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Cicéron 1
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Le 7 décembre 43 av J.-C. est assassiné Cicéron
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en latin Marcus Tullius Cicero,à 63 ans, à Gaète, né le 3 janvier 106 av. J.-C. à Arpinum en Italie, philosophe romain, homme d'État et un auteur latin, il est Pater Patriae, Questeur, Édile, Préteur, Proconsul. il avait pour mère helvia, pour père Marcus Tullius Ciceron, son épouse est Terentia de 79 à à 46, puis après son décès Publia de 46 à 45 ses Enfants sont Tullia et Marcus.

Citoyen romain issu de la bourgeoisie italienne, Cicéron n’appartient pas à la noblesse, ce qui en principe ne le destine pas à un rôle politique majeur. Contrairement à ses contemporains Pompée et Jules César, la carrière militaire ne l’intéresse pas, et après une solide formation à la rhétorique et au droit, il réussit grâce à ses talents d’avocat à se constituer suffisamment d’appuis pour parvenir en 63 av. J.-C. à la magistrature suprême, le consulat. Dans une République en crise menacée par les ambitieux, il déjoue la conjuration de Catilina par la seule énergie de ses discours, les Catilinaires.
Ce succès qui fait sa fierté cause ensuite son exil en 58 av. J.-C., pour avoir exécuté des conjurés sans procès. Revenu à Rome en 57 av. J.-C., il ne joue plus de rôle important sur la scène politique, dominée par Pompée et César. Durant la guerre civile qui débute en 49 av. J.-C., il rallie Pompée avec hésitation, puis est forcé de s'accommoder du pouvoir de César, avant de s’allier à Octave contre Antoine. Sa franche opposition à Antoine lui coute la vie en 43 av. J.-C.
Orateur remarquable, il publie une abondante production considérée comme un modèle de l’expression latine classique, et dont une grande partie nous est parvenue. Il consacre sa période d’inactivité politique à la rédaction d’ouvrages sur la rhétorique et à l’adaptation en latin des théories philosophiques grecques. En partie perdus pendant le Moyen Âge, ses ouvrages connaissent un regain d’intérêt durant la renaissance carolingienne puis la renaissance italienne et l'époque classique. En revanche, au XIXe siècle et dans la première moitie du XXe siècle, il n'est considéré que comme un simple compilateur des philosophes grecs et sa vie politique est diversement appréciée et commentée : intellectuel égaré au milieu d’une foire d’empoigne, parvenu italien monté à Rome, opportuniste versatile, instrument passif de la monarchie larvée de Pompée puis de César selon Theodor Mommsen et Jérôme Carcopino1. Selon la vision plus positive de Pierre Grimal, il est l’intermédiaire précieux qui nous transmit une partie de la philosophie grecque.

En bref

Homme d'État, orateur prodigieux, théoricien de l'éloquence, mais aussi philosophe, Cicéron a été victime, aux yeux de la postérité, de tous ses dons ; il a été surtout victime du fait d'être devenu trop tôt, de son vivant même, un auteur classique et scolaire, faisant toujours un peu figure d'écrivain égaré dans la politique. Une tradition moderne, qui remonte à Mommsen, a, de parti pris, tenté de condamner l'homme privé et public, de décrier le politicien et même de rabaisser le philosophe qui ne serait qu'un adaptateur brillant et superficiel : Cicéron, s'il a des amis, a toujours beaucoup d'ennemis. Une réhabilitation, comme voudraient la tenter les auteurs de cet article, serait de peu d'intérêt s'il ne s'agissait que de défendre une mémoire. Il est plus intéressant de montrer que cette réhabilitation permet d'écarter plusieurs contresens invétérés, concernant aussi bien la carrière, l'action politique, l'œuvre théorique que la philosophie de Cicéron. Du coup, on lui restitue une dimension, une cohérence, une humanité qui justifient son prodigieux succès culturel : car sur lui repose en partie l'« humanisme ». Il est intéressant aussi de savoir que cette tradition qui traite l'homme, le politique et le penseur avec tant de désinvolte mépris a été systématiquement forgée par ceux-là mêmes qui l'avaient assassiné – Octave et ses complices – assassinant, du même coup, les libertés romaines.
Dès 61, les populaires avec Clodius et César, les aristocrates conservateurs avec Caton, Pompée enfin revenu triomphant d'Orient attaquent de tous côtés la politique de Cicéron ; le Sénat retire aux chevaliers les avantages financiers qu'il leur avait consentis, les populaires accusent Cicéron de tyrannie et lui reprochent d'avoir utilisé la loi martiale lors de la répression. Pompée, César et Crassus s'entendent en sous-main pour se partager le pouvoir : le gage de ce marché sera l'exil de Cicéron, manigancé en 58 par Clodius, devenu tribun de la plèbe. Cicéron, abandonné par les chefs de parti, se refuse à déclencher la guerre civile et s'enfuit à Brindes et en Grèce. Mais, en 57, devant l'indignation de l'Italie, Pompée se reprend, et le Sénat finit par obtenir le vote d'une loi de rappel : c'est le retour triomphal sur les épaules de l'Italie. Cependant Cicéron ne retrouve pas son influence de jadis ; il ne peut que louvoyer entre Pompée et César et tenter de rallier un parti modéré à très large assiette sociale, où l'Italie des municipes serait fortement représentée Pro Sestio, 56 av. J.-C.. Il se rapproche alors de César, dans la mesure même où Pompée glisse vers les aristocrates conservateurs plaidoyer Pro Rabirio, 54 av. J.-C. Mais en même temps, il s'élève au-dessus de la mêlée et écrit ses chefs-d'œuvre de philosophie politique (De oratore, De re publica, De legibus. En 52, il défend Milon accusé du meurtre de Clodius Pro Milone ; en 51, il est proconsul en Cilicie, où il mène une campagne victorieuse contre les Parthes et s'acquitte avec une grande honnêteté de ses fonctions. À son retour, la guerre civile est menaçante. Cicéron tente de s'y opposer, mais, en janvier 49, malgré ses sympathies secrètes, il choisit la légitimité et suit Pompée, bien qu'il redoute en lui un nouveau Sylla. Après Pharsale, il regagne l'Italie et, sans se rallier ouvertement à César, reprend son siège au Sénat et presse César de rétablir la légalité Pro Marcello. Il se consacre de plus en plus, cependant, à ses travaux littéraires et philosophiques. Après les ides de mars 44, à la préparation desquelles il n'a point pris part, il apparaît cependant comme le plus prestigieux des hommes politiques républicains, un point de ralliement pour l'opinion égarée. Il retrouve pour quelques mois son prestige, son influence et tente, en face des généraux tyrannochtones et du consul Marc Antoine qui se présente comme l'héritier de César, d'imposer le retour au régime sénatorial les Philippiques, discours contre Antoine. Mais Antoine finit par s'entendre, contre Cicéron, avec Caius Octavius, le petit-neveu de César, dont Cicéron avait voulu d'abord se servir : lorsque Antoine, Octave et Lépide, par un coup d'État, se font confier un triumvirat constituant, Cicéron figure au premier rang des proscrits. Il meurt courageusement à Gaète.
On a souvent critiqué, chez Cicéron, le caractère de l'homme politique, sans se rappeler que c'est d'abord un de ceux dont nous connaissons le mieux les angoisses ou les hésitations, sans considérer non plus les difficultés que pouvait rencontrer dans la Rome de cette époque un homme nouveau ne disposant ni de clientèle ni d'argent, un avocat et un intellectuel répugnant au pouvoir militaire, un homme de goût et d'étude détestant la démagogie, qui connaissait et regrettait la grandeur passée de Rome et l'âge d'or de la République modérée. Il apparaît au contraire que, loin d'être médiocre et inférieur à l'orateur ou au philosophe, l'homme politique, lucide, habile, parfois sans doute hésitant, a tenté en général de trouver des solutions neuves et de mettre son action en accord avec ses principes.

