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Accueil >> newbb >> Henry-David Thoreau 1 [Les Forums - Histoire de la Littérature]

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Henry-David Thoreau 1
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Le 12 juillet 1817 naît Henry David Thoreau

à Concord Massachusssetts, de son vrai nom David Henry Thoreau, essayiste, enseignant, philosophe, naturaliste amateur et poète américain, il appartient au mouvement transcendantalisme, il publie dans le genre essai, philosophie, poésie, récit de voyage, il est mort le 6 mai 1862 à 44 ans dans sa ville de naissance.
Son œuvre majeure, Walden ou la vie dans les bois, publiée en 1854, livre ses réflexions sur une vie simple menée loin de la société, dans les bois et à la suite de sa révolte solitaire. Le livre La Désobéissance civile 1849, dans lequel il avance l'idée d'une résistance individuelle à un gouvernement jugé injuste, est considéré comme à l'origine du concept contemporain de non-violence. Ses Œuvres principales sont A Week on the Concord and Merrimac Rivers en 1849, La Désobéissance civile en 1849, Walden ou la vie dans les bois en 1854, Les Forêts du Maine en 1864.
Opposé à l'esclavagisme toute sa vie, faisant des conférences et militant contre les lois sur les esclaves évadés et capturés, louant le travail des abolitionnistes et surtout de John Brown, Thoreau propose une philosophie de résistance non violente qui influence des figures politiques, spirituelles ou littéraires telles que Léon Tolstoï, Mohandas Karamchand Gandhi et Martin Luther King.
Les livres, articles, essais, journaux et poésies de Thoreau remplissent vingt volumes. Surnommé le poète-naturaliste par son ami William Ellery Channing 1818-1901, Thoreau se veut un observateur attentif de la nature et ce surtout dans ses dernières années durant lesquelles il étudie des phénomènes aussi variés que les saisons, la dispersion des essences d'arbres ou encore la botanique. Les différents mouvements écologistes ou les tenants de la décroissance actuels le considèrent comme l'un des pionniers de l'écologie car il ne cesse de replacer l'homme dans son milieu naturel et appelle à un respect de l'environnement.

En bref

Écrivain américain excentrique, penseur anticonformiste, Thoreau a produit une œuvre d'une grande diversité, composée de poèmes, de récits d'excursions, d'essais politiques, d'histoire naturelle, d'un journal monumental et d'un chef-d'œuvre, Walden, livre inclassable qui transcende les genres littéraires. Homme de lettres, philosophe, naturaliste et écologiste, Thoreau a créé un personnage iconoclaste de sage vivant dans les bois afin de mieux dénoncer les erreurs de l'Amérique du milieu du XIXe siècle, et ses manquements aux idéaux proclamés. Sa voix discordante l'a longtemps fait rejeter. Mais cet intellectuel contestataire a fini paradoxalement par représenter divers aspects de l'identité américaine : pionnier plein de ressources, fermier indépendant, rebelle aux institutions, amoureux de la nature sauvage, individualiste et moraliste intransigeant, il est devenu un héros culturel. La complexité du personnage, la variété des facettes de sa pensée, la densité noueuse de sa prose expliquent les fluctuations de sa réputation, chaque époque attachant plus d'attention à telle partie de son œuvre – les belles pages sur la nature, l'art de vivre simplement, la désobéissance civile, la philosophie de la vie ordinaire, ou les prémices de l'écologie.
C'est au village de Concord, près de Boston, que Thoreau naît le 12 juillet 1817 et passe sa vie. Après des études à Harvard, il devient brièvement instituteur, puis décide de ne plus travailler que de façon discontinue, dans la fabrique familiale de crayons, chez Ralph Waldo Emerson comme factotum, pour le compte de fermiers ou en tant qu'arpenteur. Cette existence indépendante lui laisse le loisir d'observer quotidiennement la nature du Massachusetts, de collectionner des spécimens, de prendre des notes et de rédiger son journal 1837-1861, d'où il tire des conférences, des articles et des livres.
L'amitié d'Emerson joue un rôle décisif dans sa vie. Au sortir de ses études, il fait la rencontre du philosophe qui s'entoure d'un cercle de penseurs, d'écrivains et de réformateurs : dans leurs réunions, à travers les articles du Dial 1840-1844, ils élaborent les principes du transcendantalisme, mouvement philosophique et littéraire, variante américaine du romantisme. Emerson apporte à son disciple une stimulation intellectuelle, lui ouvre les portes de sa bibliothèque et suggère des lectures éclectiques : Thoreau puisera tour à tour dans l'idéalisme allemand, les classiques grecs, la pensée orientale et la littérature anglaise du XVIIe siècle. À sa manière, il deviendra une incarnation de l'intellectuel américain dont Emerson a proposé le modèle dans sa conférence de 1837, The American Scholar, pour inciter à la création d'une culture nationale ; Thoreau y ajoutera un enracinement sensuel dans la nature de la Nouvelle-Angleterre.
Emerson encourage son jeune ami à tenir un journal, à écrire des poèmes, et lui commande une Histoire naturelle du Massachusetts. Thoreau se laisse guider vers les lettres, en marge de la société, et s'engage dans l'observation de la nature pour y repérer des correspondances avec l'humanité. Malgré une attention soutenue portée aux mots, il abandonne la poésie, où il ne parvient guère qu'à exprimer de façon conventionnelle une spiritualité éprise d'absolu ; il se tourne alors vers une littérature documentaire, le récit d'excursion. Il raconte un voyage en barque effectué avec son frère John, décédé depuis lors, Une semaine sur les rivières Concord et Merrimack, A Week on the Concord and Merrimack Rivers, 1849. Entre les passages descriptifs où il s'efforce de déchiffrer les hiéroglyphes de la nature, il intercale un florilège de poèmes et des essais philosophiques explorant les thèmes de la pensée transcendantaliste. Avec ses digressions, ses transitions légères, la forme hybride du livre témoigne d'un désir de se libérer des contraintes génériques, de reproduire la souplesse de la conversation entretenue avec ses amis transcendantalistes, pour exprimer une pensée mouvante, sans souci de cohérence. Cet assemblage hétérogène, fragmentaire, pris dans les présupposés idéologiques du transcendantalisme, n'a guère de chance d'intéresser le lecteur moderne. Mais il laisse apercevoir le germe de l'œuvre à venir.

