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MaxJacob 1
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Le 5 mars 1944 à 67 ans meurt Max Jacob

à Drancy en Seine-Saint-Denis, poète surréaliste et romancier, essayiste, peintre français de la première moitié du XXe siècle. Conçues dans l'intimité d'Apollinaire et Picasso, la simplicité et la profusion de son vers libre inscrivent irrévocablement la poésie française dans l'art moderne. Son œuvre d'essayiste et d'épistolier est la source d'un mouvement littéraire qui ne renie pas son héritage symboliste, l'école de Rochefort.Il a aussi pour pseudo Léon David et Morven le Gaëlique Chantre d'une littérature cubiste où l'humour, seule libération possible du dérisoire et du tragique du monde avant tout engagement, la métonymie, l'allitération, le calembour, l'allusion, l'ellipse, l'antithèse démultiplient les masques signifiants, Max Jacob illustre un art poétique où l'art sans art tend à s'effacer devant la révélation mystique, la transfiguration de l'être le plus quotidien et son indicible. Esthéticien du poème en prose qui a beaucoup versifier, il a dépouillé le vers mallarméen de sa préciosité en lui donnant la vigueur de la fantaisie enfantine. Si dans le prolongement de la théorie des correspondances, il a transgressé les disciplines et les genres, en se faisant peintre, librettiste et parolier, il demeure avant tout un écrivain dont la légèreté cache une foi candide et anxieuse à l'écoute des mystères occultes. Ses Œuvres principales sont en 1916 : Le Cornet à dés, en 1921 : Le Laboratoire central, en 1923 : Filibuth ou la Montre en or. Il est fait chevalier de la Légion d'honneur
Né en 1876 à Quimper Corentin dans une famille juive voltairienne et non pratiquante, Max Jacob se convertit en 1915 au catholicisme après avoir eu plusieurs visions tout en continuant à animer l'avant-garde montmartroise et montparnassienne mais à partir de 1936 mène à Saint-Benoît-sur-Loire la vie monacale d'un oblat séculier rattaché à l'abbaye de Fleury. Ses origines juives lui valent, six mois avant la Libération de Paris, d'être arrêté par l'occupant pour être déporté à Auschwitz. Interné par la gendarmerie française au camp de Drancy, il y meurt en cinq jours en mars 1944.


