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Mishima Yukio
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Le 25 Novembre 1970, Yukio Mishima de son vrai nom Hiraoka Kimitake, sublime étoile noire de la littérature Japonaise, se donne la mort par seppuku, suicide traditionnel japonais.
Cet écrivain "trouble et scandaleux", fascine par ses contractions, il est connu mondialement pour sa puissance littéraire exceptionnelle et pour la beauté de son écriture. IL est édité en orient et en occident, il aura sa vie durant préparé sa mort qu'il veut conforme à son désir de grandeur et digne de la "pureté" de l'âme japonaise.
De son enfance rigide et solitaire, auprès d'une grand mère sans faille, descendante d'une lignée de samouraï, il conservera sa vie durant les stigmates, réunies dans ses choix fascisants et dans une homosexualité douloureuse;
Il lie sa vie et son oeuvre, celles-ci se confondent à son identité japonaise dans sa quête d'absolu, dans son ambivalence sexuelle et son introspection de l'âme autant que dans sa haine de la psychanalyse, mais aussi nous retrouvons dans ses ouvrages son obsession de la souffrance et du masochisme. Il est aussi un provocateur et un combattant, un héros qui aura toujours le goût de la puissance.
Ce guerrier héros, est un des rares écrivains qui nous fait traverser la société japonaise dans son ensemble.
Son homosexualité condamnable dans la culture japonaise trouvera, selon lui, sa justification et son absolution dans sa pensée fasciste, plus conforme à la gloire samouraï.
Préoccupé de notre noirceur humaine, il fouille les "poubelles " de nos âmes les dépeint avec une esthétique redoutable, dans une écriture qui nous confond, car ce samouraï luttera toute sa vie et sa plume sera son sabre.
Sur ce point Marguerite yourcenar dira de lui :
" La façon dont chez Mishima les particules traditionnellement japonaises ont remonté à la surface et explosé dans sa mort font de lui... le témoin, et au sens étymologique du mot, le martyr du Japon héroïque qu'il a pour ainsi dire rejoint à contre courant ".
" Ce suicide a été, non comme le croient ceux qui n'ont jamais pensé pour eux-mêmes à telle conclusion, l'équivalent d'un flamboyant et presque facile beau geste, mais une montée exténuante vers ce que cet homme considérait, dans tous les sens du mot, comme sa fin propre. "


Dates de sa vie

Né le 14 janvier 1925 à Tokyo, Yukio Mishima, dont le véritable nom est Kimitake Hiraoka, est issu d'une famille de paysans.
A partir de l'âge de deux mois, il est pris en charge par sa grand-mère, Natsu, qui elle est issue d'une ancienne lignée de samouraïs. Dès cet instant, Mishima vivra en quasi permanence avec sa grand-mère. Ses contacts avec l'extérieur seront réduits au minimum jusqu'à l'âge de 12 ans...

Kimitake Hiraoka est plongé dès son enfance dans la littérature et le théâtre Kabuki dont sa grand-mère paternelle, issue d'une famille de samouraï, lui transmet la passion.
A l'âge de 5 ans, le petit Kimitake sait lire et écrire et commence déjà à composer ses premières poésies.
En Avril 1931, Mishima réussit sans difficultés l'examen d'entrée à l'école primaire. Ses premières années seront plutôt difficiles. L'enfant est décrit comme fragile, efféminé, et ne participe à aucune sortie ou autre activité de sa classe par interdiction de sa trop possessive grand-mère.

En Mars 1937, le jeune Kimitake a alors 12 ans.C'est à cette époque que le jeune garçon découvre les classiques japonais et des auteurs occidentaux tels que Wilde, Rilke, puis Radiguet. Il commence alors à rédiger des récits qu'il porte jusqu'à sa mort à sa mère, avec laquelle il entretient des liens passionnés.
Sa grand-mère Natsu accepte enfin de rendre l'enfant à ses parents du fait de ses problèmes de santé. Elle mourra d'ailleurs en janvier 1939

Aussitôt, Mishima cherche à prendre des contacts. Il entre dans un club littéraire scolaire en Avril 1937, et acquiert très vite une réputation tant auprès de ses camarades qu'auprès de ses professeurs.
Effectuant sa scolarité au Collège des Pairs, son talent littéraire est très vite remarqué. Invité à publier en feuilleton sa première œuvre importante, "La Forêt tout en fleurs," dans la revue Art et Culture, au sein du magazine "Shimizu". Il choisit pour l'occasion le pseudonyme Yukio Mishima, et fréquente le milieu de l'École romantique japonaise.
Puis Kimitake entreprend alors des études à la facultés des sciences juridiques de l'Université Impériale, provisoirement interrompues par la guerre.

En 1944, Mishima termine brillamment ses études dans l'école "Gakushu-in" en tête de sa classe. Cette place lui vaut de recevoir son diplôme ainsi qu'une montre en argent des mains même de l'empereur.
Cette rencontre marquera fortement Mishima.
Il entre alors à l'Université Impériale de Tokyo pour étudier la loi allemande par volonté de son père qui estimait le métier d'écrivain comme déshonorant.
Mishima se résigna à ce choix même s'il aurait préféré la littérature. A peine entré à l'Université, sa classe est entièrement mobilisée et affectée à une usine d'avions de guerre. Mishima se retrouve employé de bureau : il peut écrire !

En 1945, Mishima est convoqué pour être enrôlé dans l'armée.
Il jouera la comédie afin d'être déclaré inapte. Il est réformé pour raison de santé (le médecin le croira tuberculeux). Cette même année, sa soeur Mitsuko mourra de la Typhoïde.
Après la reddition de 1945, Mishima délaisse l'École romantique japonaise au profit du groupe de la revue Littérature Moderne.
Pourtant, le jeune homme fasciné par la mort est mal à l'aise dans le Japon d'après-guerre avec lequel il se sent « anachronique » de par ses goûts littéraires et sa façon d'écrire.
En 1946, il rencontre l'écrivain Yasunari Kawabata qui encourage la publication de ses manuscrits et devient son mentor. Les deux hommes s'apprécient et Kawabata fera beaucoup pour lancer la carrière de Mishima.
En particulier, il permettra à Mishima d'éditer ses oeuvres dans le magazine littéraire "Ningen".Après un bref passage au ministère des finances, Mishima décide de se consacrer exclusivement à sa carrière d'écrivain : "Confession d'un masque", une oeuvre biographique importante et parue à l'automne 1948, le révèle au public.

