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Hergé 2
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Tintin, Milou et les autres milieu des années 1930 L'Oreille cassée.

Percy Fawcett est un explorateur disparu dans la jungle brésilienne en 1925 qui inspira à Hergé le personnage de Ridgewell.
Après Le Lotus bleu, Hergé revient à l'aventure de naguère avec L'Oreille cassée qui démarre le 5 décembre 1935 dans le Petit Vingtième. Ce choix est en grande partie dû aux pressions subies par l'auteur à l'issue du Lotus bleu. Au milieu des années 1930, l'Amérique latine est dans l'air du temps comme en témoignent l'expédition d'Henri Lavachery au Pérou et à l'île de Pâques, les récits d'Antonin Artaud au Mexique et la disparition du colonel Percy Fawcett dans la jungle brésilienne dix ans auparavant. Avec cette sixième histoire, le dessinateur rompt pour un temps avec le réalisme géographique et historique, puisqu'il ouvre le décor dans des pays imaginaires et surtout il s'attache à poser le récit autour du fétiche arumbaya. Désormais le mystère réapparaît au plus grand bonheur des lecteurs : qui a tué Monsieur Balthazar ? L'action se déroule en Europe puis au San Theodoros et au Nuevo Rico deux territoires inventés par Hergé mais qui reprennent l'ensemble des caractéristiques de l'Amérique latine des années 1930 : les coups d'État à répétition, la forte présence militaire, le libérateur latino-américain à la Simón Bolívar… Comme pour Le Lotus bleu, il dresse le tableau d'une guerre contemporaine, celle du Gran Chaco renommée Gran Chapo, opposant la Bolivie et le Paraguay 1932-1935 à propos de concessions pétrolières. Sa principale source d'inspiration est encore une fois, la revue Le Crapouillot. Avec L'Oreille cassée on passe définitivement du feuilleton au récit bouclé.

Jo, Zette et Jocko.

Jusqu'en 1935, Les Exploits de Quick et Flupke continuent de paraître en parallèle des aventures de Tintin dans le Petit Vingtième. Après cette date, les apparitions se font de plus en plus rares jusqu'à disparaître définitivement : J'ai abandonné ces garnements-là parce qu'ils me donnaient beaucoup de soucis alors que Tintin me mobilisait de plus en plus.
Pourtant à travers les deux gamins de Bruxelles, Hergé avait bouleversé la bande dessinée. Les codes traditionnels se sont trouvés modifiés : il apparaît lui-même sur plusieurs planches dans lesquelles il est pris à partie par Quick et Flupke, les personnages se cognent sur le bord des cases en faisant du ski, leur parodie d'Hitler de Mussolini où enfin ils gomment les éléments du dessin qui leur déplaisent, le tout dans un esprit d'absolue liberté. Peeters. En décembre 1935, Gaston Courtois, de la direction de Cœurs vaillants adresse une lettre à Hergé en lui commandant des personnages plus réalistes que Tintin dont le papa travaille, qui a une maman, une petite sœur, un petit animal de compagnie. Déjà très occupé par l'univers grandissant de Tintin, Hergé ne se sent pas très à l'aise dans un nouvel univers qu'il faut construire de toutes pièces. Cinq épisodes de Jo, Zette et Jocko sont réalisés en bichromie à partir de janvier 1936 avant d'être abandonnés à leur tour. Tintin est une vedette internationale puisqu'après avoir conquis la Belgique, la France et la Suisse c'est au tour du Portugal où O Papagaio publie dans ses colonnes, en avril 1936, les planches colorisées de Tintin en Amérique : c'est la première traduction étrangère de l'œuvre.
Nombre de gags de Quick et Flupke dans le Petit Vingtième 1930-1940
Dates Nombre de gags Sujets et contextes
1930 46 La vie quotidienne de rue.
1931 51 La vie quotidienne de rue.
1932 47 Le Far-West, la SDN, le football, le yoyo et l'irréalisme.
1933 24 Les obus, Hergé, le cauchemar, la politique internationale et les sports d'hiver.
1934 41 Le Loch Ness, l'irréalisme, Hitler et Mussolini et la politique internationale.
1935 35 Les automobiles, Hergé et les sports d'hiver.
1936 9 L'irréalisme, Mussolini et la politique internationale.
1939 7 Le service militaire, l'art contemporain et l'irréalisme.
1940 3 La vie quotidienne.

Léon Degrelle

Entre 1931 et 1936, Hergé réalisa des illustrations pour divers ouvrages. Ses clients provenaient de la mouvance ultracatholique : Raymond de Becker Le Christ, roi des affaires, 1930, Pour un Ordre nouveau, 1932… et surtout Léon Degrelle, un journaliste correspondant au Vingtième Siècle et auteur des Grandes farces de Louvain 1930 et d'une Histoire de la guerre scolaire 1932. Degrelle était à l'origine un monarchiste maurrassien et anticommuniste précoce. C'est à son entrée au Vingtième Siècle en 1929 qu'il rencontra Hergé. Après un séjour outre-atlantique, d'où il initia le jeune dessinateur à la bande dessinée américaine. Pour les élections législatives de 1932, Hergé contribua à sa propagande anticommuniste notamment par le biais d'une affiche qu'il réalisa pour le compte du parti catholique : c'était une tête de mort protégée par un masque à gaz et qui s'exclamait : Contre l'invasion, votez pour les Catholiques. Après cette campagne, Hergé s'était déclaré tout prêt à travailler avec Degrelle mais s'agissant de ce dessin comme n'importe quel autre, il n'envisage pas de le signer sans l'avoir méticuleusement revu, achevé et définitivement mis au point. À partir de 1934, à la tête du mouvement Rex, l'action de Degrelle se montra de plus en plus politique jusqu'à rencontrer Mussolini puis Hitler au cours de l'année 1936. La même année, Degrelle créa son journal politique Le Pays réel au sein duquel il mena une violente campagne antiparlementaire et anticommuniste. Durant cette période, Hergé prit du recul avec le leader rexiste et pendant la guerre il refusa de participer aux planches du Pays réel dont le chef venait d'incorporer la SS. Pourtant d'aucuns Maxime Benoît-Jeannin, Le Mythe Hergé notent un rapprochement entre l'œuvre d'Hergé et le mouvement rexiste par le spectre de Rastapopoulos : Par son nom Rastapopoulos est un concentré de toutes les tares que les mouvements antiparlementaires et antirépublicains stigmatisent dans leurs journaux. Et puis à la fin du XIXe siècle, le mot "rastaquouère" vise les étrangers à la richesse ostentatoire … D'ailleurs sur l'une des dernières planches de Quick et Flupke avril 1936 concernant une parodie d'un poème de Théophile Gautier, l'artiste représenta une étrange case sur laquelle on voit une allégorie de la mort portant un masque à gaz et accompagnée d'un singe brandissant le message Rex vaincra !. Derrière eux, on peut voir des avions de guerre dans le ciel et un diablotin peut-être communiste qui asperge l'allégorie d'un insecticide appelé antirex .

