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Gérard de Nerval
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Le 22 mai 1808 à Paris naît Gérard Labrunie dit Gérard de Nerval

écrivain et poète, romancier, nouvelliste, dramturge français du mouvement romantique il meurt dans la même ville le 26 janvier 1855 à 46 ans. Figure majeure du romantisme français, il est essentiellement connu pour ses poèmes et ses nouvelles, notamment son ouvrage Les Filles du feu, recueil de nouvelles la plus célèbre étant Sylvie et de sonnets Les Chimères publié en 1854. Ses Œuvres principales sont : Voyage en Orient en 1851, Les Filles du feu en 1854, Odelettes

Sa vie

Fils d'Étienne Labrunie, médecin militaire, et de Marie-Antoinette Laurent, fille d'un marchand linger de la rue Coquillière, Gérard de Nerval naît le 22 mai 1808, vers 20 heures, à Paris, au 96 rue Saint-Martin actuellement le no 168. Baptisé le 23 à Saint-Merri, il est confié quelques mois plus tard à une nourrice de Loisy, près de Mortefontaine. Son père est nommé le 8 juin suivant médecin militaire adjoint à la Grande Armée, il est rapidement promu médecin et attaché, le 22 décembre, au service de l'armée du Rhin. Le 29 novembre 1810, sa mère meurt à Głogów, en Silésie alors qu’elle accompagnait son mari. De 1808 à 1814, Gérard est élevé par son grand-oncle maternel, Antoine Boucher, à Mortefontaine, dans la campagne du Valois, à Saint-Germain-en-Laye et à Paris. Au printemps 1814, son père retrouve la vie civile et s'installe avec son fils à Paris, au 72, rue Saint-Martin. Gérard reviendra régulièrement dans ces lieux évoqués dans nombre de ses nouvelles.
En 1822, il entre au collège Charlemagne, où il a pour condisciple Théophile Gautier. C'est en classe de première année scolaire 1823-1824 qu'il compose son premier recueil resté manuscrit de cent quarante pages : Poésies et Poèmes par Gérard L. 1824 qu'il donne plus tard à Arsène Houssaye en 1852. Ce recueil a figuré à l'exposition Gérard de Nerval à la Maison de Balzac à Paris en 1981-824. Il a déjà écrit, sous le nom de Gérard L. un panégyrique de Napoléon Ier : Napoléon ou la France guerrière, élégies nationales, publié chez Ladvocat et réédité en 1827 par Touquet. L'année suivante, il écrit deux Épîtres à Monsieur Duponchel caché sous le pseudonyme de Beuglant. Dès juillet 1826, il se lance dans la satire à la suite du scandale de l'Académie française qui a préféré Charles Brifaut à Alphonse de Lamartine. Il compose alors une Complainte sur l'immortalité de Monsieur Briffaut orthographe de l'auteur, puis une pièce dans le même esprit : L'Académie ou les membres introuvables, ce qui lui valut d'être recalé au concours de l'Académie en 1828.
Le 28 novembre 1827, le Journal de la Librairie annonce la parution de sa traduction de Faust en volume in-32 qui porte le titre : Faust, tragédie de Goethe, traduite par Gérard 1828.

