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Rodolphe Topffer
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Le 31 JAnvier 1799 naît Rodolphe Töpffer ou Toepffer

Suisse, mort à 47 ans à Genève le 8 juin 1846, pédagogue, écrivain, illustrateur, politicien et auteur de bande dessinée suisse, considéré comme le créateur et le premier théoricien de cet art. IL est influencé par Wolfgang Adam Toepffer, Molière, Racine, Virgile, Tacite, Jean-Jacques Rousseau. Il a influencé Gustave Doré

En bref

Pédagogue, dessinateur, écrivain, critique d'art, Rodolphe Töpffer doit à l'essor de la bande dessinée d'avoir été redécouvert au XXe siècle. Les spécialistes du neuvième art le considèrent aujourd'hui comme l'un des pionniers des histoires en images. Né à Genève le 31 janvier 1799, il est le fils de Wolfgang-Adam Töpffer 1766-1847, artiste peintre et caricaturiste. Très tôt, le père communique au fils son admiration pour le caricaturiste anglais William Hogarth (1697-1764) ainsi que son goût pour la peinture. Un goût qui le dispute chez le jeune homme au plaisir des promenades dans la nature. À dix-neuf ans, une maladie des yeux lui interdit toute carrière de peintre ; il étudie le grec, la littérature ancienne, et s'oriente vers l'enseignement. Son mariage en 1823 lui permet, grâce à la dot de sa femme, de fonder son propre pensionnat à Genève. De 1825 à 1842, il entreprend chaque année des excursions dans les Alpes avec ses élèves, des Voyages en zigzag dont les récits sont autographiés – une variante simplifiée de la technique lithographique – à partir de 1832, puis publiés à Paris en 1844 par son cousin, le grand éditeur d'ouvrages illustrés Jacques-Julien Dubochet.
Critique d'art, collaborateur de la Bibliothèque universelle de Genève, nouvelliste et pédagogue, il est l'auteur de productions très éclectiques. De 1830 à 1843, il donne douze opuscules – dont un consacré au daguerréotype, De la plaque Daguerre (1841) – qui seront réunis sous le titre Réflexions et Menus propos d'un peintre genevois, ou Essai sur le beau dans les arts en 1848. Pour ses élèves et amis, il dessine – là est sa modernité – des « histoires en estampes » : Histoire de Monsieur Vieux-Bois (1826), Monsieur Cryptogame (1830, et dont une version adaptée par Cham paraîtra en 1845 dans L'Illustration), puis Monsieur Jabot et Monsieur Pencil (1831). La transcription de l'action en images, la représentation subjective et humoristique des faits participent à l'espace du récit (cases de tailles différentes, paroles dans l'image). Les encouragements d'un Goethe octogénaire, sollicité par un ami de Töpffer, incitent leur auteur à publier ces histoires illustrées d'un genre nouveau que sont, en 1833, Histoire de Monsieur Jabot puis, en 1837, Histoire de Monsieur Crépin et Histoire de Monsieur Vieux-Bois dont des contrefaçons circulent dès 1839 à Paris chez Aubert. En 1840 paraissent Monsieur Pencil puis Le Docteur Festus, deux histoires illustrées dont la seconde se double d'une version romancée. En 1845, l'Histoire d'Albert (par Simon de Nantua), un pamphlet politique en images, exprime les convictions conservatrices de leur auteur opposé à la révolution radicale de Genève en 1841.
Toutes ces histoires illustrées mettent en scène des personnages excentriques entraînés dans des aventures extravagantes dont l'issue est souvent apportée par un mariage. Ce répertoire de types humains ridicules évoque les « physiologies » ces petits livres au ton enjoué, illustrés et bon marché, qui s'inspirent des mœurs contemporaines et des différents types sociaux. Ils étaient très en vogue au début du XIXe siècle, sous l'influence du pasteur zürichois Johann Caspar Lavater, dont les Physiognomonische Fragmente (1775-1778) furent traduits et diffusés avec grand succès en France dès 1818-1820. Le docteur Craniôse dans l'Histoire de Monsieur Crépin caricature l'engouement pour la physiognomonie ; une critique déjà manifestée graphiquement avec la plus virulente dérision dès 1777 par Georg Lichtenberg (1742-1799), cet autre grand admirateur d'Hogarth. Dans son Essai de physiognomonie (1845) Töpffer interroge les ressorts expressifs de la caricature, manifestant là encore sa familiarité avec les œuvres de William Hogarth ; en outre, celui qui fut appelé à occuper la chaire de rhétorique et de belles-lettres générales de l'académie de Genève insiste sur le caractère conventionnel des expressions iconique et linguistique.
On doit également à Töpffer des romans et des nouvelles : La Bibliothèque de mon oncle et Le Presbytère (1832), L'Histoire de Jules (1838), Nouvelles genevoises (1841). Dès 1843, les premiers symptômes de la maladie – qui l'emportera le 8 juin 1846 – se manifestent et différentes publications seront faites à titre posthume Rosa et Gertrude, 1847 ; Réflexions et menus propos d'un peintre genevois, ou Essai sur le beau dans les arts, 1848 ; Nouveaux voyages en zigzags, 1854 ; une ultime histoire illustrée, Monsieur Trictrac, 1937.
Formé à l'école de la caricature par son père, Töpffer a trouvé un ton humoristique très personnel : ses enchaînements incongrus, ses zigzags ne sont pas seulement géographiques, ils forcent toujours plus l'imagination de ses lecteurs. Longtemps méconnu du grand public, Töpffer a exercé une influence déterminante sur Alfred Jarry, avec son très pataphysicien Docteur Faustroll (1897-1898) ; il est également un inspirateur revendiqué par Christophe dès l'épigraphe de sa Famille Fenouillard en 1889. Nelly Feuerhann