En bref

Personnage insolite de la génération qui, dans les débuts de ce siècle, a inventé une sensibilité nouvelle, Max Jacob est connu surtout comme recréateur du poème en prose : or, cela ne va pas sans injustice contre le reste de son œuvre poétique et romancière. On a peint souvent du dehors le personnage, fauteur et conteur d'anecdotes, commère, mystique, astrologue, en veste de garçon boucher et monocle, bavard montmartrois, solitaire, épistolier infatigable ; au physique, il s'accordait une vague ressemblance avec Baudelaire ou Marcel Schwob ; de toute façon, un personnage qui, du Bateau-Lavoir à Saint-Benoît, fait à jamais partie, entre ses amis – Picasso, Salmon, Apollinaire... – du tableau des arts et de la littérature en France dans la première moitié du XXe siècle.
Né à Quimper, où il fait de brillantes études, Max Jacob entre à l'École coloniale de Paris, l'abandonne deux ans plus tard, se risque à la critique d'art, veut être peintre, rencontre Pablo Picasso, André Salmon et Guillaume Apollinaire, publie des contes pour enfants – Histoire du roi Kaboul Ier et du marmiton Gauvain (1903), Le Géant du Soleil 1904 –, campe dans la misère à bord du Bateau-Lavoir, au 7, rue Ravignan, a une première vision du Christ en 1909, écrit des ouvrages d'inspiration religieuse – Saint Matorel 1911, Œuvres burlesques et mystiques du frère Matorel 1912 –, réussit à se faire baptiser en 1915, après une seconde vision du Christ, édite à compte d'auteur Le Cornet à dés, en 1917. Désormais, le rythme de ses productions – gouaches, dessins, poèmes, romans, méditations, fantaisies – s'accélère ; il se retire à Saint-Benoît-sur-Loire de 1921 à 1928, vit à Paris de 1928 à 1937, revient à Saint-Benoît où il est arrêté par la Gestapo, comme Juif, le 24 février 1944, et meurt, quelques jours après, le 5 mars, à Drancy.
Du dedans L'œuvre de Max Jacob est une œuvre d'un bout à l'autre poétique où l'on passe de prosodie régulière à presque régulière, à libre, au poème en prose, au roman mêlé de vers La Défense de Tartufe, 1919, au roman ; où le style colloquial – du blagueur, de l'épistolier, du méditatif, du mondain – anime, en se diversifiant, tous les ouvrages ; où l'anecdote-éclair de certains poèmes en prose se développe ailleurs en aventures romanesques ; où le menu peuple du poète reparaît, parfois au milieu des mêmes décors Quimper ou la rue Gabrielle, dans les péripéties du Terrain Bouchaballe 1922, de Filibuth ou la Montre en or (1922), de L'Homme de chair et l'homme reflet 1924, dans la galerie de caractères du Cinématoma 1920, du Tableau de la bourgeoisie 1930, dans les lettres imaginaires du Cabinet noir 1922, semi-inventées des Conseils à un jeune poète 1945, ou réellement envoyées, etc. Mais placer une œuvre sous le signe du poétique ne signifie-t-il pas qu'elle l'emporte par ses poèmes ? Sans doute. Seul, peut-être, A. Thibaudet a estimé que Max Jacob avait mieux réussi dans le roman. L'avenir en décidera.
Le poète en prose. Parmi les recueils de poèmes, Le Cornet à dés est, de beaucoup, le plus célèbre, et cela ne va pas sans injustice à l'égard de recueils comme Le Laboratoire central 1921 et tous ceux que l'on a réunis sous le titre de Ballades (1970). Cette célébrité est due à une génération, celle de 1920, qui se sentait encore proche de ce que l'on a appelé le cubisme littéraire ou l'esprit moderne, et qui allait connaître le surréalisme. Plus durablement, le Cornet doit son privilège à son originalité en un genre où il paraissait difficile de faire du nouveau. Le genre, depuis Fénelon, restait voué à une manière d'écrire poétisante, esthète, cultivée, ciselée, ou se répandant en volutes harmonieuses ; et voici, soudain, le poème « écrit au ras du sol » (Michel Leiris) dans la langue de chaque jour, mais nourri de prose classique, musical et cocasse, concertant et déconcertant, avec la maîtrise parfaite du jongleur où la difficulté paraît aller de soi ; et, très bref, ce poème, découpé dans le silence d'on ne sait quel sommeil, condensait en ses jeux de mots, par des relations internes rigoureuses se dérobant à l'analyse, les images les plus disparates, collages géométriques de Picasso ou onirisants de Max Ernst, avec, en arrière-fond, les petites forêts de Quimper, la famille provinciale, les silhouettes du vieux curé, de la concierge, du marin, du modeste employé, se révélait une modernité qui n'était plus celle que cherchait à capter Baudelaire sous le second Empire, mais celle des premiers aéroplanes.
Points caractéristiques .Pour en revenir à l'ensemble de l'œuvre, il serait sans doute possible de la cadrer par quatre éléments caractéristiques, composant un carré dont les critiques auront à combiner côtés et diagonales : populisme, jonglerie, onirisme, émotion. Simplifions. Qui, avant Max Jacob, a su lier aussi intimement le quotidien diurne et nocturne, la description pittoresque aux surprises du « rêve inventé » ? Est-il possible de dessiner plus vite « les japonaises habillées d'un seul trait de plume », ou de nuancer sa palette avec plus de sensibilité qu'en diffractant le rouge, par exemple, en rouge sang, écarlate, feu, vermeil, vinaigre, mordoré, incarnat, rose bonbon, rose-blanc, aurore pâle ? Qu'y a-t-il de plus près du poème en prose – ou du rêve –, qu'y a-t-il de plus irréel que n'importe quel passage pris au hasard dans un roman ? Par exemple : « Pourquoi chacun de ces deux messieurs était-il à Robinson ? et pourquoi n'y aurait-il pas été ? Pourquoi n'y étiez-vous pas vous-même ? M. Ballan-Goujart s'attirait sciemment la jalousie d'une jeune dame, qui buvait près d'une fenêtre, en fouettant les ânes qui passaient, et Mlle Estelle passa sur un âne. » Monologue dialogué, la prose romanesque de Max Jacob est si foisonnante, si sténographique avec ses oublis de noms, ses résistances, ses suspens, ses dérives, ses parleries où, sans cesse, l'on perd le fil qui se renoue ensuite, que la recherche d'une montre en or, la vente d'un terrain, le mariage de M. Maxime Lelong et d'Estelle, etc., ont le caractère obsédant de la dramaturgie du rêve ; et réciproquement, en poésie, le rêve est inventé ou réinventé avec tant d'exactitude qu'il passerait pour un récit de veille. C'est en poésie que triomphe la jonglerie verbale, les jeux de mots pour rire, souligner, incarner dans le son le vrai sens poétique, bref des expériences pour voir, donner à voir. Mais, en regard de cette jonglerie, il faudrait suivre l'émotion, tantôt, en sa mobilité, dans une ponctuation hérissée de points d'interrogation, d'exclamation, de suspension, de tirets et de parenthèses, tantôt, en son apaisement, dans la coulée d'une phrase ou d'un paragraphe sans virgule ou presque sans virgule : « En descendant la rue de Rennes, je mordais dans mon pain avec tant d'émotion qu'il me sembla que c'était mon cœur que je déchirais », ou encore cet admirable : « En revenant du bal, je m'assis à la fenêtre et je contemplais le ciel : il me sembla que les nuages étaient d'immenses têtes de vieillards assis à une table et qu'on leur apportait un oiseau blanc paré de ses plumes. Un grand fleuve traversait le ciel. L'un des vieillards baissait les yeux vers moi, il allait même me parler quand l'enchantement se dissipa, laissant les pures étoiles scintillantes. »
Grand poète et, peut-être, grand romancier, homme de chair, homme reflet, Max Jacob est entré dans l'histoire des lettres. Yvon Belaval

