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J'Accuse...! de Balzac, Dreyfus 2
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Un titre conçu pour frapper au premier coup d'œil.

Des contacts ayant été pris avec Clemenceau dès le début de l'année 1898, Émile Zola rencontre Ernest Vaughan, patron de L'Aurore, le matin du 12 janvier pour parler de son article titré : "Lettre à M. Félix Faure Président de la République".
En fin d'après-midi, Zola se présente au journal et donne lecture de son article à l'ensemble de la rédaction. Clemenceau tique. Il n'a pas le même point de vue que Zola. L'Aurore défend en effet une vision formellement légaliste de l'affaire Dreyfus. L'innocence de Dreyfus doit être prouvée dans un nouveau procès, pas dans un journal. Mais l'éditorialiste s'incline devant les qualités indéniables du texte en s'exclamant : "C'est immense cette chose-là !".
L'équipe rédactionnelle bute aussi sur le titre de l'article : "Lettre au Président de la République". Ce titre avait été choisi par Zola dans la même veine que ses publications précédentes comme "Lettre à la jeunesse". Mais la décision de publier dans un journal du matin le remet en cause. Georges Clemenceau et Ernest Vaughan s'emparent du sujet, puisque le titre choisi par le romancier ne convient plus à un journal. Vaughan raconte : "Je voulais faire un grand affichage et attirer l'attention du public".
Le titrage de l'article de "une" doit en effet pouvoir se lire facilement d'assez loin sur des affiches, et surtout pouvoir se crier dans la rue. L'objet est aussi de répondre à la presse du soir, bon marché, orientée sur le fait divers, "la presse immonde", majoritairement anti-dreyfusarde, dont l'usage est de titrer en très grosse force de caractère. C'est une forme de marque de fabrique, par opposition à la grande presse d'opinion qui titre à la colonne. C'est cette presse contre laquelle Zola s'insurge, et en utilisant l'un de leurs artifices, il s'adresse aussi à son lectorat.
On comprend dès lors que le titre initialement choisi par Zola soit inadéquat du fait de sa longueur. Car en cette fin de siècle, sans medias audio-visuels, l'information est dans la rue, et c'est dehors, sur le pavé, que l'on vient la chercher, tout au moins dans les grandes villes. Vaughan cherchant ainsi un titre qu'on puisse crier, c'est Clemenceau qui met le groupe sur la voie en faisant remarquer : "Mais Zola vous l'indique le titre dans son article : c'est “J’accuse !” ".
C'est donc en regard de la péroraison finale que la rédaction de L'Aurore choisit le titre qui va barrer la "une" du quotidien le lendemain matin.

Un article cinglant et délibérément diffamatoire

"J’accuse… !" à la une de L'Aurore
Si "J’accuse… !" a tant marqué les esprits, c'est qu'il apporte un certain nombre de nouveautés, rarement vues dans la presse avant lui. Ce véritable coup, voulu comme tel par le romancier, innove ainsi à la fois sur le fond et sur la forme.
Un plan simple
Pour son article, Zola opte pour un plan simple. L'objectif de l'écrivain est de faire comprendre l'écheveau de l'affaire Dreyfus de la manière la plus lumineuse possible. Il fait bien acte d'écrivain, en ordonnant clairement son récit.
Zola explique d'abord, dans son introduction, les ressorts initiaux de l'erreur judiciaire, qu'il qualifie d'implacable, d'inhumaine. Il justifie aussi la forme de son message, en une lettre ouverte au Président de la République. Dans sa première partie, il use du procédé du flashback, transportant le lecteur trois ans auparavant, à l'automne 1894. On assiste aux différentes procédures judiciaires contre Alfred Dreyfus, de son arrestation à sa condamnation. Dans la seconde, le romancier explique les conditions de la découverte du véritable coupable, Ferdinand Esterházy.
La troisième partie est consacrée à la collusion des pouvoirs publics afin de protéger le véritable traître en l'acquittant lors du Conseil de guerre du 11 janvier. Le double crime est consommé : "Condamnation d'un innocent, acquittement d'un coupable". Il reste à Zola, en conclusion, à asséner ses accusions nominatives contre les hommes qu'il considère comme responsables du crime, par une litanie faite de la répétition de la formule "j'accuse...". Une forme efficace.


La fin de "J’accuse… !", page 2 de L'Aurore

La forme employée par Zola est assez révolutionnaire en regard du support utilisé pour exprimer sa révolte. L'article est très long, avec environ 4 570 mots. Il court sur pas moins de huit colonnes, dont l'intégralité de la première page de L'Aurore.
C'est une première dans cette presse d'opinion d'habitude très modérée dans la forme, dont les grands éditoriaux dépassent rarement deux colonnes en première page. En outre, la plupart de ces journaux ne publient que sur quatre pages à cette époque, un espace fort limité. "J’accuse… !" occupe ainsi près d'un tiers de la surface utile de l'édition du 13 janvier 1898.


En réaction à "J’accuse… !", Psst… ! parodie le fameux titre de L'Aurore.

