| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> Alfred de Vigny [Les Forums - Histoire de la Littérature]

Parcourir ce sujet :   1 Utilisateur(s) anonymes





Alfred de Vigny
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9499
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 56817
Hors Ligne
Le 27 mars 1797 naît Alfred Victor Vigny

comte de Vigny, à Loches Indre-et-Loire, et mort, à 66 ans le 17 septembre 1863 à Paris 8e écrivain, romancier, dramaturge et poète français, auteur de Poésie, théâtre, roman historique, roman romantique Ses Œuvres principales sont : Poèmes antiques et modernes, 1822, Cinq-Mars,1826, Chatterton, 1835. Figure influente du romantisme, il écrit parallèlement à une carrière militaire entamée en 1814 et publie ses premiers poèmes en 1822. Avec la publication de Cinq-Mars en 1826, il contribue au développement du roman historique français. Ses traductions versifiées de Shakespeare s'inscrivent dans le drame romantique, de même que sa pièce Chatterton 1835. Son œuvre se caractérise par un pessimisme fondamental, et une vision désenchantée de la société. Il développe à plusieurs reprises le thème du paria, incarné par le poète, le prophète, le noble, Satan ou bien le soldat. Sa poésie est empreinte d’un stoïcisme hautain, qui s’exprime en vers denses et dépouillés, souvent riches en symboles, annonçant la modernité poétique de Baudelaire, Verlaine et Mallarmé.
Alfred de Vigny naît à la fin du xviiie siècle, au sein d’une famille issue de la vieille noblesse militaire. Après une vie de garnison monotone – il passe quinze ans dans l'armée sans combattre–, il fréquente les milieux littéraires parisiens et notamment le cénacle romantique de Victor Hugo. De 1822 à 1838, il écrit des poèmes Poèmes antiques et modernes, des romans comme Stello, des drames comme La Maréchale d’Ancre et des nouvelles Servitude et grandeur militaires qui lui apportent la célébrité. En 1838, après une rupture sentimentale avec Marie Dorval et la mort de sa mère, Alfred de Vigny s'installe pour la première fois au Maine-Giraud, son domaine situé en Charente. Il goûte à la solitude et prend soin de sa femme malade et constamment alitée. De retour à Paris, il se mêle de nouveau à la vie politique et littéraire. Il parvient en 1845 à se faire élire, au bout de la cinquième tentative, à l'Académie française. En revanche, candidat en Charente, il échoue à la députation lors des élections de 1848.
Par la suite, il effectue plusieurs séjours au Maine-Giraud, avec Mme de Vigny pour seule compagnie, mais vit surtout à Paris. Il écrit peu, publie rarement, mais médite et lit beaucoup. Il meurt d’un cancer de l’estomac, après une lente agonie qu’il supporte avec patience et stoïcisme. Son recueil posthume Les Destinées est publié en 1864. Son Journal est révélé en 1867.

En bref

Vigny, muré, dès la quarantaine, dans un curieux silence, ne connut pas la gloire que ses succès littéraires semblaient lui promettre. Mais il ne s'adressa pas vainement à la postérité, en lui destinant, comme le naufragé qui jette la bouteille à la mer, une œuvre mieux faite pour durer que pour plaire. Au cours de sa destinée posthume, il pâtit beaucoup moins que Lamartine, Hugo ou Musset du discrédit jeté sur le romantisme par toute une culture positiviste dont nous vivons la ruine. Dans chacune des générations qui suivirent la sienne, des fidèles recueillirent son message et perpétuèrent son souvenir. Ce furent, parmi d'autres, Baudelaire, dont il avait reconnu le génie, Henri de Régnier, Charles Péguy, André Breton. Des armes aux lettres. Alfred de Vigny naquit à Loches, en Touraine. Il appartenait à une famille aristocratique et militaire, que les rigueurs de la Révolution n'avaient pas épargnée. Son père, déjà âgé, était un vétéran de la guerre de Sept Ans. Son grand-père maternel, marquis de Baraudin, avait servi dans la marine royale comme chef d'escadre. Vigny fut élevé, à Paris, par une mère qui avait lu Rousseau. Elle inculqua à son fils unique une religion tout intérieure, le goût de la musique et de la peinture plutôt que des belles-lettres. Mais au lycée Bonaparte, où il prépara, sans persévérance, le concours d'entrée à l'École polytechnique, l'adolescent conçut « un amour désordonné de la gloire des armes », commun à beaucoup d'« enfants du siècle ». Attaché à la monarchie par tradition, il revêtit l'uniforme rouge des mousquetaires du roi, lors du retour en France de Louis XVIII, qu'il escorta pendant les Cent-Jours sur la route de l'exil. Il entrait alors dans sa dix-huitième année.
Le métier des armes, exercé non sur des champs de bataille mais dans des cours de caserne, déçut le jeune officier, qui lui préféra l'aventure d'une carrière littéraire et donna sa démission en 1827. Vigny publia, en 1820, son premier poème, Le Bal, suivi, deux ans plus tard, de son premier recueil. Les revues et les salons de la capitale saluèrent la naissance d'un poète qui alliait à la grâce de Chénier une fermeté déjà originale et une profondeur bien romantique. Serait-il, ce lecteur de la Bible, qui ne quittait pas son sac de fantassin, le rédempteur d'une mythologie chrétienne que Chateaubriand, dans Le Génie du christianisme, avait donnée pour modèle à la littérature du XIXe siècle ? Bien que le souffle de d'Aubigné ou de Virgile lui fît défaut, les Poèmes antiques et modernes (1826) furent applaudis. Mais Vigny ne se contenta point d'exceller dans le poème, conçu par lui comme la « mise en scène », dramatique ou épique, d'une « pensée philosophique ». Il révéla ses dons de narrateur dans Cinq-Mars (1826), roman historique que Walter Scott admira et dont la quatrième édition (1829) devait s'enrichir des très pertinentes Réflexions sur la vérité dans l'art, où se déclare la nécessité esthétique de « déserter le positif pour apporter l'idéal jusque dans les annales ». Il s'efforça aussi d'imposer à Paris, contre les préjugés de la jeunesse libérale, dénoncés par Stendhal, le théâtre de Shakespeare. Il adapta Othello, qui fut joué à la Comédie-Française le 24 octobre 1829, avec Mlle Mars dans le rôle de Desdémone, puis Shylock, qui ne fut pas monté. Pendant ces années de jeunesse, Vigny parut être un écrivain et un homme heureux. Lamartine, son aîné, l'assura de son estime. Hugo et Sainte-Beuve le traitèrent en ami, bien qu'il se tînt à l'écart du cénacle romantique. Il forma quelque temps avec la blonde Delphine Gay, « Muse de la patrie », un couple séduisant, avant d'épouser, en février 1826, Lydia Benbury, une Anglaise rencontrée à Oloron et qui passait pour une riche héritière.

