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Paul Auster
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Paul Auster, écrivain américain, est né le 3 Février 1947 à Newark dans le New Jersey.

Il réside maintenant à Brooklyn.
Il né dans une famille de confession juive, ses parents sont nés aux États-Unis mais sont originaires d'Europe centrale. Une partie de son œuvre évoque la ville de New York.
Très tôt au contact des livres par l'intermédiaire de la bibliothèque d'un oncle traducteur, il commence à écrire à l'âge de 12 ans, peu avant de découvrir le baseball que l'on retrouvera dans nombre de ses romans. De 1965 à 1967, il est étudiant à l'Université Columbia (littératures française, italienne et anglaise)
Figure centrale de la scène culturelle new-yorkaise, Paul Auster commence à écrire des l'âge de 13 ans pour s'imposer vingt ans plus tard comme une référence de la littérature postmoderne. Diplômé en arts,
De 1965 à 1970, il étudie les littératures française, anglaise et italienne à Columbia University où il obtient un Master of Arts. Il publie à cette époque, des articles consacrés essentiellement au cinéma dans la Columbia Review Magazine, et commence l’écriture de poèmes et de scénarios pour films muets.
il se rend à Paris pour une période de quatre ans, dans les années 1970.
il se plonge dans la littérature européenne et gagne sa vie en traduisant Sartre, Simenon ou Mallarmé. Il rate le concours d'entrée de l'IDHEC. Il écrit des scénarios pour des films muets qui ne verront pas le jour mais qu'on retrouvera, plus tard, dans Le Livre des illusions. En connaisseur attentif de notre langue, il traduit Dupin, Breton, Jabès, Michaux et Du Bouchet. Unearth,

c’est en 1974 qu’il rentre aux états-unis et s’installe à New York où il commence sa carrière littéraire en écrivant poèmes et essais pour la New York Review of Books et la Harper’s Saturday Review
son premier recueil de poèmes paraît aux Etats-Unis en 1974, puis en France, en 1980, aux éditions Maeght.
Cette expérience aura une influence considérable sur l'oeuvre du jeune écrivain parfois qualifié de 'plus français des écrivains américains'.
En 1979, alors qu'il vient de divorcer et a tenté en vain de faire publier, sous le pseudonyme de Paul Benjamin, un roman policier (intitulé : Fausse balle), la mort de son père lui apporte un petit héritage qui le remet à flot et qui lui inspire L'Invention de la solitude. L'Art de la faim est publié en 1982, en 1985 c'est un recueil en prose, Espaces blancs, suivi bientôt de Effigies et Murales en 1987, Fragments du froid et Dans la tourmente en 1988 et Disparitions en 1993.
Marié à l'écrivain Lydia Davis, il aura un fils, le photographe Daniel Auster.
Puis séparé de sa première femme il épousera en 1981 une autre romancière, Siri Hustvedt dont il aura une fille, la chanteuse Sophie Auster.
Son premier ouvrage majeur est une autobiographie, 'L' Invention de la solitude', écrite aussitôt après la mort de son père.
Son roman, Cité de verre est le premier volume de sa Trilogie new-yorkaise, constituée de Cité de Verre (1987), Revenants (1988) et La Chambre dérobée (1988), il paraît en 1987 aux éditions Actes Sud et connaît un succès immédiat auprès de la presse et du public.
Paul Auster commence enfin à être reconnu comme un écrivain majeur.
Suivront des essais, des pièces de théâtre, des recueils de poésie et de nombreux romans, dont Léviathan qui obtient en 1993, le Prix Médicis étranger.
Devenu célèbre grâce à la fameuse 'Trilogie américaine' et au roman 'Moon Palace', l'écrivain y déploie ses thèmes de prédilection : le rapport entre fiction et réalité, la solitude, ou encore la quête d'identité.
Son œuvre, qui connaît un succès mondial, est adaptée au théâtre (Laurel et Hardy vont au paradis au théâtre de La Bastille en 2000), en bande dessinée (Cité de verre avec des illustrations de David Mazzucchelli en 1995) et au cinéma (La Musique du hasard réalisé par Philip Haas en 1991).

Passionné depuis toujours par le 7éme art, Auster écrit également des scenaris : on lui doit par exemple l'écriture du scénario de 'Smoke' qu'il réalise en 1995 ainsi que Brooklyn Boogie en collaboration avec Wayne Wang.
Paul Auster réalisera lui-même Lulu on the Bridge 1997, film qui sera mal accueilli par la critique.
L'écrivain revient donc à l'écriture avec des succès majeurs : Tombouctou (1999), Le Livre des illusions(2002), La Nuit de l'oracle(2004) et Brooklyn Follies (2005).
En 1996, ces deux films sont diffusés sur les écrans inter-nationaux. Smoke obtient le Prix du meilleur film étranger au Danemark et en Allemagne. En 1998, Paul Auster écrit et réalise Lulu on the bridge, avec Harvey Keitel, Mira Sorvino et Willem Dafoe, film sélectionné à Cannes dans la catégorie " Un certain regard ".
Puis en 2006 il réalise une adaptation de son roman "La Vie intérieure de Martin Frost"'.




Son écriture


L'oeuvre de Paul Auster fait de l'identité, de l'être, un thème central. Central parce que tout part de là. Plus que chez tout autre écrivain, Auster accorde aux éléments autobiographiques, à sa vie propre, une importance particulière. Tout lecteur qui s'intéresse un tant soit peu à l'oeuvre d'Auster doit se tenir prêt à aller gratter sous la peinture de ses fictions afin de trouver le tableau original, celui sur lequel repose toutes les autres couches : la vie réelle :
"Chaque homme est l'auteur de sa propre vie." Moon Palace"

1963 :Travaille pendant l'été dans un camp de vacances, au nord de l'Etat de New York. C'est là qu'il entre en contact avec les clochards, les sans-foyers, avec toute une frange de la population vivant en parallèle de celle dite "normale" :
"A plusieurs reprises, j'entendis des gens se moquer de moi, et une ou deux fois je remarquai des enfants qui me montraient du doigt, en disant à leur mère de regarder ce drôle de bonhomme qui mangeait des ordures." Moon Palace

1964 : Le divorce des parents et éclatement de la cellule familiale. Première preuve dans la vie de l'enfant que l'ordre est quelque chose de fragile. L'existence est loin d'être uniforme, le chaos constamment présent :
"A tout moment, quatre ou cinq dialogues distincts coexistaient, mais comme les gens ne parlaient pas nécessairement à ceux qui étaient assis à leurs côtés, ces dialogues s'entrecroisaient, provoquant des échanges abrupts de partenaires [...]." Léviathan

1970 : Premier séjour à Paris. Paul Auster habite une chambre de bonne dans le treizième arrondissement. Expérience fondatrice puisque tous ses romans seront plus ou moins imprégnés de ce thème de la chambre, de l'enfermement qui en fait n'en est pas un. Ou comment faire d'un lieu clos et exigüe un espace ouvert, voire infini.