Le titre est formé d'un seul mot, deux syllabes. La composition typographique en a été particulièrement soignée. Les deux majuscules initiales et les trois points de suspension suivis d'un point d'exclamation renforcent l'aspect dramatique de la proclamation.
Ce dispositif typographique, un peu oublié aujourd'hui, a marqué les contemporains de l'Affaire, et peut être comparé au logo de nos marques modernes. Au point que lorsque des anti-dreyfusards publient en réaction un périodique antisémite, le titre choisi est « psst…! ». Une interjection qui, reprenant les artifices typographiques de "J’accuse… !", accentue le mépris dans la réplique.
Ce titre barre ainsi tout le haut de la première page en manchette, composé de grandes lettres de bois. Le gros titre est suivi du titre initialement choisi par Zola, en forme de sous-titre, dans un corps de caractère plus petit. Puis enfin, le nom de l'auteur du texte, fait rare, mais nécessaire car le titre étant à la première personne, il était indispensable d'identifier immédiatement l'auteur de l'accusation. Il n'est pas, en effet, dans les usages de donner le nom de l'auteur d'un article en titre.
Souvent les articles ne sont pas signés ; et lorsqu'ils le sont, c'est au bas de la colonne même si son auteur est renommé. Cette "titraille" massive paraît comprimer le texte, austèrement aligné sur les six colonnes de la première page. Rien n'est là pour détourner l'attention du lecteur, aucune illustration. Le texte dans toute sa rigueur comme il sied dans les journaux d'opinion. Seule concession typographique, les parties sont séparées par des astérisques, afin de concéder une petite respiration au lecteur.
La forme, c'est aussi le style, un style efficace. Et ici, plus que jamais, Zola donne la pleine puissance de sa rhétorique et de son savoir faire d'écrivain. Henri Mitterand emploie l'expression de "blitzkrieg du verbe". Usant en effet de tous les artifices littéraires, l'écrivain montre comment le bon mot est l'outil politique par excellence. Son éloquence agite son texte par l'usage de la grande rhétorique oratoire, pour un résultat certain.
Tous ces effets de style apportent une vision dramaturgique, dans le but de retenir l'attention du lecteur, devant la grande longueur du texte. Mais c'est aussi, surtout par l'emploi des répétitions, des parallélismes et des symétries, des clausules, des moyens de renforcer l'attaque et d'arriver à la conclusion, en forme anaphorique, de "coups de bélier" de la litanie finale, sommet pamphlétaire.
Le fond : entre défense et réquisitoire

L'historiographie a souligné la rupture incarnée par "J’accuse… ! ", contrastant de manière importante avec toute l'œuvre journalistique passée d'Émile Zola. Certes acerbes, pertinents, piquants, ses articles déjà publiés n'allaient jamais au-delà d'une certaine mesure, dont la transgression n'aurait sans doute pas été permise par les supports de presse ayant accueilli le romancier. Aussi Émile Zola passe-t-il pour un redoutable escrimeur du verbe, mais sans doute pas au point d'ébranler l'échiquier politique, comme le revendiquent un Drumont ou un Rochefort.
"J’accuse… !" est une surprise pour les contemporains, surpris de lire une telle violence, un engagement aussi clair, sans aucune équivoque, mais aussi une telle exposition au danger, sous la plume d'un écrivain jusqu'ici rangé, estimé et tranquille. Zola proclame dès le début l'innocence de Dreyfus :
"Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l'innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu'il n'a pas commis."
Mais ce faisant, il inverse les rôles, et de celui d'avocat, il endosse l'habit du procureur, d'accusateur public. Très agressif, le texte se veut une attaque des acteurs militaires de l'affaire. Zola y désigne nommément les généraux, les officiers responsables de l'erreur judiciaire ayant entraîné le procès et la condamnation, les experts en écritures, les civils, experts, coupables de "rapports mensongers et frauduleux".
Il met aussi en cause les bureaux de l'armée responsables d'une campagne de presse mensongère, ainsi que les deux conseils de guerre "dont l'un a condamné Dreyfus sur la foi d'une pièce restée secrète, tandis que le second acquittait sciemment un coupable". L'article s'achève sur la célèbre litanie accusatrice, qui livre au public les noms des coupables à sa vindicte :
"J'accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam d'avoir été l'ouvrier diabolique de l'erreur judiciaire, en inconscient, je veux le croire, et d'avoir ensuite défendu son œuvre néfaste, depuis trois ans, par les machinations les plus saugrenues et les plus coupables.

J'accuse le général Mercier de s'être rendu complice, tout au moins par faiblesse d'esprit, d'une des plus grandes iniquités du siècle.

J'accuse le général Billot d'avoir eu entre les mains les preuves certaines de l'innocence de Dreyfus et de les avoir étouffées, de s'être rendu coupable de ce crime de lèse-humanité et de lèse-justice, dans un but politique et pour sauver l'état-major compromis.

J'accuse le général de Boisdeffre et le général Gonse de s'être rendus complices du même crime, l'un sans doute par passion cléricale, l'autre peut-être par cet esprit de corps qui fait des bureaux de la guerre l'arche sainte, inattaquable.

J'accuse le général de Pellieux et le commandant Ravary d'avoir fait une enquête scélérate, j'entends par là une enquête de la plus monstrueuse partialité, dont nous avons, dans le rapport du second, un impérissable monument de naïve audace.