Sa vie

Thoreau accuse un silence autobiographique tout au long de son œuvre, souligne Michel Granger dans Henry David Thoreau. Néanmoins, grâce à son Journal et aux témoignages de proches tels William Ellery Channing, qui publie sa première biographie Thoreau the Poet-Naturalist, en 1873 ou Harrison Blake qui entretient une correspondance régulière avec Thoreau de mars 1848 à mai 1861 le fil de son existence est connu. Le témoignage de son ami et mentor Ralph Waldo Emerson, dans Thoreau, est également précieux. Le journal intime de Thoreau n'est par ailleurs publié qu'en 1906. Ma vie a été le poème que j'aurais voulu écrire, explique Thoreau dans un poème, car il est avant tout à la recherche de l'existence la plus authentique. Selon l'expression de Michel Barrucand : Vivre fut sa profession, s'émerveiller sa raison d'être, écrire sa façon de se révolter ou de témoigner.

Premières années 1817-1828

David Henry Thoreau, d'origine écossaise et française, naît le 12 juillet 1817, dans la ville de Concord, Massachusetts, comptant alors 2 000 habitants. David Henry est ainsi nommé en l'honneur d'un oncle paternel récemment décédé, David Thoreau. Il est le fils de John Thoreau et de Cynthia Dunbar. Il a un frère et une sœur aînés, John Junior et Helen et une sœur cadette, Sophia. La maison où il est né a été préservée, sur Virginia Road, après avoir été déplacée d'environ 275 mètres.
Son grand-père paternel est d'origine française, né à Saint-Hélier, à Jersey. Il a quitté l'île en 1773 pour les États-Unis sur un bateau corsaire. Son grand-père maternel, Asa Dunbar, successivement enseignant, pasteur et avocat, a joué un rôle dans ce qui est nommé la rébellion de pain et de beurre, à Harvard, en 1766, et qui est la première manifestation d'étudiants de l'histoire des États-Unis.
Selon son meilleur ami, William Ellery Channing, Thoreau a une ressemblance physique avec Jules César et, bien qu'il soit de taille moyenne, lui-même ne se juge pas beau, affublé d'un nez qu'il considère être son trait le plus proéminent. Le poète Nathaniel Hawthorne, quant à lui, le décrit ainsi : Thoreau est laid : un long nez ; une bouche étrange ; des manières rustiques quoique courtoises, qui correspondent très bien à son apparence extérieure. Mais sa laideur est quand même honnête et agréable, et lui sied mieux que la beauté.
À partir de 1818, sa famille traverse des années de difficultés financières mais, en 1824, son père décide de créer une fabrique de crayons à Concord. Les Thoreau s'installent donc à Chelmsford, dans le Massachusetts puis, en 1821, ils emménagent à Boston. David Henry y entre bientôt à l'école. C'est en 1822 qu'il découvre l'étang de Walden, Walden Pond, lors d'un séjour chez sa grand-mère. Sa fibre littéraire commence alors à apparaître et, en 1827, le jeune Thoreau écrit son premier poème, Les Saisons.

