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Paul-Louis Courier
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Le 4 janvier 1772, à Paris naît Paul-Louis Courier

ou plus exactement Paul-Louis Courier de Méré, pamphlétaire français, mort assassiné près de Véretz Indre-et-Loire, le 10 avril 1825. Il appartient au mouvement libéralisme et ses Œuvres principales sont : Pétition pour des villageois que l'on empêche de danser en 1822, Lettres de France et d'Italie en 1822, Pamphlet des pamphlets en 1824

En bref

Militaire par profession, mais érudit et helléniste par goût, il marqua son opposition à la Restauration par de violents pamphlets (Simple Discours, 1821 ; Pétition pour des villageois que l'on empêche de danser, 1822 ; Pamphlet des pamphlets, 1824). Assassiné en forêt de Larçay, il a laissé ses séduisantes Lettres écrites de France et d'Italie.
« Paul-Louis Courier, vigneron de la Chavonnière, bûcheron de la forêt de Larçay, laboureur de la Filonnière, de la Houssière et autres lieux » : peu d'écrivains français joignirent meilleure plume à pire caractère.
Ni les mathématiques, ni surtout l'école d'artillerie, où Courier fut admis en 1791 à dix-neuf ans, n'exigeaient qu'il désertât un peu, refusât de rejoindre son corps et que, chef d'escadron, il écrivît au général Dedon : « Je saurai rendre la lâcheté de votre conduite aussi publique enfin qu'elle est constante. » Si le grec, où il excellait, pouvait l'inciter à brider son cheval, quand il occupait Naples, ainsi que le conseille Xénophon, l'usage de cette langue lui imposait-il de répliquer d'aussi hargneuse façon au bibliothécaire dont il avait, d'une tache d'encre, souillé un manuscrit, celui de Daphnis et Chloé ? Et l'on voit mal pourquoi l'habile traducteur de ces amours puériles devait se comporter en pillard paillard, et l'artilleur en hussard, pressant ainsi quelque dame hésitante : « Cela ne vous fait ni chaud ni froid [...] belle raison pour dire non ! »
De grognard sous Napoléon passé grognon sous Louis XVIII, étonnez-vous si « le plus petit des grands propriétaires » – toujours âpre à se faire payer, jusqu'au « tapage » et aux « assignations » inclusivement – supporta mal que la lettre de la Charte, à laquelle il s'était rallié, en trahît constamment l'esprit. Parce qu'il n'était d'aucun parti, sinon de celui des orléanistes, parce qu'il se piquait de n'être « compère de personne », il connut les arrêts de rigueur en Italie, fut détenu sous Napoléon, par mégarde, à cause du complot de Mallet ; durant la Restauration, ce furent des procès, l'amende, la prison. De 1816 à sa mort, les maires, les préfets, les gendarmes, les procureurs du roi, les ministres même l'honoraient de constantes tracasseries. La liberté se paie. En vérité, il était allé assez loin les chercher : « Je fis seize pages d'un style à peu près comme je vous parle et je fus pamphlétaire insigne. » Le bon apôtre ! Pamphlétaire en effet ; et pamphlétaire insigne !

Origine

Né clandestinement et sous un nom d'emprunt le samedi 4 janvier 1772, rue du Mail, à Paris, Paul-Louis Courier est le fils de Jean-Paul Courier, un riche bourgeois, érudit et familier du droit, propriétaire du fief de Méré (Touraine), et Louise-Élisabeth de Montdeville. Ses parents se marient le 11 février 1777 puis obtiennent, le 2 décembre suivant, un acte de réformation de son acte de baptême pour le légitimer. En 1764, Jean-Paul Courier avait été victime du duc d'Olonne, seigneur prodigue et ruiné de la famille des Montmorency-Luxembourg, dont il était le lieutenant des chasses, le créancier et l'amant de sa femme ; celui-ci avait tenté de la faire assassiner. Il s'installe en Touraine, d'abord dans la vallée de l'Indre, où Balzac situera Le Lys dans la vallée, puis à Cinq-Mars la Pile, près de Langeais. En 1784, le ménage Courier quitte la Touraine avec Paul-Louis pour Paris, afin que celui-ci y entreprenne des études propres à lui ouvrir la carrière des armes.
Paul-Louis est attiré très tôt par la littérature grecque. Son père l'incite à entrer dans l'étude des mathématiques, qu'il apprend à partir de l'âge de quinze ans auprès de Jean-François Callet et de Jean-Baptiste Labey, professeur à l'École militaire de Paris, mais son fils ne peut se soustraire à la séduction opérée sur lui par les écrivains antiques ; les livres grecs ne le quittaient point. S'étant donc livré par goût à l'étude de la langue grecque, il suivit les leçons de Vauvilliers, ami de son père, helléniste réputé et professeur du Collège royal, place de la Sorbonne, à quelques minutes de chez ses parents, de pair avec celle des mathématiques.

