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Lénine 2
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Débuts en politique

Vladimir Oulianov mène à Samara une carrière d'avocat aussi brève qu'anodine. En janvier 1892, il est embauché dans le cabinet d'Andreï Khardine, un avocat ami de la famille, aux idées progressistes. Dans le cadre de son travail d'avocat, il ne plaide aucune affaire conséquente, se contentant de traiter quelques litiges entre propriétaires terriens, ou des affaires financières qui l'intéressent à titre personnel. Il continue de bénéficier du patrimoine familial : libéré du besoin de gagner réellement sa vie, il ne consacre à son métier qu'une part réduite de son temps et, dans le courant de l'année 1892, ne traite que quatorze cas. Plus tard, répondant au questionnaire rempli par les membres du Parti communiste, il indiquera que sa profession de base est celle d'écrivain. Bien plus qu'à sa profession d'avocat, il s'intéresse à l'étude de la politique et de l'économie et à sa vocation révolutionnaire naissante. Alors que la région de la Volga, en 1891-1892, est ravagée par une terrible famine, il se distingue de sa famille, mais aussi du milieu révolutionnaire russe, en montrant peu d'intérêt pour le sort des paysans : il juge à l'époque que la famine qui frappe la paysannerie russe est une conséquence inévitable du développement industriel et qu'apporter de l'aide aux paysans s'avèrerait contre-productif en retardant le développement du capitalisme russe, et par conséquent l'évolution vers le socialisme. À l'été 1893, la famille Oulianov déménage à Moscou. Vladimir, lui, profite du fait que la surveillance policière à son égard se soit relâchée pour s'installer à Saint-Pétersbourg, où il souhaite se faire un nom dans les milieux politique et intellectuel.
À l'époque, Oulianov est influencé non seulement par le marxisme orthodoxe, mais également par les idées du populiste Piotr Tkatchev 1844-1886, qui prône la prise du pouvoir par une minorité révolutionnaire. Outre son éloge des méthodes terroristes - qui influence beaucoup Narodnaïa Volia - Tkatchev critique dans ses écrits le fait qu'Engels n'ait accordé guère de foi au potentiel révolutionnaire de la Russie, en raison de l'arriération de l'économie russe. Vladimir Oulianov est particulièrement séduit par l'idée d'une révolution provoquée par une élite de militants révolutionnaires et, dès les années 1890, se montre partisan de l'usage de la terreur.
C'est en février 1894, lors d'une réunion d'un cercle de discussion marxiste de la capitale, qu'il fait la connaissance de sa future épouse, Nadejda Kroupskaïa. En mai de la même année, il publie son premier texte de quelque importance, un pamphlet contre le chef de file des populistes, intitulé Ce que sont les amis du peuple et comment ils luttent contre les sociaux-démocrates. Il y expose ses thèses sur l'inéluctabilité du développement du capitalisme en Russie et sur l'activité des sociaux-démocrates, qui doit être toute entière orientée vers la classe ouvrière à qui il convient d'inculquer les principes du socialisme scientifique. Au début de l'année 1895, il participe aux activités d'un groupe marxisant mené notamment par Pierre Struve. Ce dernier publie un recueil intitulé Documents sur la situation économique de la Russie : l'ouvrage inclut un long article écrit par Oulianov, et signé du pseudonyme Touline. À la mi-mars 1895, le ministère des affaires étrangères lève l'interdiction de voyager qui pesait sur Oulianov : il est possible que l'Okhrana, la police secrète tsariste, ait pesé sur cette décision afin de pouvoir se renseigner sur ses activités. Il en profite pour se rendre en Suisse, où il prend contact avec les milieux révolutionnaires russes en exil, faisant connaissance des théoriciens marxistes Pavel Axelrod et Gueorgui Plekhanov, cofondateurs de Libération du Travail, le premier groupe marxiste russe. Plekhanov et Oulianov sont en désaccord quant à l'opportunité de s'allier avec les libéraux contre l'autocratie - une idée rejetée par Oulianov - mais projettent de publier ensemble une revue marxiste en langue russe ; le jeune militant révolutionnaire professe alors pour Plekhanov une grande admiration, qu'il va jusqu'à exprimer en des termes presque amoureux. Oulianov voyage ensuite en France, où il rencontre Paul Lafargue, gendre de Marx, et Jules Guesde. À Berlin, il s'entretient avec Wilhelm Liebknecht. Il rentre en Russie avec des livres marxistes interdits cachés dans un double-fond de sa valise.