Seconde Guerre mondiale 1937-1944

Avant-goût du conflit à venir L'Île Noire et Le Sceptre d'Ottokar.

Le 30 janvier 1936, Georges Remi et son épouse Germaine déménagent pour élire domicile 12 place de Mai à Woluwe-Saint-Lambert. Désormais, Hergé prend conscience de ses droits d'auteur et s'adjoint les services d'un avocat, maître Dujardin. Les bénéfices des 6 000 exemplaires tirés du Lotus bleu en août 1936 reviendront à lui seul et non plus à l'abbé Wallez qui perd ses droits. L'artiste rêve d'une boutique Tintin et Milou à Bruxelles où l'on vendrait des produits dérivés du célèbre reporter. En mars 1937, Hergé dessine les toutes premières planches de Tintin en Angleterre l'Ile Noire. Pour s'assurer du réalisme de ses croquis, il participe le mois suivant à un voyage scout sur place dans le Sussex. Le scénario est placé sous le signe de l'enquête policière sur fond de traditions écossaises. La septième aventure qui apparaît dans les colonnes du Petit Vingtième le 15 avril 1937, est la première à mettre en scène la technique : apparition de la télévision, les machines d'impression des faux-monnayeurs, la place centrale des trains ou encore la Jaguar Mark IV du docteur Müller. L'élément principal de l'histoire est bien entendu la Bête qui effraie tout le monde un gorille. Encore une fois, il faut y chercher des éléments contemporains d'Hergé : d'abord le succès au cinéma du film King Kong 1933, une affaire de faux-monnayeurs organisée par un personnage germanophone nommé Müller et surtout les témoignages sur l'apparition du monstre du Loch Ness dans un lac d'Écosse 1934. Hergé mélange tous ces éléments pour établir son intrigue.
Le 23 décembre 1937, dix jours après le massacre de Nankin, paraît dans le Petit Vingtième un appel à aider les Chinois :
« Ne feriez-vous rien pour eux... ? »
« Des milliers de nos jeunes amis chinois sont les innocentes victimes de la guerre... »
Cet appel est accompagné d'un dessin d'Hergé, où Tintin désigne au lecteur une famille chinoise dans les ruines d'une maison.
Le 4 août 1938 débutent les premières péripéties de Tintin en Syldavie, pays imaginaire, sous le titre de le Sceptre d'Ottokar. Comme le note B. Peeters, les signes annonciateurs du second conflit mondial sont … innombrables. Et ce sont eux que l'auteur va prendre comme point de départ de sa fiction.. Hergé crée pour la seconde fois deux États imaginaires antagonistes, le royaume de Syldavie et la Bordurie, qui empruntent beaucoup de traits à la Yougoslavie : les personnages coiffés de toques, la charrette de foin, les Alpes dinariques, le pélican très présent au Monténégro, les minarets… En cette année 1938, le contexte international est sensible et Hergé le suit de près. Le 12 mars, les troupes allemandes d'Hitler annexent l'Autriche : c'est l'Anschluss. L'artiste reprend dans l'aventure cet événement qu'il transforme en un Anschluss raté : la dictature de Bordurie tente de s'emparer, via les moyens que possèdent ces régimes totalitaires, de la Syldavie par l'intermédiaire de Müsstler qui est une synthèse de Mussolini et d'Hitler. En faisant de la Syldavie un royaume sympathique et inoffensif, on croit reconnaître comme François Rivière cette Belgique déguisée en pays slave. Cette histoire semble, enfin, emprunter de nouveau à l'histoire familiale d'Hergé : les jumeaux Nestor et Alfred Halambique font sûrement référence à son père et à son oncle eux-mêmes jumeaux, alors que Bianca Castafiore, inspirée notamment de Renata Tebaldi, pourrait bien être aussi le négatif de la comtesse qui avait recueilli son père et son oncle lorsqu'ils étaient encore des nouveau-nés. X33 et X33 bis apparus en 1934, sont pour la première fois, dans Le Sceptre d'Ottokar, nommés Dupont et Dupond. Lorsque les dernières planches paraissent dans le Petit Vingtième, le 10 septembre 1939, Hitler vient de soumettre la Pologne depuis quelques jours : le second conflit mondial vient de commencer.

Dans la tourmente de la guerre Tintin au pays de l'or noir.