Sa vie

Marcus Tullius Cicero est né à Arpinum, en pays volsque, à une centaine de kilomètres à l'est de Rome. "Cicéron" naît en 106 av. J.-C., le troisième jour du mois de janvier, dans le municipe d’Arpinum, à 110 km au sud-est de Rome. Sa famille, fort honorable, appartenait à l'ordre équestre et comptait des magistrats municipaux et des officiers supérieurs de l'armée ; elle était en outre directement alliée avec celle de Marius qui gérait alors son deuxième consulat. Sa mère se prénommait Helvie. Il est, par son père, d’une famille membre de la gens des Tullii d'origine plébéienne élevée au rang équestre. Son cognomen, Cicero, peut être traduit par pois chiche, verrue. Ce cognomen lui viendrait d’un de ses ancêtres dont le bout du nez aurait eu la forme du pois chiche ou qui aurait été marchand de pois chiches.Son grand-père, son père et ses oncles, particulièrement cultivés, entretenaient des relations avec les plus grands orateurs et les plus grands juristes de Rome, Marc Antoine, le grand-père du triumvir, Lucius Licinius Crassus, Aemilius Scaurus, Quintus Mucius Scaevola. Élevé dans un milieu lettré et ouvert à la politique, le jeune Cicéron manifeste très tôt des dons intellectuels éclatants. Comme les jeunes sénateurs, il étudie la poésie, la rhétorique et le droit ; il s'intéresse aussi, ce qui est moins fréquent, à la philosophie. En 89, il est attaché à l'état-major de Cneius Pompeius Strabo, père du grand Pompée, pendant la guerre Sociale ; sa famille ayant des sympathies chez les partisans de Marius un de ses cousins germains sera deux fois préteur, en 85 et 84, il s'éloigne pour terminer ses études en Grèce et à Rhodes. En 81, il débute au barreau, puis, avec l'appui de la puissante famille des Metelli, plaide contre un des affranchis de Sylla, le tout-puissant Chrysogonus : ce discours, Pro Sexto Roscio Amerino, n'est sans doute pas étranger à l'abdication de Sylla. Cependant, il doit s'éloigner encore une fois de Rome.
Cicéron et son frère Quintus sont envoyés à Rome pour étudier. Le poète Archias les forme aux classiques grecs Homère et Ménandre. L'initiation aux activités publiques se fait comme auditeur des personnalités les plus actives du forum. Ainsi Cicéron fréquente assidument les orateurs Crassus puis Antoine et le jurisconsulte Scævola l'Augure.

La guerre sociale éclate pendant cette période de formation. Cicéron s'engage dans l'armée à 17 ans, une obligation pour qui veut faire ensuite une carrière publique : il se trouve sous les ordres du consul Pompeius Strabo, puis de Sylla ; c’est vraisemblablement à cette époque qu’il fait la connaissance de Pompée fils de Strabo, qui a le même âge que lui. Peu désireux de faire une carrière militaire, il quitte l'armée à la fin du conflit en 88 av. J.-C. et revient à ses études, tandis que les vainqueurs de la guerre civile Marius et Sylla se disputent le pouvoir.
Après le décès de Scævola l'Augure, Cicéron poursuit l'étude du droit avec son cousin Quintus Scævola le pontife. Le stoïcien Aelius Stilo lui transmet son intérêt pour le passé et la langue de Rome. Sa formation philosophique est assurée en grec par des philosophes que la guerre contre Mithridate VI oblige à s'installer à Rome : après l'épicurien Phèdre, Cicéron travaille la dialectique avec le stoïcien Diodote et suit les enseignements de l’académicien Philon de Larissa. Philon a la particularité de combiner la philosophie et la rhétorique grecque, spécialités habituellement professées par des maîtres différents, et pratique comme Carnéade avant lui la discussion selon les points de vue opposés pour approcher la vérité. Cicéron se passionne pour sa philosophie, comme il le confiera sur la fin de sa vie.
Cicéron fait un début remarqué comme avocat en 81 av. J.-C. avec une affaire complexe de succession, le Pro Quinctio. En 79 av. J.-C., il défend Sextus Roscius accusé de parricide ; soutenu par les Caecilii Metelli, une des grandes familles de la nobilitas, il s’attaque à un affranchi du dictateur romain Sylla, tout en veillant à épargner ce dernier. Il gagne le procès mais s'éloigne quelque temps de Rome pour parfaire sa formation en Grèce, de 79 à 77 av. J.-C. À Athènes où il se lie d’amitié avec son compatriote Atticus, il suit l’enseignement d’Antiochos d'Ascalon, académicien comme Philon de Larissa mais plus dogmatique6, des épicuriens Zénon de Sidon et Phèdre, du savant stoïcien Posidonius d'Apamée. Puis à Rhodes de 78 à 77 av. J.-C., il perfectionne sa diction auprès du célèbre rhéteur Molon. Plutarque rapporte qu'à son premier exercice, Cicéron impressionne son maître par sa maîtrise de l'expression grecque et la qualité de son argumentation. De Molon, Cicéron apprend à maîtriser sa voix sans les excès qui l'épuisent.
À la fin de cette période de formation, tant oratoire qu’intellectuelle et philosophique, Cicéron revient à Rome et reprend son activité d'avocat, ce qui entretient sa réputation et développe ses relations. Ses contacts avec la nobilitas lui permettent d'épouser la riche et aristocratique Terentia10. Elle lui donne une fille, Tullia, et un fils, Marcus peu avant son consulat.

Défenseur de la légalité

En 77, il épouse Terentia, d'une famille de la noblesse, et aborde la carrière des honneurs. Il est élu questeur en 76, à l'âge légal, et exerce cette magistrature en Sicile : c'est le début d'une magnifique carrière d'homme nouveau, qui doit l'essentiel de sa réussite au mérite personnel et non au jeu des clientèles. Le parti démocratique, décimé et battu depuis 82, mais soutenu par une partie de l'ordre équestre, relevait alors la tête. Il combattait pour l'abolition de la Constitution de Sylla et le rétablissement des droits des tribuns de la plèbe, pour l'inscription effective des Italiens dans la cité romaine et surtout pour la fin du monopole sénatorial sur les tribunaux politiques. En 71, les deux généraux les plus prestigieux, Marcus Licinius Crassus et Pompée, se mirent d'accord pour soutenir ces revendications. Le procès en concussion du propréteur de Sicile, Verrès, offrait l'occasion de discréditer la justice sénatoriale : Cicéron prit la défense des Siciliens contre Verrès et s'attira ainsi la reconnaissance du parti populaire (les Verrines, 70 av. J.-C.), tout en soulevant l'opinion en faveur des sujets de Rome, trop souvent opprimés. Préteur urbain en 66, Cicéron soutint de sa parole et de son autorité la loi Manilia, qui proposait de confier à Pompée le commandement suprême en Orient contre Mithridate : c'est là son premier grand discours politique (Pro lege Manilia). Déjà pèse sur Rome la double menace d'un coup d'État militaire et de la subversion révolutionnaire, entretenue et facilitée par les impuissances du régime sénatorial qui ne sait se dégager des luttes de factions. En 64, un aristocrate décavé, Lucius Sergius Catilina, ancien syllanien devenu démagogue, déjà battu au consulat, réunit dans une conjuration hétéroclite tous les mécontents et se propose, avec la complicité de certains hauts magistrats et de nombreux sénateurs, de s'emparer du gouvernement par l'émeute et par la force. Cicéron, bien qu'homme nouveau, apparaît aux conservateurs modérés et à l'opinion italienne, du fait de ses liens avec l'ordre équestre et de ses sympathies « populaires », comme le seul homme capable de sauver la légalité. Il est triomphalement élu consul pour 63, mais se heurte sur-le-champ à la fois aux projets de Catilina, à l'inimitié de la noblesse et aux manœuvres de César. Avec courage, éloquence et habileté, il combat sur les deux fronts, voulant éviter la guerre civile, empêcher la subversion, faire pièce aux démagogues. Pour cela, il s'appuiera sur l'opinion publique, sur une partie du Sénat et sur l'ordre équestre qu'il essaie d'associer aux décisions politiques de son gouvernement la concordia ordinum moyennant quelques concessions de la part du Sénat Catilinaires ; Pro Murena ; Pro C. Rabirio ; De lege agraria. Le succès immédiat de cette politique fait de Cicéron le sauveur de Rome, un rival possible pour Pompée.