Sa vie

Il naît dans une famille qui a connu un passé des plus brillants. Hugo de Vigny, le grand-oncle d'Alfred, est admis chevalier de l'ordre de Malte en 1717. Son grand-père maternel, Didier de Baraudin, est écuyer et chef d'escadre dans la marine royale. Son manoir du Maine-Giraud, situé près d'Angoulême, n'est pas un fief mais un domaine acheté en 1768.
Son père est un ancien officier vétéran de la guerre de Sept Ans, âgé de soixante ans et infirme lorsqu'Alfred vient au monde. Sa mère, Marie-Jeanne-Amélie de Baraudin, âgée, pour sa part, de quarante ans à la naissance d'Alfred, a déjà donné naissance à trois enfants, tous morts en bas âge. Alfred incarne le dernier espoir de continuer la lignée.
En 1799, après la fin de la Révolution, les Vigny quittent Loches et s'installent à l'Élysée-Bourbon, alors divisé en logements privés. Alfred, dès son plus jeune âge, suit une éducation exemplaire, dirigée par sa mère, suivant à la lettre les préceptes de L'Émile : bains glacés, régime sec, exercices physiques, notamment escrime et tir, enseignement des mathématiques, de la musique, de la peinture. Il est l'âme du foyer, objet d'une affection tyrannique. Les murs de l'appartement sont recouverts de portraits de l'enfant. Son père lui fait embrasser la croix de Saint-Louis chaque soir avant de se coucher mais, surtout, en homme du XVIIIe siècle doué d'un talent de conteur peu commun, il plonge l'enfant dans un passé qu'il embellit certainement. De ces récits naît, chez Vigny, le sentiment d'appartenir à une lignée, d'où l'importance excessive qu'il attachera, sa vie durant, à l'illustration de sa maison.
Alfred de Vigny vers l'âge de dix-sept ans en uniforme de sous-lieutenant de la Maison du roi, portrait attribué à François Joseph Kinson, Musée Carnavalet
En mars 1804, Napoléon ayant fait don de l'Élysée à Murat, les Vigny déménagent, 1 rue du Marché d'Aguesseau, puis ultérieurement au 68, rue du Faubourg-Saint-Honoré5. En 1807 il devient pensionnaire à l'institution Hix, rue Matignon, où ses bonnes manières et ses excellentes notes lui attirent l'hostilité de ses camarades. Il y expérimente la solitude. Au lycée Bonaparte, il prépare avec sérieux mais sans enthousiasme Polytechnique. Après la chute de l'Empire, il est affecté le 6 juillet 1814 à la première Compagnie rouge, celle des gendarmes du roi, avec le grade de lieutenant.

Carrière militaire

Sa carrière militaire dure plus de dix ans et n'est guère exaltante. Blessé au genou lors d'une manœuvre, il escorte néanmoins la calèche de Louis XVIII fuyant le retour de Napoléon pendant les Cent-Jours. En 1816, à la Seconde Restauration, il passe dans l'Infanterie de la Garde royale, au grade de sous-lieutenant. Il végète dans les compagnies rouges, mène la vie de garnison monotone et sans éclat.
En 1822 il est nommé lieutenant titulaire de son régiment, l'équivalent de capitaine. Il espère prendre part à l'expédition d'Espagne en 1823, mais un autre bataillon est désigné pour partir. Toutefois il sent qu'il peut concrétiser là-bas ses rêves de gloire militaire. Le 55e régiment de ligne étant supposé franchir les Pyrénées, il accomplit les démarches nécessaires à sa mutation. Lors d'une étape à Angoulême, il prend huit jours de congé pour visiter une de ses tantes, qui a pris possession du Maine-Giraud. Cette distraction compromet ses plans. Lorsqu'il retrouve son régiment à Bordeaux, la guerre d'Espagne est pratiquement finie, Ferdinand VII ayant été rétabli sur le trône. Il ne se passe plus rien jusqu'en 1827, date à laquelle il jette l'éponge et quitte l'armée. Il tire profit de son temps libre pour lire et faire des vers, préparant son entrée dans le monde littéraire.