Après la démission forcée de l'abbé Wallez au milieu des années 1930 faisant suite à une altercation avec un représentant de l'État, William Ugeux devient le nouveau rédacteur en chef du Vingtième Siècle. À la fin du printemps 1939, Georges et Germaine sont invités au Vélodrome d'Hiver à Paris par Cœurs vaillants pour écouter l'interprétation de la chanson Tintin et Milou. Le 28 juin, les époux Remi s'installent au 17 avenue Delleur à Watermael-Boitsfort. À la mi-septembre 1939, l'artiste est mobilisé à Herenthout province d'Anvers où il est chargé de réquisitionner les bicyclettes des environs. Or durant l'automne il continue à envoyer depuis sa caserne, certes irrégulièrement, les planches de la nouvelle aventure de Tintin au Petit Vingtième : Tintin au pays de l'or noir. Son ancien ami scout Raymond de Becker lance le 7 décembre 1939 la revue L'Ouest officiellement neutre mais soutenue, selon M. Benoît-Jeannin, par l'ambassade d'Allemagne à Bruxelles. Pour de Becker, la Belgique doit cesser de s'aligner sur la politique française vis-à-vis de l'Allemagne et de l'Europe. Entre le 7 et 28 décembre 1939, Hergé dessine pour la nouvelle revue quatre strips de Monsieur Bellum qui s'insurge contre le « bourrage de crâne, dit-il, de la radio belge. Lieutenant de réserve, Georges Remi est ensuite envoyé à Eekeren comme instructeur dans une compagnie d'infanterie d'expression flamande. Durant cette période hiver 1939-printemps 1940, il continue d'envoyer, pratiquement chaque semaine, deux planches de Tintin au pays de l'or noir. Le 12 avril 1940, il tombe malade et, déclaré inapte par le médecin de l'hôpital militaire d'Anvers, il est mis en congé sans solde. Hergé termine les deux derniers gags de Quick et Flupke puis il dépose les dernières planches 55 et 56 de l'or noir qui apparaissent pour la dernière fois dans le numéro du 9 mai.

Le Soir et Le Soir-Jeunesse.

Cependant, cette correspondance s'interrompt définitivement quand le Vingtième Siècle cesse de paraître le 8 mai 1940. La parution suivante n'aura pas lieu à cause de l'attaque allemande du 10 mai contre la Belgique88. En effet, durant les mois de mai et juin 1940, l'armée allemande écrase dans une guerre-éclair les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique et la France. L'officier Paul Remi, frère d'Hergé, est alors déporté en Allemagne comme prisonnier de guerre. Après les premiers bombardements, les Remi et leur chat siamois quittent Bruxelles et font une halte à Paris chez une amie arrivés le 20 mai 1940. Deux jours plus tard, ils partent pour le Puy-de-Dôme à Saint-Germain-Lembron où ils trouvent refuge durant un mois dans la demeure du dessinateur Marijac. Le couple belge est de retour à Bruxelles le 30 juin 1940 au moment où le roi Léopold III appelle ses sujets à reprendre le travail. Avec l'arrêt du Petit Vingtième, la situation de Georges Remi se précarise. Depuis la mi-juin, le plus gros tirage belge, Le Soir, réapparaît mais sous contrôle allemand, d'où le surnom Le Soir volé que lui donnent les Résistants. Quelques semaines plus tard, Raymond de Becker un ancien camarade scout d'Hergé et admirateur de Mussolini, est nommé chef des services rédactionnels du quotidien. Après avoir refusé la proposition du Pays réel, l'organe de presse du parti rexiste pro allemand Rex, Hergé accepte celle du Soir. Sa période d'essai débute le 15 octobre 1940 durant laquelle il se voit confier la responsabilité d'un supplément hebdomadaire consacré à la jeunesse : Le Soir-Jeunesse.
Le dessinateur y retrouve également Paul Jamin 1911-1995 qui dessine aussi pour Le Pays Réel et le Brüsseler Zeitung. Enfin, Hergé rencontre Jacques Van Melkebeke qui devient son principal collaborateur. Jamin, Van Malkebeke et Hergé signent dans Le Soir-Jeunesse des éditoriaux sous le pseudonyme Monsieur Triplesec.
Le journal ayant été repris en octobre 1940 par un groupe de collaborateurs belges, les histoires proposées ne doivent faire référence à aucun sujet brûlant : Hergé reprend un fait divers de trafic de cocaïne sur le yacht d'un certain Miguel Castanesa par le biais de boîtes de crabe. Le 17 octobre commence à paraître, dans le premier numéro du Soir-Jeunesse intitulé Tintin et Milou sont revenus !, Le Crabe aux pinces d'or. Mais la pénurie de papier ne tarde pas à réduire les dimensions du supplément qui ne connaitra pas le même succès que le Petit Vingtième.

Habitudes de travail bouleversées

Articles détaillés : Le Crabe aux pinces d'or et capitaine Haddock. Edgar P. Jacobs.
En cet automne 1940, les affaires semblent repartir pour Hergé. Il accepte l'illustration des Fables de Robert du Bois de Vroylande où figure une histoire intitulée Les deux Juifs et leur pari. Puis le plus gros quotidien flamand Laatste Nieuws lui propose la publication dans ses colonnes de Tintin in Kongo en néerlandais. L'évolution de la neuvième aventure, Le Crabe aux pinces d'or, subit les aléas du conflit. De mois en mois, le supplément Le Soir-Jeunesse s'amenuise : alors qu'en octobre 1940 il occupait huit pages dont deux pour Les Aventures de Tintin, il ne dispose plus que de quatre pages en mai 1941, jusqu'à disparaître le 23 septembre. Dès lors, c'est en minuscules strips quotidiens que l'aventure continue d'être publiée. Cette dernière est avant tout célèbre parce qu'elle fait apparaître le capitaine Haddock, qui deviendra une figure-phare des aventures. Selon Hergé, le nom de ce personnage lui serait venu alors que son épouse cuisinait du Haddock, le nom d'un poisson devenu familier aux Belges à l'époque des restrictions de viande due au rationnement alimentaire pendant l'occupation allemandeN 13. Après quelques planches envoyées au journal, Hergé abandonne définitivement les Exploits de Quick et Flupke. Durant ces années d'occupation, les sujets traitent de « littérature d'évasion. Les 98 planches du Crabe sont bouclées le 3 septembre 1941. Entre-temps, la troupe du théâtre de la Jeunesse présente aux Galeries de Bruxelles une pièce écrite par Hergé et Jacques Van Melkebeke : Tintin aux Indes ou le Mystère du diamant bleu avril 1941. Le décor est planté dans l'Inde des Maharadjahs on note, outre Tintin, la présence des Dupondt et celle d'un savant sourd, esquisse du futur professeur Tournesol. C'est d'ailleurs au théâtre que Van Melkebeke présente à Hergé son ami Edgar P. Jacobs 1904-1987 qui devient rapidement décoriste et coloriste du père de Tintin.