Les débuts en politique

Ayant atteint l'âge minimum légal de 30 ans pour postuler aux magistratures, Cicéron se lance dans la carrière politique : en 75 av.J.-C. il entame le cursus honorum en étant élu questeur, fonction qu'il exerce à Lilybée en Sicile occidentale, et qui lui ouvre l'admission au Sénat. Il acquiert sa célébrité en août 70 av.J.-C. en défendant les Siciliens dans leur procès contre Verres, ancien propréteur de Sicile qui est impliqué dans des affaires de corruption, et qui a mis en place un système de pillage d’œuvres d’art. Tandis que Verres tente, en achetant les électeurs, de faire échouer la candidature de Cicéron à l'édilité, ce dernier recueille de nombreuses preuves en Sicile tout en se faisant élire édile. En août 70, l’accusation portée par Cicéron est si vigoureuse et si bien soutenue par un imposant défilé de témoins à charge que Verrès, qui va pourtant être défendu par le plus grand orateur de l’époque, le célèbre Hortensius, s’exile à Marseille immédiatement après le premier discours l'actio prima. Cicéron fait malgré tout publier l’ensemble des discours qu’il a prévus les Verrines, afin d’établir sa réputation d’avocat engagé contre la corruption.
Après cet événement qui marque véritablement son entrée dans la vie judiciaire et politique, Cicéron suit les étapes du cursus honorum comme édile en 69 av.J.-C. Les Siciliens le remercient par des dons en nature, qu'il emploie au ravitaillement de Rome, faisant ainsi baisser le prix du blé, et augmentant sa popularité. Il devient préteur en 66 av.J.-C. : il défend cette année-là le projet de loi du tribun de la plèbe Manilius, qui propose de nommer Pompée commandant en chef des opérations d’Orient, contre Mithridate VI ; son discours De lege Manilia marque ainsi une prise de distance par rapport au parti conservateur des optimates, qui sont opposés à ce projet. À cette époque, il suit les cours de Gnipho ; dès cette époque, il songe à incarner une troisième voie en politique, celle des viri boni hommes de bien, entre le conservatisme des optimates et le réformisme de plus en plus radical des populares ; pourtant, de 66 av.J.-C. à 63 av.J.-C., l’émergence de personnalités comme César ou Catilina dans le camp des populares, qui prônent des réformes radicales, conduit Cicéron à se rapprocher des optimates.

La glorieuse année 63 av. J.-C.

Désormais proche du parti conservateur, Cicéron est élu pour l'année 63 av. J.-C. consul contre le démagogue Catilina, grâce aux conseils de son frère Quintus Tullius Cicero. Il est le premier consul homo novus, élu n’ayant pas de magistrats curules parmi ses ancêtres depuis plus de trente ans, ce qui déplaît à certains : Les nobles … estimaient que le consulat serait souillé si un homme nouveau, quelque illustre qu’il fût, réussissait à l’obtenir.
Durant son consulat, il s'oppose au projet révolutionnaire du tribun Rullus pour la constitution d'une commission de dix membres aux pouvoirs étendus, et le lotissement massif de l'ager publicus. Cicéron gagne la neutralité de son collègue le consul Antonius Hybrida, ami de Catilina et favorable au projet, en lui cédant la charge de proconsul de Macédoine qu'il doit occuper l'année suivanteA 8. Son discours De lege agraria contra Rullum obtient le rejet de cette proposition.
Pour protéger l'approvisionnement de Rome et sécuriser son port Ostie des menaces des pirates, Cicéron lance les travaux de réfection des murailles et des portes d'Ostie, qui seront achevés par Clodius Pulcher en 58 av.J.-C..

Catilina, ayant de nouveau échoué aux élections consulaires en octobre 63 av. J.-C., prépare un coup d'État, dont Cicéron est informé par des fuites. Le 8 novembre, il apostrophe violemment Catilina en pleine session du Sénat : on cite souvent la première phrase de l’exorde de la première Catilinaire : Quo usque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? Jusqu'à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience ?, et c’est dans ce même passage - même si ce n’est pas le seul endroit dans l'œuvre de Cicéron - que l’on trouve l’expression proverbiale O tempora ! O mores ! Quelle époque ! Quelles mœurs !. Découvert, Catilina quitte Rome pour fomenter une insurrection en Étrurie, confiant à ses complices l'exécution du coup d'État à Rome. Le lendemain, Cicéron informe et rassure la foule romaine en prononçant son deuxième Catilinaire, et promet l’amnistie aux factieux qui abandonneront leurs projets criminels. Puis il parvient à faire voter par le Sénat romain un senatus consultum ultimum procédure exceptionnelle votée lors de crises graves, et qui donne notamment à son, ses bénéficiaires le droit de lever une armée, de faire la guerre, de contenir par tous les moyens alliés et concitoyens, d'avoir au-dedans et au-dehors l'autorité suprême, militaire et civile.
Mais un scandale politique vient soudain compliquer la crise : le consul désigné pour 62 av. J.-C., Lucius Licinius Murena, est accusé par son concurrent malheureux Servius Sulpicius Rufus d’avoir acheté les électeurs, accusation soutenue par Caton d'Utique. Pour Cicéron, il est hors de question dans un tel contexte d’annuler l’élection et d’en organiser de nouvelles. Il assure donc la défense de Murena pro Murena et le fait relaxer, malgré une probable culpabilité, en ironisant sur la rigueur stoïcienne qui mène Caton sur des positions disproportionnées et malvenues : si toutes les fautes sont égales, tout délit est un crime ; étrangler son père n'est pas se rendre plus coupable que tuer un poulet sans nécessité.
Dans l’intervalle, les conjurés restés à Rome s’organisent et recrutent des complices. Par hasard, ils contactent des délégués allobroges, promettant de faire droit à leurs plaintes fiscales s’ils suscitent une révolte en Gaule narbonnaise. Les délégués, méfiants, avertissent les sénateurs. Cicéron leur suggère d’exiger des conjurés des engagements écrits, qu’ils obtiennent. Ayant récupéré ces preuves matérielles indiscutables, Cicéron confond publiquement cinq conjurés, troisième Catilinaire, du 3 décembre, dont l’ancien consul et préteur Publius Cornelius Lentulus Sura. Après débat au Sénat, quatrième Catilinaire, il les fait exécuter sans jugement public, approuvé par Caton mais contre l’avis de Jules César, qui a proposé la prison à vie. Catilina est tué peu après avec ses partisans dans une vaine bataille à Pistoia.
Dès lors, Cicéron s’efforce de se présenter comme le sauveur de la patrie il fut d’ailleurs qualifié de Pater patriae, Père de la patrie, par Caton d'Utique et, non sans vanité, fait en sorte que personne n’oublie cette glorieuse année -63. Pierre Grimal estime toutefois que ce trait d'orgueil est dû à un manque de confiance en soi et tient plus de l'inquiétude que de l'arrogance.

