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Accueil >> newbb >> Jorge Manrique [Les Forums - Histoire de la Littérature]

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Jorge Manrique
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Le 24 avril 1479 meurt Jorge Manrique

à Santa María del Campo Rus Cuenca en Espagne, né en 1440 à Paredes de Nava, Palencia, militaire et poète espagnol d'écriture Castillane. Il est l'auteur des Stances sur la mort de son père Coplas por la muerte de su padre, un des classiques de la littérature espagnole.

En bref

Neveu de Gómez Manrique, fils du comte Rodrigo de Paredes, qui fut maître de l'ordre de Calatrava, Jorge Manrique participa, sous le règne du roi Henri IV, aux luttes politiques contre les ennemis d'Isabelle la Catholique. Hernando del Pulgar a laissé le récit de sa mort glorieuse devant le château de Garci-Muñoz (Cuenca).
Son Cancionero est assez réduit ; il contient des poésies amoureuses, souvent émouvantes et délicates : « Porque estando él durmiendo » (Comme il était endormi...), « Es una muerte escondida, C'est une mort cachée, « Muerte que muero... » (Mort dont je me meurs...). On y trouve aussi des poésies burlesques : « Coplas a una beoda » (« Couplets pour une femme ivre »), « Un convite que hizo a su madrastra » (« D'une invitation à sa marâtre ») ; des compositions allégoriques dans le goût de l'époque : Castillo de amor », « La profesión que hizo en la orden del amor » (« La profession qu'il fit dans l'ordre de l'amour »).
Les stances fameuses qu'il composa à la mort de son père sont un des plus beaux poèmes de la littérature espagnole du Moyen Âge : Coplas por la muerte de su padre don Rodrigo publiées en 1480. Elles ont été traduites en plusieurs langues (Longfellow en a fait la version anglaise), imitées par Camoens, commentées et glosées par les plus grands écrivains, de Montemayor à Antonio Machado. Ce long lamento de plus de quarante strophes sur la toute-puissance de la mort, la vanité du monde, la fragilité de toutes choses, le destin éphémère des hommes, l'exaltation des valeurs spirituelles reprend des thèmes communs à l'époque. Le discours parfois n'est pas dépourvu d'emphase. Mais le poète obtient le plus souvent des effets bouleversants, surtout quand il évoque les splendeurs périssables des cours royales ou la noble figure et les hauts faits du comte Rodrigo, et sa sérénité d'âme lorsque forme métrique (strophes octosyllabiques de douze vers avec quatre quebrados de quatre syllabes : ABc ABc DEf DEf est admirablement adaptée au sentiment » selon le jugement de Menéndez Pelayo. L'effet de refrain assourdi que provoque régulièrement le vers brisé produit une sensation intense de glas funèbre en contrepoint de la lamentation. L'ensemble laisse une impression profonde de beauté, d'élégance, de douleur et de dignité. Bernard Sesé

Sa vie

On sait peu de chose sur son enfance et son adolescence. Ce qui est certain c'est qu'il assuma pleinement la ligne politique et militaire de sa vaste famille castillane, il était partisan de la guerre contre les Maures et participa aux intrigues entourant la montée sur le trône des Rois catholiques, Ferdinand et Isabelle.
Son père, Rodrigo Manrique, comte de Paredes de Nava, était l'un des hommes les plus puissants de son époque. Il mourut d'un cancer qui le défigura en 1476. Sa mère mourut lorsqu'il était enfant. Son oncle, Gómez Manrique, était un poète et auteur dramatique éminent, il ne manqua pas dans la famille de Jorge Manrique d'hommes de lettres et d'armes. La famille des Manrique de Lara était l'une des plus anciennes familles nobles de Castille et possédait certains des titres les plus prestigieux, tels que le duché de Nájera, le comté de Treviño et le marquisat d'Aguilar de Campo, ainsi que plusieurs titres ecclésiastiques.
Jorge Manrique fit ses humanités et suivit une instruction militaire propre aux militaires castillans. À 24 ans, il participa au siège du château de Montizón Villamanrique, Ciudad Real au cours duquel il gagne en prestige en tant que guerrier. Sa devise était je ne mens ni ne me repens, ni miento ni m'arrepiento. Il fut fait prisonnier durant quelque temps à Baza lors de l'assaut de la ville qui était aux mains des Benavides.
Il s'enrôla ensuite dans le camp d'Isabelle la Catholique en lutte contre les partisans de Juana la Beltraneja. Lors de cette guerre en 1479, il meurt au cours d'une échafourrée près du château de Garcimuñoz à Cuenca qui était défendu par le marquis de Villena. On retrouva sur lui deux stances qui commençaient par "Oh monde !, alors tu me tues " ¡" Oh mundo!, pues que me matas ". Il fut enterré dans l'ancienne chapelle du monastère d'Uclès, auprès de son père.
Son œuvre est succincte, à peine une quarantaine de compositions dont la plus remarquable est Stances sur la mort de son père, Coplas sobre la muerte de su padre). Lope de Vega a dit de ce poème qu'il mériterait d'être écrit en lettres d'or.
En son honneur, on célèbre aujourd'hui encore en Castille-La Manche les journées du "Triangle de Manrique" "Triángulo manriqueño" en espagnol dans les localités de Garcimuñoz, Santa María del Campo Rus et Uclès.