"C'est à Paris, en 1970, qu'il a éprouvé pour la première fois les possibilités infinies d'un espace limité." L'Invention de la solitude

1976 : Pendant l'été, il est agent de recensement à New York, ce qui lui inspirera plus tard un épisode de la Chambre dérobée. Lorsque le personnage-narrateur inconnu invente des noms en faisant de fausses fiches de recensement, il reproduit ce que son créateur avait déjà fait dans la vie réelle. C'était l'une des premières fois dans sa vie d'adulte où la fictionnalisation venait investir le champ du réel. Les employeurs d'Auster n'étaient pas censés savoir que les noms qu'ils lisaient sur les fiches avaient été inventés de toutes pièces, même si une lecture attentive aurait pu leur mettre la puce à l'oreille!:
"Je ne sais combien de gens j'ai inventés, mais il devait y en avoir des centaines, voire des milliers [...]. J'avais un faible pour les familles nombreuses - six, huit, dix enfants -, et j'éprouvais une fierté particulière à forger des réseaux de parenté aussi bizarres que compliqués en utilisant toutes les combinaisons possibles [...]." La Chambre dérobée


L'Å“uvre de Paul Auster se situe dans le mouvement du post-modernisme.
Il est par excellence l'écrivain du hasard et de la contingence. Il traque au quotidien les bifurcations issues d'événements apparemment anodins. C'est ce que racontent La Musique du hasard, et surtout Léviathan dans une exceptionnelle scène centrale.
Son style en apparence très dépouillé, travaillé au fil de ses œuvres poétiques, cache une architecture narrative complexe, faite de digressions exagérées mais toujours pertinentes, d'histoires dans l'histoire et de trompe-l'œil (Le Noël d'Auggie Wren). Il décrit aussi la perte, la dépossession, le rapport à l'argent, l'errance (dans Moon Palace, le personnage principal se nomme symboliquement Marco Stanley Fogg1) Il s'interroge aussi sur l'identité, notamment dans la Trilogie new-yorkaise où l'un des personnages (qui n'est pas le narrateur) porte son nom, dans Léviathan, dont le narrateur a ses initiales (Peter Aaron) et rencontre une femme nommée Iris (anagramme du prénom de sa propre épouse Siri), ou dans La Nuit de l'oracle et Dans le scriptorium, dans lequel un personnage porte le nom de Trause (anagramme d'Auster).
Deux aspects particuliers de l'oeuvre de Paul Auster sont les thèmes de la narration et de l'opposition nature-culture, ces deux axes sont très présents dans ses romans.
Pau Auster s'explique dans son roman "l'invention de la solitude " :

"[...] mais de même qu'un pas entraîne immanquablement le pas suivant, une pensée est la conséquence inévitable de la précédente et dans le cas où une pensée en engendrerait plus d'une autre [...], il sera non seulement nécessaire de suivre la première jusqu'à sa conclusion mais aussi de revenir sur ses pas jusqu'à son point d'origine, de manière à reprendre la deuxième de bout en bout, puis la troisième, et ainsi de suite, et si on essayer de se figurer mentalement l'image de ce processus on verrait apparaître un réseau de sentiers, telle la représentation de l'appareil circulatoire humain, [...] ou telle une carte, [...] de sorte qu'en réalité, ce qu'on fait quand on marche dans une ville, c'est penser, et on pense de telle façon que nos réflexions composent un parcours, parcours qui n'est ni plus ni moins que les pas accomplis, si bien qu'à la fin on pourrait sans risque affirmer avoir voyagé et, même si l'on ne quitte pas sa chambre, il s'agit bien d'un voyage, on pourrait sans risque affirmer avoir été quelque part, même si on ne sait pas où."

Nombre des personnages austériens n'hésitent pas à arpenter la ville, les routes et même les déserts. Paul Auster a d'ailleurs fait un parallèle entre la marche et l'écriture. Selon lui, on se déplace autant en marchant qu'en promenant son stylo sur une feuille de papier.
De ses moments de solitude dans son studio de Varick Street à New York ou dans sa chambre de bonne du treizième arrondissement à Paris, Paul Auster a tiré une bonne leçon qu'il a su enseigner à ses personnages et à ses lecteurs :
"La mémoire comme un lieu, un bâtiment, une succession de colonnes, de corniches et de portiques. Le corps à l'intérieur de l'esprit, comme si là-dedans nous déambulions d'un lieu à un autre, et le bruit de nos pas tandis que nous déambulons d'un lieu à un autre." (l'Invention de la solitude)
Les romans de Paul Auster sont des chemins, des itinéraires où l'on tombe parfois sur des impasses, où l'on peut revenir sur ses pas, s'attarder quelque part avant de repartir.
Ces chemins je les ai souvent empruntés et j'en présente ici quelques-uns.

Le cinéma : "Ce fut l'une des plus belles aventures de ma vie. L'idée qu'un homme, à un certain âge, puisse commencer quelque chose de nouveau m'a fait beaucoup de bien. Le fait de sortir de ma chambre, de travailler avec d'autres, de parler aussi. C'était bon pour moi. Inspirant aussi de raconter d'une tout autre façon les histoires. Mais, en même temps, le cinéma requiert un investissement total, permanent. Il faut monter la production, trouver l'argent, s'occuper du moindre détail. J'ai adoré tourner Lulu on the Bridge mais je n'étais pas prêt à abandonner le reste de mon travail." Extrait entretien avec Catherine Argand du magazine Lire
L'ensemble de son œuvre est publiée aux éditions Actes Sud.

Ecrivain aux influences multiples, juives, européennes et bien sûr américaines, Paul Auster a su conquérir le monde entier par son oeuvre dense et profonde et sa perpétuelle remise en question des ressorts de la fiction.

En France, toute l’œuvre de Paul Auster, traduite en trente-cinq langues, est publiée chez Actes Sud. Il est membre de The Academy of Arts and Letters et a reçu le Prix du Prince des Asturies en 2006 (entre autres distinctions prestigieuses).