La figure du romantisme

Othello traduit en vers devient Le More de Venise
Son premier texte publié est un essai sur l'œuvre de Byron, dont les œuvres complètes sont parues en 1820. Le Bal, son premier poème, est publié la même année. Les deux textes paraissent dans Le Conservateur littéraire, la revue de Victor Hugo. Vigny le fréquente, ainsi que Charles Nodier, Alexandre Soumet et le reste du Cénacle. Il devient ami de Victor Hugo et publie en 1822 un recueil de poésie, sous couvert d'anonymat. L'ouvrage passe inaperçu. Le 22 octobre de la même année il est témoin du mariage de Hugo avec Adèle Foucher. Il est reçu chez Sophie Gay, désireuse de le voir épouser sa fille Delphine, la Muse de la patrie », mais Mme de Vigny fait obstacle au projet.
Son « aventure » espagnole est pour lui l'occasion de composer Le Trappiste, Dolorida et Eloa, poèmes bien accueillis qui contribuent à éclairer son nom. En 1824 il collabore à La Muse française, fréquente le salon de Virginie Ancelot et fait la connaissance de Marie de Flavigny, future comtesse d'Agoult. Alors qu'il est en garnison à Bayonne, il s'éprend d'une Anglaise, Lydia Bunbury, qu'il épouse l'année suivante.
En 1826, il s'installe à Paris avec sa femme et publie Les poèmes antiques et modernes et Cinq-Mars, premier vrai roman historique à la française. Considéré comme le Walter Scott français, il s'essaye également au théâtre, avec une adaptation en vers d'Othello. La première représentation à la Comédie-Française, le 24 octobre 1829, est houleuse, et préfigure celle d’Hernani. Il assiste sagement à la création de la pièce le 25 février 1830, aux côtés notamment de Théophile Gautier et Gérard de Nerval. Un mois plus tard, Christine d'Alexandre Dumas enfonce le clou du théâtre romantique. Après la première du 30 mars, Dumas prie Hugo et Vigny de corriger son texte, ce qui est chose faite dans la nuit même.

Le dramaturge à succès

La révolution de Juillet réveille en lui le pessimisme. Il réagit vivement devant les erreurs répétées des gouvernements de la Restauration. Les ordonnances du ministère Polignac le font douter de la politique. La Maréchale d’Ancre, représentée à l’Odéon le 25 juin 1831, avec laquelle il fait sa véritable entrée au théâtre, exprime ces doutes. À travers ce drame historique il se prononce pour l'idée de l’abolition de la peine de mort en matière politique.
C'est à cette époque qu'il entame une liaison tumultueuse avec Marie Dorval, après lui avoir fait une cour respectueuse. Mais Vigny, d'un tempérament jaloux et possessif, s'accommode mal du mode de vie de l'actrice, sans cesse sur les routes au sein d'une troupe de comédiens ambulants. La promiscuité des chambres fait craindre le pire au poète. Dorval est alors célèbre pour ses rôles dans Antony ou Marion Delorme — drames romantiques par excellence. Comme elle a l'ambition de brûler les planches de la Comédie-Française, il lui écrit Quitte pour la peur 1833, gracieux proverbe qui doit prouver qu'elle peut tout jouer.
Il écrit ensuite pour elle un drame cette fois : Chatterton. La pièce, écrite en douze jours et créée le 12 février 1835 à la Comédie-Française, rencontre un succès prodigieux. Sand, Musset, Sainte-Beuve, Du Camp, Berlioz figurent parmi le public et applaudissent en chœur l'auteur et la comédienne, qui triomphe dans le rôle de Kitty Bell. Marie Dorval joue ensuite le rôle dans de nombreuses villes de France où elle défend avec ferveur la pièce de Vigny.

Désillusions et pessimisme

Chatterton est tiré d'un roman philosophique que Vigny venait de publier : Consultations du Docteur Noir : Stello ou les Diables bleus 1832. Stello est un récit mêlé d’histoire, de philosophie et de roman qui rappelle Sterne et Diderot. À travers les trois exemples d'André Chénier, Nicolas Gilbert et Thomas Chatterton, Vigny développe, dans un ton amer et désabusé, l'idée que la vie moderne transforme le poète en paria. Le poète est un être à part, un génie malheureux, inadapté au quotidien, que le monde trivial fait souffrir, qui vit dans une profonde solitude. Écrasé par les matérialités de la vie, il est contraint, s'il veut subsister, d'accepter des fonctions utilitaires qui le détournent de sa mission. Cette conception amère de la poésie préfigure la vogue des poètes maudits.
Servitude et Grandeur Militaires 1835, est une autre œuvre en prose. Vigny se penche sur la figure du soldat, autre paria de la vie moderne. Trois récits illustrent la condition humaine du militaire, écartelé par son devoir d'obéissance et sa conscience d'homme libre.
L'avenir semble lui appartenir mais aux alentours de 1837 tout s'assombrit : la mort de sa mère, sa rupture avec Marie Dorval et des brouilles successives avec ses anciens amis du Cénacle le font quitter le devant de la scène. Il cesse brusquement de publier, à l'exception de quelques poèmes qui paraissent dans la Revue des deux Mondes en 1843-44, puis en 1854.

