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André Messager
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Le 24 Février 1929 Nous quitte

André Messager



remarquable compositeur français, qui s'illustra principalement dans la musique lyrique, et dont le rôle de chef d'orchestre fut de grande importance, notamment dans la diffusion de la musique symphonique allemande ; il fut, en France, l'un des premiers wagnériens convaincus.

" Élégance, charme et grâce " : comment échapper à l’excellente formule de Widor pour résumer l’art d’André Messager, qui fut vraiment l’un des plus grands compositeurs de l’école française d’opérette classique, mais qui de plus, a joué dans l’histoire de la musique en général, en France, un rôle prépondérant, tout en modernisant l’opérette et en l’ouvrant à des courants nouveaux.
Chef d’orchestre prestigieux et directeur de théâtre éclairé, faisant preuve d’un éclectisme particulièrement fécond, il a propagé en France la musique de compositeurs importants mais ignorés, appartenant aux écoles les plus diverses, soit en les réhabilitant ou en les faisant redécouvrir, soit en contribuant puissamment à dissiper les grotesques préjugés qui s’étaient entassés contre eux.
Le compositeur de tant de " dentelles " musicales a ainsi œuvré en faveur des musiciens graves, sérieux, à la musique imposante et forte, située à première vue aux antipodes des partitions aériennes qui portent le nom de Messager.
Éclectisme, donc, modernisme aussi, mais aussi et toujours, goût parfait. Gervase Hugues, un musicologue anglais qui perdait assez vite et assez fort toute objectivité et toute équité lorsqu’il s’agissait de juger un musicien français, a écrit sur Messager une phrase stupéfiante pour son auteur, car elle allie perspicacité et enthousiasme :
" Il combinait richesse mélodique et économie de moyens avec la grâce fluide de Jules Massenet, l’élégance aristocratique de Camille Saint Saëns et la subtilité raffinée de Gabriel Fauré ".
La combinaison n’est étrange que pour les aristarques qui s’obstinent à distinguer musique légère et musique sérieuse, oubliant que l’opposé de " léger ", c’est " lourd ".
Peut-être l’art ne se mesure-t-il pas à la quantité de décibels émis, - même s’il ne les exclut pas toujours - , mais avant tout à la vérité, l’émotion, la perfection de la forme, l’expression et l’expressivité.


André Messager est né rue Montpeyroux à Montluçon dans le département de l'Allier le 30 décembre 1853.
Il manifesta son attachement au pays en revenant parfois à Montluçon et en aimant à se délasser à Bourbon‑l’Archambault où il attira son maître Saint‑Saëns, ses amis Charpentier et Massenet, et c’est, sans nul doute, dans l’évocation de la vieille maison grise natale qu’il trouva l’émotion de la Chanson de Fortunio, tandis que les fêtes champêtres de l’étang de Saulx lui dictaient la bourrée de Véronique.
Dans sa famille, aisée à l’époque de sa naissance, on ne rencontre pas de musicien.
C'est donc en dehors d’elle que se dessinera sa vocation.
Il fait ses études chez les pères maristes où lui sont données quelques leçons de piano.
Il a déjà plus de quatorze ans lorsqu'il reçoit les leçons d'un véritable professeur.
Mais les parents du jeune Messager, sont brusquement ruinés, et ne peuvent plus envisager pour leur fils de longues et coûteuses études. Ils obtiennent toutefois une bourse qui permet au jeune homme, alors âgé de 16 ans, d'entrer à l'école Niedermeyer.
A.Messager apprend son métier dans d'excellentes conditions avec Gigout puis Saint-Saëns comme professeurs.


L'univers musical de l'époque.

La destinée musicale d’André‑Charles‑Prosper Messager résulte d’une décision providentielle due à Monseigneur de Dreux‑Brézé, évêque de Moulins.
Élève de l’École des Maristes de Montluçon, son goût pour la musique avait si vivement retenu l’attention de son professeur, Albrecht, ancien élève de l’École Niedermeyer, que, lorsque sa famille fut touchée par des revers de fortune, les Pères attirèrent l’attention de Monseigneur sur cette âme musicale ; l’évêque lui ayant fait attribuer par le Garde des Sceaux, le 30 septembre 1869, une demi‑bourse pour l’École Niedermeyer, le sort en était jeté.
André Messager s’en vient donc à Paris et les portes de l’"École de Musique religieuse et classique", sise 10 bis, rue Neuve‑Fontaine‑Saint‑Georges, se ferment sur le nouvel interne, revêtu de son bel uniforme à redingote noire, boutons d’or et lyres brodées sur les revers.

Depuis quatre ans déjà, l’École était dirigée par Gustave Lefévre, beau-frère du fils du compositeur Niedermeyer qui, en 1853, avait fondé cet établissement destiné à former des organistes ; du fait de la carence du Conservatoire, endormi dans l’académisme dogmatique du directeur Auber, des professeurs, Ambroise Thomas, François Bazin et autres, l’École Niedermeyer représentait alors l’unique et valable école de musique.
L’esprit des professeurs, Eugène Gigout pour l’harmonie et le contrepoint, Adam Lausset pour le piano, Clément Loret pour l’orgue, les attentions diligentes de Saint‑Saëns, en faisaient une école donnant un enseignement complet, largement ouvert à tout ce qui est musique vraie et art authentique.
La guerre de 1870 entraîne le déplacement des vingt élèves de l’École en Suisse, au "Champ d’Asile ", près de Lausanne ; c’est là qu’arrive le voltigeur démobilisé, Gabriel Fauré ; passé du banc d’élève à la chaire professorale, il s’attache de plus en plus au jeune Messager ; une égale passion annule bientôt l’écart de huit années puis noue les liens d’une amitié que la mort seule dénouera dans plus de cinquante ans.
Après la Commune, l’Ecole regagne Paris pour s’installer passage de l’Élysée des Beaux-Arts.
Messager en sortira en 1874, pianiste virtuose, organiste, possesseur d’une science élevée de la composition, ayant gagné l’amitié de Fauré, conquis l’estime affectueuse de Saint‑Saëns, l’esprit ouvert à tout ce qui mérite attention par la perfection du métier.
Quelle était, à l’aurore de ce dernier quart du XIXe siècle, la situation de l’art musical que Messager allait découvrir en ce moment où il n’avait encore que vingt‑et‑un ans ?

Les Français ne consommaient plus guère que de la musique dramatique, se complaisant dans celle de la pire qualité, la plus fortement marquée par la mode, et ne connaissant d’esthétique autre que la recherche de l’effet.
Les opéras de Lulli, de Rameau, de Gluck, de Spontini, de Cherubini étaient totalement oubliés ; seuls plaisaient les ariettes, duos à roulades et à strettes, en un mot, les exhibitions vocales des Prima Donna ou ténors.

Les successeurs de Rossini : Bellini, Donizetti, connaissaient la seule concurrence des vaniteux, superficiels et grandiloquents auteurs des Grands Opéras : Auber, Hérold, Halévy, Jakob Liebman‑Beer, Adam, Félicien David.
Cavatines, duos, romances, barcarolles, marches ponctuées de violents coups de cymbales, inévitables ballets du 3e acte, se juxtaposaient, liés "non par des ficelles, mais par des câbles tissés de paille et de chiffons", disait Berlioz.
La direction de l’Opéra refusait de recevoir le Samson et Dalila de Saint‑Saëns. Cependant, la salle "Le Pelletier" qui disparaîtra incendiée le 29 octobre 1873, résonnait de la tendresse humaine et de la grâce des œuvres de Gounod : Faust (1859), Mireille (1864), Roméo et Juliette (1866).

La musique symphonique était non moins décadente.
Le poème symphonique conçu par Berlioz, adopté par les Romantiques, avait évolué vers la musique à programme, oscillant entre la littérature et la peinture pour dériver vers la musique de genre.