Analyse et réflexion sur l'écriture de Paul Auster


Après Le livre des illusions dont la toile de fond était une réflexion sur la signification de l'art, Paul Auster se penche, dans La Nuit de l'oracle, sur les vertiges et les complexités de la création romanesque. Il le fait en promenant le lecteur dans un dédale narratif qui, sans être totalement inextricable, est tout de même suffisamment alambiqué pour le tenir en haleine durant 230 pages. Pour ma part, j'ai été très vite englué comme un insecte dans sa toile, pris au jeu des interrogations que Paul Auster, en maître incontesté de la narration, nous amène à nous poser. Comme pour la lecture d'un roman policier classique parsemé d'indices, de fausses pistes, de demi-vérités et de mensonges trop crédibles pour être honnêtes, je n'ai pu faire autrement que de chercher des liens entre les personnages et les histoires, échafauder des hypothèses, tenter de déjouer les pièges, bref rester intellectuellement actif et toujours sur le qui-vive.
Paul Auster part d'une constatation simple. Tous les romanciers, tous les créateurs de personnages et d'histoires, se posent inévitablement ces questions : pourquoi ai-je choisi ce type de personnage comme héros de mon roman ? Quels sont les rapports entre ce que je vis aujourd'hui, mon histoire, mon vécu, ma personnalité intime et les personnages que j'invente ? Pourquoi ce choix plutôt qu'un autre ? Quels sont les rapports entre le réel que je vis, moi, romancier, et celui que je crée ? Et, question plus redoutable encore, dans quelle mesure le monde que je crée peut-il interférer dans ma vie et l'influencer ?
Ce questionnement est une caractéristique des romanciers contemporains souvent plus intimistes, ou dans le plus mauvais des cas, plus nombrilistes que ceux d'antan. La mode littéraire est aujourd'hui à l'introspection, au dévoilement total, à l'auto fiction dans laquelle on sort ses tripes avec allégresse. Il y a globalement dans la littérature d'aujourd'hui, moins de personnages, et lorsqu'il y en a, ils n'ont pas la même fonction démonstratrice que les personnages des romanciers du siècle dernier. De plus, la psychanalyse est passée par là, poussant l'auteur à prendre quelque distance avec ce qu'il écrit : il sait bien, au fond, qu'en écrivant, même s'il ne parle pas directement de lui, c'est tout de même lui qu'il met en scène, que ses choix de personnages ou de situations ne sont pas neutres mais au contraire le représentent, le décrivent avec plus d'exactitude que la plus parfaite des biographies.

Partant de là, Auster a imaginé, pour bâtir son histoire, une situation de départ simple et même classique, mais qui va devenir rapidement labyrinthique. Le narrateur, Sidney Orr, est un jeune écrivain New-yorkais prometteur. Vous pourriez déjà commencer à bâiller d'ennui devant la banalité de ce choix : un choix de fainéant pourriez-vous dire. Un auteur qui choisit comme personnage principal un écrivain, sait qu'il ne perdra pas ainsi un temps précieux pour se documenter. Si vous pensez ainsi, vous vous trompez lourdement ! Le choix de Paul Auster est imposé par l'idée de départ : son narrateur ne peut être qu'un romancier, et même un romancier New-Yorkais !
Sidney Orr est donc marié à une femme qu'il aime et qui l'aime, tout va bien, semble-t-il, de ce côté. Il sort de l'hôpital et d'une maladie, dont on saura peu de chose au début du roman, sinon qu'elle a failli le tuer. Très vite, poussé par une nécessité qui semble vitale, il commence à écrire une histoire, sur un carnet bleu provenant du Portugal, acheté à un papetier chinois du nom de Chang. Nick Bowen est le héros de cette histoire que Sidney commence à écrire dans le carnet bleu. Auster va donc mener en parallèle l'histoire personnelle de Sydney et celle de Nick, le héros de son roman, et va peu à peu nous montrer toute la complexité des liens qui lient ces deux histoires, et à travers cette complexité, nous dévoiler les ressorts même de l'écriture romanesque et ses implications.

Nick est un éditeur qui vit et travaille à New York, tout comme Sidney. Il reçoit de Rosa Leightman, petite fille de Sylvia Maxwell, écrivain connu et décédé depuis peu, le manuscrit d'un roman jamais publié : " la Nuit de l'oracle ". Nick frôle la mort quand un objet tombé d'un toit s'écrase à quelques centimètres de lui. Et il décide brusquement de quitter sa femme, de lâcher son travail, sans rien dire à personne, et de partir vivre une autre vie à Kansas City, où il va se retrouver - hasard des rencontres - à l'hôtel Hyatt Regency.
Quel est le rapport entre la vie de Sidney Orr et ce qui arrive à Nick Bowen ? Paul Auster nous le révèle au tout début du livre : l'ami le plus proche de Sidney Orr, John Trause, écrivain reconnu, lui a suggéré d'utiliser l'histoire de Flitcraft et d'en faire un roman. Flitcraft est un personnage tiré du roman Le faucon maltais de Dashiel Hammet (histoire dans l'histoire à l'intérieur de ce roman). A la suite d'un incident qui a failli lui coûter la vie, Flitcraft prend conscience que " le monde est régi par le hasard " et il quitte, sans rien dire à personne, son travail, sa famille, pour vivre une nouvelle vie dans une autre ville.
On voit ici à l'œuvre un des thèmes abordés par Paul Auster : le rôle de l'intertextualité dans la création romanesque. Il y a rarement une table rase dans l'écriture romanesque, la littérature est le matériau de base de la littérature, mais comment cela peut-il se passer dans la vie du romancier, d'une façon concrète ? Comment le romancier se nourrit-il de ses rencontres littéraires pour créer de nouveaux univers ? C'est un des nombreux thèmes de ce roman, qui en contient bien d'autres !
Ainsi de la part du hasard dans le choix des personnages et des évènements. Tout comme le hasard a failli coûter la vie à Flitcraft (ou lui sauver la vie selon le point de vue que l'on adopte), il intervient constamment dans les choix du romancier. Ainsi, nous dit Sidney Orr dans une note de bas de page de son carnet le choix de Kansas City comme point de chute pour Bowen était arbitraire- c'est le premier endroit qui m'était venu à l'esprit, sans doute parce que c'est une ville tellement éloignée de New York, coincée en plein centre des terres : Oz dans toute sa glorieuse étrangeté. C'est après avoir embarqué Nick à destination de Kansas City que je me suis rappelé la catastrophe du Hyatt Regency, un événement authentique qui s'était passé quatorze mois auparavant (en juillet 1981).
Dans la création d'un personnage est-ce toujours la part de hasard ou un processus mental inconscient, lié à des souvenirs lointains et déformés, à des lectures oubliées ? Sidney Orr tente de comprendre comment il a créé le personnage de Sylvia Maxwell, l'auteur du livre la Nuit de l'oracle que veut publier Nick Bowen. A-t-il inventé ce nom, ou bien est-il celui d'une romancière qu'il a lu jadis et qu'il a oubliée ? La Nuit de l'oracle est-il le titre d'un livre qui a été réellement écrit ? Tout cela est brumeux pour lui, impossible de faire la distinction entre l'imprécision de ses souvenirs et la création de son imagination. John Trause, son ami, a lu des livres d'une Sylvia Monroe, mais Sylvia Maxwell, ça ne lui dit rien. Sylvia Monroe a écrit un livre dont un des titres comporte le mot nuit, mais c'est bien mince, d'autant plus que lui-même n'a pas lu ce livre.
De même le choix par Sidney Orr du personnage de Ed Victory, chauffeur de taxi qui doit jouer un rôle déterminant dans la vie de Nick Bowen, est aussi le compromis entre le hasard et le fruit des lectures de Sidney. Celui-ci décide de faire de Ed Victory un collectionneur d'annuaires téléphoniques. Or Sidney possède un exemplaire d'un des annuaires téléphoniques des années 1937-38 de Varsovie. Comment ce simple objet peut-il intégrer le roman ? Que peut imaginer Sidney pour justifier qu'un personnage devienne un collectionneur obsessionnel d'annuaires téléphoniques ? Quels sont les mécanismes qui relient la vie et les expériences de Sidney Or à ce personnage (ainsi qu'au personnage de Bowen) ? Paul Auster nous le montre tout en créant sans avoir l'air d'y toucher, des personnages secondaires puissants et originaux, à tel point qu'on se dit que n'importe lequel d'entre eux ferait un extraordinaire héros d'un autre roman. On découvre à travers eux, au fil des pages, comment le plus petit événement de la vie, l'information qui semble la plus dérisoire, peuvent servir de matériau pour construire, créer, inventer.