Destin d'un patronyme masqué

Max Jacob nait 14 rue du Parc à Quimper Corentin, à l'entresol du café qui fait l'angle de la rue Saint François, dans une famille juive qui ne pratique pas, ne serait ce qu'en raison de l'absence de coreligionnaires et de synagogue. Son grand père paternel, Samuel Alexandre, est un colporteur né dans la Sarre française dans une famille de maquignons, qui avait immigré dès l'âge de treize ans pour parvenir en 1858 à Quimper, où il fit fortune dans la confection. Aidé de ses deux fils, il ouvre en 1870 plusieurs succursales, dont un magasin qui vend toute sorte d'objets bretons, pratique des campagnes publicitaires et remporte plusieurs prix d'expositions universelles. Le couturier, en abondant dans le sens d'une stylisation « celtisante » inspirée en particulier des motifs gravés du cairn de Gavrinis, a une influence certaine sur la mode bretonne.
Le père de Max Jacob exerce un métier à part, kemener, c'est-à-dire tailleur-brodeur. C'est un métier estimé par les coquettes bretonnes et les bourgeois de Quimper mais socialement méprisé au regard des préjugés relatifs à la virilité qu'ont les Bretons de cette époque16. Quand Lazare Alexandre épouse en 1871 une parisienne, Prudence Jacob, il est, au sein de l'entreprise paternelle, à la tête d'une équipe de « tennerienou neud », brodeurs travaillant à domicile. Les Jacob possèdent des ateliers de confection à Lorient et c'est sous cette marque que l'entreprise Alexandre développe sa notoriété. Madame Alexandre, née Jacob, donne à ses trois cadets pour second prénom Jacob, Gaston Jacob, Max Jacob, Jacques Jacob. Samuel Alexandre et ses fils font changer leur nom à l'état civil le 16 juillet 1888 et adoptent officiellement le matronyme Jacob sous lequel ils sont connus de leurs clients. Jacob a en outre l'avantage d'être, comme beaucoup de prénoms bibliques, un patronyme typiquement cornouaillais. Max Jacob Alexandre a douze ans quand il devient Max Jacob.

Enfance bretonne 1876-1894

Le pâté de maison où habitaient les Alexandre devant les marronniers qui bordent l'Odet, sur une gravure de 1899. De sa chambre, Max Jacob voyait la cathédrale Saint Corentin où il n'avait pas le droit de rejoindre ses camarades.
Le petit Max passe, au premier étage d'une élégante maison neuve sise 8 rue du Parc le long de l'Odet, une enfance confortable imprégnée de légendes et de la ferveur catholique des pardons qu'exaltent la défaite de 70, l'implication du clergé dans le revanchisme et la Grande Dépression puis la politique de l'« esprit nouveau », mais de laquelle il souffre d'être exclu, particulièrement quand les processions défilent sous les six fenêtres du balcon. Il apprend l'orgue dans la cathédrale Saint Corentin avec son professeur de piano. Dès l'âge de huit ans, il s'amuse à prédire avec assurance l'avenir de ses camarades et fait des horoscopes. Il se moque des enfants bretonnants et joue aux « rêves inventés ». Battu par sa sœur et son frère aînés, il ne trouve pas de consolation auprès d'une mère railleuse, toute à sa toilette, et restera très attaché à la petite dernière, Myrthe-Léa, qui a huit ans de moins.
À quatorze ans, il est envoyé pour une année en consultation à Paris pour que Jean-Martin Charcot, qui pratique une psychothérapie fondée sur la suggestion, soigne sa nervosité débordante. À son retour, il entame une scolarité des plus brillantes, conversant souvent en privé avec ses professeurs, collectionnant les prix en histoire, en sciences naturelles, en allemand, en rhétorique. Il s'enthousiasme pour Baudelaire et Laforgue et, avec ses camarades les plus exaltés, essaie de lancer des revues littéraires qui fâchent le proviseur. En 1894, il obtient un huitième accessit au concours général de philosophie, et se voit proposer une bourse pour préparer le concours de Normale dans une classe du prestigieux lycée Lakanal, à laquelle il renonce.