En bref

Le XIXe siècle a considéré Gérard de Nerval comme un écrivain mineur : aimable compagnon, doux rêveur, gentil poète. Dans sa Sylvie, déjà tenue pour une réussite exquise de son art, on goûtait le charme idyllique de la narration, sans guère saisir les résonances intérieures. Aurélia, Les Chimères, œuvres d'un abord plus difficile, demeuraient méconnues ou peu comprises.
En toute justice, le XXe siècle a promu Nerval au rang des plus grands ; sa gloire est définitivement assise. Mais, par une réaction excessive, certains exégètes accordent aujourd'hui trop d'importance aux spéculations chimériques dont ses contemporains, les plus proches amis exceptés, se contentaient un peu inconsidérément de sourire.
Si Gérard de Nerval n'est pas ce « fol délicieux » qu'évoquait Maurice Barrès, il n'est pas non plus un héros de la connaissance, un porteur de message. Sa quête fiévreuse à travers les mythologies et les théosophies ne révèle que l'inquiétude de son esprit. Sa grandeur est de s'y être engagé jusqu'à en mourir, et d'en avoir figuré les épisodes avec une lucidité pathétique, contrôlée par un art vigilant.
Rêveries d'enfance et de jeunesse : Né à Paris, Gérard Labrunie, Nerval est un pseudonyme emprunté à un clos familial avait deux ans lorsque sa mère mourut, en Silésie. Elle accompagnait son mari, médecin de la Grande Armée. Gérard voua un culte à sa mémoire, et le traumatisme causé par cette absence est à l'origine de son tourment.
Il vécut ses premières années dans le Valois, chez son grand-oncle maternel, Antoine Boucher, qui possédait une petite maison à Mortefontaine. Au retour de son père, en 1814, il le suivit à Paris. Il prépara son baccalauréat au collège Charlemagne. L'été, cependant, il retrouvait les forêts de son enfance. Mortefontaine, mais aussi Chantilly, Senlis, Chaalis, Ermenonville l'ont imprégné de souvenirs. Lorsque la maison d'Antoine Boucher fut vendue, en 1825, cet événement familial marqua pour lui la fin d'un premier cycle affectif.
Non moins important pour sa vie intérieure apparaît, dans sa dix-neuvième année, un autre séjour provincial, chez des parents du côté paternel, à Saint-Germain-en-Laye. Gérard s'y éprit d'une cousine, Sophie de Lamaury, qui devait rapidement se marier. De cette aventure, longtemps ignorée, datent sans doute ses premières ferveurs sentimentales.
Ainsi, les rêveries de Nerval sont nées, au moins pour une part, du regret d'une mère qu'il n'a pas connue, d'une jeune fille qu'il n'a pas conquise. Elles flottent autour du Valois et de Saint-Germain, qui sont les deux hauts lieux de la géographie nervalienne.

Premiers pas vers le succès

Le 1er mai 1829, pour faire plaisir à son père, Gérard accepte d'être stagiaire dans une étude de notaire. Mais il pratique le métier mollement. Il a autre chose à faire. En bon soldat du romantisme, il est convoqué par Victor Hugo pour faire partie de la claque de soutien à Hernani, mission dont Gérard s'acquitte volontiers, voir Bataille d'Hernani.
1830 est l'année des deux révolutions : la révolution romantique à laquelle Gérard participe, et la révolution politique, celle des Trois Glorieuses à laquelle il ne participe qu'en badaud. La politique ne l'intéresse pas. Les barricades lui ont cependant inspiré un poème-fleuve : Le peuple, son nom, sa gloire, sa force, sa voix, sa vertu, son repos publié en août 1830 dans le Mercure de France du XIXe siècle. Il publie encore un pamphlet : Nos adieux à la Chambre des Députés de l'an 1830 ou, Allez-vous-en vieux mandataires, par le Père Gérard, patriote de 1789, ancien décoré de la prise de la Bastille … et En avant, marche! publiés dans Le Cabinet de lecture le 4 mars 1831.
Gérard a surtout deux importants projets : une anthologie de la poésie allemande et une anthologie de la poésie française, deux ouvrages pour lesquels il lui faut une abondante documentation à laquelle il accède grâce à Alexandre Dumas et Pierre-Sébastien Laurentie qui lui font obtenir une carte d'emprunt, ce qui lui évite de perdre du temps en bibliothèque.
La première anthologie porte le titre de Poésies allemandes, Klopstock, Schiller et Bürger, Goethe, précédée d'une notice sur les poètes allemands par M. Gérard. L'œuvre est accueillie avec moins d'enthousiasme que Faust, dont le compositeur Hector Berlioz s’est inspiré pour son opéra la Damnation de Faust.
La seconde anthologie est un Choix de poésie de Ronsard, Joachim du Bellay, Jean-Antoine de Baïf, Guillaume du Bartas, Jean-Baptiste Chassignet, précédé d'une introduction par M. Gérard.
Ces deux ouvrages ne rencontrent pas un succès éclatant. Mais à l'automne 1830, le Cénacle mis en place par Sainte-Beuve pour assurer le triomphe de Victor Hugo rassemble des écrivains reconnus : Alfred de Vigny, Alfred de Musset, Charles Nodier, Alexandre Dumas, Honoré de Balzac. Les réunions ont lieu rue Notre-Dame-des-Champs, soit chez Hugo, soit chez le peintre Eugène Devéria, frère d'Achille Devéria, mais ce cénacle commence à se disperser. Apparaît un nouveau cénacle : le Petit-Cénacle, dont l'animateur est le sculpteur Jean Bernard Duseigneur qui reçoit dans son atelier, installé dans une boutique de marchand de légumes, où il retrouve Pétrus Borel et Célestin Nanteuil avant de publier La Main de gloire en septembre.
Mais c'est surtout à ce moment-là que Nerval a envie d'écrire des pièces de théâtre à la manière d'Hugo. Deux de ses œuvres reçoivent un très bon accueil au théâtre de l'Odéon : Le Prince des sots et Lara ou l'expiation. Toutes n'ont pas le même succès mais Gérard ajoute un nom d'auteur à son prénom.
Il devient Gérard de Nerval, pseudonyme adopté en souvenir d'un lieu-dit, le clos de Nerval près de Loisy, un champ cultivé par son grand père maternel, à cheval sur la commune de Mortefontaine.

