse, trop savante, en un mot trop wagnérienne, alors que, à notre époque, des auditeurs non moins étourdis trouvent frivole un compositeur qui s'est arrêté à des sujets si peu sérieux. Debussy, oreille attentive, assurait que Chabrier était « merveilleusement doué par la Muse comique », et que « la Marche Joyeuse, certaines mélodies sont des chefs-d'œuvre de haute fantaisie dus à la seule musique ». Ajoutons que la verve de l'homme, sa drôlerie, son langage coloré, épicé d'expressions argotiques et provinciales (il est né à Ambert, petite ville d'Auvergne), joints à une certaine caricature trop répandue de Detaille, ont fait écran à sa nature profonde. Comme il le confiait à Felix Mottl : « Malheureusement pour moi, j'appartiens, malgré ma joviale apparence, à la catégorie des gens qui ressentent très vivement. » Auprès des voix épurées, châtiées, la sienne n'a pas paru « convenable ». De même qu'Aristophane, que Rabelais qu'il avait souhaité mettre en musique, on l'accusa de vulgarité. Peut-on méconnaître plus radicalement un auteur d'une originalité si éclatante qu'« il est impossible », comme l'assurait Ravel, « d'entendre deux accords de lui sans immédiatement les lui attribuer » ?

Cette verve puissante qui soulève toute son œuvre ne peut faire oublier tout ce qu'il doit à Wagner. Si l'auteur de Tristan le désespéra en plus d'une circonstance – « dire que je suis du même métier », soupirait-il – il ne cessa jamais de voir en lui un maître à penser. Son admiration reste néanmoins lucide. Chez l'enchanteur, il déplore, « sous prétexte d'unité, j'allais dire d'uniformité, des quarts d'heure de musique ou récit absolu, dont tout être sincère, sans parti pris, dépourvu de fétichisme, doit trouver chaque minute longue d'un siècle ». Ce qui ne l'empêche pas de s'adresser au plus wagnérien des littérateurs, Catulle Mendès, pour les livrets de ses opéras Gwendoline et Briséis, conçus, de son propre aveu, « dans l'esprit de la nouvelle école dramatique ». C'est également le même homme que l'audition de Tristan à Munich bouleverse au point de le décider à se consacrer entièrement à la musique et qui compose peu après les irrévérencieux Souvenirs de Munich, quadrille sur les thèmes favoris de Tristan et Iseult. Au vrai, ce « wagnérien d'intention » utilisait les propres armes de son maître pour s'affranchir de lui. Un wagnérien de stricte obédience comme Vincent d'Indy ne s'y trompera pas, préférant renier en partie un compositeur qu'il aimait et qu'il avait si heureusement nommé l'« ange du cocasse », dans l'impossibilité de rattacher son œuvre à cette culture romantique et wagnérienne sur laquelle reposaient sa propre production et son enseignement. Mais, là encore, Chabrier nous déroute : cet antiromantique, ce « moderne » ne cessa d'admirer Berlioz, le musicien romantique par excellence. Déjà, dans sa jeunesse, il avait fait une réduction pour piano à quatre mains de Harold en Italie. « Je veux que ça pète », aimait-il à dire en parlant de ses œuvres. Or celles de Berlioz ne montraient-elles pas l'impétuosité qu'il recherchait ? L'intensité de la couleur orchestrale de Chabrier est en fait apparentée à celle du grand romantique. Il avait dépouillé, étudié minutieusement les partitions de Chopin et de Schumann, grâce à qui son langage s'émancipa. Ce sont, en effet, moins des leçons de style qu'il leur demandait que des raisons d'utiliser et d'élargir certaines libertés d'écriture.