Après avoir passé le plus haut examen d'administration de l'Université, ainsi que le souhaitait son père, Mishima est proposé fin 1948 pour un poste au ministère des finances. Mishima n'y restera que 9 mois, choisissant de devenir écrivain à plein temps

En 1949, après le franc succès de"Confessions d'un Masque", à la suite de cette auto analyse psychologique, Mishima souhaite entamer une thérapie auprès d'un psychiatre. Mais après deux rendez-vous, il laissera cette idée de coté, et se détournera définitivement de toute forme de psychanalyse.

Dès 1950, Mishima fréquente des bars homosexuels, sous le prétexte de préparer "les amours interdites".
En 1951, Mishima obtient une autorisation spéciale qui va lui permettre de voyager à l'étranger.
Auteur prolifique, Mishima enchaîne nouvelles et romans parmi lesquels on peut citer "Amours interdites" : (1951), paru l'année de son premier voyage en Occident,
A partir de 1953, il se met à la boxe et... perd presque tous ses matchs ! Ces échecs le décide à se préoccuper de sa forme et Il commence à suivre un régime qu'il tiendra jusqu'à sa mort, puis, à la même époque, à son retour d'un voyage en Grèce, il se met à remodeler son corps chétif grâce à un entraînement très strict et notamment grâce à la pratique régulière des arts martiaux. Il se transforme physiquement.
Pourtant il continue de publier toujours régulièrement :
"Le Tumulte des flots" (1954) suivi de "Le Pavillon d'or" (1956) "Après le banquet" (1960).
Parallèlement, l'écrivain se consacre à la rédaction de ce qu'il appelle ses "divertissements ", récits populaires qui lui assurent un confort matériel.
De 1952 à 1958, Mishima aura beaucoup écrit, surtout de courtes histoires ou des nouvelles.
Dans le même temps il aura une aventure homosexuelle de longue durée et une relation brève avec une femme, Eiko.
En 1958, Yukio Mishima se marie avec Yoko Sugiyama, la fille d'un peintre traditionnel renommé de l'époque.
Il commence la même année la pratique du Kendo.
De ce mariage, Mishima aura deux enfants : une fille, Noriko, née en juin 1959, et un fils, Lichiro, venu au monde en Mai 1962. De nombreux témoignages décriront Mishima comme un père attentif.
En 1964 est publié "La Musique", roman dans lequel apparaît son aversion pour la psychanalyse..
Loin de se limiter au genre romanesque, Mishima poursuit également dans la voie du théâtre.
Il produit, essentiellement pour la compagnie théâtrale le Bungaku-za, une pièce par an, parmi lesquelles figurent ses "Cinq Nôs modernes".

Mishima avait atteint le faîte de sa popularité à la fin des années cinquante.
Le court récit "Patriotisme", ainsi que la pièce "Un Jour trop tard," reflètent l'idéalisme, l'attachement aux valeurs traditionnelles du Japon et le désir de mort de leur auteur.

Dès 1966, Mishima commence à exprimer plus que jamais et publiquement son attachement au japon traditionnel, et donc au nationalisme.
Il écrit d'ailleurs à cette période plusieurs ouvrages sur ce thème, mais malgré son enthousiasme il verra la parution de "Patriotisme". provoquer quelques mouvements d'opposition.
L'écrivain Kenzaburo Oe s'opposera à la vision de Mishima en écrivant lui-même "17", un livre prônant une position radicalement opposée à celle de Mishima.
Mais loin d'être gêné Mishima apprécie ce genre d'opposition car il aime la provocation.
Il n'hésitera pas d'ailleurs à visiter dans leur propre fief les étudiants communistes de l'université de Tokyo quelques années plus tard.
En 1967, Mishima s'engage dans les "Forces d'Autodéfense du Japon" (JSDF) afin de se rapprocher du style de vie "samouraï" qu'il prône dans ses écrits.

Malgré tout, l'auteur du Pavillon d'or poursuit son œuvre littéraire. Outre plusieurs essais tel que "Mes Errances littéraires" (1963) et "Le Soleil et l'acier" (1968), il commence en 1965 l'œuvre la plus importante à ses yeux, un cycle de quatre romans intitulés :
"La Mer de la fertilité" ("Neige de printemps", "Chevaux échappés", "Le Temple de l'aube", "L'Ange en décomposition"), qu'il achèvera juste avant sa mort en 1970.
Les dernières années de sa vie sont également marquées par la rédaction de plusieurs pièces de théâtre, dont" Madame de Sade" (1965)," Mon ami Hitler "(1968),

En 1968, il affirme son engagement et il prolonge son action en fondant, après s'être entraîné secrètement durant un mois en 1967 dans les forces militaires d'auto-défense, son armée privée, "La Société du bouclier ".
Cette milice est une sorte de milice privée qu'il voue à la protection de l'empereur.
Elle est principalement constituée de jeunes hommes recrutés au sein de la JSDF. Au sein de cette société, Mishima applique pleinement sa philosophie.
Pour illustration, voici quel serment devaient prêter ses membres :


"Nous jurons dans l'esprit des vrais hommes de Yamato
de nous lever l'épée à la main
contre toute menace portant à notre culture ou à notre patrimoine."

Le 17 octobre 1968, Kawabata reçoit le prix nobel de littérature, tant convoité par Mishima.
"La Terrasse du roi lépreux" et "Le Lézard noir" sont publiés en 1969.
A partir de la fin de cette année 69, Mishima commence à préparer sa fin.
A l'image du Samouraï qui ne doit rien laisser derrière lui, Mishima organise tout, répartit ses droits d'auteur au sein de sa famille, et fait discrètement le tour de tous ses amis.
En Août 1970, il termine le dernier tome de son oeuvre majeure,
"La Mer de la fertilité" : "L'ange en décomposition". Il le conservera pour ne le délivrer à son éditeur que le jour de son Seppuku. Tout est prêt.
Le matin du 25 Novembre 1970, Yukio Mishima, accompagné de 4 membres de la Société du bouclier pénètrent à Ichigaya, le quartier général des forces d'autodéfense et prennent en otage le chef de corps.
Fort de cet otage, Mishima réclame l'écoute des militaires de la base, ainsi que des journalistes spécialement convoqués.
Il prononce alors un dernier discours réclamant la mobilisation des forces en présence pour la restauration du Japon traditionnel. Devant les huées de protestation, il écourtera celui-ci.
Une fois ce discours prononcé, Il est presque midi lorsque Mishima se retire.
Tout a été préparé, entouré de ses compagnons Mishima se donne la mort, de façon spectaculaire au quartier général des forces japonaises, dans une pièce du bâtiment il fait "Seppuku".: le suicide traditionnel par éventration et décapitation.