La "Société des Concerts du Conservatoire", fondée le 15 février 1828, exécutait devant un public restreint les symphonies de Beethoven associées à quelques concertos purement classi­ques.
Les "Concerts populaires de musique classique", créés et dirigés par Pasdeloup, en 1861, ne voulaient connaître eux aussi que les classiques : Haydn d’abord, Mozart, Beethoven, en­ suite, à la rigueur Mendelssohn et Brahms, et se refusaient à Schubert ou à Schumann, plus encore à Liszt ou à Berlioz.
Co­lonne, qui avait inauguré sa société le 2 mars 1873, apparaissait animé d’un esprit plus moderne, puisqu’il acceptait Saint‑Saëns, Bizet, Schubert et Guirard.

Pourtant, les musiciens savaient que leur art évoluait puissamment.
Nerval, le premier, en 1849, Théophile Gautier, Baudelaire signalaient, dans leurs écrits, qu’outre Rhin, Richard Wagner écrasait de son génie toutes les mièvreries de son époque, sa jeune gloire l’élevant déjà au rang des plus surhumains créateurs.
Les efforts de Liszt, les affirmations des rares Français ayant fait le voyage d’Allemagne, la volonté de Napoléon III, se heurtèrent en 1861 aux aristocratiques insanité et incorrection de ces messieurs du Jockey‑Club, approuvés par le critique Jouvin qui, dans le Figaro de son beau-père, de Villemessant, se déclarait "absolument incapable de prononcer et d’ écrire les titres de ces opéras" et raillait Gounod pour s’être écrié que Richard Wagner "trace son chemin comme un sillon de feu !".
Critiques, amateurs rivalisant d’ignorance volontaire et d’ineptie, couvraient de la déshonorante étiquette de "wagnérisme" toute musique dans laquelle les accords, l’harmonisation ou la modulation n’obéissaient plus aux molles inflexions de la tradition ; il en résulta que Bizet, déjà suspect, fut ouvertement accusé d’hérésie wagnérienne lorsque l’Opéra‑Comique révéla Carmen, le 3 mars 1875.
Les Niebelungen "revanchards" ou ne pardonnant pas "le Judaïsme dans la musique", étaient si bien coalisés contre Wagner qu’il faudra attendre encore sept ans pour que Lamoureux ose donner des fragments de Lohengrin à la Société des Nouveaux Concerts, qu’il fondera en 1881.

Cependant, Gouvy (1819‑1898) et Reber (1807‑1880) écrivaient des œuvres symphoniques développant logiquement les thèmes insérés dans l’architecture sereine de la musique pure, sans faire appel à la sentimentalité ou à la description ; quelques-unes de leurs œuvres symphoniques ou instrumentales, dépassant le cer­cle des gens de métier, avaient obtenu l’audience des Concerts du Conservatoire, ce qui avait incité Saint‑Saëns, Lalo, Franck, d’Indy, Chausson, Fauré à s’engager ou à persévérer dans cette direction quasiment abstraite de. la beauté formelle.
Pour que ces œuvres françaises de très haute qualité ne soient pas mortes sitôt que nées, Saint‑Saëns et Romain Bussine, professeur de chant au Conservatoire, fondèrent, le 25 février 1871, la "So­ciété Nationale de Musique" qui donna son premier concert le 17 novembre 1871 dans la première salle Pleyel, rue de Roche­chouart ; son comité, renouvelable annuellement, réunissait Alexis de Castillon, Franck, Fauré, Duparc, Larcin, Guiraud, auxquels s’ajouteront bientôt tous les musiciens modernes : d’Indy, Pierre de Bréville, Chausson, Paul Dukas, Lenepveu, Massenet, Théo­dore Dubois, Taffanel, Debussy et Messager.
Ainsi, André Messager allait pénétrer dans la carrière musicale au moment où les formes de cet art manifestaient une évolution révolutionnaire.


Début de carrière;

Il quittera donc, l'école Niedermeyer en 1874. Pour gagner sa vie, il devient organiste à Saint-Sulpice, il sera à la console d'un orgue de modeste taille mais superbe, confiée par Fauré, ainsi que la suppléance de Saint‑Saëns au grand orgue de la Madeleine.
Pendant 10 ans, il s'en tiendra à ce métier de musicien pauvre.
Cherchant de l'argent, il participera toutefois à plusieurs concours.
Ainsi, en 1875, il écrit alors ce qui sera sa première œuvre et son unique œuvre de musique pure : la Symphonie qui obtiendra la médaille d’or du concours de la Société des Auteurs et Compositeurs et que Colonne dirigera le 20 janvier 1878. La Symphonie est suivie peu après par deux cantates : "Prométhée enchaîné", qui méritera le second prix au concours de la Ville de Paris, "Don Juan et Haydée", que la ville de Saint‑Quentin primera à son concours de 1880 ; vient ensuite une ballade pour orchestre : "Loreley"
En 1877, il commence une carrière de chef d'orchestre aux Folies-Bergères, qui étaient alors fort sage, c'est l'époque de l'ordre moral.
Comme la vogue de l’opérette, de l’opéra‑bouffe, de la folie‑dramatique, de la parodie et des autres formes de musique légère, ne déclinait pas, Messager est amené par ses fonctions à composer la musique de petits divertissements dansés : "Fleur d’oranger", "Les Vins de France", "Mignons et Vilains", toutes ces œuvrettes marquées par le souci de l’écriture parfaite, de l’élégance et de la fantaisie, élevaient leur auteur fort au‑dessus des fournisseurs habituels du fond sonore de ces spectacles.

En 1880, Saint‑Saëns l’emmène à Bruxelles pour le mettre à même de se perfectionner dans la direction d’orchestre en lui confiant le pupitre des "Concerts populaires".
Il se produit pendant une courte période à l'Eden-Théâtre de Bruxelles, où il apprend la direction d'orchestre.

Mais le théâtre est un des buts le plus fructueux pour un jeune musicien, à condition d'être connu. Pour ce faire, il accepte la place de chef d'orchestre et de compositeur attitré de ballets aux Folies-Bergère.
Vers les années 1880, il se cherche, lorsque le hasard lui fait aborder le théâtre lyrique et décide ainsi de son avenir.
Son éditeur lui demande de terminer l'opérette commencée par Firmin Bernicat, jeune musicien talentueux qui vient de mourir en laissant inachevée son opérette "François-les-Bas-Bleus".
Messager s'acquitte de sa tâche en composant 13 des 25 morceaux de l'ouvrage, en en terminant quelques-uns et se chargeant de l'orchestration. "François-les-Bas-Bleus" est représenté avec succès le 8 novembre 1883.
En 1883, André Messager va épouser Edith Clouet, une lointaine cousine par alliance.
Messager connaît dès lors une existence singulièrement active. Organiste de Saint‑Paul‑Saint‑Louis en 1881, maître de chapelle de Sainte‑Marie des Batignolles entre 1882 et 1884, avec Claude Terrasse comme assistant. il a résilié ses fonctions de chef d’orchestre aux Folies‑Bergère et à l’Eden-Théâtre, pour pouvoir plus aisément achever la composition commencée par Bernicat de l’opéra-comique "François les Bas bleus" qui sera joué aux Folies‑Dramatiques le 8 novembre 1883.
Pianiste virtuose, il joue à la Société Nationale la partie de piano du Quintette de Franck puis, en 1880, donne la première audition du Trio de Chausson.
Compositeur, il ajoute à ses Valses pour piano, dédiées à Vincent d’Indy, à ses cinq Mélodies adressées à Fauré, la musique d’opérettes continuant le genre lancé et soutenu par Charles Lecoq, par Audran, par Planquette, par Louis Varney ;


Premières oeuvres

Il compose à cette époque un recueil de mélodies. Messager commence à sortir de l'incognito, les théâtres s'ouvrent devant lui.
Ses premiers succès :
les opérettes "La Fauvette du Temple" (17 novembre 1885)
et entre toutes se détache "La Béarnaise" (12 décembre 1885), chantée par Jeanne Granier, et son ballet "Les deux pigeons" représentés sur la scène de l'Opéra Le 18 octobre 1886, les spectateurs du Palais Garnier font un franc succès à ce ballet.
Son opéra-comique "Le Bourgeois de Calais" (1887)
et son opérette "Le mari de la Reine"(1889) sont des échecs.
Par contre "Isoline", conte de fée lyrique est bien accueilli.(1888).
A cette époque Messager publie une série d’œuvres pour piano.

