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Charles de Foucauld 1
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Le 1 Décembre 1916 dans le Sahara Algérien, meurt Charles Eugène de Foucauld de Pontbriand,

né le 15 septembre 1858 à Strasbourg (France), est un officier de l'armée française devenu explorateur et géographe, puis religieux catholique, ermite et linguiste. Il a été béatifié le 13 novembre 2005 par le pape Benoît XVI.
Orphelin à l'âge de six ans, Charles de Foucauld fait carrière dans l'armée, intégrant Saint-Cyr et menant une vie dissolue. À vingt-trois ans, il décide de démissionner de l'armée afin d'explorer le Maroc en se faisant passer pour un Juif. La qualité de ses travaux lui vaut la médaille d'or de la Société de géographie, et une grande renommée à la suite de la publication de son livre Reconnaissance au Maroc (1888).
De retour en France et après diverses rencontres, il retrouve la foi et devient religieux chez les Trappistes le 16 janvier 1890. Puis il part pour la Syrie, toujours chez les Trappistes. Sa quête d'un idéal encore plus radical de pauvreté, d'abnégation et de pénitence le pousse à quitter la trappe afin de devenir ermite en 1901. Il vit alors en Palestine, écrivant ses méditations qui seront le cœur de sa spiritualité, comprenant la Prière d'abandon.

Ordonné prêtre à Viviers1, il décide de s'installer dans le Sahara algérien, à Béni-Abbès. Il ambitionne de fonder une nouvelle congrégation, mais personne ne le rejoint. Il vit avec les Berbères adoptant une nouvelle approche apostolique, prêchant non pas par les sermons, mais par son exemple. Afin de mieux connaître les Touaregs, il étudie pendant plus de douze ans leur culture, publiant sous un pseudonyme le premier dictionnaire touareg-français. Les travaux de Charles de Foucauld sont une référence pour la connaissance de la culture touarègue.
Le 1er décembre 1916, Charles de Foucauld est assassiné à la porte de son ermitage. Il est très vite considéré comme un saint et fait l'objet d'une véritable vénération, appuyée par le succès de la biographie de René Bazin (1921) qui devient un best-seller. De nouvelles congrégations religieuses, familles spirituelles et un renouveau de l'érémitisme s'inspirent des écrits et de la vie de Charles de Foucauld.
Son procès en béatification commence dès 1927. Interrompu durant la guerre d'Algérie, il reprend ultérieurement et Charles de Foucauld est déclaré vénérable le 24 avril 2001 par Jean-Paul II, puis bienheureux le 13 novembre 2005 par Benoît XVI.

Enfance

La famille de Charles de Foucauld est originaire du Périgord et appartient à la vieille noblesse française ; leur devise est : « Jamais arrière ». Plusieurs de ses ancêtres ont participé aux Croisades, source d'un grand prestige dans l'aristocratie française. Son arrière-grand-oncle, Monseigneur Jean Marie du Lau d'Allemans, ainsi qu'un autre de ses ancêtres, Armand de Foucauld de Pontbriant, meurent lors de la Révolution. Sa mère, Élisabeth de Morlet, est issue de l'aristocratie lorraine, alors que son grand-père, républicain, a fait fortune pendant la Révolution. Elisabeth de Morlet épouse en 1855 le vicomte Édouard de Foucauld de Ponbriant, inspecteur des forêts. De leur union naît le 17 juillet 1857 un enfant, nommé Charles, qui meurt à l'âge d'un mois.
Leur deuxième fils, qu'ils appellent Charles Eugène, naît à Strasbourg le 15 septembre 1858, dans la maison familiale située à l'ancien emplacement de l'hôtel particulier du maire Dietrich, où fut chantée pour la première fois La Marseillaise en 1792. L'enfant est baptisé en l'église Saint-Pierre-le-Jeune (actuellement église protestante, les deux cultes s'y côtoyaient jusqu'en 1898) le 4 novembre de la même année.
Quelques mois après sa naissance, son père est muté à Wissembourg. En 1861, Charles est âgé de trois ans quand sa sœur Marie-Inès-Rodolphine naît. Sa mère Élisabeth, profondément catholique, l'éduque dans la foi chrétienne, favorisant les nombreux actes de dévotion et de piété. Elle meurt d'une fausse couche le 13 mars 1864, suivie de son époux, atteint de neurasthénie, le 9 août. Orphelins, Charles (âgé de six ans) et sa sœur Marie sont confiés à leur grand-mère paternelle, la vicomtesse Clothilde de Foucauld, qui meurt d'une crise cardiaque. Les enfants sont recueillis par leurs grands-parents maternels, le colonel Beaudet de Morlet et sa femme, qui vivent à Strasbourg.
Le colonel Beaudet de Morlet, ancien polytechnicien, officier du Génie, éduque avec beaucoup d'affection ses petits-enfants. Charles écrira de lui : « Mon grand-père dont j'admirais la belle intelligence, dont la tendresse infinie entoura mon enfance et ma jeunesse d'une atmosphère d'amour dont je sens toujours avec émotion la chaleur ». Charles suit ses études à l'école épiscopale de Saint-Arbogast, où il obtient de bons résultats scolaires. Il entre en 1868 en sixième au lycée de Strasbourg. De tempérament introverti et colérique, il est souvent malade et poursuit ses études grâce à des cours particuliers.

Lors de l'été 1868, il part chez sa tante, Inès Moitessier, qui se sent responsable de son neveu. Sa fille Marie Moitessier (future Marie de Bondy) devient l'amie de Charles, de huit ans son cadet. C'est une fervente pratiquante, qui entretient une relation très proche avec Charles, ayant parfois un rôle maternel auprès de lui.
En 1870, la famille de Morlet fuit la guerre entre la France et la Prusse et se réfugie à Berne. À la suite de la défaite, la famille s'installe à Nancy en octobre 1870. Charles entre alors en troisième au lycée laïc. Il a pour professeur Jules Duvaux et se lie d'amitié avec Gabriel Tourdes. Les deux jeunes gens se passionnent pour des lectures classiques, et Gabriel restera pour Charles l'un des « deux incomparables amis » de sa vie. Son éducation dans un lycée laïc développe chez lui un sentiment patriotique, accompagné d'une méfiance envers l'Allemagne. Il fait sa première communion le 28 avril 1872 et est confirmé par Mgr Joseph-Alfred Foulon à Nancy.
En octobre 1873, alors qu'il est en classe de rhétorique, il commence à s'éloigner de la foi, avant de devenir agnostique. Il affirme plus tard : « Les philosophes sont tous en désaccord. Je demeurai douze ans sans nier et sans rien croire, désespérant de la vérité, ne croyant même pas en Dieu. Aucune preuve ne me paraissait évidente »2. Cette perte de la foi se double d'un mal-être : Charles se trouve alors « tout égoïsme, toute impiété, tout désir de mal, j'étais comme affolé ».
Le 11 avril 1874, sa cousine Marie épouse Olivier de Bondy. Quelques mois plus tard, le 12 août 1874, Charles obtient son baccalauréat avec mention bien.

