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Accueil >> newbb >> Défi du 04/10/2014 [Les Forums - Défis et concours]

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Défi du 04/10/2014
Plume d'Or
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Amis Terriens, amis terriennes, han han,
Je sais ça commence comme une chanson de l'Affaire Louis Trio et ça n'a rien à voir avec la choucroute mais voilà, j'avais envie de le dire.
De quoi je devais parler déjà ?
Couscous, remets moi les neurones à l'endroit !
Rends moi mon cerveau !
Bon, fini de jouer, elle me l'a rendu la petite.
J'en étais où ?
Ah oui, le défi.
ZE DEFI ! EL DEFI ! DER DEFI ! HET DEFI !
Combien de langues je parle ? Cela me rappelle le personnage de Robert Shaw dans le célèbre film le 'Loup-garou de Londres' qui parlait vingt trois langues, enfin il était capable de commander une bière dans tous ces langages. Eh bien moi c'est pareil.
Quel rapport avec le défi ?
Purée de nous autres, dirait le commissaire Navarro.
Bon sang mais c'est bien sûr, ne cessait de répéter Raymond Souplex dans 'Les Cinq Dernières Minutes'.
"Non, non tout mais pas ça" chantait l'Affaire Louis Trio.
Et pourtant si.
Le défi est: Paradis Artificiels.
Eh ouais (je parle comme Steevy Boulay, un grand philosophe sarkozyste, c'est trop tendance), fallait y penser. Lâchez-vous, je fournis les buvards, l'acide lysergique et le chanvre indien.
Signé Donald G.

Posté le : 04/10/2014 11:04
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Re: Défi du 04/10/2014
Plume d'Or
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Igor a le blues


Igor avait le blues. Sa vie ne ressemblait pas à ses rêves de petit garçon, quand il courait pieds nus dans les champs de sa Transylvanie natale en faisant l'avion avec ses bras. Pourtant, il en avait parcouru du chemin depuis son enfance et désormais il travaillait pour le comte Donaldo, quelque part dans la banlieue parisienne. Igor savait qu'il était parti pour longtemps avec ce boulot, surtout depuis qu'il était devenu immortel. C'était d'ailleurs pour cette raison que son maître l'avait engagé. « Au moins, je n'aurais pas à vous pleurer le jour de votre enterrement » lui avait-il dit à la signature du contrat.

Igor s'ennuyait ferme. L'immortalité, c'était mortel en fait. Il partageait ce triste constat avec le comte Donaldo, lui aussi affligé de cette plaie depuis qu'il avait croqué un buvard lysergique. Au début, lors de son installation dans le village, il s'amusait à faire peur aux manants. Avec son physique atypique, du haut de son double-mètre, il terrorisait les ignorants du coin, persuadés de l'origine démoniaque de l'aristocrate et de son régisseur. Le comte Donaldo avait alimentée leur légende, en organisant de bruyantes soirées sataniques avec de belles succubes, rythmées par le rock gothique des fils du Nephilim. « Qu'est-ce qu'on se marrait à cette époque. » disait son maître quand il évoquait cette période dorée.

Tout avait changé depuis une dizaine d'années. Le comte Donaldo était rentré dans une profonde dépression, suite à la rencontre d'une ancienne amour de lycée. Il était devenu renfermé, lointain et peu sociable. C'en était fini des orgies du week-end et des blagues de potache ; l'aristocrate s'enfermait des heures dans son cercueil et s'abrutissait à coup de stupéfiants.

Igor n'avait pas cette chance, celle de pouvoir échapper à la triste réalité grâce à des paradis artificiels. Il avait pourtant essayé à plusieurs reprises, sous l'impulsion de son maître mais il n'y avait rien à faire. Que ce soit en fumette, en boisson ou en suppositoire, aucune substance ne modifiait sa perception du monde extérieur. Inquiet de ce manque de réaction, Igor s'en était allé consulter des spécialistes. Les découpeurs de neurones, les géomètres de la cervelle et les attaqués du bulbe avaient résumé son mal par une conclusion simple : Igor n'était plus humain.