L'Étoile mystérieuse.

En 1936, Charles Lesnes, introducteur d'Hergé chez Casterman, expliquait au dessinateur qu'il fallait de toute évidence et le plus rapidement possible entrer dans une voie nouvelle : celle de la couleur. Trois ans plus tard, Hergé et ses collaborateurs s'étaient mis à l'œuvre et les quatre premiers albums, hormis Tintin au pays des Soviets, étaient achevés. Cependant ces refontes ne concernaient que des encarts colorisés hors-texte au sein des albums en noir et blanc. En revanche, l'acquisition par Casterman d'une nouvelle machine offset fait évoluer les choses. Dès février 1941, Louis Casterman demande à Hergé d'envisager la possibilité de réduire sensiblement le nombre de pages des futurs Tintin pour qu'ils puissent être imprimés en couleur par le procédé offset. Après avoir longuement hésité, Hergé accepte de mettre en couleurs ses histoires et de respecter le cadre des 62 pages :

Le remaniement des albums d'avant-guerre avant 1945

Albums Année de la première édition Année du premier changement Année du deuxième changement
Tintin au Congo Petit Vingtième en 1931 Casterman en 1937 Casterman en 1942
Tintin en Amérique Petit Vingtième en 1932 Casterman en 1937 Casterman en 1942
Les Cigares du pharaon Casterman en 1934 Casterman en 1938 Casterman en 1942
Le Lotus bleu Casterman en 1936 Casterman en 1939 Casterman en 1942
L'Oreille cassée Casterman en 1937 Casterman en 1942 Casterman en 1943
L'ÃŽle Noire Casterman en 1938 Casterman en 1942 Casterman en 1943
Le Sceptre d'Ottokar Casterman en 1939 Casterman en 1942 Néant
Le Crabe aux pinces d'or Casterman en 1941 Casterman en 1942 Casterman en 1943
L'Étoile mystérieuse Casterman en 1942 Néant Néant
La tâche étant immense, Hergé doit être épaulé par des collaborateurs, dont Edgar P. Jacobs, qui entament un important travail de refonte et de mise en couleurs des albums d'avant-guerre. L'artiste annonce à l'éditeur son intention d'organiser « une sorte d'atelier, spécialisé dans ce genre de travail : Eugène Van Nyverssel, son épouse Germaine, Edgar P. Jacobs, Alice Devos, Guy Dessicy, Franz Jageneau et Monique Laurent forment la première équipe. Pourtant, Hergé ne se limite pas uniquement au coloriage de ses albums : il en profite pour corriger les maladresses de dessin ou de découpage, il réécrit lisiblement les textes, et enfin il supprime ou ajoute des cases. L'Étoile mystérieuse est le premier album à résulter de ce long travail : 176 strips parus dans Le Soir du 20 octobre 1941 au 21 mai 1942 sont remaniés en 62 planches.

Les planches de L'Étoile mystérieuse

sont alors teintées d'antisémitisme et d'anti-américanisme.

Au cœur d'une expédition scientifique en Arctique, Hergé prend soin de mettre en scène des ressortissants de pays neutres ou alliés de l'Allemagne Suède, Espagne, Allemagne, Suisse et Portugal et dans la version d'avant 1945, le navire concurrent est américain. L'œuvre d'Hergé souffre peu de la censure allemande : en 1941, les autorisations de réimprimer Tintin en Amérique et L'Île noire demandées par Casterman tardent à venir, mais la réédition aura lieu, et aucun album de Tintin, sauf L'Île Noire à l'été 1943, ne sera interdit sous l'Occupation. Le 5 mars 1942, il est l'un des rares à intervenir, pour la première fois, sur Radio-Bruxelles. À la fin de l'année, L'Île Noire, L'Oreille cassée et Le Crabe aux pinces d'or sont presque terminés.

Évasion dans l'aventure

Le Secret de La Licorne, Le Trésor de Rackham le Rouge et Professeur Tournesol.

Auguste Piccard, inspirateur du Professeur Tournesol 1932.
Sur sa lancée, Hergé poursuit l'écriture de récits d'évasion, un peu comme pour faire oublier le quotidien de l'Occupation. Le 11 juin 1942, Le Secret de La Licorne, prémices d'une chasse au trésor, commence à paraître dans Le Soir. Voulant éviter la monotonie, l'artiste introduit dans son histoire un maximum de fantaisie et de liberté. Pour la première fois, ce sont les personnages secondaires qui perturbent le bon déroulement de l'histoire. Après les Peaux-Rouges de Tintin en Amérique, le dessinateur traite ici d'un autre thème mythique de la littérature de jeunesse : les corsaires et les pirates. Pour plonger le lecteur dans cet univers, il l'embarque, fin XVIIe siècle, à bord d'un vaisseau de Louis XIV, La Licorne, commandé par un ancêtre du capitaine Haddock. Depuis L'Étoile mystérieuse, Hergé regrettait de ne pas avoir dessiné le navire d'exploration l'Aurore à partir d'une véritable maquette. Pour La Licorne, il procède méthodiquement en reproduisant très fidèlement les caractéristiques des vaisseaux d'époque dont les maquettes étaient visibles au Musée de la Marine de Paris. L'histoire se poursuit dans Le Trésor de Rackham le Rouge à partir du 19 février 1943 dans Le Soir. Cet épisode marque l'apparition du professeur Tournesol, personnage haut en couleur, inspiré du physicien suisse Auguste Piccard 1884-1962. Ce dernier fut le concepteur de nombreuses inventions comme le ballon stratosphérique ou le bathyscaphe et réalisa des plongées sous-marines. L'aventure se termine par l'acquisition du château de Moulinsart, au terme de 183 strips en noir et blanc le 23 septembre 1943.