De retour à Saint-Pétersbourg, Vladimir Oulianov s'emploie, en liaison avec Libération du travail et aidé de plusieurs camarades, à fonder la revue marxiste qu'il avait évoquée avec Plekhanov, et qui doit s'appeler Rabotnik Travailleur. Lui et ses compagnons n'envisagent dans un premier temps que d'éditer des textes politiques ; mais Oulianov fait à l'époque la connaissance de Julius Martov, jeune intellectuel juif qui vient de fonder son propre groupe de discussion marxiste, et avec qui il se lie bientôt d'amitié. Martov insiste pour que les militants marxistes agissent sur le terrain de manière concrète plutôt que de se borner à un travail intellectuel. Oulianov est convaincu par Martov ; ils fondent un groupe politique baptisé Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière. Le groupe, strictement hiérarchisé et auquel n'appartient aucun ouvrier, compte dix-sept membres et cinq suppléants. Oulianov, âgé alors de 25 ans - mais à qui sa calvitie précoce et son allure sérieuse valent d'être surnommé le vieux et confèrent une certaine autorité auprès des autres jeunes militants - est responsable de toutes les publications du mouvement.
En novembre 1895, Oulianov s'écarte du domaine de la production intellectuelle pour aborder celui de l'action politique : il rédige un tract de soutien à des ouvriers en grève, rencontre des dirigeants grévistes et écrit une longue brochure sur la condition ouvrière, dont mille exemplaires sont imprimés clandestinement. L'Okhrana, qui observe ses activités depuis un certain temps, décide cette fois d'agir à son encontre : le 9 décembre, il est arrêté par la police et placé en détention provisoire. Martov est arrêté le mois suivant. Oulianov profite de sa détention pour avancer dans la rédaction d'un traité sur le développement économique de la Russie. Sa sœur Anna et leur mère quittent Moscou pour s'installer à Saint-Pétersbourg et peuvent lui rendre régulièrement visite, en lui apportant de quoi lire et écrire. Le 29 janvier 1897, il est condamné, comme la plupart des membres arrêtés de l'Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière, à trois ans d'exil administratif à l'Est de la Sibérie. Deux autres membres de sa famille sont également condamnés pour activités révolutionnaires : son frère Dmitri est chassé de l'université et exilé à Toula, tandis que sa sœur Maria est envoyée à Nijni Novgorod. Leur mère obtient finalement que Dmitri et Maria soient réunis à Podolsk, dans une maison louée par la famille.

Déportation en Sibérie

Départ pour la Sibérie et mariage Nadejda Kroupskaïa, épouse de Lénine.

En compagnie d'autres camarades exilés, Oulianov voyage en train à travers la Sibérie, sans savoir quel sera son lieu définitif de relégation. Du fait des conditions climatiques, ils stationnent durant deux mois à Krasnoïarsk. En avril, Oulianov apprend que son lieu de déportation sera le village de Chouchenskoïé, dans le district de Minoussinsk. Grâce à une demande de sa mère qui avait plaidé la santé médiocre de son fils, il bénéficie d'une relégation dans un lieu au climat agréable. Oulianov correspond avec les autres exilés, prodiguant des encouragements à ceux qui, comme Martov, sont relégués dans des localités moins hospitalières. Nadejda Kroupskaïa quant à elle, est déportée à Oufa. Elle s'occupe néanmoins de garantir à Oulianov des sources de revenus : d'abord en négociant avec un éditeur la publication d'un recueil de textes de son ami, sous le titre Études économiques ; ensuite en lui trouvant un travail qui consiste à traduire en russe des textes de Sidney et Beatrice Webb. Oulianov et Kroupskaïa, qui ont déclaré être « fiancés », demandent à être réunis. Les autorités accèdent à leur demande et, en mai 1898, Nadedja rejoint Oulianov à Chouchenskoïé, accompagnée de sa mère. Le couple se marie le 10 juillet, au cours d'une cérémonie religieuse, le mariage civil n'existant pas à l'époque en Russie.