Igor se souvint son retour de chez le dernier médecin. Il avait été déprimé et le comte Donaldo s'en était aperçu.
— D'où vient cette tête de déterré, Igor ?
— Je reviens de chez le docteur Gronk.
— Qu'est-ce que vous êtes allé faire chez ce dingo ?
— Je voulais un avis éclairé sur mon manque de réaction aux narcotiques et autres drogues.
— Et alors, que conclut le taré de service ?
— Que je ne suis plus humain.
— Et c'est ça qui vous met le bourdon ?
— Oui. Je ne peux même pas échapper à mon ennui avec des alcools ou des élixirs lysergiques. Je suis condamné à vivre éternellement, telle une machine.
— Allez casser quelques têtes au village, ça vous dégourdira les synapses.

A ce seul souvenir, Igor sentit la déprime le reprendre. Le comte Donaldo ne lui était d'aucune aide, tout simplement parce qu'il était lui-même trop loin, détaché des autres et enfermé dans sa propre immortalité. Igor avait suivi le conseil de son maître, plus par obéissance que par conviction et il n'en avait tiré aucun plaisir. Ce dernier indice lui avait montré à quel point il n'était plus humain.
— Alors Igor, ça fait du bien de briser de la rotule, lui avait dit l'aristocrate à son retour.
— Pas tant que ça.
— Comment ça ? Vous n'avez pas savouré de rosser du gueux ou de décapiter du manant ?
— Non.
— C'est plus grave que je ne le croyais alors.
— Je n'éprouve pas d'émotion à ces activités ludiques.
— Vous avez essayé le sexe ?
— Oui. Même constat.
— Pareil avec les garçons qu'avec les filles ?
— Idem.
— Vous avez goûté à une de mes copines succubes ?
— Oui, j'ai fait appel à la perverse Clotilde, celle que vous aimez tant fouetter.
— Et ?
— Résultat identique.
— Elle n'a pas du apprécier de vous faire si peu d'effets, la Clotilde.
— Je confirme. J'ai été obligée de la découper en deux et de l'enterrer au fond du jardin.
— Elle s'en remettra.

Igor avait pourtant tenté d'autres paradis artificiels. Les alcools, les stupéfiants et le sexe ne fonctionnaient pas avec lui mais il restait d'autres façons de s'occuper inutilement.
— Et si vous essayiez le golf ? C'est aussi un paradis artificiel, proposa le comte Donaldo.
— C'est fait. Pas mieux.
— Et quand vous regardez la télévision, vous ne planez pas ?
— Je ne comprends pas.
— Je parle des émissions débiles, les jeux ou les shows de variétés du samedi soir. Moi, quand je les regarde, j'hallucine gravement et j'avoue que j'ai du mal à m'en remettre. Je vous conseille celle de l'autre abruti, le Corrézien au gros nez. Un must chez les beaufs.
— Je m'ennuie quand j'allume le poste, quel que soit le programme.
— Ne me dites pas que le foot ne vous fait pas marrer. Vous savez, ce truc sur un pré où des petits veaux courent bêtement derrière une sphère de cuir, devant des milliers de spectateurs avinés.
— Pas plus que le tennis, l'équitation ou la Formule Un.
— Vous êtes grave, Igor.
— Le pire, c'est que je n'ai pas d'autre solution à l'ennui que de m'inventer un paradis artificiel.
— Mais j'y pense, pourquoi un paradis ? Et si vous changiez de la routine, en créant un enfer artificiel ?
— Je ne vous suis pas.
— On rêve tous de ce qui est bon mais si on inverse le raisonnement, regardons ce qui est mauvais et souffrons. C'est du masochisme mais cela fonctionne pour les gars qui s'ennuient dans leur vie bien huilée.
— Je sais que ça ne marchera pas avec moi.
— Pourquoi ?
— Je vous rappelle d'où je viens : la Transylvanie. La-bas, la vie est tellement pourrie que la Roumanie à côté c'est le Pérou. Souffrir, j'ai donné. C'est tout aussi ennuyeux.
— Il ne vous reste qu'une option, puisque même le suicide vous est impossible.
— Laquelle ?
— Rentrer dans les ordres. Rejoindre un monastère et recopier les Saintes Écritures sur de vieux grimoires miteux, en priant le Seigneur douze fois par jour.