Sa vie

Rodolphe Töpffer naît dans la maison familiale dite de la « bourse française » près de la Cathédrale Saint-Pierre de Genève. Il est le fils de l'artiste peintre et caricaturiste réputé1 Wolfgang Adam Toepffer, qui lui communique le goût de la satire et de l'observation, il voyage en France : À Annecy après la restauration. Trouvant la ville à demi en ruines, il regrette qu'elle ne fût pas encore reconstruite, étant certain qu'elle fournirait de « très agréables séjours aux étrangers », au vu de ses atouts.
En 1816, Adam Toepffer suit en Angleterre un riche admirateur de ses œuvres et confie la responsabilité de la famille à Rodolphe. C'est à ce moment que celui-ci découvre son affection oculaire. Il se rend alors à Paris plusieurs mois à partir d'octobre 1819 pour y suivre un nouveau traitement et où il continue ses études littéraires et y fréquente les milieux artistiquesSa vie. Il rend aussi souvent visite à la famille Dubochet dont son cousin Jacques-Julien sera son éditeur parisien3. En août 1820, de retour à Genève, ne pouvant suivre la même carrière artistique que son père, il décide alors de se consacrer à la littérature. Il devient sous-maître de latin, de grec et de littérature ancienne dans la pension du pasteur Heyer.
Il se marie le 6 novembre 1823 avec une amie de sa sœur Ninette, Anne-Françoise Moulinié 1801 — 1857, de laquelle il a quatre enfants : Adèle-Françoise (1827 — 1910), dernière descendante directe, elle lègue à la ville de Genève l'ensemble des manuscrits de son père, François 1830 — 1870, Jean-Charles 1832 — 1905 et Françoise-Esther 1839 — 1909.
La forte dot de sa femme, surnommée Kity, lui permet d'ouvrir à Genève, dans la maison de la place Maurice sur la promenade Saint-Antoine, un pensionnat de jeunes garçons en majorité étrangers2, auquel il se consacre jusqu'à sa mort en 1846. « Nos pensionnats ne sont pas des lycées ; on y vit en famille. J'ai composé pour le divertissement de mes élèves une douzaine de comédies. J'ai écrit pour le même objet la relation illustrée et annuelle de chacune des excursions que j'ai faites avec eux dans nos cantons, aux Alpes et sur le revers italien des Alpes. C'est aussi à leur grand plaisir que, durant les soirées d'hiver, j'ai composé et dessiné sous leurs yeux ces histoires folles, mêlées d'un grain de sérieux, qui étaient destinées à un succès que j'étais bien loin de prévoir. écrit-il à Sainte-Beuve.
Durant les années 1830 et 1840, il écrit différents ouvrages et acquiert une certaine réputation dans le milieu intellectuel genevois ; il partage son temps entre ses élèves et les cénacles littéraires de la ville. À partir de 1832, il donne des cours de « Rhétorique et de Belles Lettres à l'Académie de Genève. Éloigné de l'effervescence littéraire parisienne, Töpffer n'a de reconnaissance que tardive.Sainte-Beuve lui consacre un de ses Portraits dans la Revue des deux Mondes du 15 mars 1841.
En 1834, Töpffer devient membre conservateur du parlement du canton de Genève et en 1842 il est polémiste et écrit dans un journal ultra-conservateur où il s'oppose aux volontés de réformes libérales de James Fazy.
À partir de 1843, sa santé se dégrade de plus en plus et il est contraint de renoncer à l'enseignement en mars 1845. Il s'installe à Cronay dans la maison familiale de sa femme reçue en héritage. Ses médecins l'envoient en cure aux bains de Lavey et ensuite à Vichy après la découverte d'une grave maladie hépatique, peut être une hypertrophie de la rate. Il décède à Genève dans sa maison de la cour Saint-Pierre en 1846.

