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Alphonse de Lamartine
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Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine dit Alphonse de Lamartine, est né à Mâcon le 21 octobre 1790

et mort à Paris le 28 février 1869, poète, romancier, dramaturge et prosateur en même temps qu'un homme politique français, l'orateur d'exception qui proclama et dirigea la Deuxième République.
Il est l'une des plus grandes figures du romantisme en France.
Son père, Pierre de Lamartine (21 septembre 1752-Mâcon, 1840) est seigneur, chevalier de Pratz et, capitaine au régiment Dauphin-cavalerie, et sa mère Alix des Roys, " fille de l'intendant général de M. le duc d'Orléans".
Les dix premières années, passées à la campagne à Milly, sont influencées par la nature, ses sœurs, sa mère, et surtout par l'abbé Dumont, curé de Bussières, qui lui insuffle une grande ferveur religieuse, renforcée par les années qu'il passe au collège de Belley, pendant lesquelles il lit Chateaubriand, Virgile et Horace.
De retour à Milly, il commence à écrire de la poésie sous l'inspiration de l'Ossian de Baour-Lormian.
Puis, après une aventure sentimentale qui inquiète ses parents, il entame un voyage en Italie (1811-1812) pendant lequel il rencontre une jeune Napolitaine qui sera le modèle de sa Graziella.
Il s'essaye à la tragédie (Médée) et écrit ses premières élégies.
En 1814, il est quelque temps garde du corps de Louis XVIII une fois ce dernier intronisé : il se réfugie en Suisse au moment des Cent-Jours et finalement démissionne en 181510. Il revient à Milly, et mène une vie de gentleman campagnard. Seul garçon de sa famille, il doit recevoir en héritage les domaines de ses parents.
Sans y être obligé, il s'engage à indemniser ses sœurs par des rentes.


L'homme politique


En 1848, à l'occasion de la chute de Louis-Philippe et de la proclamation de la Seconde République, Lamartine fait partie de la Commission du gouvernement provisoire. Il est ainsi Ministre des Affaires étrangères de février à mai 1848.
Partisan d'une révolution politique, il est plus proche des libéraux que des partisans d'une réforme politique et sociale (Louis Blanc, Albert, etc.).
Le 25 février 1848, il s'oppose ainsi à l'adoption du drapeau rouge.
De concert avec François Arago, il mène une politique modérée.
C'est lui qui signe le décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848. Le 10 mai 1848, le gouvernement provisoire est remplacé par une commission exécutive, dont ont été exclus les plus à gauche (Louis Blanc, etc.).
Lamartine siège alors avec François Arago (également président de la Commission), Louis-Antoine Garnier-Pagès, Alexandre Auguste Ledru-Rollin et Pierre Marie de Saint-Georges.
Après la fermeture des Ateliers nationaux, décidée par la Commission exécutive, et les Journées de Juin, réprimées dans le sang par le général Cavaignac, la Commission démissionne.
Le 28 juin 1848, Cavaignac devient président du Conseil des ministres par intérim.
En décembre, Lamartine obtient juste 0,26 % lors de l'élection présidentielle qui porte au pouvoir Louis Napoléon Bonaparte. En avril-juin 1850, lors des débats parlementaires sur la loi de déportation politique, Lamartine s'oppose au choix des îles Marquises, bien qu'il ne fût pas opposé au principe même de la déportation.


Son inspiration politique et sociale

Dès 1830, la pensée politique et sociale de Lamartine va devenir un aspect essentiel de son œuvre. Légitimiste en 1820, il évolue peu à peu vers la gauche, mais voit un danger dans la disparition de la propriété : cette position ambiguë est intenable. En 1831, il est attaqué dans la revue Némésis : on lui reproche d'avilir sa muse en la faisant la servante de ses idées politiques.
Lamartine réplique, et dès cette période, son œuvre est de plus en plus marquée par ses idées.
Lamartine croit au progrès : l'histoire est en marche et les révolutions sont un moyen divin pour atteindre un objectif. La démocratie est la traduction politique de l'idéal évangélique.
Jocelyn, La Chute d'un ange, témoignent des préoccupations sociales de leur auteur, qui œuvre aussi pour la paix.


La pensée religieuse de Lamartine

Jocelyn, La Chute d'un ange, le Voyage en Orient révèlent la pensée religieuse de Lamartine. Son déisme est assez vague, mais le poète veut expurger la religion de la croyance aux miracles, de celle de l'enfer, etc. Cependant, certaines de ses œuvres seront mises à l'index. Sa foi en la Providence est contingente des vicissitudes de sa vie, mais le désir de servir Dieu est à chaque fois plus fort. La présence de figures romanesques et religieuses, telles l'Abbé Dumont, traversant son œuvre, participe de cette vision évangélique.
Regards sur l’œuvre
Maître du lyrisme romantique et chantre de l'amour,
de la nature et de la mort, Alphonse de Lamartine marque une étape importante dans l'histoire de la poésie française avec sa musique propre.
En effet "La révolution française de la poésie" peut être datée "des Méditations poétiques" de Lamartine : cette mince plaquette eut un effet à la fois détonant et fondateur dans la redéfinition lente de la poésie à laquelle procède le XIX siècle".
Lamartine, admiré par Hugo, Nodier ou Sainte-Beuve, disait de la poésie qu'elle était "de la raison chantée " et retrouva les accords d'un langage enthousiaste, c'est-à-dire d'une possible communion avec Dieu.
La poésie est chant de l'âme. Si ses élégies restent dans la lignée de celles de Chénier, Bertin ou Parny, ses méditations et ses poèmes métaphysiques (notamment " La Mort de Socrate " et " Le Désert ") sont le résultat d'une expérience nouvelle, qui ont pu faire dire à Rimbaud que
" Lamartine est quelquefois voyant, mais étranglé par la forme vieille. "(Lettre du voyant.)