Conjuration de Catilina.Sa fortune

Cicéron est devenu membre du Sénat romain, sommet de la hiérarchie sociale, milieu aristocratique et fortuné. Sa richesse est essentiellement basée sur un patrimoine foncier, estimé à 13 millions de sesterces. C’est une fortune à peine supérieure à celle de la masse des sénateurs et des chevaliers, ordre dont est issu Cicéron, et qui est généralement de quelques millions de sesterces, mais moindre que celle de son ami Atticus, située entre 15 et 20 millions de sesterces, et très en deçà de la richesse des Crassus, Lucullus ou Pompée, qui égalent ou dépassent les cent millions de sesterces.
Cicéron possède à Rome même quatre immeubles, et une somptueuse domus sur le Palatin, vieux quartier patricien, qu’il a achetée en 62 av. J.-C. à Crassus pour 3,5 millions de sesterces. S’y ajoutent dans la campagne italienne dix exploitations agricoles villae rusticae, sources de revenus, plus six deversoria, petits pied-à-terre. Après son achat de -62, il plaisante avec son ami Sestius sur sa situation financière : Apprenez que je suis maintenant si chargé de dettes que j’aurais envie d’entrer dans une conjuration, si l’on consentait à m’y recevoir.
Quoique sa fortune soit très loin de celle des richissimes Lucullus ou Crassus, Cicéron peut et veut vivre luxueusement. Dans sa villa de Tusculum, il fait aménager un gymnase et d'agréables promenades sur deux terrasses, lieux de détente et de discussion qu’il nomme Académieet Lycée, évocations de l'école de Platon et de celle d’Aristote. S'aidant des conseils d'Atticus, il décore sa villa d’Arpinum d'une grotte artificielle, son Amalthéum, évoquant Amalthée qui allaita Jupiter enfant.
Son activité d’avocat pratiquée gratuitement est la seule activité honorable pour un sénateur, interdit de pratique commerciale ou financière. Cela ne l’empêche pas de fréquenter les milieux d’affaires, plaçant ses surplus de trésorerie ou empruntant chez son ami le banquier Titus Pomponius Atticus. Il investit parfois par l’intermédiaire de ses banquiers, plaçant par exemple 2,2 millions de sesterces dans une société de publicains. Parmi ces relations intéressées, Cicéron nous parle aussi de Vestorius spécialiste du prêt, qui n’a de culture qu’arithmétique, et dont la fréquentation pour cette raison ne lui est pas toujours agréable et de Cluvius, financier qui lui léguera en 45 av. J.-C. une partie de ses propriétés, dont des boutiques à Pompéi, en fort mauvais état ; mais Cicéron est un investisseur philosophe :
… deux de mes boutiques sont tombées ; les autres menacent ruine, à tel point que non seulement les locataires ne veulent plus y demeurer, mais que les rats eux-mêmes les ont abandonnées. D’autres appelleraient cela un malheur, je ne le qualifie même pas de souci, ô Socrate et vous philosophes socratiques, je ne vous remercierai jamais assez !… En suivant l'idée que Vestorius m'a suggérée pour les rebâtir, je pourrai tirer par la suite de l'avantage de cette perte momentanée
Cet enrichissement par des legs est une pratique courante à l'époque, et Cicéron admet lui-même fin 44 av. J.-C. avoir hérité de ses amis et parents pour plus de vingt millions de sesterces.

Vicissitudes dans une République à la dérive

Après le coup d’éclat de l’affaire Catilina, la carrière politique de Cicéron se poursuit en demi-teinte, en retrait d’une vie politique dominée par les ambitieux et les démagogues. Après la formation en 60 av. J.-C. d’une association secrète entre Pompée, César et Crassus le premier triumvirat, César, consul en 59 av. J;-C., propose d’associer Cicéron comme commissaire chargé de l'attribution aux vétérans de terres en Campanie, ce que ce dernier croit bon de refuser.
En mars 58 av. J.-C., ses ennemis politiques, menés par le consul Gabinius et le tribun de la plèbe Clodius Pulcher qui lui voue une haine tenace depuis qu’il l’a confondu en 62 av. J.-C. dans l’affaire du culte de Bona Dea, le font exiler pour procédés illégaux contre les partisans de Catilina, exécutés sans procès règulier. Isolé, lâché par Pompée et l'autre consul Pison dont le fils a épousé sa fille Tullia, Cicéron quitte Rome le 11 mars, veille du vote de la loi qui condamne tout magistrat qui a fait exécuter un citoyen sans jugement. Désigné liquidateur de ses biens, Clodius fait détruire sa maison sur le Palatin, et consacrer à la place un portique à la Liberté. Dans le même temps, Gabinius pille la villa de Cicéron à Tusculum. Quant à Cicéron, il déprime dans cette retraite forcée à Dyrrachium, puis à Thessalonique.

Pompée, protecteur de Cicéron.

À Rome, ses amis tentent d'organiser un vote annulant la loi de Clodius. Son frère sollicite Pompée, qui s'est brouillé avec Clodius, tandis que Publius Sestius obtient la neutralité de César. Mais Clodius s'oppose à toutes les tentatives légales grâce aux vetos des tribuns, puis avec ses bandes armées. Le nouveau tribun de la plèbe Titus Annius Milon, partisan de Cicéron, forme à son tour des bandes ; les affrontements se multiplient. Pour avoir l'avantage du nombre, Pompée fait venir en masse à Rome des citoyens de villes italiennes, et obtient le 4 août 57 av. J.-C. un vote annulant l'exil de Cicéron.
Cicéron peut revenir triomphalement à Rome début septembre 57 av. J.-C. Il reprend aussitôt l’activité judiciaire et défend avec succès Publius Sestius Pro Sestio, puis Caelius pro Caelio, impliqués dans les émeutes qui opposent désormais les bandes armées de Milon à celles de Clodius. Par son discours de retour au Sénat Post Reditum in Senatu, il obtient que l’État l’indemnise de 2 millions de sesterces pour la destruction de sa maison du Palatin, de 500 000 pour sa villa de Tusculum, de 250 000 pour celle de Formies, ce qu'il trouve trop peu d'ailleurs, écrit-il à Atticus en reprochant leur jalousie aux sénateurs. Obstiné, Cicéron veut reconstruire sa maison, mais récupérer son terrain est problématique puisqu'il lui faudra détruire un espace consacré. Cicéron parvient à faire casser la consécration par les pontifes pour vice de forme discours Pro domo sua, mais Clodius, élu édile, l’accuse de sacrilège devant l'assemblée des comices ; ses bandes harcèlent les ouvriers qui ont commencé les travaux, incendient la maison du frère de Cicéron, attaquent celle de Milon. Pompée doit intervenir pour ramener l’ordre et permettre la reconstruction de la maison de Cicéron.
En 56 av. J.-C., enhardi par ses succès oratoires, Cicéron tente de revenir en politique : après s'être abstenu d'assister à la réunion des triumvirs à Lucques à l'inverse de nombreux sénateurs, il attaque publiquement Publius Vatinius, un des appuis de César, puis s'oppose à la loi agraire qu'avait promulgué ce dernier. Les triumvirs le remettent à l'ordre, Pompée lui fait rappeler la protection qu'il lui doit. Cicéron doit prononcer au Sénat le de Provinciis Consularibus et obtenir la prolongation du pouvoir proconsulaire de César sur la Gaule, ce qui permet à ce dernier de poursuivre la Guerre des Gaules. Cette palinodie embarrassante, selon les termes de Cicéron est suivie d'une autre lorsqu'il doit plaider pour la défense de Vatinius.
Les luttes politiques dégénèrent en affrontements violents entre groupes partisans des populares et des optimates, empêchant la tenue normale des élections. Clodius est tué début 52 av. J.-C. dans l'une de ces rencontres ; Cicéron prend naturellement la défense de son meurtrier, Milon. Mais la tension est telle lors du procès que Cicéron, apeuré, ne peut plaider efficacement et perd la cause. Milon anticipe une probable condamnation en s'exilant à Marseille. Cicéron publiera néanmoins la défense prévue dans son fameux Pro Milone.