Une jeunesse dissipée

Charles est envoyé à Versailles, à l'école Sainte-Geneviève, tenue par les Jésuites, afin de préparer le concours d'entrée à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr. Charles s'oppose à la sévérité de l'internat et décide d'abandonner toute pratique religieuse. Il obtient son deuxième baccalauréat en août 1875. Il mène alors une vie dissipée et est exclu du lycée pour « paresse et indiscipline » en mars 1876. Il rentre alors à Nancy, où il suit les cours d'un précepteur, tout en parcourant secrètement des lectures légères. Il veut dans ses lectures avec Gabriel Tourdes « jouir d'une façon complète de ce qui est agréable au corps et à l'esprit ». Cette boulimie de lecture amène les deux compères à se plonger dans les œuvres de l'Arioste, de Voltaire, Érasme, Rabelais et Laurence Sterne.
En juin 1876, il intègre Saint-Cyr, où il est admis à la 82e place sur 412. Il est l'un des plus jeunes de sa promotion. Son grand-père l'émancipe ; il devient majeur à dix-huit ans, et peut alors jouir d'un important héritage.
Il mène une vie dissolue en compagnie de ses camarades de la promotion Plewna, dont fait également partie Philippe Pétain. Des examens médicaux révèlent chez lui une obésité précoce. Poursuivant ses études malgré son peu d'assiduité au travail, Charles se confie régulièrement à son ami Gabriel Tourdes, auquel il décrit son ennui profond à Saint-Cyr, et évoque avec nostalgie sa vie auprès de son grand-père. La santé de ce dernier se détériore, et il meurt le 3 février 1878. Charles, déjà mélancolique, confie alors à Gabriel Tourdes sa douleur : « On m'enlève du même coup ma famille, mon chez moi, ma tranquillité, et cette insouciance qui était si douce. Et tout cela je ne le retrouverai plus jamais ». Malgré son attitude, que beaucoup considèrent comme déplorable — il est souvent puni pour des petits actes d'indiscipline — Charles de Foucauld est reçu, de façon médiocre, au terme des deux années de préparation, à l'école de cavalerie de Saumur. Il décrit à Gabriel Tourdes son ennui et sa vision de Saint-Cyr : « Tu me demandes si, en quittant Saint-Cyr, je ne sais s'il faut rire ou pleurer: Foutre! Oui! Je le sais: il faut rire, et terriblement, et furieusement, c'est effroyable: tu ne figures pas quel enfer est Saint-Cyr ».
À Saumur, il mène une vie dissolue, profitant à dix-neuf ans de l'important patrimoine dont il a hérité. Celui-ci s'élève à plus de 353 500 francs. Il s'emploie à les dépenser lors de soirées agitées en compagnie de son compagnon de chambrée, le marquis de Morès, noceur impénitent. Surnommé le « lettré fêtard », il profite alors de sa fortune pour faire venir des prostituées de Paris qui défilent dans sa chambre, et qu'il traite avec peu de respect. Cette attitude libertine se double d'une indiscipline volontaire et répétée. Il est puni de nombreuses fois pour désobéissance, quittant l'école sans autorisation, étant en retard, ne se levant pas le matin… Il a plus de dix-neuf jours d'arrêt simple et quarante jours d'arrêt de rigueur. Aux examens de sortie, Charles est classé 87e sur 87.
Nommé en octobre 1879 à Sézanne dans la Marne, il ne s'y plaît pas et demande à être muté. Charles est alors affecté en 1880 au 4e hussard (qui deviendra le 4e Chasseurs d'Afrique) à Pont-à-Mousson. C'est alors la période la plus dissolue de sa vie. Il donne des fêtes qui tournent à l'orgie. Il dépense son argent dans l'achat de livres, de cigares et en soirées. Il vit en concubinage avec Marie Cardinal, une actrice qui travaille à Paris, s'affiche avec elle, et est puni pour s'être « commis en public avec une femme de mauvaise vie ». Sa tante, inquiète de ses frasques, lui écrit et le fait placer une première fois sous conseil judiciaire afin d'éviter qu'il ne dilapide sa fortune. Il écrit au sujet de cette période : « J'étais moins un homme qu'un porc ».
Il est envoyé à Sétif, en Algérie française, avec son régiment, et emmène sa concubine alors que son colonel le lui a interdit. Condamné à trente jours d'arrêt, puis à la prison, pour sa conduite qui fait scandale, il est mis temporairement hors-cadre de l'armée pour « indiscipline » en février 1881. Il a vingt-trois ans.
Il se retire à Évian et y vit avec Marie Cardinal. Mais apprenant que son régiment se bat en Tunisie, il demande sa réintégration — qui lui est accordée quelques mois plus tard — au 4e Chasseurs d'Afrique, acceptant de rompre avec sa concubine. Il affirmera ressentir alors « l'inquiétude vague d'une conscience mauvaise qui, tout endormie qu'elle est, n'est pas tout à fait morte ».
Charles de Foucauld rejoint ses camarades qui combattent la tribu des Kroumirs dans le Sud-Oranais, après l'insurrection dirigée par le marabout Bou-Amama. Au cours de cette campagne, il rencontre François-Henry Laperrine, qui devient son ami et a sans doute une influence morale sur lui. À la fin des combats, au bout de six mois de lutte, il part en garnison, fin 1881, à Mascara, en Algérie. Cette campagne a marqué un tournant dans la vie de Charles de Foucauld : non seulement il a fait preuve d'un bon comportement militaire, mais s'est aussi révélé être un bon chef, soucieux de ses hommes. Cette période correspond aussi à la fin de sa vie de débauche.
Il mûrit un projet de voyage en Orient : « J'aime bien mieux profiter de ma jeunesse en voyageant ; de cette façon, au moins, je m'instruirai et je ne perdrai pas mon temps ». Il demande un congé qui lui est refusé. Il démissionne alors de l'armée. Sa famille renforce son contrôle judiciaire, car il a déjà dilapidé plus d'un quart de son héritage

Explorateur au Maroc

Charles de Foucauld s'installe à Alger dès mai 1882 et y prépare son voyage. La rencontre avec Oscar Mac Carthy, géographe et conservateur de la bibliothèque d'Alger, confirme le projet : ce sera le Maroc, pays encore très mal connu. Il étudie pendant une année l'arabe et l'Islam, ainsi que l'hébreu. Suivant les conseils de Mac Carthy, il rencontre le rabbin Mardochée Aby Serour qui lui propose de devenir son guide et lui dit de se faire passer pour un Juif afin de mieux passer inaperçu dans ce pays alors interdit aux chrétiens et peuplé en majorité de tribus échappant au contrôle direct du sultan.
Le voyage commence le 10 juin 1883 en compagnie du rabbin Mardochée Aby Serour. Charles de Foucauld se fait alors appeler rabbin Joseph Aleman, disant être né en Moldavie, avoir été chassé de son pays par les Russes, et cherchant à visiter la communauté juive du Maroc. Il emporte avec lui tous les instruments de travail nécessaires à son expédition : sextant, boussoles, baromètres, thermomètres, cartes et papiers qu'il dissimule sur sa mule.
Il vit comme un pauvre, suivant son guide, et faisant le sabbat. Encore en Algérie, il croise à Tlemcen, le 13 juin, des officiers français qui ne le reconnaissent pas. L'un d'eux ricane en voyant Charles et dit « Regardez ce juif accroupi en train de croquer des olives. Il a l'air d'un singe ». Charles et Aby Serour arrivent au Maroc et bénéficient de l'hospitalité de familles juives. Charles monte sur la terrasse pour faire ses mesures pendant qu'Aby Serour fait le guet, détournant l'attention des éventuels curieux. Devant l'impossibilité de traverser le Rif sauvage, ils prennent la route de Fès. Charles décide d'explorer l'Est avant d'aller plus au sud. Devant les craintes d'Aby Serour, Charles engage, pour assurer leur sécurité, des cavaliers et négocie dans les différents villages la protection de caïds. Ils atteignent Meknès le 23 août, puis partent vers le sud malgré les vives réticences d'Aby Serour. Pendant les trajets, Charles note, sur un minuscule cahier dissimulé dans sa manche, ses remarques et des croquis, en s'abritant des regards de ses accompagnateurs. Le soir commence un long travail pour recopier sur un cahier de plus grande taille les différentes annotations prises pendant la journée. L'expédition atteint le Haut Atlas, le col de Tizi n'Telouet ; Charles est le premier européen à explorer cette partie du Maroc.