Mais cette création n'est pas neutre pour l'écrivain, elle va à son tour influencer sa vie, les personnages même. C'est l'objet d'une discussion entre le narrateur et son ami John Trause.
Celui-ci lui parle d'un écrivain qu'il avait connu et qui avait décidé de ne plus écrire car il tenait un de ses poèmes pour responsable de la mort de sa fille. Nous avons parlé assez longtemps de cette histoire, John et moi, et je me souviens de la fermeté avec laquelle je condamnais la décision de l'écrivain comme une aberration, une lecture erronée du monde. Il n'existait aucun lien entre l'imagination et la réalité, disais-je, aucun rapport de cause à effet entre les mots d'un poème et les événements de nos vies. (…) A ma surprise, John était d'avis opposé. (…) Les pensées sont réelles, disait-il, Les mots sont réels. Tout ce qui est humain est réel et parfois nous en savons certaines choses avant qu'elles ne se produisent, même si nous n'en avons pas conscience. Nous vivons dans le présent, mais l'avenir est en nous à tout moment. Peut-être est-ce pour cela qu'on écrit, Sid. Pas pour rapporter des événements du passé, mais pour en provoquer dans l'avenir.
Paul Auster nous entraîne là dans un autre lieu, plus mystérieux, qui nourrit le désir d'écrire. Il l'évoque à travers l'évolution du personnage Sidney Orr : dans quelle mesure les mots jetés sur le carnet bleu vont-ils influencer sa vie, être parmi les éléments fondateurs d'un drame ? Sidney Orr finit par comprendre ce que voulait dire son ami et déchire le carnet. A certains moments, écrit Sidney Orr après avoir déchiré le carnet, pendant ces quelques jours, j'ai eu l'impression que mon corps était transparent, une membrane poreuse à travers laquelle pouvaient passer toutes les forces invisibles du monde-un réseau aérien de charges électriques transmises par les pensées et les sentiments des autres. Je soupçonne cet état d'avoir été à l'origine de la naissance de Lemuel Flagg, le héros aveugle de La Nuit de l'oracle, cet homme si sensible aux vibrations qui l'entouraient qu'il savait ce qui allait se passer avant même que n'aient eu lieu les événements eux-mêmes. Je ne savais pas, mais chacune des pensées qui me passaient par la tête me désignait cette direction.(…) Le futur était déjà en moi, et je me préparais aux désastres à venir.

Un des éléments caractéristiques de ce roman est la longueur des notes de bas de page. Certaines d'entre elles s'étalent sur trois pages du roman, et on peut se demander pourquoi Auster a utilisé cette technique plutôt que d'incorporer ces notes dans le cours du récit.
La longueur des notes heurte le lecteur en coupant le rythme de la lecture, puisqu'il faut revenir sans cesse en arrière, plusieurs pages avant. En même temps, chacune de ces notes est écrite avec un tel luxe de détails, et une telle habileté qu'on finit par souhaiter qu'elle ne s'arrête pas : elles sont aussi intéressantes, y compris d'un point de vue romanesque, que le récit initial ! Il y a chez Paul Auster le désir de jouer avec le lecteur sur l'aspect contradictoire de ces notes de bas de page : d'une part elles ancrent le lecteur dans la réalité, en donnant au récit une véracité réaliste analogue aux notes de bas de page utilisées par Jules Verne dans ses romans. D'autre part, et contradictoirement, elles tentent, par leur longueur même, de rompre avec l'illusion romanesque en amenant le même lecteur à établir une distanciation critique dans sa lecture un peu analogue à celle que pratiquait Diderot dans Jacques le fataliste .

Mais il y a bien d'autres pistes de lecture dans cet extraordinaire roman, un article n'y suffirait pas ! Je vous laisse donc le soin de les découvrir, et d'en découvrir d'autres encore ! De toute façon, vous l'avez compris, j'ai beaucoup aimé ce nouveau roman de Paul Auster, une vraie mine d'or (d'Orr), le genre de livre qu'on ne se lasse pas de relire parce qu'on est assuré d'y découvrir de nouvelles pépites !