À propos de Jorge Manrique

Le monastère d'Uclès où reposent les restes de Jorge Manrique.
Il faut … remarquer la froideur, littéralement pré-machiavélienne, avec laquelle l’auteur des Coplas 1440-1479 parle des gens que les Manrique ont eux-mêmes abattus, comme de purs exemples du caractère changeant des destinées humaines, et de la fragilité de toutes les possessions. Guy Debord, Note de présentation des Stances
Les Coplas résument la sensibilité de toute une époque, celle du déclin du Moyen Âge, avec ses thèmes dominants Gerald Brenan, The Literature of the spanish people

Å’uvres

Stances sur la mort de son père.



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Posté le : 23/04/2016 17:58
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Re: Jorge Manrique
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Chère Loriane,

Je me suis revu dans la villed e Cuenca que j'ai revu avec bonheur dans le courant du mois de mai 2015.
Il a peu écrit mais ses écrits sont très beaux, tant en langue espagnole que dans la traduction française.

Encore merci pour tout ce travail de partage de savoir que j'admire. Je trouve cela impressionnant.

Amitiés.

Jacques

Posté le : 26/04/2016 19:51
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Re: Jorge Manrique
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Tu as eu la chance d'être allé à Cuenca, veinard !
Car ce n'est pas qu'un voyage, c'est surtout un merveilleux voyage dans le temps, l'âme castillane d'antan vit encore là-bas.
Je suis très sensible à la musique de cette poésie, tiens je te la mets en Espagnol. Puis traduite (plutôt bien traduite d'ailleurs, la musique est moins présente en français mais le ressenti est là.)

A la Muerte del Maestre de Santiago
Don Rodrigo Manrique, Su Padre
Jorge Manrique
(1440–1479)
•

Recuerde el alma dormida,
Avive el seso y despierte
Contemplando
Cómo se pasa la vida,
Cómo se viene la muerte
Tan callando ;
Cuán presto se va el placer,
Cómo después de acordado
Da dolor,
Cómo a nuestro parescer
Cualquiere tiempo pasado
Fue mejor.

Y pues vemos lo presente
Cómo en un punto s’es ido
E acabado,
Si juzgamos sabiamente,
Daremos lo non venido
Por pasado.
Non se engañe nadie, no,
Pensando que ha de durar
Lo que espera
Más que duró lo que vio,
Porque todo ha de pasar
Por tal manera.

Nuestras vidas son los ríos
Que van a dar en la mar,
Que es el morir ;
Allí van los señoríos
Derechos a se acabar
E consumir ;
Allí los ríos caudales,
Allí los otros medianos
E más chicos ;
Allegados, son iguales
Los que viven por sus manos
E los ricos.

Invocación

Dexo las invocaciones
De los famosos poetas
Y oradores ;
Non curo de sus ficciones,
Que traen yerbas secretas
Sus sabores.
A aquél solo me encomiendo,
A aquél solo invoco yo
De verdad,
Que en este mundo viviendo,
El mundo non conoció
Su deidad.

Este mundo es el camino
Para el otro, qu’es morada
Sin pesar ;
Mas cumple tener buen tino
Para andar esta jornada
Sin errar.
Partimos cuando nascemos,
Andamos mientras vivimos,
Y llegamos
Al tiempo que fenecemos ;
Así que cuando morimos
Descansamos.