Depuis plusieurs années déjà, Messager était reçu, au double titre de compatriote et de musicien, dans le salon de Madame Baugnies, où se fréquentaient musiciens, littérateurs et artistes.
Fauré y faisait part de son admiration pour les opéras de Wagner qu’il était allé entendre dans les villes rhénanes et regrettait de n’être pas assez argenté pour aller à Bayreuth ; Messager exprimant de son côté le même désir, l’artifice généreux d’une loterie donna aux deux amis les moyens d’aller en 1886 entendre Parsifal et Tristan ;
Messager retournera deux ans plus tard pour Parsifal et les Maîtres Chanteurs, mais ce ne sera qu’en 1896 qu’il assistera à la Tétralogie.
Fauré et Messager s’amusèrent à reprendre les motifs de la Tétralogie pour en composer une fan­taisie pour piano à quatre mains, dite Souvenirs de Bayreuth.

Bien qu’il admira aussi sincèrement que profondément l’œuvre wagnérienne, comme il le prouvera plus tard, Messager ne fut cependant pas ensorcelé et il ne céda pas un pouce de sa personnalité ; wagnérien, il ne s’enrôla pas parmi les wagnéromanes.
Il manifesta l’intégrité de sa plume en écrivant les trois actes et dix tableaux du conte de fées "Isoline", joué le 26 décembre 1888, à la Renaissance, et qui, par la subtilité de son écriture, séduisit les musiciens bien plus que le public.
Ces deux ballets, "Les Deux Pigeons" et "Isoline" suivent la tradition romantique du ballet pantomime que Léo Delibes avait renouée en 1870 avec Coppelia, mettant ainsi fin à l’obscurité de trente années durant lesquelles la musique de danse n’était plus que la pesante enjo­livure du métronome guidant les ronds de jambe ou entrechats de la Prima Ballerina ou des Petites Cardinal. La danse avait retrouvé son essence qui est de parler à l’âme par la fusion de la musique et de la beauté transcendante du déroulement du geste et de l’attitude.

En 1888 aussi, Messager conquiert une amitié qui sera durable, celle d’Albert Carré, à l’occasion de l’accompagnement musical "des Beignets du Roi", dénommés peu après"Les Premières Armes de Louis XV".

Durant l’Exposition de 1888, l’éclectique Messager fut, avec Fauré, Camille Benoît et Tiersot, l’un des fervents admirateurs de la musique russe que Rimski‑Korsakov révélait aux Concerts du Trocadéro devant un public qui n’en saisit guère le sens descriptif non plus que les nouveautés harmoniques ou rythmiques.


Début de notoriété

Tout ceci fait qu’en 1890, à trente-sept ans, Messager a pris rang parmi les musiciens notables. Il se libère de la besogne des œuvrettes pour se consacrer aux partitions importantes qui vont affirmer son talent.

Le 30 mai 1890, a lieu, à l’Opéra‑Comique, alors logé dans la salle du Théâtre Lyrique actuellement théâtre Sarah‑ Bernhardt, la première représentation de la Basoche, oeuvre d'une rare qualité, écrite sur un livret d’Albert Carré. C’est, historiquement, le dernier opéra-comique dans lequel les dialogues parlés subsistent. Aussitôt après ce succès décisif, Messager compose la musique de scène pour l’Hélène que Carré fait jouer au Vaudeville, le 15 septembre 1891 ; c’est ensuite, le 17 octobre, le ballet Scaramouche, dansé au Nouveau Théâtre.

Les années suivantes, Messager, qui a besoin d'argent, travaille souvent sur commande et ne donne pas le meilleur de sa production.
De plus, il a des ennuis sentimentaux, son couple est en perdition.
Ce n'est pas une époque très glorieuse, le succès n'est pas au rendez-vous et sa comédie lyrique "Madame Chrysanthème" et son opérette, "Miss Dollar" ne sont pas très bien accueillies.
En 1892 parallèlement à celle de compositeur, Messager entame une carrière de chef d'orchestre.


Le chef d'orchestre

L’année suivante, Messager dirige divers orchestres, rédige, sur la demande de son maître Saint‑Saëns l’orchestration du premier acte de Phryné, et revoit pour Madame Marguerite Long celle du Concerto en fa mineur de Chopin. Pendant ce temps, il compose le prologue, les quatre actes et l’épilogue de Madame Chrysanthème qui, au Théâtre Lyrique, connaîtra le succès, le 26 janvier 1893. Deux partitions d’opérettes jouées également au Théâtre Lyrique marquent l’année 1893.

1894 fut une année plus riche encore. La réputation de Messager dépassant la France, il est appelé à Londres pour y créer la Basoche tout d’abord, puis pour composer deux opérettes. "Mirette", créée au Théâtre Savoy le 3 juillet, fut écrite en collaboration avec la musicienne Miss Hope Temple, puis cette collaboration se transforma si bien qu’elle finit par un mariage, car Messager se trouvait veuf depuis déjà près de deux ans


Période brillante

La fin du XIX° et le début du XX° siècle sont considérés comme la période la plus brillante de Messager.
Messager révèle sa science de chef d’orchestre en dirigeant, en décembre 1894, dans la salle du Vaudeville, ce concert de la Société Nationale durant lequel il fit bisser la seconde audition du Prélude à "l’Après‑Midi d’un Faune" ; rappelons qu’en avril 1893, la Société Nationale avait fait entendre la Damoiselle élue, ce poème lyrique qui hérissa tous ces Messieurs de l’Institut, horrifiés à la pensée que Debussy avait écrit cela à la Villa Médicis ; c’est aussi la Société Nationale qui avait fait entendre pour la première fois le Prélude.
Passons sur les trois années suivantes, marquées par "les Fiancées en loterie" "Folies‑Dramatiques, 15 février 1896,
par l’Opéra‑Comique "le Chevalier d’Harmenthal" qui, mal reçu le 5 Mai 1896, à l'opéra comique de Paris fut en revanche un succès à Vienne, et arrivons à 1897.

Messager, chef d’orchestre de théâtre et de concert, conduit pour la première fois une œuvre wagnérienne : le 19 avril 1897, il dirige à l’Opéra de Marseille, "la Walkyrie", qu’il avait étudiée l’année précédente à Bayreuth ; ce fut un grand succès artistique et matériel, puisque la recette atteignit 3.500 francs.
Trois jours après, le 12 avril, il dirige à la Porte Saint‑Martin, "la Montagne enchantée", féerie à grand spectacle écrite avec la collaboration de Xavier Leroux ;
le pupitre des violons réunissait André Caplet, Philippe Gaubert et M. Inghelbrecht.
Six semaines après, le 25 mai, un ballet est créée à Marigny : "le Chevalier aux fleurs".
Comme compositeur, il s'associe aux librettistes Vanloo et Duval pour produire "Les p'tites Michu" qui est joué 16 novembre, a lieu aux Bouffes‑Parisiens, cette opérette, rehaussent encore la réputation de l’auteur de la Basoche.


Directeur de la musique

Et ainsi arrive 1898, année fondamentale, puisque deux évènements consacrent définitivement la valeur de Messager qui n’avait alors que quarante-quatre ans.
Le 14 janvier, il reçoit sa nomination aux fonctions de Directeur de la Musique au Théâtre national de l’Opéra‑Comique.
Le 10 décembre, Messager connaît le très grand et légitime succès avec "Véronique" qui se joue aux Bouffes‑Parisiens, créée par Mariette Sully et Jean Périer.
On ne saurait ajouter quoi que ce soit à ce que son auteur en a dit :
"Véronique" n’a pas d’histoire ; elle naquit avec la plus grande des qualités, celle de plaire au public."
Certes, "Véronique" n’avait à ce moment‑là pas d’histoire, mais maintenant, le temps impitoyable pour toutes ses sueurs dont les noms même sont oubliés, respecte, ou plutôt accentue son éternelle jeunesse ; à entendre cette musique qui parcourt toutes les émotions, de la gaieté à la mélancolie, qui déborde d’entrain, de grâce, de charme spirituel, qui ruisselle d’inventions, on perçoit de plus en plus l’inimitable marque de son auteur.