Charles est touché par la beauté des paysages, mais aussi par la piété musulmane. Il écrit dans ses notes de voyages : « Une nuit du destin, après le vingt-septième jour du ramadan. Alors, les démons sortent de la terre, ce qui justifie la nuit de prière pour se soustraire à leurs tentations. On comprend, dans le recueillement de nuits semblables, cette croyance des Arabes à une nuit mystérieuse, leïla el Kedr, dans laquelle le ciel s'entrouvre, les anges descendent sur la terre, les eaux de la mer deviennent douces et tout ce qu'il y a d'inanimé dans la nature s'incline pour adorer son Créateur ».
Il explore le Maroc jusqu'à Tissint située entre Tata et Foum Zguid avant de faire demi-tour devant les dangers et le manque d'argent. Abandonnant son compagnon de route, avec qui il a souvent des relations animées, il part à Mogador afin de demander de l'argent à sa famille. Il y reste plusieurs semaines, travaillant à rédiger son carnet de voyage. Une fois l'argent reçu, il rejoint Aby Serour. Ensemble, ils remontent le Haut Atlas, accompagnés par trois arabes censés les protéger mais qui les dépouillent, en leur laissant la vie sauve et sans dérober les instruments et carnets de Charles. Charles et Aby Serour se réfugient auprès de la communauté juive et regagnent l'Algérie après près de onze mois de voyage, au lieu des cinq prévus initialement.
Ce voyage au cœur du Maroc de juin 1883 à mai 1884, et la masse considérable de renseignements rapportés, notamment géographiques et ethnologiques, valent à Charles de Foucauld la médaille d'or de la Société de géographie de Paris le 9 janvier 1885. À la Sorbonne, il reçoit les palmes académiques pour son travail. De retour en France, il retrouve les siens, et notamment sa tante paternelle Inès Moitessier, mais la vie parisienne l'ennuie.
L'avant-dernier jour de l'année 1884, sa sœur Marie épouse Raymond de Blic, neveu d'Alexis de Tocqueville. Ils seront entre autres les parents de l'amiral Charles de Blic 1887-1965 qui aura pour parrain Charles de Foucauld.
Il repart pour Alger, où Mac Carthy lui présente un spécialiste de géographie, le commandant Titre. Charles rencontre ainsi la fille du commandant, Marie-Marguerite, avec qui il envisage de se marier. Sa famille s'oppose à ce mariage et après plusieurs mois de réflexion, il choisit de façon définitive le célibat. Il décide alors de repartir dans le Sahara, où il mène une seconde expédition, s'embarquant le 14 septembre 1885 pour Alger. Il découvre une partie du Sahara et dessine de nombreux croquis de cette expédition. Il rentre en France en février 1886.

La conversion

De février à octobre 1886, il loue une chambre à Paris près du domicile de sa cousine Marie de Bondy. Son attitude change et il se met à lire tant le Coran qu'« Élévation sur les mystères » de Bossuet, livre offert par Marie de Bondy. Il ne retrouve plus le plaisir d'antan dans les lectures coquines, qui le dégoûtent maintenant. Il mène une vie de plus en plus sobre, loin des frasques qui choquaient tant sa famille. Il travaille tout au long de l'année 1887 à la correction définitive de Reconnaissance au Maroc, qui paraît en 1888.
L'expérience au Maroc a été une révélation pour Foucauld. Il affirmera en 1901 : « L'Islam a produit en moi un profond bouleversement. La vue de cette foi, de ces âmes vivant dans la continuelle présence de Dieu, m'a fait entrevoir quelque chose de plus grand et de plus vrai que les occupations mondaines ». Sa méfiance vis-à-vis de la foi chrétienne s'estompe progressivement à travers les discussions avec sa cousine Marie de Bondy, au cours desquelles ils parlent religion. Marie de Bondy joue un rôle très important dans sa conversion. Il la décrit plus tard comme « l'ange terrestre » auquel il pourra se confier. Mais surtout, il participe à des dîners mondains qui changent sa perception de la foi : « À Paris je me suis trouvé avec des personnes très intelligentes, très vertueuses et très chrétiennes. Je me suis dit que peut-être cette religion n'était pas absurde ». Il se met à fréquenter la paroisse Saint-Augustin, où officie l'abbé Huvelin.
Il cherche alors à le rencontrer, et se décide à le voir dans le confessionnal de l'église Saint-Augustin le 30 octobre 1886. Charles de Foucauld exprime sa volonté de retrouver la foi. L'abbé Huvelin lui demande alors de se confesser, ce que Charles fait. Il lui donne ensuite la communion. C'est, d'après lui, une seconde révélation : « Aussitôt que je crus qu'il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui : ma vocation religieuse date de la même heure que ma foi : Dieu est si grand. Il y a une telle différence entre Dieu et tout ce qui n'est pas Lui. ». Cette conversion pousse Charles à vouloir changer radicalement de vie, il devient croyant et commence à prier ; il lit le bréviaire et les pères du désert. L'abbé Henri Huvelin devient son père spirituel, et tente de modérer ses ardeurs. Il le met en garde devant une vocation religieuse trop rapidement discernée, et lui demande de prendre son temps. Très vite, des difficultés se présentent pour la foi de Charles : « Dans les commencements, la foi eut bien des obstacles à vaincre. Moi qui avais tout douté, je ne crus pas tout en un jour. Les miracles de l'Évangile me paraissaient incroyables ». L'abbé Henri Huvelin invite Charles à s'attacher à l'imitation du Christ et la méditation de l'Évangile. L'abbé Henri Huvelin affirme que « Jésus a tellement pris la dernière place que jamais personne n'a pu la lui ravir ». C'est là une deuxième révélation pour Charles de Foucauld, qui veut alors imiter le Christ. Après plus de dix-huit mois d'attente et d'obéissance au père Henri Huvelin, Charles approfondit sa vocation religieuse : il veut entrer dans un ordre qui « imite la vie cachée de l'humble et pauvre ouvrier de Nazareth », se sentant indigne d'être prêtre et de prêcher.
Le 19 août 1888 il visite la trappe cistercienne de Fontgombault et semble très attiré par la pauvreté radicale de cet ordre. En septembre 1888, il donne sa démission de l'armée après sa dernière période de réserve et apprend avec indifférence le succès de son ouvrage Reconnaissance au Maroc, unanimement loué par le monde scientifique.
Fin 1888, sur les conseils de l'abbé Huvelin, il part pour un pèlerinage de quatre mois en Terre sainte. Il arrive le 15 décembre 1888 à Jérusalem, visite Nazareth le 10 janvier 1889, où il approfondit son désir de prendre la dernière place. Il est de retour en France le 14 février 1889 et annonce qu'il veut rentrer à la Trappe. Sur les conseils de l'abbé Huvelin, il visite au mois de mai l'abbaye de Solesmes, puis la grande Trappe de Soligny. Le 20 septembre 1889, il lit Le Livre des fondations de Thérèse d'Ávila. Les écrits de Thérèse d'Ávila constituent dès lors, avec les Évangiles, la base de ses lectures spirituelles. Il prend la décision d'entrer à la Trappe de Notre-Dame des Neiges

A l'abbaye Notre-Dame-des-Neiges prière d'abandon

Après plus de trois ans de discernement, Charles décide, avec l'aval de son père spirituel, d'entrer à la Abbaye Notre-Dame-des-Neiges, en Ardèche. Dès le 18 décembre 1889, il lègue tous ses biens à sa sœur. Il fait ses adieux à Marie de Bondy le 15 janvier 1890, adieux très difficiles qui révèlent l'importance de son don total à Dieu. Il choisira cette date pour renouveler sa consécration à Dieu.
Il entre à Notre-Dame-des-Neiges le 16 janvier 1890. Il prend l'habit de novice et le nom de Frère Marie-Albéric. Charles aime immédiatement cette vie de pauvreté, de silence, de travail et de prière. Il se montre très détaché et devient vite un exemple au sein de la communauté par son obéissance et son humilité. Il explique à Marie de Bondy ce qu'il vit : « Dans ce triste monde, nous avons au fond un bonheur que n'ont ni les saints, ni les anges, celui de souffrir avec notre Bien-Aimé, pour notre Bien-Aimé. Quelque dure que soit la vie, quelques longs que soient ces tristes jours, quelque consolante que soit la pensée de cette bonne vallée de Josaphat, ne soyons pas plus pressé que Dieu ne le veut de quitter le pied de la Croix ». Sa recherche de la pauvreté se poursuit par son départ, à sa demande, pour la trappe cistercienne de Akbès, une fondation récemment faite 1886 par Notre-Dame-des-Neiges, près d'Alexandrette en Syrie ottomane, en plein territoire musulman. Il démissionne des membres réservistes de l'armée le 16 juillet 1891, puis de la Société de géographie. Il explique à sa cousine Marie de Bondy sa démarche dans une lettre : « Cette démarche me fait plaisir ; le 15 janvier j'ai quitté tout ce qui m'était un bien mais ils restaient en arrière ces misérables embarras, le grade, la petite fortune et cela me fait plaisir de les jeter par la fenêtre ».