Premières folies, premières expériences

Une des caractéristiques du Petit-Cénacle est la propension de ses membres au chahut, à la boisson, aux farces, aux jeux de mots et au bousin ou bouzingo barouf. C'est d'ailleurs à la suite d'une de ces manifestations du groupe que les agents du guet interviennent et arrêtent trois ou quatre Jeunes-France dont Nerval fait partie avec Théophile Gautier. Enfermé à la prison de Sainte-Pélagie, Nerval écrit un petit poème aussitôt publié dans Le Cabinet de lecture du 4 septembre 1831. De nouveau dans la nuit du 2 février 1832, les Jeunes-France sont arrêtés, pris pour des conspirateurs, et cette fois leur peine est plus longue.
En 1833, Nestor Roqueplan lui ouvre les colonnes de son journal : La Charte de 1830. Mais déjà un autre ami Édouard Gorges lui propose d'écrire avec lui un roman-feuilleton, dont l'action se déroulerait dans la Bretagne des chouans. Le vif succès remporté en 1829 par Les Chouans de Balzac fait hésiter Nerval. Pourtant, l'envie de visiter la région de Vitré l'emporte et il en revient avec un récit : L'Auberge de Vitré qu'il exploitera plus tard dans le prologue de son roman Le Marquis de Fayolle, roman édité après la mort de Nerval en 1856 par Édouard Gorges, qui l'a remanié et achevé.
Il fut membre de la goguette des Joyeux et de la goguette des Bergers de Syracuse.