J'accuse les trois experts en écritures, les sieurs Belhomme, Varinard et Couard, d'avoir fait des rapports mensongers et frauduleux, à moins qu'un examen médical ne les déclare atteints d'une maladie de la vue et du jugement.

J'accuse les bureaux de la guerre d'avoir mené dans la presse, particulièrement dans L'Éclair et dans L'Écho de Paris, une campagne abominable, pour égarer l'opinion et couvrir leur faute.

J'accuse enfin le premier conseil de guerre d'avoir violé le droit, en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète, et j'accuse le second conseil de guerre d'avoir couvert cette illégalité, par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d'acquitter sciemment un coupable."

Pour ses contemporains, le grand intérêt de l'article de Zola réside dans le résumé consolidé des différents évènements constituant les quatre premières années de l'affaire Dreyfus, auquel le lecteur accède pour la première fois. Zola leur raconte l'histoire complète. Il faut en effet se mettre à la place du lecteur de l'affaire Dreyfus qui lit, çà et là et par petits bouts, le déroulement de ce feuilleton à ressorts compliqués.
Comme la presse cherche le scoop et les rebondissements fort nombreux, des détails sans importances sont discutés par le menu au détriment de la vision globale du récit de "l'Affaire". L'écrivain remet donc les "pendules à l'heure" en livrant un récit entier, bâti sur la documentation dont il dispose à ce moment-là.
Mais Zola n'y fait pas œuvre d'historien ou de juriste. Lui-même, et ceux qui l'ont alimenté en informations, ont commis d'importantes erreurs, simplement par le fait qu'ils ignoraient à cette époque une partie des circonstances et des faits. Par exemple, Zola limite la responsabilité du ministre de la Guerre de l'époque, le général Auguste Mercier, en exagérant le rôle de Du Paty de Clam et en ignorant totalement le commandant Henry, pourtant un acteur essentiel de l'affaire Dreyfus. "J’accuse… !" n'est donc pas un texte historique dans ses détails, mais il est du propre aveu de son auteur un moyen, un tournant décisif de l'affaire Dreyfus. C'est un texte politique.
Zola sait à quoi il s'expose et prévient le lecteur à l'avance. Il contrevient en effet aux articles 30 et 31 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, ce qui va l'amener à être inculpé de diffamation publique. Il ne dispose en effet d'aucune preuve en appui de ses accusations. Aux termes de la loi, ce délit est passible des Assises, ce qui occasionne une délibération par un jury populaire. Tout est dans cet espoir pour Zola, que des hommes indépendants puissent rendre une décision de justice elle-même indépendante des militaires.
Conséquences de la publication de "J’accuse… !"

Contrairement à une idée reçue selon laquelle l'article de Zola a reçu un accueil très favorable de la part de ses lecteurs, Zola doit faire face à une hostilité quasi générale dès le premier jour de sa publication. Que ce soit dans les cercles politiques, artistiques et littéraires, universitaires, journalistiques ou militaires, les attaques directes de Zola contre les pouvoirs publics et l'Armée ont choqué ses contemporains. Seule une minorité salue l'action de l'écrivain.
La seconde "affaire Dreyfus", celle qui va passionner les foules pendant plusieurs années, vient de commencer. L'affaire Dreyfus devient "l'Affaire" tout court, c'est-à-dire non plus une simple problématique autour de la question judiciaire, mais un véritable affrontement politique et social.


Relance de l'affaire Dreyfus

La première conséquence de "J’accuse… !", c'est l'affaire Dreyfus relancée. Dreyfus avait été jugé deux fois, en 1894 et indirectement lors du procès Esterházy qui venait de se dérouler. Si bien que Jules Méline, le président du Conseil, affirme "qu'il n'y avait plus d'affaire Dreyfus".
En réponse, l'écrivain invente donc une affaire Zola, qui se substitue aux deux autres, en s'exposant aux poursuites judiciaires civiles afin d'extraire l'affaire Dreyfus des mains militaires. À partir de ce moment, l'enchaînement implacable des faits provoquera l'écroulement de l'édifice créé par les militaires, aboutissant à la révision du procès de 1894, moins d'un an après l'article écrit par le romancier.
Surprise et rassemblement du camp dreyfusard
L'émotion et la surprise autour des accusations proférées par Zola sont si fortes, qu'elles entraînent à moyen terme un sursaut de l'opinion. Très petit était le cercle des initiés sur les véritables intentions d'Émile Zola. Mathieu Dreyfus, frère du condamné, découvre le pamphlet au matin du 13 janvier. Il savait une intervention de Zola imminente mais, admiratif, "ne l'attendait pas aussi énergique, aussi forte".
Scheurer-Kestner et Clemenceau sont plus réticents, voire hostile pour ce qui concerne le vice-président du Sénat, estimant qu'il est hasardeux de se livrer au jury des Assises. Mais d'une manière générale, le camp dreyfusard, très atteint par l'acquittement du commandant Esterházy, et passé le moment de surprise, sort encouragé par l'intervention puissante de l'écrivain. Car tactiquement, Zola, aidé de Leblois, Clemenceau et de l'état-major de l'Aurore, joue un coup d'une certaine habileté.
Seulement une journée après le verdict, les anti-dreyfusards n'ont pas le temps de fêter leur victoire, que déjà les voilà à nouveau sur la défensive, Zola leur ayant repris l'initiative. Pour les Dreyfusards, la nouvelle de l'engagement résolu d'Émile Zola est inespérée, et la violence conjuguée à la justesse du propos force chacun à prendre position, pour ou contre. Le débat est donc bien relancé, prolongé par une nouvelle étape judiciaire, dans un tribunal civil cette fois, imposée aux pouvoirs publics par un écrivain-journaliste.
Stupeur et fureur anti-dreyfusarde