Le pédagogue

Page de titre du Voyage de 1840 autographiée par Töpffer
Depuis le temps de la pension Heyer, Töpffer a pris l'habitude d'organiser des excursions. Bientôt dans sa propre institution, il emmène ses pensionnaires en « course d'école » une ou deux fois l'an.
Ce sont de plus grands voyages d'études, souvent à pieds, avec sa femme Kity qui voyage pour le soulagement des blessés, et l'agrément de ceux qui se portent bien. Elle porte un voile vert, et une petite pharmacie dans son sac. Au retour, il écrit et illustre le récit de ses excursions, d'abord manuscrit et à partir de 1832, sous la forme d'album autographié.
Ses récits de voyages seront au moins aussi importants que le reste de son œuvre littéraire, repris et remaniés par Töpffer ces récits donnent la matière pour deux nouveaux récits de voyage les Voyages en zigzag publiés à Paris en 1844 et les Nouveaux voyages en zig-zag publiés à titre posthume en 1854. Ils sont admirés au même titre que sa littérature en estampes par Goethe.
Il confie l'enseignement du dessin, au sein de son établissement, à son père.

L'écrivain

Töpffer est influencé par Molière, Racine, Virgile, Tacite et surtout, par les idées de Jean-Jacques Rousseau5. En 1824, sa première œuvre est écrite en grec, Harangues politiques de Démosthène et en 1826, il publie anonymement sa première critique d'art sur une exposition du musée Rath de Genève. En 1841, la réputation littéraire de Töpffer est établie par la parution des Nouvelles genevoises chez Charpentier éditeur à Paris. La consécration vient avec l'étude critique que Sainte-Beuve fait paraître sur Töpffer dans la Revue des Deux Mondes.
Ces « littératures en estampes, que Töpffer appelle histoires en estampes créées de 1827 à sa mort sont au nombre de sept plus une posthume et quatre non-publiées6 qui rencontrent dès l'époque un grand succès. En 1842, il fait paraître une notice sur les essais d'autographie, technique qu'il préfère à la lithographie pour réaliser ses ouvrages de bandes dessinées et en 1845, s'intéressant dans son Essai de physiognomonie à l'originalité de ce qu'il appelle la littérature en estampes, il écrit le premier ouvrage théorique sur la bande dessinée.
Parallèlement à ses créations littéraires, Töpffer écrit sa première pièce L'Artiste et la fait jouer par Kity et une troupe de ses pensionnaires le 12 février 1829. Il en écrit plusieurs autres qui sont jouées pour l'édification de ses élèves. Jamais Töpffer n'accepta de laisser publier ses pièces de son vivant et il en aurait été de même de ses « littératures en estampes » sans les encouragements de Goethe.

L'homme politique

Töpffer a des opinions très conservatrices à la différence de son père qui défend des idées libérales. En 1834, Rodolphe Töpffer est membre conservateur du parlement du canton de Genève, responsabilité qu’il quitte en 1841 à la suite d'un premier succès des libéraux. Ensuite en 1842, il devient polémiste dans le Courrier de Genève Je voudrais avoir dix bras, dix plumes, dix journaux, et surtout deux bons yeux, pour faire une guerre que j’estime être au fond celle de l’honnêteté contre le vice car, s’il ne s’agissait ici que d’intérêt, de ce qu’on appelle vulgairement politique, je n’aurais pas, j’en suis sûr, d’idées de quoi écrire une ligne écrit-il à de La Rive du 20 septembre 1842. Le Courrier de Genève est suspendu le 22 mars 1843.
Il continue à lutter avec ses amis de l'Académie contre la bourgeoisie libérale, dont fait partie son père, et le Volkstribun James Fazy qui tentent de supprimer définitivement le vieux système de patricien du canton de Genève.
C'est sous le nom de Simon de Nantua9 que Töpffer continue sa lutte en littérature en estampes en dessinant Histoire d'Albert dans laquelle il caricature son adversaire politique James Fazy sous les traits d'Albert. C'est aussi la première fois qu'une bande dessinée est utilisée en politique.
Cette lutte se termine par la victoire des libéraux lors de la révolution de 1846, année de la mort de Töpffer.