L'écrivain

En janvier 1834, à la mort de son grand-père maternel, il hérite d'environ 30 000 francs. Parti à l'automne dans le Midi de la France, il passe la frontière, à l'insu de son père, et visite Florence, Rome puis Naples. En 1835, il s’installe impasse du Doyenné chez le peintre Camille Rogier, où tout un groupe de romantiques se retrouve, et fonde en mai le Monde dramatique, revue luxueuse qui consume son héritage et que, lourdement endetté, il doit finalement vendre en 1836. Faisant alors ses débuts dans le journalisme, il part en voyage en Belgique avec Gautier, de juillet à septembre. En décembre, il signe pour la première fois Gérard de Nerval dans Le Figaro.
Le 31 octobre 1837 est créé à l'Opéra-Comique Piquillo sur une musique de Monpou ; Dumas signe seul le livret, malgré la collaboration de Nerval ; l’actrice Jenny Colon tient le premier rôle. Nerval se serait épris de cette actrice qui n'aurait pas répondu à ses sentiments. Il fréquente alors le salon de Madame Boscary de Villeplaine, où une rivalité amoureuse l'oppose au financier William Hope pour la conquête de l'actrice.
Selon certains exégètes, il aurait voué un culte idolâtre à Jenny Colon, même après la mort de celle-ci, et elle serait la figure de la Mère perdue, mais aussi de la Femme idéale où se mêlent, dans un syncrétisme caractéristique de sa pensée, Marie, Isis, la reine de Saba, ce qui fait débat parmi les spécialistes de Nerval. Durant l'été 1838, il voyage en Allemagne avec Dumas pour préparer Léo Burckart, pièce retardée par la censure. Après la première de L'Alchimiste, écrite en collaboration avec Dumas, le 10 avril 1839, Léo Burckart est finalement créé au théâtre de la Porte-Saint-Martin le 16 avril. Dans le même temps, il publie Le Fort de Bitche 25-28 juin dans Le Messager et Les Deux rendez-vous 15-17 août – qui deviendra plus tard Corilla – dans La Presse. Puis, en novembre, il part pour Vienne, où il rencontre la pianiste Marie Pleyel à l'Ambassade de France.
De retour en France en mars 1840, il remplace Gautier, alors en Espagne, pour le feuilleton dramatique de La Presse. Après une troisième édition de Faust, augmentée d'une préface, et de fragments du Second Faust en juillet, il part en octobre en Belgique. Le 15 décembre a lieu la première de Piquillo à Bruxelles, où il revoit Jenny Colon et Marie Pleyel.
À la suite d'une première crise de folie le 23 février 1841, il est soigné chez Mme Marie de Sainte-Colombe, qui tient une maison de correction Sainte-Colombe, créée en 1785 au 4-6 rue de Picpus. Le 1er mars, Jules Janin publie un article nécrologique dans Les Débats. Après une seconde crise, le 21 mars, il est interné dans la clinique du docteur Blanche, à Montmartre, de mars à novembre.
Le 22 décembre 1842, Nerval part pour l'Orient, passant successivement par Alexandrie, Le Caire, Beyrouth, Constantinople, Malte et Naples. De retour à Paris dans les derniers mois de 1843, il publie ses premiers articles relatifs à son voyage en 1844. En septembre et octobre, il part avec Arsène Houssaye, directeur de L'Artiste, en Belgique et aux Pays-Bas. De juin à septembre 1845, il remplace Gautier, alors en Algérie, dans La Presse.
Son Voyage en Orient paraît en 1851. Il affirme dans une lettre au docteur Blanche datée du 22 octobre 1853, avoir été initié aux mystères druzes lors de son passage en Syrie, où il aurait atteint le grade de refit, l’un des plus élevés de cette confrérie. Toute son œuvre est fortement teintée d’ésotérisme et de symboles, notamment alchimiques. Alors qu’on l'accusait d’être impie, il s'exclama : Moi, pas de religion ? J’en ai dix-sept… au moins.
Entre 1844 et 1847, Nerval voyage en Belgique, aux Pays-Bas, à Londres… et rédige des reportages et impressions de voyages. En même temps, il travaille comme nouvelliste et auteur de livrets d’opéra ainsi que comme traducteur des poèmes de son ami Heinrich Heine recueil imprimé en 1848. Nerval vit ses dernières années dans la détresse matérielle et morale. C'est à cette période qu'il écrira ses principaux chefs-d’œuvre, réalisés pour se purger de ses émotions sur les conseils du docteur Émile Blanche pour le premier, pour la dimension cathartique du rêve et contre l'avis du docteur Blanche pour le second : Les Filles du feu, Aurélia ou le rêve et la vie 1853-1854.
Au bas d'un portrait photographique de lui, Gérard de Nerval écrivit : Je suis l'autre.
Gustave Doré, La Rue de la Vieille-Lanterne : Le Suicide de Gérard de Nerval, 1855.
Le 26 janvier 1855, on le retrouva pendu aux barreaux d'une grille qui fermait un égout de la rue de la Vieille-Lanterne voie aujourd'hui disparue, qui était parallèle au quai de Gesvres et aboutissait place du Châtelet, le lieu de son suicide se trouverait probablement à l'emplacement du théâtre de la Ville, pour délier son âme dans la rue la plus noire qu’il pût trouver, selon la formule de Baudelaire. Ses amis émirent l'hypothèse d'un assassinat perpétré par des rôdeurs, au cours d'une de ses promenades habituelles dans des lieux mal famés, mais le suicide est la thèse généralement reconnue. Toutefois le doute subsiste, car il fut retrouvé avec son chapeau sur la tête alors qu'il aurait normalement dû tomber du fait de l'agitation provoquée par la strangulation.
On retrouva une lettre dans laquelle il demandait 300 francs, somme qui, selon lui, aurait suffi pour survivre durant l'hiver. La cérémonie funéraire eut lieu à la cathédrale Notre-Dame de Paris, cérémonie religieuse qui lui fut accordée malgré son suicide présumé du fait de son état mental. Théophile Gautier et Arsène Houssaye payèrent pour lui une concession au cimetière du Père-Lachaise.