Les oeuvres

Mishima Yukio Cyber Museum (en anglais)
Emission de la NHK consacrée à Mishima (format RealPlayer). (en japonais)
Bibliographie des œuvres de Mishima Yukio traduites en français
Défense de la culture, dans Esprit, février 1973.
Essai sur Georges Bataille, extraits de Shōsetsu towa nanika, dans La Nouvelle Revue Française n°256.
La Mer et le soleil couchant, dans les Cahiers de l'Energumène n°2.
Papier journal, dans Nota Bene n°5.
Trois essais inédits, dans le Magazine littéraire n°169.
Correspondance (川端康成・三島由紀夫往復書簡, de 1945 à 1970)
Pèlerinage aux Trois Montagnes (三熊野詣, de 1946 à 1965), une sélection de ces textes est également disponible dans la collection Folio 2€ sous le titre Martyre.
Une Matinée d'amour pur (朝の純愛, 1946, 1947, 1948, 1948, 1948, 1949 et 1965)
Le Papillon (extrait) (蝶々, 1948), dans Le Tour du Monde en deux mille Butterfly
Confession d'un masque (仮面の告白, 1949)
Une Soif d'amour (愛の乾き, 1950)
Les Amours interdites (禁色, de 1950 à 1953)
Les Ailes (翼, 1951), dans Anthologie de nouvelles japonaises tome II
Hanjo (班女, 1952), théâtre Nô, dans France Asie n°170.
La Mort en été (真夏の死, de 1953 à 1960), une sélection de ces textes est également disponible dans la collection Folio 2€ sous le titre Dōjōji et autres nouvelles.
Le Tumulte des flots (潮騒, 1954)
Vacances d'un romancier (extrait) (小説家の休暇, 1955), dans Le roman japonais depuis 1945.
Le Pavillon d'or (金閣寺, 1956)
Cinq nôs modernes (近代能楽集, 1956)
Le Palais des fêtes (鹿鳴館, 1957)
Après le banquet (宴のあと, 1960)
L'Arbre des tropiques (熱帯樹, 1960)
Le Lézard noir (黒蜥蜴, 1961)
Le Marin rejeté par la mer (午後の曳航, 1963)
L'Ecole de la chair (肉体の学校, 1963)
Entretien sur le roman (1964), dans la Revue Europe n° 693/694. Entretien avec Ōe Kenzaburō.
Les Paons (孔雀, 1965), dans Anthologie de nouvelles japonaises tome III
Madame de Sade (サド侯爵夫人, 1965)
La Musique (音楽, 1965)
Du Fond des solitudes (荒野より, 1966), dans Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines tome I
Le Japon moderne et l'éthique samouraï (葉隠入門, 1967)
Le Soleil et l'acier (太陽と鉄, 1968)
Neige de printemps (春の雪, 1969), Mer de la fertilité I
Chevaux échappés (奔馬, 1969), Mer de la fertilité II
Le Temple de l'aube (暁の寺, 1970), Mer de la fertilité III
L'Ange en décomposition (天人五衰, 1970), Mer de la fertilité IV
Djisei (les deux derniers poèmes de Mishima) (辞世, 1970), dans La Nouvelle Revue Française

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Extrait de "La mer de la fertilité"
"Neige de printemps"


C’est alors que l’incroyable se produisit. Sans rien changer à sa pose parfaitement protocolaire, la femme, tout à coup, ouvrit le col de son kimono. Mon oreille percevait presque le crissement de la soie frottée par l’envers raide de la ceinture. Deux seins de neige apparurent. Je retins mon souffle. Elle prit dans ses mains l’une des blanches et opulentes mamelles et je crus voir qu’elle se mettait à la pétrir. L’officier, toujours agenouillé devant sa compagne, tendit la tasse d’un noir profond.
Sans prétendre l’avoir, à la lettre, vu, j’eus du moins la sensation nette, comme si cela se fût déroulé sous mes yeux, du lait blanc et tiède giclant dans le thé dont l’écume verdâtre emplissait la tasse sombre – s’y apaisant bientôt en ne laissant plus traîner à la surface que de petites taches – ,de la face tranquille du breuvage troublé par la mousse laiteuse. L’homme éleva la tasse et but jusqu’à la dernière goutte cet étrange thé. La femme replaça ses seins dans le kimono.
Le dos raidi, nous regardions, fascinés. Plus tard, à repenser méthodiquement la chose, il nous parut qu’il devait s’agir de la cérémonie d’adieux d’un officier sur le point de partir au front et de la femme qui lui avait donné un enfant. Mais sur le moment, nous étions trop bouleversés pour trouver une explication quelconque. Si tendus étaient nos regards, nous n’eûmes pas le loisir de remarquer que le couple avait disparu de la pièce où ne restait plus que le grand tapis rouge.