L'inventeur de la bande dessinée

La notion d'inventeur de la bande dessinée est controversée, un art n'étant pas un procédé technique. Cependant, le caractère inédit des histoires en images que Töpffer commence à créer en 1827, cette nouvelle manière d'articuler texte et images montées en séquences, et surtout la perception par l'auteur qu'il faisait quelque chose de nouveau, le pressentiment qu'il avait que d'autres personnes utiliseraient ce mode d'expression inédit le font généralement considérer comme le premier auteur de bande dessinée occidental.
Bien que très influencé dans sa mise en scène par le théâtre les personnages sont généralement représentés de plain-pied, comme face à un public, et par le roman dans ses textes qui articulent les vignettes, les histoires de Töpffer ne sont pas de simples romans illustrés car les composants de la narration verbo-iconique sont indissociables : Sans le dessin, le texte n'aurait pas de sens, mais ce dernier aide à mieux faciliter la compréhension de l'histoire. Loin d'être simple juxtaposition de textes avec des images, elles sont donc intéressantes de par leur caractère mixte narration-illustration, ce qui suffit à les caractériser comme bandes dessinées, bien que la narration soit encore fortement assujettie au texte.
La bande dessinée est souvent vue comme un art à la croisée de l’écriture littéraire et de l’écriture graphique11. C’est la vision de l’inventeur de la bande dessinée que décrit Töpffer dans la préface de L'Histoire de Monsieur Jabot : Ce petit livre est d’une nature mixte. Il se compose de dessins autographiés au trait. Chacun des dessins est accompagné d'une ou deux lignes de texte. Les dessins, sans le texte, n’auraient qu’une signification obscure ; le texte, sans les dessins, ne signifierait rien. Le tout ensemble forme une sorte de roman d’autant plus original qu’il ne ressemble pas mieux à un roman qu’à autre chose.

Un satiriste

Histoire de Monsieur Cryptogame
Dans l'article qu'il consacre en 1990 à Töpffer, Thierry Groensteen évoque à propos des huit héros de ses histoires une « typologie du ridicule. Dans la tradition des grands satiristes de Juvénal à Boileau, Töpffer prend plaisir à observer les hommes pour mieux faire ressortir leurs défauts. De tout temps mon père et moi avons fréquenté les places publiques, les carrefours ; ... c'est le penchant de tous ceux qui, aimant à observer leurs semblables, se plaisent à les rencontrer nombreux, en rapport les uns avec les autres, et livrant à un observateur qu'ils ne remarquent point, dont ils ne se défient pas, le secret de leurs motifs, de leurs sentiments ou de leurs passions.
Histoire de monsieur Jabot 1833, dessinée en 1831, inspirée par Le Bourgeois gentilhomme, met en scène « une sorte de bouffon sot et vaniteux qui, pour s'introduire dans le beau monde, en singe maladroitement les manières. Dans Histoire de monsieur Crépin 1837, dessinée en 1827, Töpffer se moque de la pédagogie à système, faisant défiler des précepteurs inefficaces dont les méthodes sont toujours basées sur un principe unique. La succession des maîtres se double d'une progression vers l'absurde, le dernier pédagogue présentant un système d'éducation basé sur le nombre de bosses présentes sur le crâne des enfants. Les Amours de monsieur Vieux Bois 1837, dessinée vers 1827 est une variation sur le thème de l'amoureux éconduit ; Monsieur Pencil (1840) sur l'aveuglement des artistes, savants et hommes politiques imbus d'eux-mêmes.