Bohème littéraire et bohème galante

C'est à Saint-Germain, semble-t-il, qu'il parachève une de ses premières entreprises littéraires, la traduction du premier Faust de Goethe. Mais c'est à Paris que s'oriente, décidément, sa vocation d'écrivain. Avec Théophile Gautier, son condisciple de Charlemagne, il fréquente le « cénacle » de Victor Hugo, participe à la bataille d'Hernani, se mêle à la bohème artiste des Jeune-France. Il se plaît dans la compagnie de cette jeunesse turbulente. Cependant, il cultive en lui-même un domaine secret. Dans quelques poèmes se devine, déjà, une délicate nostalgie : Fantaisie (1832) a pour cadre le château de Saint-Germain ; à l'appel d'un air magique apparaît une dame en habits anciens qu'il reconnaît pour l'avoir rencontrée, peut-être, dans une existence antérieure ; ainsi commence l'élaboration mythique du thème sentimental qui dominera ses œuvres essentielles.
En 1834, à la faveur d'un modeste héritage, il s'installe, avec Arsène Houssaye et Camille Rogier, tout près du Louvre, impasse du Doyenné, dans un petit hôtel qu'il meuble avec un goût raffiné. Pour lui et pour le groupe de ses amis, c'est une époque de vie frivole et insouciante : « Quels temps heureux ! on donnait des bals, des soupers, des fêtes costumées ; on jouait de vieilles comédies [...]. Nous étions heureux, toujours gais, quelquefois riches » (Petits Châteaux de bohème).
Riche, Gérard de Nerval ne le demeura pas longtemps, car il eut tôt fait de dissiper son héritage. Heureux, non plus : une aventure douloureuse allait, de nouveau, le blesser. Dans sa bohème galante du Doyenné, il est devenu amoureux de Jenny Colon, cantatrice légère et comédienne. Il lui voua d'abord une admiration silencieuse, puis la poursuivit, finit par se déclarer à elle et, semble-t-il, toucha un moment son cœur ; mais elle préféra bientôt à la romanesque idylle un mariage de raison et épousa, en 1838, un flûtiste de l'Opéra-Comique.

La poursuite des chimères

Le mariage de Jenny Colon ne paraît pas avoir entraîné de bouleversement dans l'existence de Nerval : il demeure un bohème des lettres, tantôt dissipé, tantôt pressé par la nécessité d'assurer sa vie quotidienne ; il y parvient, plutôt mal, en écrivant pour des journaux, pour des libraires, pour des directeurs de théâtre. Un long travail intérieur, cependant, commence à s'accomplir en lui. Éloignée de son horizon terrestre, Jenny reste dans son souvenir, avec Sophie, comme une incarnation fragile de l'Éternel Féminin dont il poursuit la quête. Cependant, il se passionne pour les sciences occultes, s'initie au pythagorisme, à l'alchimie, médite sur le pouvoir des nombres ou sur les harmonies des couleurs, entretient en lui une fièvre de connaissance parfois délirante.
Après la mort de la comédienne, survenue en 1842, un voyage en Orient (1843) nourrit sa recherche exaltée. Aux nostalgies sentimentales et aux curiosités intellectuelles se mêlent des aspirations religieuses. En passant au large des côtes grecques, il évoque l'aventure de Francesco Colonna, devenu moine à la suite d'un désespoir d'amour, et qui, la nuit, « rejoignait en esprit la douce Polia aux saintes demeures de Cythérée ». Au pied des Pyramides, il pense aux joies de l'initié, admis après mainte épreuve à contempler la Déesse universelle, à la fois mère et amante, d'abord sous les traits évanescents de la femme aimée, puis sous l'aspect d'une Vierge éternelle. Au Liban, il s'intéresse à la religion des Druses et s'enflamme pour la fille d'un cheik. Dans toutes les mythologies, il découvre des symboles semblables : la Vénus païenne, l'Isis égyptienne, la Vierge chrétienne se confondent dans son imagination, comme se confondent dans son souvenir les créatures humaines qu'il a aimées.
Désormais, Nerval se voue délibérément aux recherches ésotériques. Il compose des monographies sur les « illuminés », ses frères, qui ont cherché, comme lui, en marge des dogmes, une Vérité et une Beauté idéales. Il collabore à des revues occultistes, Le Diable rouge, l'Almanach fantastique, Le Diable vert. Son exaltation spirituelle se nourrit d'innombrables lectures.
En 1851, l'édition définitive de la relation du Voyage en Orient s'enrichit de deux longs récits qui portent la marque de son obsession fondamentale. Dans l'Histoire du calife Hakem, le héros et son double Yousouf sont tous deux fascinés par une image de l'Éternel Féminin. Dans l'Histoire de la reine du matin, Adoniram, l'architecte de Salomon, qui, comme lui, « rêve toujours l'Impossible », et Balkis, reine de Saba, se reconnaissent destinés l'un à l'autre de toute éternité.
Ces fables érudites et passionnées témoignent du climat ordinaire où se meut la pensée de Nerval. Mais d'alarmants désordres viennent par moments la secouer. Interné une première fois, dès 1841, pour troubles mentaux, l'écrivain traverse encore des crises graves : en 1851, puis, à intervalles plus rapprochés, pendant les deux dernières années de sa vie. Au mois d'octobre 1854, il quitta la clinique du Dr Émile Blanche, à Passy, pour mener une existence cahotée. On le retrouva pendu, à l'aube du 26 janvier 1855, dans une ruelle parisienne. Un suicide est probable.