À Akbès, la recherche de la perfection de Charles lui donne très vite la réputation d'un saint, malgré ses mortifications très importantes qui inquiètent tant son supérieur que l'abbé Henri Huvelin. Il expose ses goûts dans une quête de pauvreté et d'humilité : « Si on me parle d'études, j'exposerai que j'ai un goût très vif pour demeurer jusqu'au cou dans le blé et dans le bois et une répugnance extrême pour tout ce qui tendrait à m'éloigner de cette dernière place que je suis venu chercher dans cette abjection dans laquelle je désire m'enfoncer toujours plus à la suite de Notre-Seigneur... et puis, en fin de compte, j'obéirai ». Les supérieurs voient en lui le possible prochain supérieur de la Trappe et lui demandent de reprendre des études afin de devenir prêtre. Tout en regrettant ce choix, qui, à ses yeux, l'éloigne de la dernière place et de l'humilité qu'il recherche, Charles, dirigé par l'abbé Huvelin, s'exécute et commence des études de théologie.
Charles émet des doutes sur sa vocation trappiste. Il écrit à l'abbé Huvelin : « Vous espérez que j'ai assez de pauvreté. Non. Nous sommes pauvres pour les riches, mais pas pauvre comme je l'étais au Maroc, pas pauvre comme Saint François. Je le déplore sans me troubler. Sur cela aussi je garde le silence et l'obéissance. Peu à peu, sans me faire remarquer, je pourrai obtenir des permissions qui me feront mieux pratiquer la pauvreté ». Malgré les réserves qu'il exprime auprès du maître des novices, Dom Louis de Gonzague, au sujet du confort relatif du monastère, il prononce le 2 février 1892 ses vœux monastiques et reçoit la tonsure.
Les interrogations de Charles s'amplifient et se portent sur la possibilité de vivre plus profondément la pauvreté et l'oubli de lui-même. Ses lettres à l'abbé Huvelin montrent que ses interrogations sont de plus en plus constantes et fortes. L'abbé tente, là encore, de modérer les ardeurs de Charles. Le 26 août 1893, il écrit à l'abbé Huvelin son intention de créer un nouvel ordre religieux. Il prône une pauvreté absolue et une simplicité, en priant non pas en latin, mais dans la langue locale, ce qui annonce dans une certaine mesure la réforme liturgique introduite par concile Vatican. L'abbé Huvelin lui répond tardivement, lui demandant d'attendre et de continuer ses études en vue du sacerdoce, malgré ses réticences. Charles commence, dès 1895, à rédiger une règle. Devant le refus de ses supérieurs de fonder un nouvel ordre, il propose d'imiter la pauvreté de Nazareth en devenant ermite au pied de la Trappe. Il y renonce face aux difficultés que sa démarche poserait à l'Ordre auquel il appartient. Lors de l'une de ces médiations en 1896, Charles écrit son texte le plus fameux, la Prière d'abandon, résumant sa spiritualité :
« Mon Père, je me remets entre Vos mains ; mon Père je me confie à Vous, mon Père, je m'abandonne à Vous ; mon Père, faites de moi ce qu'Il Vous plaira ; quoique Vous fassiez de moi, je Vous remercie ; merci de tout, je suis prêt à tout : j'accepte tout : je Vous remercie de tout ; pourvu que Votre volonté se fasse en moi, mon Dieu, pourvu que Votre Volonté se fasse en toutes Vos créatures, en tous Vos enfants, en tous ceux que Votre Cœur aime, je ne désire rien d'autre mon Dieu ; je remets mon âme entre Vos mains ; je Vous la donne, mon Dieu, avec tout l'amour de mon cœur, parce que je Vous aime, et que ce m'est un besoin d'amour de me donner, de me remettre en Vos mains sans mesure : je me remets entre Vos mains, avec une infinie confiance, car Vous êtes mon Père »
Le 20 novembre 1895, l'abbaye d'Akbès est protégée par des soldats pendant que commence le génocide des Arméniens chrétiens. Charles qui veut être au plus proche des plus pauvres découvre enfin l'intérêt de la prêtrise face aux massacres de mars 1896 celui d'être au plus près de ceux qui souffrent et des plus pauvres : « point d'abri, ni d'asile, par ce froid terrible, point de pain, aucune ressource, des ennemis de toutes part, personne pour les aider ».
Charles refuse de faire ses vœux solennels, qui seraient définitifs. Avec l'accord de l'abbé Huvelin, qui ne doute plus de sa vocation particulière, il demande à être relevé de ses vœux temporaires. L'abbé Huvelin le mettra cependant vivement en garde contre son penchant pour la mortification : « Pour la mortification, vous ne la trouverez jamais suffisante. Dans votre âme, vous vous direz toujours : qu'est-ce que c'est que cela ?... et puis après ?... Vous avez besoin d'être défendu contre ce mouvement à l'infini qui amène l'inquiétude, et ne laisse jamais fixé quelque part – ce mouvement n'est possible que dans les cœurs où il n'y a jamais d'excès ». Ses supérieurs religieux lui opposent un refus et l'enjoignent de gagner l'Abbaye de Staouëli en Algérie. Le 10 septembre 1896, il part pour l'Algérie. Face à la détermination de Charles, ils décident de l'envoyer à Rome, afin qu'il étudie en vue du sacerdoce. Charles obéit, et arrive à Rome le 27 octobre 1896. Il affirme que l'obéissance est pour lui source de paix : « Cette habitude de demander ce que l'on doit faire, même pour les petites choses, a mille bons effets : elle donne la paix ; elle habitue à se vaincre ; elle fait regarder comme rien les choses de la terre ; elle fait faire une foule d'actes d'amour. ». L'Abbé Général des trappistes est bientôt convaincu de la vocation personnelle de Charles de Foucauld et décide de le dispenser de ses vœux le 23 janvier 1897.