Jacques Teissier




Le nouvel Obs interview Paul Auster


On accompagne Auster dans Manhattan, chez lui à Brooklyn et dans ses lieux fétiches, Central Park ou le Shea Stadium. Il parle de son enfance, évoque le souvenir de son père, déjà très présent dans l'Invention de la solitude (1982)."Premier souvenir, son absence. Durant les premières années de ma vie, il partait travailler très tôt, avant que je sois éveillé, et ne rentrait que longtemps après qu'on m'eût remis au lit. J'étais le fils de ma mère, je vivais dans l'orbite de celle-ci. Dès le début, semble-t-il, je cherchais mon père, je cherchais avec frénésie quelqu'un qui lui ressemblât." Il raconte ses voyages, l'influence de la ville sur son oeuvre, la marche qui lui est nécessaire "pour rendre le souvenir possible" et dont il décrit le rythme dans Moon Palace (1989) : "Marcher dans une foule signifie ne jamais aller plus vite que les autres, ne jamais traîner la jambe, ne jamais rien faire qui risque de déranger l'allure du flot humain. (...) Parler à voix haute, se gratter le corps, fixer quelqu'un droit dans les yeux : de tels écarts de conduite peuvent déclencher dans l'entourage des réactions hostiles et parfois violentes." Du base-ball à sa vie privée, Paul Auster relate les moments forts de sa vie. Pour la première fois devant une caméra, sa femme, l'écrivain Siri Hustvedt, parle de son mari, de leur rencontre, et jette sur son oeuvre un regard plein d'émotion et de justesse.

L'interview


Paul Auster - Siri Hustvedt: leur couple est un roman
C'est le couple le plus célèbre de la littérature mondiale. Mariés depuis trente ans,
Paul Auster va publier «Sunset Park» et Siri Hustvedt signe «Un été sans les hommes». Rencontre exclusive.

Paul Auster et Siri Hustvedt, le 28 avril 2011 à Paris © Bruno Coutier pour "le Nouvel Observateur"
C'est lors d'une lecture de poésie, en 1981, que Paul Auster et Siri Hustvedt se sont rencontrés. Après trente années de gloire et de beauté (ils n'ont jamais cessé de publier depuis, et ont remporté de nombreux prix), leur amour est intact. S'ils n'en font pas étalage, c'est simplement qu'ils préfèrent porter la discussion sur le terrain de la littérature, car leur union tire justement sa force de l'incessant échange intellectuel qui a fait d'eux ce qu'ils sont aujourd'hui.

Alors que « Sunset Park », le prochain roman de Paul, ne sortira qu'à la rentrée (avec toujours Brooklyn en vedette, mais aussi le cinéma, le base-ball et la littérature - l'un des héros, Miles Heller, tombe amoureux de Pilar Sanchez, une mineure qui lit, comme lui, «Gatsby le Magnifique» dans un jardin public), Siri Hustvedt publie, ces jours-ci, un roman en forme de comédie contemporaine.

Poétesse que son mari, Boris, vient d'abandonner pour une Française plus jeune qu'elle (elle l'appelle la «Pause», Boris ayant réclamé un peu de temps pour aller au bout de son amourette), Mia Fredricksen quitte New York pour cuver sa colère et retrouver sa mère, qui vit dans le Minnesota depuis la mort de son mari, en compagnie d'autres veuves alertes. Entre ces femmes vieillissantes et une poignée de jeunes adolescentes auxquelles Mia donne, le temps d'un été, un cours de poésie, le roman de Siri décrit à merveille, de manière paradoxalement ironique et chaleureuse, l'insondable bêtise masculine et l'inégalable éternel féminin.

D. J.

Le Nouvel Observateur - Siri, vous publiez un roman antimasculin...
Siri Hustvedt - Oui, une comédie féministe.

Le livre s'ouvre par une citation d'un film de Leo McCarey, «Cette sacrée vérité». C'est un hommage au cinéma hollywoodien?
Siri Hustvedt - Il y a, en tout cas, quelque chose de très visuel dans le livre. Cette manière de laisser les hommes hors champ. On parle d'eux, mais ils n'apparaissent pas.

Paul Auster - Et la façon dont ton roman se termine: «Fondu au noir». Encore le cinéma. Assez étrangement, tandis que Siri songeait à cette comédie de Leo McCarey, je m'inspirais largement, dans mon nouveau roman, «Sunset Park», des «Plus Belles Années de notre vie», le film de William Wyler. Un des plus grands films jamais réalisés à Hollywood.

Le film raconte le retour des soldats américains après la Seconde Guerre mondiale, et montre comment ils ont dû s'adapter aux temps nouveaux. Quel film extraordinaire! Je l'ai revu plusieurs fois avant d'écrire mon livre. C'est Gregg Toland qui a signé la photo, le chef opérateur de «Citizen Kane». Le roi de la profondeur de champ.


Vos romans sont imprégnés d'images et de souvenirs de cinéma. Mais feraient-ils de bons films?
Siri Hustvedt - Oh non ! Le mien, en tout cas, ferait un film catastrophique. La situation de départ est trop banale. Une femme que quitte son mari pour une plus jeune.

Paul Auster - Le problème, c'est que, sous l'influence du cinéma peut-être, les gens ont aujourd'hui tendance à croire ce qu'on leur raconte dans les romans. Nous avons, Siri et moi, un ami proche qui vit en Allemagne. Après avoir lu le livre de Siri, il nous a appelés catastrophé en nous demandant si tout allait bien entre nous. Il croyait que j'avais une liaison et que, Siri et moi, ne vivions plus ensemble!

Pourtant, on ne vous voit pas souvent dans les pages people des magazines...
Paul Auster - Peut-être, mais on dit tellement de bêtises à notre sujet. Figurez-vous qu'il y a maintenant des gens qui écrivent des livres sur notre travail. J'en ai reçu deux l'année dernière, des études universitaires que j'ai lues en diagonale. L'un des auteurs disait notamment que tous mes textes autobiographiques, «l'Invention de la solitude» ou «le Carnet rouge», étaient en réalité inventés de toutes pièces. Dire que ces livres sont des romans est une stupidité!

Siri Hustvedt - Il y a beaucoup d'incompréhension, on le voit tous les jours. Mais je dois dire que l'incompréhension concerne surtout les écrivains femmes. Il y a des gens qui ont prétendu que Paul était l'auteur de mes livres...

P. A. Comment une femme aussi jolie, pensaient-ils, était assez intelligente pour écrire ? Donc, j'étais forcément derrière tout ça. Je crois vraiment que la beauté de Siri déstabilise les gens. Même les femmes... Ils ne peuvent imaginer qu'une femme pareille puisse être aussi brillante.

