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Jules Barbey D'Aurevilly
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Le 2 novembre 1808 naît Jules Amédée Barbey d’Aurevilly,

à Saint-Sauveur-le-Vicomte, en Normandie, écrivain français, mort, à 80 ans le 23 avril 1889 à Paris. Surnommé le Connétable des lettres, il a contribué à animer la vie littéraire française de la seconde moitié du XIXe siècle. Il a été à la fois romancier, nouvelliste, essayiste, poète, critique littéraire, journaliste, dandy, et polémiste.Il appartient au mouvement réalisme, fantastique, surnaturalisme, dandysme, ses Œuvres principales sont, Les Diaboliques, L'Ensorcelée, Une vieille maîtresse, Le Chevalier Des Touches, Un prêtre marié, il est entouré de Charles Baudelaire, Honoré de Balzac et Guillaume-Stanislas Trébutien
Né au sein d’une ancienne famille normande, Jules Barbey d’Aurevilly baigne dès son plus jeune âge dans les idées catholiques, monarchistes et contre-révolutionnaires. Un moment républicain et démocrate, Barbey finit, sous l’influence de Joseph de Maistre, par adhérer à un monarchisme intransigeant, méprisant les évolutions et les valeurs d’un siècle bourgeois. Il revient au catholicisme vers 1846 et se fait le défenseur acharné de l’ultramontanisme et de l’absolutisme, tout en menant une vie élégante et désordonnée de dandy. Il théorise d'ailleurs, avant Baudelaire, cette attitude de vie dans son essai sur le dandysme et George Brummell. Ses choix idéologiques nourriront une œuvre littéraire, d’une grande originalité, fortement marquée par la foi catholique et le péché.
À côté de ses textes de polémiste, qui se caractérisent par une critique de la modernité, du positivisme ou des hypocrisies du parti catholique, on retient surtout, même s'ils ont eu une diffusion assez limitée, ses romans et nouvelles, mélangeant des éléments du romantisme, du fantastique, ou du surnaturalisme, du réalisme historique et du symbolisme décadent. Son œuvre dépeint les ravages de la passion charnelle, Une vieille maîtresse en 1851, filiale, Un prêtre marié, 1865 ; Une histoire sans nom, 1882, politique, Le Chevalier des Touches, 1864 ou mystique, L’Ensorcelée, 1855. Son œuvre la plus célèbre aujourd'hui est son recueil de nouvelles Les Diaboliques, paru tardivement en 1874, dans lesquelles l’insolite et la transgression, plongeant le lecteur dans un univers ambigu, ont valu à leur auteur d’être accusé d’immoralisme.
Son œuvre a été saluée par Baudelaire et plusieurs écrivains ont loué son talent extravagant, notamment à la fin de sa vie, mais Hugo, Flaubert ou Zola ne l'appréciaient pas. Ses héritiers ont pour nom Léon Bloy, Joris-Karl Huysmans, Octave Mirbeau ou Paul Bourget et sa vision du catholicisme exercera une profonde influence sur l’œuvre de Bernanos

En bref

On ne peut aisément situer ni définir Barbey d'Aurevilly. Par les dates de sa vie, il touche aux deux mouvements littéraires extrêmes du XIXe siècle, le romantisme et le symbolisme ; il semble prolonger l'un et, par certains aspects de son œuvre, annoncer l'autre. Personnage contradictoire, il a laissé de soi une image complexe, ou plutôt des images opposées dont la critique a quelque peine à tirer un portrait : celle d'un dandy un peu ridicule, celle d'un critique brutal et dogmatique, appuyant ses condamnations violentes sur un catholicisme étroit, celle d'un romancier régionaliste, attiré par le passé de sa Normandie natale et par la chouannerie qui flatte son royalisme, celle aussi d'un créateur qui pousse ses personnages aux limites de la révolte, du satanisme et du blasphème.
Jules Barbey d'Aurevilly est né le 2 novembre 1808, à Saint-Sauveur-le-Vicomte, petite ville du Cotentin. S'il ne descendait pas, comme on l'a longtemps prétendu, de Louis XV, il appartenait à une famille aisée, très officiellement anoblie vers le milieu du XVIIIe siècle. La Révolution avait brusquement interrompu cette ascension sociale. L'enfant vécut au milieu des rêves, des regrets et des rancœurs. La Restauration même parut tiède à de tels royalistes qui s'enfermèrent dans leur mauvaise humeur. Des études traditionnelles et assez sérieuses, une licence de droit faite à Caen sont les concessions qu'il fait à sa famille. En 1833, il se libère grâce à un petit héritage, et vient s'installer à Paris. L'héritage dilapidé, il tentera de se faire une place dans la littérature ; il lui faudra plus de quinze ans pour connaître son premier succès, avec la publication simultanée d'un pamphlet, Les Prophètes du passé, et d'un roman, Une vieille maîtresse. C'était en 1851 ; il avait déjà collaboré à divers journaux, pour des articles politiques ou de la critique littéraire ; il mène alors une vive campagne en faveur du rétablissement de l'Empire. L'année suivante, il entre au Pays, journal officieux dont il rédigera le feuilleton littéraire pendant plus de dix ans. Son bonapartisme était du royalisme résigné, son catholicisme intransigeant irritait ; il se maintint non sans difficulté dans ce journal jusqu'à 1862. Les années qui suivent le rejettent à l'agitation : il collabore à de « petits journaux », généralement d'opposition, Le Figaro, Le Nain jaune, Le Parlement... publiant de la critique, des feuilletons de théâtre, des articles polémiques (Les Médaillons de l'Académie, Les Ridicules du temps, Les Vieilles Actrices...). Son œuvre romanesque se développe parallèlement : L'Ensorcelée, 1852 ; Le Chevalier des Touches, 1863 ; Un prêtre marié, 1864. Après la mort de son grand ennemi, Sainte-Beuve, il est chargé de la critique littéraire au Constitutionnel. La vie s'apaise, la violence profonde demeure, dans de nouvelles polémiques politiques en 1872, en 1880 ; dans l'œuvre romanesque : Les Diaboliques, publiées en 1874, sont déférées au Parquet, le procès évité non sans peine. Dans les dernières années de sa vie, la réputation et l'autorité lui sont enfin venues. Autour de celui que quelques-uns appellent « le Connétable des lettres » se réunissent de jeunes écrivains, des amis, ou simplement des admirateurs : Léon Bloy, Paul Bourget, Peladan, Jean Lorrain, Rollinat... Les dernières heures sont tristes, et bien connues : la baronne de Bouglon, l'Ange blanc, à qui, trente-cinq ans plus tôt, d'Aurevilly s'était fiancé, dispute l'héritage de l'écrivain à Louise Read, secrétaire et amie des dernières années.