La coupe du scepticisme

Cependant, à partir de 1830, Vigny s'assombrit. La révolution de Juillet l'obligea à prendre conscience d'un pessimisme politique que les erreurs répétées des gouvernements de la Restauration avaient éveillé en lui et qui perçait dans Cinq-Mars, roman de la noblesse écrasée par le pouvoir monarchique. Devait-il reprendre du service et voler au secours d'un roi déconsidéré ? La rapidité du dénouement des Trois Glorieuses l'empêcha de conclure posément son examen de conscience. Engagé dans la garde nationale, dont il commanda, pendant deux années, une compagnie, il ne put accorder toute sa confiance à Louis-Philippe, hissé sur le trône par une bourgeoisie d'argent qu'il méprisait. Il espéra trouver un réconfort politique du côté des saint-simoniens et des chrétiens regroupés autour de Lamennais. Mais, dès 1831, il confessa son désappointement dans « Paris », composition d'un genre nouveau, plus ambitieuse que le « poème », qu'il appelait « élévation ». Il se sentait d'autant plus morose que, dans le même temps, il mesurait toute la distance qui le séparait désormais de la croyance en la divinité de Jésus. Il était bien le frère de ces « Amants de Montmorency » dont le suicide venait de lui inspirer une autre « élévation », amèrement conclue : « Et Dieu ? – Tel est le siècle, ils n'y pensèrent pas. »
Il ne lui restait plus, pour vider la coupe du scepticisme, qu'à douter de l'amour humain. C'est la leçon qu'il tira de sa liaison avec Marie Dorval, laquelle créa, dans Chatterton (1835), le rôle de Kitty Bell. Déçu, trompé peut-être, il se persuada que la lutte des sexes était inscrite dans la destinée de l'humanité, et il se prit pour un nouveau Samson.
Les œuvres contemporaines de cette crise décisive se signalent par leur lucidité et, le plus souvent, par leur noirceur. L'isolement du poète : telle est l'« idée » qui gouverne les trois récits de Stello (1832), selon la technique romanesque recommandée dans la préface de Cinq-Mars. La légèreté de Louis XV condamne Gilbert à mourir de faim. Le fanatisme de Robespierre, tyran républicain, mène Chénier à l'échafaud. L'égoïsme de Beckford, lord-maire de Londres, provoque le suicide de Chatterton. Le pouvoir, quel qu'il soit, frappe donc le poète d'un « ostracisme perpétuel ». Tout en dénonçant une malédiction qui le menaçait lui-même, Vigny entreprit de la comprendre et de la combattre. Au lieu de rejeter l'entière responsabilité du conflit sur les ennemis du poète, il soumit Stello à une sorte d'examen psychanalytique, mené par le « docteur Noir ». Ce dernier, qui traite la victime en malade, lui prescrit de « séparer la vie poétique de la vie politique » et d'observer vis-à-vis de la société une « neutralité armée ». Mais Vigny voulut aussi exorciser le mal en portant sur la scène l'agonie de Chatterton. Ce fut le triomphe de sa carrière d'homme de théâtre. Le drame de Chatterton éclipsa le mélodrame de La Maréchale d'Ancre (1831) et l'acte comique de Quitte pour la peur (1836).
Le pessimisme de Stello et de Chatterton n'a d'égal que celui de Servitude et grandeur militaires (1835). Il convenait que Vigny rendît témoignage de ses déboires militaires comme de ses désillusions politiques. Il composa de nouveau un triple récit, dont il tirait l'argument de ses propres souvenirs. Du soldat il fit un frère du poète, un « paria », tenu à l'écart de la communauté par l'exercice de l'« obéissance passive » ou la fascination du séidisme. Mais il associa au constat de sa servitude la révélation de sa grandeur. Il donna en exemple à ses contemporains, accablés par le « naufrage universel des croyances », la destinée du capitaine Renaud, martyr de la non-violence, prophète d'une religion de la conscience, aïeul du « saint sans Dieu » d'Albert Camus. Sublimant l'abnégation requise par le métier des armes, il exalta l'honneur, « vertu tout humaine que l'on peut croire née de la terre, sans palme céleste après la mort [...] vertu de la vie ». Et il s'émerveilla, en sa double qualité de poète et de moraliste, que la parole d'honneur pût restaurer le pouvoir sacré du langage.
Ce sursum corda ne suffit pourtant pas à contenir les progrès du doute. Tandis que le dramaturge et le romancier donnaient l'illusion de surmonter l'épreuve dans laquelle leurs personnages se débattaient, le poète se tenait dans une inquiétante réserve. Au vrai, l'orgueilleux Vigny, plutôt que de succomber comme un « faible » à la tentation du suicide, rêvait de prendre une retraite volontaire, où « l'âme puisse se recueillir en elle-même, jouer de ses propres facultés et rassembler ses forces pour produire quelque chose de grand ». Après avoir réédité ses Poèmes, conduit sa mère à sa dernière demeure et rompu avec Marie Dorval (1837-1838), il franchit le pas. Il s'enferma, sans bruit, dans sa « tour d'ivoire », selon l'expression malveillante de Sainte-Beuve. Il préféra de plus en plus au babillage parisien le calme de son manoir charentais du Maine-Giraud. Des accès de sociabilité le reprenaient parfois. En 1841, il mena toute une campagne pour la reconnaissance du droit de l'écrivain à disposer de ses écrits. Balzac l'approuva. Lamartine lui promit son aide au Parlement. L'article qu'il publia dans La Revue des Deux Mondes, du 15 janvier : « De Mlle Sédaine et de la propriété littéraire », émut l'opinion. Mais un projet de loi qui s'en inspirait fut repoussé par la Chambre le 29 mars. Vigny, soucieux de fortifier son autorité d'avocat d'une juste cause, posa sa candidature à l'Académie française. Il subit cinq échecs. Élu enfin, il fut accueilli sous la coupole par un discours perfide de Molé. Au jeu de la consécration sociale il manquait décidément d'efficacité. Il y fut tout à fait perdant sous la IIe République, puisqu'il n'obtint ni le poste d'ambassadeur à Londres ni même un modeste mandat de député de la Charente. Le second Empire ne le traita guère mieux. Napoléon III, qu'il avait rencontré, exilé, en 1839, négligea ses avances. Le désenchantement de Stello était-il sans remède ?