La Révolution française

Le 1er septembre 1792, Courier est admis sur concours en qualité d'élève sous-lieutenant à l’École de l'artillerie de Châlons-sur-Marne, aujourd'hui Châlons-en-Champagne ; le cours y est interrompu jusqu'en octobre, devant l'avancée de l'armée prussienne, et les élèves sont employés à la garde des portes de la ville, où ont été placées quelques pièces de canon. Élève peu appliqué, peu habitué à la discipline de l'école, il en sort avec le grade de lieutenant le 1er juin de l'année suivante. La défection des chefs militaires d'origine aristocratique aurait pu favoriser sa carrière. Après être allé embrasser ses parents, il rejoint sa compagnie, en garnison à Thionville.
Mais Paul-Louis Courier déteste la guerre et plus encore ceux qui la conduisent. De plus, il n'a pas ce feu républicain que les commissaires du gouvernement récompensent avec tant de libéralités. Il passe son temps libre à lire dans les abbayes et les bibliothèques : « J’aime à relire les livres que j’ai déjà lus et par là, j’acquiers une érudition moins étendue, mais plus solide » écrit-il à sa mère6.
Au printemps 1794, il quitte Thionville pour l'Armée de la Moselle, qu'il joint au camp de Blieskastel. Après l'occupation de Trèves 9 août, il sert au grand parc de l'armée et il est chargé d'organiser un atelier pour la réparation des armes, installé dans un monastère désaffecté. Dès décembre 1794, il prend part au blocus de Mayence. Plus tard, il écrira : « J'y pensai geler et jamais je ne fus si près de la cristallisation ». Il quitte Mayence à la fin de l'hiver avec l'autorisation d'un commissaire de la République en mission et rentre en France. On évoque à tort la mort de son père comme raison de son départ ; sa piété filiale l’aurait fait voler auprès de sa mère malade et désespérée. En réalité, son père était toujours vivant et il avait reçu l'assurance du commissaire d'obtenir une nouvelle nomination : il fut affecté à Albi, où il arriva à l'automne 1795 pour présider à la réception des boulets fournis à l'État par les forges du Tarn et de l'Ariège.