Sa vie

Jules-Amédée Barbey naît le 2 novembre 1808, le jour des Morts, à Saint-Sauveur-le-Vicomte, commune française située dans le département de la Manche et la région Basse-Normandie. Jules est l’aîné d'une fratrie de quatre enfants : Léon né en 1809, Édouard né en 1810, Ernest né en 1811. Son père Théophile Barbey appartient à une famille dont la présence à Saint-Sauveur est attestée dès la fin du XIVe siècle. La famille Barbey accède à la noblesse en 1756, lorsque Vincent Barbey, avocat au bailliage de Valognes, acquiert une charge. Sa mère Ernestine Ango, issue d’une famille de bonne bourgeoisie installée à Caen au XVIe siècle est la fille du dernier bailli de Saint-Sauveur.
L’enfance de Barbey se déroule entre Saint-Sauveur, Valognes et le bord de mer à Carteret, dans une atmosphère conservatrice et ultra : la Révolution a durement touché les deux familles. Les Barbey vivent dans l’attente du retour à la monarchie, au milieu des souvenirs et des vieilles coutumes normandes. Jules grandit entre une mère peu aimante et un père austère. Il est attentif aux récits de coin du feu de sa vieille bonne Jeanne Roussel et de Louise Lucas-Lablaierie, sa grand-mère : les exploits plus ou moins mythiques de son oncle le chevalier de Montressel, qui se serait illustré lors des guerres de la chouannerie, impressionnent l’enfant.

Les années de formation

En 1816, l’admission de Jules est refusée à l'école militaire. Il poursuit ses études au collège de Valognes. En 1818, il habite chez son oncle le docteur Pontas-Duméril, un esprit libéral qui encourage l’émancipation intellectuelle et morale de son neveu - dans les Diaboliques, Barbey peindra son oncle sous les traits du docteur Torty. Cet ancien maire de Valognes attise son imagination lorsqu’il lui confie les détails intimes et croustillants des personnalités de la ville - le dessous des cartes de la haute société valognaise. Son cousin Edelestand du Méril, un poète et philosophe érudit, lui communique son admiration pour Walter Scott, Lord Byron, Robert Burns, ainsi que son goût pour l’histoire et la métaphysique.
En 1823, Barbey compose sa première œuvre, une élégie Aux héros des Thermopyles, dédiée à Casimir Delavigne et qu’il publie l’année d’après. Il compose dans la foulée un recueil de vers, qu’en 1825 il brûle de dépit faute d’avoir pu l’éditer. En 1827, il entre en classe de rhétorique au collège Stanislas à Paris. Il y rencontre Maurice de Guérin avec lequel il noue une amitié. Après son baccalauréat en 1829, il rentre à Saint-Sauveur la tête pleine d’idées politiques et religieuses nouvelles, contraires à celles de sa famille. Il souhaite ardemment, contre la volonté de son père, entamer une carrière militaire mais il cède et accepte de faire son droit à l'université de Caen. À la mort de son oncle Jean-François Barbey d’Aurevilly, il refuse temporairement, par conviction républicaine, de reprendre la particule.

L’élan romantique de la jeunesse

Vers 1830, Barbey rencontre Guillaume-Stanislas Trébutien, libraire à Caen et correspondant essentiel, et tombe amoureux de Louise du Méril, la femme de son cousin Alfred. Leur liaison est incertaine et c’est pour Barbey l’époque de sa vie la plus malheureuse. Il est alors très marqué par l’influence des romantiques. En 1831, il écrit sa première nouvelle Le Cachet d’Onyx, inédite jusqu’en 1919, et dont il réutilisera le dénouement dans Un dîner d’athées, puis Léa en 1832, publiée dans l’éphémère Revue de Caen qu’il a fondée avec Trébutien et Edelestand du Méril.
En juillet 1833, Barbey soutient sa thèse, Des causes qui suspendent le cours de la prescription, puis s’installe à Paris où il retrouve Maurice de Guérin. Il fonde en 1834 une Revue critique de la philosophie, des sciences et de la littérature avec Trébutien et du Méril, où il publie pendant quelques mois des articles de critique littéraire. Il retourne à Caen en décembre dans l’espoir de revoir Louise et écrit là-bas en une nuit La Bague d’Annibal, poème en prose d’inspiration byronienne, qui ne trouve acquéreur qu’en 1842. En 1835, il compose un autre poème en prose, Amaïdée, publié en 1889, et un roman, Germaine ou La Pitié, qui deviendra Ce qui ne meurt pas en 1883. En 1836, il rédige les deux premiers Memoranda à l’intention de Guérin et rompt avec sa famille.

Le dandy : Sardanapale d’Aurevilly

De retour à Paris, Barbey vit sur l’héritage de son oncle et rêve d’une carrière politique en lisant nombre d’ouvrages historiques. Il collabore au Nouvelliste, un journal politique, rencontre Hugo et se lie avec Eugénie de Guérin - la très dévote sœur de Maurice. Ses ambitions mondaines l’amènent à composer un personnage de parfait dandy : il s’applique à se froidir, se perfectionne dans l’art de la toilette, fréquente Roger de Beauvoir et le café Tortoni, cultive l’ironie, l’art de l’épigramme et le mystère. Il mène une vie désordonnée : il se jette dans les fêtes et les plaisirs, les soirées noyées dans l’alcool et enchaîne les passades. Il consomme du laudanum pour s’endormirnote 11 et ses amis le surnomment Roi des ribauds ou encore Sardanapale d’Aurevilly.
Rouge aux lèvres, rose sur les joues, les cheveux teints passant du noir au bronze suivant la date de la teinture, des bagues à la main, un corps massif sanglé dans une redingote juponnée, cravate verte et gilet diapré, Barbey d'Aurevilly surprit ses contemporains. Mais son œuvre, singulièrement originale, étonne encore, pour autant que, en dépit de ses artifices et de ses effets voulus, elle unit l'éclat de l'imagination à la richesse d'un verbe romantique et raffiné.

Du dandysme et de George Brummell.