L'œuvre immense : 127 volumes —

propose parfois des textes moins reconnus (poèmes de circonstances par exemple ou de nombreux textes du Cours familier de littérature)6, mais on y reconnait le plus souvent l'expression d'un artiste, pour qui la poésie est " l'incarnation de ce que l'homme a de plus intime dans le cœur et de plus divin dans la pensée".
Certains de ses contemporains furent sévères avec lui, (Flaubert parle ainsi de " lyrisme poitrinaire "), mais il restera comme le grand restaurateur de l'inspiration lyrique.
La beauté de cette poésie suppose donc la profonde sympathie de son intime lecteur :
"La phrase fait secrètement entendre ce qu'elle fait discrètement voir et ressentir".
Quiconque la murmure se substitue à celui qui l'inventa et se met à confondre les automnes de son âme avec ceux de la nature car ils sont signes de la déploration qu'il y a en Dieu.
Telle aura été la visitation de Lamartine .
Son Voyage en Orient est avec celui de Nerval, après l'Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand, l'un des chefs-d’œuvre du récit de voyage.
Son titre complet, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833), ou Notes d'un voyageur, souligne assez bien l'ambition littéraire de Lamartine, poète d'une nature illimitée dont la vision voluptueuse ouvre un espace immense à la rêverie, à une profonde méditation.
La poésie se rêve en effet le plus souvent chez Lamartine comme une coulée douce, d'ordre presque érotique, chargée tout à la fois de délivrer le moi et d'occuper en face de lui, disons presque de séduire, l'espace d'un paysage

Sous le second empire
La fin de la vie de Lamartine
est marquée par des problèmes d'argent, dus à sa générosité et à son goût pour les vastes domaines. Il revient un temps aux souvenirs de jeunesse avec Graziella, Raphaël, mais doit très vite faire de l'alimentaire. La qualité de ses œuvres s'en ressent rapidement, et désormais les productions à la mesure du poète, telles que La Vigne et la Maison (1857), seront rares. À la fin des années 1860, quasiment ruiné, il vend sa propriété à Milly et accepte l'aide d'un régime qu'il réprouve. C'est à Paris qu'il meurt en 1869, deux ans après une attaque l'ayant réduit à la paralysie.

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Sa vie résumée en date:

1790 Naissance, le 21 octobre, d'Alphonse de Lamartine. Son père, et sa mère sont des aristocrates et de fervents catholiques.
1797 La famille de Lamartine s'établit à Milly. Le poète conservera cette propriété jusqu'en 1860 et l'évoquera dans plusieurs de ses œuvres, notamment Milly et la Vigne et la Maison.
1811-1812 Lamartine voyage en Italie, entre autres à Naples où il entretient une liaison avec une Antoniella qui lui servira de modèle pour Graziella.
1812 Lamartine devient maire de Mâcon.
1814 Lamartine s'engage dans la garde de Louis XVIII.
1816 En octobre, le poète fréquente Julie Charles qui sera l'Elvire des Méditations et l'héroïne du Lac.
1817 En août, Lamartine attend en vain Julie Charles à Aix, là où les deux amants s'étaient donné rendez-vous. Ce n'est qu'en décembre, à Paris, que le poète apprend la mort de Mme Charles.
1820 En mars, Lamartine publie Les Méditations poétiques. Le 6 juin, il épouse une anglaise, Marianne-Élisa Birch. Le couple voyage en Italie où Lamartine a été nommé attaché d'ambassade.
1822 Naissance de Julia de Lamartine. La même année meurt Alphonse, le fils du poète, né l'année précédente.
1823 Publication des Nouvelles Méditations poétiques.
1825 Composition du Dernier Chant du pèlerinage d'Harold, inspiré par Byron.
1829 Le 5 novembre, Lamartine est élu à l'Académie française. Le 16 du même mois, sa mère meurt.
1830 Mise en vente des Harmonies poétiques et religieuses. En décembre, il publie un poème Contre la peine de Mort.
1831 Lamartine présente sa candidature comme député à Mâcon, à Bergues et à Toulon. C'est partout un échec.
1832 Publication des Révolutions. La même année, Lamartine va en Orient où il visite notamment le Saint-Sépulcre. C'est pendant ce voyage, à Beyrouth, que meurt Julia de Lamartine.
1836 Publication de Jocelyn. La même année, Jocelyn et Le Voyage en Orient sont mis à l'Index.
1837 Lamartine est élu député de Mâcon et de Bergues. Dans les années qui suivront, Lamartine luttera contre la peine de mort, pour la suppression de l'esclavage, pour la paix et, de façon plus générale, pour les démunis. A la Chambre des députés, ses discours auront de plus en plus d'influence.
1839 Mise en vente des Recueillements poétiques.
1840 Le 30 août meurt Pierre de Lamartine, le père du poète. Lamartine refuse un portefeuille ministériel dans le gouvernement de Guizot et, la même année, il s'oppose au retour des cendres de Napoléon.
1844 Lamartine entreprend un nouveau voyage en Italie.
1843-1847 Composition d'une Histoire des Girondins dans laquelle Lamartine chante la grandeur de la Révolution, allant jusqu'à, malgré son dégoût pour les excès de la Terreur, réhabiliter Robespierre.
1848 Le 24 février, Lamartine devient ministre des Affaires étrangères. En décembre, il pose sa candidature à la présidence de la République. Il ne recueille que 17 910 voix
1850 Première de Toussaint Louverture. En juin et juillet, Lamartine voyage en Turquie.
1856 Première édition du Cours familier de Littérature. C'est dans cette publication mensuelle que Lamartine fera paraître la Vigne et la Maison.
1860 Vente de Milly, la maison où Lamartine passa son enfance.
1869 Mort d'Alphonse de Lamartine, à Paris.