Château de Moulinsart et Les Sept Boules de cristal.

Le château de Cheverny Loir-et-Cher, inspiration du château de Moulinsart.
Au tournant du Trésor de Rackham le Rouge et des Sept Boules de cristal, Hergé introduit le château de Moulinsart et son serviteur Nestor. Il s'agit alors de la demeure historique de la famille Haddock qui est rachetée par le capitaine grâce aux fonds gagnés par la découverte du trésor de Rackam-le-Rouge lors des plongées de Tintin effectuées avec le sous-marin du professeur Tournesol : c'est la fin du nomadisme des personnages. Les Sept Boules de cristal commencent d'ailleurs le 16 décembre 1943 dans ce nouveau décor somptueux, largement inspiré du château français de Cheverny privé de ses deux ailes extérieures. Dans la lignée des Cigares du pharaon et de L'Étoile mystérieuse, le dessinateur fait de la malédiction d'une momie inca l'énigme centrale de son histoire. À l'époque, aidé par son collaborateur Edgar P. Jacobs, Hergé s'attache de plus en plus au réalisme des décors. Aussi Jacobs repère-t-il dans la banlieue bruxelloise une villa qui servira de modèle pour la maison du professeur Bergamotte : Jacobs avait découvert exactement le genre de villa qui convenait, pas très loin de chez moi, toujours à Boitsfort. Et nous voilà postés devant cette maison, amassant des croquis sans nous inquiéter …. Notre travail terminé, nous repartons paisiblement. Surgissent à ce moment deux autos grises … qui stoppent devant la villa : celle-ci était réquisitionnée et occupée par des SS !
Cette aventure est probablement celle où l'évolution sera la plus soumise aux aléas de la guerre : la progression est ralentie pour être totalement interrompue avec la Libération de Bruxelles par la Division britannique des Guards, au matin du 4 septembre 1944. L'interruption correspond approximativement à la séquence où Tintin effectue une visite à l'hôpital.

Retour sur le devant de la scène 1944-1954 Années difficiles 1944-1946

À partir de 1943, des tensions apparaissent au sein du Soir. De Becker se brouille avec la hiérarchie allemande et devient progressivement anti-nazi. Il est démis de ses fonctions et placé en résidence surveillée en Bavière jusqu'à la fin de la guerre.
Le 4 septembre 1944, Hergé fête la Libération avec Jacobs et deux soldats britanniques chez lui. Or, trois jours plus tard son domicile est perquisitionné par la Police Judiciaire. Mais le monde d'Hergé s'écroule. Durant l'automne 1944 plusieurs de ses amis proches dont Jacques Van Malkebeke, Paul Jamin et l'abbé Wallez sont arrêtés et jugés pour leur rôle de collaborateurs ou leur proximité supposée avec l'idéologie nazie. L'ecclésiastique comme les autres est condamné à mort avant que la peine ne soit commuée en quelques années de prison.
Le 8 septembre, le Haut Commandement Interallié ordonne l'interdiction momentanée de l'exercice de tous les journalistes ayant collaboré à la rédaction d'un journal pendant l'Occupation. Après la Libération de Bruxelles, les milices de la Résistance effectuent une vague d'arrestations dans le milieu journalistique. Bien que n'y ayant jamais rédigé d'articles politiques, Hergé avait en effet travaillé pour Le Soir entre 1940 et 1944. Hergé est arrêté par quatre fois et passe une nuit en prison : Plus personne ne vous connaît ni même les éditeurs, plus personne !
J'ai été arrêté quatre fois, chaque fois par des services différents, mais je n'ai passé qu'une nuit en prison ; le lendemain on m'a relâché. Je n'ai cependant pas figuré au procès des collaborateurs du Soir, j'y étais en spectateur… Un des avocats de la défense a d'ailleurs demandé : "Pourquoi n'a-t-on pas aussi arrêté Hergé ?", ce à quoi l'Auditeur militaire a répondu : "Mais je me serais couvert de ridicule !

— Interview d'Hergé.