Ses causeries spirituelles lui valent de nombreuses conquêtes et lui ouvrent les portes des salons - il fréquente avidement celui de la marquise Armance du Vallon, qu’il entreprend de séduire. Cette bataille l’occupe quotidiennement pendant quelques mois, sans succès : elle se révèle plus dandy que lui. Elle lui inspire une longue nouvelle, L’amour impossible, tragédie de boudoir publiée en 1841 et qui passe inaperçue. La mort de Guérin en 1839 l’affecte profondément. Il fréquente le salon à tendance catholique et légitimiste de la baronne Amaury de Maistre, nièce par alliance de Joseph de Maistre, et en 1842 il collabore au Globe, un journal politique qui publie sa Bague d’Annibal remaniée. On le détache à Dieppe, faire campagne pour le baron Levavasseur, armateur à la fortune considérable, et qui possède des parts dans le journal. En 1843 il collabore au Moniteur de la Mode sous le pseudonyme de Maximilienne de Syrène et commence son étude sur George Brummell. Il entretient une liaison avec une mystérieuse Vellini, la future héroïne d'Une vieille maîtresse. Du dandysme et de George Brummell paraît en 1845, édité à une trentaine d’exemplaires. L’œuvre est un succès de salon. Il commence un autre ouvrage sur le dandysme, le Traité de la princesse, manuel de séduction sous forme d’aphorismes, inspiré du Prince de Machiavel. Il le reprendra souvent pour l’enrichir mais l’ensemble restera inachevé.

Le retour à l’enfance et au catholicisme

Après une tentative infructueuse pour collaborer à la Revue des deux Mondes, puis au Journal des Débats, Barbey passe les années 1845/46 à sa Vieille maîtresse. Il en compose la moitié avant de connaître une panne d’inspiration passagère. Fin 1846 il voyage dans le centre de la France en quête de fonds pour un projet de Société catholique. Il passe un mois dans le Forez, à Bourg-Argental, théâtre de la future Histoire sans nom, et réapparaît assagi à la fin de l’année : même s’il ne pratique pas encore, la lecture de Joseph de Maistre, sa rencontre avec Eugénie de Guérin, ses échanges avec son frère Léon Barbey d’Aurevilly, qui a embrassé la prêtrise, ont amorcé sa conversion. La lecture des Docteurs du jour devant la famille de Raymond Brucker, paru en 1844, et dans lequel l’auteur raconte son propre retour au catholicisme, a pu aussi jouer un rôle important. Le retour au catholicisme lui renouvelle l’inspiration : l’écrivain de 38 ans qui sent au même moment resurgir le passé lointain et les impressions de l’enfance reprend son roman dans de nouvelles dispositions. Il place la seconde partie non plus à Paris mais en Normandie, dans le Carteret de sa jeunesse.
La Revue du Monde catholique, journal ultramontain dont il est rédacteur en chef, l’occupe constamment en 1847. Il achève son roman à la fin de l’année, mais ne peut le publier : la Révolution de 1848 perturbe les délais de parution. Dans la confusion qui suit les journées de février, il tente de s’adapter à la nouvelle situation et va jusqu’à présider un club d’ouvriers durant quelques semaines. La revue cesse de paraître et Barbey, écœuré par le présent, se retire dans la solitude pour préparer des œuvres très différentes, mais toutes en rapport avec le passé. Il passe le reste de l’année et une partie de 1849 à lire et se documenter. Il révise Une vieille maîtresse, en même temps qu’il prépare un grand article sur Jacques II Stuart et Les prophètes du passé - essai de philosophie politique sur Joseph de Maistre, Louis de Bonald, François-René de Chateaubriand, Félicité de Lamennais et Antoine Blanc de Saint-Bonnet - ces hommes supérieurs « qui cherchent les lois sociales là où elles sont, c’est-à-dire dans l’étude de l’histoire et la contemplation des vérités éternelles. Il conçoit dans sa retraite le plan d’une série de romans au titre d’ensemble Ouest - il veut être le Walter Scott de la Normandie. Ricochets de conversation : Le dessous de cartes d’une partie de whist, la première des Diaboliques, est publiée en 1850.

Le critique littéraire et le romancier

En 1851 paraissent simultanément Une vieille maîtresse et Les Prophètes du passé - œuvres très contrastées qui étonnent la critique : on comprend mal que le même écrivain livre en même temps un pamphlet catholique et monarchiste et un roman de mœurs aux pages sensuelles et passionnées. La parution d’Une vieille maîtresse est l’occasion de soulever le problème du roman catholique, de la morale et de l’art. La même année Barbey rencontre chez Mme de Maistre Françoise Émilie Sommervogel, baronne de Bouglon, veuve du baron Rufin de Bouglon. Celle qu’il surnomme l’Ange blanc va dominer sa vie pour les dix années à venir. Elle trouve le talent de son fiancé trop féroce: il se modère pour Le Chevalier des Touches, roman historique sur un héros chouan, commencé l’année suivante. Il rentre au Pays, un journal bonapartiste, en 1852. Au départ il s’y occupe de critique littéraire en attendant de se voir confier une chronique politique. Il restera 10 ans à cet office. L'Ensorcelée, l’histoire du retour à son village d’un prêtre chouan défiguré par une tentative de suicide, est publiée cette même année en feuilleton puis en volume en 1854, mais passe inaperçue. Baudelaire toutefois considère ce roman comme un chef-d’œuvre. Les deux hommes se rencontrent à cette époque. Il publie aussi des Poésies. En 1855, Barbey se tourne vers la pratique religieuse. Il publie avec Trébutien les Reliquiae de son amie Eugénie de Guérin, décédée en 1848 et commence Un prêtre marié, roman frénétique mettant en scène un prêtre impie et sa fille. En 1856, à l’occasion d’un voyage en Normandie et de sa réconciliation avec ses parents, il écrit le troisième Memorandum. Il publie une critique audacieuse contre Les Contemplations de Victor Hugo, gloire intouchable.
Par ses articles, il contribue à faire découvrir Stendhal et à réhabiliter Balzac. Il défend également Les Fleurs du mal de Baudelaire et consacre à Madame Bovary de Flaubert une critique favorable mais sévère. Il déclare son goût pour les romantiques et n’hésite pas à tailler en pièces le réalisme, le naturalisme et les parnassiens : Champfleury, Jules et Edmond de Goncourt, Banville, Leconte de Lisle, et plus tard Émile Zola figurent parmi ses cibles. En 1858, il fonde Le Réveil, un journal littéraire, catholique et gouvernemental. Les articles qu’il publie lui valent des inimitiés : Sainte-Beuve, Pontmartin, Veuillot. Il fait encore parler de lui avec Une vieille maîtresse : l’œuvre est rééditée et crée le scandale.
En 1860, il s’installe au 25, rue Rousselet à Paris, qui sera jusqu’à sa mort son tournebride de sous-lieutenant, et publie le 1er volume des Œuvres et les hommes, vaste ensemble de recueils critiques où il entend juger la pensée, les actes et la littérature de son temps. En 1862, ses articles contre Les Misérables créent le scandale. Il quitte Le Pays à la suite d’un autre article contre Sainte-Beuve et part quelques mois travailler à ses romans chez Mme de Bouglon à la Bastide-d’Armagnac. En 1863, une chronique au Figaro qui ridiculise Buloz et la Revue des deux Mondes lui vaut un procès. Il persévère et s’en prend à l’Académie en publiant dans le Nain jaune les Quarante médaillons de l’Académie, pamphlet contre les membres de l’Institut. Le Chevalier des Touches paraît la même année, Un prêtre marié paraît l’année suivante. Le dernier Memorandum est composé en 1864, à l’occasion d’un voyage à Saint-Sauveur.
En 1865, il quitte définitivement Le Pays et retourne au Nain jaune, devenu démocrate et anticlérical. Ses opinions sont diamétralement opposées à celles du journal, mais on le laisse libre de ses propos. Il y publie les Ridicules du temps et des articles de critique dramatique. Cette collaboration dure quatre ans. En 1867, il rencontre Léon Bloy, qui devient rapidement son disciple. En 1869, il entre au Constitutionnel où il s’occupera jusqu'à sa mort de critique littéraire. Les années suivantes, il alterne vie parisienne et séjours plus ou moins prolongés en Normandie. Paul Bourget raconte qu'il ne gagna alors rien de plus que les 500 francs par mois pour ses articles au Constitutionnel. À la fin du siège en 1871, il retourne à Valognes où il achève Les Diaboliques. Il entretient la flamme polémiste en publiant des articles antirépublicains.