Activités politiques en déportation

Les conditions de déportation d'Oulianov et de son épouse sont plutôt confortables : hormis la nécessité de vivre à l'endroit où ils ont été assignés à résidence, le couple dispose d'une grande liberté de mouvement dans un rayon non négligeable, et peut rendre visite aux exilés du voisinage, et organiser des parties de chasse ou de pêche. Les exilés politiques ne peuvent quitter la Sibérie, mais sont libres d'y vivre à leur guise et de voir qui ils souhaitent. Vladimir Oulianov peut écrire durant son exil, et publie dans la presse des articles et des critiques de livres économiques, qui lui sont payés 150 roubles en moyenne. Il rédige le livre Le Développement du capitalisme en Russie et, par l'intermédiaire de sa sœur Anna, trouve à Saint-Pétersbourg un éditeur spécialisé dans les textes marxistes. Dans cet ouvrage qui analyse la situation économique de l'Empire russe - et qu'il signe, pour échapper à la vigilance des censeurs, du nom de Vladimir Iline qu'il avait déjà employé pour Études économiques - Oulianov reprend les analyses de Plekhanov ; il s'écarte cependant de ce dernier pour avancer la thèse que le capitalisme est, en Russie, parvenu à un stade relativement avancé de développement, la paysannerie étant divisée en prolétaires agricoles et en koulaks - ou paysans riches - qui tiennent le rôle de la bourgeoisie. Oulianov s'appuie sur son analyse pour démontrer que, du fait du stade de développement du capitalisme en Russie, l'évolution vers le socialisme se situe dans une perspective nettement moins lointaine que ne le croient en général les marxistes russes : il est donc possible d'envisager une situation révolutionnaire et le renversement de la dynastie Romanov.
Oulianov continue par ailleurs de se tenir informé de la vie politique en Europe ; dans le cadre de la querelle réformiste allemande, il se montre particulièrement hostile au révisionnisme d'Eduard Bernstein, qui préconise un abandon des aspirations révolutionnaires par le mouvement socialiste. Alors très influencé par les écrits du théoricien Karl Kautsky, Oulianov prend comme ce dernier le parti de l'orthodoxie marxiste. Alors qu'il se languit de retourner à la politique active, il profite de son assignation à résidence pour parfaire ses connaissances en matière de pensée économique et politique. Le Parti ouvrier social-démocrate de Russie POSDR est fondé en mars 1898, durant l'exil d'Oulianov : le parti est immédiatement victime de la répression, et quasiment démantelé dès sa naissance. Depuis sa résidence forcée en Sibérie, Oulianov s'emploie à rédiger un projet de programme du parti qui, réduit à des cercles isolés, est alors à reconstruire.
En janvier 1900, il est informé que sa déportation en Sibérie va prendre fin ; il demeure néanmoins provisoirement interdit de séjour à Saint-Pétersbourg, Moscou, ou tout autre ville disposant d'une université ou d'une importante activité industrielle. Krouspkaïa et lui sont provisoirement séparés : elle achève son temps d'exil à Oufa, où il n'a pas le droit de s'installer, tandis qu'il rejoint sa mère et sa sœur Anna à Podolsk. Durant la dernière année de son exil, Oulianov s'emploie à préparer un plan d'action : il vise à fonder un journal politique d'envergure nationale, ce qui constituera une première étape pour rassembler les groupes locaux épars en un seul mouvement révolutionnaire, à l'échelle de la Russie. Ce projet ne lui semble pourtant pouvoir être mené qu'à l'étranger : il demande alors l'autorisation de partir à l'étranger. Le 15 mai 1900, les autorités tsaristes, qui jugent que l'exil hors de Russie condamne les opposants à l'inefficacité, accèdent à sa demande. En juillet, il prend le chemin de la Suisse.