Mishima
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par James Keith Vincent
L’article commence avec la constatation que le romancier Yukio Mishima est plus connu à l’extérieur du Japon comme écrivain « gay » alors qu’à l’intérieur du Japon il est connu pour ses tendances droitières. La coahabitation inconfortable de l’ « homosexualité » et du « fascisme » dans la figure de Mishima est ensuite discutée comme le symptôme d’une tendance plus générale du Japon d’après guerre : appréhender l’« homosexualité » et le « facisme » comme des exemples d’un investissement excessif dans les signes et dans la représentation en tant que tels. Le résultat est que les défenses psychiques contre le facisme empruntent souvent leur énergie à l’homophobie.
Tout part ici d’une simple observation à propos de l’un des romanciers les plus connus du Japon. Alors que Yukio Mishima est connu hors Japon d’abord comme un écrivain « gay », prenant place aux côtés d’Oscar Wilde et de Marcel Proust sur la fameuse peinture murale « gays et lesbiennes » du plafond de la Librairie Publique du Centre Gay et Lesbien de San Francisco, on s’en souvient au Japon d’abord pour sa dévotion anachronique aux positions politiques et esthétiques de droite. Les deux réputations de Yukio Mishima constituent ainsi un assemblage des « tendances » à la fois homosexuelle et fasciste. C’est un assemblage qui pourrait sembler contradictoire à quiconque connaît la répression brutale des homosexuels sous les régimes fascistes européens, mais qui néanmoins semble suggérer plus que ce que notre compréhension ordinaire des deux termes renferme, au Japon comme partout ailleurs.
Aux deux réputations de Mishima correspondent deux groupes de lecteurs dont on peut croire que chacun des deux se sentirait probablement en compagnie inconfortable dans l’autre groupe. Si les lecteurs gays de Mishima préfèrent se souvenir de lui pour sa description émouvante des horreurs du placard dans des romans comme Confession d’un masque, ses fans de droite préfèrent se rappeler sa dévotion à l’empereur comme garant absolu des valeurs culturelles dans son essai « Sur la Défense de la Culture », entre autres textes. Quoi qu’il en soit de la volonté de séparer les deux, sans doute Mishima vient-il incarner un assemblage de l’homosexualité et du fascisme dans le Japon moderne qui heurte la sensibilité mais excite la curiosité. Déjà en 1954, Mishima fit une allusion à la connexion entre les deux dans l’introduction à son opuscule « Sur le nouveau fascisme ». Mishima écrit que lorsqu’il apprit à un ami sa réputation nouvellement acquise dans la presse de gauche de « fasciste », celui-ci le félicita en ces termes : « Jusqu’à maintenant tu n’étais rien qu’un pédéraste, mais maintenant que les gens t’appellent fasciste, c’est comme si tu avais été élevé au rang de "iste". C’est plutôt bien » [1]. A la manière typique de Mishima, il nous dit que d’avoir été affublé d’un « iste », quel qu’il soit, a caressé son ego, et il continue en partageant avec le lecteur ce qu’il a appris de la lecture de quelques livres sur le fascisme.
La « promotion » de Mishima de pédéraste à fasciste évoque un continuum imaginaire entre les deux qui continue à hanter notre imagination historique du fascisme. En même temps, quoi qu’il en soit, la possibilité d’établir un tel continuum, requérant comme il se doit une pleine compréhension des signifiés des termes « pédérastie » (homosexualité) et « fascisme », est minée par la conversion de Mishima au point de les saisir comme signifiants dépourvus de contenu - comme rien de plus qu’une différence entre un « aste » et un « iste ». Cette tension entre une compréhension de l’homosexualité et du fascisme compris comme phénomènes intensifs et une présentation des deux comme signifiants vides a fait son temps non seulement avec l’essai qui suit cette remarque (qui était initialement intitulé « Est-ce que le fascisme existe ? »), mais plus généralement, ajouterai-je, dans la culture d’après-guerre. De fait, je soutiendrai que l’attribution d’un lien causal entre homosexualité et fascisme est en fin de compte en partie rendue possible par la façon dans laquelle homosexualité et fascisme ont tous deux été figurés comme crises dans le langage et la subjectivité, et cela dans le système de la représentation historique lui-même.
Dans l’étude plus large dont cet article est tiré j’ai eu recours à des textes par et autour de Yukio Mishima et Kenzaburô Ôe pour commencer à tirer les grandes lignes du déploiement littéraire de l’homophobie comme tout à la fois une substructure psychique du fascisme et un déplacement des inquiétudes concernant le langage et la représentation. Contenant une charge puissante d’énergies homoérotiques aussi bien qu’homophobes, et montrant un fort intérêt pour les relations entre la sexualité mâle et la politique, les travaux de ces auteurs - et les réactions qu’ils continuent de provoquer - ont beaucoup à nous dire sur cette problématique. Il va sans dire que Ôe et Mishima ne pourraient pas occuper de places plus différentes dans l’esprit du public. Dans ses travaux du début des années 60, comme le roman de 1959 Warera no jidai [Notre âge] ou des nouvelles comme Dix-sept (1960), Ôe répète plusieurs fois le portrait de personnages que l’homosexualité prédispose en quelque sorte à la politique d’extrême droite ou encore aux actions terroristes. Le principal protagoniste de Dix-sept est inspiré du jeune assassin de droite qui tua de manière spectaculaire le leader socialiste Asanuma Inejirô avec un sabre, en direct à la télévision, en octobre 1960. Dans l’histoire d’Ôe, le garçon est dépeint comme un masturbateur compulsif se vautrant dans la haine de soi et l’angoisse existentielle adolescente, haine et angoisse qui trouvent une échappatoire dans une relation obsessionnelle explicitement homoérotique avec la figure de l’empereur Shôwa. En réaction à cette histoire et à sa suite, Seiji shônen shisu (1961) [Mourut un garçon politique], comme on pouvait s’y attendre, Ôe dut subir des menaces sur sa vie et celle de sa famille de la part de membres furieux de l’extrême droite japonaise. Aussi, si Ôe est l’écrivain qui mit sa vie en danger pour combattre ce qu’il vit comme la contamination du politique par le sexuel (l’homosexuel), Mishima est celui qui releva le défi d’exaucer cette contamination. Le résultat est que, alors que Ôe vint incarner la conscience de la communauté intellectuelle de gauche d’après-guerre, Mishima devint l’écrivain que tout le monde aime à haïr. Je voudrai démontrer que c’est précisément dans ces différences dans la réception des deux auteurs que nous pouvons apercevoir les mécanismes des deux faces de la relation problématique entre homosexualité et fascisme.
Masao Miyoshi s’est attaché à élucider cette distinction dans son introduction à la traduction anglaise de Dix-sept et Sei-teki ningen [Homme sexuel] d’Ôe. Une fois allusion faite à la similarité thématique entre les nouvelles Dix-sept et Mourut un garçon politique d’Ôe et le roman de 1969 Chevaux échappés de Mishima (lesquels racontent pareillement l’histoire de jeunes assassins de droite), Miyoshi procède à la critique de ce dernier roman en y pointant ce qu’il appelle le « glamour stylisé d’une théâtralité de music-hall » à laquelle, nous dit-on, « Mishima était toujours sensible ». Il va ensuite réduire la signification d’une similarité entre les deux auteurs à une question d’originalité versus imitation. Miyoshi écrit : « Autant que je sache, personne n’a attiré l’attention sur les emprunts conséquents (à moins que ce ne soit du plagiat) de Mishima au travail antérieur de jeunes écrivains [Ôe]. En même temps, l’identification de Mishima au beau garçon [le protagoniste deChevaux échappés] est si irréfléchie et inconditionnelle que c’en est embarrassant. Son allégeance à la politique impériale, aussi, est tellement transparente que Chevaux échappés en est rendu quasiment illisible - sinon comme fragment de la biographie de Mishima. Ceci - l’auto-indulgence de Mishima et la discipline d’Ôe - pourrait être la plus grande différence entre les deux écrivains » .
La tonalité de pathologisation vicieuse de ce passage parle d’elle-même, mais elle nous met à portée de main un schéma éclairant du problème. Ôe, comme l’ « original » de la copie de Mishima, est crédité de s’être sérieusement confronté à la relation entre sexualité et politique. Grâce à ce que Miyoshi appelle sa « discipline », le travail d’Ôe est capable de transcender l’expérience personnelle de l’écrivain et d’acquérir une signification profonde, complexe et universelle. Comme tel il est une incarnation exemplaire du sujet démocratique libéral. Mishima, à l’opposé, est affligé d’une « théâtralité » superficielle, imitative, laquelle semblerait encore aggravée par son « identification au beau garçon si irréfléchie et inconditionnelle que c’en est embarrassant ». Ce type de harcèlement homophobe sans scrupule est omniprésent dans la critique de Mishima et, ici comme ailleurs, il nous fait juste nous demander qui est le plus embarrassé. Mais le plus important pour nous est la façon dont cette interprétation de Mishima coïncide implicitement avec l’espèce de pathologie qu’Ôe, et apparemment Miyoshi, attribueraient au fascisme lui-même. Mishima vient ainsi incarner dans son étrange personne la capitulation de la subjectivité et la « sensibilité » proprement fasciste à la représentation pure. Alors que la courageuse « discipline » d’Ôe lui permet de « représenter » la problématique du fascisme et ainsi de récupérer depuis sa critique des éléments pour la réflexion, l’efféminé Mishima « auto-indulgent » est trompé par l’ordre de représentation propre au fascisme - un ordre en fait caractérisé par l’effondrement de la distinction du sujet et de l’objet, distinction qui seule pourrait faire une représentation « vraie » possible. La remarque de Miyoshi implique que le désir homosexuel à déclinaison narcissique de Mishima lui a rendu impossible le maintien d’une distance critique à la « politique impériale » parce que sa subjectivité s’est fondue dans celle du « beau garçon [fasciste] ». La distinction entre l’écrivain et son matériel s’est défaite avec pour résultat que ce roman ne supporte plus d’être lu que comme une « biographie » - comme l’évolution d’une pathologie intimement liée à celle du fascisme lui-même. Si le travail d’Ôe peut être lu comme une critique de la sexualisation et de l’esthétisation de la politique appelée fascisme, la vie de Mishima est lue ici comme une promulgation et un signifiant de cette même sexualisation/esthétisation.