Dès sa nomination aux fonctions de Directeur de la musique de l’Opéra‑Comique, fonctions comportant la charge de chef d’orchestre partagée avec Luigini, et auxquelles il avait été appelé par son ami, Albert Carré, nommé Directeur, Messager travailla à infléchir la musique française vers des destinées nouvelles.

Malgré les difficultés consécutives à l’instabilité du théâtre qui abandonna le 30 juin le Théâtre Lyrique pour stationner durant novembre et décembre au Théâtre du Château d’Eau, et gagner enfin l’actuelle salle Favart, inaugurée le 7 décembre 1898, les deux amis se mirent à l’œuvre, commençant par élaguer le répertoire de pièces n’ayant pu résister à un vieillissement de trente ou quarante ans, puis mettant à l’étude immédiate des œuvres nouvelles associées aux reprises de grandes œuvres classiques.
Messager créa et dirigea personnellement le 10 Mai 1898 "l’Ile du Rêve", de Reynaldo Hahn, Fervaal de Vincent d’Indy, joué l’année précédente à Bruxelles, tandis que son collègue Luigini créait, le 13 juin, "la Vie de Bohême".
Messager et Luigini se partageaient la direction du spectacle inaugural officiel auquel succéda, le lendemain, 8 décembre, une remarquable représentation de "Carmen". Messager termina l’année en dirigeant, le 30 décembre, la reprise de "Fidelio", de Beethoven, chantée par Madame Rose Caron.

1899 en connaissant trois premières et deux ballets, préparait l’éclat de l’année 1900 marquée par huit créations, par la reprise d’Iphigénie en Tauride, puis, le 16 novembre, par l’entrée à l’Opéra‑Comique de la Basoche ; Messager dirigeait "Iphigénie" et "la Basoche".

Dès les débuts de leur collaboration, Messager, toujours avisé, avait présenté à Albert Carré, un jeune prix de Rome, connu par quelques œuvres symphoniques et qui, sur un épisode de sa jeunesse, écrivait alors un livret réaliste et une partition hautement lyrique ; Carré fit confiance à Louise, si bien que la préparation commencée à l’automne 1899 s’acheva le 2 février 1900 par la première de "Louise", dirigée par Messager, chantée par Mademoiselle Rioton ; le public fit à la pièce un succès enthousiaste.


Mary Garden

"Louise" fut l’occasion d’un évènement sans doute unique dans l’histoire du théâtre lyrique et dont les conséquences furent singulières.
Le 10 avril 1900, "Louise" étant pour la 23e fois à l’affiche, Mademoiselle Rioton, grippée, se trouva dans l’impossibilité de dépasser le second acte, alors que sa doublure se trouvait être, elle aussi, souffrante.
Messager, qui dirigeait, pensait déjà à interrompre la représentation quand Albert Carré fit rechercher dans la salle une petite chanteuse écossaise qu’il savait être présente et que Sybil Sanderson, la créatrice "d’Esclarmonde" en 1889, puis de "Thaïs" en 1896, lui avait fait connaître ; cette inconnue acceptant d’emblée de subir l’épreuve, fut habillée, tandis que Messager, scandalisé et hostile, remontait à son pupitre ; à la fin de l’acte, Messager, enthousiasmé, faisait saluer Mary Garden par l’orchestre debout.
Carré engagea aussitôt la cantatrice pour les représentations qu’il organisait durant l’été à Aix‑les‑Bains ;
Messager venu la retrouver dans cette ville, noua avec la future "Mélisande" des liens artistiques et sensibles, les premiers furent définitifs, les seconds cédèrent au printemps de 1904, brouillant temporairement Carré avec Messager et provoquant la résiliation par Messager de ses fonctions à l’Opéra‑Comique.
En 1901 , Mary Garden débute officiellement à l’Opéra‑Comique en la compagnie de Jean Périer, le Florestan de "Véronique", dans un petit rôle de "la Fille de Tabarin", de Gabriel Pierné (19 février) ; elle reprend ensuite, le 21 septembre, le rôle de "Manon", puis, beaucoup plus tard, celui de "Louise", puisque Mademoiselle Rioton, ayant démissionné pour se marier le 25 octobre, fut remplacée par Mademoiselle Charles.

En 1901, l’Opéra‑Comique reprit la "Mireille" de Gounod (13 mars), et "la Griselidis" de Massenet (20 novembre).
Le fait dominant le passage de Messager à l’Opéra‑Comique est d’avoir imposé plus encore que créé "Pelléas et Mélisande".
Debussy qui avait été fort impressionné par la pièce de "Maeterlinck", représentée à Paris en mai 1893, avait édifié sur ce sujet un dessein musical qui se précisa rapidement.
Georges Hartmann, le créateur de l’éphémère Concert National, l’ami agissant de Colonne, le librettiste qui, avec André Alexandre, avait écrit le poème de "Madame Chrysanthème", annonça cette nouvelle à Messager qui, d’emblée conquis, ne cessa d’encourager Debussy. Dès que l’œuvre eut acquis une forme suffisante, Messager la fit révéler par son auteur aux amis familiers du salon de Madame Baugnies, qui, devenue veuve, s’était alors remariée avec le sculpteur de Saint‑Marceaux ;
Puis, dans le courant de 1901, Messager entraîna Albert Carré, Mesdames Messager et Carré chez Debussy lui-même, rue Washington ; Albert Carré, conquis à son tour, décida sur le champ de monter la pièce.

Quatre mois de travail préparatoire, quarante répétitions d’orchestre se succédèrent dans l’enthousiasme des musiciens enthousiastes ; le trombone Potier disait à Messager :
"Nous n’avons pas grand’chose à faire aux cuivres dans cette partition-là ! mais ce que nous avons à dire est fameux ! Quand Arkel chante :
"Si j’étais Dieu, j’aurais pitié du cœur des hommes, je ne sais pas quelle impression vous éprouvez à votre pupitre, mais au nôtre, c’est rudement beau !".
Messager animait tout, travaillant la partition note par note, dirigeant les études de Mary Garden, contraignant Debussy à retrancher ou à ajouter quelques mesures çà et là.


Rivalité de Maeterlinck

Mary Garden, dont Debussy disait :
"Je n’ai absolument rien à lui apprendre. D’emblée, elle a incarné mon héroïne ",
provo­qua un vif conflit entre le musicien et le poète qui aurait désiré que le rôle de "Mélisande" fût attribué à sa femme, Georgette Le­blanc ;
Debussy et Messager prièrent Madame Maeterlinck de se faire entendre devant un jury de musiciens, elle fut unanimement récusée.
Maeterlinck, fâché, recourut, dans le courant d’avril 1902, au petit procédé de la lettre ouverte, publiée par l’inévitable Figaro ; entre autres propos, il écrivait que :
"En un mot, "le Pelléas" en question est une pièce qui m’est devenue étrangère, presque ennemie ; et, dépouillé de tout contrôle sur mon œuvre, j’en suis réduit à souhaiter que sa chute soit prompte et retentissante."
Il poussa la méchanceté jusqu’à la perfidie en faisant distribuer clandestinement, le soir de la générale, des faux programmes ridiculisant la pièce en des propos allant jusqu’à fri­ser l’obscénité.
En 1908, enfin, entendant "Pelléas" à New‑York, et complimentant Mary Garden, Maeterlinck, plus que mauvais joueur, n’hésitera plus alors à se proclamer l’auteur de la pièce !!

La générale du 29 avril fut houleuse et incertaine, mais à la première, le 30 avril 1902, le vrai public mélomane, celui des 4es Galeries, des places à vingt sous où se trouvaient Ravel, MM. Florent Schmitt, Inghelbrecht, décida du sort de la pièce qui, après quelques représentations, devint un succès. Mesdemoiselles Mary Garden, Gerville‑Réache, Jean Périer, Dufranne, Félix Vieuille, Viguié, les décorateurs Jousseaume et Ronsin, Messager et les artistes de l’orchestre venaient de révéler l’un des plus purs drames lyriques, si ce n’est le plus sublime.