planche 24 de l'Histoire d'Albert

« Histoire d'Albert » 1845, dessinée en 1844, directement dirigée contre James Fazy, fondateur du Parti Radical, est la seule histoire de Töpffer faisant référence au contexte politique de l'époque ; Albert est un dilettante s'enrichissant en fondant un journal qui met Genève à feu et à sang. Töpffer a publié cette histoire autographique sous le nom de Simon de Nantua. Les clefs d'interprétation sont transparentes : Simon, l'exact contraire d'Albert, croise celui-ci à la planche où il tente de le remettre dans le droit chemin. Ses deux autres bandes dessinées publiées de son vivant, moins satiriques, présentent toujours des personnages ridicules : Docteur Festus 1840, dessinée en 1829 présente le voyage à dos de mulet accompli par un professeur à des fins d'instruction, prétexte à une succession d'aventures rocambolesques, tandis qu’Histoire de monsieur Cryptogame 1846, dessinée en 1830 lui permet de mettre de nouveau en scène des amours contrariées. Monsieur Trictrac (publiée en 1937 mais réalisée en 1830 est une charge contre le corps médical, qui reconnaît Trictrac particulièrement changé dans les diverses personnes qui ont pris sa place alors qu'il est parti à la recherche des sources du Nil.
Ses cibles favorites, les forces de l'ordre et les savants16 étaient déjà très prisées des caricaturistes : L'utilisation de l'archétype permet à Töpffer de créer des histoires peu vraisemblables, et d'autant plus plaisantes. Son comique, basé sur l'accumulation, la gradation vers l'absurde, liées à un rythme narratif très élevé, et surtout l'erreur d'interprétation des signes, se rattache à la comédie classique. Si les moyens sont classiques, ils sont cependant rénovés par leur application à un nouvel art : le mélange de la séquentialité à un dessin très caricatural et lâche permet d'augmenter une impression d'incohérence. Les audaces de mise en page, témoignant de la grande aisance de Töpffer avec un art qu'il vient pourtant de créer, permettent à l'auteur de créer un humour propre à la bande dessinée, comme en témoigne la 24e planche d’Albert.

Succès, plagiat, influence

Monsieur Cryptogame autographié par Töpffer à gauche et xylographié par Cham à droite
Dès les premières versions manuscrites de ses bandes dessinées, pourtant encore hésitantes, celles-ci rencontrent un grand succès : Goethe déclare : « C'est vraiment trop drôle ! C'est étincelant de verve et d'esprit ! Quelques-unes de ces pages sont incomparables. S'il choisissait, à l'avenir, un sujet un peu moins frivole et devenait encore plus concis, il ferait des choses qui dépasseraient l'imagination. »
Ses manuscrits redessinés avec soin pour être édités en albums, tirés à 500 exemplaires à partir de 1833 par les éditions suisses Cherbuliez, sont régulièrement réédités du vivant de Töpffer, et très vite, sont contrefaits : les éditions parisiennes Aubert, de Charles Philipon propriétaire de Charivari, publient des Jabot, Crépin et Vieux Bois maladroitement redessinés dès 1839. Cham, ayant Aubert comme éditeur, fait paraître la même année ses premières bandes dessinées, Histoire de Mr Lajaunisse et Histoire de Mr Lamélasse, directement inspirées de Töpffer. C'est ce même Cham, qui à la demande du cousin de Töpffer, Jacques-Julien Dubochet, et éditeur de L'Illustration, le premier magazine français d'actualité totalement illustré, grave les bois pour la prépublication du 25 janvier au 19 avril 1845 de l’Histoire de monsieur Cryptogame. Il faut attendre 1860 pour que paraissent en France des éditions correctes, scrupuleusement redessinées par François Töpffer, son fils, chez Garnier Frères, qui ont une influence déterminante sur les grands auteurs de la fin du XIXe siècle, comme Christophe. En Allemagne, une édition bilingue comprenant six titres est publiée en 1846, élogieusement préfacée par Friedrich Theodor Vischer, revitalisant l'histoire illustrée allemande, incarnée alors par Struwwelpeter d'Heinrich Hoffmann, 1845, et donnant l'idée de faire de la bande dessinée à des auteurs locaux comme Adolph Schrödter qui dessine en 1849 Herr Piepmeyer sur le scénario d'un député, Johann Detmold, directement inspiré de l'Histoire d'Albert. C'est Schrödter qui inspire à son tour Wilhelm Busch pour Max und Moritz.
À la fin de sa vie, Töpffer est très réputé et connu dans toute l'Europe : Monsieur Cryptogame est publié en 1846 en Grande-Bretagne, en Norvège, en Suède, en France, au Danemark et en Allemagne. Töpffer est traduit aux États-Unis, dès 1842, dans un supplément de "Brother Jonathan" où Monsieur Vieux Bois s'appelle Obadiah Oldbuck21. Selon l'historien Robert Beerbohm qui en 2000 tombe sur un exemplaire de ce Obadiah Oldbuck, c'est la première bande dessinée éditée aux États-Unis. Cette édition est une édition pirate car elle paraît sans que Töpffer en ait connaissance. Il en va de même pour les autres œuvres de Töpffer qui sont toutes publiées ainsi. Au début du XXe siècle, Töpffer reste assez connu, comme en témoigne l'adaptation des Amours de M. Vieux Bois en dessin animé en 1920. Cependant, il est par la suite relativement oublié, la bande dessinée prenant une direction plus rigide, plus académique comme chez Christophe ou Joseph Pinchon, et n'est redécouvert que dans les années 1970.