Le poète de « L'Esprit pur »

Avant de quitter ce monde, qu'il comparait à une prison, le solitaire du Maine-Giraud reçut la consolation d'un dernier amour. Il venait de dépasser la soixantaine. Alors qu'il soignait Lydia avec le dévouement d'un « frère hospitalier » et qu'il commençait à souffrir lui-même d'un cancer, il obtint les faveurs d'une jeune préceptrice, rencontrée peut-être dans le salon de Louise Colet, Augusta Bouvard. En la personne de sa compagne il reconnut l'Eva de ses rêveries. Mais il fallut bientôt lui dire adieu. Vigny mourut à Paris le 17 septembre, moins d'un mois après Lydia, dont il n'avait pas eu de descendance. Le 28 octobre, Augusta mit au monde un fils auquel certains vers de « L'Esprit pur », achevé le 10 mars, semblaient destinés :
Jeune postérité d'un vivant qui vous aime !Mes traits dans vos regards ne sont pas effacés ;Je peux en ce miroir me connaître moi-même.
Vigny laissait, entre les mains de son exécuteur testamentaire, Louis Ratisbonne, et de sa filleule, Louise Lachaud, née Ancelot, de nombreux et précieux inédits. La publication des Destinées (1864), du Journal d'un poète (1867), de Daphné (1913) et des Mémoires inédits (1958) permit de percer le secret d'un long silence qui n'avait été interrompu que par la publication, dans La Revue des Deux Mondes, de quelques « poèmes philosophiques » : « La Sauvage », « La Mort du loup » et « La Flûte » (1843), « Le Mont des Oliviers » et « La Maison du Berger » (1844), « La Bouteille à la mer » (1854). Il apparaît aujourd'hui que la retraite au Maine-Giraud ne cachait ni une démission de l'homme ni une défaillance de l'artiste. Le Journal retrace toute l'évolution intime du solitaire, depuis la dernière prière au Dieu de la Bible, le 21 décembre 1837, devant la dépouille d'une mère vénérée, jusqu'à l'annonce du règne de l'Esprit pur (mars 1863), en passant par les détours d'une méditation persévérante sur la fonction des rites, des idoles et des signes. Au cours de sa recherche, Vigny s'identifia, d'abord, à Julien l'Apostat, spiritualiste malheureux, vaincu par les barbares adorateurs de la Croix. Mais, au moment même où il relatait, dans Daphné, achevé dès 1837, la défaite de son héros, il convenait, dans le Journal, qu'« une religion sans culte serait comme un amour sans caresses » et que « l'image soutient l'âme dans l'adoration comme le chiffre dans le calcul ». Il se mit donc en quête, sans transiger avec son refus de l'idolâtrie, des symboles qui pourraient envelopper le trésor de l'Esprit d'un « cristal préservateur ». C'est ainsi qu'il inventa, à défaut d'une religion épurée, une poésie nouvelle, dépouillée de l'éloquence ou du pittoresque de ses premiers chants. Rare, parfois austère, elle s'anime dans le chef-d'œuvre des Destinées, « La Maison du Berger » ; elle s'y concentre aussi dans des formules qui la définissent :
Poésie ! Ô trésor ! perle de la pensée !Ô toi des vrais penseurs impérissable amour !
Qui contesterait l'heureux résultat de l'ascèse que Vigny s'imposa ? Plusieurs des symboles qu'il chargea de « profondes pensées » : la Mort du loup, la Maison du Berger, la Bouteille à la mer, figurent dans la fable moderne. Le vœu formé par le poète de « L'Esprit pur » dans les derniers vers qu'il trouva la force de scander s'est accompli :
Flots d'amis renaissants ! Puissent mes destinées Vous amener à moi, de dix en dix années, Attentifs à mon œuvre, et pour moi c'est assez ! Paul Viallaneix

La retraite au Maine-Giraud

Il fait alors quatre séjours dans son domaine de Charente, le logis du Maine-Giraud à Champagne-de-Blanzac renommée Champagne-Vigny en 1983, en 1838, 1846, 1848-49 et 1850-53, soit, au total, pendant cinq des vingt-cinq dernières années de sa vie. Là il veille sur sa femme Lydia, quasiment infirme et silencieuse. Au cours de ses passages en Charente, il s’intéresse à la vie du domaine, qu’il restaure et entretient, tandis qu’il poursuit son œuvre, rédigeant une partie de ses Mémoires de famille, puis de ses Mémoires politiques, et travaillant à quelques poèmes. C’est ainsi qu’en 1838 il met au net La Mort du loup dans sa tour du Maine-Giraud; en 1846, il y dresse le plan de La Bouteille à la mer qu'il termine, au même endroit, en 1853 ; en 1849, il y achève Les Destinées, texte qui donnera son titre au recueil de 186413. Éloigné des salons parisiens, il n'en demeure pas moins attentif à la vie littéraire et politique de son temps. En octobre 1852 il dîne même à Angoulême avec le prince-président Louis-Napoléon qui voyage en province à des fins de propagande les deux hommes s’étaient rencontrés en 1839, à Londres.
Entre ses séjours charentais, Vigny se présente vainement à cinq reprises à l’Académie. Il endure les visites et réceptions des académiciens, pour la plupart hostiles au romantisme et à ses idées. Il est finalement élu le 8 mai 1845. La réception a lieu le 29 janvier 1846. Son discours, célébrant le romantisme, est d'une longueur inhabituelle. De plus il a refusé de faire, à cette occasion, l'éloge de la branche cadette et du roi Louis-Philippe. La réponse de Mathieu Molé est cinglante. Molé critique ouvertement le courant romantique et les œuvres du poète. Il ne se prive pas pour nier leur mérite et condamner leur manque de vérité, ce qui achève de mortifier l'auteur15. Par ailleurs, Vigny échoue à faire élire Balzac à l'Académie le 18 janvier 1849, malgré le soutien de Hugo. Le poète ne réussit pas davantage à se faire élire député de Charente, après s'être présenté deux fois aux élections en 1848 et 1849.
Vigny retourne à Paris en octobre 1853. Il revoit le prince-président, rencontré l’année précédente, et devenu Empereur des Français. L'écrivain ne tarde pas à devenir partisan du Second Empire. Il reçoit par ailleurs la visite d'un Jules Barbey d’Aurevilly admiratif et de Charles Baudelaire lors de sa candidature à l'Académie, campagne qui se révèlera désastreuse. Les deux poètes sympathisent. À cette époque, il multiplie les liaisons amoureuses, avec Louise Colet, l'ancienne maîtresse de Flaubert et de Musset, puis avec Elisa Le Breton et enfin avec Augusta Bouvard, toutes deux à peine âgées de vingt ans.