Este mundo bueno fue
Si bien usásemos d’él
Como debemos,
Porque, segund nuestra fe,
Es para ganar aquél
Que atendemos.
Y aún el Hijo de Dios,
Para sobirnos al cielo,
Descendió
A nascer acá entre nos.
Y a vivir en este suelo
Do murió.

Ved de cuán poco valor
Son las cosas tras que andamos
Y corremos;
Que en este mundo traidor
Aun primero que muramos
Las perdemos :
D’ellas deshace la edad,
D’ellas casos desastrados
Que acaescen,
D’ellas, por su calidad,
En los más altos estados
Desfallescen.

Decidme: la hermosura,
La gentil frescura y tez
De la cara,
La color e la blancura,
Cuando viene la vejez
¿Cuál se para ?
Las mañas e ligereza
E la fuerza corporal
De juventud,
Todo se torna gaveza
Cuando llega el arrabal
De senectud.

Pues la sangre de los godos,
El linaje e la nobleza
Tan crescida,
¡Por cuántas vías e modos
Se pierde su grand alteza
En esta vida !
¡Unos por poco valer,
por cuán baxos e abatidos
Que los tienen !
¡Otros que por no tener,
Con oficios non debidos
Se mantienen !

Los estados e riqueza
Que nos dexan a deshora
¿Quién lo duda ?
Non les pidamos firmeza
Pues que son d’una señora
Que se muda.
Que bienes son de fortuna
Que revuelve con su rueda
Presurosa,
La cual non puede ser una,
Ni ser estable ni queda
En una cosa.

Pero digo que acompañen
E lleguen hasta la huesa
Con su dueño ;
Por eso non nos engañen,
Pues se va la vida apriesa
Como un sueño :
E los deleites d’acá
Son en que nos deleitamos
Temporales,
E los tormentos d’allá
Que por ellos esperamos,
Eternales.

Los placeres e dulçores
D’esta vida trabajada
Que tenemos,
¿Qué son sino corredores,
E la muerte la celada
En que caemos ?
No mirando a nuestro daño
Corremos a rienda suelta
Sin parar ;
Desque vemos el engaño
E queremos dar la vuelta
No hay lugar.

Si fuese en nuestro poder
Tornar la cara fermosa
Corporal,
Como podemos hacer
El alma tan gloriosa
Angelical,
¡Qué diligencia tan viva
Tuviéramos cada hora,
E tan presta,
En componer la cativa,
Dexándonos la señora
Descompuesta !

Esos reyes poderosos
Que vemos por escripturas
Ya pasadas,
Con casos tristes, llorosos,
Fueron sus buenas venturas
Trastornadas ;
Así que no hay cosa fuerte ;
Que a Papas y Emperadores
E Prelados
Así los trata la muerte
Como a los pobres pastores
De ganados.

Dexemos a los Troyanos,
Que sus males non los vimos,
Ni sus glorias ;
Dexemos a los Romanos,
Aunque oímos o leímos
Sus hestorias.
Non curemos de saber
Lo d’aquel siglo pasado
Qué fue d’ello ;
Vengamos a lo d’ayer,
Que también es olvidado
Como aquello.

¿Qué se hizo el Rey Don Joan ?
Los Infantes de Aragón
¿Qué se hicieron ?
¿Qué fue de tanto galán,
Que fue de tanta invención
Que truxeron ?
Las justas e los torneos,
Paramentos, bordaduras
E cimeras,
¿Fueron sino devaneos ?
¿Qué fueron sino verduras
De las eras ?

¿Qué se hicieron las damas,
Sus tocados, sus vestidos,
Sus olores ?
¿Qué se hicieron las llamas
De los fuegos encendidos
De amadores ?
¿Qué se hizo aquel trovar,
Las músicas acordadas
Que tañían ?
¿Qué se hizo aquel dançar
Aquellas ropas chapadas
Que traían ?

Pues el otro su heredero,
Don Enrique ¡qué poderes
Alcanzaba!
¡Cuán blando, cuán al agüero
El mundo con sus placeres
Se le daba!
Mas verás cuán enemigo,
Cuán contrario, cuán crüel
Se le mostró,
Habiéndole sido amigo,
¡Cuán poco duró con él
Lo que le dio !

Las dádivas desmedidas,
Los edificios reales
Llenos d’oro
Las baxillas tan febridas,
Los enriques e reales
Del tesoro ;
Los jaeces, los caballos
De su gente e atavíos
Tan sobrados,
¿Dónde iremos a buscallos ?
¿Qué fueron sino rocíos
De los prados ?