En effet, quelques semaines auparavant, le substitut chargé de constituer le dossier des journalistes du Soir volé explique que ce serait de nature à ridiculiser la justice que de s'en prendre à l'auteur d'inoffensifs dessins pour enfants, même si reconnaît-il plus loin, il allait devoir poursuivre des chroniqueurs littéraires, sportifs, etc. dont les écrits personnels ne sont pourtant pas sujets à critique. Le dessinateur est donc l'objet d'une certaine clémence qu'il doit au résistant belge William Ugeux. Ce dernier donne son avis sur le cas Hergé : Quelqu'un qui s'est bien conduit à titre personnel, mais qui n'en est pas moins demeuré un anglophobe évoluant toujours dans la mouvance rexiste. Il illustrait bien la passerelle qui reliait l'esprit scout primaire et la mentalité élémentaire des rexistes : goût du chef, du défilé, de l'uniforme… Un maladroit plutôt qu'un traître. Et candide sur le plan politique
Ainsi, le 22 décembre 1945, le dossier d'Hergé est classé sans suite et un an plus tard il obtient l'autorisation pour publier de nouveau septembre 1946. Entre temps, les milieux résistants avaient fait paraître dans l'hebdomadaire La Patrie, la Galerie des traîtres, un fascicule injuriant les collaborateurs, la parodie Tintin au pays des Nazis, dans laquelle on peut lire : Élève Tintin, vous avez aidé l'élève Nazi à faire ce devoir ! Vous êtes un sale collaborateur, élève Tintin ! Je dirais même plus un sale Kollaborateur !
Hergé eut un souvenir amer de l'Épuration et garda une certaine rancune vis-à-vis de la Résistance : Je détestais le genre Résistant. On m'a proposé quelquefois d'en faire partie, mais je trouvais cela contraire aux lois de la guerre. Je savais que pour chaque acte de la résistance, on allait arrêter des otages et les fusiller.
Page de Galerie de Traitres publié par "L'Insoumis" au sujet de Georges Remy sic en fait Georges Remi, aka Hergé au musée de la Résistance à Anderlecht.
Entre fin 1944 et fin 1946, Georges Remi est interdit de publication. De nombreuses rumeurs circulent alors sur son compte. Certains avancent qu'il est devenu fou et d'autres même qu'il est mort. En réalité, le dessinateur travaille sur certains de ses albums d'avant-guerre. En juin 1945, Paul Remi rentre de captivité en Belgique mais cela n'arrange pas l'état de santé de sa mère. De son côté, Hergé améliore l'efficacité narrative des images de Tintin en Amérique. De nombreuses planches de l'ancienne édition version 1932, où certaines maladresses apparaissaient, sont corrigées. L'album est colorisé et calibré en 62 pages. Tintin au Congo est le second album à subir une refonte totale. L'auteur prend soin de modifier certaines séquences de la version en noir et blanc qui pourraient être embarrassantes à une époque sensible. Ce sont les détails colonialistes qui sont adoucis, comme la célèbre leçon de géographie à des Congolais où Tintin s'exclamait : Votre patrie la Belgique version 1930, qui devient une leçon de mathématiques : Deux plus deux égalent ? version 1946. Casterman lui réclame les planches originales du Sceptre d'Ottokar pour les coloriser, mais celles-ci sont restées dans les locaux de Cœurs Vaillants pendant l'Occupation et ont disparu. Enfin dernier album concerné, Le Lotus bleu, dans l'ensemble peu modifié exceptés la colorisation, le calibrage paginal et quelques enrichissements de décor version 1946. À la même période, Hergé lance avec Edgar P. Jacobs des planches de bandes dessinées sous le pseudonyme de Olav.

Le Journal de Tintin

Le Journal de Tintin et Le Temple du Soleil.

Le 19 avril 1946, Élisabeth Remi, la mère d'Hergé, décède dans un hôpital psychiatrique banlieue nord-est de Bruxelles. Au cours de l'été, l'ancien résistant Raymond Leblanc 1915-2008 propose à Hergé d'obtenir pour lui l'autorisation de créer un journal. Leblanc fonde Le Journal de Tintin et Hergé devient le directeur artistique des bureaux situés au 55 rue du Lombard à Bruxelles. De nombreux dessinateurs coopèrent dont Edgar P. Jacobs, Jacques Van Melkebeke et Jacques Laudy. Le premier numéro de l'hebdomadaire paraît le 26 septembre 1946. Les conditions de travail ne sont plus celles de l'Occupation, ce qui améliore considérablement la qualité du dessin format à l'italienne, finesse des couleurs, taille des images…. Après deux ans d'interruption, la suite des Sept Boules de cristal apparaît dans le premier numéro du Journal sous le titre Le Temple du Soleil. Le tournant entre les deux albums s'effectue le 16 janvier 1947. Envoyant ses héros au Pérou, la documentation amassée, avec l'aide d'Edgar P. Jacobs, pour l'occasion est considérable. Outre les croquis et les photos, la source de référence du dessinateur est l'ouvrage de Charles Wiener, Pérou et Bolivie 1880. En parallèle du récit de l'aventure, les planches doubles du Journal permettent l'impression en bas de page de documents renseignant le lecteur sur les civilisations précolombiennes.
Après avoir contribué à la documentation et au coloriage du Temple du Soleil, Edgar P. Jacobs continue son chemin en se consacrant aux aventures de ses propres héros Blake et Mortimer à partir de janvier 1947. La période est particulièrement difficile pour Hergé. Une querelle éclate au printemps entre son agent Bernard Thièry et lui. Accusé d'escroquerie, ce dernier menace le dessinateur de divulguer la collaboration de Van Melkebeke alors interdit de publication depuis la Libération. L'abbé Wallez, quant à lui, est condamné à quatre années de prison le 10 juin.