Un musicien français

On remarquera que Chabrier ne s'intéressa jamais aux grandes formes musicales romantiques. Il ne fut attiré ni par la symphonie ni par aucun des nombreux aspects de la musique de chambre. Cet ami de Franck et de ses disciples ne se laissa pas distraire de sa « vocation ». Il revêtit allégrement ces habits apparemment désuets que sont la romance, les courtes pièces de piano, l'opérette, l'opéra-comique, en dépit du mépris que les partisans de la « musique de l'avenir » portaient à ces vieux modèles « périmés » dans lesquels ils voyaient une des causes de la décadence de la musique française. Ce faisant, Chabrier retrouvait l'esprit de la tradition française de nos grands clavecinistes. Franck lui-même l'avait décelé qui, après avoir écouté les Pièces pittoresques, confiait : Nous venons d'entendre quelque chose d'extraordinaire. Cette musique relie notre temps à celui de Couperin et de Rameau. » Comme eux, Chabrier avait moins cherché à construire son œuvre suivant un plan orgueilleux qu'à organiser ses sensations. Son humour énorme et délicat démystifiait la pédanterie, la vaine éloquence qui, trop souvent, se cachent derrière l'attitude sublime du romantique. S'il fut sublime, il le fut à sa manière, familièrement pourrait-on dire, avec le plus entier abandon, cherchant à préserver – et c'est ça le plus dur, disait-il – cette naïveté qu'il jugeait indispensable au véritable esprit de création. Aux mystères vagues de l'ombre, il préférait ceux, non moins profonds, de la clarté : C'est très clair, cette musique-là, écrivait-il à ses éditeurs au sujet d'une de ses œuvres, ne vous y trompez pas et ça paie comptant : c'est certainement de la musique d'aujourd'hui ou de demain, mais pas d'hier... Ce qu'il ne faut pas, c'est de la musique malade ; ils sont là quelques-uns, et des plus jeunes, qui se tourmentent tout le temps pour lâcher trois pauvres bougres d'accords altérés, toujours les mêmes, du reste ; ça ne vit pas, ça ne chante pas, ça ne pète pas.
Toutes ces préoccupations étaient aussi celles de ses amis, les peintres impressionnistes, incompris alors, dont les toiles garnissaient les murs de son appartement. Manet, auquel le lie la plus tendre des amitiés, a le même langage : « Qui nous rendra le simple et le clair ? Qui nous délivrera du tarabiscotage ? » Et Renoir s'accorde également avec lui lorsqu'il assure : « Un tableau doit être une chose aimable, joyeuse et jolie, oui jolie. Il y a assez de choses embêtantes dans la vie pour que nous n'en fabriquions pas encore d'autres. Je sais bien qu'il est difficile de faire admettre qu'une peinture puisse être de la très grande peinture en restant joyeuse. On ne prend pas au sérieux les gens qui rient. L'art en redingote, que ce soit en peinture, en musique ou en littérature, épatera toujours. » De même que ceux-ci répugnaient à une hiérarchie des genres et haussaient au grand art des motifs quotidiens ou frivoles (une serveuse de bar ou une chanteuse de café-concert), Chabrier, au mépris des catégories – « Je ne connais que la bonne et la mauvaise musique et celle d'Ambroise Thomas », aimait-il à dire –, composait de la musique sérieuse avec des opérettes, de courtes pièces pour piano et des romances. Cependant, à cette légèreté de la touche, à cette fluidité de l'écriture, à ce thème de l'eau qui inspire tant de ses œuvres, des plus courtes aux plus ambitieuses, comme Gwendoline et Briséis, et qui anticipe sur toute la musique liquide des Debussy et Ravel, se mêle un thème non moins puissant : celui de la terre.