Première période d'exil à l'étranger

Bolcheviks et Iskra.Travaux doctrinaux

Arrivé à Zurich, Oulianov est accueilli par des membres de Libération du Travail et renoue notamment avec Pavel Axelrod. Il vise à organiser un second congrès du Parti ouvrier social-démocrate de Russie pour reformer celui-ci et envisage, à cet effet, de créer un journal qui servira à coordonner l'action du parti et à y imposer la ligne marxiste définie par Plekhanov. À ses yeux, l'Allemagne est le pays le plus adapté pour y implanter la rédaction du journal - à laquelle il escompte que participeront, outre Plekhanov, Axelrod et Véra Zassoulitch, ses amis Alexandre Potressov et Julius Martov. Mais Plekhanov exige d'avoir la haute main sur le contenu du journal, que les jeunes militants espéraient contrôler. Les négociations avec Plekhanov sont difficiles, et Oulianov vit très mal ce conflit avec le théoricien marxiste qui était jusque-là l'une de ses idoles. Après un accord de principe, Oulianov et Potressov quittent Zurich pour Munich, où ils comptent trouver un imprimeur et organiser le réseau de soutiens financiers nécessaires pour monter le journal. En décembre sort le premier numéro du journal, baptisé Iskra L'Étincelle et dont les exemplaires sont acheminés clandestinement en Russie par des messagers, via un circuit compliqué. Iskra, dont une douzaine de numéros seulement sont tirés en 1901, propose un contenu marxiste érudit, destiné à un public de militants révolutionnaires très au fait des questions politiques. Dans un le premier numéro, Lénine insiste sur la nécessité de constituer un parti révolutionnaire rassemblant tout ce que la Russie compte de vivant et d'honnête afin de faire sortir le pays de l' asiatisme- l'Asie étant alors associée à un despotisme brutal et arriéré. Le journal fait figure, à ses débuts, de comité central du POSDR. Nadejda Kroupskaïa rejoint son mari en Allemagne le 1er avril 1901 ; sa mère arrive elle aussi à Munich le mois suivant. Kroupskaïa gère la correspondance de l'Iskra et les deux femmes s'occupent en outre de la maison, ce qui laisse à Oulianov, qui se fait appeler à Munich Herr Meyer, le temps de se consacrer à l'écriture.
Outre son travail à l'Iskra, Vladimir Oulianov, dont les premiers ouvrages n'ont pas eu le retentissement espéré dans les milieux politiques russes, rédige une brochure intitulée Que faire ?, le titre étant un hommage au roman homonyme de Nikolaï Tchernychevski. De même que Tchernychevski avait décrit l'activité des militants révolutionnaires russes, Oulianov souhaite exposer ses conceptions sur le moyen d'organiser un parti politique clandestin dans le contexte tsariste. Il signe cette brochure du nom de plume N. Lénine peut-être inspiré du fleuve sibérien Léna, qu'il avait déjà employé pour signer des lettres adressées à Plekhanov, ainsi que quelques articles. L'attention que suscite Que faire ? dans les milieux marxistes russes aboutit à ce que Lénine devienne le pseudonyme définitif d'Oulianov.
L'ouvrage est l'occasion, pour lui, de présenter ses conceptions en matière de stratégie révolutionnaire, pensées en fonction du contexte particulier de l'Empire russe. La Russie, pays européen dans son modèle économique, demeure à ses yeux plongée dans l'asiatisme sur le plan politique, l'autocratie organisant la société selon un système de « castes ». Dans ce pays encore essentiellement paysan, le développement du capitalisme est encore entravé par les structures sociales : il appartient aux révolutionnaires de donner l'impulsion historique décisive qui anéantira les institutions surannées qui entravent le développement du capitalisme, la Russie devant rattraper son retard avant de passer au socialisme.