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Lamartine qui était-il ?

par Henri Guillemin



Un languide, n'est-ce pas ? Un mandoliniste assomant. Le pleurard à nacelle dont parlait Musset. Le responsable, comme disait Flaubert, de tous les embêtements bleuâtres du lyrisme poitrinaire.
Je sais bien que c'est là l'image usuelle que l'on se fait de Lamartine.
Il n'y en a pas de plus inexacte.

Oui, il a eu le tort de publier deux fois, coup sur coup (1820 et 1823), des vers où il prétendait "se mourrir". Il avait alors trente ans et il mourra presque octogénaire. Oui, sa prose est souvent molle, et son vocabulaire poétique fait, aujourd'hui, "fané", terriblement. Etranglé par la forme vieille, écrivait Rimbaud, en 1871. Mais le même rimbaud, dans la même phrase, ne l'en reconnaissait pas moins voyant. Et l'on sait que, pour Rimbaud, c'était là le mot clé. Pas de poésie sans "voyance". Lamartine "voyant", selon Rimbaud, est donc, à ses yeux, un poète authentique. Et je me souviens de Claudel 1942, un Claudel désœuvré, qui n'avait jamais lu Lamartine, qui s'y était mis parce qu'il ne savait quoi lire, et qui, tout stupéfait, fixant sur moi ses yuex gris, me disait, n'en revenant pas : "C'est tout de même vrai, ce Lamartine, avec ses défauts, un poète, oui, un poète..."

On songe toujours, quand il s'agit de lui, au Lac, devenu désastreux par "l'adaptation musicale" dont ce poème là fut victime. Et à l'Isolement et au Vallon, à tout ce qui permit à Jules Lemaitre de divertir son auditoire, jadis, en murmurant, avec ce sourire qui lui valait des adorations, que si Victor Hugo, c'est "Boum-Boum", Lamartine, hélas, c'est "Gnan-Gnan". A croire que l'on ne sait même pas que, si Lamartine est l'auteur des Méditations et de Jocelyn, il l'est aussi de ces Psaumes modernes (premier titre de ses Harmonies) où Novissima Verba répond mal à la définition susdite, et des Révolutions et des vers A Némésis et de cette extraordinaire Chute d'un ange qui n'est précisément pas de la guimauve. Une "corde d'airain", chez lui aussi. Une voix puissante et mâle. Et si c'est le même homme qui est capable d'écrire Le Désert et La Vigne et la Maison, c'est que "rien n'est si doux que ce qui est fort" (ces mots là sont de lui; on les trouve dans son Nouveau voyage en Orient, et c'est de l'océan qu'il s'agit).

Un païen qui avait besoin de soleil, qui ouvrait sa poitrine à tous les souffles de la terre et du ciel. Et en même temps un être incapable de borner ses vœux aux délices de l'assouvissement. Terrestre, terrien ("terreux", eût dit Péguy); et, à la fois, homme de désir, avec une réclamation en lui, viscérale, une revendication farouche de l'infini, de l'éternel, de ce qui est.

Il avait possédé des femmes et des femmes, quand, à vingt-six ans, un choc profond l'ébranle. celle qu'il tient maintenant dans ses bras va mourir. Elle le sait. Il le sait. Elle meurt en effet. (Il l'avait eue vivante, ardente, chaude et nue contre lui, au mois d'octobre 1816, pour la première fois, à Aix; en décembre de l'année suivante, on l'ensevelissait, à Paris). Commotion qui l'atteint jusqu'au fond de sa substance. Elle l'a "changé. Cette ferveur chrétienne qu'il avait connue, jadis, auprès d'une mère admirable qui savait lui rendre sensible la présence de Dieu, cette ferveur qui s'était éteinte sous les plaisirs, elle ressuscite. Un lien brisé qui se renoue. Une eau perdue qui se remet à sourdre. Lamartine se marie, résolu à faire de sa vie autre chose qu'une poursuite des "grands biens". Il veut un foyer, des enfants, et dire ce qu'il a désormais dans le cœur, son espérance, sa certitude.
Ses enfants lui seront arrachés. La mort de sa petite Julia, en décembre 1832, est pour lui un déchirement sans nom.

Il entre dans la lutte politique, allant - avec une lucidité exemplaire - vers un but dont ne se doutent guère ni ses ennemis ni ses amis. Ce châtelain de province a compris ce que ne veulent pas voir les gens de sa classe : que la vraie question, temporelle, est économique et sociale, et que l'oppression est la voie sûre vers l'explosion, et que l'ordre injuste est un désordre, et que le salut est dans la République et tout ce qu'elle contient d'implicite, qu'il faudra bien expliciter. On le prend, chez les conservateurs, pour un rusé au service de leurs intérêts; et quand on s'aperçoit, sur le fait, en mai 1848, et de manière le plus flagrante, qu'il n'est pas cet imposteur dupant la "canaille", que les possédants avaient d'abord applaudit, une marée de haine le submerge, un raz-de-marée. Falloux, Montalembert, Veuillot, et tous "ces athées de la nuance catholique", si bien dénudés par Victor Hugo, qui se précipitent, en 1848, vers une Foi qui leur fait entre eux hausser les épaules, mais qu'ils estiment bonne encore à préparer, chez les analphabètes, des générations d'esclaves résignés, tous ceux-là poursuivent Lamartine d'une fureur, d'une exécration inouïes.