Vie à Nazareth

Charles de Foucauld quitte Rome le 26 février, après avoir reçu l'approbation de l'abbé Huvelin, auquel il obéit comme si celui-ci était son supérieur, il demande à être jardinier, avec pour seul salaire un morceau de pain et l'hébergement dans une cabane. Il répare les murs de la clôture, fait des commissions pour les religieuses, dessine des images pieuses, tout en s'octroyant de nombreux temps de prière. Les clarisses s'inquiètent de son régime alimentaire et lui donnent des figues et des amandes qu'il redistribue secrètement aux enfants. Charles confesse à son père spirituel ses défauts « Prières mal faites... Paresse à me lever... Gloutonnerie. Désirs d'élévation, comme être supérieur à la Trappe », mais celui-ci cherche à tempérer ses scrupules et sa recherche immodérée de la mortification.
Il commence à rédiger ses méditations, pour « fixer les pensées », écrivant plus de 3 000 pages en trois ans. Ce sera sa plus grande période mystique et le fondement de sa spiritualité, faite de grands moments de joies intérieures. Il conçoit sa vocation comme celle de « crier l'Évangile sur les toits, non par ta parole, mais par ta vie ». Ses méditations le conduisent progressivement à ne plus vivre uniquement en présence de Dieu, et « jouir tout seul » du Christ, mais à imiter Jésus pour aller vers les autres. « L'âme voit qu'elle jouit, qu'elle jubile, qu'elle reçoit beaucoup. Mais elle ne rend rien, elle reste inutile. Et plus je jouissais, plus je désirais travailler ».
Menant cette vie d'ascèse, Charles acquiert une réputation de sainteté auprès des Clarisses de Nazareth, et la supérieure des Clarisses de Jérusalem veut alors le rencontrer. Elle l'encourage au sacerdoce et à la fondation d'un ordre religieux. Il passe une semaine de retraite spirituelle à Aphram-Taybeh en mars 1898. Il choisit de se faire appeler Charles de Jésus, et en mai 1900 prend pour devise : « Jesus Caritas ». Malgré certains doutes et tâtonnements sur sa vocation de fondateur, Charles croit trouver la solution en achetant le Mont des Béatitudes afin de s'y installer comme prêtre ermite. Après avoir demandé de l'argent à sa sœur, il paie le terrain, mais il est en fait victime d'une escroquerie. Encouragé par son père spirituel et la supérieure des Clarisses de Jérusalem, Charles demande à être ordonné auprès du patriarche de Jérusalem. Celui-ci lui dit d'attendre. Le projet n'aboutissant pas, il se décide à se préparer au sacerdoce en France.
À la fin du mois d'août 1900, Charles s'embarque pour Marseille. Il revoit, pour la première fois depuis dix ans, l'abbé Huvelin. Il gagne le lendemain la trappe de Notre-Dame-des-Neiges, et part pour Rome afin d'obtenir l'autorisation de devenir prêtre. Après avoir reçu les ordres mineurs, le 7 octobre 1900, il est enfin ordonné prêtre au Grand Séminaire de Viviers, le 9 juin de l'année suivante. Il se décide alors à partir pour le désert du Sahara.

Ermite au Sahara Prêtre ermite à Béni-Abbès

Charles part pour Béni-Abbès, dans le désert d'Algérie. Il débarque à Alger en septembre 1901, où il s'installe chez les Pères blancs ; rencontre Mgr Guérin, l'évêque du diocèse de Béni-Abbès, à Ghardaïa. Puis il part en direction de Béni-Abbès, accompagné par des militaires qui l'accueillent avec joie, d'autant plus qu'ils voient en Charles de Foucauld l'un de leurs frère du fait de son passé militaire.
Au mois d'octobre 1901, le Père de Foucauld s'installe à Béni-Abbés, une oasis située sur la rive gauche de la Saoura, au sud de l'Oranie, dans le Sahara occidental. Il édifie avec l'aide des soldats présents une « Khaoua » (fraternité), composée d'une chambre d'hôte, d'une chapelle, et de trois hectares de potager, achetés grâce à l'aide de Marie de Bondy. La chapelle est terminée le 1er décembre 1918. Sa vie s'organise autour d'une règle stricte : cinq heures de sommeil, six heures de travail manuel entrecoupé de longs temps de prières. Il est cependant très vite débordé par les longs moments qu'il prend pour écouter les pauvres et les militaires qui viennent le voir. Il décrit à Gabriel Tourdes son état d'âme : « vivant du travail de mes mains, inconnu de tous et pauvre et jouissant profondément de l'obscurité, du silence, de la pauvreté, de l'imitation de Jésus. L'imitation est inséparable de l'amour. Quiconque aime veut imiter, c'est le secret de ma vie. Prêtre depuis le mois de juin dernier, je me suis senti appelé aussitôt à aller aux brebis perdues, aux âmes les plus abandonnées, afin d'accomplir envers elles le devoir de l'amour. Je suis heureux, très heureux, bien que je ne cherche en rien le bonheur ».

Le 9 janvier 1902, il rachète la liberté d'un premier esclave, qu'il appelle Joseph du Sacré-Cœur. Une partie de l'année 1902 est consacrée à un échange de correspondance avec Mgr Guérin, préfet apostolique du Sahara, au sujet de sa lutte contre l'esclavage dans le Hoggar. L'année suivante, il songe à accomplir des voyages au Maroc et à y installer une fraternité. Il voudrait être rejoint par des compagnons auxquels il demanderait trois choses : « être prêts à avoir la tête coupée — être prêts à mourir de faim — à lui obéir malgré son indignité ».
Le 27 mai 1903 Charles de Foucauld reçoit la visite de Mgr Guérin. Charles cherche un compagnon en vue de l'évangélisation et demande à aller vers le Sud afin de préparer celle-ciA. Le commandant François-Henry Laperrine s'intéresse à la présence de Charles de Foucauld et cherche à le faire venir dans sa tournée d'approvisionnement vers le sud. Charles s'y montre d'autant plus favorable que François-Henry Laperrine semble vouloir utiliser des méthodes beaucoup moins violentes que ses prédécesseurs. Le 18 juin 1903 Charles demande à Mgr Guérin l'autorisation d'accompagner Laperrine, mais la rébellion des tribus contre la présence coloniale rend impossible cette démarche. Apprenant l'ouverture de ce conflit, Charles part toutefois le 2 septembre 1903 dans le Sud afin de secourir les blessés des combats de Taghit et d'El-Moungar. Il revient et rédige une petite introduction au catéchisme qu'il intitule L'Évangile présenté aux pauvres nègres du Sahara. Quelque temps plus tard, François-Henry Laperrine lui demande de venir avec lui lors de la prochaine tournée d'approvisionnement dans le Sud. L'abbé Henri Huvelin lui écrit d'« aller où vous pousse l'Esprit ».

Tournée dans le Sahara

Charles part en tournée d'apprivoisement le 13 janvier 1904, en direction du sud, vers le Hoggar. Le 1er février 1904 lui et ses compagnons arrivent à l'oasis Adrar où ils rejoignent le commandant Laperrine. La tournée se poursuit vers Akabli. Charles note alors tous les lieux possibles d'installation. Il collecte des informations sur la langue touarègue auprès des populations du sud du Sahara central et y commence la traduction des Évangiles afin de pouvoir la transmettre aux Touaregs.
Il découvre l'attitude de certains militaires coloniaux, qui le déçoit. Arrivée non loin de la frontière algérienne en cours de stabilisation, la tournée doit faire demi-tour et rejoindre Tit. Charles souhaite s'y installer mais le commandant Laperrine refuse. La tournée s'achève à Ain Salah en septembre. Charles rejoint Mgr Guérin le 22 septembre 1904 et il rentre à Béni-Abbès le 24 janvier 1905.
Intrigué par Charles de Foucauld, le général Hubert Lyautey, nommé en Algérie, décide de le visiter à Béni-Abbès le 28 janvier 1905. De cette rencontre naît une amitié réciproque et une certaine admiration de Lyautey pour Charles. Charles rédige au cours de cette période les Méditations sur les Saints Évangiles. Au mois d'avril 1905, le commandant Laperrine prie Charles de Foucauld de repartir avec lui dans une tournée dans le Hoggar. Après avoir demandé conseil à Mgr Guérin et l'abbé Huvelin, il participe à nouveau aux tournées d'approvisionnement. Il part le 8 juin 1905, continue sa vie de prière tout en apprenant le tamahaq. Le 25 juin 1905 ils rencontrent l'amenokal (chef de tribu) Moussa Ag Amastan, qui décide de faire alliance avec l'autorité française. Charles de Foucauld et Moussa Ag Amastan se découvrent et semblent s'apprécier mutuellement. De leur rencontre naît une amitié profondeF 18. Le Touareg autorise Charles de Foucauld à s'installer dans le Hoggar, ce que fait ce dernier en se dirigeant vers Tamanrasset.