Dans Que faire ?, Lénine plaide pour l'organisation d'un parti centralisé et discipliné, uni autour d'une stratégie clairement définie. Il se sépare des conceptions traditionnellement en vigueur dans la social-démocratie européenne en plaidant, non pas pour un parti qui regrouperait l'intelligentsia et l'ensemble de la classe ouvrière, mais pour une révolution organisée et conduite par des professionnels qui constitueraient l'avant-garde de la classe ouvrière et seraient, en Russie, les porteurs de la conscience de classe et de la théorie révolutionnaire, dont les ouvriers n'ont pas un sens inné. Les particularités politiques de la Russie risquant d'empêcher l'apparition d'une lutte des classes effective, le parti aura pour mission de la créer. Aux yeux de Lénine, le parti est le véritable créateur de la lutte des classes, et est seul à même de permettre aux intellectuels d'insuffler à la classe ouvrière les idées adéquates : il ne donne pas seulement la force, mais également la conscience au prolétariat. Dans le contexte russe, Lénine considère que le parti doit ainsi se substituer à la bourgeoisie, qui n'existe pas au sens évolué des sociétés d'Europe occidentale la Russie étant, à ses yeux, au stade de l'arriération asiatique, et tenir à sa place un rôle d'accélérateur de l'histoire. Pour organiser le parti révolutionnaire, Lénine se réfère à l'usine et à l'armée, qui imposent aux hommes la discipline, via des structures rigides ; les révolutionnaires professionnels dont est composé le parti mènent des tâches définies selon les principes de la division du travail, selon le principe d'une autorité strictement hiérarchisée et émanant du sommet. Dans sa conclusion, il prône une insurrection armée du peuple entier. Lors de sa parution, Que faire ? ne suscite guère de réactions hostiles ; Plekhanov juge que Lénine exagère les dangers du spontanéisme et d'autres marxistes trouvent exagérée son insistance sur le centralisme, mais dans l'ensemble les révolutionnaires russes sont conscients des difficultés de la lutte contre l'autocratie russe et approuvent les conceptions de Lénine quant à l'organisation du parti.
Parallèlement à l'écriture de Que faire ?, Lénine se consacre à la rédaction d'un programme pour le Parti ouvrier social-démocrate de Russie, en vue de l'organisation de son second congrès. Plekhanov ne se montre guère empressé de participer à la tâche et préfère se concentrer sur ses écrits économiques ; Lénine insiste néanmoins pour qu'il apporte son prestige personnel à la rédaction du programme. Le 1er juin 1902, après un laborieux processus de travail en commun entre ses divers rédacteurs, Iskra peut publier un programme provisoire dans son numéro 21. Lénine parvient à imposer à Plekhanov plusieurs de ses idées, notamment l'insertion du terme dictature du prolétariat, que Plekhanov avait supprimé d'une première version ; l'affirmation selon laquelle le capitalisme est déjà le mode de production dominant de la Russie impériale ; enfin, la proposition de restituer une partie de la terre aux paysans dès le renversement de la dynastie Romanov. Ce dernier point est destiné à concurrencer sur son terrain le Parti socialiste révolutionnaire, qui prône alors l'expropriation des terres au bénéfice de la paysannerie et exerce une grande influence sur l'intelligentsia et les étudiants.