Aux murmures des voix et des instruments, à cette musique qui est tout en même temps : action, pensée, décor, à cette musique qui parle sans que l’on puisse la comprendre, à ce sortilège irrésistible dans sa fluidité, s’ouvraient d’emblée les cœurs et les âmes des vrais musiciens et des vrais poètes ; ceux-là ne s’y trompèrent pas et l’écrivirent sous le coup de leur émotion.
Les autres se rangèrent à l’avis de ce durable critique de l’académique et bourgeoise Revue des Deux Mondes qui voyait dans "Pelléas", l’annonce de la décomposition de la musique ; les 4es Galeries firent taire leurs ricanements d’acéphales.
A.Messager qui, après la première, passa la baguette à Henri Busser, chef des chœurs, car il était appelé à Londres par ses obligations, Debussy, écrivit le 9 mai :
"Vous avez su éveiller la vie sonore de "Pelléas" avec une délicatesse tendre qu’il ne faut plus rechercher à retrouver, car il est bien certain que le rythme intérieur de toute musique dépend de celui qui l’évoque, comme tel mot dépend use la bouche de celui qui le prononce."
Peu après, Debussy mettait à son œuvre une double dédicace : à la mémoire de Georges Hartmann, et "en témoignage de profonde affection à André Messager".

L’impulsion donnée par Messager à la musique dramatique, montrait qu’il existait une authentique musique française et c’est pour ceux qui se fourvoyaient, qu’il écrivait sa réponse à l’enquête poursuivie en 1902 par Musica :
"La plupart des compositeurs sont désorientés, désorbités, ballottés de Wagner à Grieg, en passant par Puccini ; toujours prêts à s’embarquer pour la Scandinavie, l’Allemagne et la Russie, au lieu de rester tranquillement dans leur pays, d’essayer d’être eux-mêmes, de faire, en un mot, la musique qu’ils peuvent faire, sans s’inquiéter de formules et de théories qui ne vont ni à leur caractère, ni à leur nature... Efforçons‑nous de reconquérir les qualités que beaucoup semblent avoir perdues : la clarté, la gaieté, la grâce et la tendresse. Si nous avons déjà cela, ce sera suffisant et nous pourrons nous passer du reste"

Messager, fidèle à son éclectisme, ajoutait en 1902 au "Fidelio", à "Iphigénie en Tauride", "la Carmélite" de Reynaldo Hahn, "l’Orphée de Glück", "la Reine Fiammette" de Xavier Leroux et, en l’honneur de la visite à Paris des souverains italiens, ce fait-divers sonorisé qu’est la "Tosca" du vériste maestro Puccini, donnée le 13 octobre 1903.
En 1904, c’étaient le "Don Juan de Mozart", "le Vaisseau Fantôme", "le Roi d’Ys et la Fille de Roland" d’Henri Rabaud.

Si, par lui-même, Messager ne produisit durant cette période que le ballet pantomime "Une aventure de la Guimard", dansé le 1er octobre 1900 par le corps de ballet de l’Opéra‑Comique, c’est qu’il était surchargé par ses fonctions parisiennes et londoniennes.


Londres

Sa réputation lui avait valu d’assumer les lourdes responsabilités de directeur artistique et de directeur administratif de l’Opéra royal de Covent‑Garden, pour les saisons annuelles ayant lieu de mai à fin juillet ; il occupa ces fonctions du 13 mai 1901 au 26 juillet 1906. Ambassadeur de la musique française, il fit créer à Londres "le Roi d’ Ys" le 1er juillet 1901,
"Maguelonne de Missa" en 1903,
"Hérodiade" de Massenet en 1904.
Chef d’orchestre, il dirigea "la Princesse Osra de Brunning", chantée par Mary Garden le 14 juillet 1902, "l’Hélène de Saint‑Saëns", chantée par Melba le 20 juin 1904.
Il réalisa en 1903, une saison extrêmement brillante, en engageant les meilleurs artistes d’Europe et en confiant la direction des œuvres françaises à Flon, celle des italiennes à Mancinelli, et celle des allemandes à Lohse, tandis que Hans Richter dirigeait un concert wagnérien après douze répétitions.
Son action fut plus considérable encore en 1905 et en 1906, lorsqu’il fut libéré de l’Opéra‑Comique ; aussi, en 1905, dirigeait‑il "Carmen", "Faust", "Roméo et Juliette", "l’Orphée" de Gluck, "Don Juan", "l’Oracle" de Léonis et, en 1906, la 300e de "Faust", la première du "Jongleur de Notre‑Dame le 15 juin, "l’Armide" de Glück le 6 juil­let, ainsi que trois représentations de ses "Deux Pigeons".

Le 31 mai 1904, Messager s’était démis de ses fonctions de l’Opéra‑Comique, masquant le dissentiment suscité par Mary Garden entre lui et son directeur, sous la clause de la commission des Auteurs interdisant aux dirigeants d’un théâtre de faire jouer leurs propres œuvres ;
Il fut remplacé par le chef d’orchestre Luigini.
Par l’effet de leurs engagements, Mars Garden et Messager se retrouvaient quelques jours après à Covent‑Garden. Malgré ce différend, Messager demeurait fidèle à l’Opéra‑Comique ; "Madame Butterfly" ayant été créée par lui à Covent‑Garden le 10 juillet 1905, il signala cette pièce à son ami Carré, insistant pour qu’elle ait la priorité sur sa "Madame Chrysanthème" qui n’avait cependant pas été jouée depuis 1893 ; le mélodrame puccinien fut joué à Paris le 25 décembre 1906.
"Les Dragons de l'Impératrice" (1905), opérettes qui furent représentées avec le succès que l'on sait.
Infatigable travailleur, Messager, lorsqu’il n’eut plus le souci de l’Opéra‑Comique, ni celui de Covent‑Garden, se mit à écrire cette œuvre d’envergure qu’est "Fortunio" dont la première eut lieu à l’Opéra-Comique le 5 juin 1907, interprété par Marguerite Carré, Fernand Francell, Fugère, Jean Périer et Dufranne ;
Il fait représenter, salle Favart, "Fortunio" d'après "Le Chandelier de Musset".
Cet ouvrage est un modèle de comédie lyrique dans le goût français.
Il ne semble pas que le désenchantement de Musset, ainsi que son enjouement dissimulateur, aient jamais été rendus plus sensibles, tandis que la mélodie sublime tellement le malheureux "Fortunio" qu’il en devient comme un personnage verlainien.

On voit que de 1899 à 1904, Messager assurant les fonctions de directeur de musique à l'Opéra-Comique. Pendant 5 ans, il sera au service de la musique des autres.
En particulier, il aide les compositeurs français.
Nous devons à Messager entre autre la création à l'Opéra-Comique de "Pelléas et Mélisande" de Debussy.
Comme chef d'orchestre, on le trouve régulièrement au pupitre de l'Opéra-Comique.
Les critiques sont unanimes pour reconnaître ses qualités de chef.


Co-direction du conservatoire

A partir de 1908, Messager dirige l'orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire. De 1908 à 1914, il assure les fonctions de co-directeur de l'Opéra de Paris, avec Leimistin Broussan, ancien directeur de l’Opéra de Lyon, il prend le 1er janvier 1908 ses fonctions, pour les conserver six ans et demi, jusqu’à sa démission, le 1er septembre 1914.

Tout d’abord, les deux directeurs firent débarrasser leur théâtre de trois tonnes de poussière et de débris, puis ils ouvrirent le 27 janvier, par la 1.299e représentation de Faust, avec, au scandale des abonnés, un Méphisto qui n’était plus habillé de rouge.
Ainsi s’ouvrait cette période qui fut, sans conteste, l’une des plus brillantes et des plus glorieuses de l’Académie Nationale de Musique, puisqu’elle a comporté vingt-deux créations, l’intro­duction définitive de l’œuvre wagnérienne, la révélation de Boris Godounov, et la consécration des Ballets russes.