Dans le camp anti-dreyfusard, c'est la stupeur, mêlée de furie vindicative. Ces réactions violentes cachent mal le malaise que le coup porté par Zola ne manque pas d'installer. Les éditorialistes nationalistes et antisémites tels Judet, Rochefort ou Drumont, comprennent immédiatement l'importance de l'engagement de l'écrivain, dans sa puissance et sa détermination. Chez Drumont, dans sa Libre Parole, on note même un soupçon d'admiration pour le courage de Zola. Ce sentiment est bien vite effacé par le torrent déversé contre lui par la presse dans son immense majorité.
Du côté politique, l'hostilité est unanime, la forme de 'J’accuse… !', jugée injurieuse, l'emportant sur le fond. Le jour de la parution, la décision est prise, par le gouvernement, de ne pas réagir aux attaques. Le but est de refuser un nouveau combat juridique, d'autant plus dangereux qu'il se déroulerait aux Assises, devant un jury populaire. Mais le député catholique Albert de Mun, en interpellant le gouvernement tout au long de la journée du 13 janvier, force le ministre de la Guerre, le général Billot, puis le président du Conseil, Jules Méline, à se positionner en faveur de poursuites contre Zola. Le fait en est acquis dès la fin de la journée.
Du côté des militaires, les accusés désignés par le pamphlet d'Émile Zola, la réaction est encore plus dramatique. La panique est totale, notamment chez plusieurs acteurs de 'l'Affaire' comme Esterházy, qui cherche à s'enfuir. Cette terreur est vite calmée par les cerveaux militaires de l'Affaire, qui commencent à préparer immédiatement la riposte judiciaire s'imposant désormais à eux.

Conséquences politiques et sociales

Radicalisation politique

De l'unanimité politique dans la condamnation du "traître Dreyfus" en 1894, le monde politique se divise peu à peu à l'image de la population elle-même, à mesure des révélations. Cette scission en deux camps radicalement opposés est une conséquence de la publication du pamphlet de Zola, et du procès qui s'ensuit un mois plus tard.
La gauche républicaine dans son ensemble change d'avis, éclairée par les preuves des manipulations politiques et militaires. À l'image de Clemenceau ou Jaurès, très hostiles à Dreyfus en 1894, ils finissent par être convaincus par les plus chauds partisans du capitaine en comprenant les réalités du dossier. Ils s'engagent dès lors totalement pour la réhabilitation du capitaine Dreyfus.
Mais par cette scission, la France politique restera durablement coupée en deux camps irréductibles. René Rémond voit même dans cet évènement l'une des origines de l'affrontement droite-gauche, encore en vigueur de nos jours.
L'engagement des "intellectuels"
Un homme de lettres s'engage résolument dans un combat pour la justice, politique et sociale. Le réquisitoire journal
Le réquisitoire journalistique de Zola convainc. De nombreux intellectuels signent alors, à sa suite, une "protestation en faveur de la révision du procès, publiée elle aussi par L'Aurore dès le lendemain de "j ’accuse… !. C'est la première des nombreuses pétitions qui vont rassembler de plus en plus d'intellectuels. Parmi eux, Anatole France, Georges Courteline, Octave Mirbeau ou Claude Monet, mais aussi Charles Péguy, Aurélien Lugné-Poë, Victor Bérard, Lucien Herr, ou Alfred Jarry. Les signatures ont été recueillies par des étudiants ou de jeunes écrivains comme Marcel Proust.
Ces pétitions rassemblent aussi d'éminents scientifiques tel Émile Duclaux, directeur de l'Institut Pasteur. Les pétitions des quarante écrivains, des artistes, de l'Université, des scientifiques totalisent 1 482 signatures. Mais l'engagement de l'élite ne dépassera pas les 2 000 intellectuels, du fait des pressions et des risques importants sur les carrières. Ils formeront quand même l'ossature dreyfusarde, ceux qui par leur esprit et leur engagement vont parvenir à convaincre une partie des pouvoirs publics de la nécessité de réviser le procès d'Alfred Dreyfus.