Démuni, solitaire et le cœur broyé, Lamartine ne sait plus si c'est vrai, tout ce à quoi il a cru. Il ne le sait plus, mais il a décidé de faire, et de vivre, comme si c'était vrai. Pari jeté dans le noir. Faire comme si Dieu, le maître obscur, était le "bon Dieu". C'est cela, le secret de Lamartine, de la mort de sa fille jusqu'à sa propre mort. Et ces mots qu'il avait voulu qu'on gravât sur sa tombe : Speravit anima mea, ces mots flétrits, usés, comme on se trompe si l'on y voit la montée calme d'une fumée d'encens. C'est une flamme entrecoupée et violente. Un cri que cet homme s'arrache dans un coup de force permanent de sa volonté.

Henri GUILLEMIN

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Les Méditations poétiques

Les Méditations poétiques ont été publiées en 1820. Ces vingt-quatre pièces furent créées entre 1815 et 1820 et constituaient une sorte de journal intime des expériences vécues ces années-là par le poète, expériences dont la plus célèbre fut inspirée par Julie Charles, la femme évoquée par Lamartine dans Le Lac. À l'origine, les Méditations eurent un tel succès, en particulier au sein des milieux catholiques, qu'en moins d'un an sept éditions en furent faites. Même le roi de France et quelques-uns de ses ministres, Talleyrand notamment, en récitaient les vers. Au plan historique, l'importance de ce petit livre est également considérable, et il n'est pas inutile de rappeler que plusieurs lecteurs et critiques ont reconnu, dans les Méditations, la première oeuvre, avec celles de Chateaubriand, pleinement romantique de la littérature française.

Mais à quoi, justement, tient ce caractère romantique?

Rappelons d'abord que le poète, chez Lamartine, est un être seul, isolé, plus près de Dieu et de la Nature que de ses frères humains. Ajoutons que ce poète souffre d'une mélancolie, d'une maladie de l'âme qui annonce le Mal du siècle de Musset ou le spleen baudelairien. Il n'est pas non plus indifférent de noter que les épanchements de Lamartine - ceux qu'on entend dans Le Lac, L'Automne ou Le Vallon - ont cette qualité proprement romantique d'êtres nés de son expérience la plus intime, la plus personnelle, mais d'avoir en même temps pu rejoindre des générations entières de lecteurs où chacun prend cette expérience comme la sienne.

Parfois le style de Lamartine est emphatique, parfois aussi ses plaintes sont trop appuyées pour qu'on les sente parfaitement authentiques, mais n'est-ce pas justement ce sens de l'excès qui, au-delà de tout le reste, fait des Méditations l'un des recueils les plus typiquement romantiques qui soient ?

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Les poèmes des Harmonies poétiques et religieuses



Les poèmes des Harmonies poétiques et religieuses ont été composés entre 1825 et 1830 et ils furent publiés le 15 juin 1830. La plupart de ces pièces furent écrites à Florence, entre 1826 et 1828, là où Lamartine occupait un poste de secrétaire d'ambassade, et elles sont dans l'ensemble marquées par le bonheur spirituel et l'élévation vers Dieu (voir notamment là-dessus L'Hymne du matin et L'Hymne de l'enfant). Cette inspiration heureuse fut tempérée par davantage d'inquiétude à partir du retour du poète en France, vers la fin de 1828, d'autant plus que la mère de Lamartine mourut en 1829 (un poème comme Novissima Verba, qui n'a pas été reproduit ici, exprime bien ce désarroi).

Plusieurs lecteurs considèrent que c'est dans Les Harmonies poétiques et religieuses que Lamartine atteint son inspiration la plus haute, et il ne fait aucun doute que peu d'œuvres littéraires françaises expriment aussi bien que ce recueil l'aspiration vers Dieu, l'abandon au divin.

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Milly


En octobre 1794, la famille du chevalier de Pratz (Pierre de Lamartine, père du poète), qui avait épousé Alix des Roys, s'accroissant rapidement, il obtint de ses parents, de ses frères et sœurs, l'usage de la maison de Milly, construite en 1705 par son trisaïeul Jean-Baptiste, à une quinzaine de kilomètres de Mâcon. Cette petite propriété, dont les terres avaient, à cette époque, une superficie d'environ cinquante hectares, et s'étendaient sur les communes de Milly, Berzé-la-Ville et Saint Sorlin (La Roche Vineuse) fut le lieu de l'enfance du poète. En 1830 "ce bien de cœur plus que de terre" fut racheté par Lamartine à son beau-frère Montherot mais, criblé de dettes, il fut obligé "de signer la vente de la moëlle de mes os, ma terre et ma maison natale de Milly, à un prix de détresse qui ne présente ni la valeur morale ni la valeur matérielle. J'ai emporté avec larmes, en quittant le seuil, les vestiges de ma mère et les reliques de ma jeunesse" le 18 décembre 1860, moyennant le prix de 500.000 F à Monsieur Mazoyer, propriétaire à Cluny, qui, en 1861, l'échangea avec M. Th. Daux, notaire à Saint Sorlin contre un domaine situé à Saint Gengoux de Scissé; restée propriété de la famille de Monsieur Daux; elle appartient aujourd'hui à son arrière-petit-fils, Monsieur Sornay.
Milly a marqué profondément et pour toujours son âme d'enfant; sa mère l'y a élevé dans une foi ouverte et généreuse, lui inculquant l'amour de ses semblables, le devoir d'un altruisme agissant, l'amour de Dieu, non pas abstrait, mais à travers les beautés de la Création et des créatures. Elle lui a enseigné le respect de la vie et celui de la dignité de tous les hommes, fussent-ils les plus humbles. Milly resta pour lui l'arche sainte, le sanctuaire des images les plus chères du temps où sa mère vivait et l'enveloppait de son amour.
On trouve une minutieuse description de la Maison de Milly dans les "Confidences" (livre IV, chapitres V et VI), puis dans les "Mémoires inédits" (livre I, chapitre VI et suivants), une émouvante évocation de la vie qui l'animait au temps de la jeunesse du poète dans le dernier grand poème de Lamartine "La Vigne et la Maison", écrit à l'automne 1856, alors que l'inéluctable nécessité de la vendre lui apparaissait enfin; et c'est dans "Milly ou la terre natale" une des "Harmonies" écrite au début de 1827, qu'il évoque avec le plus d'amour cet humble village du Mâconnais, qui, en reconnaissance, a pris le nom de Milly-Lamartine et lui a élevé un buste en bronze devant la mairie.