A la reprise de "l’Hippolyte et Aricie", de Rameau, le 13 mai 1908, succède, le 19 mai, la représentation de "Boris", présentée par Serge de Diaghilev, chantée par Chaliapine entouré des acteurs et du chef d’orchestre des Théâtres impériaux de Moscou et de Saint‑Pétersbourg.
Le 23 octobre, Messager dirige la première audition du "Crépuscule des dieux".
Cet effort de la première année ne connut aucun ralentissement ultérieur, puisque Massenet, Henri Février, Bavard, Georges Hue, Chabrier, Reynaldo Hahn, Saint‑Saëns, Ferrari, A. Gailhard, Philippe Gaubert, Gallon, d’Indy, Bachelet, se partagèrent dix-huit créations, auxquelles s’ajoute celle, en 1910, de "la Damnation de Faust", dirigée par H. Rabaud.

Messager dirigea, le 6 mai 1910, "la Salomé" de Richard Strauss, jouée trois ans auparavant au Châtelet, chantée par Mary Garden, Muratore et Dufranne ; il prit personnellement la responsabilité de "la Déjanire" de Saint‑Saëns, le 22 novembre 1911, du "Fervaal" de d’Indy, le 8 janvier 1913, Fervaal étant venu à l’Opéra‑Comique en même temps que la Gwendoline" de Chabrier et le Scemo de Bachelet le 6 mai 1914.

Vers 1908, l’œuvre de Wagner commençait à être appréciée à sa valeur exacte ; la niaiserie des idolâtres était aussi atténuée que celle des détracteurs.
Les concerts, avec Pasdeloup, Lamoureux, Chevillard, avaient facilité l’accès à cette orchestration servant un lyrisme majestueux, tandis que la conception du drame coulant dans le même creuset la symphonie, la poésie dramatique, les grands concepts philosophiques, les tourments de l’âme humaine, l’action et le décor était admise. Le permanent critique de l’incessante Revue des Deux‑Mondes avait renié ce qu’il écrivit le 15 mai 1885, alors qu’il revenait de Bruxelles où il avait assisté à la représentation des Maîtres Chanteurs :
" une pièce plus qu’insipide, une musique souvent plus qu’ennuyeuse, qui parfois intéresse par sa valeur technique et son procédé merveilleux, mais qui n’émeut presque jamais par sa beauté pure... Ainsi, les Maîtres Chanteurs ne sont pas seulement la pièce assez pauvre que nous avions cru comprendre et que nous avons racontée, une médiocre apologie de la cordonnerie, l’exégèse de la chaussure. Il paraît qu’ils symbolisent le triomphe de l’inspiration sur la formule, du génie sur la routine."
Oubliées aussi étaient les manifestations de la rue Boudreau, soulevées par "Lohengrin", donné par Lamoureux le 8 mai 1887 à l’Éden‑Théâtre et qui amenèrent le Gouvernement à interdire la seconde audition ; ces manifestants dits "patriotes" devaient se retrouver le 16 novembre 1891, place de l’Opéra, lorsque Ritt et Gailhard avaient confié à Lamoureux la création à l’Opéra de "Lohengrin", mais, cette fois, le Ministre de l’Intérieur, Constans, fit maintenir la pièce car il savait que les organisateurs ne pouvaient payer plus de trois manifestations ; effectivement, s’il y eut encore un petit tumulte lors de la quatrième, ce fut ensuite le calme.
L’oubli recouvrait de sa définitive poussière les opéras dits classiques, composés en mosaïques avec, reliés par les récitatifs, les morceaux de bravoure déclenchant les coupures prévues des applaudissements.
Grâce à Wagner aussi, et ce point n’est pas négligeable, l’œuvre lyrique se trouvait écoutée de bout en bout, accueillie avec la gravité et le respect qu’elle mérite, la musique n’étant ni luxe ni divertissement, mais nécessaire enrichissement de l’âme.

Messager, Lucienne Bréval, Van Dyck, Delmas, puis Franz conférèrent à l’œuvre wagnérienne un éclat et une précision dans le respect du texte écrit, tels que Bayreuth pâlissait auprès de l’Opéra de Paris.
Le 23 octobre l908, Messager avait dirigé, avons‑nous dit, la première du "Crépuscule des dieux" ;
Le 17 novembre 1909, il est au pupitre pour "l’Or du Rhin", ce qui complétait la Tétralogie, puisque Colonne avait dirigé "la Walkyrie" en 1893 et Taffanel, "Siegfried" en 1902.
Les artistes du chant et les instrumentistes furent bientôt tellement maîtres d’eux que Messager n’hésita pas à organiser deux cycles de représentations intégrales de la Tétralogie avec une œuvre chaque soir;
Félix Weingartner dirigea la première série, du 10 au 14 juin 1911, Nikisch la seconde, du 24 au 29 juin. Ainsi "l’Anneau des Niebelung" retrouvait son développement logique qui l’amène à sa conclusion grandiose dont Saint‑Saëns a dit :
" Du haut du dernier acte du Crépuscule des dieux, l’œuvre entière apparaît dans son immensité presque surnaturelle, comme la chaîne des Alpes vue du sommet du Mont‑Blanc."
Messager assuma personnellement jusqu’en 1913 la direction annuelle du cycle de la Tétralogie, selon un usage qui s’est perdu après lui.
"Lohengrin" ayant été dirigée par Lamoureux en 1891, "Tristan et lsolde" en 1904 par Taffanel, Messager ayant repris personnellement les Maîtres créés par Taffanel en 1897, il restait à introduire au répertoire "Parsifal" que Messager a dirigé le 4 janvier 1914. Debussy, en en saisissant la "suprême beauté", ajoute que :
"on entend là des sonorités orchestrales, uniques et imprévues, no­bles et fortes. C’est l’un des plus beaux monuments sonores que l’on ait élevé à la gloire imperturbable de la musique."


L'art lyrique Russe

L’art lyrique russe révélé en 1908 avec Boris, produisit un effet bouleversant lorsque les Ballets russes vinrent avec Serge Diaghilev au Châtelet, le 18 mai 1909.
L’année suivante, Messager leur ouvrait la scène nationale et dans ce cadre immense, le 7 mai 1910, sous la baguette de Pierné, la Karsavina, Ida Rubinstein, Nijinski, Fokine, Alexandre Benois, Léon Bakst, tournaient une nouvelle page du grand livre de l’art ouvrant cette ère révolutionnaire en esthétique qui est loin d’être close.
"Shéhérazade et "le Festin" de Rimski‑Korsakov, "les danses polovtsiennes du "Prince Igor" de Borodine, précédèrent "Giselle", rénovée si bien que le 18 juin, on s’apercevait que le règne de la danseuse étoile avait pris fin, tout comme celui du ténor, puisque la danse suggère tout ce que la poésie est impuissante à exprimer et que l’élévation du danseur est lyrique autant que l’arabesque de la danseuse.
Ce ne fut pas tout, car le 25 juin, l’affiche portait avec "Carnaval", monté par Fokine sur une musique de Schumann, et un divertissement, la première de "l’Oiseau de feu", de M. Igor Stravinski.

Annuellement revenus à Paris, les Ballets russes ne reparurent à l’Opéra que les 14, 21 et 26 mai 1914, pour y redonner "Shéhérazade", "les Papillons" de Schumann, "Petrouchka" et "Le Rossigno" de Stravinski, et créer "la Légende de Joseph", dirigée par son auteur, Richard Strauss, ainsi que "le Coq d’Or" de Rimski ; l’orchestre était alors dirigé par M. Pierre Monteux.

Évidemment, Messager saisit tout le sens de cette révolution. Aussi, pour que le corps de ballet de l’Opéra, stagnant dans le respect de pas académiques ou d’ensembles fort peu expressifs, en fasse son profit, il écrivit avec le concours de Paul Vidal, chef d’orchestre à l’Opéra et professeur au Conservatoire, la partition de Suite de Danses sur des thèmes de Chopin.
Cette Suite pour laquelle Yvan Clustine composa une chorégraphie de style ro­mantique, figure au répertoire depuis quarante ans, conservant toute sa fraîcheur car sa composition obéit parfaitement aux exigences de la danse.

Lorsque le mandat de Messager et Broussan vint à expiration, ou, plus exactement, lorsqu’ils devancèrent de quelques mois, en septembre 1914, la date de transmission à M. Rouché, ils laissaient évidemment un résultat financier décevant, mais leur œuvre était considérable car, tout en ne cédant que peu aux exigences des commanditaires, ils avaient donné à l’Académie nationale de Musique une réputation qui demeure et un éclat que l’évidence montre non encore égalée.