Siri Hustvedt - La société donne l'impression d'avoir progressé, mais non, la misogynie règne toujours. Et c'est aussi le fait de l'histoire littéraire. Il y a eu de nombreuses femmes écrivains qui ont été purement et simplement éliminées des manuels.

Paul Auster - Tu crois à une conspiration?

Siri Hustvedt - Les milieux universitaires les ont sciemment écartées.

Paul Auster - Mais ça n'est plus vrai aujourd'hui. Il y a tous ces départements de littérature féminine...

Siri Hustvedt - Tu parles, c'est un ghetto...

Paul Auster - C'est vrai.

Siri Hustvedt - Et qui s'inscrit à ces cours? Les femmes surtout.

Comment réagissez-vous, et vous protégez-vous, chaque fois qu'on vous interroge sur votre vie de couple? Cela vous agace ou cela vous indiffère?
Paul Auster - Ce n'est pas un problème. La question qu'on m'a toujours posée le plus, c'est: «Est-ce qu'il n'est pas difficile de vivre avec un autre écrivain?» Et j'ai toujours répondu que, bien au contraire, c'était la meilleure solution. Vivre avec quelqu'un qui comprend ce que vous êtes en train de faire est, pour un écrivain, une chance extraordinaire. Entre Siri et moi, il y a un dialogue permanent. Nous nous aidons l'un l'autre...

Siri Hustvedt - J'ai rencontré Paul quand il était en train d'écrire la deuxième partie de «l'Invention de la solitude».

Paul Auster - C'était en 1981. Mois de février. Nous étions jeunes, Siri avait 26 ans...

Siri Hustvedt - Et Paul, 34... Nous avons parlé de littérature pendant des heures ce soir-là. J'écrivais de la poésie à l'époque et je terminais ma thèse. C'était il y a trente ans. Nous nous sommes mariés très simplement, pas un de ces mariages énormes, comme il en existe aujourd'hui.

Paul Auster - Il y avait dix personnes dans notre appartement. Nous n'avions pas d'argent. Je me souviens que tu étais allée dans ce magasin de vêtements discount et tu avais trouvé une robe de mariée, blanche, très belle, pour 60 dollars...

Siri Hustvedt - 69 dollars, 99 cents...

Vous donnez l'image d'un couple idéal ! Et vous semblez également très proches de votre fille, Sophie.
Paul Auster - Oui. Nous l'avons élevée à notre manière, pas du tout comme les manuels nous l'enseignaient à l'époque! Je me souviens d'un voyage que nous avons fait dans le sud de la France avec Sophie quand elle avait 1 an. Pour les repas, nous étalions une serviette en plastique par terre, sous la chaise haute. Nous lui servions son repas et elle en faisait ce qu'elle voulait. Elle en avait partout! Un de mes grands amis, le poète Jacques Dupin, que j'ai traduit quand j'étais jeune, et sa femme Christine, nous regardaient, effarés, comme si nous faisions quelque chose de révolutionnaire. Sophie adorait ça...

(Siri Hustvedt, Paul Auster et leur fille Sophie. ©Sipa)

C'était un bébé facile?
Paul Auster - Elle était très éveillée, très créative. Elle ne dormait pas beaucoup! Elle était toujours sur le pont. Nous lui avons donné beaucoup de temps.

Siri Hustvedt - Mais pour revenir à votre question, c'est vrai que nous avons été, depuis le début, toujours d'accord sur l'essentiel. Nous aimons souvent les mêmes livres. Paul n'est pas très intéressé par la neurobiologie...

Paul Auster - Et tu n'es pas non plus passionnée par le base-ball!

Siri Hustvedt - En effet, je place la neurobiologie un peu plus haut que le baseball...

Paul Auster - Mais je te parle de plaisir... En tout cas, nous sommes vraiment sur la même longueur d'onde en ce qui concerne la littérature. Nous admirons les mêmes écrivains. Les divergences sont minimes. J'admire davantage Beckett que Siri, qui le respecte beaucoup, mais disons qu'il a été plus important pour moi que pour elle.

Siri Hustvedt - Et j'ai été plus influencée par Henry James que Paul.

Paul Auster - Georges Perec est pour moi un plus grand écrivain qu'il l'est pour toi...

Siri Hustvedt - Oh non, j'adore Perec. Sûrement autant que toi.

Siri, depuis quand êtes vous passionnée par la neurobiologie?
Siri Hustvedt - J'ai commencé à lire Freud quand j'étais au lycée. Mais je me suis vraiment mise à étudier ces questions il y a une quinzaine d'années. La psychiatrie également.

Paul Auster - Siri s'est engagée totalement dans ce travail quand elle se préparait à écrire « Tout ce que j'aimais». Son roman suivant, «Elégie pour un Américain», avait un psychiatre pour narrateur. Elle a tout appris seule. Elle a même passé l'examen de psychiatrie de l'Etat de New York, avec un manuel de tests qu'elle avait acheté. Et elle a réussi. C'est très impressionnant.

Siri Hustvedt - J'ai raconté cette histoire lors d'une conférence devant des médecins de la Columbia Medical School. Et je leur ai dit: «Ca devrait peut-être vous inquiéter!»

Dans quelle mesure cet intérêt pour les sciences du cerveau influence-t-il votre écriture?


Siri Hustvedt en 1993 (© Sipa)
Siri Hustvedt - La vérité, c'est qu'il s'est produit en moi un changement à la fin de la quarantaine, après que j'ai lu tous ces livres scientifiques. Mon esprit a commencé à penser différemment. Pas mieux, mais il s'est adapté, je l'ai senti, à ce savoir scientifique. Je ressentais une plus grande flexibilité. Je pouvais évoluer d'un modèle de pensée à un autre. Tout cela m'a enrichi.

Paul Auster - Et il y a aussi la philosophie. Siri a été très influencée par Merleau-Ponty, elle l'a lu et relu sans cesse. Et Kant, Hegel, Leibniz, Spinoza. Tu lis tous ces gens-là tout le temps. Donc tu n'as pas un point de vue clinique, tu as un point de vue métaphysique sur cette question qui te préoccupe, qui est de savoir pourquoi les êtres humains deviennent ce qu'ils sont.

Siri est actuellement en train de mettre la dernière main à un recueil d'essais qu'elle a publiés depuis 2005. Il y en a 40, qui traitent de sujets aussi variés que les neurosciences, la peinture - elle a donné une conférence au Prado sur Goya, au Metropolitan Museum sur Morandi -, la mode, la culture, la politique, la littérature. Vous comprenez pourquoi vivre avec Siri est une grande aventure. Observer cet esprit en alerte permanente...