Le quatrième pouvoir


En famille de Félix Vallotton dans Le Cri de Paris. La presse touche quasiment tous les Français, seul moyen d'information disponible.
Gagnant en puissance depuis une vingtaine d'années, la presse populaire et d'opinion franchit un nouveau cap avec "J’accuse… !", s'imposant désormais comme un contre-pouvoir à part entière. Zola, longtemps journaliste lui-même, a su employer efficacement cet outil qu'il maîtrise. Il est secondé de professionnels de la presse, comme Vaughan, qui réalisent immédiatement la forte teneur du "coup médiatique" imaginé par Zola, et lui apportent les moyens d'une diffusion massive par un fort tirage, une distribution à forte densité, un affichage publicitaire massif. Devant les défaillances successives des pouvoirs judiciaires, exécutifs et législatifs, incapables de la moindre remise en cause, c'est donc un article violent, imprimé sur un petit journal d'opinion qui relance définitivement l'affaire Dreyfus et fait aboutir à la révision du procès de 1894. Dans ces proportions c'est une première, parfaitement consciente et voulue par Émile Zola, qui parle d'un "moyen révolutionnaire pour hâter l’explosion de la vérité et de la justice".
Bien que la presse soit encore à plus de 90 % anti-dreyfusarde en 1899, "J’accuse… !" est entré au Panthéon journalistique comme l'exemple de sa puissance sur les foules et contre l'abus de pouvoir. Mais l'adhésion au geste de Zola par la population dans son ensemble est tardif, la reconnaissance de son acte n'intervenant vraiment que dans la seconde moitié du XXe siècle.
Création de la Ligue des droits de l'Homme
Ludovic Trarieux, député puis sénateur de la Gironde, est nommé Garde des sceaux peu après la dégradation du capitaine Dreyfus, le 26 janvier 1895. Rapidement, il acquiert la conviction que les formes légales n'ont pas été respectées lors des différentes étapes judiciaires qui ont mené à la condamnation de Dreyfus au bagne. Et notamment, Gabriel Hanotaux, ministre des Affaires étrangères, le met au courant de l'existence d'une pièce secrète (Ce canaille de D…, nommée ainsi car elle contient cette expression) transmise aux juges en dehors de l'accusé et de ses défenseurs. Mais il ne bouge pas, absorbé par les obligations de son ministère.
Libéré de ses obligations ministérielles à la fin du mois d'octobre 1895, il est le seul sénateur de l'hémicycle à soutenir Auguste Scheurer-Kestner lors de son interpellation du gouvernement Jules Méline à propos de Dreyfus, à l'automne 1897. Témoin crucial du procès Zola, il comprend à cette occasion qu'une organisation visant à la défense des libertés individuelles doit être mise en place en France. En cela, il s'inspire des ligues humanistes créées notamment en Grande-Bretagne dans la seconde moitié du XIXe siècle.
C'est donc à l'issue du procès d'Émile Zola qu'a lieu la première réunion jetant les bases de la future Ligue des droits de l'homme le 25 février 1898. Cette organisation voit officiellement le jour le 4 juin 1898 et réunit les principaux intellectuels dreyfusards autour de son président, Ludovic Trarieux. Trarieux restera président de la ligue jusqu'à sa mort, survenue le 13 mars 1904, soit deux années avant la réhabilitation d'Alfred Dreyfus.


Conséquences pour Émile Zola

Les conséquences de l'engagement de Zola ont été majoritairement difficiles pour l'écrivain. "J’accuse… !" a totalement relancé l'Affaire, et lui a donné une dimension sociale et politique qu'elle n'avait pas jusqu'alors. L'homme de lettres apparaît bien comme celui qui en est à l'origine pour la postérité.
Zola sort donc de ses démêlés judiciaires avec une stature du justicier pour toute une frange de la population, défenseur de valeurs de tolérance, de justice et de vérité. En témoignent les innombrables hommages qui lui sont rendus dès février 1898. On notera le Livre d'hommage des Lettres françaises à Émile Zola, gros ouvrage de 500 pages réalisé à l'initiative d'Octave Mirbeau. Une centaine de contributions individuelles le composent, écrites par pratiquement tous ceux qui comptent en littérature française et belge.
Zola reçoit de nombreux messages de soutien, mais aussi des lettres d'injures et de menaces à coloration antisémite ou xénophobe (le père de Zola était un grand ingénieur de travaux publics italien). Par ailleurs, cet engagement coûte très cher au romancier. Sur le plan financier, tout d'abord, puisqu'il est en fuite, donc dans l'impossibilité de payer ses condamnations, la justice fait saisir ses biens et les vend aux enchères.

L'injure

Avec "J’accuse… !", Zola devient la cible unique des anti-dreyfusards. La montée en puissance du mouvement dreyfusard, à partir de 1896, n'avait pas permis à ses adversaires d'identifier un leader sur qui déverser leur vindicte. La famille avait été exclue, les premiers dreyfusards (Forzinetti, Lazare) simplement méprisés. L'engagement d'Auguste Scheurer-Kestner avait concentré un feu nourri de la presse nationaliste. Mais celle-ci tendait à se retenir devant le prestige de l'homme politique, vice-président du Sénat et Alsacien ultra-patriote.