Étudiant dans le Paris de la Belle Époque 1895-1898

À la rentrée 1894, Max Jacob choisit de suivre à Paris les traces de son frère aîné Maurice l'Africain à l'École coloniale. Il s'y oriente pour devenir cadre dans l'administration coloniale de l'Indochine. Logeant à l'hôtel Corneille, rue Corneille, dans le quartier latin, il suit parallèlement le cursus de la faculté de droit de la Sorbonne.
Le 4 mars 1895, se suicide à Rennes, en se jetant dans la Vilaine, son meilleur ami, Raoul Bolloré, petit neveu de l'industriel Jean-René Bolloré et génie précoce dont il portera le deuil toute sa vie. Il échoue à tous ses examens et l'année scolaire 95-96 est une année de redoublement, et à la Faculté et à l'École. Dans celle ci, il prépare par anticipation les concours d'entrée dans l'administration pénitentiaire coloniale.
Réformé en décembre 1896 pour insuffisance pulmonaire au bout de deux mois de service militaire passé au 118e de ligne de Quimper, il attend la rentrée suivante dans une mansarde de la maison paternelle aménagée par lui en s'adonnant avec rage au piano et au dessin paysager mais en décembre 1897, au bout du premier trimestre de sa seconde année, il est conduit à démissionner de l'École coloniale. Renonçant aux rêves de voyages exotiques, il retourne pour quelques semaines à Quimper, où il retrouve son piano et son désœuvrement.
À vingt et un ans, attiré par le tourbillon de la fête parisienne, rêvant de devenir l'homme de lettres promis par le concours général, il profite de sa majorité pour retrouver, au grand dam de ses parents, en février 1898 Paris, où un collègue l'héberge provisoirement. Tout en continuant ses études de droit, logé d'une chambre misérable à l'autre, boulevard Arago puis rue Denfert-Rochereau, il tâche de gagner sa vie comme accompagnateur de piano puis animateur d'un cours de dessin dans une école communale et passe avec succès ses examens en décembre 1898. Il reçoit son diplôme de licence de droit, option droit maritime, le 6 janvier 1899.

Journaliste caractériel 1899-1901

En décembre 1898, Max Jacob, introduit par le peintre et ami Fernand Alkan-Lévy auprès de Roger Marx et recommandé par celui ci, commence d'exercer comme critique d'art sous le nom de son grand père maternelle, Léon David, au Moniteur des Arts, ce qui lui permet de parcourir les expositions. En septembre 1899, il est promu rédacteur en chef de La Revue d'art, nouveau titre de la même revue.
Installé dans la carrière de journaliste, Max Jacob alias Léon David porte barbe et redingote. Il est devenu l'objet de la fierté familiale. Payé vingt francs, somme relativement considérable, par article hebdomadaire, il s'offre des cours de dessin à l'atelier dont Jean-Paul Laurens a confié à ses élèves l'animation au sein de l'Académie Julian.
Le ton condescendant et le style pédant par lesquels les articles de Léon David proclament la fin du classicisme agacent, au point que son directeur, Maurice Méry, dont l'épouse reçoit à dîner son protégé, se sent obligé de prendre la plume et défendre l'indépendance de ses journalistes. Lassé du métier d'écrivaillon tirant à la ligne et exaspéré par un lectorat conformiste, Max Jacob démissionne à la fin d'octobre 1899 et tombe malade. En janvier 1900, il revient prendre un poste de secrétaire de rédaction au Sourire, une revue satirique qui appartient au même groupe de presse Le Gaulois. Il y publie quelques articles, certains signés du nom de son directeur, Alphonse Allais, qui est un hydropathe habitué du cabaret montmartrois Le Chat noir.
C'est à Montmartre, chez Pedro Mañach, qu'en juin 1901, après en avoir admiré une des toiles exposées chez Ambroise Vollard25, Max Jacob, qui a laissé sa carte à chaque fois qu'il passait à la galerie avec un mot pour le peintre méconnu26, fait la connaissance de Pablo Picasso. Auprès du critique, le jeune peintre fraichement arrivé d'Espagne dont le compagnon d'infortune, Carlos Casagemas, perdu d'alcool, vient de se suicider, se familiarise au français et au Paris des arts.
Max Jacob, reconnu par la profession et estimé des peintres mais déçu par sa « conquête de Paris », décide de tenter sa chance dans sa province. Il publie son dernier article dans Le Sourire le 21 décembre 1901, un poème intitulé en forme de sourire Enterrement, trois jours avant Noël.