L'Italie

En août 1798, il est nommé au quartier général de Rennes comme chef de l'état-major de l'artillerie de l'aile gauche de l'armée d'Angleterre. Il visite la côte qui doit être fortifiée, et commence à apprendre la langue de Shakespeare. En novembre, il est nommé à l'armée d'Italie commandée par Championnet. Il arrive à Rome en janvier 1799. En février, il fait sommation aux habitants enfermés dans la citadelle de Civitavecchia de se rendre. La chance lui évitera d'être tué, contrairement à l'ordonnance qui l'accompagne.
Il y courut un risque plus grand encore en septembre, lorsqu'à leur tour les Français abandonnent la cité papale7. Rapatrié avec ses compagnons d'arme à Marseille puis Paris, il arrive dans la capitale presque mourant à la fin d'octobre. Il passe sa longue convalescence à la direction de l'artillerie à Paris. Il est ensuite présenté à tous les hellénistes de la capitale comme leur égal. Le 27 novembre 1801, il arrive à Strasbourg, au 7e régiment d'artillerie à pied.
Il entretient une correspondance active avec les hellénistes parisiens D'Ansse de Villoison, Clavier et d'autres savants français et allemands. Pendant ce temps, ses anciens camarades de l'École de Châlons, Duroc et Marmont veillent sur son avancement.
Le 29 octobre 1803, il est nommé chef d'escadron dans le 1er régiment d'artillerie à cheval. A la mi-mars 1804, il arrive en Italie, à Plaisance. Le 14 juin, il reçoit la Légion d'honneur. Le 12 octobre, le voilà nommé chef d'état-major de l'artillerie de l'armée de Naples. Il frôle la mort à plusieurs reprises, car les Calabrais insurgés mènent une guérilla impitoyable aux Français. Il écrit à M. de Sainte-Croix, brillant helléniste : « Pour m'en tirer, il a fallu plusieurs miracles... Une fois, pour éviter pareille rencontre, je montai sur une barque, et ayant forcé le patron de partir par le mauvais temps, je fus emporté en pleine mer. Nos manœuvres furent belles. Nous fîmes des oraisons, nous promîmes des messes à la Vierge et à saint Janvier, tant qu'enfin, me voilà encore. »
Le 23 novembre 1805, il charge à la tête de sa brigade le corps autrichien à la bataille de Castel Franco, commandée par le général Gouvion Saint-Cyr. Fait notable, il n'a ni éperons ni étriers, sous le prétexte que les Grecs de l'antiquité n'en avaient pas. Le 31 décembre 1805, il est envoyé au corps d'armée du général Reynier, à Naples. Le 9 mars 1806, il est cité sur le champ de bataille après la victoire remportée sur les insurgés calabrais.
Révulsé par l'esprit d'arrivisme des autres officiers, il côtoie encore la mort plusieurs fois, assiste aux horreurs de la guerre, pillages, massacres, viols… Il en ressort écœuré et ne s'intéresse plus guère qu'aux Grecs. Il traduit notamment Xénophon et ses traités sur la cavalerie. Puis de Naples il court à Rome, qu'il quitte pour Florence, Brescia et Milan, explorant les bibliothèques et devisant avec les érudits, sans souci des devoirs de sa charge d'officier, et négligeant qu'il a ordre de rejoindre sans retard l'Armée d'Italie.
Aussi, arrivé à Vérone, sa destination, en février 1808, est-il mis aux arrêts sans appointements. Appelé le 4 mars suivant à Livourne, en qualité de sous-chef d'état-major d'artillerie, las de demander inutilement un congé, il se résout à envoyer sa démission au ministre de la guerre le 25 février 1809. Celle-ci est acceptée le 10 mars 1809. À peine de retour à Paris, il sollicite sa réintégration, et heureux de l'avoir obtenue provisoirement, il part en toute hâte, oublie d'acheter un cheval, et assiste à pied à la bataille de Wagram.
Il quitte définitivement l'armée, passe en Suisse puis regagne l'Italie.
Il découvre dans la Bibliothèque Laurentienne de Florence un exemplaire complet du roman de Longus, Daphnis et Chloé, roman jusque-là traduit avec une lacune prétendument « érotique ». Il en donne une nouvelle édition calquée sur la traduction de l'évêque Jacques Amyot, en 1810. Il s'attire de sérieux ennuis, accusé par les bibliothécaires d'avoir maculé d'encre la page comportant la lacune. Il encourt une non moins méchante affaire, en faisant, sans autorisation du préfet, imprimer à Rome une lettre adressée à M. Renouard, son libraire, dans laquelle il lui racontait des circonstances de sa querelle avec le bibliothécaire de Florence, il signor Del Furia, qui l'avait accusé d'avoir sciemment taché le manuscrit de Longus. Aussi a-t-il deux ministres à ses trousses ; mais l'empereur pour lequel il n'a nulle admiration, sur ce qu'on lui dit d'un officier retiré à Rome, qui faisait du grec, ordonna qu'on le laissât tranquille.
Enfin, le ministre de la guerre, le général Clarke, le fait rechercher pour s'enquérir de ce qu'il est devenu après Wagram. Il réussit à convaincre le général Gassendi, directeur général de l'artillerie, qu'il avait pensé que sa réintégration dans l'armée n'avait pas été officielle.