Ces assauts décidèrent tout de même Zola à intervenir dans le Figaro de manière relativement modérée. Mais l'engagement de l'écrivain avec "J’accuse… !" change complètement la situation dans le cadre de l'affaire Dreyfus. Les anti-dreyfusards trouvent immédiatement leur cible, car selon eux, Zola incarne l'image rêvée de l'adversaire. Écrivain célébré, mais sulfureux, taxé de "pornographie", stigmatisé et mis à l'index, notamment pour Lourdes qui vient de paraître, haï par une gente militaire qui ne lui a pas pardonné son roman La Débâcle, Zola représente l'apatride, le mécréant et l'antimilitariste qu'abhorre cette population choquée par " J'Accuse… !".
C'est donc un "intellectuel" qui devient du jour au lendemain la cible privilégiée des anti-dreyfusards. Insulté, traité d'"italianasse", caricaturé à outrance (des centaines d'articles et de caricatures paraissent, parfois même par journaux entiers), objet de menaces écrites et verbales, Zola subit ces foudres nationalistes et racistes, sans jamais renoncer. Le point culminant de cette persécution est atteint en 1899, au moment où la révision du procès Dreyfus étant entamée, les anti-dreyfusards se déchaînent. Elle ne cessera véritablement jamais jusqu'à la mort de l'écrivain en 1902.


La calomnie


La calomnie frappe Zola par surprise au matin du premier jour de son second procès en mai 1898. Visant François Zola, père de l'écrivain, cette attaque est lancée par Ernest Judet, rédacteur en chef du Petit Journal. Elle se traduit par une campagne de presse qui remet en cause l'honnêteté de François Zola au moment où celui-ci s'était engagé dans la Légion étrangère, vers 1830. Le père de Zola y est ouvertement accusé de détournement de fonds et d'avoir été chassé de l'armée pour ces faits. L'objectif est d'atteindre Zola au travers d'une attaque ad hominem, qui prendrait l'auteur des Rougon-Macquart au piège de ses principes d'hérédité, insinuant un "Tel père, tel fils" de principe pour expliquer sa supposée aversion de l'armée .
Zola se lance alors dans une enquête fouillée sur son père, dont il ne connaissait pas toute la vie et il démonte point à point les arguments du journaliste nationaliste de manière factuelle. Il prouve en outre que les documents, sur lesquels Judet s'appuie, sont des faux grossiers en écrivant trois articles dans L'Aurore des 23 janvier, 24 janvier et 31 janvier 1900. Les faux sont réalisés en partie par le lieutenant-colonel Henry, quelques mois avant son suicide.
Il s'ensuit un procès, duquel Zola est acquitté, ayant réussi à établir les mensonges du journaliste, et dans lequel il apparaît que l'état-major de l'armée est à l'origine de cette campagne contre Zola. Toutefois, Zola affirme qu'il n'a jamais regretté son engagement, quel qu'en ait été le prix. Il a écrit dans ses notes : "Ma lettre ouverte "J'accuse… !" est sortie comme un cri. Tout a été calculé par moi, je m'étais fait donner le texte de la loi, je savais ce que je risquais."


La condamnation


Le 9 février 1898, lors de la deuxième audience du procès, le général Mercier dépose devant Zola, attentif.
En conclusion de son article, Zola appelle de ses vœux un procès devant les Assises afin de faire éclater la vérité. Il espère substituer une affaire Zola aux affaires Dreyfus et Esterházy, sur lesquelles il est interdit de revenir, puisqu'elles ont été jugées. L'indécision est grande dans les pouvoirs publics, qui hésitent à traduire l'écrivain devant le tribunal.
La première attitude, chez les politiques et les militaires, est de laisser dire. Le risque est en effet trop important de voir étalées au grand jour les irrégularités inadmissibles du procès de 1894. Mais toute la journée du 13 janvier, Albert de Mun, député conservateur, pousse le gouvernement à adopter une position claire. Successivement dans l'après-midi, Jules Méline, président du Conseil, et le général Billot, ministre de la Guerre, se succèdent dans l'hémicycle pour annoncer les poursuites.
Le 18 janvier, la plainte contre Émile Zola est déposée, dans laquelle seuls trois passages courts de "J’accuse… !" sont retenus contre l'écrivain :
"Première colonne, première page : " Un Conseil de guerre vient, par ordre, d'oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c'est fini, la France a sur sa joue cette souillure. L'histoire écrira que c'est sous votre présidence qu'un tel crime social a pu être commis".
Sixième colonne, première page : "Ils ont rendu cette sentence inique qui à jamais pèsera sur nos Conseils de guerre, qui entachera désormais de suspicion tous leurs arrêts. Le premier Conseil de guerre a pu être inintelligent, le second est forcément criminel".
Deuxième colonne, deuxième page : "…J'accuse le second Conseil de guerre d'avoir couvert cette illégalité par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d'acquitter sciemment un coupable."
Ainsi, seules dix-huit lignes du journal sur plusieurs centaines sont retenues contre Émile Zola et Alexandre Perrenx, gérant du quotidien. Il est en effet jugé à plusieurs reprises, car, d'une part, le procès d'assises est cassé et rejugé, et, d'autre part, plusieurs procès connexes sont intentés contre l'écrivain. Le premier procès se déroule du 8 au 23 février 1898, au travers de quinze audiences. La condamnation qui s'ensuit est cassée le 2 avril 1898. Un second procès se déroule le 18 juillet 1898 qui confirme la condamnation.
Au final, les jugements successifs aboutissent d'une part à une peine d'un an de prison et 3 000 francs d'amende pour les attaques de Zola contre l'état-major (soit, avec les frais de justice, 7 555 francs), de l'autre une condamnation à un mois de prison et 1 000 francs d'amende pour sa dénonciation des trois pseudo-experts, dont chacun doit recevoir 10 000 francs de dommages et intérêts.
Pour échapper à la prison, Zola s'exile en Angleterre dès le 18 juillet, où il passe onze mois dans l'attente d'une révision du procès Dreyfus. L'arrêt de révision renvoyant Alfred Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes est rendu le 3 juin 1899. Zola peut alors rentrer en France où il publie dans L'Aurore l'article Justice dans lequel il se félicite de cette décision. Mais le procès de Rennes est éprouvant pour les dreyfusards, proches du désespoir, et Zola continuera à lutter jusqu'à sa mort pour demander la réhabilitation d'Alfred Dreyfus.