Pues su hermano el inocente,
Qu’en su vida sucesor
Se llamó,
¡Qué corte tan excellente
Tuvo e cuánto gran señor
Le siguió !
Mas como fuese mortal,
Metióle la muerte luego
En su fragua.
¡Oh jüicio divinal !
Cuando más ardía el fuego
Echaste agua.

Pues aquel gran Condestable
Maestre que conoscimos
Tan privado,
Non cumple que d’él se hable,
Sino sólo que le vimos
Degollado.
Sus infinitos tesoros,
Sus villas e sus lugares,
Su mandar,
¿Qué le fueron sino lloros ?
¿Qué fueron sino pesares
Al dexar ?

E los otros dos hermanos,
Maestres tan prosperados
Como reyes,
Qu’a los grandes e medianos
Traxeron tan sojuzgados
A sus leyes ;
Aquella prosperidad
Que tan alta fue subida
Y ensalzada,
¿Qué fue sino claridad
Que cuando más encendida
Fue amatada ?

Tantos Duques excellentes,
Tantos Marqueses e Condes
E Barones
Como vimos tan potentes,
Di, muerte, ¿dó los escondes
E traspones ?
Y sus muy claras hazañas
Que hicieron en las guerras
Y en las paces,
Cuando tú, cruda, t’ensañas,
Con tu fuerza los atierras
E desfaces.

Las huestes innumerables,
Los pendones, estandartes
E banderas,
Los castillos impugnables,
Los muros e balüartes
E barreras,
La cava honda chapada,
O cualquier otro reparo
¿Qué aprovecha ?
Cuando tú vienes airada
Todo lo pasas de claro
Con tu flecha.

Aquel de buenos abrigo,
Amado por virtuoso
De la gente,
El Maestre Don Rodrigo
Manrique, tanto famoso
E tan valiente,
Sus grandes hechos e claros
Non cumple que los alabe,
Pues los vieron,
Ni los quiera hacer caros,
Pues qu’el mundo todo sabe
Cuáles fueron.

¡Qué amigo de sus amigos !
¡Qué señor para criados
E parientes !
¡Qué enemigo d’enemigos !
¡ Qué Maestre de esforcados
E valientes !
¡Qué seso para discretos !
¡Qué gracia para donosos !
¡Qué razón !
¡Cuán benigno a los subjetos !
¡A los bravos e dañosos
Qué león !

En ventura Octaviano ;
Julio César en vencer
E batallar ;
En la virtud, Africano ;
Aníbal en el saber
E trabajar :
En la bondad un Trajano;
Tito en liberalidad
Con alegría ;
En su brazo, un Aureliano ;
Marco Tulio en la verdad
Que prometía.

Antonio Pío en clemencia ;
Marco Aurelio en igualdad
Del semblante :
Adriano en la elocuencia ;
Teodosio en humanidad
E buen talante.
Aurelio Alexandre fue
En disciplina e rigor
De la guerra ;
Un Constantino en la fe ;
Camilo en el grand amor
De su tierra.

Non dexó grandes tesoros,
Ni alcanzó muchas riquezas
Ni baxillas,
Mas fizo guerra a los moros,
Ganando sus fortalezas
E sus villas ;
Y en las lides que venció
Caballeros y caballos
Se prendieron,
Y en este oficio ganó
Las rentas e los vasallos
Que le dieron.

Pues por su honra y estado
En otros tiempos pasados
¿Cómo se hubo ?
Quedando desamparado,
Con hermanos e criados
Se sostuvo.
Después que fechos famosos
Hizo en esta dicha guerra
Que hacía,
Hizo tratos tan honrosos,
Que le dieron muy más tierra
Que tenía.

Estas sus viejas hestorias
Que con su brazo pintó
En juventud,
Con otras nuevas victorias
Agora las renovó
En senectud.
Por su grand habilidad,
Por méritos e ancianía
Bien gastada
Aleançó la dignidad
De la gran caballería
Del Espada.

E sus villas e sus tierras
Ocupadas de tiranos
Las halló,
Mas por cercos e por guerras
E por fuero de sus manos
Las cobró.
Pues nuestro Rey natural,
Si de las obras que obró
Fue servido,
Dígalo el de Portugal,
Y en Castilla quien siguió
Su partido.