Le connétable des lettres

Les Diaboliques sont publiées en novembre 1874. Les exemplaires sont immédiatement saisis et l’auteur est poursuivi pour « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs, et complicité. Barbey fait intervenir Arsène Houssaye et Gambetta pour éviter le procès. Il accepte de retirer l’ouvrage de la vente et le juge d'instruction conclut au non-lieu. L’œuvre sera rééditée en 1883 avec une préface, ajoutée par précaution. Durant les années qui suivent, il se rapproche de la génération montante : Bloy, Vallès, Daudet, Bourget, Rollinat, Jean Lorrain, Richepin, Péladan, Huysmans, Coppée, Hello, Uzanne, Octave Mirbeau... ainsi que d’écrivains autrefois éreintés : Banville, Hérédia, Taine. Edmond de Goncourt l’inscrit sur une des premières listes de l’Académie des Dix. En 1878, il publie Les Bas-bleus, cinquième volume des Œuvres et les hommes, consacré aux femmes qui écrivent, car les femmes qui écrivent ne sont plus des femmes. Ce sont des hommes - du moins de prétention - et manqués.
En 1879, il rencontre Louise Read, sa dernière amie et celle qui va se dévouer à sa gloire. En 1880, il publie Goethe et Diderot, un pamphlet. Une histoire sans nom, autre roman catholique dans lequel un moine capucin qui prêche l’Enfer croise la route d’une jeune fille innocente et somnambule, paraît en 1882 - c’est un succès. Il collabore au Gil Blas et publie en 1883 deux histoires d’inceste et d’adultère : Retour de Valognes, Une page d’histoire et Ce qui ne meurt pas, un roman écrit presque 50 ans plus tôt.
Il donne également les troisième et quatrième Memorandum. En 1884, il publie des poésies, Les Rythmes oubliés et ses derniers articles de critique - il salue notamment A rebours le roman-manifeste fin de siècle de Huysmans. Malade du foie, il continue de fréquenter les salons de la baronne de Poilly, des Daudet et des Hayem, où ses causeries émerveillent. Il soutient les débuts à la scène de la jeune Marthe Brandès. En 1888, il publie Léa, l’une de ses premières nouvelles, puis Amaïdée en 1889, avant de tomber malade. Il s’éteint le 23 avril 1889. Les circonstances de sa mort vaudront de violentes attaques autour de son testament, Louise Read est instituée légataire universelle, en mai 1891, du journal La France sous la plume du Sâr Joséphin Peladan, et un procès de ce dernier à l’encontre de Léon Bloy et de Léon Deschamps rédacteur en chef de la revue La Plume. La quasi-totalité de la presse d’alors salue la condamnation du Sâr en octobre 1891. L’écrivain normand est inhumé au cimetière Montparnasse avant d’être transféré en 1926 au château de Saint-Sauveur-le-Vicomte. C’est Louise Read qui poursuivra la publication des Œuvres et les hommes.

Les influences et modèles Les modèles romantiques

Dans ses premières œuvres, Barbey imite souvent les romantiques. Son premier poème Aux héros des Thermopyles est dans la manière de Casimir Delavigne, alors le chantre des vaincus, auquel il est dédié. Les modèles lui servent souvent de repoussoir, il crée par opposition : Le cachet d’onyx est inspiré de la jalousie d'Othello, de Julie et des théories de Madame de Staël, Corinne. Germaine ou La pitié, Ce qui ne meurt pas est influencé par Lélia de George Sand, La bague d’Annibal par Musset, Mardoche. Une vieille maîtresse est l’antithèse complète de Adolphe de Benjamin Constant et de Leone Leoni George Sand, à laquelle il emprunte son sujet - l’amour d’une femme pour un amant dont elle découvre peu à peu la dépravation. La lecture de Stendhal en 1839, pendant qu’il compose L’amour impossible, le marque profondément : il admire la sécheresse et la netteté de l’analyse. Les patriotes écossais des Chroniques de la Canongate de Walter Scott lui inspirent vers 1850 l’idée d’une série de romans normands sur la chouannerie, dont le titre collectif devait être Ouest.

Lord Byron

Barbey, dès son plus jeune âge, est un passionné de Lord Byron : Byron et Alfieri, n’ont que trop empoisonné les dix premières années de ma jeunesse. Ils ont été à la fois ma morphine et mon émétique. Byron domine son imagination, aucun écrivain n’aura sur lui une influence aussi profonde : C’est dans Byron que j’ai appris à lire littérairement. Il possède les œuvres complètes et en anglais du poète de Childe Harold, et les connaît à la virgule près.
Les héros de Byron, sombres figures de la Force blessée au cœur, qui ont ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices, l’ensorcellent et influencent les personnages de ses romans : Jehoël de La Croix-Jugan dans l'Ensorcelée, Monsieur Jacques du Chevalier des Touches, Sombreval dans Un prêtre marié.
Le couple de Satan et de l’Ange, thème satanique très présent chez Byron, mais également chez Vigny, Éloa, est récurrent chez Barbey : Jehoël de La Croix-Jugan et Jeanne Le Hardouey, L'Ensorcelée, Hermangarde et Vellini, Une vieille maîtresse, Sombreval et sa fille Calixte, Un prêtre marié. Les personnages de prêtre coupable et impénitent symbolisent la chute de l'ange et Satan. Comme lui, ils pèchent contre l'esprit et choisissent la damnation : La Croix-Jugan, Sombreval, mais aussi le père Riculf (Une histoire sans nom) supportent comme le Manfred de Byron une malédiction et le poids d'une lourde faute.