Le retour à Paris

Il est de retour à Paris au début de juillet 1812. Il renoue avec Étienne Clavier, trouve Herminie, l’aînée de ses deux filles, fort jolie et, le 12 mai 1814, l’épouse à la mairie de l’ancien 7e arrondissement. Ayant conservé une propriété en Touraine, à Luynes, il achète une immense forêt au sud du Cher en décembre 1815.
L'année suivante, il adresse aux deux assemblées de parlementaires à Paris une pétition : la Pétition aux deux chambres. Dans ce premier pamphlet politique, il proteste contre des arrestations arbitraires survenues en début d'année à Luynes. Pendant deux ou trois ans, il se demande s'il va s'installer à Paris ou en Touraine avec son épouse. Finalement, le couple opte pour la Touraine et achète en avril 1818 une ferme à Véretz : la Chavonnière.

Politique

Après cette installation, il entre dans l'opposition à la Restauration de manière de plus en plus affirmée. Jugé par Stendhal comme « l'homme le plus intelligent de France », le plus vif intérêt s'attacha à Courier dès qu'il parut. Le refus de sa candidature à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, en 1819, lui donne l'occasion d'écrire son premier pamphlet, Lettre à Messieurs de l'Académie. Son talent dans le persiflage le rend célèbre, mais lui coûte deux mois de prison, où il se rend de sa volonté, fin 1821. Là, il reçoit la visite de Béranger; Stendhal lui fait remettre une copie dédicacée de son Histoire de la peinture en Italie.
Il n'est absolument pas bonapartiste ; ses pamphlets Conversation chez Mme d'Albany et Conseils à un colonel donnent une idée de son point de vue sur Bonaparte et la discipline militaire en général. Pas de discipline, pas de gloire. C'est après la chute de l'Empire qu'il commence la publication de ses autres pamphlets. Trop individualiste pour appartenir à un parti, son opposition ne concerne que lui mais, dans cette période d'oppression étouffante, il est tout de suite remarqué. À la différence des libéraux, Courier fait preuve d'un intérêt permanent pour la question sociale. La misère le scandalise et il estime que le travail, surtout celui de la terre, la terre devenue propriété de celui qui en vit, est un accès à la dignité humaine. Pour lui, le partage de la terre est un puissant moteur économique. Il est sensible aux idées des physiocrates, mais n'est jamais indifférent au sort des hommes que broient les contraintes économiques. Cependant, il n'a pas senti monter la question ouvrière, qui commencera à se poser sous la monarchie de Juillet, engendrant d’importants conflits sociaux.
II se distingue à la fois comme helléniste et comme écrivain politique. On lui doit en outre le traité de Xénophon Sur la Cavalerie, 1813 et quelques autres travaux d'érudition. Mais son domaine d'excellence, c'est le pamphlet, cette petite pièce de guerre qui, sans crier gare, vous éclate à la figure et produit d'irréparables dégâts. Dès son intégration dans l'armée, il se méfie de tous les systèmes d'idée et se montre jaloux de ce qu'il place au-dessus de tout : la liberté d'esprit.
Libéral et anticlérical il s'oppose de plus en plus violemment aux nouveaux seigneurs qui, dit-il, frappent sans pitié et terrorisent le pays. Pour le Dictionnaire Bouillet écrit au xixe siècle, il excelle comme écrivain politique dans le pamphlet et combat avec l'arme du ridicule, dans le style le plus caustique, les mesures rétrogrades de la Restauration ; il se cache quelquefois sous le nom de Paul Louis, vigneron. Il s'en prend à la tentative cléricale de nouvel assujettissement des consciences. Il sait combien il s'expose et le dit clairement dans le Livret de Paul-Louis, vigneron: « Ce matin, me promenant dans le Palais Royal, M...ll...rd passe, et me dit : Prends garde, Paul-Louis, prends garde; les cagots te feront assassiner… »