Después de puesta la vida
Tantas veces por su ley
Al tablero ;
Después de tan bien servida
La corona de su Rey
Verdadero ;
Después de tanta hazaña
A que non puede bastar
Cuenta cierta,
En la su villa d’Ocaña
Vino la muerte a llamar
A su puerta.

(Habla la Muerte)

Diciendo: « Buen caballero,
Dexad el mundo engañoso
E su halago ;
Vuestro coraçon de acero
Muestre su esfuerzo famoso
En este trago ;
E pues de vida e salud
Fecistes tan poca cuenta
Por la fama,
Esfuércese la virtud
Para sofrir esta afrenta
Que vos llama.

« No se os haga tan amarga
La batalla temerosa
Qu’esperáis,
Pues otra vida más larga
De fama tan glorïosa
Acá dexáis :
Aunque esta vida d’honor
Tampoco no es eternal
Ni verdadera,
Mas con todo es muy mejor
Que la otra temporal
Perecedera.

« El vivir qu’es perdurable
Non se gana con estados
Mundanales,
Ni con vida delectable
En que moran los pecados
Infernales ;
Mas los buenos religiosos
Gánanlo con oraciones
E con lloros ;
Los caballeros famosos
Con trabajos e aflicciones
Contra moros.

« E pues vos, claro varón,
Tanta sangre derramastes
De paganos,
Esperad el galardón
Que en este mundo ganastes
Por las manos;
E con esta confiança
E con la fe tan entera
Que tenéis,
Partid con buena esperança
Que’estotra vida tercera
Ganaréis. »

(Responde el Maestre)

« Non tengamos tiempo ya
En esta vida mezquina
Por tal modo,
Que mi voluntad está
Conforme con la divina
Para todo ;
E consiento en mi morir
Con voluntad placentera,
Clara e pura,
Que querer hombre vivir
Cuando Dios quiere que muera
Es locura. »

Oración

Tú que por nuestra maldad
Tomaste forma servil
E baxo nombre ;
Tú que en tu divinidad
Juntaste cosa tan vil
Como el hombre ;
Tú que tan grandes tormentos
Sofriste sin resistencia
En tu persona,
Non por mis merescimientos,
Mas por tu sola clemencia
Me perdonas.

Cabo

Así con tal entender
Todos sentidos humanos
Conservados,
Cercado de su mujer,
E de sus hijos e hermanos
E criados,
Dio el alma a quien se la dio,
(El cual la ponga en el cielo
Y en su gloria),
Que aunque la vida perdió,
Nos dexó harto consuelo
Su memoria.


*************

À la Mort du Maître de Santiago
Don Rodrigo Manrique, Son Père
Jorge Manrique
(1440–1479)
•

Que se rappelle l’âme endormie,
S’avivant, en s’éveillant
De percevoir
Comment s’écoule la vie
Comment s’approche la mort
Silencieuse,
Que vite fuit le plaisir,
Qui à peine ressenti
Devient douloureux souvenir,
Et comment à notre avis
Tout instant du passé
Nous fut meilleur.

Et si nous voyons le présent
D’un coup il disparait
Et s’achève.
Si nous jugeons avec sagesse,
Nous traiterons ce qui n’est pas advenu
Comme le passé.
Que personne ne se trompe
En pensant que va durer
Ce qu’il espère
Plus qu’a duré ce qu’il a vu
Parce que tout se passera
Egalement.

Nos existences sont des fleuves
Qui se jetteront dans cette mer
Qu’est le mourir;
Là-bas s’en vont les hautes lignées
Fatalement finir,
S’anéantir,
Là-bas, vont les immenses fleuves,
Là-bas, les rivières modestes
Là-bas les petits rus;
A l’arrivée tous sont égaux
Comme ceux qui vivent de leurs efforts
Et les plus riches.

Invocation

J’oublie les invocations
Des poètes de renom
Et des orateurs ;
N’aime guère leurs fictions,
Eux qui ajoutent des drogues secrètes
À leurs saveurs.
Le seul à qui je me voue
Le seul que moi, j’invoque
A la vérité
C’est celui qui, traversant notre monde,
N’y a point été reconnu pour
Sa déité.

Par ce monde-ci nous cheminons
Vers l’autre monde, notre demeure,
Sans chagrin,
Mais il faut raison garder
Pour accomplir ce voyage
Sans s’égarer.
Nous partons dès notre naissance
Nous marchons le temps de la vie,
Et arrivons
A l’heure où nous nous éteignons;
Et c’est ainsi qu’avec la mort
Nous est donné le repos.