Vigny 1879

Quelques années plus tard, en décembre 1862, sa femme Lydia Jane Bunbury décède. Vigny la rejoint le 17 septembre 1863 à une heure du soir. Il souffrait depuis quelques années d’un cancer à l’estomac. Il meurt en son domicile, au 6, rue des Écuries d'Artois, son décès est déclaré le 18 par Louis Ratisbonne, homme de lettres, 36 ans, demeurant 121 avenue de Saint-Cloud Paris, 16e arrondissement et par son cousin Louis Joseph de Pierres, 36 ans, demeurant 11, rue de La Soudière Saint-Honoré. Il est enterré dans le cimetière de Montmartre à Paris 13e division.
Nul autre, parmi les romantiques, n'est aussi personnel que Vigny : dans la plupart de ses poèmes, il exprime un « moi » hautain et jaloux. Cependant, il se met rarement en scène : Il est tantôt Moïse, tantôt Samson, tantôt Jésus même cf. le Mont des Oliviers, et ses plus belles pièces se présentent presque toutes comme des symboles; à l'expression de ses sentiments, il donne, en les détachant pour ainsi dire de sa personnalité, une valeur et une portée générales. La solitude, à laquelle condamnent le génie, l'indifférence des hommes, la trahison de la femme cf. sa relation avec Marie Dorval, l'impassibilité de la Nature et le silence de la Divinité en présence de nos maux, la résignation stoïque qu'il convient de leur opposer, telles sont les idées maîtresses de ce poète philosophe.
On le dit souvent artiste laborieux et chagrin, l'invention verbale lui manquerait, et la veine, et le souffle. Il n'a fait, d'ailleurs, en tout, qu'une quarantaine de morceaux dont on a pu dire que beaucoup sont obscurs, entortillés. Dix ou douze seulement mériteraient de survivre, comme Moïse, la Bouteille à la mer, la Mort du loup, la Maison du berger, le Mont des Oliviers, la Colère de Samson, Eloa ou la sœur des anges, etc. Mais ceux-là valent ce que la poésie française a produit de plus beau.

Le précurseur du roman historique

Cinq Mars n'est pas le premier roman historique français. Victor Hugo, après avoir rédigé Bug-Jargal, l'histoire d'une romance sur fond de révolte des esclaves à Saint-Domingue en 1791 publié dès 1820, publie en 1823 Han d'Islande, un roman d'inspiration gothique. L'intrigue, située en Norvège en 1699, et les personnages sont conçus à partir « de matériaux historiques et géographiques. L'idée du livre est née des romans de Walter Scott. Les Waverley novels sont traduits par Defauconpret en France dès 1816. La popularité de Scott acquiert une dimension sans équivalent en France et en Europe. Hugo, comme Vigny, puis Balzac et Mérimée, est un héritier de Walter Scott. Il est le premier à s'emparer de cet héritage et à tenter d'adapter les conceptions de l'écrivain écossais au récit français, démarche louée par Vigny :
« Vous avez posé en France les fondements de Walter Scott. Votre beau livre sera pour nous comme le pont de lui à nous et le passage de ses couleurs à celles de la France. »
Cette lettre annonce son travail à venir sur Cinq Mars. En même temps qu'il loue le roman de Hugo, Vigny regrette qu'il n'ait pas fait un pas de plus et naturalisé le roman historique aux couleurs de la France. Il considère Han d'Islande comme une étape et une œuvre de transition. Il souhaite créer une œuvre en prose assez large, comparable aux grands poèmes épiques. Dans les romans de Scott, les personnages principaux sont fictifs, l'histoire et les grands hommes apparaissent en toile de fond du récit. Vigny renverse ce choix narratif et place les hommes illustres au premier plan, procédé qui contribue à créer un genre hybride entre le roman et l'histoire, mais aussi à créer un décalage entre le fait historique et l'action.
De fait, Cinq-Mars cristallise l'épineux problème du rapport entre histoire et fiction, et de la vraisemblance narrative. Sainte-Beuve juge le roman « totalement manqué en tant qu'historique ». Il reproche à l'auteur de mal peindre l'histoire — reproche récurrent auquel n'a pas échappé Scott. Il relève, dans cet « ingénieux roman », « calculé comme une partie d'échec », « la fausseté de la couleur, le travestissement des caractères, les anachronismes de ton perpétuels ». Pour être le Walter Scott français, « M. Vigny n'eut jamais, pour réussir à pareil rôle, la première des conditions, le sentiment et la vue de la réalité. »
Vigny publie sa théorie du roman historique dans la troisième édition de Cinq-Mars 1827, dans une préface intitulée « Réflexions sur la vérité dans l'art ». Il défend l'idée d'un récit qui « perfectionne l'évènement pour lui donner une grande signification morale ». Répondant aux critiques qui lui reprochent ses écarts d'imagination et de poésie, il affirme que la liberté qu'il prend avec l'histoire est « la liberté que les Anciens portaient dans l'histoire même », car « à leurs yeux l'histoire était aussi une œuvre d'art » — Clio était la Muse de l'Histoire sous l'Antiquité.
En 1829, il aura l'honneur de certifier le mot lyrisme.