Proconsulat en Cilicie 51-50

La Cilicie et les régions voisines
En 53 av. J.-C., le Sénat impose un intervalle de cinq ans entre l'exercice d'une magistrature et celui de la promagistrature correspondante en province, afin de mettre un frein aux endettements contractés lors des campagnes électorales qui sont ensuite remboursés par le pillage des provinces. La mesure contraint en 51 av. J.-C. à trouver des remplaçants pour les consuls sortants, qui doivent attendre pour rejoindre leur province. Le Sénat pallie ce problème en attribuant ces provinces aux anciens magistrats qui n'ont pu exercer leur promagistrature. Cicéron qui avait renoncé à la Macédoine lors de son consulat obtient donc un mandat de proconsul en Cilicie, petite province romaine d’Asie mineure, charge qu'il prend sans enthousiasme. À l'époque, cette province couvre un territoire plus large que celui qu'elle aura sous l'empire, et comprend aussi la Lycie, la Pamphylie, la Pisidie, la Lycaonie et aussi Chypre que Rome vient d'annexer.
Selon Plutarque, Cicéron gouverne avec intégrité. Pour Levert, c'est l'occasion pour Cicéron de mettre en pratique sa philosophie de gouvernement des provinces, basée sur la paix et la justice, essentiellement fiscale : il rencontre les élites locales des villes qu'il traverse, supprime les charges fiscales injustifiées, modère les taux d'intérêt usuraires, noue alliance avec Dejotarus, roi de Galatie et Ariobarzane de Cappadoce. Au début de son mandat, Cicéron doit mater une révolte dans les Monts Amanus proches de la Syrie, où Antioche est sous la menace des raids parthes. Il lève des troupes et nomme légat son frère, qui a acquis l'expérience de l'action militaire lors de la guerre des Gaules. Après deux mois de siège de la cité de Pindenissus, foyer de l'insurrection, les insurgés capitulent. Pour ce fait d'armes somme toute modeste, Cicéron est salué imperator par ses soldats, et songe à demander à son retour la célébration du triomphe, par vanité ou pour se hisser au niveau d'importance des Pompée et César.
Cicéron quitte sa province fin juillet -50, et revient en Italie en plusieurs mois. Le solde des comptes de sa gestion lui laissent un reliquat personnel et légal de 2,2 millions de sesterces.

La tourmente de la guerre civile

À son retour en Italie fin 50 av. J.-C., une crise politique aiguë oppose César à Pompée et aux conservateurs du Sénat. Cicéron rencontre Pompée le 25 décembre, mais stationne hors de Rome, attendant selon l'usage que le Sénat l'autorise à y pénétrer en triomphateur. Il n'assiste donc pas aux séances du Sénat qui déclenchent le conflit avec César.
Lorsque ce dernier envahit l’Italie en janvier 49 av. J.-C., Cicéron fuit Rome comme la plupart des sénateurs, et se réfugie dans une de ses maisons de campagne. Sa correspondance avec Atticus exprime son désarroi et ses hésitations sur la conduite à tenir. Il considère la guerre civile qui commence comme une calamité, quel qu’en soit le vainqueur. César, qui souhaite regrouper les neutres et les modérés, lui écrit puis lui rend visite en mars, et lui propose de regagner Rome comme médiateur. Cicéron refuse et se déclare du parti de Pompée. César le laisse réfléchir, mais Cicéron finit par rejoindre Pompée en Épire en mai 49 av. J.-C..
Selon Plutarque, Cicéron, mal accueilli par Caton qui lui dit qu’il aurait été plus utile pour la République qu'il soit resté en Italie, se comporta en poids mort et ne prit part à aucune action militaire menée par les pompéiens. Après la victoire de César à Pharsale en 48 av. J.-C., il abandonne le parti pompéien et regagne l'Italie, où il est bien accueilli par César, qui se montre modéré et n'exerce pas de représailles contre ses opposants. Sur l'instance d'un groupe de sénateurs, il gracie même l'exilé Marcellus. Cicéron fait un éloge enthousiaste de cette clémence et exhorte César à réformer la République en prononçant le discours Pro Marcello, puis en profite pour obtenir la grâce de plusieurs de ses amis avec le Pro Q. Ligario et le Pro rege Deiotaro. Mais il déchante bientôt quand il ne constate aucun retour du pouvoir sénatorial. Dans une lettre à Varron du 20 avril 46 av. J.-C., il donne ainsi sa vision de son rôle sous la dictature de César :
Je vous conseille de faire ce que je me propose de faire moi-même - éviter d’être vu, même si nous ne pouvons éviter que l’on en parle… Si nos voix ne sont plus entendues au Sénat et dans le Forum, que nous suivions l’exemple des sages anciens et servions notre pays au travers de nos écrits, en se concentrant sur les questions d’éthique et de loi constitutionnelle

Retraite politique et travaux philosophiques

Cicéron met ce conseil en pratique durant la période 46/44 av. J.-C. Il réside le plus souvent dans sa résidence de Tusculum et se consacre à ses écrits, à la traduction des philosophes grecs, voire à la rédaction de poésies. Il anime un cercle de jeunes aristocrates désireux d'apprendre la rhétorique à son contact et d'admirateurs comme Hirtius, Pansa et son gendre Dolabella, menant des exercices oratoires sur des thèmes d'actualité comme les moyens de ramener la paix et la concorde entre les citoyens.
Il déploie une intense activité rédactionnelle et publie en quelques mois ses ouvrages philosophiques majeurs, une façon selon lui de travailler au bien public en ouvrant au plus grand nombre l'accès à la philosophie : ainsi se succèdent l’Hortensius, la Consolation, les Académiques, les Tusculanes, le De finibus, De la nature des Dieux, De la divination, De la vieillesse.
Sa vie privée est néanmoins perturbée : il divorce de Terentia en 46 av. J.-C., et épouse peu après la jeune Publilia, sa pupille. Selon le témoignage de Tiron après la mort de Cicéron, celui-ci, gestionnaire en fideicommis des biens de Publilia, l'aurait épousée pour éviter de lui restituer ces biens si elle convolait avec un tiers. En février 45 av. J.-C., sa fille Tullia meurt, lui causant une peine profonde. Il divorce alors de Publilia qui s'était réjouie du décès de Tullia.
Ses relations avec César sont devenues assez distantes. Si César n’est pas le modèle de dirigeant éclairé que Cicéron théorisait dans son De Republica, il n’est pas non plus le tyran sanguinaire qu’on avait craint ; de toute façon, il est désormais maître absolu de Rome. Cicéron s’en accommode donc. Il rédige un panégyrique de Caton, qu’il qualifie de dernier républicain, petite manifestation d’indépendance d’esprit à laquelle César répond en publiant un Anticaton, recueil de ce que l’on peut reprocher à Caton. Cicéron conclut ce duel rédactionnel en complimentant d’égal à égal César pour la qualité littéraire de son écrit.
En décembre 45 av. J.-C.39, César et sa suite s’invitent à dîner dans la villa de Cicéron à Pouzzoles. Au grand soulagement de Cicéron, César ne recherchait qu'une soirée de détente ; la conversation est agréable et cultivée, n’abordant que des sujets littéraires :
Services magnifiques et somptueux. Propos de bon goût et d’un sel exquis. Enfin, si vous voulez tout savoir, la plus aimable humeur du monde. L’hôte que je recevais n’est pourtant pas de ces gens à qui l’on dit : au revoir cher ami, et ne m’oubliez pas à votre retour. C’est assez d’une fois. Pas un mot d’affaires sérieuses. Conversation toute littéraire. Telle a été cette journée d’hospitalité ou d’auberge si vous l’aimez mieux, cette journée qui m’effrayait tant, vous le savez, et qui n’a rien eu de fâcheux