Années de formation 1828-1837

À partir de 1828, à l'école de Concord, il apprend le latin, le grec et diverses langues comme le français, l'italien, l'allemand avec Orestes Brownson mais aussi l'espagnol. En 1833, grâce à une bourse, il entre à l'université Harvard pour y étudier la rhétorique, le Nouveau Testament, la philosophie et les sciences. Par l'intermédiaire de Lucy Brown, la première femme qu'il a aimée, il y rencontre Ralph Waldo Emerson 1803-1882 qui devient son ami, puis son mentor, Emerson étant en effet le chef de file du mouvement transcendantaliste naissant.
Dès 1835, en dehors des trimestres d’études à Harvard, il enseigne quelques mois dans une école primaire de Canton, dans le Massachusetts. Thoreau découvre véritablement le transcendantalisme en 1835 avant d'obtenir son diplôme en août 1837, célébration qui sera l'occasion de prononcer un discours contre la société intitulé L’esprit commercial des temps modernes et son influence sur le caractère politique, moral et littéraire d’une nation et qui contient toute sa pensée future. Une légende veut qu'il ait refusé de payer les cinq dollars nécessaires pour le diplôme ; en réalité, le master qu'il refuse d'acheter n'avait aucun mérite académique : l'université l'offrait aux étudiants qui ont prouvé leur santé physique en étant vivants trois années après avoir obtenu la licence, et par leurs économies, leurs dépenses, ou en héritant la qualité ou condition en ayant cinq dollars à donner à l'université.
Thoreau devient un disciple de Ralph Waldo Emerson. Ce dernier, alors âgé de 34 ans, a déjà publié deux ouvrages importants dans l'histoire de la littérature américaine : Nature et L’intellectuel américain alors que Thoreau, âgé de 20 ans, n'a encore publié aucun texte. Néanmoins, les deux hommes deviennent rapidement très proches, nourrissant dès lors une amitié typique de la philosophie transcendantaliste. Emerson lui fait connaître un cercle d'auteurs et d’autres intellectuels qui fondent le Transcendental Club en 1836 dont : William Ellery Channing qui devient son meilleur ami, et qui l'initie à l'unitarisme, confession qui s'est alors récemment imposée et que Channing enseigne à Harvard, Margaret Fuller, Amos Bronson Alcott ou Jones Very. Tous s'installent à Concord, faisant de ce petit village le centre du rayonnement intellectuel du courant transcendantaliste. Thoreau est alors le seul natif de Concord parmi ces écrivains. Pour Michel Granger, il participe, durant ses années de formation et de production, approximativement entre 1835 et 1860, à ce que F. O. Matthiessen a appelé la Renaissance américaine et qui est en fait la naissance d'une littérature authentiquement nationale.