Joseph de Maistre

Joseph de Maistre est un des plus fermes partisans de la contre-révolution et un ennemi des Lumières. Il soutient l'ultramontanisme, la théocratie et l'absolutisme. Barbey découvre Les soirées de Saint-Pétersbourg vers la fin 1838. Il se délecte de la lecture de cet ouvrage qui coupe la respiration à force d'idées et d'images, à la métaphysique toute puissante. Il lui consacre ensuite une série d'études importantes : Maistre figure au premier rang, avec Bonald, des Prophètes du passé, 1851. Il lui rend hommage lors de la parution en 1853 des Mémoires de Mallet du Pan, puis en 1858 et 1860 lors de la publication de la Correspondance diplomatique, enfin en 1870 lors de la parution de ses Œuvres inédites. Les connivences de Maistre et de Barbey sont à la fois éthique, métaphysique et esthétique.
Sur le plan moral, Maistre fait preuve d'une extrême rigueur dogmatique qui le conduit à légitimer l'Inquisition et à défendre le rôle social du bourreau. Ce goût de la posture provocante et polémique se retrouve chez Barbey. Maistre combat également l'idée, selon lui néfaste à toute critique, de distinguer la personne des opinions qu'elle formule dans ses écrits. Barbey sera fidèle à ce principe dans ses critiques littéraires.
La métaphysique de Maistre accorde une large place au mal, dont l'origine est la Chute de l'homme. Le dogme de la réversibilité, souffrance volontaire des hommes offerte à Dieu pour appeler la miséricorde et la rédemption de leurs frères, est considéré par Maistre comme l'une des vérités les plus importantes de l'ordre spirituel. Maistre affirme la possibilité pour tout innocent d'acquitter par sa souffrance le crime des coupables : toute vie étant coupable par nature, tout être vivant étant souillé par la Chute, il lui est possible de répondre à la place d'un autre, et même d'un crime qu'il n'a pas commis. Cette idée de réversibilité se retrouve dans Un prêtre marié. La nouvelle Le bonheur dans le crime illustre une autre idée maistrienne.
Les deux écrivains partagent certaines valeurs esthétiques, opposées à la modernité littéraire : Barbey d'Aurevilly comme Joseph de Maistre affirment la supériorité des classiques et de la tradition littéraire française du xviie siècle sur les écrivains de leur temps. Tous deux ils citent la Bible et les Pères de l'Eglise. Barbey critique subordonne comme de Maistre la création au vrai et au bien, idéal de Beauté classique. Enfin le style net et énergique, parsemé d'ironie de l'écrivain savoyard, plaît à Barbey dont le style partage les mêmes caractéristiques.
Les contemporains avaient remarqué l'influence de Maistre sur Barbey. Pontmartin ironisera sur le paradoxe de cette parenté littéraire entre les deux hommes qui conduit Barbey à penser comme M. de Maistre et à écrire comme le marquis de Sade.
Barbey sera aussi influencé par la pensée d'un disciple de Joseph de Maistre, le philosophe Antoine Blanc de Saint-Bonnet, auquel il va consacrer un chapitre des Prophètes du passé et plusieurs articles élogieux. C'est Barbey qui fera connaître ce métaphysicien à Léon Bloy.

Honoré de Balzac

C'est vers 1849 que Barbey d'Aurevilly découvre La Comédie humaine. Immédiatement, il déclare admirer leur auteur comme les Alpes. Il se charge de l'édition de ses Pensées et maximes, recueil d'aphorismes sélectionnés dans son œuvre et publié en 1854. Il prend sa défense en 1857 dans Le Pays, en réponse à une attaque de La Revue des Deux Mondes. Le 1er février sa veuve lui envoie une lettre de remerciement et le médaillon de son mari par David d'Angers.
Des œuvres comme La vieille fille ou Le Réquisitionnaire vont l'aider à trouver sa voie. La lecture de Balzac lui enseigne tout ce que sa propre expérience renferme de thèmes romanesques, notamment la peinture de la vie provinciale, l'atmosphère des petites villes et leurs drames secrets. Barbey a hérité de Balzac son esthétique de la nouvelle - ce qu'il nomme le dessous de cartes ou le fantastique de la réalité : vectorisation implacable vers un évènement, la nouvelle est comme un roman en raccourci, jeu du dehors et du dedans, plongée dans les mystères et faux-semblants de la conscience, révélation de la face cachée des faits et des individus - autant de procédés que l'on retrouve dans Les Diaboliques. L'oralité est très présente dans les œuvres des deux auteurs. Elle permet des effets de réverbération, de carambolage, et démultiplient les perspectives. Les Diaboliques s'appelaient primitivement Ricochets de conversation, en référence à Une conversation entre onze heures et minuit.

Le roman aurevillien Un écrivain normand

Dès Une vieille maîtresse, les récits de Barbey se déroulent systématiquement dans sa Normandie natale. Cela fait-il de Barbey d'Aurevilly un écrivain normand, et de ses romans des romans de terroir ?
La Normandie, ses paysages, ses coutumes, son histoire tiennent une grande place dans ses romans. Les poissonniers dans Une vieille maîtresse y parlent comme des poissonniers véritables, c'est-à-dire en patois normand. Dans L'Ensorcelée, son roman suivant, et malgré les objections de ses amis Trébutien et Baudelaire, l'emploi du patois est plus accentué encore : on n'y parle pas normand du bout des lèvres. Cette langue devient un élément essentiel de son esthétique : les langues sont le clavier des Artistes, le moule-à-balles du Génie dans lequel il coule l'or. La poésie pour lui n'existe qu'au fond de la réalité et la réalité parle patois.
Barbey demeure fidèle à son pays. L'évocation des paysages de cette région donnent de la profondeur à ses romans. La lande de Lessay dans L'Ensorcelée, l'étang du Quesnoy dans Un prêtre marié, Valognes sont au centre du récit, et ces romans ne pourraient pas se situer ailleurs. Ces paysages ne sont pas des cadres choisis et adaptés en fonction d'une histoire, ils proviennent des souvenirs de l'écrivain, et ne sont pas toujours fidèles à la réalité.
La Normandie et la vie provinciale, fortement associées à ses impressions de l'enfance, est un atout majeur de son talent : Le premier Milieu dans lequel ont trempé les poètes, voilà l'éducation ineffaçable, la véritable origine de leur genre de talent, ce qui damasquine et fourbit leur acier, ce qui en décide le fil et les reflets. Dès qu'il y revient, qu'il fait cette découverte aux alentours de 1850, il devient grand romancier et écrit successivement la fin d'Une vieille maîtresse, Le dessous de cartes d'une partie de whist et L'Ensorcelée.
Les personnages des oeuvres de Barbey emprunte souvent à des personnalités marquantes, aujourd'hui encore identifiables, de la vie valognaise ou de ses environs à l'époque de la Restauration. Ainsi André Chastain a-t-il pu établir la figure du véritable docteur Blény, l'un des convive dans A un diner d'athée. Le baron Fierdrap du Chevalier Destouches, pécheur impénitent, avait pour modèle Thomas François de Beaudrap dont l'inventaire après décès répertorie tout un arsenal de pécheur. Et toujours les noms des personnages des romans sont normands, "aromatiquement normands." Et quand il ne peut recourir à ses propres souvenirs, il fait appel à Trébutien comme pour l'évocation de la lande de Lessay ou pour le personnage de Destouches.
Mais ces emprunts au réel sont toujours passés au filtre de l'imagination. Selon sa propre formule, Barbey travaille "le pinceau trempée dans la sanguine concentrée du souvenir".