Bon écrivain

« Peu de matière et beaucoup d'art », écrivit Sainte-Beuve, et fort mal, à son ordinaire, comme si La Gazette du village de Véretz (Indre-et-Loire) ne composait pas du même coup celle de tous les villages de France, celle de toute la France ; comme si la Pétition aux deux Chambres, comme si le Simple Discours n'instruisaient pas le procès de la Restauration, du parti prêtre, du milliard pour les émigrés ; comme si la lettre du 6 février 1823 sur le double crime sexuel du curé Mingrat ne posait pas déjà, une fois de plus, la question aujourd'hui encore débattue : le célibat des prêtres ; comme si la Pièce diplomatique ne condamnait pas la guerre d'Espagne, l'hypocrisie du droit divin et la « collaboration », dirions-nous, entre nobles et prêtres d'une part, de l'autre la Sainte-Alliance ; comme si les lettres d'Italie ne cachaient pas sous leur cynisme un désaveu de l'occupation française, et ne définissaient pas, en plusieurs endroits excellents, la théorie de la guérilla, de la guerre subversive, en des termes que ni Mao, ni Che Guevara, ni Giap ne désavoueraient. Comme si, bien avant Hegel, Paul-Louis n'avait pas formulé cette dialectique dont on nous rebat les oreilles, celle du maître-esclave : « Il n'est tyran qui n'obéisse, dit Courier, ni maître qui ne soit esclave. » Comme si, enfin, le Pamphlet des pamphlets n'appartenait pas de plein droit à tout homme qui se veut libre.
Avouez plutôt que, sous la simplicité que vous souhaitez attique d'une langue savante, rehaussée de vers et d'hémistiches blancs, mais ascétiquement épurée d'images (« Jésus mon sauveur, sauvez-nous de la métaphore ! »), vous ne savez discerner l'audacieux écrivain qui traite de toutes les plus graves questions qui se posaient alors aux Français. Écrivain alors si réputé qu'un homme aussi lancé que Victor Cousin ne dédaignait pas de dîner avec lui le vendredi. Écrivain si admiré qu'en 1830 un M. de Susini imaginait Paul-Louis Courier écrivant à M. Cottu, le ministre, « de l'autre monde, et en vers, et en trente-deux pages » – comme disait un chroniqueur qui pourrait bien être Balzac ; lequel chroniqueur concluait : « C'est un service rendu à la bonne littérature. » Plus près de nous, Thibaudet corrige Sainte-Beuve, et voit en Paul-Louis, avec Stendhal, un représentant de la « littérature vraie de la Révolution réelle », un bouilleur de cru qui serait écrivain « de gauche ». Certes, on peut s'amuser à définir ce style en y dosant la Grèce, Amyot et Montaigne : « de l'Amyot plus court, plus bref et plus aiguisé [...], du Montaigne moins éclatant et plus assoupli ». Et si c'était simplement du Courier, un style entre tous qui tranche : par sa perfection.
Celui qui, le premier, mit à sa juste place le républicain athée, ce fut pourtant un champion du trône et de l'autel : ce même Balzac qui célébra en Stendhal, autre homme « de gauche », le romancier de La Chartreuse. Lorsque parut en 1830 la fameuse édition de Courier, préfacée par le républicain Armand Carrel, Balzac y alla d'une page trop peu connue : « Les délicieux pamphlets de Courier, lus après les circonstances qui les ont suscités et qui les ont fait comprendre, ressemblent à des carcasses de feux d'artifice. Cette portion des œuvres de cet homme remarquable ne saurait être populaire : il y a quelque chose de trop élevé dans ce style concis, trop de nerf dans cette pensée rabelaisienne, trop d'ironie dans le fond et la forme, pour que Courier plaise à beaucoup d'esprits. Il a fait la Satire Ménippée de notre époque [...]. C'est un malheur pour la France que Courier n'ait pas eu le temps de faire une œuvre complète qui eût éternisé son nom [...]. Les Œuvres de Courier ne se réimprimeront pas, mais elles seront achetées par tous les hommes de goût et d'érudition. » En quoi Balzac, par bonheur, se méprenait : dès 1826, on publiait à Bruxelles une Collection complète des pamphlets politiques et opuscules littéraires de Paul-Louis Courier, collection en fait incomplète, qu'on enrichit deux ans plus tard, à Bruxelles encore, en quatre volumes in-8o. À partir de la monarchie de Juillet, de nombreuses éditions parurent à Paris, dont l'une servit de matrice aux Œuvres complètes publiées par Maurice Allem en 1951. Le 30 novembre 1972, la Société des gens de lettres célébrait le bicentenaire de la naissance du vigneron libertaire. Six ans plus tôt, la revue Europe lui avait décerné un numéro spécial, en septembre.
À Viollet-le-Duc qui tentait de lui faire abandonner le pamphlet, Courier avait dit un jour, en feignant d'acquiescer : « J'envoie au diable les ultras et les jacobins, la droite, la gauche et le centre, [...] la vérité n'est bonne à rien. » Mais si : à faire vivre « éternellement » (entendons-nous : aussi longtemps qu'on lira le français) l'œuvre de ce mauvais coucheur.