Tamanrasset

Charles arrive à Tamanrasset le 13 août 1905, accompagné de Paul, un ancien esclave. Il se construit une maison en pierre et terre séchée. Charles a désormais pour objectif de mieux connaître la culture touarègue, et fait de la rédaction d'un dictionnaire touareg-français une priorité de son apostolat. Il aide les populations qu'il rencontre et continue à distribuer médicaments et aliments afin d'être en confiance avec eux et « leur prouver que les chrétiens les aiment ».
Le 25 août 1905, Moussa Ag Amastan obtient officiellement des autorités françaises l'investiture d'amenokal du Hoggar. Il visite à plusieurs reprises Charles de Foucauld et lui demande conseil sur l'attitude à adopter face aux autorités françaises. Charles lui conseille de rechercher le bien de son peuple, ainsi que de développer l'instruction et le droit des femmes. Paul, qui l'accompagnait, décide de quitter Tamanrasset en mai 1906. Resté seul, Charles ne peut donc plus dire la messe, une personne au moins étant requise dans l'assistance, à l'époque, pour pouvoir célébrer.
Les études de Charles lui permettent de découvrir la complexité insoupçonnée de la langue et de la culture touarègues. Il écrit à Marie de Bondy : « Ici ma vie est surtout employée à l’étude de la langue touarègue. C’est beaucoup plus long que je ne croyais, car la langue est très différente de ce qu’on croyait ; on la croyait très pauvre et très simple ; elle est au contraire riche et moins simple qu'on ne pensait ». Il fait venir durant l'été 1906 son ami Motylinski afin qu'il l'aide à terminer son dictionnaire touareg-français. Après le départ de Motylinski, Charles décide, en septembre 1906, de repartir pour Béni-Abbès. Il envisage de répartir son temps entre les deux régions : trois mois à Béni-Abbès, six mois à Tamanrasset, trois mois à voyager d'un site à l'autre ; mais il finira par abandonner définitivement Béni-Abbès.
Son retour à Tamanrasset révèle le fort attachement des Touaregs à « Frère Charles de Jésus », où il est accueilli avec joie. Il reçoit souvent des officiers français, dont le capitaine Edouard Charlet, avec lesquels il a des échanges très fructueux. Charles perçoit cependant, dans l'attention qu'ils lui témoignent, un obstacle à sa recherche de la dernière place.
Le 29 novembre 1905 il rejoint Mgr Guérin à la Maison Carrée des Pères Blancs et lui demande d'envoyer des religieuses. Ce dernier le lui refuse, arguant d'un climat difficile en France, lié à la Loi de séparation des Églises et de l'État, la division des Français au sujet de l'Affaire Dreyfus et les tensions entre l'Allemagne et la France au sujet du Maroc. Cependant, Mgr Guérin agrée en partie les demandes de Charles de Foucauld, en l'autorisant à vivre, pour la première fois, sa règle de vie religieuse, en compagnie de frère Michel. Il a l'autorisation exceptionnelle de pouvoir exposer le Saint-Sacrement pour l'adoration eucharistique lorsqu'il y aura deux adorateurs pendant au moins trois heures.
Ils repartent pour Béni-Abbès le 10 décembre et voient le général Lyautey. Le frère Michel et Charles de Foucauld partent ensuite en direction de In Salah, mais très vite la santé de frère Michel se dégrade, celui-ci ne supportant pas l'austérité et les pénitences. Ils interrompent alors leur voyage durant un mois et Charles étudie le touareg avec Ben-Messis, un lettré arabe. Ils travaillent sans relâche. Le 14 mars 1907, il apprend la mort de son ami Motylinski.
Face à l'impossibilité pour frère Michel de s'adapter à la dure règle de vie de Charles, il le renvoie. Le frère Michel repart vers Alger avec une compagnie militaire. Charles finit son travail sur le dictionnaire touareg-français qu'il donne à Laperrine afin de le publier. Par humilité, il impose que la publication ne se fasse pas sous son nom, mais au nom du défunt Motylinski.
De juillet 1907 à Noël 1908, Charles reprend sa vie érémitique à Tamanrasset, recueillant des poésies touarègues contre quelques sous et travaillant plusieurs heures par jour. Cependant, Charles reste profondément seul. Il ne reçoit aucun courrier pendant plus de six mois. Il n'a pas non plus la possibilité de célébrer la messe, de garder l'Eucharistie, et donc d'adorer. Il n'a encore fait aucune conversion. Ces difficultés se font d'autant plus grandes que la famine touche le Hoggar. Charles doute alors de son efficacité, mais veut rester avec les plus pauvres. Il donne sa nourriture aux victimes de la famine et passe Noël sans célébrer la messe. Le 7 janvier 1908, épuisé et amaigri, Charles ne peut plus bouger et croit mourir. Lui qui distribuait des vivres est alors sauvé par les Touaregs qui lui donnent, en pleine famine, du lait de brebis. Cet épisode marque une deuxième conversion de Charles de Foucauld, qui vit alors un appel à un plus grand abandon spirituel.
Apprenant que Charles est malade, Laperrine lui fait parvenir des vivres. Le 31 janvier 1908, Mgr Guérin lui envoie de Rome une lettre venant du pape Pie X qui l'autorise exceptionnellement à célébrer la messe sans servant. Cette autorisation le met dans une grande joie. Ces récents évènements, dont le fait d'avoir été sauvé par les Touaregs, changent profondément la manière de voir de Charles de Foucauld. Il ne cherche plus à convertir, mais à aimer ; il écrit à Mgr Guérin :« Je suis ici non pour convertir d'un seul coup les Touaregs, mais pour essayer de les comprendre et les améliorer. Je suis certain que le bon Dieu accueillera au ciel ceux qui furent bons et honnêtes sans qu'ils soient catholiques romains ». Il reprend et continue son travail sur la culture et la langue touarègues. Il travaille jusqu'à onze heures par jour à des travaux linguistiques qui l'absorberont jusqu'à sa mort : rédaction d'un lexique, transcription, traduction et commentaire de poésies touarègues.
L'armée construit un nouveau fort à quelques kilomètres de Tamanrasset, Fort-Motylinski. Charles veut fonder une association de laïcs, et demande l'approbation de l'abbé Huvelin et de Mgr Guérin pour aller en France afin de développer cette association. Le 28 octobre 1908, Charles reçoit les encouragements de l'abbé Huvelin et décide donc de partir. Le 16 février 1909 il embarque d'Alger pour la France