Un romancier catholique

Barbey d'Aurevilly développe lui-même sa théorie du roman catholique en 1866 dans la préface d'Une vieille maîtresse alors rééditée, œuvre pour laquelle son catholicisme est mis en cause. Barbey se défend en rappelant que le catholicisme n'a rien de prude, de bégueule, de pédant, d'inquiet, que le catholicisme est la science du Bien et du Mal, et que son but a été de montrer non seulement les ivresses de la passion, mais ses esclavages.
Barbey estime avoir peint la passion telle qu'elle est et telle qu'il l'a vue, mais qu'en la peignant, il l'a à toute page de son livre condamnée. Il n'a fait que l'exprimer. Un catholique peut-il toucher au roman et à la passion ? Barbey estime que l'art est permis par le catholicisme, il est même encouragé et protégé par lui. Le catholicisme absout le procédé de l'art qui consiste à ne rien diminuer du péché ou du crime qu'on avait pour but d'exprimer. Quand on lui reproche l'immoralité de son livre, Barbey oppose que la moralité de l'artiste est dans la force et la vérité de sa peinture : en étant vrai, l'artiste est suffisamment moral.
Sa théorie du roman catholique se retrouve dans ses romans où le personnage du prêtre est omniprésent : l'abbé Jéhoël de La Croix-Jugan, L'Ensorcelée, Jean Sombreval Un prêtre marié, le père Riculf, Une histoire sans nom. Les Diaboliques, où s'épanouissent à chaque page le Mal, les passions et le sadisme, sont l'illustration parfaite de ces idées.

L'Å“uvre critique

Avec les vingt volumes des Œuvres et les hommes, Barbey d'Aurevilly a voulu dresser l'inventaire intellectuel du xixe siècle. Sa critique littéraire est une grande chasse à la sottise. Injustes souvent, mais toujours logiques et en concordance avec ses principes, ses jugements sont légitimés par le talent et par le courage.
Ses victimes portent des noms illustres : Victor Hugo, George Sand, Madame de Staël, Jules Michelet, Mérimée, Ernest Renan, Théophile Gautier, Flaubert, les Goncourt, Émile Zola. Les Parnassiens, les bas-bleus, l'école naturaliste ont fait les frais de sa plume. Il est également l'auteur de plusieurs pamphlets contre Buloz, l'Académie française, et Sainte-Beuve - à travers Goethe et Diderot. Les rééditions d'auteurs classiques lui donnent l'occasion de stigmatiser la philosophie des Lumières, responsable du positivisme, du matérialisme et de l'idéologie dominante du progrès, qui heurtent son catholicisme et son idéal.
Mais il voit juste lorsqu'il défend Les Fleurs du mal, Baudelaire, Madame Bovary, Flaubert, les œuvres de Balzac et celles de Stendhal, Emaux et camées, Gautier, A rebours Huysmans.

Une critique d'humeur

Barbey d'Aurevilly vint à la critique littéraire par nécessité, ne pouvant obtenir la rédaction politique qu'il souhaitait ; il s'y habitua sans s'y complaire jamais, et y mit toute sa violence, ses colères, son goût de la bataille. Des éreintements célèbres marquent les étapes de sa carrière : Les Contemplations, Les Misérables, L'Éducation sentimentale, les romans de Zola... Ils ont fait oublier un peu que Barbey d'Aurevilly défendait Balzac, Stendhal, Baudelaire... En apparence, sa critique est dogmatique, strictement et parfois étroitement catholique, intransigeante. Le mouvement vrai est autre, c'est une critique d'humeur, d'instinct, de goût. Même s'il n'en a pas toujours conscience, Barbey cherche dans une œuvre la sensibilité dont elle témoigne. L'accord ou le désaccord sur ce plan profond décide du jugement : ainsi peut-il critiquer des écrivains catholiques et faire l'éloge de Stendhal. La passion, l'esprit, la grâce sont ses critères plus que l'orthodoxie. Non qu'il y soit insensible, mais elle lui importe pour confirmer un jugement, non pour le fonder. Les oppositions se situent à un autre niveau que celui des idées. Détestant la démocratie, la philanthropie, la fadeur, le matérialisme qui réduit la littérature au réalisme, il eut plus de haines que d'admirations. Il ne le regrettait nullement, aimant la bataille – tempérament agressif qui se définit plus aisément dans l'opposition. L'éreintement peut d'ailleurs n'être pas incompréhensif : il a admirablement compris Madame Bovary ou La Faute de l'abbé Mouret, par exemple, même si la sécheresse apparente de Flaubert le heurte, ou si le naturalisme de Zola le met hors de lui. Un style capricieux, imagé et violent, soutient admirablement cette critique.