Dans un article intitulé « Tous les Japonais sont des pervers », Mishima nous livre la description suivante de ce qu’il voit comme la relation surdéterminante entre homosexualité et représentation : « Souvent dans le cas de l’homosexualité la question de la représentation de soi-même est une condition indispensable à la mise en œuvre de l’excitation sexuelle. En ce sens l’homosexualité est liée au narcissisme. Le fait que cette sorte de représentation de soi-même devienne un élément essentiel à l’échange de représentations avec le partenaire distingue le désir homosexuel de l’hétérosexualité. Dans un contexte hétérosexuel, parce que l’identité de chacun comme homme ou femme est un fait qui a sa propre évidence, la représentation de soi-même de chacune des personnes impliquées peut seulement avoir une signification secondaire. »
A en croire son titre, l’idée maîtresse de cet essai est consacrée à démontrer que l’identité de genre n’est en fait pas un « fait qui a sa propre évidence », ce qui laisserait croire que l’usage que fait ici Mishima de cette expression est à visée ironique. Quoi qu’il en soit, il nous a donné un résumé précis de la logique selon laquelle l’attachement affectif aux signes, comme une variante du narcissisme, serait spécifique au désir homosexuel. Ironiquement, la figure de Mishima lui-même viendra servir d’incarnation paradigmatique de l’homosexualité comme désir de représentation. C’est, je crois, exactement cette même logique qui fournira ainsi, à travers la figure de Mishima, le lien nécessaire à une compréhension du fascisme comme d’un phénomène homosexuel.
Une fois encore, c’est Mishima lui-même qui exprime le plus clairement ce lien dans son texte « Sur le nouveau fascisme ». Il démontre que la tendance récente des intellectuels de gauche à user du terme « fasciste » comme de l’ « insulte » suprême a achevé de décaper le mot de toute signification historiquement spécifique. Conséquemment, écrit Mishima, appeler quelqu’un du nom de fasciste n’a pas plus de signification que les expressions « idiot » ou « imbécile » communément usitées (316). Mishima poursuit alors en introduisant plus de complexité dans le terme par le passage en revue de l’émergence historique du fascisme en Europe de l’Ouest et en le distinguant des politiques japonaises contemporaines de droite. Alors que le fascisme européen était l’excroissance d’un nihilisme débilitant, la droite japonaise se caractérise par un optimisme naïf. « Le fascisme d’Europe de l’Ouest », alors, « est un événement historique radical de la première moitié du vingtième siècle. Comme tel il est difficile d’imaginer qu’il puisse à nouveau ressurgir sous la même forme » (321). Mais Mishima n’a pas plus tôt insisté sur la spécificité et l’impossibilité d’une répétition du fascisme européen qu’il entreprend aussitôt de démontrer que le fascisme est en réalité universel - que la menace du fascisme existe partout où l’état de la société produit le désespoir et que le Japon n’est pas exempt de cette menace. Dans un mouvement qui semblerait d’abord plutôt déconcertant, Mishima revient à la dénonciation d’individus comme fascistes avec laquelle il avait commencé son essai et lance un appel à la gauche japonaise pour arrêter d’utiliser ce terme d’une telle manière discriminante. « Si vous Messieurs persistez à répéter cette accusation, le résultat pourrait bien en être l’émergence non pas du pseudo-fascisme (celui que vos mots désignent) mais de la réalité même du fascisme » .
Takehiko Noguchi commence son Univers de Yukio Mishima par une discussion de la relation de Mishima avec l’écrivain de droite Fusao Hayashi. Pour Noguchi, ce fut l’identification de Mishima avec la figure de Hayashi, culminant dans son article de 1963 « Sur Fusao Hayashi », qui signala sa conversion à droite. Ce travail, qui au dire de Mishima lui-même était plus sur lui-même que sur Hayashi, était une tentative d’élaborer son propre idéal de virilité. En cela, il exprime une admiration foncière pour l’engagement de Hayashi dans ce qu’il appelle une « passion abstraite », à laquelle il atteignit comme un résultat du procédé galvanisant du tenkô, ou apostasie politique. Dans sa transformation de marxiste ardent profondément engagé dans le mouvement littéraire prolétarien à apologiste de droite de l’impérialisme japonais, Hayashi parvint à réaliser la relativité dernière de toute philosophie politique. C’est à travers l’abandon d’une adhésion à quelque philosophie politique que ce soit que Hayashi/Mishima arriva à épouser une passion abstraite d’un « idéal » représenté de manière ultime par la figure de l’empereur déifié. Noguchi écrit : « Dans ce cas, l’ "idéal" qui est recherché par Mishima, comme il joue le double rôle de Fusao Hayashi et de lui-même, n’est nullement un idéal spécifique, tangible ou concret, mais toujours un "idéal" arbitraire à mettre entre guillemets. Nous devons nous rappeler que la question n’est pas de savoir ce qu’est cet idéal en lui-même et pour lui-même, mais seulement d’agir avec cet idéal comme telos » .
Un « idéal » entre guillemets. Une fois encore nous voyons la notion de fascisme résulter d’une dévotion aux signes pour eux-mêmes. Dans un chapitre ultérieur consacré au roman de Mishima Confession d’un masque, Noguchi dessine le parallèle familier entre l’ « homosexualité » de Mishima et sa dévotion à l’empereur déifié comme un idéal abstrait vide de tout contenu. Noguchi se fie à une interprétation de ce roman comme portrait autobiographique de Mishima en jeune homme pour asseoir l’évidence que le passage sur le tard de Mishima à droite était contenu dans une tendance qui a toujours été là - dans la forme de la compréhension par Mishima de sa propre sexualité. Dans ce chapitre, Noguchi nous dit : « Une fois que la sexualité normale [hétérosexuelle] est définie comme "ce désir qui bouillonne d’être lui-même" et que le besoin de fuir son propre statut d’homosexuel exprime "un désir impossible, brûlant, de ne pas être moi-même", le problème est entièrement reformulé en termes ontologiques… A celui dont le corps est toujours habité du désir de se fuir soi-même, de "n’être pas moi", l’identité [dôitsuritsu] humaine stable, heureuse, de "qui est lui-même" est pour toujours étrangère » .
Pour le jeune Mishima, il semblerait que l’identité hétérosexuelle fournisse, à travers son « évidence en soi », le seul accès possible à une identité désirante. Dépourvue de cette « évidence en soi », l’identité homosexuelle est marquée seulement par un désir de n’être pas homosexuel. Ceci plonge le jeune Mishima dans un dilemme existentiel dont la seule sortie est de prétendre être autre chose que ce qu’il est - en tentant de passer pour un hétérosexuel dans ses relations avec Sonoko. Son homosexualité s’exprime alors à travers sa propre trahison dans la forme d’une « performance » obsessionnelle. Comme le dit le protagoniste de Confession d’un masque, « la culpabilité inconsciente de ce que je déformais ma nature propre aboutit alors à une stimulation insistante de ma tendance consciente à me mettre en scène » .
Dans ce passage le protagoniste fait l’expérience d’une sorte d’apostasie (tenkô) structurellement similaire à celle de Fusao Hayashi, dont Noguchi veut nous convaincre qu’elle fascina tellement Mishima plus tard. Un homosexuel dans une société homophobe, comme un marxiste dans une société fasciste, peut être forcé à prétendre être quelque chose qu’il n’est pas. Mais chemin faisant, cette « prétention » arrive à constituer le cœur même de son identité. Cette transformation alarmante lui suggéra un scepticisme tenace à l’endroit de la réalité. Noguchi montre que dans Confession d’un masqueMishima « emprunta la figure de ce jeune homme sexuellement perverti pour exprimer l’aliénation propre à la société d’après-guerre qui ne le quitta jamais » (108). C’est cette même aliénation qui justifiera sa prédisposition à la sorte d’ « ironie romantique » que Mishima trouvait lui-même tellement séduisante dans la figure de Hayashi. Mishima ne pourra en fin de compte revendiquer qu’une « passion abstraite » pour une « mise en scène interchangeable à l’infini ». Noguchi l’écrit bien dans le premier chapitre de son livre : « La passion abstraite de Mishima n’aurait pu exister sans le masque » (.
Bien sûr cette tentative obsessionnelle de s’évader des limites de son moi culminera dans ce à quoi fait référence Noguchi comme l’ironie ultime de l’ironie romantique. De là surgira une brèche béante dans le moi qui réclamera à grands cris d’être remplie. « La perfection de l’ironie », écrit Noguchi, « ne peut être atteinte qu’à travers l’abandon de l’ironie elle-même ». Et pour Mishima, cet abandon de l’ironie prendrait la forme d’une relation obsessionnelle à l’empereur. Noguchi conclut ce premier chapitre en des termes directement repris de Mishima dans son essai « sur Fusao Hayashi » : « Le plus vieux, le plus sombre, le "cœur japonais"essentiellement primitif » « a commencé à prendre possession de l’âme de Mishima »
Il importe de noter que Fusao Hayashi lui-même, dans un livre publié quatre ans après le suicide de Mishima, s’empresse de nier une quelconque relation entre l’homosexualité de Mishima et sa conversion à droite. De fait, il va jusqu’à nier fébrilement que Mishima ait été homosexuel. « Mishima répondit aux accusations de pédérastie qui lui furent faites en jouant à plein le rôle du pédéraste. Il fit, à rebours, des recherches sur l’homosexualité, mena des investigations dans les endroits où ces malades se rencontrent, s’engagea dans une forme d’expérimentation, et quand il eut trente-six ans il écrivitLes amours interdites, lequel nous apparaît un roman homosexuel. Mais exception faite de cette période précoce d’investigation et d’expérimentation, il n’approcha jamais du domaine des pédérastes. »
La rhétorique paranoïaque et les italiques qui abondent dans ce texte parlent d’eux-mêmes, mais un autre fait nous apparaît plus accablant encore : alors que le narrateur de Confession d’un masque proclamait que sa « nature » d’homosexuel lui enjoignait de « jouer » le rôle d’un hétérosexuel (ce qui incluait « l’étude minutieuse des romans » pour apprendre « ce que les garçons de mon âge pensent de la vie et comment ils se parlent entre eux »(), Hayashi inverse précisément les arguments pour exonérer son ami.