L'aventure de l'art moderne Le tournant Picasso 1902

Rentré à Quimper, Max Jacob, à vingt quatre ans, s'essaie à divers métiers, dont celui de menuisier. Son espoir d'obtenir par relation un poste de petit fonctionnaire déçu, il retourne à Paris, où il trouve à louer une chambre quai aux Fleurs. Il se retrouve sans soutien et multiplie les emplois à l'essai. En 1902, il est clerc d'avoué, précepteur, employé de l'Entrepôt Voltaire.
En octobre 1902, Pablo Picasso, rencontré quinze mois plus tôt et reparti à Barcelone en janvier, revient à Paris. Les deux crève-la-faim s'entendent pour partager la chambre que Max Jacob loue boulevard Voltaire, et y dormir à tour de rôle, le poète la nuit, le peintre le jour. Pour payer sa part, Max Jacob accepte tout travail. Il vend des horoscopes dans les palaces, à des femmes du demi monde et à leurs clients, de faux princes russes.

La bohème montmartroise 1903-1907

En janvier 1903, Pablo Picasso repart à Barcelone et Max Jacob emménage 33 boulevard Barbès, au pied de la bute Montmartre. Il entame une amitié indéfectible avec André Salmon, qu'en juin il a rencontré en même temps qu'Edmond-Marie Poullain au Caveau du Soleil d'or, au cours d'une des soirées de La Plume qu'organise Karl Boès et que fréquente aussi un ami de ce dernier, son ancien directeur Alphonse Allais. Il se lie aux autres peintres qui fréquentent au Chat noir, 68 boulevard de Clichy, la bohème montmartroise, Georges Braque, Henri Matisse, Amedeo Modigliani, mais aussi les critiques d'avant garde, dont Beatrice Hastings, et courtise une femme mariée, Cécile Acker, qui le désespère.
C'est la misère noire. Au Lapin agile et autres guinguettes, Max Jacob dépense avec ses amis le peu de pension qu'il reçoit de son père, plutôt que de se nourrir, en mauvais vin. Il survit grâce à de petits métiers, balayeur, garde d'enfants... Déguisé en disciple de l'École de Pont-Aven, il porte le costume glazic de son Quimper natal, s'initie en autodidacte à la poésie et à la gouache et essaie de vendre ses œuvres le soir dans les cafés du quartier interlope de Montmartre. Depuis Barcelone, Picasso lui conseille de renoncer à Cécile Acker, ce que le poète ne tardera pas à faire, et lui suggère d'écrire pour les enfants. Histoire du roi Kaboul Ier et de son marmiton Gauwain lui rapporte cent francs et un début de reconnaissance, le livre servant de prix scolaire.
En 1904, son cousin Gustave Gompel l'emploie dans la centrale d'achat que celui ci possède, Paris-France, mais son incompétence fait interrompre l'expérience au bout de huit mois. Il abuse en effet de l'éther, source de son inspiration. Au cours de cette année, Picasso lui présente un critique avantgardiste, Guillaume Apollinaire. La rencontre a lieu dans un bar de la rue d'Amsterdam, l'Austin's Fox. Il fait paraître en feuilleton, quatre épisodes, un conte pour enfants, Le Géant du Soleil dans le Journal des Instituteurs.
En 1907, il s'installe dans une des chambrettes du Bateau-Lavoir, 7 rue Ravignan, où habitent Pablo Picasso et Juan Gris. C'est Max Jacob qui avait donné le nom de « lavoir » à cette résidence d'artistes sordide dont l'escalier central évoque un bastingage quand Picasso s'y était installé trois ans plus tôt, car il n'y a qu'un seul et unique point d'eau dans toute la maison. Quasi mendiant, le soir, il passe dans les restaurants proposer ses poèmes aux clients. L'arrivée de Marie Laurencin, introduite par Henri-Pierre Roché dans la bande où, Suzanne Valadon faisant figure de matrone, elle est la seule jeune fille peintre, et non pas seulement un modèle, restructure le groupe autour des deux couples Laurencin-Apollinaire et Fernande-Picasso, l'éloignant un peu plus de ce dernier.
Un soir de juin, en compagnie des deux couples auxquels se sont joints Maurice Princet et la femme de celui ci, Alice, il expérimente le haschisch. En juillet, c'est lui que Fernande Olivier, rendue stérile par une fausse couche, charge de ramener à l'orphelinat la petite Raymonde, âgée de treize ans, que le couple a trois mois plus tôt envisagé d'adopter, orpheline à laquelle seul Max Jacob avait prêté un peu d'attention et que sa mère adoptive craignait de voir entraînée dans les fantasmes de Picasso depuis que celui ci avait commencé de dessiner l'adolescente nue. Il se fâche avec Guillaume Apollinaire pour une chansonnette grivoise sur Marie Laurencin, qu'il a composée et fait jouer dans un cabaret.