Milly (ou la Terre natale)


Pourquoi le prononcer ce nom de la patrie?
Dans son brillant exil mon cour en a frémi;
Il résonne de loin dans mon âme attendrie,
Comme les pas connus ou la voix d'un ami.

Montagnes que voilait le brouillard de l'automne,
Vallons que tapissait le givre du matin,
Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne,
Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain,

Murs noircis par les ans, coteaux, sentier rapide,
Fontaine où les pasteurs accroupis tour à tour
Attendaient goutte à goutte une eau rare et limpide,
Et, leur urne à la main, s'entretenaient du jour,

Chaumière où du foyer étincelait la flamme,
Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?

J'ai vu des cieux d'azur, où la nuit est sans voiles,
Dorés jusqu'au matin sous les pieds des étoiles,
Arrondir sur mon front dans leur arc infini
Leur dôme de cristal qu'aucun vent n'a terni !
J'ai vu des monts voilés de citrons et d'olives
Réfléchir dans les eaux leurs ombres fugitives,
Et dans leurs frais vallons, au souffle du zéphyr,
Bercer sur l'épi mûr le cep prêt à mûrir;
Sur des bords où les mers ont à peine un murmure,
J'ai vu des flots brillants l'onduleuse ceinture
Presser et relâcher dans l'azur de ses plis
De leurs caps dentelés les contours assouplis,
S'étendre dans le golfe en nappes de lumière,
Blanchir l'écueil fumant de gerbes de poussière,
Porter dans le lointain d'un occident vermeil
Des îles qui semblaient le lit d'or du soleil,

Ou s'ouvrant devant moi sans rideau, sans limite,
Me montrer l'infini que le mystère habite !
J'ai vu ces fiers sommets, pyramides des airs,
Où l'été repliait le manteau des hivers,
Jusqu'au sein des vallons descendant par étages,
Entrecouper leurs flancs de hameaux et d'ombrages,
De pics et de rochers ici se hérisser,
En pentes de gazon plus loin fuir et glisser,
Lancer en arcs fumants, avec un bruit de foudre,
Leurs torrents en écume et leurs fleuves en poudre,
Sur leurs flancs éclairés, obscurcis tour à tour,
Former des vagues d'ombre et des îles de jour,
Creuser de frais vallons que la pensée adore,
Remonter, redescendre, et remonter encore,
Puis des derniers degrés de leurs vastes remparts,
À travers les sapins et les chênes épars
Dans le miroir des lacs qui dorment sous leur ombre
Jeter leurs reflets verts ou leur image sombre,
Et sur le tiède azur de ces limpides eaux
Faire onduler leur neige et flotter leurs coteaux !
J'ai visité ces bords et ce divin asile
Qu'a choisis pour dormir l'ombre du doux Virgile,
Ces champs que la Sibylle à ses yeux déroula,
Et Cume et l'Élysée; et mon cœur n'est pas là ! ...

Mais il est sur la terre une montagne aride
Qui ne porte en ses flancs ni bois ni flot limpide,
Dont par l'effort des ans l'humble sommet miné,
Et sous son propre poids jour par jour incliné,
Dépouillé de son sol fuyant dans les ravines,
Garde à peine un buis sec qui montre ses racines,
Et se couvre partout de rocs prêts à crouler
Que sous son pied léger le chevreau fait rouler.
Ces débris par leur chute ont formé d'âge en âge
Un coteau qui décroît et, d'étage en étage,
Porte, à l'abri des murs dont ils sont étayés,
Quelques avares champs de nos sueurs payés,
Quelques ceps dont les bras, cherchant en vain l'érable,
Serpentent sur la terre ou rampent sur le sable,
Quelques buissons de ronce, où l'enfant des hameaux
Cueille un fruit oublié qu'il dispute aux oiseaux,
Où la maigre brebis des chaumières voisines
Broute en laissant sa laine en tribut aux épines;
Lieux que ni le doux bruit des eaux pendant l'été,
Ni le frémissement du feuillage agité,
Ni l'hymne aérien du rossignol qui veille,
Ne rappellent au cœur, n'enchantent pour l'oreille;
Mais que, sous les rayons d'un ciel toujours d'airain,
La cigale assourdit de son cri souterrain.
Il est dans ces déserts un toit rustique et sombre
Que la montagne seule abrite de son ombre,
Et dont les murs, battus par la pluie et les vents,
Portent leur âge écrit sous la mousse des ans.
Sur le seuil désuni de trois marches de pierre
Le hasard a planté les racines d'un lierre
Qui, redoublant cent fois ses nœuds entrelacés,
Cache l'affront du temps sous ses bras élancés,
Et, recourbant en arc sa volute runique,
Fait le seul ornement du champêtre portique.
Un jardin qui descend au revers d'un coteau
Y présente au couchant son sable altéré d'eau;
La pierre sans ciment, que l'hiver a noircie,
En borne tristement l'enceinte rétrécie;
La terre, que la bêche ouvre à chaque saison,
Y montre à nu son sein sans ombre et sans gazon;
Ni tapis émaillés, ni cintres de verdure,
Ni ruisseau sous des bois, ni fraîcheur, ni murmure;
Seulement sept tilleuls par le soc oubliés,
Protégeant un peu d'herbe étendue à leurs pieds,
Y versent dans l'automne une ombre tiède et rare,
D'autant plus douce au front sous un ciel plus avare;
Arbres dont le sommeil et des songes si beaux
Dans mon heureuse enfance habitaient les rameaux !
Dans le champêtre enclos qui soupire après l'onde,
Un puits dans le rocher cache son eau profonde,
Où le vieillard qui puise, après de longs efforts,
Dépose en gémissant son urne sur les bords;
Une aire où le fléau sur l'argile étendue
Bat à coups cadencés la gerbe répandue,
Où la blanche colombe et l'humble passereau
Se disputent l'épi qu'oublia le râteau
Et sur la terre épars des instruments rustiques,
Des jougs rompus, des chars dormant sous les portiques,
Des essieux dont l'ornière a brisé les rayons,
Et des socs émoussés qu'ont usés les sillons.