Les passions déchaînées

On voit mieux comment une telle critique s'accorde à l'œuvre romanesque qui l'emporte de beaucoup sur elle. On peut l'envisager dans son déroulement : une lente maturation à travers les premières nouvelles, Le Cachet d'onyx, 1831 ; Léa, 1832 ; La Bague d'Annibal, 1843 ; un roman psychologique et mondain, L'Amour impossible, 1841. La conversion, qui est retour à la foi et aux souvenirs de l'enfance, se produit au cours de la composition d'Une vieille maîtresse 1845-1850, dont la seconde partie annonce l'œuvre postérieure : L'Ensorcelée, Le Chevalier des Touches, Un prêtre marié, Les Diaboliques, Une histoire sans nom 1882.
On a beaucoup parlé du normandisme de Barbey d'Aurevilly, trait profond, mais qu'il faut bien comprendre. Il a voulu peindre la Normandie, revenir dans certains romans à l'histoire de la chouannerie normande : les lieux étaient ceux de son enfance, chargés pour lui d'émotions et de souvenirs ; l'atmosphère convenait aux passions déchaînées qu'il souhaitait peindre. Seul Le Chevalier des Touches reste fidèle à cette conception historique du roman. L'Ensorcelée y échappe, qui est l'aventure d'un prêtre, ancien chouan – héros luciférien – et d'une femme qui s'éprend de lui et en meurt. Le même type de héros se retrouve dans Un prêtre marié, et le même amour impossible entre les deux jeunes gens. Toutes Les Diaboliques présentent des passions violentes : amour, vengeance, crime... Tous les héros de Barbey – ce trait donne à l'œuvre son unité – sont enfermés dans une insurmontable solitude ; tous, sauf deux, les personnages du Bonheur dans le crime ; encore la retrouvent-ils, plus profonde, dans la complicité.
Amour impossible, solitude, inquiétude et angoisse... des thèmes modernes dominent cette œuvre romanesque. Au-delà du romantisme, qui les avait déjà exploités, d'Aurevilly les situe dans un univers religieux où ils prennent toute leur force tragique. Paradoxalement, c'est en effet le catholicisme qui introduit dans cette œuvre l'élément tragique ; la solitude n'y est plus seulement l'impossible communication des êtres, elle est aussi l'angoisse de l'homme qui sent Dieu inaccessible. Univers du péché, univers janséniste, on l'a dit souvent. La grâce en est absente. Il reste à mourir dans une déréliction totale, comme cette sainte, Calixte, à la fin d'Un prêtre marié ou à se dresser dans une attitude blasphématoire qui est encore affirmation de Dieu. Le blasphème et le sacrilège, note le romancier, n'ont de sens que si l'on croit en Dieu.
Ces grands mouvements donnent son sens vrai à une œuvre qui doit beaucoup encore à l'imagerie romantique, qui a subi très profondément l'influence de Byron ou même celle de Walter Scott. En dépit de ces traits d'époque et de son dandysme, Barbey d'Aurevilly est un des premiers représentants de ce qu'on appellera plus tard le « roman métaphysique.

Le théoricien du dandysme

Sous le pseudonyme de Maximilienne de Syrène, Barbey signe en 1843 des impertinences raffinées dans le Moniteur de la Mode, ainsi qu'un article intitulé De l'élégance. S'appuyant sur une biographie de George Brummell qui vient de paraître à Londres, il en extrait quelques anecdotes et le prend pour prétexte afin d'écrire le récit de son propre dandysme. Du dandysme et de George Brummell paraît en 1845. Il est réédité et augmenté en 1861, puis en 1879, enrichi d'un texte consacré à Lauzun et intitulé Un dandy d'avant les dandys.
Il y développe et analyse les principes du dandysme, plus intellectuels que vestimentaires, le dandy n'étant pas un habit qui marche tout seul. Le dandysme est une manière d'être tout en nuances, qui résulte d'un état de lutte sans fin entre la convenance et l'ennui. Le dandy est le souverain futile d'un monde futile et se caractérise par l'absence d'émotion, l'horreur de la nature, l'audace et l'impertinence, la passion du luxe, l'artificialité, et le besoin d'individualité.
Cet essai est l'un des trois principaux sur la question, avec le Traité de la vie élégante de Balzac et Le Peintre de la vie moderne de Baudelaire.

Barbey d'Aurevilly et la postérité Réception de ses contemporains

Barbey d'Aurevilly a fait l'objet de critiques contrastées. Presque tous s'accordent à trouver dans son art originalité et noblesse. Sainte-Beuve le juge homme d'un talent brillant et fier, d'une intelligence haute et qui va au grand, une plume de laquelle on peut dire sans flatterie qu'elle ressemble souvent à une épée. Lamartine, lorsqu'il le rencontre, après l'avoir lu, déclare qu'il est le Duc de Guise des belles-lettres françaises. Pour Baudelaire, c'est un vrai catholique, évoquant la passion pour la vaincre, chantant, pleurant et criant au milieu de l'orage, planté comme Ajax sur un rocher de désolation. Paul de Saint-Victor : le polémiste intraitable est en même temps un écrivain de l'originalité la plus fière. Jules Vallès lui trouve un talent bizarre, tourmenté et fier. Maupassant trouve dans ses œuvres quelques merveilles. Edmond de Goncourt émet des réserves, mais l'inscrit dans ses premières listes de l'Académie en projet.
Ceux qu'il a éreintés par ses articles lui rendent en général la politesse. Victor Hugo le pastiche en le surnommant Barbey d'or vieilli. La légende veut qu'il ait composé un vers inédit en l'honneur du critique : Barbey d'Aurevilly, formidable imbécile !. Flaubert dans sa correspondance en parle franchement comme de son ennemi. Il juge Les Diaboliques à se tordre de rire et trouve qu'on ne va pas plus loin dans le grotesque involontaire. Zola le rejoint et trouve qu'il a deux ou trois siècles de retard. Il condamne son attitude au moment des poursuites contre Les Diaboliques, lorsque Barbey accepte de retirer son œuvre de la vente.
Sa personnalité inspire au moins par deux fois les romanciers : le personnage de Franchemont, apparaissant dans Charles Demailly des frères Goncourt, un roman sur les hommes de lettres, en est inspiré. Le Connétable des lettres sert également de modèle à Monsieur de Bougrelon, roman de Jean Lorrain.

La génération symboliste et décadente

Paul Verlaine déplore les systèmes mais ne peut s'empêcher de lui reconnaître un style de race et une manière originale. Il admire la profusion des images souvent réussies et toujours poétiques, des hardiesses parfois heureuses, et jamais vulgaires. Jean Lorrain le trouve admirablement taillé pour la génération littéraire fin de siècle. Pour Huysmans, il fut le seul artiste, au sens pur du mot, que produisit le catholicisme de ce temps, ainsi qu'un grand prosateur et un romancier admirable. Dans A rebours, il fait figurer ses œuvres parmi les préférées de la bibliothèque élitiste de Des Esseintes. Pour Rémy de Gourmont, Barbey d'Aurevilly est l'une des figures les plus originales de la littérature du dix-neuvième siècle, qui excitera longtemps la curiosité et restera longtemps un de ces classiques singuliers et comme souterrains qui sont la véritable vie de la littérature française.