Igor se signa et quitta la chapelle. « La religion est l'opium du peuple. » lui avait dit un jour le comte Donaldo. Igor l'avait pris au mot et il consacrait désormais son existence à Jésus-Christ, au sein d'une obscure confrérie, loin de l'immortel aristocrate. C'était toujours une vie ennuyeuse mais il espérait en gagner un peu d'humanité.

Posté le : 04/10/2014 15:24
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Re: Défi du 04/10/2014
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Ah le petit Igor a des soucis. La Clotilde a dû passer un sale quart d'heure. N'oublie pas de rendre sa dépouille à Arielle, elle peut encore servir.

Finalement, il a bien fait de suivre ce gourou à la robe blanche. Mais il paraît que ce dernier a fugué...

Bon, je te préviens que je t'emprunte Igor pour ma nouvelle mais je l'expédie au paradis... Du moins artificiel ! Rendez-vous demain dès que ma rédactrice en chef aura donné son feu vert.

Merci

Couscous

Posté le : 04/10/2014 20:24
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Re: Défi du 04/10/2014
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Voici mon défi à la sauce Donald :

Paradis éphémère

Je me réveille doucement, bercé par le chant d’un oiseau exotique dont j’ignore le nom et même l’apparence. Une légère brise marine vient caresser mon corps encore marqué par la chaleur de la nuit. Mes mouvements réveillent celle qui a partagé mon lit cette nuit. Elle se tourne vers moi et je peux détailler ses fins traits de blonde suédoise. Sa peau ne présente aucune imperfection et son visage aucun signe de fatigue malgré la nuit mouvementée que nous venons de passer. Je ne suis pas du genre à me vanter mais je crois qu’elle n’est pas prête d’oublier ma prestation cinq étoiles avec un menu quatre services.

Je me souviens l’avoir repérée alors qu’elle sirotait un Bloody Mary au bar de l’hôtel Alizé. Sa longue robe sombre et son chignon serré me susurraient que j’avais affaire à une meneuse d’hommes, une femme de pouvoir et pas une gratte-papier de bas étages. Son décolleté profond et son rouge à lèvres écarlate me signifiaient, quant à eux, qu’elle était à la recherche d’un homme, un mâle, un vrai, pour la soirée. C’était son soir de chance car je postulai pour cet emploi en CDD dès que mes fesses se sont posées sur le tabouret à côté d’elle. Mon intuition ne m’avait pas trompé. Je découvris donc qu’elle avait un prénom, même s’il m’échappe maintenant, originaire de la patrie des grands constructeurs de meubles en kit, qu’elle était chef consultante dans une grosse boîte américaine et surtout qu’elle était libre et ouverte à toute proposition équitable. De verres en verres, nos échanges se firent plus grivois, ce qui ne fut pas pour me déplaire. Juste avant le coma éthylique, nous décidâmes de rejoindre une chambre, la mienne en l’occurrence. Nous testâmes ainsi la résistance de la literie et l’insonorisation des murs.

Ma conquête s’éveille enfin, me sourit et susurre un merci. Une douche efface les dernières traces de fatigue, de sueur et de toutes productions corporelles. Un groom classieux, avec un badge « Igor » sur le sein droit, entre avec un plateau garni de viennoiseries, fruits, produits lactés, café et thé. Le petit déjeuner nous est servi sur la terrasse de la chambre qui offre une vue sur la plage privée.

Tout en sirotant mon café, mon regard se pose sur le visage de cette femme dont je n’ai plus osé demander le prénom. Elle grignote un croissant à la façon d’un mannequin famélique. La mer qui nous fait face est d’un bleu acier dont les vagues invitent à une délicieuse baignade. L’estomac calé, ce qui est vite fait dans le chef de ma suédoise de compagne temporaire, nous décidons de répondre favorablement à cette invitation. Nous nous ébattons joyeusement dans les flots, tels deux adolescents, lorsque soudain, l’eau se met à bouillonner comme si un géant avait subitement allumé le gaz sous nos pieds. Effrayé, je rejoins la plage. Mais la blonde sculpturale reste étonnamment immobile dans les flots remuants. Son regard devient livide, sa peau se met à se craqueler. Une fissure naît au milieu de sa poitrine nue et s’étend vite jusqu’en haut de son crâne. D’un seul coup, son cuir, tel un manteau usé jusqu’à la corde, se détache de son corps. Elle n’est plus qu’un amas de chair d’un rouge brunâtre tenant à des os d’un blanc brillant sous le soleil dardant de l’été.