Rien n'y console l'œil de sa prison stérile,
Ni les dômes dorés d'une superbe ville,
Ni le chemin poudreux, ni le fleuve lointain,
Ni des toits blanchissants aux clartés du matin;
Seulement, répandus de distance en distance,
De sauvages abris qu'habite l'indigence,
Le long d'étroits sentiers en désordre semés,
Montrent leur toit de chaume et leurs murs enfumés,
Où le vieillard, assis au seuil de sa demeure,
Dans son berceau de jonc endort l'enfant qui pleure;
Enfin un sol sans ombre et des cieux sans couleur,
Et des vallons sans onde ! - Et c'est là qu'est mon cœur !
Ce sont là les séjours, les sites, les rivages
Dont mon âme attendrie évoque les images,
Et dont pendant les nuits mes songes les plus beaux
Pour enchanter mes yeux composent leurs tableaux !

Là chaque heure du jour, chaque aspect des montagnes,
Chaque son qui le soir s'élève des campagnes,
Chaque mois qui revient, comme un pas des saisons,
Reverdir ou faner les bois ou les gazons,
La lune qui décroît ou s'arrondit dans l'ombre,
L'étoile qui gravit sur la colline sombre,
Les troupeaux des hauts lieux chassés par les frimas,
Des coteaux aux vallons descendant pas à pas,
Le vent, l'épine en fleurs, l'herbe verte ou flétrie,
Le soc dans le sillon, l'onde dans la prairie,
Tout m'y parle une langue aux intimes accents
Dont les mots, entendus dans l'âme et dans les sens,
Sont des bruits, des parfums, des foudres, des orages,
Des rochers, des torrents, et ces douces images,
Et ces vieux souvenirs dormant au fond de nous,
Qu'un site nous conserve et qu'il nous rend plus doux.
Là mon cœur en tout lieu se retrouve lui-même !
Tout s'y souvient de moi, tout m'y connaît, tout m'aime !
Mon Å“il trouve un ami dans tout cet horizon,
Chaque arbre a son histoire et chaque pierre un nom.
Qu'importe que ce nom, comme Thèbe ou Palmire,
Ne nous rappelle pas les fastes d'un empire,
Le sang humain versé pour le choix des tyrans,
Ou ces fléaux de Dieu que l'homme appelle grands ?
Ce site où la pensée a rattaché sa trame,
Ces lieux encor tout pleins des fastes de notre âme,
Sont aussi grands pour nous que ces champs du destin
Où naquit, où tomba quelque empire incertain :
Rien n'est vil ! rien n'est grand ! l'âme en est la mesure
Un cœur palpite au nom de quelque humble masure,
Et sous les monuments des héros et des dieux
Le pasteur passe et siffle en détournant les yeux !

Voilà le banc rustique où s'asseyait mon père,
La salle où résonnait sa voix mâle et sévère,
Quand les pasteurs assis sur leurs socs renversés
Lui comptaient les sillons par chaque heure tracés,
Ou qu'encor palpitant des scènes de sa gloire,
De l'échafaud des rois il nous disait l'histoire,
Et, plein du grand combat qu'il avait combattu,
En racontant sa vie enseignait la vertu !
Voilà la place vide où ma mère à toute heure
Au plus léger soupir sortait de sa demeure,
Et, nous faisant porter ou la laine ou le pain,
Vêtissait l'indigence ou nourrissait la faim;
Voilà les toits de chaume où sa main attentive
Versait sur la blessure ou le miel ou l'olive,
Ouvrait près du chevet des vieillards expirants
Ce livre où l'espérance est permise aux mourants,
Recueillait leurs soupirs sur leur bouche oppressée,
Faisait tourner vers Dieu leur dernière pensée,
Et tenant par la main les plus jeunes de nous,
À la veuve, à l'enfant, qui tombaient à genoux,
Disait, en essuyant les pleurs de leurs paupières
Je vous donne un peu d'or, rendez-leur vos prières !
Voilà le seuil, à l'ombre, où son pied nous berçait,
La branche du figuier que sa main abaissait,
Voici l'étroit sentier où, quand l'airain sonore
Dans le temple lointain vibrait avec l'aurore,
Nous montions sur sa trace à l'autel du Seigneur
Offrir deux purs encens, innocence et bonheur !
C'est ici que sa voix pieuse et solennelle
Nous expliquait un Dieu que nous sentions en elle,
Et nous montrant l'épi dans son germe enfermé,
La grappe distillant son breuvage embaumé,
La génisse en lait pur changeant le suc des plantes,
Le rocher qui s'entrouvre aux sources ruisselantes,
La laine des brebis dérobée aux rameaux
Servant à tapisser les doux nids des oiseaux,
Et le soleil exact à ses douze demeures,
Partageant aux climats les saisons et les heures,
Et ces astres des nuits que Dieu seul peut compter,
Mondes où la pensée ose à peine monter,
Nous enseignait la foi par la reconnaissance,
Et faisait admirer à notre simple enfance
Comment l'astre et l'insecte invisible à nos yeux
Avaient, ainsi que nous, leur père dans les cieux !
Ces bruyères, ces champs, ces vignes, ces prairies,
Ont tous leurs souvenirs et leurs ombres chéries.
Là, mes sœurs folâtraient, et le vent dans leurs jeux
Les suivait en jouant avec leurs blonds cheveux !
Là, guidant les bergers aux sommets des collines,
J'allumais des bûchers de bois mort et d'épines,
Et mes yeux, suspendus aux flammes du foyer,
Passaient heure après heure à les voir ondoyer.
Là, contre la fureur de l'aquilon rapide
Le saule caverneux nous prêtait son tronc vide,
Et j'écoutais siffler dans son feuillage mort
Des brises dont mon âme a retenu l'accord.
Voilà le peuplier qui, penché sur l'abîme,
Dans la saison des nids nous berçait sur sa cime,
Le ruisseau dans les prés dont les dormantes eaux
Submergeaient lentement nos barques de roseaux,
Le chêne, le rocher, le moulin monotone,
Et le mur au soleil où, dans les jours d'automne,
Je venais sur la pierre, assis près des vieillards,
Suivre le jour qui meurt de mes derniers regards !
Tout est encor debout; tout renaît à sa place :
De nos pas sur le sable on suit encor la trace;
Rien ne manque à ces lieux qu'un cœur pour en jouir,
Mais, hélas ! l'heure baisse et va s'évanouir.