Retour à Concord 1837-1844

Après avoir obtenu son diplôme, Thoreau devient instituteur à l'école publique de Concord mais il démissionne après quelques mois de service car il refuse d'appliquer les châtiments corporels alors en vigueur. Après sa démission, il ne retrouve pas d'emploi, en raison de la crise économique de 1837.
À partir d'octobre 1837, Thoreau commence à écrire, sur une suggestion d'Emerson, un journal dans lequel il note ses observations sur la nature et élabore des critiques des livres qu'il lit. La première chose qu'il y écrit, en date du 22 octobre 1837, est une réflexion d'introspection à propos de l'intérêt de tenir ce journal : Qu'est-ce que tu fais maintenant ?. Puis il poursuit : Écris-tu un journal intime ? Ainsi ai-je mon premier passage dans ce journal. Thoreau tient ce journal à jour jusqu'en 1861. Celui-ci devient la source de nombre de ses publications et notamment de Walden. Parallèlement, et de son propre fait, il change l'ordre de ses prénoms et se dénomme maintenant Henri-David Thoreau. Pour Michel Granger, il souhaite signifier par ce geste sa volonté de réarranger sa vie et lui donner un sens propre.
En 1838, ne trouvant pas d'emploi comme professeur, il ouvre une école privée chez lui. Son frère John le rejoint peu après. Ils intègrent plusieurs concepts progressistes dans leur programme scolaire, dont les nouveaux principes d’éducation prônés par Elizabeth Peabody, sorties d’éveil, herborisation, refus des sévices et association des enfants à la discipline, promenade dans les bois. Les Thoreau y enseignent jusqu'en mars 1841. La même année il donne une conférence intitulée La Société au Lyceum de Concord, discours faisant écho à celle d'Emerson, Discours de l'École de théologie donnée à Harvard et qui constitue une véritable charte philosophique du mouvement transcendantaliste . Seul, Thoreau effectue également cette année-là sa première excursion dans le Maine, en pleine nature sauvage. Il effectue une autre excursion en 1839, sur les rivières Concord et Merrimack, avec son frère John, en canoë, voyage qui forme la trame de Une semaine sur les rivières de Concord et Merrimack qui est édité en 1849 mais qui ne connaît qu'un très faible succès littéraire.
En 1840 Thoreau publie un premier essai sur le poète épique latin : Aulus Persius Flaccus et un poème : Sympathy, les deux publiés dans The Dial Le Cadran, le journal transcendantaliste dirigé par Margaret Fuller. Pendant quatre ans, jusqu'à ce qu'elle disparaisse, Thoreau fournit plusieurs textes à cette revue. Pour Michel Granger, c'est à ce moment que Thoreau réalise ce qu'il veut réellement faire dans la vie. Il s'émancipe quelque peu du transcendantalisme, devient moins malléable et, même, dépasse son initiateur et mentor Emerson. Mais Thoreau se voit avant tout comme un poète, ayant choisi de pratiquer le genre dès 1839 et ce jusqu'en 1842. Par ailleurs, Henri David et John tombent amoureux de la même jeune fille, Ellen Sewall. John lui propose de l'épouser puis Henry quelques mois plus tard mais celle-ci refuse les deux propositions, obéissant à son père et les éconduit l’un et l’autre.
En 1841, l'école des frères Thoreau, bien qu'ayant un certain succès, ferme ses portes. Ce fut alors le dernier emploi stable occupé par Thoreau selon Gilles Farcet. Thoreau séjourne alors deux ans chez Emerson, à Concord, comme tuteur de son fils, Waldo, et travaille comme assistant éditorial et comme manœuvre-jardinier. Encouragé par Emerson et Fuller, il continue d'écrire dans la revue transcendantaliste The Dial mais aussi pour d'autres magazines. Cependant, s'il contribue à la revue transcendantaliste The Dial … jamais il n'envisage de se joindre aux communautés qui naissent alors aux alentours relativise Gilles Farcet. Il donne cependant des conférences au Lyceum de Concord, participant au développement du courant transcendantaliste. Il fait cette année-là la connaissance du poète américain Nathaniel Hawthorne qui vient de s'installer à Concord.
Son frère John meurt du tétanos le 12 janvier 1842. Thoreau en est profondément affecté. Il publie la même année L'Histoire naturelle du Massachusetts, ouvrage en partie critique de livre et en partie essai d'histoire naturelle. Emerson et Thoreau sont alors très proches car au moment où ce dernier perd son frère, le fils d'Emerson, âgé de six ans, meurt de la scarlatine.
En 1843 Thoreau quitte Concord pour Staten Island, dans l'État de New York où il devient le tuteur des enfants de William Emerson, le frère de Ralph. Il y apprécie la flore locale très différente de celle de son village et découvre l'océan et la ville de New York. Habiter chez William Emerson lui permet d'accéder à la New York Society Library où il découvre des œuvres de littérature orientale peu communes à l'époque aux États-Unis. Il rencontre aussi Horace Greeley, fondateur du New York Tribune, qui l'aide à publier certains de ses travaux et qui devient son agent littéraire. À la demande d'Emerson, Thoreau rédige un long article au sujet du livre de John Adolphus Etzler, Le Paradis à reconquérir Paradise to be regained, dans The United States Magazine, and Democratic Review, étude qui porte en germe toute la réflexion qui nourrit par la suite ses livres engagés.
Après une année à New York, Thoreau se trouve peu d'affinité intellectuelle avec William Emerson, et Concord lui manque. Il y rentre donc pour travailler dans l'usine familiale de crayons. Il applique alors un processus produisant de meilleures mines de crayons, en utilisant de l'argile comme liant pour le graphite, technique exploitée dans le New Hampshire depuis la découverte de minerai supérieur, en 1821, par l'oncle de Thoreau, Charles Dunbar et qui a su exploiter le gisement aux alentours de Bristol. Plus tard, Thoreau transforme l'atelier en usine de production de graphite pour encre de machines de typographie. Il semble que l'air chargé en poussière de graphite ait endommagé ses poumons plus gravement que la tuberculose de laquelle il décèdera par la suite.
En 1844, en avril, avec son ami Edward Hoar, il déclenche accidentellement un incendie qui ravage environ 120 hectares des bois de Walden, autour de l'étang. Il s'attire alors la méfiance des habitants, puis, souhaitant disparaître quelque temps, aide son père à construire une nouvelle maison familiale. Il parle souvent d'acheter ou de louer une ferme, afin de vivre de peu de moyens et dans la solitude, cadre idéal à la conception de son premier livre. Pour Thoreau, il devient en effet fondamental de gagner sa vie sans aliéner sa liberté ni exercer une activité incompatible avec son idéal, question cruciale formant la trame de Walden.