La transcription du drame intérieur

Or, ces deux dernières années, si cruelles, sont aussi, pour l'écrivain, les plus fécondes. Sentant le danger qui le menace, il s'emploie, dans les périodes de répit, à « recomposer » sa tragique aventure. Ses œuvres les plus émouvantes révèlent comment son rêve a pris naissance, puis s'est épanoui et épanché dans la vie réelle, jusqu'à désorganiser sa représentation du monde.
Dans Sylvie (une nouvelle écrite au printemps de 1853, entre deux internements, et incorporée aux Filles du feu), Gérard de Nerval remonte aux premières années de son existence ; il évoque le charme vaporeux du Valois et transpose les premières émotions de son cœur. À la grâce rustique de Sylvie s'oppose le prestige rayonnant d'une jeune fille destinée au couvent, Adrienne. Le narrateur, délaissant le réel pour l'idéal, sacrifie l'amicale Sylvie au souvenir de l'inaccessible Adrienne dont il poursuit vainement le fantôme et dont il croit découvrir, beaucoup plus tard, une incarnation nouvelle dans la comédienne Aurélie. Mais Aurélie se dérobe ; Adrienne et Sylvie lui ont déjà échappé. Conscient de son échec, il est rendu à une solitude désespérée. Nerval a vécu une aventure analogue à celle de ce narrateur : Sylvie ressemble aux petites paysannes du Valois qui furent ses compagnes ; Adrienne rappelle ses rêves d'adolescent ; Aurélie est une image de Jenny Colon.
Dans Aurélia, un récit en prose rédigé pour la plus grande partie chez le Dr Blanche, Gérard de Nerval retrace l'histoire de sa vie intérieure depuis la rupture avec Jenny, rupture entraînée par une faute dont il entend porter seul la responsabilité. Ses rêves délirants, analysés ou transposés, y prennent une signification ambiguë. Ce sont des témoignages cliniques fournis par le malade lui-même ; mais ce sont aussi des images d'une méditation exaltée. Il se persuade, en effet, qu'une correspondance existe entre les événements de notre vie quotidienne et les mystères de l'au-delà. Le songe lui apparaît comme un moyen de passer d'une sphère à l'autre, de saisir le sens caché que révèlent nos aventures terrestres, de percer les « portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible ». En même temps, il s'attache à considérer les crises qu'il a traversées comme des épreuves purificatrices. Dans ses états seconds, il a connu, certes, après de folles extases, des retombées, des angoisses, des paniques ; il a eu des hallucinations terribles, des visions de déluge et d'apocalypse. Une nuit, cependant, lui est venue une illumination radieuse ; la déesse mystérieuse à laquelle il a voué un culte apparaît et lui dit : « Je suis la même que Marie, la même que ta mère, la même aussi que sous toutes les formes tu as toujours aimée. À chacune de tes épreuves, j'ai quitté l'un des masques dont je voile mes traits, et bientôt tu me verras telle que je suis. » Dès lors, il s'est senti pardonné et sauvé. Au cours d'un dernier rêve, Aurélia, qu'il avait cru perdre en perdant Jenny, Aurélia, archétype de toute beauté incarnée en des formes éphémères, est retrouvée, brillant au firmament d'un éclat éternel. Nouvel Orphée, le héros se croit sorti victorieux de sa « descente aux Enfers ». Mais le désordre des derniers mois vécus par Nerval donne à penser que sa certitude s'est évanouie et que le rêveur désenchanté a retrouvé sa fondamentale inquiétude.
Au-delà des épisodes du destin tourmenté qu'évoque encore l'énigmatique Pandora, un récit en prose achevé quelques semaines avant de mourir, Les Chimères, suite de sonnets composés dans un état de « rêverie surnaturaliste », condensent en vers intemporels l'expérience sublimée du poète : aux souvenirs se mêlent des réminiscences livresques, des allusions à l'astrologie ou à l'alchimie. Nerval a voulu dissuader ses lecteurs d'y chercher autre chose qu'une incantation. Pourtant, les deux chefs-d'œuvre de cette suite rappellent les moments principaux de son aventure. Dans « El Desdichado », il se remémore les illusions d'un passé disparu et prend conscience d'une fatalité redoutable : il se décrit sous l'aspect d'un chevalier noir, hanté par le malheur ; non pas tout à fait désespéré, car certains souvenirs conservent une vertu apaisante, mais déshérité et envahi par la mélancolie. Dans « Artémis », les heures de la vie et les formes féminines qui les représentent sont évoquées dans leur ronde : chacune d'elles, quand elle s'inscrit pour un instant au sommet du cadran, occupe la place laissée par la précédente et destinée à n'être jamais vide ; elles témoignent, à chaque envol, de la vanité de l'expérience humaine en quête d'éternité :
La Treizième revient... C'est encor la première ;Et c'est toujours la Seule –, ou c'est le seul moment :Car es-tu Reine, ô Toi ! la première ou dernière ?Es-tu Roi, toi le Seul ou le dernier amant ?...