Mon attention est détournée de cette vision d’horreur par un bruit assourdissant. Je découvre que les cocotiers qui bordent la plage se mettent à se coucher les uns après les autres, comme si une boule de bowling invisible les avait percutés. Des oiseaux, éjectés violemment de leurs perchoirs naturels, se mettent à tournoyer dans les cieux maintenant obscurcis par de gros cumulus noirs. Les volatiles semblent soudain décider de concert de cesser leur ronde psychédélique pour fondre en ma direction.

Mes vacances paradisiaques viennent subitement de se transformer en film d’Hitchcock. Je me mets à courir en direction de ma chambre, ne m’occupant plus du corps meurtri de Madame ou Mademoiselle X, ni des cocotiers devenus simples quilles. Je ressens les premiers coups de bec lorsqu’une main vient violemment gifler ma joue. Mes yeux, que je protégeais jusque là de la crevaison, s’ouvrent et je découvre une salle à la pâle luminosité. Un homme, ressemblant étrangement au groom, me fait face. Il tient dans ses mains une sorte de casque intégral qu’il place délicatement sur un support métallique.

– Désolé Monsieur, avec un fort accent russe, nous avons dû arrêter votre programme plus tôt que prévu.
– Vous avez bien fait. Ça devenait affreux. J’avais demandé « île paradisiaque pour célibataires » et non « île de l’horreur pour sado-maso ». Que s’est-il passé ? J’ai payé assez cher pour le savoir…
– Un virus a été introduit dans l’unité centrale par un groupe d’activistes qui se fait appeler « vacances virtuelles pour tous. »
– Il vous reste encore des places quelque part, même Disneyland ?
– Non, toutes les destinations sont atteintes. Il ne reste que les vacances par injection.
– C’est dans les vieilles marmites que l’on fait les meilleures soupes. Les anciennes méthodes, y’a que ça de vrai ! Envoyez la sauce, jeune homme des Carpates, et projetez-moi au septième ciel encore deux jours.
– Le client est roi !

Posté le : 05/10/2014 13:12
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Re: Défi du 04/10/2014
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Salut Couscous,
Je suis sur le cul tellement c'est réussi. Tu as facilement endossé mon style, le magnifiant de ta finesse féminine, mettant en exergue mes thèmes favoris et surtout le récit est très visuel.
Tu vois, la SF ne demande pas de connaissances techniques.
Bravissimo ma belge amie.
Bisous sucrés et lysergiques.
Donald
PS: Je n'ai pas encore écrit la réponse au défi en version 'à la mode de Couscous' mais c'est prévu.
PS2: Je te refais un bisou parce que vraiment tu as trop assuré.

Posté le : 05/10/2014 18:37
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Re: Défi du 04/10/2014
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Ouh ouh, je rougis sous tes bisous tout doux et sucrés...

Merci, j'ai eu peur de faire plus Mickey que Donald, tu me rassures !

J'attends ton texte avec impatience...

Bisous aussi

Couscous

Posté le : 05/10/2014 19:12
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Re: Défi du 04/10/2014
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Chose promise, chose due.
Le défi du 4 octobre, une version alternative ou quand Donald écrit à la mode Couscous.
Je sais, j'ai un peu triché. Nananère !

Le Hurlu a la berlue


« Vivent les allumoirs ! » chantaient des enfants sur la Grand-Place. Je n'y croyais pas, il fallait que ça m'arrive à moi, pour ma première fois dans cette ville du Hainaut où j'avais rendez-vous. Et voilà qu'ils dansaient autour de moi, à tue-tête. Et d'abord, qu'est-ce que c'était un allumoir ?