Dernier engagement politique

Trois mois plus tard, Cicéron est surpris par l’assassinat de César, aux Ides de Mars, le 15 mars 44 av. J.-C., car les conjurés l'avaient laissé hors de la confidence en raison de son anxiété excessive. Dans le flottement politique qui suit, Cicéron tente de se rallier le Sénat romain, et fait approuver une amnistie générale qui désarme les tensions tandis que Marc Antoine, consul et exécuteur testamentaire de César, reprend le pouvoir un instant vacillant. Il fait confirmer toutes les décisions prises par César et organise ses funérailles publiques, qui tournent à l'émeute contre ses meurtriers. Comme d'autres sénateurs, Cicéron se replie dans ses villae de Campanie, où il continue sa production littéraire tout en se tenant au courant de l'évolution politique. Cicéron reprend espoir lorsque son gendre Dolabella qui exerce le consulat en alternance avec Antoine interdit les manifestations populaires à l'emplacement où César a été incinéré. De plus, Dolabella lui accorde le titre de légat, ce qui l'autorise à quitter l'Italie s'il le désire.
Octave jeune, que Cicéron, son aîné de plus de quarante ans, ne put influencer.
Le jeune Octave, héritier de César, arrive en Italie en avril. Par ses distributions d'argent, il développe son influence auprès des vétérans de César démobilisés. Cicéron se montre hésitant. Il songe à rejoindre son fils à Athènes, mais renonce en cours de route et revient à Rome fin août. Début septembre 44 av. J.-C., il commence à attaquer Marc-Antoine dans une série de discours de plus en plus violents, les Philippiques.
En novembre -44, Octave écrit plusieurs fois à Cicéron, qu'il finit par convaincre de son adhésion à la cause républicaine contre Antoine. Fin décembre -44, Cicéron prononce devant le Sénat la troisième Phlippique, puis la quatrième devant le peuple, tandis qu'il encourage les gouverneurs des Gaules Plancus et Decimus Brutus à résister à la mainmise d'Antoine sur leurs provinces. En janvier -43, Antoine et Dolabella sont remplacés au consulat par Hirtius et Pansa, que César avait nommés d'avance et qui sont d'anciens élèves de rhétorique de Cicéron. Cicéron continue ses Philippiques, mais ne parvient pas à faire proclamer Antoine ennemi public par les sénateurs. Au contraire, il doit accepter qu'on lui envoie des négociateurs. En mars, accompagnés d'Octave, Hirtius et Pansa attaquent Antoine qui assiège Decimus Brutus dans Modène. Antoine est repoussé, mais Hirtius et Pansa sur qui Cicéron comptait sont morts dans les combats. Lorsque la nouvelle parvient à Rome en avril, Cicéron dans sa dernière Philippique couvre d'honneurs Octave et obtient enfin qu'Antoine soit déclaré ennemi du peuple romain.
Pour remplacer les consuls décédés, selon l'historien Appien, Octave propose que Cicéron et lui se portent candidats. Octave n'a ni l'âge ni le parcours politique pour être légalement consul, les sénateurs refusent donc, mais commettent la maladresse de repousser les élections à l'année suivante, laissant la République sans dirigeant. Autre motif de préoccupation pour Cicéron, une lettre de Decimus Brutus lui révèle qu’un proche d’Octave l’incite à se méfier de lui. Fin juillet, une délégation de soldats force le Sénat à accorder le consulat à Octave, ce qu'un vote populaire ratifie le 19 août. Octave s’entend alors avec Marc-Antoine et Lépide, et constitue le Second triumvirat, qui reçoit fin octobre -43 les pleins pouvoirs avec comme programme Venger César de ses meurtriers.
Les trois hommes s’accordent pour éliminer leurs ennemis personnels. Malgré l’attachement d’Octave pour son ancien allié, il laisse Marc-Antoine proscrire Cicéron, après trois jours de négociations selon Plutarque. L'orateur est assassiné le 7 décembre 43 av. J.-C. au moment où il quitte sa villa de Gaète ; sa tête et ses mains sont exposées sur les Rostres, au forum, sur ordre de Marc-Antoine, ce qui choque fortement l'opinion romaine. Son frère Quintus et son neveu sont exécutés peu après dans leur ville natale d'Arpinum. Seul son fils qui est en Macédoine échappe à cette répression.

La mort de Cicéron

Le culte de la mort honorable et héroïque était très fort dans la Rome antique et tout homme savait qu'il serait aussi jugé sur son attitude, ses poses ou ses propos lors de ses derniers moments. En fonction de leurs intérêts politiques ou de leur admiration envers Cicéron, ses biographes ont parfois considéré sa mort comme exemple de lâcheté Cicéron a été assassiné alors qu'il était en fuite ou plus souvent, au contraire, comme un modèle d'héroïsme stoïque il tend son cou à son bourreau, qui ne peut supporter son regard.
La version de l’évènement que donne Plutarque combine habilement ces deux visions :
À ce moment, survinrent les meurtriers ; c'étaient le centurion Herennius et le tribun militaire Popilius que Cicéron avait autrefois défendu dans une accusation de parricide. … Le tribun, prenant quelques hommes avec lui, se précipita … Cicéron l'entendit arriver et ordonna à ses serviteurs de déposer là sa litière. Lui-même portant, d'un geste qui lui était familier, la main gauche à son menton, regarda fixement ses meurtriers. Il était couvert de poussière, avait les cheveux en désordre et le visage contracté par l'angoisse. … Il tendit le cou à l'assassin hors de la litière. Suivant l'ordre d'Antoine, on lui coupa la tête et les mains, ces mains avec lesquelles il avait écrit les Philippiques.
Cette tête et ces mains coupées furent exposées à la tribune des Rostres, exhibition macabre que Marius puis Sylla avaient auparavant ordonnée après l'exécution de leur opposants.

Œuvres de Cicéron.

Cicéron est considéré comme le plus grand auteur latin classique, tant par son style que par la hauteur morale de ses vues. La partie de son œuvre qui nous est parvenue est par son volume une des plus importantes de la littérature latine : discours juridiques et politiques, traités de rhétorique, traités philosophiques, correspondance. Malgré le biais qu’impose le point de vue de l’auteur, elle représente une contribution prépondérante pour la connaissance de l’histoire de la dernière période de la République romaine.
Les textes qui nous sont parvenus sont des versions révisées et parfois réécrites par Cicéron, avec l'aide de son esclave et sténographe Tiron, tandis qu'Atticus se chargea de les faire copier et mettre en vente50. Cicéron affranchit Tiron en 53 av. J.-C., et Tiron devenu Marcus Tullius Tiro resta son collaborateur. Après la mort de Cicéron, il édita sa correspondance et de nombreux discours, éditions dignes de confiance si l'on en croit Aulu-Gelle, qui les lut deux siècles plus tard.