Si j’ai passé plus de temps à analyser ces tentatives variées de lier homosexualité et fascisme qu’à essayer de les réfuter, c’est parce que je me suis avisé que les chemins qui y sont empruntés produisent leur part de vérité. Il ne fait pas de doute que l’émergence historique et la menace persistante de ce que j’ai appelé ici le fascisme sont accompagnées par une certaine intensification des liens homosociaux entre hommes. Il est clair aussi que le fascisme s’accompagne d’une crise dans la représentation qui est en même temps une crise de l’ordre hétérosexuel dans lequel des identités stables sont maintenues à travers le renforcement de la différence (l’indifférence) sexuelle. Mais je ne peux conclure sans souligner le fait que ces critiques, toutes vraies en un sens, ne sont pas exemptes de complicité avec un idéal d’identité désirante masculiniste, hétérosexiste - avec toujours cette même logique menacée et menaçante qui dit que « Je suis qui je suis (un homme) en désirant qui je ne suis pas (une femme) ». Dans cet imaginaire, le désir homosexuel peut seulement se figurer comme désir du même et par conséquent comme un désir d’identité au bout du compte irréalisable. L’homosexuel en vient alors à porter le poids stigmatisant d’un fascisme interprété dans les mêmes termes. L’homosexuel, comme l’ écrit Andrew Hewitt, devient « le sujet/objet fétiche d’une théorie politique hétérosexuelle, parce qu’il sert la projection d’une perte effrayante de subjectivité. »
La question que la problématique de l’homofascisme nous force à poser, alors, est de savoir si la « subjectivité » telle que nous l’avons comprise jusqu’à maintenant a en fait encore un sens pour combattre le fascisme. Il se pourrait que, dans une société homosociale et homophobe comme celle dans laquelle nous vivons, le désir homosexuel représente un effondrement radical de la subjectivité. Mais cette conception de l’homosexualité n’est générée par rien d’autre qu’une inquiétude concernant l’instabilité foncière de l’hétérosexualité elle-même. Et il lui en coûte beaucoup de soutenir cette identité. Il semble juste de dire que le fascisme historique était, avant toute chose, un exemple effrayant d’un ordre homosocial désespéré déployant des mesures extrêmes pour consolider sa propre identité. Les études queer nous apprennent qu’identité et subjectivité, indépendamment de l’orientation sexuelle, sont toujours déjà en crise. Confrontés à cette réalité, nous avons deux choix : soit la désavouer dans une projection paranoïaque sur les femmes et les minorités, soit la comprendre comme une opportunité de reconnaître que toutes nos identités sont formées à travers un processus trouble d’ « identification ». On serait peut-être alors bien avisé d’accorder quelque crédit au célèbre homofasciste Mishima, et de se rappeler que non seulement « tous les Japonais », mais nous tous « sommes des pervers ».