Jugements posthumes

Julien Green lit Les Diaboliques avec une admiration étonnée. Paul Morand préface en 1967 Une vieille maîtresse. Marcel Proust, dans La Prisonnière, rend hommage à l'œuvre romanesque de l'écrivain normand après avoir affirmé que la preuve du génie n'est pas dans le contenu de l'œuvre mais dans la qualité inconnue d'un monde unique révélé par l'artiste. On trouve chez Barbey d'Aurevilly une réalité cachée révélée par une trace matérielle, la rougeur physiologique de l'Ensorcelée, d'Aimée de Spens, de la Clotte, la main du Rideau cramoisi, les vieux usages, les vieilles coutumes, les vieux mots, les métiers anciens et singuliers derrières lesquels il y a le Passé, l'histoire orale faite par les pâtres du terroir, les nobles cités normandes parfumées d'Angleterre et jolies comme un village d'Écosse, la cause de malédictions contre lesquelles on ne peut rien, la Vellini, le Berger, une même sensation d'anxiété dans un passage, que ce soit la femme cherchant son mari dans une Vieille Maîtresse, ou le mari, dans l'Ensorcelée, parcourant la lande, l'Ensorcelée elle-même au sortir de la messe. L'exemple de Barbey illustre parfaitement, selon Proust, une certaine monotonie propre à tous les grands littérateurs, qui n'ont jamais jamais fait qu'une seule œuvre, ou plutôt réfracté à travers des milieux divers une même beauté qu'ils apportent au monde.

Éditions et adaptations

Ses œuvres romanesques ont fait l'objet d'une édition complète en deux volumes dans la prestigieuse collection de la Pléiade. Son œuvre critique est rééditée aux Belles Lettres, tandis que les Archives Karéline s'est chargée récemment de l'œuvre poétique.
Ses nouvelles et romans ont fait l'objet d'une douzaine d'adaptations à l'écran. La plus récente, Une vieille maîtresse, présentée à Cannes en 2007, est l'œuvre de Catherine Breillat.
Jacques Debout a adapté au théâtre, sous le titre de Sombreval, le roman Un prêtre marié, créé à Paris le 5 février 1932. Le bonheur dans le crime, l'une des six Diaboliques, a inspiré en 2003 une bande dessinée, Hauteclaire, du nom de son héroïne.
En 2012, Mathilde Bertrand rassemble dans un seul volume les lettres de Jules Barbey d'Aurevilly à Trebution concernant Louise Trolley, dont Trebutien est éperdument amoureux. L'idée avait été suggérée par Barbey d'Aurevilly lui-même dans sa lettre du 4 avril 1857.

Musée et œuvres commémoratives

Le 28 juin 1925 est inauguré, dans le vieux château de Saint-Sauveur-le-Vicomte, un musée en l'honneur de l'écrivain. Fondé par Louis Yver, qui en sera le premier conservateur, le musée est réinstallé après la guerre au logis Robessard, à la suite de l'occupation du château par les Allemands. Il déménage une troisième fois en 1989, et réintègre la maison familiale de Saint-Sauveur. On y trouve réunis la plupart des objets mobiliers et souvenirs ayant appartenu à Barbey d'Aurevilly. Sa dernière demeure, le 25 de la rue Rousselet à Paris, est décorée d'une plaque. Le collège de Saint-Sauveur-le-Vicomte et un collège de Rouen, situé au 39, boulevard de la Marne, portent son nom, de même qu'à Paris en 1910, l'avenue Barbey-d'Aurevilly du Champ de Mars percée en 1907. Diverses manifestations, dont plusieurs à l'initiative du musée Barbey d'Aurevilly ou en liaison avec lui et les municipalités de Saint-Sauveur-le-Vicomte et de Valognes, ont été organisées à l'occasion du bicentenaire de la naissance de l'écrivain en 2008. Une plaque en marbre est accrochée à la maison qu'il occupait à Caen de 1831 à 1834 quand il était étudiant à la faculté de droit.

Le syndrome de Ferjol

Dans son roman Une histoire sans nom, Barbey met en scène une jeune fille, Lasthénie de Ferjol, qui éprouve le besoin de se rendre volontairement malade en se faisant saigner pour évacuer de grandes quantités de sang. Cette pathologie, connue sous le nom de syndrome de Lasthénie de Ferjol, a fait l'objet d'études médicales.

Å’uvres

Manuscrit des Diaboliques

Romans

Une vieille maîtresse, 1851
L'Ensorcelée90, 1852
Le Chevalier Des Touches, Alphonse Lemerre, Paris, 1879 ─ L’édition originale a paru en 1864.
Un prêtre marié, 1865
Une histoire sans nom, 1882
Ce qui ne meurt pas, 1884

Nouvelles

Le Cachet d'onyx, composé en 1831
Léa, 1832
L'Amour impossible, 1841
La Bague d'Annibal, 1842
Le Dessous de cartes d'une partie de whist, 1850 reprise dans les Diaboliques
Le Plus Bel Amour de Don Juan, 1867 reprise dans les Diaboliques
Une page d'histoire, 1882 (Sous le titre Retour de Valognes. Un poème inédit de Lord Byron), 1886

Recueil de nouvelles

Les Diaboliques, 1874

Poésies

Ode aux héros des Thermopyles, 1825
Poussières, 1854
Amaïdée, 1889
Rythmes oubliés, 1897

Essais et textes critiques

Du Dandysme et de Georges Brummel, 1845
Les Prophètes du passé, 1851
Les Å’uvres et les hommes 1860-1909
Les Quarante Médaillons de l'Académie, 1864 ;
Les Ridicules du temps, 1883
Pensées détachées, Fragments sur les femmes, 1889
Polémiques d'hier, 1889
Dernières Polémiques, 1891
Goethe et Diderot, 1913
L'Europe des écrivains recueil d'articles rassemblés en 2000
Le Traité de la Princesse ou la Princesse Maltraitée, éditions du Sandre, 2012, texte établi par Mathilde Bertrand.
Le texte est établi à partir de la correspondance de Barbey d'Aurevilly avec Trebutien.

Mémoires, notes et correspondance

Correspondance générale 1824-1888, 9 volumes de 1980 à 1989
Memoranda, Journal intime 1836-1864
Disjecta membra cahier de notes La Connaissance 1925.
Omnia cahier de notes Grasset 2008.

Liens

http://www.ina.fr/video/CPC09000126/b ... eorge-brummell-video.html Olivier Barrot présente
http://www.ina.fr/video/CPB77052380/u ... ur-de-jeunesse-video.html un amour de jeunesse
http://youtu.be/DrPLOd66pz4 Une vieille maïtresse
http://www.ina.fr/video/CPA81058743/u ... toire-sans-nom-video.html Histoire sans nom


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Posté le : 31/10/2014 20:15
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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