Le début de la fraternité

Photo de Charles de Foucauld en France avec Marie de Bondy au milieu, le gendre de Marie, le marquis de Forbin, et, debout à l'arrière, Ouksem ag Chikat, le jeune Touareg qui a accompagné Foucauld lors d'un voyage en France en 1913
Charles arrive à Paris le 18 février 1909. Il y retrouve l'abbé Huvelin et lui présente les statuts de son Union de laïcs. Il y rencontre également Louis Massignon, converti récemment, avec qui il prie à la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre le 21 février 1909. Charles voit en Massignon son héritier et lui propose de le rejoindre dans le désert, mais celui-ci refuse. Le 25 février 1909, Charles fait la connaissance du fils de Marie de Bondy, se rend à la trappe Notre-Dame-des-Neiges afin de promouvoir son association de laïcs, puis rencontre Mgr Bonnet. Il passe quelques jours avec sa sœur Marie et repart pour l'Algérie le 7 mars.
Il arrive à In Salah et invente un chapelet, le Chapelet de l'amour, pour chrétiens et musulmans. Mgr Bonnet et Mgr Livinhac, Supérieur général des Pères Blancs, approuvent les statuts de l'« Union des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur »,pieuse union, tout en attendant l'autorisation de Rome.
Le 11 juin, Charles retourne à Tamanrasset. Il poursuit ses travaux auprès des Touaregs et son lexiqueB 76. Il entreprend d'organiser la confrérie apostolique des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus. Il fait une tournée d'approvisionnement avec le commandant Laperrine en septembre et découvre l'Assekrem. Il revient ensuite à Tamanrasset et y reprend sa vie habituelle.
En avril 1910, il part de nouveau pour une tournée avec Laperrine. Il décide de construire, avec l'aide de soldats, un ermitage au sommet de l'Assekrem, ce qui lui permettrait de vivre à l'écart des visites et à l'abri de la chaleur de l'été saharien. Le 31 octobre 1910 Charles retourne à Tamanrasset, où il se trouve surchargé : la pluie étant revenue, de nombreux nomades sont revenus près de Tamanrasset et sollicitent son aide.
Entre-temps, au mois de septembre 1910, Moussa ag Amastan fait une visite officielle en France. Charles le recommande auprès de sa famille, et Moussa la visite. Il lui écrit, voyant la richesse de la famille Foucauld, son incompréhension : « toi tu vis comme un pauvre ».

Les mois qui suivent sont marqués par de nombreuses séparations. Charles apprend la mort de Mgr Guérin à l'âge de trente-sept ans le 19 mars 1910. Quelques jours plus tard, son ami de promotion, le commandant La Croix, meurt à Alger. Il apprend le 15 août la mort de son père spirituel, l'abbé Henri Huvelin, décédé le 10 juillet. En outre, le commandant Laperrine est muté et doit quitter le Sahara à la fin de l'année.
Charles veut cependant développer sa confrérie. Il repart en France le 2 janvier 1911 et en revient le 3 mai. Il consacre les deux mois suivants à ses travaux sur le lexique, mais aussi à la construction de maisons en dur pour le village, entre autres pour Moussa Ag Amastan, tout en aidant au développement de l'hygiène, dont il apprend les rudiments aux Touaregs.
En juillet 1911, il part pour son ermitage dans l'Assekrem qu'il agrandit. Devant sa santé qui se détériore, il écrit son testament : « Je désire être enterré au lieu même où je mourrai et y reposer jusqu'à la résurrection. J'interdis qu'on transporte mon corps, qu'on l'enlève du lieu où le bon Dieu m'aura fait achever mon pèlerinage. »
De retour à Tamanrasset pour Noël 1911, il se passionne pour les missions d'étude du TranssaharienB 75, aidant à la reconnaissance des possibles passages du train. Il participe à la mission d'étude, trouvant des guides touaregs pour l'exploration de pistes possibles, utilisant ses baromètres pour les relevés altimétriques demandés par les scientifiques.
La fin de l'année 1912 et le début de l'année 1913 sont marqués par le développement d'une instabilité politique dans le Sahara avec des menaces de rezzous venant du MarocB 81. Charles achève la rédaction de son lexique touareg et commence sa relecture. Il songe à aller de nouveau en France pour développer son Union de laïcs. Du 22 avril au mois de septembre 1913, il entreprend ce voyage. Il visite sa famille et ses amis, dont François-Henry Laperrine. Il apprend que le général Hubert Lyautey est critiqué pour sa gestion trop « pacifique » du Maroc : Charles de Foucauld l'encourage alors à ne pas démissionner, et le défend auprès des personnes qu'il rencontre. Il accepte les dîners mondains afin de réaliser cette tâche. Il participe à une conférence à la Sorbonne sur le projet du Transsaharien. Il rencontre l'abbé Antoine Crozier qui a rassemblé les 26 premiers membres de l'Union des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus et l'appuie dans ce projet. Sa rencontre avec le cardinal Léon-Adolphe Amette est moins fructueuse : celui-ci le reconduit froidement après l'avoir reçu. Charles rentre en Algérie le 28 septembre et arrive à Tamanrasset le 22 novembre, où il reprend son travail habituel.

Assekrem
La guerre et la mort

Le 3 septembre 1914, il apprend la déclaration de guerre en Europe. Malgré sa santé de plus en plus précaire, il hésite à partir sur le front afin de devenir aumônier militaire. Finalement il écrit à sa cousine Marie, après de multiples débats de conscience : « Vous sentez qu'il m'en coûte d'être si loin de nos soldats et de la frontière : mais mon devoir est, avec évidence, de rester ici pour aider à y tenir la population dans le calme ». Il tâche alors de minimiser auprès des Touaregs l'importance des combats qui ont lieu en France. À la fin de l'année 1914, il tombe malade.
Le développement de son Union des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus est arrêté par la guerre, mais Charles continue d'approfondir son règlement, développant le cœur de sa théologie. Il s'intéresse aux travaux qui visent à l'installation de la transmission sans fil, ainsi qu'à l'apparition de pistes automobiles. Il aide l'armée à tracer des pistes dans le Hoggar, espérant apercevoir bientôt les premiers véhicules.
Charles sécurise son ermitage de Tamanrasset en construisant, entre l'été 1915 et l'été 1916, un fortin en briques pour donner à la population un refuge en cas d'attaque. Il contient des vivres, un puits, et des armes.
Le 24 mars 1916, Djanet tombe à la suite de rezzous opérant à partir du Maroc espagnol et se multipliant.
Charles de Foucauld refuse de s'installer avec l'armée à Fort Motylinski, préférant demeurer auprès des Touaregs. En juin 1916, ses voisins touaregs lui conseillent pourtant de se réfugier dans le fort. Cependant, le danger ne vient finalement pas du Maroc. Une grande partie de la population du Sahara et du Sahel se soulève contre l'occupant français, à l'instigation de la confrérie senousiste venant de Tripoli. Le 28 novembre, Charles a fini la relecture du lexique touareg-français. Il écrit à sa cousine Marie de Bondy, dans ce qui sera sa dernière lettre : « On trouve qu'on n'aime jamais assez, mais le bon Dieu qui sait de quelle boue il nous a pétris et qui nous aime bien plus qu'une mère ne peut aimer son enfant, nous a dit, Lui qui ne ment pas, qu'il ne repousserait pas celui qui vient à Lui ».
Des pillards venus de Tripoli entendent parler de Charles de Foucauld, et veulent alors l'enlever. Les motifs du rapt sont sans doute financiers, les pillards espérant obtenir une rançon contre sa libération. Le 1er décembre, un Touareg connu de Charles de Foucauld trahit sa confiance et permet aux Senoussistes d'investir le fortin. L'arrivée de deux tirailleurs algériens les surprend et, dans la panique, l’adolescent auquel on avait confié la garde de Charles de Foucauld l'abat d'une balle dans la tempe.
Si pour Jean-Jacques Antier, Charles est ligoté par les assaillants qui l'humilient, lui crachent dessus et pillent le fortin, pour Jean-François Six, les circonstances de la mort de Charles de Foucauld ne font pas de lui un martyr : voir ci-dessous l'image du martyr.

Le soir même, les Touaregs l'enterrent à même le sol, avec les musulmans, à quelques mètres de la porte où il est mort. Le général Laperrine arrive sur les lieux le 15 décembre et déplace le corps à quelques mètres de là. Il est encore déplacé pour être mis dans un tombeau, le 26 avril 1929, à El Goléa, appelé aujourd'hui El Méniaa.
Après la mort de Charles de Foucauld, ses amis touaregs comme Ouksem entrent en dissidence contre l'armée française : en décembre 1916 ou en 1917, la tribu des Dag-Ghali se rallie à l'insurrection senoussiste, à laquelle les autorités coloniales répondent par une « cruelle répression », les militaires français se livrant à des expéditions punitives : ils « chassaient les troupeaux et les gens, razziaient et faisaient des prisonniers ».