Quand Siri lit Kierkegaard jusqu'à 3 heures du matin, vous n'en avez pas assez?
Siri Hustvedt - Le fait est que Kierkegaard me rend dingue. Quand je le lis, je dois le mettre de côté assez vite, parce que, vraiment, c'est à devenir fou. Il me réveille la nuit...

Paul Auster - Kierkegaard, c'est un jeu d'esprit permanent.

Siri Hustvedt - J'adore aussi Descartes. Il est d'une telle force. Il me fait penser à une douche glacée en plein soleil, l'été. J'ai lu récemment un essai sur Descartes qui, contrairement aux écrits du philosophe, était si ennuyeux. Et je peux vous dire que je n'abandonne pas facilement. Je me bats. Je lutte. Mais c'était tellement soporifique.

Et Montaigne?
Paul Auster - C'est mon préféré. Tu l'as découvert un peu plus tard que moi...

Siri Hustvedt - Non, je l'ai aimé tout de suite.

Paul Auster - Quand même. Une des meilleures choses qui me soient arrivées dans ma vie d'étudiant est un cours sur Montaigne que j'ai suivi quand j'avais une vingtaine d'années, et qui était donné par Donald Frame, le plus grand spécialiste et traducteur de Montaigne aux Etats-Unis. Nous avons lu la vieille édition de la Pléiade dans son intégralité pendant le séminaire. Je crois que ça a été la plus grande expérience intellectuelle de mon existence. Et Montaigne est devenu pour moi une sorte d'interlocuteur intérieur. Son approche me semblait la bonne, et je n'ai pas changé d'avis.
Propos recueillis par Didier Jacob

Un été sans les hommes, par Siri Hustvedt,
roman traduit par Christine Le Boeuf,




BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages traduits en français :

Dans le scriptorium, Actes Sud nouveauté 2007

Brooklyn follies, edition originale 2005
La nuit de l'oracle, éd. Actes Sud, 2004
Histoire de ma machine à écrire, éd. Actes Sud, 2003
Hawthorne en Famille [in Vingt jours avec Julian et Petit Lapin selon Papa de Nathaniel Hawthorne], éd. Actes Sud, 2003
Constat d'accident, éd. Actes Sud, 2003
Le livre des illusions, éd. Actes Sud, 2002
Je pensais que mon père était Dieu, éd. Actes Sud, 2001
Tombouctou, éd. Actes Sud, 1999
Lulu on the bridge, éd. Actes Sud, 1998
La solitude du labyrinthe, essai et entretiens avec Gérard de Cortanze, éd. Actes Sud, 1997
Le diable par la queue. Comprend Le diable par la queue, Laurel et Hardy vont au paradis, Black-out, Cache-cache, Action base-ball et Fausse balle, éd. Actes Sud, 1996
Pourquoi écrire ?, éd. Actes Sud, 1996 (hors commerce)
Smoke, suivi du Conte de Noël d’Auggie Wren et de Brooklyn Boogie, éd. Actes Sud, 1995
Mr Vertigo, éd. Actes Sud, 1994
Léviathan, éd. Actes Sud, 1993
Le carnet rouge, éd. Actes Sud, 1993
L’art de la faim, suivi de Conversations avec Paul Auster, éd. Actes Sud, 1993
La musique du hasard, éd. Actes Sud, 1991
Trilogie new-yorkaise, éd. Actes Sud, rééd. Babel, éd. Actes Sud, 1991
Moon Palace, éd. Actes Sud, 1990
Le voyage d’Anna Blume, éd. Actes Sud, 1989
L’invention de la solitude, éd. Actes Sud, 1988
La chambre dérobée, éd. Actes Sud, 1994
Revenants, éd. Actes Sud, 1988
Cité de verre, éd. Actes Sud, 1987

Poésie
Disparitions. Comprend Rayons, Non-terre, Murales, Smoke, Disparitions, Fragments du froid et Dans la tourmente, coéditions Actes Sud/Unes, 1994
Fragments du froid, éd. Unes, 1988
Dans la tourmente, éd. Unes, 1988
Murales, éd. Unes, 1987
Effigies, éd. Unes, 1987
Espaces blancs, éd. Unes, 1985
Unearth, éd. Maeght, 1980 Jeunesse
Le Nöel d'Anggie Wren, ill. Jean Haverie, Actes sud Junior, 1990




Quelques citations de Paul Auster


Nos vies se composent d'accidents. Je suis aussi très intéressé par les accidents qui n'arrivent pas ! La chance existe... Ce millimètre, grâce auquel il va rester en vie, me fascine ; cette distance infime contribue à fabriquer une vie. Paul Auster

L'expérience d'écrire ne sert à rien. C'est une façon de vivre, la mienne, et je n'ai pas l'impression qu'elle fournisse des réponses aux grandes questions de la vie. Mais, même s'il n'est pas suivi d'effets, l'acte de poser des questions me procure une certaine vivacité, une certaine énergie. Je me prouve ainsi à moi-même que j'existe et que mon esprit n'est pas totalement paresseux, inutilisé. Comprenez-moi, je n'essaie pas de justifier ce que je fais. C'est très difficile d'expliquer pourquoi on passe toute une vie devant une table à tâcher de s'exprimer avec des mots. Paul Auster


Un mariage heureux peut supporter n'importe quelle pression extérieure, un mariage malheureux se brise. Paul Auster

Dans la mémoire, les choses n'ont pas toujours le même poids. Quelques jours peuvent compter plus que cent ans. Paul Auster

Un mensonge ne peut jamais être effacé. Même la vérité n'y suffit pas. Paul Auster Rien n'est dépourvu de sens, tout en ce monde est relié au reste. Paul Auster

C'est ce qu'on apprend de la vie en fin de compte : combien elle est étrange. Paul Auster

On ne se découvre qu'en se tournant vers ce que l'on n'est pas. Paul Auster 3 personnes aiment cette citation de Paul Auster

Une bibliothèque est un sanctuaire de la pensée pure. Paul Auster

Ici n'existe qu'en fonction de là : si nous ne regardons pas en haut, nous ne saurons jamais ce qui se trouve en bas. Paul Auster

Négliger les enfants, c'est nous détruire nous-mêmes. Nous n'existons dans le présent que dans la mesure où nous mettons notre foi dans le futur. Paul Auster