La vie a dispersé, comme l'épi sur l'aire,
Loin du champ paternel les enfants et la mère,
Et ce foyer chéri ressemble aux nids déserts
D'où l'hirondelle a fui pendant de longs hivers !
Déjà l'herbe qui croît sur les dalles antiques
Efface autour des murs les sentiers domestiques,
Et le lierre, flottant comme un manteau de deuil,
Couvre à demi la porte et rampe sur le seuil;
Bientôt peut-être... ! écarte, ô mon Dieu ! ce présage !
Bientôt un étranger, inconnu du village,
Viendra, l'or à la main, s'emparer de ces lieux
Qu'habite encor pour nous l'ombre de nos aïeux,
Et d'où nos souvenirs des berceaux et des tombes
S'enfuiront à sa voix, comme un nid de colombes
Dont la hache a fauché l'arbre dans les forêts,
Et qui ne savent plus où se poser après !

Ne permets pas, Seigneur, ce deuil et cet outrage !
Ne souffre pas, mon Dieu, que notre humble héritage
Passe de mains en mains troqué contre un vil prix,
Comme le toit du vice ou le champ des proscrits
Qu'un avide étranger vienne d'un pied superbe
Fouler l'humble sillon de nos berceaux sur l'herbe,
Dépouiller l'orphelin, grossir, compter son or
Aux lieux où l'indigence avait seule un trésor,
Et blasphémer ton nom sous ces mêmes portiques
Où ma mère à nos voix enseignait tes cantiques
Ah ! que plutôt cent fois, aux vents abandonné,
Le toit pende en lambeaux sur le mur incliné;
Que les fleurs du tombeau, les mauves, les épines,
Sur les parvis brisés germent dans les ruines !
Que le lézard dormant s'y réchauffe au soleil,
Que Philomèle y chante aux heures du sommeil,
Que l'humble passereau, les colombes fidèles,
Y rassemblent en paix leurs petits sous leurs ailes,
Et que l'oiseau du ciel vienne bâtir son nid
Aux lieux où l'innocence eut autrefois son lit !

Ah ! si le nombre écrit sous l'œil des destinées
Jusqu'aux cheveux blanchis prolonge mes années,
Puissé-je, heureux vieillard, y voir baisser mes jours
Parmi ces monuments de mes simples amours
Et quand ces toits bénis et ces tristes décombres
Ne seront plus pour moi peuplés que par des ombres,
Y retrouver au moins dans les noms, dans les lieux,
Tant d'êtres adorés disparus de mes yeux !
Et vous, qui survivrez à ma cendre glacée,
Si vous voulez charmer ma dernière pensée,
Un jour, élevez-moi... ! non ! ne m'élevez rien
Mais près des lieux où dort l'humble espoir du chrétien,
Creusez-moi dans ces champs la couche que j'envie
Et ce dernier sillon où germe une autre vie !
Étendez sur ma tête un lit d'herbes des champs
Que l'agneau du hameau broute encore au printemps,
Où l'oiseau, dont mes sœurs ont peuplé ces asiles,
Vienne aimer et chanter durant mes nuits tranquilles;
Là, pour marquer la place où vous m'allez coucher,
Rouez de la montagne un fragment de rocher;
Que nul ciseau surtout ne le taille et n'efface
La mousse des vieux jours qui brunit sa surface,
Et d'hiver en hiver incrustée à ses flancs,
Donne en lettre vivante une date à ses ans
Point de siècle ou de nom sur cette agreste page !
Devant l'éternité tout siècle est du même âge,
Et celui dont la voix réveille le trépas
Au défaut d'un vain nom ne nous oubliera pas !
Là, sous des cieux connus, sous les collines sombres,
Qui couvrirent jadis mon berceau de leurs ombres,
Plus près du sol natal, de l'air et du soleil,
D'un sommeil plus léger j'attendrai le réveil !
Là, ma cendre, mêlée à la terre qui m'aime,
Retrouvera la vie avant mon esprit même,
Verdira dans les prés, fleurira dans les fleurs,
Boira des nuits d'été les parfums et les pleurs;
Et, quand du jour sans soir la première étincelle
Viendra m'y réveiller pour l'aurore éternelle,
En ouvrant mes regards je reverrai des lieux
Adorés de mon cœur et connus de mes yeux,
Les pierres du hameau, le clocher, la montagne,
Le lit sec du torrent et l'aride campagne;
Et, rassemblant de l'œil tous les êtres chéris
Dont l'ombre près de moi dormait sous ces débris,
Avec des sœurs, un père et l'âme d'une mère,
Ne laissant plus de cendre en dépôt à la terre,
Comme le passager qui des vagues descend
Jette encore au navire un Å“il reconnaissant,
Nos voix diront ensemble à ces lieux pleins de charmes
L'adieu, le seul adieu qui n'aura point de larmes !