Agréable fut notre monde
Si nous apprîmes à y vivre
Comme il convient,
Puisque, selon notre foi
C’est pour gagner celui
Auquel nous aspirons.
Et même le Fils de Dieu,
Pour nous élever dans les cieux,
Est descendu vers nous.
Naître parmi les nôtres
Et vivre sur notre sol
Où il mourut.

Voyez ces choses infimes
Après lesquelles nous marchons
Et nous courons ;
Dans ce bas monde traître
Avant même que nous mourions
Nous les perdons :
Certaines l’âge les dégrade,
Certaines se défont au jeu des crises
Qui surviennent,
D’autres, appartenant
Aux instances les plus hautes
S’évanouissent.

Dites-moi donc, la beauté,
La tendre fraîcheur, le teint
Du visage,
Sa couleur et sa candeur,
Quand arrive la vieillesse
Qu’en reste-t-il ?
L’adresse et la légèreté
Et la force corporelle
De la jeunesse,
Tout cela devient carcan
Lorsqu’apparaît cette gueuse
De vieillesse.

Regardons le sang des seigneurs,
La noblesse et le lignage
Si puissant,
Par combien de voies et manières
Se dissout leur grande majesté
De son vivant !
Certains pour leur peu de mérite,
Pour bien bas et bien misérables
Ils sont considérés !
D’autres qui n’en ont point,
Par des emplois honteux
Sont maintenus !

Les situations et les richesses
Nous quittent avant l’heure,
Quoi d’étonnant?
Constance n’est point leur fort
Puisqu’elles sont atours de grande dame
A l’esprit changeant.
Ces biens sont ceux de la Fortune
Et avec sa roue se retournent
Très vite.
Elle qui ne saurait être unique,
Ni stable ni posée,
Un simple instant.

Bien qu’elles veuillent s’accrocher
Et jusqu’à la fosse accompagner
Leur maître ;
Elles ne sauraient nous leurrer,
Car en un souffle file la vie
Comme en un songe :
Et les plaisirs de l’ici-bas
Ceux dont nous nous réjouissons
Sont temporels,
Et les tourments de l’au-delà
Qu’à cause d’eux nous attendons,
Sont éternels.

Les plaisirs et les douceurs
De cette vie de dur labeur
Qui est la nôtre,
Ne sont-ils que des passages,
Et la mort le traquenard
Dans lequel nous tombons ?
Sans imaginer notre perte
Nous courons à bride abattue
Sans un arrêt ;
Dès que se montre l’embuscade
Et que nous voulons reculer,
Il est trop tard.

Si nous avions le pouvoir
D’embellir notre silhouette
Corporelle,
Et qu’ainsi nous puissions rendre
Notre âme si glorieuse,
Angélique,
Quelle diligence si vivace
Aurions-nous à chaque instant
Et si avisée,
Pour réparer la mauvaise part ,
Sans nous soucier de l’apparence
Décomposée !

Ces monarques très puissants
Dont nous lisons les chroniques
Déjà passées,
Dans de tristes faits, douloureux
Furent leurs bonnes fortunes
Bouleversées ;
Ainsi, rien n’est assez fort ;
Puisque Papes et Empereurs
Et prélats
La mort les bouscule aussi
Comme ces pauvres gardiens
Des troupeaux.

Ne faisons pas cas des Troyens,
Dont nous ne vîmes pas les maux
Ni leurs gloires ;
Et oublions donc les Romains
Et les récits lus et parfois entendus
De leurs histoires.
Peu nous importe de savoir
Les choses du siècle dernier
Et ce qu’il y arriva ;
Voyons plutôt les choses d’hier,
Elles ont été autant oubliées
Que celles-là.

Où est passé le Roi Don Juan ?
Et les Infants d’Aragon
Qu’advint-il d’eux ?
Où sont passés tant de galants,
Que devinrent, tant de blasons
Qui disparurent ?
Et les joutes et les tournois,
Les parures, les broderies
Et les cimiers,
Quoi d’autres que des bagatelles ?
Tout cela ne fut que chimères,
Éphémères ?