La spiritualité de Charles de Foucauld

Lectures et sources d'inspiration
Charles de Foucauld aime lire quelques livres de son époque ; un article paru dans Excelsior, « Comment aimer Dieu? » a profondément inspiré sa vie intérieure. Il tient absolument à rencontrer son auteur, Antoine Crozier, un prêtre stigmatisé, qui devint son ami et l'influença dans la création d'une confrérie du Sacré-Cœur. Il fait venir de Rome la Somme Théologique de saint Thomas d'Aquin.Il est imprégné de la lecture des très grands auteurs mystiques comme Thérèse d'Avila et Jean de la Croix ; Jean Chrysostome est l'objet de ses méditations quotidiennes. On retrouve aussi quelques livres d'importance mineure, comme Jésus Adolescent, livre du chanoine Caron, un de ses amis, ou Les Quatre Évangiles en un seul, du chanoine Weber. Dès sa conversion, il a lu les Pères du Désert. Un court texte, le Modèle unique, résume la spiritualité de Charles de Foucauld : l'Évangile, le Sacré-Cœur et la Sainte-Face de Jésus. Quand Charles de Foucauld revient en France en avril 1909, il passe une nuit de prière, avec Louis Massignon, dans la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre. L'adoration du Saint-Sacrement et en particulier l'adoration nocturne est un fondement de sa spiritualité. Il lisait et méditait la Bible en arabe, éditée par les Pères de Beyrouth.

L'imitation de la vie de Nazareth

El-Goléa
La conversion de Charles de Foucauld est marquée par les mots de l'Abbé Henri Huvelin « Jésus a tellement pris la dernière place que jamais personne n'a pu lui ravir ». Cette phrase est issue de la « parabole de la Noce et des Invités » Luc, « Jésus dit aux invités une parabole, parce qu'il remarquait qu'ils choisissaient les premières places; il leur dit : Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la première place, de peur qu'on ait invité quelqu'un de plus important que toi, et que celui qui vous a invités, toi et lui, ne vienne te dire : « Cède-lui la place » ; alors tu irais tout confus prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place, afin qu'à son arrivée celui qui t'a invité te dise : « Mon ami, avance plus haut ». Alors ce sera pour toi un honneur devant tous ceux qui seront à table avec toi. Car tout homme qui s'élève sera abaissé et celui qui s'abaisse sera élevé ». Il remarque alors qu'il n'y a rien d'autre pour lui que cette chère dernière place. Charles veut alors imiter Jésus. C'est ainsi dans cet objectif qu'il part pour Tamanrasset, loin de la capitale. Cette imitation (imitatio Christi en latin liturgique) le conduit à vouloir l'imiter dans sa vie cachée, qui correspond à la période de la vie de Jésus de Nazareth qui n'est pas mentionné dans le Nouveau Testament, avant sa vie publique. Charles perçoit dans cette vie cachée une profonde humilité et abnégation de Jésus.
À travers l'humilité, Charles recherche la dernière place. Il ne veut pas se différencier des personnes avec qui il vit ; il mène une vie similaire à elles, travaillant pour gagner sa vie, refusant de manifester sa supériorité du fait de son statut de prêtre. Il écrit à son ami Gabriel Tourdes « vivant du travail de mes mains, inconnu de tous et pauvre et jouissant profondément de l'obscurité, du silence, de la pauvreté, de l'imitation de Jésus. L'imitation est inséparable de l'amour. Quiconque aime veut imiter, c'est le secret de ma vie ».
Cette imitation de la vie cachée de Jésus conduit Charles à développer toute une spiritualité personnelle, ainsi qu'une vision personnelle de l'apostolat. Alors que les missionnaires cherchaient traditionnellement à prêcher, à l'image de la vie publique de Jésus, Charles au contraire veut développer un apostolat dans le silence et la discrétion. Il perçoit sa vocation comme celle de vivre la vie de Nazareth, il écrit en 1905 « Mes dernières retraites de diaconat et de sacerdoce m'ont montré que cette vie de Nazareth, ma vocation, il fallait la mener, non dans la Terre Sainte tant aimée, mais parmi les âmes les plus malades, les brebis les plus délaissées ». Il acquiert la conviction que cette vie de Nazareth peut se vivre partout, il cherche ainsi à « Prendre pour seul exemple la vie de Jésus à Nazareth. Qu'il daigne me convertir. Me rendre tel qu'il me veut. L'aimer, lui obéir, l'imiter ». Charles approfondit alors un nouvel apostolat par les relations quotidiennes avec le milieu social, à l'image de Priscilla et Aquila dans les Actes des apôtres.

L'eucharistie

La spiritualité de Charles de Foucauld donne une très grande importance à l'eucharistie, dans laquelle il reconnaît la présence de Jésus caché dans l'hostie. L'imitation de la vie cachée de Jésus et l'eucharistie participent de la même logique pour Charles de Foucauld. Il place l'adoration eucharistique comme « l'œuvre caractéristique, spéciale » de l'Union des laïcs dont il a écrit les statuts. Pendant toute sa vie, il passe ainsi des heures à adorer le Saint-Sacrement et considère cette prière comme prioritaire sur toute autre activité. Il veut apporter l'eucharistie dans les lieux où celle-ci est la moins présente, c'est-à-dire dans le Sahara. Dans ses méditations, il affirme que c'est cette adoration de l'eucharistie qui le conduit à vouloir aller vers les autres. Il écrit lorsqu'il est à Nazareth : « L'âme voit qu'elle jouit, qu'elle jubile, qu'elle reçoit beaucoup. Mais elle ne rend rien, elle reste inutile. Et plus je jouissais, plus je désirais travailler ».
Après avoir été ordonné prêtre, Charles continue à accorder une importance primordiale à l'eucharistie. Dans sa solitude en plein Sahara, il écrit à Marie de Bondy qu'il est avec son « meilleur ami » et que « rien ne lui manque ». Il affirme « Quand on voit la sainte hostie, que dire sinon que la nuit de cette vie a perdu ses ténèbres?... À côté d'elle, tous les rois de la terre sont comme s'ils n'étaient pas, de purs néants ».
Charles de Foucauld développe une conception originale de l'eucharistie, qui constitue une nouveauté théologique. Il croit que la présence eucharistique rayonne, donne des grâces et permet, par sa simple présence, la sanctification de personnes qui vivent à proximité.
Cet amour de l'eucharistie se déploie au fil du temps : il écrit en 1907, à propos de sa dévotion à l'eucharistie : « Autrefois, j'étais porté à voir d'une part l'infini, le saint sacrifice, d'autre part le fini, tout ce qui n'est pas lui, et à toujours tout sacrifier à la célébration d'une sainte messe... Mais ce raisonnement doit pécher par quelque chose, puisque, depuis les apôtres, les plus grands saints ont sacrifié en certaines occasions la possibilité de célébrer à des travaux de charité spirituelle, voyages ou autres ». Il choisit de partir à Tamanrasset afin de vivre un plus grand amour du prochain, quitte à ne plus pouvoir célébrer la messe, ni adorer l'eucharistie, malgré la vraie souffrance que cette séparation entraîne. Il cherche alors à faire rayonner, dans la charité envers les autres, l'amour qu'il porte à l'eucharistie. Il veut voir « Jésus en tous les humains ». Il écrit quatre mois avant sa mort à Louis Massignon : « Il n'y a pas, je crois, de parole de l'Évangile, qui ait fait sur moi une impression et transformé davantage ma vie que celle-ci : « Tout ce que vous faites à l'un de ces petits c'est à Moi que vous le faites. » Si l'on songe que ces paroles sont celles de la Vérité incréée, celles de la bouche qui a dit :« Ceci est mon corps, ceci est mon sang », avec quelle force on est porté à chercher et aimer Jésus dans ces petits. »

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Posté le : 30/11/2013 22:02

Edité par Loriane sur 01-12-2013 13:03:45
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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