Les ouvrages de rhétorique

Cedant arma togae. Cicéron n'avait pas d'autres moyens d'action et d'influence que son éloquence. C'est en ce sens qu'on peut assimiler à un traité politique ses trois livres de dialogues à la manière d'Aristote, De oratore 55 ; il avait déjà écrit, vers 88, deux livres De inuentione, dont il devait plus tard condamner la forme scolaire. À partir de 46, profitant des loisirs forcés offerts par la révolution césarienne, Cicéron écrit un Brutus, histoire de l'éloquence à Rome, un Orator qui reprend le De oratore en un livre, en insistant particulièrement sur les problèmes esthétiques. Il va rédiger des ouvrages plus courts : les Partitiones oratoriae manuel d'une structure très originale, pour son fils, le De optimo genere oratorum, bref traité sur la primauté du style démosthénien et surtout les Topiques, où il étudie de façon approfondie et magistrale la dialectique de l'orateur.
On doit mesurer toute l'audace et l'originalité qu'il y a pour un homme d'État important, un ancien consul, à publier ainsi des œuvres généralement réservées à des personnages de moindre rang, à des professeurs. Cicéron, homo nouus, reste proche des érudits de l'ordre équestre ; surtout, il pousse jusqu'à ses conséquences extrêmes sa conception de l'action : pour lui, action et culture sont inséparables. Haïssant toute violence, cherchant l'efficacité, il ne peut la trouver que dans la parole agissante, dans l'éloquence, mais encore dans une éloquence savante, et même philosophique. Car c'est ici qu'il faut insister surtout : la culture oratoire, telle que la conçoit Cicéron, dépasse l'éloquence même dans ce que celle-ci paraît avoir de complaisant. Puisque l'homme d'État est un éducateur, il doit lui-même recevoir une formation universelle : il faut d'abord forger tout l'homme pour obtenir un personnage politique. Ainsi naît la notion moderne d' humanisme : humanitas ne signifie plus seulement amour de l'humain, mais en même temps culture.
Tel est le premier problème qui se pose : celui de la culture. Cicéron se trouve entre trois options : les professeurs d'éloquence de son temps essaient de ramener leur art à quelques recettes de routine ; Isocrate avait conçu ce que nous appelons la « culture générale », étendue, sélective cependant, ennemie des curiosités excessives et des spécialisations ; avant Isocrate, les sophistes avaient rêvé d'un savoir universel et approfondi, et certains philosophes, Aristote, le stoïcien Posidonius, avaient essayé plus ou moins de réaliser cet idéal. Cicéron rejette la première solution et balance entre les deux autres. Si la position d'Isocrate représente le moindre mal, celle des philosophes offre un idéal dont on peut se rapprocher, soit individuellement, soit en suivant l'évolution des cultures et des traditions.
Cette attitude à la fois nuancée et exigeante est dictée à Cicéron par les penseurs de l' Académie, en particulier Charmadas, élève de Carnéade, dont l'influence lui a été transmise à la fois par ses maîtres romains, de grands orateurs sénatoriaux, Antoine et Crassus, qu'il fait parler dans le De oratore, et par son propre professeur de philosophie, Philon de Larissa, scholarque de la Nouvelle Académie, qui mêlait à son enseignement des cours de rhétorique, De oratore, III, 110. On comprend donc que la philosophie tienne une très grande place dans la rhétorique de Cicéron ; elle intervient pour lui fournir une technique : l'esthétique du De oratore, III, fortement influencée par Théophraste, cherche à combiner la grâce ou convenance, avec la beauté ; la psychologie d'inspiration platonicienne et stoïcienne tend à dominer les passions, sans rejeter pour autant la douleur si elle est sympathie, pitié, amour – amor, caritas, misericordia – ; la théorie de l'ironie est proche à la fois d'Aristote et de Platon ; enfin et surtout, une réflexion de type aristotélicien s'établit sur les lieux communs, schémas généraux de toute argumentation dialectique, qui peuvent être appliqués, comme Aristote l'avait déjà montré dans ses Topiques, à tout type de question, juridique, politique, philosophique. À cela se rattache une théorie originale des thèses, ou questions générales Cicéron montre que toute question particulière, ou hypothèse, peut et doit être ramenée à une question générale. Cet effort pour nourrir la rhétorique de philosophie permet à Cicéron de fournir une réponse originale à une question célèbre depuis Platon : la rhétorique, chère aux sophistes, n'est-elle pas une anti-philosophie ? La grande digression philosophique du De oratore, III, 54 et suiv., qui apporte la solution, propose un classement des doctrines qui s'inspire manifestement de Philon de Larissa. Cicéron, Lucullus, 116 et suiv.. Or ce philosophe, d'une part, était un platonicien et, par son maître Carnéade, il avait pu connaître la valeur de certaines doctrines péripatéticiennes ; mais, comme Carnéade, il était avant tout un ami de la Nouvelle Académie qui, dans la tradition d'Arcésilas, empruntait aux sophistes comme Gorgias tout un art de douter. Ainsi s'esquisse dans l'éloquence, telle que Cicéron la conçoit, la réconciliation du doute sceptique et de l'idéalisme platonicien, de l'action stoïcienne et de la contemplation péripatéticienne, de Platon, d'Isocrate et de Gorgias.
L'influence qu'un tel enseignement a pu exercer dans l'histoire de la pensée européenne est alors claire. Par la place qu'il donne à la philosophie, à l'histoire, au droit, il est à l'origine de notre conception des lettres. En empruntant à Aristote Rhétorique, III le souci d'unir étroitement forme et fond, Cicéron fournit à l'avance au classicisme quelques-unes de ses justifications essentielles. C'est en leur nom que, luttant contre les néo-atticistes, César par exemple, et sans se laisser entraîner comme parfois son rival Hortensius par la pompe asianiste, il défend dans l'Orator son droit à la grandeur d'expression, qui est nécessaire lorsqu'on traite un grand sujet, et alors seulement.
Mais, revenons-y pour finir, il ne s'agit pas seulement des théories d'un doctrinaire. Il suffit de lire ici ce qui concerne l'action et la philosophie de Cicéron pour voir que son éloquence se confond avec sa vie, et même avec sa mort. Qu'on y songe : l'ami et l'inspirateur commun d'Antoine et de Crassus s'appelait Drusus ; il luttait en 91 pour éviter la guerre civile en Italie. C'est à cette date que Cicéron situe le De oratore. Drusus, puis Antoine, ont été assassinés. Quant à Cicéron...
Telles sont les victoires de l'éloquence. Dans la mort, la toge ne cède point aux armes. Et l'humanisme demeure.