Mari trompé

« Prends garde, Paul-Louis, les cagots te feront assassiner. » C'est, on l'espère, la fin qu'il se souhaitait : la seule digne de son œuvre. Il en obtint une autre, plus conforme à sa vie. Celui qui, devant un époux qui n'entendait point cette langue, contait en italien à quelque dame comment il l'avait manquée à Vérone (l'importun mari s'étant avisé d'arriver un quart d'heure trop tôt) ; celui qui avait en Italie cocufié tant d'époux fut, dans son village, prodigieusement trompé par sa femme, l'une des filles de l'helléniste Clavier. Elle avait vingt-trois ans de moins que lui, et lui préféra deux domestiques dont l'un, garde-chasse, en la délivrant du vigneron de la Chavonnière, priva la France d'un grand homme. Ce coup de feu retentit en forêt de Larçay, Indre-et-Loire, au printemps de 1825. Le roi respira.

L'assassinat

Ses écrits lui vaudront de nombreux procès, des amendes et une peine de prison. Quand on retrouve son corps sans vie, percé de plusieurs balles, dans son bois de Larçay, dans les environs de Véretz, une stèle commémorative marque le lieu du méfait, en Indre-et-Loire, le 10 avril 1825, son garde-chasse, Louis Frémont, est soupçonné du meurtre et mis en jugement, mais acquitté à l'unanimité le 3 septembre 1825. Courier est inhumé à Véretz le 12 avril. Pendant cinq ans, le mystère demeurant sur sa mort, celle-ci est attribuée à des motifs politiques.
Toutefois, en décembre 1829, l'affaire prend un tour nouveau quand Sylvine Grivault, une jeune bergère un peu simplette mais de grand cœur, révéla avoir été témoin cachée du crime : elle dénonça un complot et un guet-apens de domestiques de la Chavonnière congédiés le valet Pierre Dubois le 18 juillet 1824 ou craignant de l'être à leur tour après que Courier eut vendu ou affermé ses propriétés : Frémont, garde-chasse porté sur la boisson, l'auteur principal du crime, Symphorien Dubois mort en 1827, frère de Pierre, François Arrault, Martin Boutet et un homme inconnu, tous auxiliaires actifs et complices. Lors du second procès, Frémont finit par avouer l'avoir tué d'un coup de fusil mais était couvert par l'acquittement de 1825, et ses complices furent acquittés à leur tour le 14 juin 1830. Frémont mourut peu après le procès.
Lors de l'instruction de ce second procès, Courier est présenté comme un maître dur au caractère difficile. Mais cette assertion est maintenant battue en brèche : avec ses proches, il était bon, tendre et doux. Dans le domaine public, il était prodigieusement agacé par le climat de flagornerie instauré par le pouvoir napoléonien, puis sacralisé par la monarchie restaurée et par l'hypocrisie sociale.

Cette mort mystérieuse a inspiré La Ferme des sept péchés un film de Jean Devaivre (1949) où Jacques Dumesnil interprète le rôle de Paul-Louis Courier. Le film fut tourné en Touraine, et quelques scènes à Véretz même.