liens :


http://youtu.be/80uhCUcoiKs Paul Strader sepukku de Mishima
http://youtu.be/lkNVlxsNROE une vie en 4 actes

http://www.youtube.com/watch?v=1WhSRH ... e&list=PL4330FC55FCA13D79 11 Vidéos
http://www.youtube.com/watch?v=1WhSRH ... e&list=PL4330FC55FCA13D79





On ne connait pas l'origine de cette forme de suicide, mais la légende veut que Minamoto no Tametomo soit le premier à avoir commis le Seppuku, en s'ouvrant le ventre, en 1156 après avoir tenté un coup d'état contre la capitale. Macabre pratique provenant de Chine et employées par les femmes afin de prouver qu'en n'étant pas enceinte, leur vertu restait intacte.

Symboliquement, l'éventration avait pour but de prouver la sincérité et la loyauté de la personne, puisqu'elle était capable par cette forme de courage suprême de mettre son cœur à nue.

Le Haramesu, est un terme de respect pour désigner l'acte du Seppuku.

Le ventre est très intimement lié à la naissance et à la vie.

Au Japon, les différentes appellations montrent à quel point, le ventre est associé à la mort et en particulier au suicide.


Vers la fin du 17ème siècle, le Seppuku se ritualise :

La cérémonie du Seppuku se pratiquait généralement en public, et exigeait la présence obligatoire de trois personnes : le maître des cérémonies, garant que tout serait fait dans l'ordre.

Il comprend une incision de l'abdomen de gauche à droite et une légère incision vers le haut à la fin.

Certaines règles spécifiques doivent être respectées, particulièrement dans la cas d'un suicide ordonné par un seignneur ou les autorités.

L'esthétique fait partie du rituel, les tatamis sont bordés de blanc et le samourai doit s'y agenouiller en appui sur les talons, sur un coussin blanc.


Le rituel se pratiquait en kimono et s'exécutait de trois manières différentes, selon le rang social du guerrier.

Le guerrier de rang peu élevé devait présenter le tanto (poignard-sabre) sur un socle de bois et l'élever vers le ciel.

Il le baissait en inclinant la tête dans le même mouvement, tandis que dans le même temps le Kaishaku lui tranchait la tête d'un coup.

Le Kaishaku était celui qui était chargé de couper la tête du guerrier, généralement un bon ami, homme de confiance, expérimenté et bon sabreur car sa tâche était délicate. Il attend le moindre signe de celui-ci pour le décapiter au sabre et lui épargner une mort dans d'attoces souffrances (Monshi).

La décapitation avait souvent lieu bien avant que l'acte ne fut terminé.


Le guerrier de plus haut rang avait en plus un étoffe traditionnelle (utilisée pour essuyer le sang sur la lame après le combat), dont il enveloppait la lame pour la saisir sans la toucher à nu afin de garder pure cette lame qui devait "juger" son âme.

Il restait en position de "seiza", la lame sur la cuisse droite et inclinait simplement la tête pour faire signe au Kaishaku.