Je savais bien qu'il y avait anguille sous roche.
Tout ça pour Delphine. Ah, Delphine ! Rien qu'à penser à ce petit bout de femme énergique, j'en avais les larmes aux yeux. Rien ne me prédisposait à la rencontrer. J'étais tranquillement dans une galerie de Bruxelles, à promener mes grands pieds en quête d'un cadeau pour un collègue de travail. Et puis, patatras, je vois cette brune aux yeux bleus Mer du Nord, à la chevelure désordonnée, assise sur sa chaise en face d'une petite table où s'amassaient des tas de bouquins. Mais qu'est-ce qui m'avait pris d'aller voir ce qu'elle faisait là ? La curiosité ? La bêtise ? Arielle, mon ex, me dirait, dans sa méchanceté légendaire, que c'était un peu des deux, avec une inclinaison naturelle vers la seconde. « Le monde est plein de polissons. » disait ma logeuse dès qu'elle croisait Arielle.

De quoi parlais-je, déjà ? Alzheimer me guette, Arielle me l'avait bien dit, je deviens maboul, zinzin, je travaille du chapeau. En même temps, eh eh, Arielle est plus vieille que moi, alors elle jouera au bingo avant moi, avec ses collègues de la maison de retraite à Plouezennec sur Bozon.

Delphine, voilà ! Je m'étais dirigé vers elle et je lui avais posé un regard ténébreux à la mode Dracula le jour d'Halloween entre deux chopines de jus de potiron.
— Qu'est-ce que vous faites là, jolie madame ?
— Je colorie des livres, monsieur le curieux.
— Et c'est un métier, ça, colorier des livres ?
— Oui et même une tradition séculaire dans mon Hainaut natal.
— Et on gagne sa vie avec ça ?
— Tout dépend du nombre de livres. Vous n'êtes pas d'ici, vous, allez.
— Non, je suis de Paris. A quoi l'avez vous deviné ?
— A vos grands pieds.

Et voilà ! J'étais tombé dans la toile de ma tentatrice belge. Mon cœur battait la chamade. J'avais envie de lui chanter du Jacques Brel et de la prendre dans mes bras.
— Vous me permettez de m'asseoir ?
— Vous voulez m'aider à colorier ?
— Pas spécialement mais si vous insistez.
— Vous avez apporté vos crayons de couleurs ?
— Zut ! Je les ai oubliés dans mon pupitre.
— Vous ne faites pas votre âge.
— C'est trop gentil, ça.
— Vous avez une bonne tête. On ne vous l'a jamais dit ?
— Non. Je croyais qu'on gardait cette expression pour les gentils toutous.
— Pourquoi, vous n'êtes pas gentil ?
— Si. Je crois. Ma maman me le disait en me caressant la joue et après j'avais un bonbon.
— Vous donnez l'impression d'être un chic type.
— Merci.
— Que faites vous de beau à Bruxelles ?
— Je cherche un cadeau pour l'un de mes collègues.
— Il doit être important ce collègue pour venir de Paris lui acheter un cadeau.
— En fait, pas tant que ça. J'étais en voiture et je me promenais dans l'Oise et puis soudain je me suis dit : pourquoi pas pousser un peu plus loin ?
— Et vous vous êtes laissé emporter par vos rêves.

Exactement ! Delphine avait lu dans mon âme. Elle me comprenait, elle, pas comme l'autre blonde d'Arielle qui faisait toujours semblant de m'écouter en comptant ses chaussures dans son placard.
Comment n'aurais-je pas craqué pour cette adorable petite Belge, avec son accent d'un autre temps, sa robe à fleurs et ses coloriages ?

J'aurais pu rester des heures à la regarder mettre des couleurs dans des images.
— Vous avez un nom, je suppose, homme aux grands pieds ?
— Oui, que je suis impoli. Je m'appelle Donald.
— Comme c'est joli. Et vous avez trois neveux ?
— On me l'a déjà faite celle là.
— Désolée. Des fois, j'avoue, je suis facile. Ne le prenez pas mal, mon cher Donald.
— Et vous, comment vous ont prénommée vos parents ?
— Dites donc, Donald, est-ce une question à poser à une jeune fille ?
— Oui, quand on veut l'inviter à dîner.
— Je choisis le restaurant alors.
— Banco.
— Bingo.
— Loto.
— Olé.
— Eh, Donald, vous avez perdu, ça ne termine pas en 'o'.
— J'avais envie de dire ça.
— On se voit à vingt heures ?
— Parfait.