L'art de l'écrivain

Même si l'on négligeait la portée du témoignage humain, l'œuvre de Nerval conserverait sa principale vertu qui tient à la pureté du langage. Si sa poésie est dense et souvent elliptique, sa prose se modèle avec une parfaite souplesse sur les impressions et les émotions qu'elle exprime. Le narrateur d'Aurélia, décrivant ses délires, reproduit avec une grande précision de trait, associée à une harmonie impondérable, les formes entrevues en rêve : « La dame que je suivais, développant sa taille élancée dans un mouvement qui faisait miroiter les plis de sa robe en taffetas changeant, entoura gracieusement de son bras une longue tige de rose trémière, puis elle se mit à grandir sous un clair rayon de lumière, de telle sorte que peu à peu le jardin prenait sa forme, et les parterres et les arbres devenaient les rosaces et les festons de ses vêtements, tandis que sa figure et ses bras imprimaient leurs contours aux nuages pourprés du ciel. » Celui de Sylvie rappelle avec fraîcheur les coutumes et les fêtes de son Valois, transfigurant les paysages et les personnages familiers de son enfance par la magie du souvenir ; sa phrase limpide et transparente défie souvent le commentaire. Aucun abandon, pourtant, dans cette fluidité : l'artiste est toujours attentif, quoique discret. Il lui arrive même quelquefois, pour reprendre son propre terme, si expressif, de « perler » ; il associe précieusement des mots comme les perles d'un collier ; chacun brille d'un éclat propre, mais leur pouvoir suggestif est multiplié, parce qu'ils se fondent tous dans l'harmonie de la phrase : « ... Adrienne, fleur de la nuit éclose à la pâle clarté de la lune, fantôme rose et blond glissant sur l'herbe verte à demi baignée de blanches vapeurs. » L'idéalisme romantique, dont Gérard de Nerval incarne le pur esprit, ne s'est jamais exprimé avec plus de délicatesse. Pierre-Georges Castex

Œuvres Poésie Fantaisie

Napoléon et la France guerrière, élégies nationales 1826
Napoléon et Talma, élégies nationales nouvelles 1826
L'Académie ou les membres introuvables 1826, comédie satirique en vers
Le Peuple 1830, ode
Nos adieux à la Chambre des Députés ou allez-vous-en, vieux mandataires 1831
Odelettes 1834, dont: Une allée du Luxembourg
Les Chimères 1854
Contes, nouvelles et récits
La Main de gloire : histoire macaronique ou La Main enchantée 1832
Raoul Spifame, seigneur des Granges 1839, biographie romancée, publiée ensuite dans Les Illuminés
Histoire véridique du canard 1845
Scènes de la vie orientale 1846-1847
Le Monstre vert 1849
Le Diable rouge, almanach cabalistique pour 1850
Les Confidences de Nicolas 1850, publiée ensuite dans Les Illuminés Édition critique de Michel Brix, 2007
La tombe de Nerval au Père-Lachaise.
Les Nuits du Ramazan 1850
Les Faux Saulniers, histoire de l’abbé de Bucquoy 1851
Voyage en Orient 1851
Contes et facéties 1852
La Bohème galante 1852
Lorely, souvenirs d’Allemagne 1852
Les Illuminés 1852
Les Nuits d'octobre 1852 Les Nuits d'octobre parurent en plusieurs livraisons dans 'Illustration, d'octobre à novembre 1852, avant de connaître des rééditions tirées à part.
Sylvie 1853
Petits châteaux de Bohème 1853
Les Filles du feu : Angélique, Sylvie, Jemmy, Isis, Émilie, Octavie, Pandora, Les Chimères 1854
Promenades et souvenirs 1854
Aurélia ou le rêve et la vie 1855
La Danse des morts 1855