Au début de l'année 1902, la surveillance de la police bavaroise se faisant trop pesante, les rédacteurs de l'Iskra décident de déménager la rédaction du journal à Londres. Lénine et Kroupskaïa arrivent en avril dans la capitale britannique ; ils s'installent dans un appartement que loue pour eux un sympathisant russe, qui se charge également de négocier pour le journal l'usage d'une imprimante. L'année suivante, le groupe décide de déménager à nouveau, et d'installer la rédaction à Genève, Martov jugeant cette ville plus pratique pour organiser une activité commune. Lénine tente en vain de s'opposer à ce nouveau déménagement, car il ne souhaite pas être à nouveau soumis à la supervision directe de Plekhanov, qui réside toujours en Suisse. Avant son départ de Londres, il rencontre pour la première fois Léon Bronstein, dit Trotski, jeune révolutionnaire russe évadé de son exil, qui ambitionne alors de rejoindre la rédaction du journal. Les préparatifs pour l'organisation du congrès du POSDR se poursuivent durant plusieurs mois, avant que Bruxelles est finalement choisi comme lieu de réunion ; Lénine s'entoure de militants de confiance - dont son frère Dmitri et sa sœur Maria - afin de bénéficier du plus grand nombre possible de délégués acquis à sa cause.

Rupture entre bolcheviks et mencheviks

Le second congrès du Parti ouvrier social-démocrate de Russie s'ouvre finalement le 30 juillet 1903. Les sociaux-démocrates russes sont d'accord quant à la nécessité de bâtir un parti puissant, pour lutter non seulement contre le tsarisme mais aussi contre la concurrence du Parti socialiste révolutionnaire : les tensions sont cependant fortes au sein de l'équipe de l'Iskra. Plekhanov, soutenu par Pavel Axelrod et Véra Zassoulitch, continue d'être contesté par Lénine, que soutiennent Martov et Potressov. Le congrès réunit des représentants de vingt-cinq organisations social-démocrates de Russie, ainsi que ceux de l'Union générale des travailleurs juifs dite Bund. Le risque, contenu dans les points du programme présenté par l'Iskra, d'une contradiction entre les libertés publiques et l'intérêt du parti, inquiète certains délégués : Lénine reçoit cependant sur ce point l'appui de Plekhanov. La véritable division du congrès a cependant lieu autour des statuts du Parti : Lénine estime que les conditions d'adhésion au Parti doivent impliquer une participation active à sa vie interne, soit la détention d'une place précise dans l'organisation hiérarchisée qu'il prône ; Martov est au contraire partisan de conditions d'adhésion plus souples. Les deux hommes s'opposent vivement au cours du congrès, Trotski soutenant pour sa part Martov. La motion de ce dernier sur les conditions d'adhésion obtient davantage de voix vingt-huit contre vingt-trois que celle de Lénine, qui connaît là son premier échec depuis son accession à la notoriété. La rupture est consommée entre les deux amis : Martov se montre inquiet devant la violence verbale et l'autoritarisme de Lénine, chez qui il ne perçoit plus que la passion du pouvoir ; Lénine, de son côté, se juge trahi. Le congrès se poursuit sur la question du rôle du Bund, qui réclame le statut d'organisation autonome au sein du POSDR. La majorité des congressistes votent contre la demande du Bund : sept délégués quittent alors la salle, cinq bundistes et deux membres de la tendance des économistes qui réclamait un statut similaire. Ce départ permet aux partisans de Lénine, battus lors du précédent vote, d'être désormais majoritaires au congrès : ils sont désormais désignés sous le nom de bolcheviks majoritaires, tandis que les partisans de Martov sont surnommés les mencheviks minoritaires. Lénine remporte une autre victoire en s'assurant du contrôle de l'Iskra, dont il obtient de faire réduire le nombre des rédacteurs à trois : le congrès vote pour Lénine, Plekhanov et Martov, mais ce dernier refuse de participer à une publication dont il pressent qu'elle sera dominée par Lénine. Le Parti est en outre réorganisé par Lénine, qui confie sa direction à deux centres d'autorité, d'une part le Comité central, installé en Russie, et d'autre part le Comité d'organisation, à savoir l'Iskra, dont les membres sont en position de force, du fait de leur exil à l'étranger à l'abri des persécutions.