J'étais aux anges. Je m'étais levé, léger comme l'air, ivre d'amour, et tout ça tout ça comme dirait ma logeuse.
— Vous n'avez pas envie de savoir où nous allons dîner, Donald ?
— J'allais consulter une voyante pour avoir l'adresse exacte mais après mure réflexion, c'est mieux si vous me le dites maintenant. D'accord, ça tue un peu le romantisme mais nous en rirons dans quelques années, au coin du feu, dans notre maison de campagne au bord du Lac Léman.
— Je vous croyais parisien, Donald.
— Oui mais il n'y a ni lac ni campagne à Paris et les rares maisons sont squattées par des gothiques.
— Vu comme ça.
— Alors, dans quel endroit fantastique allons nous profiter de nos agapes nocturnes ?
— Vous parlez vraiment bien Donald. Je vais avoir du mal à colorier vos paroles.
— Excusez moi. Je m'emballe et quand mon cœur d’artichaut bat la chamade je deviens lyrique.
— Vous chantez aussi l'opéra italien ?
— Oui, parfois. Ma logeuse dit que ça nuit au voisinage et elle vient taper à ma porte.
— Elle est bien effrontée cette logeuse.
— Elle est blonde.
— Je comprends mieux.
— Revenons à nos boutons comme disent les adolescents. Où dois-je piloter mon carrosse pour vous rejoindre, ô colorieuse divine ?
— Je vous écris l'adresse sur un bout de papier rose. C'est dans ma province natale, le Hainaut. Il y a une belle ville appelée Mouscron et le restaurant se trouve sur la Grand-Place. Vous ne pouvez pas le rater. Sinon, rentrez l'adresse dans votre GPS.
— Mon GPS ne fonctionne pas bien.
— Comment est-ce possible ?
— Je l'ai prêté à une amie qui se perdait tout le temps. Quand elle me l'a rendu, il parlait normand.
— Ils sont fous ces Normands !
— En plus, il confondait le Nord avec le Sud, l'Est avec l'Ouest et le périphérique avec la Seine.
— C'est une explication moins poétique à votre arrivée dans Bruxelles.
— La science ne connaît pas la poésie, malheureusement.

La suite aurait du m'alerter. Le problème avec le coup de foudre, c'était qu'il ne faisait pas bon ménage avec le rationnel. Et comme aurait dit ma logeuse : « Faut pas croire, faut être sûr ! ».
— Donald, je dois vous dire quelque chose d'important.
— Vous êtes mariée ?
— Non.
— Vous trouvez que j'ai de trop grands pieds ?
— Eh eh, ça c'est plutôt bon signe si on en croit le dicton populaire.
— Lequel ?
— Donald ! Est-ce une question à poser à une jeune fille après lui avoir extorqué un rendez-vous ?
— Je suis confus. Là ! Bon, de quoi voulez vous me parler ?
— Ce restaurant est fameux à Mouscron et fort fréquenté. Je vais réserver une table pour deux mais vous devrez vous soumettre à une tradition.
— Un bizutage ? Dois-je faire le tour de la place en vélo avec une bière dans chaque main ?
— Non. Quelque chose de beaucoup plus classieux. Ça va vous plaire. Il s'agit de vêtements.
— Allez y, je n'ai pas peur. J'ai été punk, gothique, grunge, yuppie et j'en passe des pires.
— Je vais vous donner l'adresse d'un loueur de costume près d'ici. Vous lui demanderez une tenue de Hurlu. C'est plutôt tendance à Mouscron.
— A quoi ça ressemble ?
— A du steam-punk. Vous serez à l'aise, surtout avec le chapeau.
— Topez-là ma chère. Considérez la chose faite.
— A ce soir Donald. J'ai hâte de vous revoir.
— Moi aussi.
— Je m'appelle Delphine.
— Moi c'est Donald.
— Je sais, vous me l'avez déjà dit.
— C'est l'émotion, Delphine.
— Donald !
— Delphine !
— Ça va !