Première remise en question Tintin au pays de l'or noir

Comme il le souligne dans l'une de ses lettres, le dessinateur est las : Quand je dis que je suis blasé, c'est fatigué que je devrais dire. Je suis las de ces éloges ; je suis las de refaire pour la ixième fois le même gag …. Ce que je fais ne répond plus à une nécessité. Je ne dessine plus comme je respire, comme c'était le cas il n'y a pas tellement longtemps. Tintin, ce n'est plus moi ….
Pour se changer les idées, le couple Remi part en Suisse durant une grande partie de l'été 1947. À leur retour, ils caressent le projet de s'établir en Amérique du Sud, loin des problèmes de la Belgique d'après-guerre116. Au printemps 1948, l'artiste belge qui rêve d'adapter Tintin au cinéma envoie une lettre à Walt Disney pour lui demander son appui, en vain. Durant l'été, Georges et sa femme reprennent la direction de la Suisse accompagnés de Rosana, âgée de 18 ans et fille d'une amie de Germaine. Durant le séjour, l'homme et la jeune fille entretiennent une courte liaison amoureuse sitôt avouée. Entre-temps, d'autres collaborateurs essentiels apparaissent dans le sillage d'Hergé : Bob de Moor 1925-1992 ou Guy Dessicy. Le 16 septembre 1948, Hergé reprend une publication avortée de 56 planches en mai 1940 du fait de la disparition du Petit Vingtième : Tintin au pays de l'or noir. Le scénario avait débuté avant guerre avec l'attentat d'Haïfa survenu durant l'été 1938 à l'encontre de l'occupant britanniqu.
Cette aventure est celle qui connaît le plus de fluctuations. En une décennie, l'histoire fut arrêtée trois fois : en mai 1940 occupation de Bruxelles, en juin 1947 première déprime de Hergé et enfin en avril 1949 seconde déprime. Avant de compléter la suite de l'histoire, Georges Remi procède à certaines adaptations par rapport aux planches de 1939-1940 : il intègre ainsi le capitaine Haddock et le château de Moulinsart. Comme l'exprime B. Peeters : Véritable fantôme se glissant dans un récit qui n'avait pas été prévu pour lui, Haddock apporte à cet album une note de bizarrerie presque surréaliste. Apparaissent au cours de cette aventure, l'émir Ben Kalish Ezab et son fils Abdallah inspiré de Fayçal II, fils de Ghazi Ier le roi d'Irak. D'un point de vue politique, c'est le témoignage des tensions qui subsistent pour l'indépendance sur fond de concessions pétrolières durant les années 1940 et 1950 dans le royaume d'Irak. L'épilogue est publié le 23 février 1950. Depuis le 16 décembre 1949, les Remi ont fait l'acquisition d'une ferme dont l'origine remonte au XVIe - XVIIe siècle, époque de la domination espagnole, ancienne propriété Labouverie, dans le village de Céroux-Mousty, rue de Ferrières, au sud de Bruxelles, dans le Brabant wallon.

Studios Hergé

Studios Hergé, Objectif Lune, On a marché sur la Lune et La Vallée des cobras.

Depuis 1950, Hergé a le projet d'envoyer ses héros sur la Lune. L'idée lui en est venue à la lecture d'un livre d'Alexandre Ananoff intitulé l'Astronautique et il se met en rapport épistolaire avec l'auteur pour en obtenir des précisions sur l'aménagement d'une fusée habitable et sur les commandes et instruments de contrôle de celle-ci. L'ampleur du projet nécessite, par sa masse de documentation et de travail, une équipe autour d'Hergé et une organisation digne d'une véritable entreprise. Le 6 avril 1950, Me Willocx, notaire à Saint-Gilles, signe l'acte de la société anonyme Studios Hergé. Bob de Moor, second depuis le départ de Edgar P. Jacobs, est rejoint par Jacques Martin, Roger Leloup et d'autres. Pour calmer le chagrin de son père devenu veuf, Hergé le nomme comme responsable des archives. Dans le contexte international de l'époque, une partie du monde est entrée dans la Guerre froide. Le sujet de la nouvelle aventure de Tintin a pour toile de fond tantôt le rêve mythique de Jules Verne De la Terre à la Lune 1865 tantôt le contexte d'après-guerre d'utilisation des missiles et fusées. Entre 1948 et 1950, le bloc occidental reprend à son profit la technologie des V2 allemands fusée Véronique mise au point en 1948. Afin d'être lavé de tout soupçon, Hergé plante son action dans l'un de ses pays imaginaires, la Syldavie. Le 30 mars 1950, les premières planches de On a marché sur la Lune apparaissent dans le Journal de Tintin.
D'autre part, les Studios Hergé amassent une documentation énorme auprès du docteur Bernard Heuvelmans une connaissance du groupe, spécialiste de la cryptozoologie. Le fruit de cette collaboration donne naissance à une première planche, écrite par Hergé et Jacques Van Melkebeke le rédacteur en chef du Journal de Tintin qui se déroule aux États-Unis avec la participation des professeurs Tournesol et Calys. Jugée médiocre, Hergé l'abandonne tout en continuant la collaboration avec Heuvelmans125.
Mais le projet astronautique continue et une maquette de la fusée est conçue - dans laquelle on trouve l'influence des dessins et schémas d'Ananoff - pour permettre au décorateur-en-chef d'Objectif Lune Bob de Moor de rendre les scènes techniquement plus réalistes. Afin d'éviter la lourdeur documentaire du sujet, Hergé introduit une ligne humoristique au travers du capitaine Haddock, pour rendre l'histoire plus légère. L'aventure se termine le 30 décembre 1953 au terme de 117 planches parues. L'ensemble est scindé en deux albums distincts : Objectif Lune Casterman, 1953 et On a marché sur la Lune Casterman, 1954. À la fin des deux épisodes Hergé dresse un jugement sévère : d'une part il est insatisfait de la fin tragique de l'ingénieur Wolff : Il fallait sortir de cette impasse et j'ai fini par céder, et par écrire cette sottise : "Peut-être par miracle me permettra-t-il d'en réchapper. …" Il n'y a pas de miracle possible : Wolff est condamné sans appel, et il le sait mieux que quiconque.
D'autre part, l'auteur estime que le sujet extraterrestre est étroit et qu'il a, selon lui, fait le tour pour ne plus y revenir : Que voulez-vous qu'il se passe sur Mars ou sur Vénus ? Le voyage interplanétaire, pour moi, est un sujet vidé. L'évolution de la conquête spatiale par les Soviétiques et les Américains et l'apparition du mythe des OVNI ne changeront rien à cette opinion, en tout cas quant aux projets d'Hergé dans la bande dessinée.
Quelques semaines plus tard, le dessinateur achète un étage d'appartement, avenue Louise à Bruxelles, pour y installer les Studios Hergé. Casterman commande à Hergé les planches d'avant-guerre 1935-1939 revisitées et en couleurs de Jo, Zette et Jocko. Les collaborateurs du dessinateur se mettent au travail et cinq albums sont proposés : Le Testament de M. Pump et Destination New-York 1951 reprennent les planches du Stratonef, Le "Manitoba" ne répond plus et L'Éruption du Karamako 1952, reprennent Le Rayon du mystère et enfin La Vallée des cobras 1956. Sur les instructions d'Hergé, Jacques Martin s'est personnellement occupé de ce dernier album à l'origine inachevé.