Vie à Walden et excursions 1844-1849

Fin 1844, Emerson achète un terrain autour de l'étang de Walden et le met à la disposition de Thoreau qui souhaite se retirer au calme pour écrire. En mars 1845, il commence la fabrication d'une cabane de pin, sur les rives de l'étang, à 2,4 km de sa maison natale. C'est le début d'une expérience qui dure deux ans, menée en autarcie Thoreau a planté 1 hectare de pommes de terre, de fèves, de blé et de maïs, et qu'il raconte dans son livre Walden ou la vie dans les bois Walden or Life in the Woods.
D'après Michel Granger, Thoreau fait une retraite à Walden Pond car il a cherché à disparaître momentanément de la vie de Concord, sa ville natale. Il débute aussi la rédaction de Une Semaine sur les rivières Concord et Merrimack A Week on the Concord and Merrimack Rivers, son premier succès littéraire. Thoreau veut vivre simplement et seul dans les bois, y mener une vie de simplicité, d'indépendance, de magnanimité, et de confiance. Il dort dans sa cabane dès la nuit du 4 juillet 1845, jour anniversaire de la Déclaration d’Indépendance aux États-Unis. Pour Michel Granger, il s'agit de l'acte fondateur de sa célébrité qui tient à la décision de s'installer un peu à l'écart de Concord en 1845 : il s'est déplacé hors du village, s'est excentré symboliquement. Il ne s'agit alors pas d'une fugue ou d'une vie d'ermite, puisque l'écrivain revenait souvent voir ses amis, mais d'un choix délibéré qui rappelle par bien des côtés l'expérience faite par Jean-Jacques Rousseau dans la forêt d'Ermenonville. Thoreau donne à ses contemporains l'exemple d'un rapport actif avec la nature, en dehors de toute contemplation romantique et s'élève contre la société à laquelle il oppose le concept de simplicité volontaire.
Le 25 juillet 1846, Sam Staples, agent de recouvrements des impôts locaux lui ordonne de payer six ans d'arriérés. Thoreau, qui refuse de payer ses impôts à un État qui admet l'esclavage et fait la guerre au Mexique, est arrêté alors qu'il se rend chez son cordonnier puis emprisonné durant une nuit, mais relâché le jour suivant, une de ses tantes ayant payé, contre son gré, les arriérés à sa place. Cet événement marque la pensée de Thoreau et nourrit ses réflexions qui constitueront son essai politique, La Désobéissance civile.
En septembre il effectue une excursion dans le Maine puis, à son retour à Walden, il accueille dans sa cabane le 1er août, pour la commémoration de l’émancipation des esclaves aux Antilles, l’assemblée générale des anti-esclavagistes de sa commune. En août 1846, Thoreau quitte Walden pour aller au mont Katahdin dans le Maine, excursion racontée dans le premier chapitre de The Maine Woods, Ktaadn et qui représente un modèle d'écriture poétique dans la littérature américaine de l'époque.
Thoreau quitte définitivement sa retraite de Walden Pond le 6 septembre 1847 et retourne habiter chez Emerson chez qui il reste jusqu'en juillet 1848. Pendant le voyage du philosophe en Angleterre, il s’occupe en effet de sa maison durant dix mois et commence à prendre des notes sur les Indiens d’Amérique. Il produit ainsi près de 3 000 pages de citations et de notes, entre 1847 et 1861. Il décide ensuite de retourner dans la maison de ses parents pour travailler et payer ses dettes, tout en révisant continuellement son manuscrit. Il donne la première de ses conférences sur son séjour à Walden, intitulée Histoire de moi-même, à Concord et qui procure à Thoreau les quelques éléments qui forment le début actuel de Walden. En janvier et février 1848 il fait une lecture célèbre, intitulée Les droits et les devoirs de l'individu en relation au gouvernement au Concord Lyceum. Amos Bronson Alcott y assiste et, dans son journal intime, donne de précieux renseignements sur ces conférences, même si Thoreau réécrit et modifie par la suite le texte de sa conférence pour son livre La Désobéissance civile, publié en mai 1849 par Elizabeth Peabody dans ses Aesthetic Papers.
L'année suivante il retourne vivre chez ses parents et travaille avec son père. Ponctuellement il effectue des travaux d'arpentage et de peinture de bâtiments. Il marche aussi pendant de longues heures. Chaque année il donne des conférences à Concord et à Boston et même dans le Maine. Il publie également des essais dans des magazines de Nouvelle-Angleterre. Devenant quasiment un gourou, il reçoit des admirateurs, souvent jeunes, fascinés par l'aventure de Walden. Il complète le premier brouillon de Une Semaine sur les rivières Concord et Merrimack, une élégie dédiée à son frère John, décrivant leur voyage aux montagnes Blanches en 1839. Faute d'éditeur voulant publier cette œuvre, Emerson l'encourage à l'éditer à son propre compte, ce que Thoreau fait avec l'éditeur d'Emerson, Munroe. Ce dernier fait peu de publicité pour le livre, qui se vend donc mal et endette Thoreau qui finit par se brouiller avec son ancien ami Emerson.
Néanmoins, en 1849, Thoreau annonce la publication prochaine de Walden dont il a déjà rédigé trois versions. Il rencontre H.G.O. Blake, un instituteur avec qui il entretient une abondante et riche correspondance et qui le soutient dans son projet d'écrire sur son séjour dans les bois. Il effectue enfin une excursion à cap Cod, en compagnie de William Ellery Channing. À cette époque, Thoreau est de nouveau endeuillé : sa sœur Helen meurt des suites d'une tuberculose.