Vous le croyez ça ! Je débarquais à Bruxelles, sur une bête erreur d'aiguillage liée à ce foutu GPS et hop, d'un coup, d'un seul, je me retrouvais en face de l'ineffable Delphine, la reine du coloriage, à lui servir mon boniment à la mode parisienne. Selon les statistiques, j'avais autant de chance d'en arriver là que le pape Benoît Seize de se fumer un pétard de jamaïcaine.
« Quand il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir ! » ne cessait de dire ma logeuse quand j'hésitais. Autant dire que je n'avais pas réfléchi une minute et je m'étais lancé à la recherche de ce magasin où le vendeur m'avait fourni la tenue de Hurlu. La totale ! Il m'avait fourgué les chaussures à ma taille, le chapeau, le costume et la chemise. J'avais quand même refusé le caleçon parce que le modèle kangourou était inconfortable. Je m'étais étonné à plusieurs reprises de son regard amusé et surtout de celui des autres clients mais quand j'avais demandé la raison de leur sourire ils m'avaient tous répondu que c'était dans la nature belge d'être toujours joyeux et que nous les Français on ferait bien d'en prendre de la graine.
Sur la route, au volant de ma belle voiture allemande, achetée à prix d'or pour frimer devant Arielle, je m'étais arrêté à une station-service pour remplir le réservoir. Le pompiste, encore un imbécile heureux, n'avait cessé de rigoler en me servant le diesel.

Et voilà ! Pas de Delphine à l'horizon, juste d'affreux marmots qui me braillaient dans les oreilles leur chanson à deux balles. «  Vivent les allumoirs, ma mère, vivent les allumoirs ! » chantaient ils, bientôt rejoints par des adultes habillés de toutes les couleurs.

Posté le : 10/10/2014 19:00

Edité par Donaldo75 sur 11-10-2014 09:12:38
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Re: Défi du 04/10/2014
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Donald,

Je suis conquise ! Mais c'est une déclaration d'amour que tu me fais là.... Je suis toute rouge. Pour la robe à fleurs, c'est raté. Tu aurais dû plutôt évoquer un sari. Comment sais-tu que j'adore le coloriage ?
Je vois que tu as fait des recherches sur le folklore de mon village.
Une question donc : 'quelles sont les couleurs des hurlus ?'

Les dialogues sont piquants comme je les aime.
C'est une totale réussite.
Méfie-toi d'Arielle. Tu as lu son dernier texte. Si elle te rend visite, tu vas passer un sale quart d'heure...
Tu as gagné une invitation au plus vieux resto de Mouscron qui s'appelle 'la cloche'. Tu trouveras l'adresse sur notre ami Google.

Gros bisous et merci pour ce bel hommage

Couscous

Posté le : 11/10/2014 07:22
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Re: Défi du 04/10/2014
Plume d'Or
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Delphine a raison Donald méfie toi de la vengeance de l'ange Ariel. Non seulement tu me tues ma Clothilde (avec un H s'il te plaît), mais en plus tu me traites de vieille, j'en passe et des meilleures !

Vous m'avez épatés tous les deux, et vos textes sont remarquables. Je serais bien incapable d'écrire dans vos styles respectifs. Je me suis bien amusée en vous lisant tous les deux.

Je poste mon texte dès qu'il sera fini. Désolée mais ce sera du style arielleffe.

Posté le : 11/10/2014 08:51
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Re: Défi du 04/10/2014
Plume d'Or
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J'en tremble d'avance, Arielle !
Je n'ai pas mis de 'h' à Clotilde parce qu'elle est assez dangereuse comme ça; inutile de lui donner des armes.
Si tu viens me voir, mets ton costume de walkyrie, c'est celui que je préfère (parce que la tenue de motard, c'est pas très tendance à Paris), surtout avec ton casque viking.

Je t'ai vu en sari sur une photo et ça te va très bien, Delphine. Pour la belgitude du texte, j'ai revue ta garde-robe et je l'ai adaptée à ce que j'ai observé lors de mon dernier passage dans le plat pays. C'est aussi ça la petite touche personnelle que j'aime bien apporter.
La réponse à la question sur la couleur du hurlu: vert, évidemment !

Bon, je vais rendre le costume au loueur et j'attends avec impatience la réponse d'Arielle, la blonde au GPS (initialement j'avais écrit sculpturale blonde mais je ne voulais pas affoler le fan club d'Effe en Normandie) qui réussit à faire parler normand les appareils électroniques.

A bientôt pour de nouvelles aventures sur les ondes wallonnes de nos rêves francophones.

Donald.

Posté le : 11/10/2014 19:02
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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