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Son Oeuvre :


Poésie
Méditations poétiques (1820) dont "Le Lac " et " L'Isolement "
La Mort de Socrate (1823)
Nouvelles Méditations poétiques (1823) dont " La Solitude " et " Les Préludes "(ce dernier poème fut mis en musique par Franz Liszt)
Le Dernier Chant du pèlerinage d'Harold (1825)
Épîtres (1825)
Harmonies poétiques et religieuses (1830) dont "Milly, ou la Terre natale"
Recueillements poétiques (1839)
Le Désert, ou l'Immatérialité de Dieu (1856)
La Vigne et la Maison (1857)
N.B. Ces œuvres, ainsi que les poèmes dramatiques (théâtre) et les romans en vers (Jocelyn et La Chute d'un ange) sont réunies dans les Œuvres poétiques de la Bibliothèque de la Pléiade aux éditions Gallimard (texte établi, annoté et présenté par Marius-François Guyard).

Romans en prose
Raphaël (1849)
Graziella (1849)
Le Tailleur de pierre de Saint-Point (1851)
Geneviève, histoire d'une servante (1851)
Fior d'Aliza (1863)
Antoniella (1867)
Épopées ou romans en vers
Jocelyn (1836), dont une version illustrée par Albert Besnard25
La Chute d'un ange (1838)

Théâtre
Médée (1813 ?, publié en 1873)
Saül (écrit en 1818 mais publié en 1861)
Toussaint Louverture (1850)

Histoire
Histoire des Girondins (1847)
Histoire de la Restauration, en huit volumes (1851)
Histoire des Constituants (1853),
Histoire de la Turquie (1853-1854), ce livre contient une Vie de Mahomet
Histoire de la Russie (1855).
Mémoires, autobiographies et récits de voyage
Voyage en Orient (1835)
Trois Mois au pouvoir (1848)
Histoire de la révolution de 1848 (1849)
Confidences contenant le récit de Graziella (1849)
Nouvelles Confidences contenant le poème des Visions (1851)
Nouveau Voyage en Orient (1850)
Mémoires inédits (1870)

Biographies
Le Civilisateur, Histoire de l'humanité par les grands hommes, trois tomes (1852 : "Jeanne d'Arc", "Homère", "Bernard de Palissy", "Christophe Colomb " ,"Cicéron ", "Gutemberg" ; 1853 : "Héloïse", "Fénelon", "Socrate", " Nelson", "Rustem", "Jacquard", "Cromwell" (Première et deuxième parties) ; 1854 : "Cromwell" (Troisième partie), "Guillaume Tell", " Bossuet", "Milton","Antar", "Mad. de Sévigné ")

Autres
Des destinées de la poésie (1834)
Sur la politique rationnelle (1831)
La vie de Mahomet (1854) [lire en ligne]
Lectures pour tous ou extraits des œuvres générales (1854)
Cours familier de littérature (1856)
Nombreux discours politiques

Correspondance
Correspondance d'Alphonse de Lamartine : deuxième série, 1807-1829.
Tome III, 1820-1823 (textes réunis, classés et annotés par Christian Croisille ; avec la collaboration de Marie-Renée Morin pour la correspondance Virieu).
– Paris : H. Champion, coll.
"Textes de littérature moderne et contemporaine"
Lamartine, lettres des années sombres (1853-1867),
Librairie de l'Université, Fribourg, 1942, 224 pages.
Lamartine, lettres inédites (1821-1851)
Aux Portes de France, Porrentruy, 1944, 118 pages.
Correspondance du 25 décembre 1867






Henri Guillemin parle de Lamartine :

http://youtu.be/Gnn1sK8J1ak L'homme politique

http://youtu.be/NQ81pt1Pgwc L' homme privé



A écouter :

Le poète en musique

http://youtu.be/qdD9-lP6jp8 l'automne
http://youtu.be/rWMqZWTaILk l'isolement un seul être vous manque et tout est dépeuplé
http://youtu.be/UH-VjNzGyvc la pensée des morts
http://youtu.be/i_-uREFvzyI la pensée des morts x
http://youtu.be/qdD9-lP6jp8 l'automne
http://youtu.be/vzaJu7BMaTg Chant d'amour de Bizet (baryton B Laplante)
http://youtu.be/vzaJu7BMaTg chant d'amour bizet C. Bartoldi
http://youtu.be/0DyjaovbYSQ Frantz Liszt Harmonies poétiques et religieuses hymne de l'enfant à son réveil
http://youtu.be/XQm0h0Ns1tM Liszt harmonies poétiques et religieuses Bénédiction de Dieu da,s la solitude 1
http://youtu.be/y_Q6Z3KCG9E LIszt harmonies poétiques et religieuses invocations
http://youtu.be/Ck0tmAYLp-0 Le lac par Niedermeyer
http://youtu.be/6lvakgrO_vA liszt hymne du matin




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Posté le : 21/10/2012 12:29
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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