Double gestion

Aux charges nouvelles de la double gestion, administrative et artistique, de l’Opéra, Messager ajouta, en 1908, le surcroît de la direction de cinq concerts donnés par l’Association des Concerts Lamoureux, remplaçant momentanément Chevillard.
Le 9 février, il monte au pupitre pour diriger, entre autres, la Symphonie de Franck; un succès était escompté, l’attente fut dépassée.
Voici ce qu’en a dit le critique perspicace qu’était Stoullig :
"Pour tous, ce fut un plaisir, après quelques séances moins aimables, de voir un musicien de chez nous, venir sans réclame ni gestes désordonnés, diriger en perfection quelques pages bien choisies, et bien comprises."
Les séances moins aimables étaient celles qui venaient d’être confiées à un chef allemand. Messager dirigea avec un égal succès le concert du 16 février ainsi que celui du 15 mars, dans lequel il avait associé au Concerto pour orgue et orchestre de Händel, le Prélude à l’Après‑Midi d’un Faune ; enfin, il donnait, les 5 et 12 avril, deux auditions de la Damnation de Faust.
Ces concerts augmentant le prestige du chef d’orchestre wagnérien, valurent à Messager de connaître le plus grand honneur qui puisse échoir à un chef d’orchestre.

Le 12 octobre 1908, mourait subitement Georges-Eugène Marty, ancien chef de chant à l’Opéra, chef d’orchestre de l’Opéra-Comique, et, depuis juin 1901, chef d’orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire ;
Le 25 octobre, l’assemblée générale de l’Association, présidée par Gabriel Fauré, directeur du Conservatoire, par 85 voix et 3 bulletins blancs, élisait Messager vice-président et chef d’orchestre bien qu’il n’eût pas fait acte de candidature.
Messager, qui avait posé sa candidature le 14 mai 1901 , à l’occasion de la démission définitive de Taffanel, recueillait donc l’héritage de Habeneck, c’est‑à‑dire la direction d’une société vieilli alors de quatre-vingt ans dont l’histoire est une succession ininterrompue de témoignages de foi en la grandeur de la musique, toujours vivante, comme un immense fleuve changeant sans cesse d’aspect selon son cours, roulant des flots impétueux aux remous terrifiants aussi bien que s’infléchissant en délicates irisations.

Le 15 novembre, Messager montait au pupitre de cette prestigieuse association, dressant sa svelte silhouette entre ces deux mondes silencieux, les auditeurs et les exécutants, entre ces deux assemblées d’âmes, les unes ressentant l’inexprimable, les autres exprimant ce qu’aucune voix ne peut faire ressentir.
Assuré de l’adhésion de chacun de ces maîtres qui sert la sublime émotion en insufflant toute sa sensibilité à l’inerte bois ou cuivre, orgueilleux, à juste titre, d’être la pensée coordonnant quatre­-vingts intelligences, il consacra son premier concert à la mémoire de son prédécesseur, avec le programme suivant : ouverture de "Balthasar" de Marty, Shylock de Fauré, fragments de "l’Alceste" de Gluck, la Symphonie avec chœur de Beethoven, le Concerto en ut mineur de Mozart, interprété par Saint-Saëns.
Le public ratifia par son enthousiasme le suffrage des musiciens.

Messager conservant son permanent souci de ne donner que des exécutions impeccables couronnant de minutieuses mises au point, réalisa ce qu’il avait annoncé dans sa lettre du 11 juin 1901:
"Je sais très bien que les Concerts du Conservatoire ne peuvent pas être un champ d’expériences pour des tentatives nouvelles et que la musique contemporaine n’y doit avoir accès qu’au­ tant qu’elle est l’œuvre de musiciens dont la haute situation et la réputation s’imposent au choix du Comité. Mon désir serait surtout, en m’efforçant d’assurer une exécution parfaite aux œuvres jouées couramment, de faire revivre une quantité considérable d’œuvres de maîtres classiques qui paraissent presque abandonnés. "
C’est pourquoi les Symphonies de Mo­zart, les Saisons et la Création de Haydn, les œuvres de Bach et de Haëndel qu’il énumérait dès alors, auxquelles il adjoignit celles de Schumann, Berlioz, Liszt, Wagner, constituèrent les so­lides assises du répertoire, tandis que la pérennité de la musique et la vitalité de l’École française étaient démontrées par les ou­vrages de Balakirev, de Moussorgski, de Rimsky‑Korsakoff, de Verdi, de Richard Strauss d’une part, de Chabrier, de Debussy, de Fauré, de Franck, de Chausson, de Guy Ropartz, de de Cas­tillon, de Paul Dukas, de Gabriel Pierné, de Rabaud, de Busser, de Lalo, de Florent Schmitt, d’autre part.


1914 Première guerre

Il fallut la déclaration de la Grande Guerre, en août 1914, pour que cessât l’activité des associations symphoniques.
Avec les musiciens titulaires non mobilisés, avec des exécutants étrangers aux associations, H. Rabaud, H. Busser, Alfred Cortot et Messager dirigèrent, tant à la Sorbonne qu’au Trocadéro, les "Matinées Nationales" qui débutèrent en décembre 1914 pour persister jusqu’en 1917.
Les programmes ne devaient comporter que des œuvres d’auteurs français, exception faite pour Beethoven, auquel la censure avait découvert une nationalité belge !

C’est lors du concert du 8 décembre 1914 que Messager fit donner la première audition du "Poème de Chausson".
Durant les derniers mois de 1916, Messager regroupa l’Association des Concerts du Conservatoire, si bien qu’il put donner une série de dix concerts entre 1917 et 1918, concerts d’ailleurs entravés par les bombardements de Paris ; c’est au cours de l’un d’eux qu’il apporta la révélation du prélude de la "Pénélope" de Fauré.

En mars et avril 1917, l’orchestre effectuait avec son chef une tournée à Genève, Lausanne, Neuchâtel, Berne, Bâle et Zurich ; il se produisit dans cette dernière ville le lendemain d’une séance donnée par un ensemble allemand dirigé par Weingartner, et Messager avait mis au programme la même Symphonie de Beethoven ; après ce concert, la Neue Zürcher Zeitung déclarait :
"Le public a prouvé qu’il avait su apprécier l’interprétation française, car, à la fin de la soirée, le succès se changea en un triomphe tel que Zurich n’en avait jamais vu... Ce concert a montré à ceux qui aiment aller au fond des choses ce que représente la culture française."

L’activité créatrice de Messager ne connaissant pas de cesse, la chronologie oblige à rappeler que sa légende lyrique Béatrice fut créée sous sa propre direction à l’Opéra‑Comique le 22 novembre 1917 et qu’après cette œuvre aux résonances graves, son opérette "Monsieur Beaucaire" fut créée au londonien Princes Theatre dans les premiers mois de 1918 ; "Monsieur Beaucaire" viendra à Paris, au Théâtre Marigny, en 1925.

Le succès emporté lors de la tournée en Suisse décida le Ministre de l’Instruction Publique à confier à Messager et à son association une nouvelle tournée aux Etats-Unis.
Après un débat en fin août avec le Gouverneur militaire de Paris, qui se refusait à prêter à l’Association l’indispensable concours de six solistes de la Garde Républicaine, Messager, M. Alfred Cortot, soliste, et les musiciens de l’Association s’embarquèrent le 2 octobre 1918 à Brest sur le transport américain Louisville ; en octobre, novembre et décembre 1918, l’Association se fit entendre dans quarante-sept villes, de New-York à San Francisco et Los Angeles, donnant fréquemment deux concerts dans la même localité.
Retrouvant, le 17 janvier 1919, le sol national à Bordeaux, ils avaient pleinement rempli leur mission, qui était d’avoir appris aux Américains stupéfaits que la musique est chose française et non pas spécialité germanique.


Démission du conservatoire

Messager assuma quelque temps encore la direction de l’orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, puis il donna sa démission le 13 mai 1919, transmettant à Philippe Gaubert cette baguette qu’il avait si fermement tenue durant près de onze ans.