Dernières années 1850-1862

En 1850 la famille Thoreau emménage dans une maison de la rue principale de Concord. En juillet, l'auteur de Walden se rend à Fire Island pour rapatrier la dépouille de son amie transcendantaliste Margaret Fuller, morte au cours d'un naufrage. Il part ensuite au Québec avec William Ellery Channing toujours, en train. Il proteste, en 1851, contre les lois esclavagistes et aide même des esclaves à fuir vers le Canada. La même année, il admire le naturaliste William Bartram et surtout Charles Darwin dont il découvre et soutient les travaux ; il lit en particulier son livre, Le Voyage du Beagle. Fasciné par l'histoire naturelle et les livres de voyages ou d'expéditions, il se documente beaucoup sur la botanique. Son journal intime abonde en observations naturalistes, sur la flore surtout, celle des bois de Concord, et note diverses informations comme le temps que prennent les fruits pour mûrir, la profondeur fluctuante de l'étang de Walden, les dates des migrations aviaires. Il cherche même à mesurer et à anticiper les saisons.
En 1852, il met la dernière main au manuscrit de Walden, écrit en partie grâce à son Journal. Il devient ensuite géomètre-expert et continue à remplir ses cahiers d'observations détaillées quant au paysage de Concord et ce sur une zone de 67 km2. Il tient aussi des carnets qui seront la base de ses écrits sur l'histoire naturelle, dont Autumnal Tints, The Succession of Trees, et Wild Apples, un essai sur la destruction d'espèces de pommes locales. Pour Donald Worster, après 1850, paradoxalement il est encore plus proche de la nature qu'à Walden du fait de ses observations minutieuses. En 1853, il publie la première partie du roman de voyage Un Yankee au Canada, définitivement édité en 1866. Par ailleurs l'entreprise paternelle connaît des difficultés : la fabrication de crayons est stoppée et son père ne produit plus que de la plombagine. Thoreau est lassé de cette activité qui le détourne de ses véritables occupations spirituelles. Il décline par ailleurs l'invitation de l'American Association for the Advancement of Science, ne se considérant pas comme scientifique et se méfiant de l'élitisme.
Thoreau donne le 4 juillet 1854 une conférence qui forme les essais L'Esclavage dans le Massachusetts et La Vie sans principe. En février et mars il rédige la septième version de Walden et prépare le manuscrit pour l'éditeur. Il rend visite à Daniel Ricketson, un admirateur de New Bedford, qui rejoint par la suite le mouvement transcendantaliste. Il remet enfin la septième version de Walden à l'éditeur Ticknor and Fields, qui est publié en août 1854, tiré à 2 000 exemplaires, et qui raconte les deux ans, deux mois et deux jours passés dans la forêt aux alentours de l'étang de Walden, non loin de ses amis et de sa famille, à Concord. Le livre qui condense ces deux années en une seule, utilisant le passage des quatre saisons comme symbole du développement de soi. Walden est d'abord tiré à 2 000 exemplaires, vendu chacun pour 1 $48, mais le stock ne sera écoulé qu'en 1859. La première année, toutefois, 1 750 unités sont vendues, ce qui constitue le premier succès littéraire de Thoreau.
En 1855, il reçoit d'un jeune anglais Thomas Cholmondeley, venu rencontrer Emerson, 44 livres orientaux. Thoreau se passionne en effet, depuis 1841 et grâce à Emerson, pour l'orientalisme et pour le bouddhisme, mais aussi pour la culture des Indiens d'Amérique. Il a ainsi pris connaissance des grands textes de la spiritualité indienne dont le Bhagavad-Gîtâ et le Manavadharmashastra. Il effectue des traductions de ces textes et en publie des passages dans The Dial. Thoreau a alors la plus belle bibliothèque orientale en Amérique.