Vocation mystique 1908-1914

Seul face à ses démons, Max Jacob étudie, en bibliothèque le jour, veillant la nuit, les textes mystiques, la Kabbale, le Zohar, l'Évangile, les Pères de l'Église, le bouddhisme, l'astrologie, l'occultisme. Toujours affamé35, à l'éther, il ajoute les tisanes de jusquiame pour invoquer les démons mais ce qui lui arrive le 22 septembre 1909, à l'âge de trente trois ans, est d'une toute autre nature. Alors qu'il rentre de la Bibliothèque nationale, l'image d'un ange lui apparaît sur le mur de sa chambre au 7 rue Ravignan : « .. quand j'ai relevé la tête, il y avait quelqu'un sur le mur ! Il y avait quelqu'un ! Il y avait quelqu'un sur la tapisserie rouge. Ma chair est tombée par terre. J'ai été déshabillé par la foudre ! ». Il entoure l'apparition d'un cercle tracé sur le revêtement du mur. Élevé dans l'athéisme mais sensible aux racines juives de sa famille, il se convertit intérieurement au catholicisme.
À l'automne 1911, l'affaire du vol de la Joconde rompt les amitiés. Pablo Picasso, dans une crise de paranoïa agoraphobique au cours de laquelle il rase les murs pour éviter une police imaginaire, et s'enferme à triple tour, exclut celui qui est devenu le rival le plus talentueux, Juan Gris. Max Jacob reste reçu chez le couple Laurencin Apollinaire, auquel il prédit son destin tragique un soir de chiromancie36, et c'est avec Juan Gris qu'en 1913 il séjourne à Céret, dans le Vallespir. Il y réalise une série de dessins du village. A son retour, il quitte le Bateau-Lavoir, que Pablo Picasso, désormais lancé, a déserté, et emménage à l'autre bout de la rue, 17 rue Gabrielle.
À la fin de cette année 1913, il est de ceux qu'Apollinaire sollicite pour la nouvelle édition des Soirées de Paris, revue dont le peintre Serge Férat a confié la direction au Mal aimé. Jusqu'à l'éclatement de la première guerre mondiale, il fréquente, au cours des soirées mondaines organisées à Montparnasse, au siège de la revue, 278 boulevard Raspail, ou chez la baronne Oettingen, au 229, tout ce que la peinture, la littérature et la critique comptent de plus avantgardiste, sur le plan artistique autant que sur le plan moral, Irène Lagut, Maurice Raynal, Blaise Cendrars, André Salmon, Fernand Léger, Albert Gleizes, Marc Chagall, Sonia Delaunay...
En 1914, il achève par Le Siège de Jérusalem, « drame injouable » illustré par Pablo Picasso et Eugène Delâtre, le cycle de la transcription de son itinéraire spirituel commencé en 1911 à travers le personnage de Saint Matorel, auquel il ajoutera un codicille en 1921. Le 16 décembre, il a une vision du Christ, durant une séance de cinéma. Deux mois après sa vision, le 18 février 1915, Max Jacob, âgé de quarante ans, reçoit enfin le baptême sous le patronage de Cyprien au couvent de Sion, rue Notre-Dame-des-Champs, Pablo Picasso étant son parrain. Il pense pouvoir partager son mysticisme avec le magnétique Amedeo Modigliani mais celui ci, comme Picasso précédemment, préfère se tourner vers les femmes.