Les poèmes philosophiques

Réception et postérité

Vigny est d'abord, pour la critique, le poète d'Éloa et de Moïse :
Sainte-Beuve : « Il est de cette élite de poètes qui ont dit des choses dignes de Minerve. Les philosophes ne le chasseront pas de leur république future. », « il a eu le droit de dire à certains jours et de se répéter à son heure dernière : J'ai frappé les astres du front. » Éloa est qualifiée d'« acte de haute poésie », « éclatant produit d'un art tout pur et désintéressé. »
Théophile Gautier : « Peu d'écrivains ont réalisé comme Alfred de Vigny l'idéal qu'on se forme du poète », Éloa étant qualifié de « poème le plus beau, le plus parfait peut-être de la langue française. » Gautier apprécie de manière générale « la proportion exquise de la forme et de l'idée. »
Barbey d'Aurevilly : Vigny est « un de ces poètes pour lesquels on donnerait toutes les Académies de la terre. » Pour lui Vigny « avait résolu le problème éternel manqué par tous les poètes, d'être pur et de ne pas être froid. » Éloa représente « le fond incommutable de son génie », c'est « l'Athalie du romantisme ». Barbey, évoquant Moïse, parle de « grandeur du sentiment et de l'idée », d'« ineffable pureté des images », de la « solennité de l'inspiration », de la « transparence d'une langue qui a la chasteté de l'opale. »
Leconte de Lisle : « La nature de ce rare talent le circonscrit dans une sphère chastement lumineuse et hantée par une élite spirituelle très restreinte, non de disciples, mais d’admirateurs persuadés. (...) De ce sanctuaire sont sortis, avec une discrétion un peu hautaine à laquelle j’applaudis, ces poèmes d’une beauté pâle et pure, toujours élevés, graves et polis comme l’homme lui-même. », « l’élévation, la candeur généreuse, la dignité de soi-même et le dévouement religieux à l’art, suffisent à l’immortalité de son nom. »
Flaubert : « Ça m'a l'air d'un excellent homme, ce bon de Vigny. C'est du reste une des rares honnêtes plumes de l'époque : grand éloge ! Je lui suis reconnaissant de l'enthousiasme que j'ai eu autrefois en lisant Chatterton. (Le sujet y était pour beaucoup. N'importe.) Dans Stello et dans Cinq-Mars il y a aussi de jolies pages. Enfin c'est un talent plaisant et distingué, et puis il était de la bonne époque, il avait la Foi ! Il traduisait du Shakespeare, engueulait le bourgeois, faisait de l'historique. On a eu beau se moquer de tous ces gens-là, ils domineront pour longtemps encore tout ce qui les suivra.
Rémy de Gourmont : «Vigny, au milieu de sa poésie incertaine et techniquement inhabile, a eu le bonheur de créer cinq ou six vers qui sont entrés et qui restent dans toutes les mémoires ; mais quand on se reporte au texte, ils sont trop souvent encadrés d’expressions assez médiocres. Il traîne après lui trop d’images usées, trop de déités, trop de songes livides, trop de savants penseurs et trop de fronts d’albâtre ! Ce romantique l’est vraiment resté bien peu, après avoir devancé dans la forme comme dans l’inspiration presque tous ses contemporains. Il les a influencés tous, et Victor Hugo, pour se faire une philosophie, n’a eu qu’à contredire celle de Vigny. Mais Hugo est tombé dans une grande banalité de pensée. Alfred de Vigny, du moins, n’est jamais banal, sa pensée est toujours haute en même temps que hautaine. On peut détester son parti pris, ses dédains, son mépris ; on ne lui reprochera jamais d’avoir humilié l’esprit, car il a écrit Le Cor, La Maison du berger, La Mort du loup, et, malgré quelques faiblesses de verbe, il y a peu de choses qui soient plus belles
Le jeune Marcel Proust, dans son célèbre questionnaire, déclare que Baudelaire et Vigny sont ses deux poètes préférés31, jugement qu'il confirme à la fin de sa vie : « je tiens Baudelaire — avec Alfred de Vigny — pour le plus grand poète du xixe siècle. Parlant de La colère de Samson, il relève « l'extraordinaire tension » du poème. L'un des vers de ce poème servira d'épigraphe et fournira le titre de Sodome et Gomorrhe. Pour Proust, le mystère ajoute aux qualités du poète : «Tout aussi bien dans ses poésies calmes Alfred de Vigny reste mystérieux, la source de ce calme et de son ineffable beauté nous échappe.

Distinctions

Officier de la Légion d'honneur.