Le passé restauré

Bien que Chabrier ait quitté sa ville natale dès sa onzième année pour Clermont-Ferrand puis Paris où il se fixera – et dont l'influence sur son œuvre est indéniable –, l'Auvergne, où depuis des générations sa famille était enracinée, revivra intensément dans sa musique et la marquera d'une forte empreinte. Lui-même présente l'aspect caractéristique des gens de sa province et son caractère indépendant, son opiniâtreté et jusqu'à sa crainte de « manquer » rappellent ses origines. Nanine, sa nounou qui veillera toujours sur lui et ne le précédera que de trois ans dans la mort, lui avait chanté, dans sa petite enfance, le riche répertoire des vieilles chansons auvergnates. La bourrée était passée en lui ; les rythmes scandés de la terre d'Auvergne formaient en quelque sorte sa respiration musicale ; il affirmait : « Je rythme ma musique avec mes sabots d'Auvergnat. » Non seulement la Bourrée fantasque mais son œuvre entière en porte témoignage, sans compter un projet de partition lyrique et chorégraphique dans laquelle il aurait souhaité faire revivre les paysans de sa province. Rythmicien audacieux, exceptionnel, l'Espagne l'attira. Il y retrouvait une polyrythmie qui le confirmait dans sa voie, et l'on sait le succès foudroyant, le violent coup de soleil, que fut la création d'España en 1883, écrite au lendemain de son voyage outre-Pyrénées et qui le rendit célèbre. Mais ce n'est pas seulement par ses rythmes que l'Auvergne devait agir sur son œuvre ; cette terre ancienne, préservée, avait conservé dans son folklore les caractères indélébiles des vieux modes dont on redécouvrait à cette époque les vertus. Les amis de Chabrier, Bourgault-Ducoudray, puis Charles Bordes dont les auditions des polyphonistes de la Renaissance revivaient sous sa baguette à la tête des chanteurs de Saint-Gervais et que l'auteur du Roi malgré lui suivait attentivement, allaient remettre en honneur des manières qu'on avait oubliées. Il reste que Chabrier, par une pente toute naturelle, « pense » modal. Ainsi conjurait-il ingénument les effets du philtre tristanesque par le « charme profond, magique, dont nous grise, dans le présent, le passé restauré ». Tandis que Wagner et ses successeurs traquent la tonalité jusque dans ses ultimes ressources, Chabrier, par l'apport de gammes modales et défectives, la fait éclater, la régénère, lui ouvrant des perspectives nouvelles vers lesquelles s'orienteront, à sa suite, tous les musiciens français.
Car enfin, son influence, pour cachée qu'elle soit, n'en est pas moins considérable. Florent Schmitt voyait justement en Chabrier « le véritable inventeur de la musique française moderne ». Il y faut ajouter l'influence exercée sur des Espagnols tels Albéniz, Granados, de Falla, sur le Russe Stravinski, sur l'Allemand Richard Strauss... Mais la malchance qui l'a poursuivi toute sa vie n'a guère abandonné l'œuvre après la mort du compositeur, survenue à Paris. Le goût des catégories, la vigueur des idées reçues n'ont pas cessé de masquer son importance. Il n'y a pas moins rhétoriqueur que Chabrier, pas moins bavard. Qu'il aborde la fresque dans une grande œuvre lyrique comme Gwendoline ou qu'il fignole une courte pièce de piano comme l'Impromptu en ut majeur, c'est toujours cette même matière travaillée, précieuse, lumineuse, ce charme profond d'une harmonie libérée des vaines contraintes, cette émancipation des timbres orchestraux, pianistiques, voire vocaux, cette ardeur du discours familier et grandiose que soulève un rythme tellurique. Comme nul avant lui ne l'avait fait, et préfigurant ainsi l'esthétique debussyste, Chabrier enrichit son œuvre de résonances extra-musicales tirées des autres arts. Roger Delage

Principales Å“uvres

Musique pour piano :
Dix Pièces pittoresques 1881
Habanera 1885
Bourrée fantasque 1891
Cinq Pièces pour piano 1897
Musique orchestrale :
España 1883
Joyeuse marche 1888
Suite pastorale 1881
Larghetto pour Cor et Orchestre 1875
Musique vocale :
Lieder
Les plus jolies chansons du pays de France, chansons du folklore arrangées 1888
Ballade des gros dindons ; Villanelle des petits canards ; Pastorale des cochons roses..., chansons de la basse-cour 1889
Opérettes :
Fisch-Ton-Kan 1873, livret de Paul Verlaine
Une Éducation manquée 1879, livret d'Eugène Leterrier et d'Albert Vanloo
Opéras :
L'Étoile 1877, livret d’Eugène Leterrier et Albert Vanloo.
Gwendoline 1886, livret de Catulle Mendès
Le Roi malgré lui 1887, livret d'Émile de Najac et Paul Burani
Briséis, ou les amants de Corinthe, œuvre inachevée 1897, livret d’Éphraïm Mikhaël et Catulle Mendès


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Posté le : 13/09/2015 19:53
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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