La victoire de Lénine est cependant de courte durée : soutenu par Trotski, Martov attaque avec virulence la mainmise des bolcheviks sur l'Iskra. Plekhanov, quant à lui, regrette la division du Parti et plaide pour une conciliation avec les mencheviks et le retour à une équipe de rédacteurs de six membres au lieu de trois. À la fin de l'année 1903, Lénine, découragé, présente sa démission de l'Iskra et de la direction du Parti ; il écrit la brochure Un pas en avant, deux pas en arrière - La crise dans notre Parti pour présenter son point de vue sur la division du POSDR. Ses nerfs sont rudement éprouvés et il sombre un temps dans un état dépressif. Une partie de la tendance bolchevik du Parti échappe à son autorité et vise à se réconcilier avec les mencheviks ; au niveau européen, Lénine est tout aussi isolé : des sociaux-démocrates allemands prestigieux condamnent ses excès de pensée et de langage. Karl Kautsky lui ferme ainsi les colonnes du Neue Zeit dans lequel il entendait exposer son point de vue. Rosa Luxemburg dénonce également l'attitude de Lénine. Trotski, quant à lui, condamne vigoureusement les thèses de Lénine et l'accuse de ne pas préparer la dictature du prolétariat mais la dictature sur le prolétariat, où les directives du Parti primeraient sur la volonté des travailleurs.
Une fois remis à l'été 1904, Lénine s'emploie à sortir de son isolement politique en nourrissant de nouveaux projets et en attirant de nouveaux sympathisants, parmi lesquels Alexandre Bogdanov, Anatoli Lounatcharski et Leonid Krassine. Lénine réorganise ses partisans et constitue avec eux comité de la majorité, qui fait figure au sein du POSDR d'organisation parallèle destinée à lui permettre d'affronter aussi bien les mencheviks que les bolcheviks insubordonnés. Bogdanov, rentré en Russie, s'emploie à y organiser les groupes bolcheviks subordonnés au comité. Avec l'aide de ses partisans, Lénine publie en décembre 1904 le premier numéro d'un nouveau journal, V Period, dont il contrôle intégralement le contenu. Il travaille également à l'organisation d'un troisième congrès du Parti, dont la tenue est prévue à Londres au printemps 1905.
À l'approche du congrès, les chances de Lénine sont renforcées de façon inattendue quand, en Russie, la police arrête neuf des onze membres de l'instance dirigeante du Parti. Lénine est dès lors délivré de la présence de ceux qui, sur le terrain, s'opposaient à sa volonté. Le IIIe congrès s'ouvre à Londres avec des effectifs réduits, les 38 délégués présents, venus de Russie pour la plupart, étant dans leur majorité favorable aux thèses de Lénine. Les mencheviks ont fait appel à August Bebel pour jouer les médiateurs, mais Lénine repousse tout net les efforts de ce dernier. Les mencheviks réunissent alors leurs propres partisans de leur côté, à Genève. À Londres, Lénine s'appuie sur Krassine, Bogdanov et Lounatcharski, mais bénéficie également de l'appui de nouveaux venus comme Lev Kamenev. Un autre jeune militant, Alexeï Rykov, représente les militants de Russie. Lénine fait condamner par le congrès les thèses des mencheviks, qui peuvent rester membres du Parti s'ils en reconnaissent la discipline, ainsi que la légitimité du IIIe congrès. Bien que conservant le contrôle de l'Iskra, les mencheviks se trouvent dès lors marginalisés. Le congrès élit en outre un nouveau comité central, formé de Lénine, Bogdanov, Krassine et Rykov.
Malgré sa victoire apparente lors du congrès, l'autorité de Lénine sur le Parti est moins assurée qu'il n'y parait. L'Internationale ouvrière, en outre, se montre sévère à l'égard de l'attitude extrémiste des bolcheviks et préfère la position de Plekhanov, théoricien prestigieux, à celle de Lénine, qui apparaît comme un personnage brutal. À la fin du congrès, en avril 1905, le POSDR doit par ailleurs se pencher sur la situation en Russie, où la révolution a éclaté.

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Posté le : 07/11/2015 22:33
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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