Le premier théoricien d'un art nouveau

Essai de Physiognomonie
Critique littéraire, érudit, Töpffer a immédiatement conscience d'inventer un art nouveau. Il écrit en 1833 dans la préface de l'Histoire de monsieur Jabot : Ce petit livre est d'une nature mixte. Il se compose d'une série de dessins autographiés au trait. Chacun de ces dessins est accompagné d'une ou deux lignes de texte. Les dessins, sans ce texte, n'auraient qu'une signification obscure ; le texte, sans les dessins, ne signifierait rien. Le tout ensemble forme une sorte de roman d'autant plus original, qu'il ne ressemble pas mieux à un roman qu'à autre chose.
Töpffer, à la suite du lancement d'un concours le programme, va dès janvier et en avril 1836, livrer sur 48 pages, ses réflexions sur l'imagerie populaire pour souligner son rôle éducatif. La précocité de ses vues est particulièrement étonnante ainsi que la pertinence de ses analyses. Elles précèdent de plus de trente ans l'Histoire de l'imagerie populaire de Champfleury.
En 1842, il fait paraître une notice sur la technique de l'autographie. Ce petit volume in-8° format à l'italienne comporte 24 planches de dessins autographiés, moitié paysages moitié visages annonçant son essai de physiognomonie, pour démontrer les réelles qualités artistiques de cette technique de reproduction.
En 1845, il publie Essai de Physiognomonie, premier ouvrage théorique sur ce qui ne s'appelle alors pas encore la bande dessinée. La théorie töpfférienne se base principalement sur l'indissociabilité du texte et du dessin la bande dessinée est un genre mixte et non composite ; la facilité d'accès de la bande dessinée par rapport à la littérature, grâce à la concision et à sa clarté ; la conscience du développement futur de la bande dessinée ; la centralité du personnage dans le récit ; la nécessité d'un dessin au trait autographié spontané, par opposition au relief la gravure et à la couleur la peinture, afin de tendre au plus grand dynamisme narratif possible, d'où l'importance de la physiognomonie, et la nécessité de savoir construire des visages expressifs. Dans son Essai de physiognomonie, il prend l'exact contrepied de Johann Kaspar Lavater pour qui « la physiognomonie ou l'art de connaître les hommes » est « la science, la connaissance du rapport qui lie l'extérieur à l'intérieur, la surface visible à ce qu'elle couvre d'invisible ». Töpffer cherche dans la physiognomonie le moyen de dessiner des personnages typés exprimant clairement leur personnalité. Pour qu'une histoire en image « parle directement aux yeux », l'essentiel des évolutions narratives doit pouvoir se lire sur les faciès, indique Groensteen.

Œuvres Littérature Théâtre

L'Artiste 1829
Monsieur Briolet ou le dernier voyage d'un bourgeois
Les Grimpions
Les aventures de monsieur Croquemolle
Les Deux Amis
Les Quiproquo
Monsieur Du Sourniquet
Didon