Tintin superstar B. Peeters

Crise personnelle 1952-1959 L'Affaire Tournesol

Durant la conception des deux albums précédents, son épouse Germaine est grièvement blessée lors d'un accident de voiture 17 février 1952. Quelques mois plus tard, Norbert Wallez récemment sorti de prison décède pendant que le dessinateur retrouve son amie d'enfance Marie-Louise van Cutsem lors d'une dédicace d'albums au Palais des Beaux Arts de Bruxelles septembre 1952. Ces événements n'arrangent en rien la fragilité psychologique d'Hergé. Mais les affaires reprennent l'année suivante et Tintin devient une véritable icône mondiale. Les Studios Hergé font l'acquisition de locaux plus vastes et déménagent le 1er avril 1953 pour l'avenue Louise à Bruxelles. Poussé par Casterman à éditer la dernière aventure de Jo, Zette et Jocko publiée en 1939, Hergé ne parvient pas à mettre la main sur les planches originales laissées à Cœurs Vaillants qui ne veut pas les lui rendre. Enfin, Raymond Leblanc travaille au projet du premier magasin Tintin à proximité des Studios Hergé, avenue Louise.
Le 22 décembre 1954, L'Affaire Tournesol commence à paraître dans le Journal. Après la visite de Séraphin Lampion, les héros sont envoyés en Suisse où Hergé s'était préalablement rendu en repérage. Il croqua et photographia l'hôtel Cornavin à Genève, la demeure du professeur Topolino à Nyon ou les bords du lac Léman : Il fallait que je découvre l'endroit exact près de Genève, où une voiture peut quitter la route et tomber dans un lac.
L'Affaire Tournesol est l'aventure par excellence qui rend le mieux compte de l'atmosphère de la Guerre froide. Les tensions entre la Syldavie et la Bordurie trahissent les affrontements entre les blocs. Le symbole bordure des moustaches de Plekszy-Gladz est un mélange du brassard nazi et des moustaches de Staline qui vient de mourir mars 1953. La série se termine le 22 février 1956. La même année, Hergé entame une relation extra-conjugale avec l'une de ses coloristes, Fanny Vlamynck, arrivée aux Studios en 1955.

Les paysages blancs du Tibet.

Entre octobre 1956 et janvier 1958, les Studios Hergé réalisent Coke en stock. Cette dix-neuvième aventure est celle du retour d'anciennes connaissances. Ainsi réapparaissent : l'émir ben Kalish Ezab, Abdallah, le général Alcazar, Dawson, le docteur Müller, le lieutenant Allan, Rastapopoulos, Bianca Castafiore, Séraphin Lampion et Oliveira da Figueira. L'intrigue tourne autour du trafic d'armes et surtout d'esclaves qu'Hergé voulait dénoncer. Accompagné de Bob de Moor, l'artiste se rend sur un cargo suédois pour y prendre des clichés qui serviront de décor pour l'aventure132. En parallèle, la santé psychique d'Hergé demeure instable, marquée par des rêves de blanc et angoissants. Tintin au Tibet, l'album probablement le plus personnel de son œuvre, reflète bien l'état d'esprit de l'auteur à la fin des années 1950. Pour lutter contre ses démons, le dessinateur débute sa nouvelle aventure le 17 septembre 1958 : À un certain moment, dans une sorte d'alcôve d'une blancheur immaculée, est apparu un squelette tout blanc qui a essayé de m'attraper. Et à l'instant, tout autour de moi, le monde est devenu blanc, blanc.
Il consulte le professeur Franz Riklin, psychanalyste disciple de Carl Gustav Jung, qui lui conseille purement et simplement d'arrêter de travailler. Mais Hergé ne tient pas compte de ses recommandations et poursuit la réalisation de l'album. Tintin au Tibet sera tout simplement le remède à cette crise des rêves et du subconscient meurtri de Georges Remi. La vingtième aventure est assez singulière et se démarque particulièrement des autres : pas de personnages secondaires, pas de méchants et un Tintin plus humain que jamais à la recherche de son ami de toujours, Tchang. Le rôle d'Haddock équilibre l'ensemble grâce à son humour décalé et râleur. C'est aussi une documentation précise sur l'Himalaya, Katmandou et surtout le plus d'informations possibles sur le légendaire Yéti. Cet hypothétique abominable homme des neiges dont l'existence fut défendue par le cryptozoologiste belge Bernard Heuvelmans et dont Maurice Herzog pensait que les traces mystérieuses qu'il avait découvertes dans la neige de l'Annapurna, à haute altitude, pourraient être celles de ce primate survivant de la préhistoire. Plus on progresse vers la fin de l'album, plus la blancheur l'emporte sur les autres couleurs : une couleur pure mais qui hante le dessinateur depuis plusieurs mois. Enfin, le monde du rêve est au centre de l'intrigue : rêve prémonitoire, télépathie, lévitation… L'histoire est terminée le 25 novembre 1959. Libéré de ses démons, Hergé quitte sa femme Germaine, mais sans pour autant pouvoir divorcer car celle-ci ne lui accordera qu'en 1977.
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Posté le : 21/05/2016 15:21
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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