Le guerrier de très haut rang, ouvrait son kimono dans la phase finale pour laisser apparaître son ventre.

De sa main gauche, il désignait sur son ventre le point d'impact supposé de la lame.

Il faisait le geste de planter le tanto et le Kaishaku lui coupait la tête avant le contact. La décapitation permettait à l'âme de s'élever vers le cosmos, tandis que dans le hara-kiri effectif l'éventration réelle l'âme retourne à la terre.

A partir des guerres civiles sanguinaires du XII ème siècle, une méthode particulière de suicide s'associa à la tradition des Samourai (Le hara-kiri), et cette forme de supplice affreusement douloureuse que s'infligeaient les guerriers était la preuve manifeste que, malgré leur échec final, ils méritaient le respect de ses amis et de ses ennemis pour son courage physique, sa volonté et sa pureté de coeur.


Il existait quatre grandes raisons de se faire Seppuku :

- La défaite au combat : La défaite étant une perspective vraisemblable, et la capture un déshonneur insigne, il était logique que le suicide fût accepté comme une mort honorable pour le guerrier vaincu. Dès les toutes première chroniques japonaises, le suicide d'un combattant était considéré comme un moyen d'échapper à la honte, comme un acte courageux et honorable, et une preuve ultime de d'intégrité.

- Les remontrances (Kanshi) : Acte qui permettait parfois d'adresser ses plaintes à l'Empereur. Nobunaga Oda reçut un jour une lettre de reproches d'un des ses vassaux qui en commettant le Seppuku attira son attention sur la situation catastrophique du Japon.

- La sanction pénale (Tsumebara) : Instituée par les Shogun Tokugawa, elle permettait d'éviter la prison ou l'exil aux samourai. Privilège accordé à la classe des hauts fonctionnaires militaires, elle épargnait la honte au samouraï et à tout son clan. Cette condamnation capitale était réservée à la seule classe des guerriers et était interdite aux gens du peuple.

- L'accompagnement dans la mort (Junshi, l'équivalent d'Oibara) : Directement inspiré de la Chine, où cette pratique était répandue, elle était la seule raison qui ne faisait pas suite à un échec.

Lors de la mort de son seigneur, les samouraï prouvaient leur fidélité et leur attachement en suivant leur maître dans la mort. Cette pratique destructrice causa des pertes irréparables, ces Seppuku collectifs pouvant rassembler jusqu'à 500 guerriers, laissant leur clan exsangue et sans défense.

Symboliquement, l'éventration avait pour but de prouver la sincérité et la loyauté du samourai, puisqu'il était capable par cette forme de courage supréme de mettre son cœur à nue.



Il existe plusieurs terminologies pour désigner le suicide par éventration:


- Le Seppuku Suru : rituel d'auto-éventration.

- Le Harakiri ou Hara o kiru : forme la moins noble d'auto-éventration.

- Le Kappuku : littéralement "se couper le ventre".

- Le Oibara ou Tsuifuku : littéralement "le ventre qui suit", indique un suicide par Seppuku, afin de suivre son seigneur dans la mort, par fidélité en ouvrant son coeur.

- Le Hara o tsukamatsuru : faire offrande de son ventre aux Kami (dieux), connotation religieuse, forme très respectueuse et la plus noble.


Le Shogun Tokugawa promulgua un édit, en mai 1663 , pour mettre fin à cette pratique qui conduisait à une dépense inadmissible de vies humaines.

Le rituel du Seppuku se commettait en public, mais devant une assemblée restreinte. L'ensemble de la cérémonie était codifiée et le respect scrupuleux de ces codes était obligatoire.

Selon le rang et la personne qui se préparait à cette acte, le sabre qui mettait fin à cette cérémonie était brisé.

Les données étaient différentes sur le champ de bataille où le temps pressait, le guerrier précédait son geste d'un discours et si possible d'un poème d'adieu.

En temps de paix, le samouraï habillé de blanc, écrivait un poème, agenouillé sur un tatami et derrière des paravents préservant des regards.

Avec un poignard spécial (kusungobu) dont la lame est entourée de papier blanc, le samouraï pratiquait une double incision en croix dans l'abdomen. Une fois la deuxième incision pratiquée, un assistant (kaishaku) placé derrière lui, lui ôtait la tête rapidement d'un coup de sabre. La douleur insupportable était ainsi stoppée, une fois que le samouraï avait fait preuve de son courage

Le Seppuku fut officiellement interdit en 1868.



Les femmes n'avaient pas droit à ce cérémonial. Elles se coupaient la veine jugulaire avec un poignard (tanto) qu'elles possédaient toujours sur elles. Dans certains cas, avec une autre femme, elles se tuaient l'une l'autre en même temps.

Lors de la période féodale , « n'ayant pas le droit de se faire seppuku à la manière des hommes, les femmes se tranchaient la gorge avec un poignard après s'être entravé les jambes afin de garder dans la mort une attitude décente ».

Les rites cérémoniaux n'étaient pas les mêmes que pour les hommes. Contrairement au seppuku , le suicide féminin pouvait se pratiquer seul. La section la veine jugulaire ou l' artère carotide, entraînait une mort rapide. Le petit poignard utilisé était un tanto ou plutot un kaiken , plus petit, que la femme portait toujours sur elle. Cette pratique était normalement réservée aux femmes nobles et aux femmes de samouraï.



Cette forme de suicide ne s'effectuait que dans certaines situations :

En période de guerre, afin de préserver son honneur, avant l'arrivée des ennemis et en cas de défaite imminente.
Une épouse de samouraï était sous l'entière responsabilité de son époux, et non pas de son seigneur. Si son mari venait à mourir, elle pratiquait le jigai en guise de loyauté, afin de le rejoindre dans l'autre monde.
Parfois les servantes travaillant chez les familles nobles se donnaient la mort par jigai, suite à de cruelles intrigues ou en signe de loyauté envers leur maîtresse.
Dans les temps anciens, il était de coutume que les femmes d'officiers condamnés à mort les précèdent en pratiquant le jigai.
Chez les femmes de samouraï, en guise de protestation morale contre un mari dont le comportement serait intolérable.
Un des derniers fameux exemples de jigai est celui de la femme du général Nogi Maresuke , Nogi Shizuko, qui s'est suicidée de cette façon avec son mari qui lui s'est fait seppuku à la mort de l'empereur Meiji en 1912.

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Posté le : 25/11/2012 13:46
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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