Liste chronologique des Å“uvres

Poèmes antiques et modernes, page de titre de l'édition 1829
Poèmes 1822
Éloa, ou La Sœur des Anges 1824
Poèmes antiques et modernes 1826
Cinq-Mars 1826
Roméo et Juliette 1828, traduction en vers de la pièce de Shakespeare
Shylock 1828, adaptation en vers du Marchand de Venise
Le More de Venise 1829, traduction en vers d'Othello, précédé de la Lettre à Lord ***
La Maréchale d'Ancre 1830
L'Almeh Scènes du Désert 1831 inachevé
Les Consultations du Docteur Noir : Stello ou les Diables bleus : première consultation 1832
Quitte pour la peur 1833
Servitude et grandeur militaires 1835
Chatterton 1835
Daphné : seconde consultation du Docteur Noir 1837 inachevé
Les Destinées 1864
Journal d'un poète 1867 ; réédité par Gallimard dans la collection Bibliothèque de la Pléiade.
Œuvres complètes 1883-1885

Poésie

Le cor

I

J'aime le son du Cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l'adieu du chasseur que l'écho faible accueille,
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.

Que de fois, seul, dans l'ombre à minuit demeuré,
J'ai souri de l'entendre, et plus souvent pleuré !
Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques
Qui précédaient la mort des Paladins antiques.

O montagnes d'azur ! ô pays adoré !
Rocs de la Frazona, cirque du Marboré,
Cascades qui tombez des neiges entraînées,
Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées ;

Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons,
Dont le front est de glace et le pied de gazons !
C'est là qu'il faut s'asseoir, c'est là qu'il faut entendre
Les airs lointains d'un Cor mélancolique et tendre.

Souvent un voyageur, lorsque l'air est sans bruit,
De cette voix d'airain fait retentir la nuit ;
A ses chants cadencés autour de lui se mêle
L'harmonieux grelot du jeune agneau qui bêle.

Une biche attentive, au lieu de se cacher,
Se suspend immobile au sommet du rocher,
Et la cascade unit, dans une chute immense,
Son éternelle plainte au chant de la romance.

Ames des Chevaliers, revenez-vous encor?
Est-ce vous qui parlez avec la voix du Cor ?
Roncevaux ! Roncevaux ! Dans ta sombre vallée
L'ombre du grand Roland n'est donc pas consolée !

II

Tous les preux étaient morts, mais aucun n'avait fui.
Il reste seul debout, Olivier prés de lui,
L'Afrique sur les monts l'entoure et tremble encore.
"Roland, tu vas mourir, rends-toi, criait le More ;

"Tous tes Pairs sont couchés dans les eaux des torrents."
Il rugit comme un tigre, et dit : "Si je me rends,
"Africain, ce sera lorsque les Pyrénées
"Sur l'onde avec leurs corps rouleront entraînées."

"Rends-toi donc, répond-il, ou meurs, car les voilà."
Et du plus haut des monts un grand rocher roula.
Il bondit, il roula jusqu'au fond de l'abîme,
Et de ses pins, dans l'onde, il vint briser la cime.

"Merci, cria Roland, tu m'as fait un chemin."
Et jusqu'au pied des monts le roulant d'une main,
Sur le roc affermi comme un géant s'élance,
Et, prête à fuir, l'armée à ce seul pas balance.

III

Tranquilles cependant, Charlemagne et ses preux
Descendaient la montagne et se parlaient entre eux.
A l'horizon déjà, par leurs eaux signalées,
De Luz et d'Argelès se montraient les vallées.

L'armée applaudissait. Le luth du troubadour
S'accordait pour chanter les saules de l'Adour ;
Le vin français coulait dans la coupe étrangère ;
Le soldat, en riant, parlait à la bergère.

Roland gardait les monts ; tous passaient sans effroi.
Assis nonchalamment sur un noir palefroi
Qui marchait revêtu de housses violettes,
Turpin disait, tenant les saintes amulettes :

"Sire, on voit dans le ciel des nuages de feu ;
"Suspendez votre marche; il ne faut tenter Dieu.
"Par monsieur saint Denis, certes ce sont des âmes
"Qui passent dans les airs sur ces vapeurs de flammes.

"Deux éclairs ont relui, puis deux autres encor."
Ici l'on entendit le son lointain du Cor.
L'Empereur étonné, se jetant en arrière,
Suspend du destrier la marche aventurière.

"Entendez-vous ! dit-il. - Oui, ce sont des pasteurs
"Rappelant les troupeaux épars sur les hauteurs,
"Répondit l'archevêque, ou la voix étouffée
"Du nain vert Obéron qui parle avec sa Fée."

Et l'Empereur poursuit ; mais son front soucieux
Est plus sombre et plus noir que l'orage des cieux.
Il craint la trahison, et, tandis qu'il y songe,
Le Cor éclate et meurt, renaît et se prolonge.
"Malheur ! c'est mon neveu ! malheur! car si Roland
"Appelle à son secours, ce doit être en mourant.
"Arrière, chevaliers, repassons la montagne !
"Tremble encor sous nos pieds, sol trompeur de l'Espagne !

IV

Sur le plus haut des monts s'arrêtent les chevaux ;
L'écume les blanchit ; sous leurs pieds, Roncevaux
Des feux mourants du jour à peine se colore.
A l'horizon lointain fuit l'étendard du More.

"Turpin, n'as-tu rien vu dans le fond du torrent ?
"J'y vois deux chevaliers : l'un mort, l'autre expirant
"Tous deux sont écrasés sous une roche noire ;
"Le plus fort, dans sa main, élève un Cor d'ivoire,
"Son âme en s'exhalant nous appela deux fois."

Dieu ! que le son du Cor est triste au fond des bois !



Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Posté le : 26/03/2016 18:50

Edité par Loriane sur 27-03-2016 19:46:44
Edité par Loriane sur 27-03-2016 20:26:18
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer



 Haut   Précédent   Suivant




[Recherche avancée]


Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
37 Personne(s) en ligne (17 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 37

Plus ...