Que sont belles dames devenues
Et leurs toilettes et leurs atours,
Et leurs parfums ?
Que sont les flammes devenues
De ces grands feux attisés
Des amoureux?
Mais où sont passés ces trouvères,
Et leurs musiques bien tournées
Qu’ils leur chantaient ?
Où sont donc passées ces danseuses
Et les robes de soie brodées
Qui les vêtaient ?

Et l’autre aussi, son héritier,
Don Henri, que de pouvoirs
Il possédait !
Qu’il était tendre et bien doux
Le monde avec ses plaisirs
Qu’il s’octroyait !
Mais tu verras combien ennemi,
Si combatif et si cruel
Il se montra,
Qu’ayant été son ami
Combien peu il fit durer
Ce qu’il donna !

Présents accordés sans mesure
Édificesroyaux
Remplis d’or
Vaisselles ouvragées
Pièces d’or et deniers
Du trésor ;
Harnais, chevaux
De ses soldats et leurs ornements
Excessifs,
Où irons-nous désormais les chercher ?
Ils ne furent que rosée du matin
Sur la prairie ?

Et son frère, l’innocent
Dont il fit, de son vivant, son successeur
À ce qu’on dit,
Quelle brillante cour
Il eut où de nombreux seigneurs
L’ont suivi !
Mais c’était un mortel
Et la mort l’enfourna
Dans sa forge.
Ô, jugement divin !
Quand le feu brûlait plus fort
Tu jetas l’eau.

Alors ce grand Connétable
Maître que nous avons connu
Si familier,
Il ne sied pas qu’on parle de lui,
Sauf que nous l’avons vu
Décapité.
Ses inestimables trésors,
Ses villes et ses bourgs,
Son autorité,
Ne devinrent-ils pas pour lui des pleurs ?
Ne furent-ils que chagrins
Pour leur perte ?

Et ses deux autres frères,
Des Maîtres si prospères
Pareils à des rois,
Qui, suzerains ou vassaux
Assujettirent
À leurs lois,
Cette grande prospérité
Venue de tellement haut
Et exaltée,
Que fut-elle sinon clarté
Qu’au plus brillant éclat
Fut matée ?

Tant de ces excellents Ducs
Tant de Marquis et de Comtes
Et de Barons
Que nous vîmes si puissants,
Dis, la Mort, où les caches-tu
Où les as tu endormis ?
Que sont à présent les brillants exploits
Qu’ils accomplirent au cœur des guerres
Et dans la paix,
Quand, toi, féroce, tu t’acharnes,
De toutes tes forces, les terrasses
Et les défais.

Les troupes innombrables,
Les bannières, les étendards
Et les drapeaux,
Les châteaux imprenables,
Les hauts murs et les remparts,
Les barreaux,
La fosse profonde recouverte,
Ou n’importe quel abri,
Rien ne t’arrête :
Quand tu viens aveuglée d’ire
Ta flèche transperce tout
De part en part.

Et lui protecteur des bons,
Aimé pour toutes ses vertus
De tout son entourage,
Le grand Maître Don Rodrigue
Manrique, si renommé
Et si vaillant,
Ses hauts faits sont célèbres,
Point nécessaire de les louer,
Car tous les virent,
Nul besoin d’exagérer
Car chacun sait bien
Ce qu’ils furent.

Quel ami de ses amis !
Quel seigneur pour ses serviteurs
Et ses parents !
Quel ennemi pour ses ennemis !
Quel Maître pour les preux
Et les vaillants !
Quel esprit pour les sages !
Quelle grâce avec le bel esprit !
Quelle raison !
Qu’il fut aimable avec ses sujets !
Et contre fourbes et malfaisants,
Quel lion !

Octave en sa félicité,
Jules César pour sa force victorieuse
Et ses batailles ;
Scipion l’Africain, pour sa vertu ;
Hannibal pour le savoir
Et le goût du travail ;
Pour la bonté, Trajan ;
Titus pour sa générosité
Et son allégresse ;
Aurélien, par la vigueur de son bras ;
Marc Antoine pour la valeur
De ses engagements.

Antoine Pie, pour sa clémence
Marc Aurèle pour la ressemblance
De son visage ;
Hadrien par l’éloquence ;
Théodose en humanité
Et savoir vivre.
Aurèle Alexandre
Pour sa discipline et sa rigueur
Au combat;
Constantin pour sa foi ;
Camille pour le grand amour
De sa terre.