Thoreau publie ensuite ses premiers essais sur la péninsule de Cape Cod, où il se rend pour une troisième excursion. En novembre 1856, il rend visite au poète Walt Whitman, à Brooklyn, lors d'une excursion en compagnie d'Alcott à New York. Dans une lettre à Harrison Blake, du 19 novembre, Thoreau le décrit comme le plus grand démocrate que le monde ait connu. En 1857, il effectue sa quatrième excursion au Cape Cod, puis il se rend pour la dernière fois dans le Maine, en compagnie d'un guide indien, Joe Polis. Il rencontre à Concord le capitaine abolitionniste John Brown, dont il prend la défense par la suite. Son amitié avec Emerson prend fin en février. En 1858, le journal l’Atlantic Monthly publie son texte Chesuncook, en l'hommage de la beauté du lac du même nom, dans le Maine, qui forme la seconde partie des Forêts du Maine, publié en 1864.
En 1859, le père de Thoreau meurt et celui-ci reprend la direction la fabrique de graphite. Il prend position en faveur de John Brown, après que celui-ci est capturé à Harpers Ferry, après l’attaque ratée de l’arsenal. Adoptant une attitude agressivement militante, il donne alors des conférences intitulées Le Martyre de John Brown. En 1859, Thoreau prononce l'éloge funèbre de l'abolitionniste, lors d'un office à Concord, le 2 décembre 1859, date de son exécution, puis à Boston et à Worcester. Le texte forme en partie l'ouvrage Plaidoyer pour John Brown. Thoreau fustige ceux du mouvement abolitionniste qui en sont venus à renier John Brown à la suite de son raid à Harpers Ferry.
Une tuberculose contractée en 1835 se ravive en 1859 par une bronchite qui survient après une excursion de nuit où il était allé compter les cernes des chicots d'arbres tombés lors d'une tempête. Son état de santé empire durant trois ans, malgré de brefs rétablissements, jusqu'à ce qu'il ne puisse se mouvoir et qu'il soit obligé de s'aliter. Sentant sa fin venir, Thoreau passe les dernières années de sa vie à réviser et éditer ses œuvres non encore publiées, dont Excursions et The Maine Woods, ainsi qu'à demander à des maisons d'édition de rééditer A Week on the Concord and Merrimack Rivers et Walden. Thoreau publie en juillet 1860 Les Derniers jours de John Brown. Il effectue aussi sa dernière excursion, au mont Monadnock, dans le New Hampshire, en compagnie de son ami William Ellery Channing. Il donne des conférences concernant la succession des essences d'arbres, qui forme l'ouvrage La Succession des arbres en forêt. Apportant la preuve que l'on peut améliorer la couverture boisée autour du village, il contribue à la fois à accroître la rentabilité des forêts et à préserver l'espace naturel pour les générations à venir explique Michel Granger.
La tombe d'Henry David Thoreau, au cimetière de Sleepy Hollow. De gauche à droite : John Thoreau, père de Henry David, Henry, Sophia, Cynthia sa mère.
En décembre, son état de santé empire. De mai à juillet 1861, il voyage dans le Minnesota avec Horace Mann Jr., un botaniste. Il visite ainsi la région des Grands Lacs chutes du Niagara, Détroit, Chicago, Milwaukee, Saint Paul et l'île Mackinac. L'essai De la marche Walking est publié en 1862 dans la revue The Atlantic Monthly. Revenu à Concord très affaibli, Thoreau décide de préparer, avec l'aide de sa sœur Sophia, ses manuscrits en vue de leurs publications. Il passe beaucoup de temps à écrire des lettres et à poursuivre son journal intime jusqu'à ce qu'il soit trop frêle pour écrire. Ses amis sont étonnés de son aspect fort diminué et fascinés par son acceptation tranquille de la mort. Quand sa tante Louisa lui demande dans les dernières semaines de sa vie s'il avait fait sa paix avec Dieu, Thoreau lui répond tout simplement Je ne savais pas qu'on s'était disputé.
Henry David Thoreau meurt le 6 mai 1862 à Concord, à 44 ans. Il est resté célibataire toute sa vie durant. Il est mis en terre le 9 mai. D'abord enterré dans le caveau familial du côté maternel les Dunbar, lui et ses parents immédiats sont transférés au cimetière de Sleepy Hollow, à Concord. C'est Ralph Waldo Emerson qui prononce son éloge funèbre56 dans lequel le philosophe résume la vie de l'auteur de Walden par cette phrase : En entendant formuler une proposition, on eût dit qu'un instinct le poussait d'emblée à la contester. La majorité de ses œuvres sont publiées de manière posthume : Les Forêts du Maine en 1864, Cape Cod en 1865, en 1894 ce sont onze volumes d’écrits qui sont publiés chez Riverside, puis en 1906 les Éditions Walden en vingt volumes récapitulent ses travaux.