« Au lieu de femme un jour j'avais rencontré Dieu. »

Le front de la révolution artistique 1915-1918

Durant la Grande Guerre, Max Jacob, avec André Salmon, Paul Fort, Blaise Cendrars, Léon-Paul Fargue, Pierre Reverdy, découvre à la Maison des Amis du Livre, librairie qu'Adrienne Monnier a ouvert en novembre 1915, la jeune génération de l'intelligentsia, Jules Romains, André Breton, Philippe Soupault, Jacques Lacan, Jean Paulhan, Tristan Tzara, Jean Cassou, Louis Aragon. Il y rencontre André Gide et Paul Valéry. Il est sollicité pour rédiger des textes présentant les expositions de ses amis peintre.
En 1917, son père meurt à Quimper, où il est enterré avec les honneurs municipaux. Max Jacob édite à compte d'auteur Le Cornet à dès, chef d'œuvre par lequel il accède à la notoriété d'écrivain. Le titre répond au célèbre poème graphique du défunt Stéphane Mallarmé, Un coup de dès. C'est une construction inventive de trois cent poèmes en prose méditatifs et aphorismes, presque tous écrits avant la guerre : « Il y a dans ma tête une abeille qui parle ». A l'instar de Pierre Reverdy, il qualifiera lui même cet enchaînement de tours de passe passe verbaux d'œuvre cubiste.
En 1918, Max Jacob se lie avec le jeune Raymond Radiguet, qu'il présente à Jean Cocteau mais qui, à l'insu de celui ci et sous une homosexualité duplice, profite, tel Pierre Roche, d'un Paris vidé de ses hommes pour multiplier les liaisons féminines, telle Irène Lagut. Le 9 novembre, il est avec Cocteau, Ruby, et Picasso au chevet d'Apollinaire quand celui ci expire à l'hôpital sous le tableau Apollinaire et ses amis qu'avait peint Marie Laurencin en 1908 et qu'il ont dressé dans la chambre pour évoquer les amours croisées d'antan. Le lendemain, au Sacré Cœur, il entend « n'ayez pas peur », parole du Christ transfiguré s'adressant à ses disciples, et dessine la vision qu'il a du défunt devenu ange « (.. comme un oiseau à tête d'homme au-dessus. Etait il mort ...? »

Un mélancolique dans les Années folles 1918-1920

Aux folles soirées du comte et de la comtesse de Beaumont, Lucien Daudet se travestit en Spectre de la rose mais Max Jacob, lui, parait en robe monastique48. Il se lasse du Paris des années folles et de lui-même, qui ne connaît pas la fortune de ses amis partis, direction Nord Sud, pour Montparnasse. Il est logé et habillé misérablement. Picasso, devenu riche, s'est installé dans un grand appartement bourgeois de la place Clichy et a une domestique mais refuse à son ex-compagnon d'infortune l'aide financière qu'il lui demande pour pouvoir continuer à vivre à Paris.
En 1920, Max Jacob participe à l'érection de la fictive République de Montmartre.
Le Dos d'Arlequin, tentative de synthèse du théâtre contemporain, ne suscite pas l'intérêt des spectaculaires et provocateurs Mamelles de Tirésias, Parade et Mariés de la Tour Eiffel mis en scène par la jeune génération. Celle ci pourtant, tel Michel Leiris en 1921, le découvre et l'admire, quand deux ans plus tôt Paul Dermée, qui appartient à la plus ancienne, assimilait, par maladresse à une époque où Jacques Lacan n'avait pas encore réhabilité la théorie aristotélicienne du fou génial ni Salvador Dali inventé celle de la paranoïa critique, son œuvre à une production déliquescente de malade mental, ce qui valut au critique d'être exclu du mouvement Dada50. Francis Poulenc commande à Max Jacob Quatre poèmes. Les mélodies, achevées en juillet 1921, sont créées le 22 janvier suivant mais la mode change et, le compositeur lui même délaissant la polyphonie, il les reniera moins d'un an plus tard.

« Homme de lettres » Désintoxication reconstruction 1921-1927

Marianne avait un cheval blanc
Rouge par derrière noir par devant
Il avait une crinière
Comme une crémaillère
Il avait une étoile au front
Du crin sur les boulons
Il avait des sabots grenats
De la même couleur que vos bas
Où allez vous Marianne
Avec votre alezane
La Chanson de Marianne, mise en musique et chantée après guerre par Jacques Douai, est un des dix huit poèmes publiés en 1925.
Un an et demi après la mort prématurée de Modigliani, détruit par l'alcool, Max Jacob renonce définitivement aux psychotropes et en 1921, sur les conseils d'un ami prêtre, il s'exile à Saint-Benoît-sur-Loire, où il est hébergé au presbytère. Il accomplit des retraites parmi les bénédictins de l'abbaye de Fleury, qui abrite les reliques de Saint Paul Aurélien, premier évêque du Finistère. C'est là qu'il achève un long poème en vers qui exprime sa lente revertébration, La Laboratoire central.
Il fait de brefs voyages vers l'Italie, l'Espagne, sa Basse Bretagne natale, où il est reçu dans le cercle de Saint-Pol-Roux. Il reçoit les visites de ses amis, tel Jean Cocteau, en route pour la Côte. En 1926, son ami de quinze ans Pierre Reverdy, ayant rompu avec Coco Chanel, se retire définitivement à l'abbaye de Solesmes.