Postérité de "J’accuse… ! "


Probablement l'un des articles parus dans la presse les plus connus au monde, "J’accuse… !" incarne encore aujourd'hui une œuvre à la fois artistique et littéraire. Plus encore, l'article de Zola est l'exemple de "l 'engagement intellectuel pour une cause juste. Il est, enfin, l'exemple du coup d'éclat médiatique qui bouleverse l'ordre établi et permet la concrétisation d'une action politique.
Nombreux ont été ceux qui, devant une erreur, une injustice, une cause injuste à dénoncer, ont écrit après Zola leur "J’accuse… !". L'instrumentalisation du titre et de son effet fut du même ordre que l'usage de toutes sortes de l'affaire Dreyfus, souvent mal comprise par les récupérateurs. Pour certains, la dénonciation d'un fait social par l'usage d'un média écrit est un "J'accuse… !", et ceci dès la fin du XIXe siècle.
En 1991, le manuscrit original est racheté aux descendants de Zola 5 millions de francs avec la participation du fonds du Patrimoine du ministère de la Culture, il est désormais conservé dans un coffre-fort au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France. Cette affaire a été présentée depuis dans de nombreuses expositions.
La vérité en marche
En s’engageant ainsi publiquement, Émile Zola utilisera la médiatisation, il cristallisera les passions, et révélera la crise morale et les opinions publiques pour enfin atteindre le but qu’il s’était fixé