Messager qui, en 1919, comptait soixante-cinq ans, allait retrouver ses anciennes fonctions de Directeur de la Musique à l’Opéra‑Comique, où l’attendait son vieil ami Albert Carré, redevenu Directeur depuis novembre 1918, en association avec les frères Isola.

L’inlassable enthousiasme des deux amis se manifesta aussitôt.
Après la reprise des "Noces de Figaro", le 5 mars 1919, Messager dirige celles de "Pelléas" le 11 mai 1919, de "la Basoche" le 21 décembre 1919, de "la Rôtisserie de la Reine Pédauque" le 21 mai 1920.
Simultanément, il surveille la préparation de "la Pénélope" de son vieil ami Fauré, non entendue depuis 1913, et, lorsque Ruhlmann la dirige, le 20 janvier 1919, Messager voit s’accomplir enfin son dessein qui, depuis 1910, était de servir cette œuvre grandiose.

L’après-midi du 14 juillet 1919, il est au pupitre, dirigeant devant Clémenceau les hymnes alliés, le Clairon de Déroulède, chanté par Emma Calvé, la Marseillaise, chantée par Marthe Chenal entourée des survivants en uniformes des 206 mobilisés de la Maison.
Toujours en 1919, à Birmingham d’abord, à Londres ensuite, pour assister enfin à la création d'une nouvelle opérette de Messager : "Monsieur Beaucaire", dont le théâtre Marigny accueillera la version française en 1925 avec l’incontournable André Baugé.

Le 23 juin 1920, il prend encore la baguette pour diriger la reprise de "Cosi fan tutte" dans la version authentique reconstituée par Chantavoine et Paul Vidal.

Tout cela ne l’empêche pas de diriger aux Concerts Lamoureux, le 8 décembre 1919, la première audition de la Fantaisie pour piano et orchestre de Debussy.


Dernières années

Enfin, momentanément vaincu par la fatigue consécutive à une grave intervention chirurgicale, Messager est contraint de s’arrêter et il donne sa démission de l’Opéra‑Comique le 29 novembre 1920.

Aussitôt qu’il fut rétabli, Messager retrouve toute sa verve de compositeur et celle-ci est tellement extraordinaire que la seule chronologie des huit dernières années de son existence est stupéfiante.
Malgré ses soucis de santé, et son âge, il n'a pas perdu ses capacités de créateur.
Il va mettre définitivement au point la comédie musicale à la française et lui donner des titres de noblesse.
Cet orchestrateur raffiné va réduire son orchestre aux dimensions des autres opérettes des années folles.
En effet, les conditions économiques ont changé et le public s'est " démocratisé ", le nombre de personnages se réduit, le chœur est ramené à des proportions étiques.
Quant au livret lui-même, son action se situe de façon quasi exclusive dans un milieu citadin, et même parisien contemporain, même si "Passionnément" et "Coups de roulis" qui suivent font la part belle à la mer et aux navires.
Il compose, avec Gabriel Fauré, "la Messe des pêcheurs de Villerville" ainsi que Souvenirs de Bayreuth sur des thèmes de Richard Wagner.
L'opérette "La Petite Fonctionnaire" (1921), alerte et simple, mais d’une écriture recherchée, ouvre la marche.

En 1923, son élection à la présidence de la Société des Auteurs et Compositeurs, présidence qu’il assuma avec une très grande conscience. C’est également sa première, et difficile, collaboration avec Sacha Guitry et Yvonne Printemps, aboutissant à "l’Amour masqué" le 13 février 1923.

Au début de 1924, il prouve sa compréhension des nouvelles formes musicales en mettant sans hésiter sa notoriété au service de tout jeunes compositeurs réputés révolutionnaires.
En janvier, Serge de Diaghilev avait créé à Monte‑Carlo trois ballets dont il avait commandé les partitions à M. Francis Poulenc pour "les Biches", à M. Georges Auric pour "les Fâcheux", et à M. Darius Milhaud pour "le Train bleu" ; ces trois partitions ayant été fort mal dirigées, Diaghilev eut l’inspiration de prier Messager d’assurer la direction de l’orchestre, lors du passage parisien des Ballets russes, du 15 au 20 juin ; demande et acceptation furent échangées par le télégraphe.

L’année suivante, Messager honore la mémoire de Chabrier, son ami depuis longtemps disparu, en dirigeant dans le cadre des fêtes de l’Exposition des Arts décoratifs, deux

représentations du "Roi malgré lui".
1926 est marquée par "Passionnément", créée à la Michodière le 15 janvier, puis par l’élection à l’Institut, où Messager succède à Paladilhe dans le fauteuil de Gossec ; Messager, qui aurait dû être élu alors qu’il œuvrait à l’Opéra et aux Concerts du Conservatoire, le fut cette fois bien que ses futurs confrères aient été vivement offusqués par l’exemple détestable qu’il avait donné en dirigeant en 1924 les ballets de ces trois hérétiques non officiels qu’étaient MM. F Poulenc, G. Auric et Darius Milhaud.
Tandis que Passionnément connaît le succès, Messager travaille une seconde fois avec Sacha Guitry pour "Deburau", qui sera créé le 9 octobre.
Rappelons qu’il fallut l’insistance de Messager, jointe à celle de M. Boschot, et l’intervention de la presse, pour que le Ministre de l’Instruction Publique et des Beaux‑Arts d’alors, qui ignorait jusqu’au nom du génial enchanteur, ordonnât la participation de l’État aux obsèques qui eurent lieu le 8 novembre.

La liberté de mœurs des années folles se retrouve, elle aussi, dans les intrigues bien plus libres et plus libertines que celle de l’opérette française classique.
Bien sûr, c’est toujours le Messager d’antan et l’on retrouve dans "Passionnément" des échos du passé : l’influence de Gabriel Fauré et d'Emmanuel Chabrier, notamment.
Mais par ailleurs, il ne se laisse pas envahir par les rythmes nord-américains comme ses contemporains.
L’invention mélodique n’est plus aussi uniformément riche qu’avant, mais a gardé cette suprême élégance, cette distinction si typique pour Messager et, si elle n’est plus aussi touffue, elle est encore en maints endroits inattendue et ne recourt jamais aux poncifs.
Dans le domaine de l'Opérette son apport fut considérable en ce qu'il sut lui rendre ses lettres de noblesse à une époque où elle était en plein déclin. Ouvrant la voie à Reynaldo Hahn ou Louis Beydts, il sut trouver de nouvelles formules qui font de lui aujourd'hui, le véritable père spirituel de la comédie musicale contemporaine.

Le 7 septembre 1927, Messager vécut une soirée singulièrement émouvante.
Ce soir‑là, il dirigeait à l’Opéra‑Comique la représentation marquant le vingt‑cinquième anniversaire de "Pelléas", et il avait devant lui deux des créateurs : Mary Garden et Félix Vieuille.
S’il fut satisfait de restituer la perfection originale, il put, sans nul doute, refouler difficilement l’émotion née du souvenir des heures passionnées et enthousiastes du passé, ainsi que l’évocation des disparus : Debussy, Fauré et tant d’autres, présences abolies mais ombres combien vivantes.
Ce jour‑même, il fut promu commandeur de la Légion d’honneur.

C’est maintenant l' antépénultième année : 1928.
Messager revient pour la dernière fois à sa table de travail pour collaborer avec Albert Carré, comme quarante ans auparavant ; il termine "Coups de roulis", surveille les répétitions et assiste à la première, le 28 septembre.


Décés


Puis la maladie l’affaiblit en respectant toute l’acuité de son intelligence ;
Il s’éteint le 24 février 1929, au début donc de la soixante‑seizième année.
De son domicile, 103, rue Jouffroy, partit le cortège funèbre qui, après le service à Saint‑François-de‑Sales, le conduisit dans le cimetière de Passy.


Son opérette posthume "Sacha" sera terminée par Marc Berthomieu et créée à Monte-Carlo en 1933.

LLa suite ICI --> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=2127#forumpost2127

Posté le : 24/02/2013 14:54

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Edité par Loriane sur 27-02-2013 22:31:09
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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