Nouvelles, romans épistolaires et essais critiques

Harangues politiques de Démosthène 1824 écrit en grec
Réflexions et menus propos d'un peintre genevois 1830, 1er opuscule de douze
Le Presbytère 1832, rééd. 1839 roman épistolaire
La Peur 1833 nouvelle
L'Homme qui s'ennuie 1833 nouvelle
L'Héritage 1834
Élisa et Widmer 1834
La Traversée 1837
Histoire de Jules 1838, comprenant Les Deux Prisonniers 1837, La Bibliothèque de mon oncle 1832 et Henriette 1837
Nouvelles et Mélanges 1840
Docteur Festus 1840, réécriture sous forme de roman de la littérature en estampes
Monsieur Pencil 1840, réécriture sous forme de roman de la littérature en estampes
Nouvelles genevoises 1841, préface de Xavier de Maistre, éditions Jacques-Julien Dubochet, Paris ; Paris, Charpentier, 1841.
Rosa et Gertrude 1847, roman posthume
Réflexions et menus propos d'un peintre genevois, éditions Jacques-Julien Dubochet, Paris 1848, édition regroupant les douze fascicules
Essai sur le beau dans les arts, éditions Jacques-Julien Dubochet, Paris 1848

Récits de voyage

Tous les récits sont illustrés par l'auteur.

Voyage pittoresque au Grimsel Automne 1825
Voyage dans les Alpes pour les progrès des Beaux-Arts, des Sciences et de l’Industrie à Chamonix juin 1826
Voyage aquatico-historico-romantico-comico-comique dans le Nord Est jusqu’au Righi Automne 1826
Voyage autour du lac de Genève juin 1827
Voyage pittoresque, hyperbolique et hyperboréen Automne 1827
Voyage à Chamonix avec accompagnement d’orgue et passage en velu juin 1828
Voyage en Italie à la poursuite d’un passeport jusqu’à Milan Automne 1828
Pèlerinage à la Grande Chartreuse juin 1829
Voyage entre deux eaux jusqu’au Righi Automne 1829
Voyage à Chamonix sous les hospices de St-Médard juin 1830
Voyage à Turin Automne 1830
Voyage à Lugano (uin 1831
Excursion dans les Alpes(Automne 1832, le premier voyage lithographié.
Voyage à la Grande Chartreuse juin 1833
Voyage à Milan Automne 1833
Voyage à Gênes Automne 1834
Voyage à Chamonix juin 1835
Excursion dans l'Oberland bernois Automne 1835
Voyage en zigzag par monts et par vaux,ou excursions d'un pensionnat en vacances dans les cantons suisses et sur le versant italien des Alpes jusqu’à Einsiedeln Été 1836
Le col d'Anterne 1836- in Nouvelles genevoises
Le lac de Gers 1837 - in Nouvelles genevoises
La vallée du Trient 1837 - in Nouvelles genevoises
Voyage aux Alpes et en Italie jusqu’à Milan Été 1837
Second voyage en zig-zag jusqu’à Coire Été 1838
Le Grand Saint-Bernard 1839 - in Nouvelles genevoises
Voyage de 1839 : Milan, Côme, Splugen Été 1839
Voyage de 1840 jusqu’au Righi Été 1840
Tour du lac avril 1841
Voyage à Venise Été 1841
Voyage autour du Mont Blanc jusqu’à Zermatt Été 1842, c'est son dernier voyage avec ses élèves.
Derniers voyages en zigzag I, Lausanne,
Derniers voyages en zigzag II, Lausanne,

Bandes dessinées

Le recensement des « littératures en estampes » est l'œuvre de Thierry Groensteen31.

Bandes dessinées publiées

Publication Titre Création
1833 Histoire de monsieur Jabot 1831
1837 Les Amours de monsieur Vieux Bois 1827
1837 Histoire de monsieur Crepin 1837 environ
1840 Docteur Festus 1829
1840 Monsieur Pencil 1831
1845 Histoire d'Albert 1844
184632 Histoire de monsieur Cryptogame 1830
193733 Monsieur Trictrac 1830
Les Histoires en images, préfacées par François Caradec ont été éditées en un volume par Pierre Horay en 1975.
L'édition actuelle la plus accessible est celle en trois volumes réalisée en 1996 par les éditions du Seuil.

Bandes dessinées non publiées

Histoire de monsieur Fluet et de ses quinze filles (dessinée avant 1837) 4 planches, 24 dessins
Histoire de monsieur Vertpré et de mademoiselle d'Espagnac dessinée entre 1830 et 1840 4 planches, 26 dessins
Histoire de monsieur de Boissec, 5 planches
Monsieur Calicot 11 dessins



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Posté le : 29/01/2016 22:44

Edité par Loriane sur 30-01-2016 17:18:10
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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