La figure des années trente 1928-1935

En 1928, il retourne à Paris, et s'installe aux Batignolles, 55 rue Nollet, dans un hôtel bon marché peuplé d'artistes, Jean Follain, Antonin Artaud, Georges Schéhadé, Henri Sauguet. Il passe régulièrement ses vacances au Tréboul, à l'hôtel Ty Mad, où le rejoignent des amis artistes, tel Charles-Albert Cingria. En juin 1930, il y retrouve le couple Francis Rose et Frosca Munster accompagné de leur amant, Christopher Wood, un peintre de vingt neuf ans qui a fait de lui un célèbre portrait et auquel les amis de Max Jacob prêtent une relation homosexuelle avec le poète de cinquante quatre ans. Moins d'un mois plus tard, Kit Wood, matériellement et moralement ruiné par ses toxicomanies, se suicide devant les yeux de sa mère à Salisbury en se jetant sous le train entrant en gare.
Au début des années trente, Max Jacob est des habitués du Bœuf sur le toit. Il y retrouve les anciens musiciens du Groupe des Six et se fait librettiste pour les compositeurs Francis Poulenc, Henri Sauguet, Georges Auric... En 1932, pour une des dernières soirées données à la villa Noailles par Anna de Noailles, Francis Poulenc conçoit à partir d'extraits choisis et recomposés du Laboratoire central, qui a consacré le poète dix ans plus tôt, une cantate profane, Le Bal masqué.
Le 13 juillet 1933, André Salmon le fait nommer chevalier de la Légion d'honneur par le ministre de l'Éducation nationale Anatole de Monzie, un ami de Marc Sangnier.
En 1935, Max Jacob organise à Paris pour le secrétaire général de préfecture Jean Moulin, alias Romanin, rencontré trois ans plus tôt, quand celui ci était sous-préfet de Châteaulin, une exposition des eaux fortes de son ami qui ont servies à illustrer une édition des poèmes de Tristan Corbière. A Quimper, il rencontre un jeune pion qu'il encourage dans la voie de l'écriture, Per Jakez Helias.

Retraite testamentaire Oblat et maître 1936-1939

Max Jacob revient à Saint-Benoît-sur-Loire en 1936 pour s'y retirer définitivement et y mener une vie quasi monastique60, en suivant la règle de Saint François de Sales. Il communie tous les matins, assiste très régulièrement à la messe, uniquement celle des domestiques, et participe à son service. On le voit souvent en prière devant la statue de la Sainte Vierge ou sur le chemin de croix. Pris initialement pour un original très parisien, la dévotion exemplaire de « Monsieur Max » procure à celui ci l'amitié de nombreux villageois et provoque même des conversions. La tâche de faire visiter l'ancienne abbatiale aux pèlerins de passage lui est confiée et il rédige un guide touristique à leur intention. Il entretient une volumineuse correspondance, écrit beaucoup, en particulier de longues méditations religieuses qu'il rédige de très bon matin et qui attestent une foi fulgurante.
Dès l'été 1936, Roger Lannes, Pierre Lagarde, Jean Oberlé, Jean Fraysse viennent le voir. Il reçoit les visites d'amis de longue date, Paul Éluard, Jean Cocteau, Maurice de Vlaminck, Fernand Léger, Pablo Picasso, Pierre Mac Orlan, Roland Dorgelès, Georges Hugnet, Yanette Delétang-Tardif... Marie Laurencin, dont il prise les dons de médium, vient régulièrement partager sa ferveur religieuse.
À partir de 1937, il se lie à la nouvelle génération de poètes, peintres et musiciens, sur lesquels ses conseils, sa correspondance, ses essais, sa théorie esthétique ont une grande influence. Ce sont, entre autres, Michel Manoll, René Lacôte, René Guy Cadou, Marcel Béalu, qui formeront en 1941 un mouvement littéraire, l'école de Rochefort, Olivier Messiaen, Roger Toulouse, Jean Rousselot, Charles Trenet, Jean-Bertrand Pontalis...


Posté le : 05/03/2016 21:22
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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