L'amour est la seule force qui peut stopper un homme dans sa chute. Paul Auster

Dès lors qu'on est parent, il y a des devoirs qu'on ne peut esquiver, des obligations qu'il faut remplir, quel qu'en soit le prix. Paul Auster

Une vie touche une autre vie, laquelle touche une troisième et très vite les enchaînements se font innombrables, impossibles à calculer. Paul Auster

Je ne peux pas dire qui je serai demain. Chaque jour est neuf et chaque jour je renais. Paul Auster 2 personnes aiment cette citation de Paul Auster

Deux personnes, par leur désir, peuvent créer une chose plus puissante que celle que chacune peut créer toute seule. Paul Auster

Rien n'est réel sauf le hasard. Paul Auster

Un mensonge ne peut jamais être effacé. Même la vérité n'y suffit pas. Paul Auster

Chacun est seul et nous n'avons donc nul recours qu'en notre prochain. Paul Auster

Les histoires n'arrivent qu'à ceux qui sont capables de les raconter. De même, les expériences ne se présentent qu'à ceux qui peuvent les vivre. Paul Auster

La clé de notre salut : c'est de devenir les maîtres des mots que nous prononçons, de forcer le langage à répondre à nos besoins. Paul Auster

Nous sommes tous victimes de quelque chose, ne fût-ce que d'être en vie. Paul Auster

La discrétion a ses mérites, mais à trop forte dose elle peut être fatale. Paul Auster

L'imagination, c'est l'art de donner vie à ce qui n'existe pas, de persuader les autres d'accepter un monde qui n'est pas vraiment là. Paul Auster

Les livres naissent de l'ignorance, et s'ils continuent à vivre après avoir été écrits, ce n'est que dans la mesure où on ne peut les comprendre. Paul Auster

Le simple fait d'errer dans le désert n'implique pas l'existence de la terre promise. Paul Auster

Le désir sexuel peut aussi être le désir de tuer. Paul Auster

Marcher dans une foule signifie ne jamais aller plus vite que les autres, ne jamais traîner la jambe, ne jamais rien faire qui risque de déranger l'allure du flot humain. Paul Auster

Dans mon statut Un livre est un objet mystérieux et une fois qu'il a pris son envol, n'importe quoi peut arriver. Paul Auster

Avoir un enfant, cela revient à appartenir à quelque chose de plus grand que soi. Paul Auster

C'est finalement tout ce qu'on veut d'un livre - être diverti. Paul Auster

Chacun n'a qu'un certain nombre de mots en lui. Paul Auster

On n'obtient ce qu'on désire qu'en ne le désirant pas. Paul Auster

Une fois qu'on a goûté au futur on ne peut pas revenir en arrière. Paul Auster

Les vrais mariages sont toujours insensés. Paul Auster

Qu'est-ce qui pousse certains auteurs à se cacher derrière un pseudonyme ; est-ce qu'un écrivain, finalement, possède une existence réelle ? Paul Auster

Les chances perdues font autant partie de la vie que les chances saisies, et une histoire ne peut s'attarder sur ce qui aurait pu avoir lieu. Paul Auster

Dans un bon roman policier rien n'est perdu, il n'y a pas de phrase ni de mot qui ne soient pas significatifs. Paul Auster

Les écrivains ne savent jamais juger leurs oeuvres. Paul Auster

Le mariage : un marais, un exercice d'auto-mystification qui dure la vie entière. Paul Auster

Le silence oblitère tout. Paul Auster


Il n'y a pas de coïncidences, l'usage de ce mot est l'apanage des ignorants. Paul Auster


Personne n'est autorisé à mourir plus d'une fois. Paul Auster


L'hostilité peut être aussi une dimension de l'amour. Paul Auster


La destruction à grande échelle est l'affaire de Dieu, les hommes n'ont pas le droit de s'en mêler. Paul Auster


Les vies n'ont pas de sens. Quelqu'un vit, puis meurt, et ce qui se passe entre les deux n'a pas de sens. Paul Auster


Tout le monde est critique littéraire, de nos jours. Si on n'aime pas un livre, on menace l'auteur. Il y a une certaine logique dans cette façon de voir. Faire payer ce salaud pour ce qu'il vous a infligé. Paul Auster


Le réel dépasse toujours ce que nous pouvons imaginer. Si débridées que nous jugions nos inventions, elles ne parviennent jamais au niveau des incessantes et imprévisibles vomissures du monde réel. Paul Auster


Il y a un monde de différence entre faire une chose et y penser. Sans cette distinction, la vie serait impossible. Paul Auster


C'est compliqué de demander pardon, c'est un geste délicat, en équilibre entre raideur orgueilleuse et contribution larmoyante et si l'on n'arrive pas à s'ouvrir à l'autre en toute honnêteté, toutes les excuses paraissent fausses et creuses. Paul Auster


Quand des paroles sortent, s'envolent en l'air, vivent un instant et meurent, c'est ce qui s'appelle parler. Paul Auster


Un livre, c'est le seul lieu au monde où deux étrangers peuvent se rencontrer de façon intime. Paul Auster


Vient un moment où un homme peut choisir la mort plutôt que la vie. Paul Auster


En général les vies semblent virer abruptement d'une chose à une autre, se bousculer, se cogner, se tortiller. Paul Auster


Quelque chose se produit et puis cette même chose continue à se produire pour toujours. Paul Auster


L'écriture est une occupation solitaire qui accapare votre vie. Dans un certain sens, un écrivain n'a pas de vie propre. Même lorsqu'il est là il n'est pas vraiment là. Paul Auster

Ecrire un roman, c'est raconter une histoire. Ce sont les gens que vous faites vivre qui donnent le ton du roman, la couleur des mots qui sortent de la plume. Paul Auster

On ne peut poser les pieds sur le sol tant qu'on n'a pas touché le ciel. Paul Auster

Il y a de l'espoir pour tout le monde, c'est ce qui fait tourner l'univers. Paul Auster

Le soleil est le passé, la terre est le présent et la lune est le futur. Paul Auster


A regarder

http://www.ina.fr/art-et-culture/litt ... opos-de-son-livre.fr.html
http://youtu.be/afu-OMdM9Nk chez pivot (INA)
http://youtu.be/VUBsgpOm430 la musique du Hasard
http://youtu.be/CqAFUXIyo1c léviathan
http://youtu.be/YzpTQVgYH-E l'invention de la solitude
http://youtu.be/18do6uW2GbU Mr Vertigo
http://youtu.be/ARpk-kw3zDI le diable par la queue.

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Posté le : 03/02/2013 13:58
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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