Il ne laissa guère de grands trésors,
Ni n’accumula mille richesses
Ni vaisselles précieuses,
Mais il fit la guerre aux Maures,
S’emparant de leurs forteresses
Et citadelles ;
Dans les combats qu’il remporta
Chevaliers et chevaux
Nombreux jonchèrent le sol ,
Et par ses mérites gagna
Les rentes et les vassaux
Qui lui furent attribués.

De son honneur et de son rang
Dans d’autres périodes passées
Qu’en fut-il donc ?
Désemparé, sans protection
Avec frères et serviteurs
Il résista.
Après les actions brillantes
Accomplies dans cette guerre
Qu’il faisait,
Il conclut d’honorables traités
Qui multiplièrent les terres
Qu’il possédait déjà.

Et ces vieilles histoires
Qu’avec son bras il peint
Dans sa jeunesse,
Avec d’autres belles victoires
Récemment en son vieil âge
Il les refit.
Par sa grande habileté,
Par mérites et ancienneté
Bien expérimentée
Il rejoignit la dignité
De la grande chevalerie
De l’Épée.

Et ses villes et ses terres
Qu’il trouva
Occupées par des tyrans
Par les sièges et les guerres
C’est par l’habileté de ses mains
Qu’il les obtint.
Ainsi notre Roi naturel,
Par les œuvres qu’il accomplit
Fut servi,
Comme dit celui du Portugal
Et en Castille celui là qui prit
Son parti.

Après avoir tant de fois
Librement engagé sa vie
Dans le jeu ;
Et avoir si bien servi
La couronne de son Roi,
Fidèlement
Après tant et tant d’exploits
Qu’une simple addition
Ne résumerait pas,
Dans sa propre ville d’Ocaña
Vint la mort le chercher,
À sa porte.

(La Mort parle)

Elle lui dit : «Bon Chevalier,
Quittez ce monde trompeur
Et ses flatteries ;
Que votre grand cœur d’acier
Montre son élan fameux
Dans ce malheur ;
Et puisque de votre vie et de votre salut
Vous fûtes si peu avare
Pour la belle gloire ,
Que votre vertu accepte
De souffrir cette humiliation
Qui vous allez devoir subir.

« Que ne vous soit pas trop amer
Le redoutable combat
Qui vous attend,
Car une autre vie plus longue
De renommée bien glorieuse
Ici vous quittez :
Quoique cette vie d’honneur
Ne soit pas non plus éternelle
Ni véritable,
Elle demeure malgré tout bien meilleure
Que cette autre vie temporelle
Et périssable.

« La vie éternelle
Ne s’obtient pas par les
Mondanités,
Ni non plus dans un monde de plaisirs
Domaine de tous les péchés;
Infernaux ;
Mais tous les bons religieux
La gagnent par les prières
Et les pleurs ;
Les chevaliers renommés
Par leurs luttes et leurs peines
Contre les infidèles.

« Et puisque, vous, noble guerrier,
Tant de sang es Païens
Vous avez versé ;
Attendez-en la récompense
Qu’en ce monde avez gagnée
Par vos mains ;
Ainsi nanti de cette confiance
Et muni de la foi unique
Qui sont vôtres,
Allez avec force espérance
Que cette autre vie, la troisième
Vous l’atteindrez. »

(Répond le Maître)

« Alors ne perdons plus de temps
Dans une existence mesquine
Telle que celle-ci,
Ma volonté est conforme
A la volonté divine
En toute chose ;
Je consens à ma mort
Librement et dans la joie,
Je le veux ainsi ;
Vouloir vivre pour un homme
Quand Dieu veut qu’il meure
Est pure folie. »

Prière

Toi, qui par nos péchés
As pris forme servile
Et humble nom ;
Toi qui à ta divinité
As adjoint une chose aussi vile
Que l’homme ;
Toi qui dans de si grands tourments
As souffert sans résister
En ta personne,
Fais que non par mes mérites,
Mais par ta clémence seulement
Tu me pardonnes.

Achèvement

Ainsi en un tel accord
De tous ses sens humains
Dépouillé,
Entouré de son épouse,
De ses fils, de ses frères
Et de ses serviteurs,
Rendit son âme au Créateur,
(Qu’il veuille la conserver au ciel
Et dans sa gloire).
Et bien qu’il ait perdu sa vie
Nous laisse grand réconfort
Sa mémoire.

Merci pour ta présence.

Posté le : 27/04/2016 18:16
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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