Citations

Laissez le gouvernement percevoir des impôts et répandre des grâces ; mais, pour Dieu, ne l'engagez point à se mêler de nos affaires. Souffrez, s'il ne peut nous oublier, qu'il pense à nous le moins possible. Ses intentions à notre égard sont sans doute les meilleures du monde, ses vues toujours parfaitement sages, et surtout désintéressées ; mais, par une fatalité qui ne se dément jamais, tout ce qu'il encourage languit, tout ce qu'il dirige va mal, tout ce qu'il conserve périt, hors les maisons de jeu et de débauche. Lettre II au rédacteur du Censeur
De l'acétate de morphine, un grain dans une cuve se perd, n'est point senti, dans une tasse fait vomir, en une cuillerée tue, et voilà le pamphlet.Pamphlet des pamphlets
Ce manant devinait les droits de l'homme. Il fut pendu, cela devait être. Lettre au rédacteur du Censeur
Rendons aux grands ce qui leur est dû; mais tenons-nous en le plus loin que nous puissions. Discours
Les gens qui savent le grec sont cinq ou six en Europe ; ceux qui savent le français sont en bien plus petit nombre. Extrait d'une lettre à M. Renouard
Adieu mes amis ; buvez frais, mangez chaud, faites l'amour comme vous pourrez. Lettre à un collègue militaire au sujet de sa démission de l'armée

Å’uvres

Grand helléniste, excellent traducteur, il est également un habile épistolier. Mais il est surtout connu comme polémiste, un polémiste qui eut le tort d'être libéral et anticlérical à l'époque du romantisme et du christianisme renaissants. Certains l'ont considéré comme un écrivain mineur. Ainsi, André Suarès lui a consacré un chapitre de ses Essais 1913 où on lit : « Partout, Paul Louis Courier sent la lampe, et la lampe qui fume. Il traduit mieux qu'il n'écrit pour son compte. Encore a-t-il des élégances vieillotes et des mines surannées. » Deux livres, publiés l'un par Jean-Pierre Lautman en 2001 et l'autre par Michel Crouzet en 2007, prennent le contrepied de ces critiques et vantent la qualité de l'écriture de Courier.

Ses Å“uvres principales sont :

Lettre à M. Renouard, libraire, 1810
Pétition aux deux chambres, 1816 ;
Lettres au rédacteur du Censeur, 1819-1820 ;
Lettre à Messieurs de l'Académie, 1819 ;
Lettres particulières, 1820 ;
Simple discours de Paul-Louis, vigneron de la Chavonnière, aux membres du Conseil de la commune de Véretz... pour l'acquisition de Chambord, 1821 ;
Aux âmes dévotes de la paroisse de Véretz, 1821 ;
Procès de Paul-Louis Courier, vigneron, 1821 ;
Pétition pour des villageois que l'on empêche de danser, 1822, consultable sur Google Books ;
Lettres de France et d'Italie, 1822 ;
Livret de Paul-Louis, vigneron, à Paris, 1823 ;
Gazette du village, 1823 ;
Pamphlet des pamphlets, 1824 ;
Dans la collection « nouvelle bibliothèque classique » à Paris, éditions Jouaust, Librairie des bibliophiles, E. Flammarion successeur, ont été publiées ses œuvres en trois volumes - en 1892- avec une préface peu élogieuse de Francisque Sarcey -
Armand Carrel a préfacé ses Œuvres complètes en 4 volumes in-8, 1829-1830.

La Bibliothèque de la Pléiade a publié en 1940 un volume de ses Œuvres complètes, pamphlets politiques, mémoires pour procès, pamphlets littéraires, traductions du grec, œuvres diverses, Lettres de France et d'Italie établi et annoté par Maurice Allem. Sorti « du canon que la collection avait elle-même établi », celui-ci fait partie des ouvrages « pieusement déclarés indisponibles provisoirement ou épuisés »15. Il figure parmi les plus mauvaises ventes de la collection.
La librairie Klincksieck a publié deux volumes et la librairie Nizet un troisième d'une édition de la correspondance de Paul-Louis Courier, présentée et annotée par Geneviève Viollet-Leduc. Cette édition est plus complète que celle présentée dans l'édition de la Pléiade, elle-même fondée sur l'édition Sautelet de 1828. L'ouvrage d'Alain Dejammet Vies, Fayard, 2007 se réfère continuellement à ce travail de Mme Viollet-le-Duc.

Anecdotes

L'histoire de la tache d'encre sur le roman de Longus est relatée par Gaston Leroux dans son roman La poupée sanglante

Iconographie

1882 ca - Paul-Louis Courier, statue en pierre, à l'hôtel de ville de Paris par Édouard Houssin


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Posté le : 04/01/2015 21:46

Edité par Loriane sur 05-01-2015 18:50:37
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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