Le théoricien politique

Dans l'histoire de la pensée européenne, l'œuvre de Cicéron revêt une importance considérable dans la mesure où il fut le premier homme d'État à tenter de concilier les exigences de la pratique politique et les résultats de la spéculation philosophique. Sans doute les Grecs, et surtout Platon et Aristote, avaient-ils déjà fondé à proprement parler la philosophie politique. Mais le premier le faisait en métaphysicien et en moraliste, sans véritable responsabilité d'homme d'État ; et le second, en savant, cherchant à cataloguer les diverses formes de Constitutions et à en faire l'histoire. Cicéron, au contraire, dans ses principales œuvres de philosophie politique, le De oratore, le De re publica, le De legibus, le De officiis, ne perd jamais de vue ni son expérience concrète d'homme d'État, ni son dessein d'appliquer au cas particulier de Rome, maîtresse du monde il est vrai, les principes qu'il déduit de sa philosophie. Lorsqu'il écrit ces œuvres, la crise de la Constitution romaine est évidente : chacun s'interroge sur le meilleur régime à établir, sur les devoirs que créent aux citoyens les révolutions et les guerres civiles.
Ce serait une erreur de croire que Cicéron, dans une période de sa vie où l'action lui était pratiquement interdite, où le pouvoir lui avait échappé, ait improvisé, à partir d'une lecture éclectique des Grecs, des œuvres théoriques qui ne seraient en somme que des palliatifs. Dès sa jeunesse, à la différence de la plupart de ses contemporains, il avait considéré la philosophie comme une vocation exigeante et essentielle ; mais il avait refusé les échappatoires qu'offraient alors les doctrines stoïcienne ou épicurienne, qui permettaient à certains, dont son ami intime Atticus, de refuser l'engagement dans la vie politique ; il avait toujours, au contraire, essayé de soutenir l'une par l'autre ces activités à ses yeux complémentaires. Il n'est pas difficile, en effet, de retrouver dans des textes politiques très antérieurs aux grands traités, dans des discours comme le De lege agraria 63, le Pro Murena 63, ou le Pro Sestio 56, qui sont des œuvres de circonstance mais aussi des sortes de manifestes, ou dans sa fameuse Lettre à Quintus en 61 sur les devoirs d'un proconsul, quelques-uns des thèmes qu'il développera et justifiera philosophiquement plus tard. Mais on peut sans doute découvrir aussi, dans l'exposition de ces thèmes, un enrichissement permanent, un passage du simple programme à la théorie, une élévation vers une sorte de mysticisme religieux qui nous fait insensiblement passer du domaine de la politique contingente à celui des vérités éternelles. Autour de la formule de la concordia ordinum, Cicéron élabore, vers 63, un programme de réformes politiques qui se situe au niveau de la simple pratique : aménager la Constitution syllanienne centrée autour du Sénat, en ouvrant largement celui-ci à la noblesse municipale italienne des hommes nouveaux ; régler une fois pour toutes la vieille rivalité entre les chevaliers et les sénateurs en reconnaissant définitivement aux chevaliers leurs privilèges financiers et judiciaires, mais en les associant plus étroitement aux décisions de l'Assemblée ; éviter l'intervention du pouvoir militaire dans la politique intérieure. Au cours des années 58-56, l'échec de cette politique, l'expérience amère de l'exil lui font souhaiter, sous le nom de consensus universorum, le rassemblement de tous ceux qui, quelle que soit leur origine sociale et c'était très neuf, s'accordaient sur certains principes modérés ; quant aux hommes politiques, ils ne devaient désirer qu'une chose : le repos otium, c'est-à-dire l'absence de guerre et de luttes inexpiables, le refus du pouvoir excessif, dans le respect des droits de tous dignitas.
Le De re publica, écrit au moment où apparaissent les prodromes de la guerre civile, où l'on redoute la dictature de Pompée et les armées de César, prend les choses de plus loin. Ce dialogue sur la meilleure Constitution et sur le meilleur homme d'État se présente fictivement comme un retour aux spéculations des grands ancêtres de la génération de Scipion Émilien, dont le prestige, la culture, la sagesse auraient pu sauver Rome en 129, juste avant la poussée révolutionnaire du second des Gracques. C'est une méditation en six livres sur les origines des sociétés humaines, les lois du développement des cités, les rapports entre le droit et la raison, la nature et la loi. L'histoire y apparaît comme l'accomplissement du dessein de la divinité, qui est souverainement bon et dont Rome est l'achèvement. Cicéron croit, comme Polybe dont il s'inspire, que Rome doit ses succès à ses mérites, en particulier au fait qu'elle présente le meilleur modèle possible de Constitution, la « Constitution mixte », qui offre à la fois des traits monarchiques, aristocratiques et démocratiques. Encore faut-il que cet équilibre ne soit pas celui de la terreur réciproque et que tous les éléments de la cité collaborent harmonieusement ; c'est pour cela qu'il faut susciter un petit nombre d'hommes d'élite, les princes, dont la vertu et l'autorité, fondées sur l'éducation romaine et la sagesse grecque, sauront intervenir en cas de crise. Ce n'est donc pas, comme on l'a dit, un plaidoyer pour la monarchie, ni même l'appel à un principat qui aurait pu être celui de Pompée : c'est bien plutôt le rêve d'une république où des hommes comme Cicéron et Pompée sauraient collaborer. Le texte s'achève, à la manière platonicienne, sur un mythe, le Songe de Scipion, qui montre comment l'action politique et le dévouement à la patrie sont, pour l'homme d'élite, le seul gage d'immortalité. Ce texte très riche, dont on n'a retrouvé les fragments qu'en 1818, est, à plus d'un titre, une troublante anticipation de certains aspects de l'Empire : Auguste pourtant en interdira jalousement la lecture.
Écrit en même temps, et faisant peut-être partie du même plan initial, le De legibus, qui ne fut publié que beaucoup plus tard, est une réflexion sur la philosophie du droit religieux et du droit civil dont la partie la plus intéressante est sans doute un véritable projet de Constitution présenté par Cicéron qui se met en scène lui-même. Il ne touche pas aux principes de la Constitution traditionnelle, mais propose un certain nombre d'innovations remarquables, précisant la hiérarchie des magistratures, réduisant les pouvoirs des tribuns, moralisant l'emploi du scrutin secret et surtout conférant au Sénat un véritable pouvoir législatif. Certaines de ces innovations sont d'inspiration grecque. L'État que rêvait Cicéron n'était pas une monarchie, c'était une république, aristocratique sans doute, mais ouverte aux talents, libérale, fondée sur le respect du droit, de la raison et de la justice, que gouverneraient des philosophes éloquents.

L'Å“uvre philosophique

L'œuvre philosophique de Cicéron a exercé dans l'histoire de la pensée occidentale une influence très profonde – et l'influence, précisément, qu'il avait souhaitée. Il est apparu non pas comme un créateur mais comme un médiateur, un honnête homme qui, parmi les doctrines existantes, cherchait à définir non pas les plus commodes, mais les plus fécondes pour un humanisme exigeant. Il a fallu les confusions saugrenues de quelques modernes pour voir en lui un simple copiste, on prétend qu'il ne comprend pas ses modèles, mais c'est en général qu'on ne le comprend pas lui-même ou pour lui demander des innovations, des créations qui n'entraient point dans son propos.

L'itinéraire de l'homme d'action

Ce fut une conception exigeante de l'action et notamment de l'éloquence qui le conduisit à la philosophie. Cela prit d'abord la forme de la réflexion politique. On peut affirmer que, lorsqu'il achève le De legibus, Cicéron a déjà tout dit. Mais ce n'était encore que le temps de la demi-retraite. La victoire de César rend impossible toute action : elle détermine surtout une crise de conscience, une remise en question générale de toutes les valeurs, un retour au fondamental. La mort de Tullia, sa fille très aimée, en 45, achève d'obliger l'orateur à s'attacher désespérément à la sagesse : il ne veut plus retomber dans les désarrois du temps de l'exil. Vraiment, il est philosophe à son corps défendant.
De là le double mouvement d'une œuvre qui, d'une part, répond à tout instant aux exigences de l'action, du présent, de l'événement et, d'autre part, précisément puisqu'elle veut obéir aux exigences de la sagesse, suit l'ordre de la raison. D'abord, Cicéron écrit trois ouvrages qui, de manières diverses, remettent en question sa culture et la philosophie même. Dans l'Hortensius, l'un des grands textes de l'Antiquité, malheureusement perdu à l'exception de quelques fragments, il écrit une exhortation préalable à la philosophie, un « protreptique », qui le conduit à placer au second rang la culture oratoire, représentée précisément par Hortensius. Dans les Paradoxa stoicorum, il justifie, au-delà des stoïciens, ce que peut avoir d'apparemment scandaleux pour le sens commun la vie philosophique telle que Socrate l'avait conçue. Les Académiques ont été rédigés en deux fois : il ne nous reste que I, 2 appelé aussi Lucullus et II, 1. Cicéron, à propos de l'Académie, y traite le problème du vrai. Ensuite viennent les applications. Les cinq livres De finibus bonorum et malorum posent, en discutant les thèses des principales écoles, le problème du souverain bien. Les cinq livres des Tusculanes, conversations où Cicéron intervient lui-même, situées dans sa villa de Tusculum, présentent une théorie des passions et du bonheur. Il s'agit en somme dans ces deux ouvrages d'une morale théorique. Puis Cicéron aborde les problèmes religieux : trois livres De natura deorum, deux livres De diuinatione, un livre De fato. On remarque bien que ces questions, qui certes touchent à la métaphysique, sont aussi celles qui intéressent directement un augure romain. Le souci de la morale pratique va s'affirmer dans les dernières œuvres : De senectute, dominé par le personnage de Caton l'Ancien ; De amicitia où Lélius, ami de Scipion Émilien, est protagoniste ; enfin trois livres De officiis, sur les devoirs, où Cicéron, dans le temps où il commence sa dernière lutte contre Marc Antoine, adresse des préceptes à son fils. En même temps, l'œuvre de rhétorique n'a pas été interrompue, et les Philippiques commencent ; ainsi s'accomplit totalement cette union de l'action et de la méditation dont Cicéron avait toujours rêvé.

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Posté le : 06/12/2014 17:14
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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