Romans

Nerval a écrit deux romans :
Le Prince des sots, tiré de la pièce du même titre de Nerval, fut publié par Louis Ulbach en 1888, mais sous une forme très altérée. Le véritable texte de Nerval fut publié en 1962 par Jean Richer. Ce roman, fort méconnu, porte sur le règne de Charles VI le Fol.
Le Marquis de Fayolle, paru en feuilletons en 1849 dans le journal Le TempsNote 1, fut laissé inachevé par son auteur, et fut achevé par Édouard Gorges et publié en 185624. L'action porte sur la Révolution en Bretagne. On peut trouver la version authentique de Nerval dans la collection de la Pléiade.
Théâtre
N'ont été publiées au xixe siècle que sept pièces personnelles de Nerval. Les titres, voire le texte, d'autres pièces non publiées, nous sont également parvenus.
Les deux plus anciens titres sont parus sous la forme de plaquettes :
Monsieur Dentscourt ou Le Cuisinier d'un grand homme 1826.
L'Académie ou Les Membres introuvables 1826.
Les trois titres suivants sont issus de la collaboration entre Alexandre Dumas père et Nerval :
Piquillo 1837, drame signé par Dumas.
L'Alchimiste 1839, drame signé par Dumas. C'est surtout le début de la pièce qui porte la marque de Nerval.
Léo Burckart 1839, drame signé par Nerval.
Nerval publia ensuite :
Les Monténégrins 1849, drame, en collaboration avec Jules-Édouard Alboize de Pujol. Musique de Armand Limnander de Nieuwenhove. Il existe une première version, différente, sous forme de manuscrit, de cette pièce, qui date de 1848.
L'Imagier de Harlem 1852, drame relatif aux premiers temps de l'imprimerie, avec Méry et B. Lopez.
Il subsiste des fragments ou des indications, sous forme de manuscrit, des pièces suivantes toutes ces pièces n'ont pas été forcément achevées :
Nicolas Flamel 1830.
Faust années 1830.
Lara ou L'Expiation, même pièce que La Dame de Carouge 1831.
Le Prince des sots, dont il subsiste un fragment : Guy le Rouge.
Louis de France.
Le Magnétiseur 1840.
Les Trois ouvriers de Nuremberg 1840.
De Paris à Pékin 1848.
Pruneau de Tours 1850.
La Main de gloire 1850.
La Forêt-Noire ou La Margrave vers 1850.
La Mort de Rousseau 1850.
La Fille de l'enfer, Aurore ou Francesco Colonna 1853.
La Polygamie est un cas pendable 1853.
Corilla" a été intégré dans "Les Filles du feu.
Panorama.
Dolbreuse, même pièce que Le Citoyen marquis.
Des titres suivants, évoqués à certains moments par Nerval, il ne reste rien, et certains n'ont probablement jamais été écrits :
Tartuffe chez Molière.
La Mort de Brusquet.
Beppo.
L'Abbate.
L'Étudiant Anselme.
L'Homme de nuit.
Fouquet.
La Fiancée d'Abydos ou de Corinthe.
Première coquetterie d'étudiant.
Les Walkyries.
une imitation d'une tragédie de Racine.
La Reine de Saba, dont Nerval reprit l'histoire dans Le Voyage en Orient.
Nerval a également écrit les adaptations suivantes :
Han d'Islande années 1830, d'après le roman de Victor Hugo. Publié en 1939 et republié par les éditions Kimé en 2007.
Jodelet ou L'Héritier ridicule, d'après Scarron, publié par les éditions Kimé en 2002.
Le Nouveau genre ou Le Café d'un théâtre, d'après Moratin, fut achevé par Arthus Fleury et publié en 1860. Il existe une autre pièce assez voisine de ce titre, et inachevée, "Erreur de nom", qui a été publiée en 1962.
Le Chariot d'enfant, en collaboration avec Méry, d'après l'Indien Soudraka, fut publié en 1850.
Misanthropie et repentir, d'après Kotzebue, fut représenté après la mort de Nerval, en 1855.
Une Nuit blanche fut représentée une unique fois en 1850, puis interdit par le futur Napoléon III.

Traductions

Faust 1828
Poésies allemandes Klopstock, Goethe… 1830
« Der König in Thule », « Le Roi de Thulé »de Goethe
Pamphlet
Histoire véridique du canard, dans Monographie de la presse parisienne avec Honoré de Balzac 1842,
Complainte sur la mort de haut et puissant seigneur le Droit d'aînesse...
Les hauts faits des Jésuites...


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Posté le : 21/05/2016 20:15
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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