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De nos jours, l’affaire Dreyfus est considérée par beaucoup
comme une des plus grandes iniquités du XIX° siècle
Le capitaine Dreyfus (grand oncle de notre poète-chanteur Yves Duteil) connu l'infamie et l'injustice puis la déportation.
Tiraillée entre antisémitisme, mensonges d’État et trahisons, cette affaire, devenu un conflit social et politique, divisa en son temps les Français, opposant dreyfusards et antidreyfusards. Elle est le symbole moderne et universel de l’inégalité au nom de la raison d'État.
L'écriture :
La lettre de Emile Zola est un monument de la rhétorique pure, elle est construite avec la maîtrise du maître et revêt une puissante sur tous ces points; Elle se pare de la grandiloquence et de l'emphase en pratique à cette époque.
Le plan est efficace et suit le schéma habituel de l'écriture d'un roman, à savoir le début est consacré à une situation positive, (remerciements et propos flatteurs) qui sera suivie d'une aggravation romanesque.
Dans "j'accuse" la thèse s'appuie sur deux champs lexicaux dominants qui s'expriment par opposition des deux partie du texte;
Dans la première partie le champ lexical du mensonge domine, c'est l'accusation alors que dans la seconde partie le champ lexical de la vérité plaide l'innocence. L'emploi des métaphores, telle celle de la lumière pour la justice, renforce encore le propos.
Zola fait le choix d'un ton délibérément polémique et emploie un vocabulaire agressif et injurieux pour les personnes mises en cause : "mensongers", "frauduleux", "abominable"," crime juridique", "violé le droit", "esprits de malfaisance sociale".
Ce vocabulaire porteur de jugement de valeur est ici très efficace et atteint le but recherché.
Zola utilise également l'ironie, la moquerie pour convaincre le lecteur. Parlant des experts en écriture, il affirme qu'ils ont menti " à moins qu'un examen médical ne les déclare atteints d'une maladie de la vue ou du jugement". L' antiphrase ici traduit une dérision qui dissimule une injure aggravée.
Le style est volontiers emphatique, l'auteur appuie ses propos par l'utilisation de l'hyperbole souvent combinée avec la métaphore : "moyen révolutionnaire" pour "moyen exceptionnel","explosion de la vérité" pour "révélation de la vérité".
L'usage appuyé de l'hyperbole ajoute à la solennité de la déclaration de guerre à l'injustice : " une campagne abominable ", "protestation enflammée"," moyen révolutionnaire ".
La grandeur du propos et la noblesse du combat est rendue par des métaphores qui apportent un certain lyrisme : "la passion de la lumière", " le cri de mon âme ", "l'explosion de la vérité".
On retrouve ici, les effets de manches, le romantisme exacerbé du plaideur qui doit traduire des sentiments extrêmes, douloureux....
C'est un réquisitoire animé par la détermination d'un homme en révolte et dont la colère est porteuse d'une quête de vérité et de forts idéaux qui cherche à entraîner l'adhésion de tous.
Le ton est celui d'un tribunal populaire, Zola y emploie le lexique judiciaire : rapports, experts, mensonges, enquête ..;
La noble cause étant de dénoncer la condamnation d'un innocent, mais aussi d'obtenir l'acquittement d'un "coupable".
De plus le ton catégorique du texte est majoré par la multiplication des verbes d'actions qui expriment la détermination. Le ton d'engagement total exclut toutes faiblesses et tous doutes.
D' autre part dans " J'Accuse ...!" Zola proclame qu'il a conscience des dangers encourus, en rappelant que c'est en toute connaissance de cause qu'il transgresse la loi, Zola fais sien le combat et revendique sa liberté de conscience.
Il justifie sa révolte par la spontanéité et la force de son indignation : "Ma protestation enflammée n'est que le cri de mon âme".
Par cette phrase, Zola justifie par ces mots son droit à la désobéissance civile face à l'état, lorsque l'individu a l'intime conviction d'avoir raison contre la loi.
Il affirme le droit de s'élever contre la loi écrite. Cette position le place en position de justicier et lui donne la dimension du sacrifié qui s'oppose à la duplicité pour le bien de tous. Zola revêt l'habit du sacrifice, il met sur la table sa paix, sa notoriété, son honneur, son confort physique et moral, il prend fait et place de la victime expiatoire qui souffre en déportation.
Il rappelle la grandeur des grands principes bafoués, "la vérité", l'honneur", " la justice", il rejoint par son acte qu'il déclare conscient le panthéon des héros défenseur de la justice bafouée.
Zola ici se transforme en militant : "au nom de l'humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur".
En évoquant : raison, progrès et liberté de conscience, il rappelle les valeurs qui sont le fond commun de la civilisation française, valeurs a priori communes à tous et qui ne peuvent, selon lui, que remporter l'adhésion des lecteurs.
Après avoir habilement concédé la longueur de la lettre ouverte la fin est annoncée " Il est temps de conclure et s'ensuit la péroraison.
Dans celle-ci le ton polémique est instauré par l'anaphore "j’accuse", ce ton vigoureux qui rythme et martèle l'accusation, porte la conviction.
Ici l'effet est assuré par l emploi de l'anaphore. Les deux syllabes " J'Accuse", "enfonce le clou" et donne au texte la puissance d'un réquisitoire.
La conclusion est un acte de droit, l'écriture épouse le modèle de la rédaction judiciaire de l'avocat : argumentaire ciblé, précis, lapidaire sans fioriture fait pour faire mouche. Le lecteur sait qu'il se trouve dans le registre du jugement, ce procédé marque les esprits par sa gravité.
De surcroît par la répétition Zola utilise et manie avec science la redite, le rabâchage insistant, ce procédé bien connu de nos publicitaires actuels. Pour l'exemple, lors des dernières élections présidentielles nous avons entendu le candidat "Hollande" utiliser avec bonheur cet outil de la rhétorique : " moi président ... moi président ..." et en tirer tout le bénéfice
La division de cette partie du texte en paragraphes, donne toute sa force à l'accusation, chaque paragraphe correspondant à une cible différente. Cette construction de la conclusion en dénonciations succinctes dégage, de plus, une impression de dynamisme destiné à suggérer au lecteur l'importance du crime, l'urgence de la dénonciation ainsi que la détermination de l'auteur. Cette construction rend également la lecture du texte plus aisée et plus rapide.
La conclusion de l'article "J'Accuse" est bien la démonstration de l'éloquence oratoire mise au service d'une thèse à défendre.

et donc Zola en intervenant dans l'affaire Dreyfus, s'inscrit dans la tradition de l' engagement politique et humanitaire de l'intellectuel, pourchassant les injustices, il suit en cela, notamment Voltaire ou Victor Hugo. Ces écrivains ont su à l'occasion consacrer leur savoir-faire, leur habileté rhétorique, à combattre l'intolérance et les iniquités. Ils ont mis leur célébrité au service de la cause défendue.

A la fois narratif et argumentatif la lettre de Zola est un texte composé de 5 parties comme un discours judiciaire :
- l'exorde où il s'adresse au Président ;
- le rappel des circonstances de la condamnation de Dreyfus ;
- l'identification du traitre Esterhazy ;
- l'acquittement criminel du coupable Esterhazy ;
- la péroraison.

Par sa haute qualité de rédaction "j'accuse ...! " , article publié en première page, et doté d'un titre écrit avec une énorme police de caractère, de deux majuscules, eut un immense retentissement, il est probablement l'un des articles parus dans la presse le plus connu au monde.

"J' Accuse…! incarne encore aujourd'hui une œuvre à la fois humaine, artistique et hautement littéraire.

Lydia Maleville

A regarder :
http://youtu.be/8tJEj4hNXe4 Dumaillet 15mn

http://youtu.be/fOS15c03yFw l'affaire Dreyfus Guillemin 34mn
http://youtu.be/PytNVlpCtgE l'affaire Dreyfus II Guillemin 26 mn
http://youtu.be/yC4H6BdAVvc l'affaire Dreyfus III Guillemin 19mn

http://www.ina.fr/economie-et-societe ... 98001431/j-accuse.fr.html

A écouter :

http://youtu.be/nb5gnoVqRFA yves Duteil
http://youtu.be/P32zsBvc0n0 Yves Duteil


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Posté le : 13/01/2013 14:49
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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