Son œuvre Principaux écrits

L'ensemble des travaux de Thoreau peut se diviser en deux groupes : les essais politiques ou moraux et les récits de voyage à tendance naturaliste. Quatre œuvres constituent les écrits fondamentaux de Thoreau.

Walden ou la vie dans les bois.

Souvent abrégé par Walden, le récit Walden ou la vie dans les bois Walden or Life in the woods est l'œuvre majeure de Thoreau, celle que le public retient continuellement. Traduit par Louis Fabulet, par l'entremise d'André Gide, ce n'est ni un roman ni une véritable autobiographie mais une critique du monde occidental, le récit d'un voyageur immobile narrant sa révolte solitaire. Pour Kathryn VanSpanckeren, Walden est un guide de vie selon l’idéal classique. Mêlant poésie et philosophie, ce long essai met le lecteur au défi de se pencher sur sa vie et de la vivre dans l’authenticité. La construction de la cabane, décrite en détail, n’est qu’une métaphore illustrant l’édification attentive de l’âme, modèle du caractère américain.
Fin 1844, le philosophe Ralph Waldo Emerson, ami et mentor de Thoreau, achète un terrain autour de l'étang de Walden localisé à Concord, dans le Massachusetts aux États-Unis et le met à sa disposition. Thoreau souhaite en effet se retirer au calme pour écrire mais il ne demeure pas toujours seul. De nombreux amis dont William Ellery Channing qui séjourne avec lui à l'automne 1845 ainsi que des admirateurs lui rendent souvent visite. D'après Michel Granger, Thoreau fait une retraite à Walden Pond car il a cherché à disparaître momentanément de la vie de Concord, sa ville natale. Il a en effet mis le feu par inadvertance à une partie de la forêt voisine. D'autre part et outre cette volonté de redevenir respectable, la plus forte motivation de Thoreau était de nature historique : il voulait reconstituer sa demeure dans l'état où elle était il y a trois siècles avant l'irruption de l'homme blanc sur le sol américain. Toutefois, selon Leo Stoller, c'est un profond dégoût pour la société des hommes, et particulièrement pour les habitants de Concord, qui conduit Thoreau à refuser leur existence occupée à poursuivre la subsistance quotidienne, pervertissant de fait leur liberté dans le désespoir. Le choix de Thoreau se porte donc sur l'étang de Walden, car il constitue un lieu ni trop à l'écart ni trop proche du monde des hommes. De plus, il en connaît l'existence depuis son enfance et demeure pour lui un lieu mystérieux. Il se retire donc dans une clairière sur les rives de l'étang, lieu intermédiaire à la fois emmuré Walled-in selon son expression et suffisamment vaste pour qu’il dispose d’une marge protectrice, mais ne soit pas pour autant séparé de la nature par une barrière. Dans cet espace baptisé en sa mémoire Thoreau's Cove, remarque Michel Granger, l’humain et le non-humain s’y interpénètrent et le lieu est propice aux personnifications romantiques ainsi les aiguilles de pin, par exemple, se dilatent pour lui témoigner leur sympathie lorsqu'il s'y installe.

La Désobéissance civile

C’est seulement en 1849, dans Résistance au gouvernement civil, intitulé ultérieurement, de façon posthume, La Désobéissance civile Civil Disobedience, que Thoreau met par écrit ses positions politiques et idéologiques. Prenant comme point de départ son incarcération de courte durée pour avoir refusé de payer l'impôt, il y prône la résistance passive en tant que moyen de protestation. Cet engagement passif se situe d’abord sur le plan individuel selon lui : La seule obligation qui m'incombe est de faire en tout temps ce que j'estime juste explique-t-il. Il y proclame son refus de soutenir le gouvernement américain, qui tolère l’esclavagisme et mène une guerre de conquête au Mexique, contre tous les droits individuels et contre toute morale. L’essai eut une grande influence sur deux personnalités de la non-violence : le Mahatma Gandhi et Martin Luther King, et, de façon générale sur tous les courants de résistance, y compris au Danemark, durant la Seconde Guerre mondiale, alors sous la domination nazie.

Les Forêts du Maine et autres récits de voyage

Dans Les Forêts du Maine, Henry David Thoreau a rassemblé les récits des voyages qu'il a menés dans les forêts du nord-est des États-Unis en 1846, 1853 et 1857. Il y décrit le mont Ktaadn de façon romantique et étudie la manière de vivre des pionniers et des Indiens. L'ensemble de ces ouvrages témoignent d'une connaissance botanique et naturaliste fine et éclairée, même si la vision de la nature y est toujours personnifiée ou idéalisée comme le montre le critique Roderick Nash, dans Wilderness and the American Mind. L’activité de naturaliste qui a occupé une grande partie de la dernière décennie de l’écrivain, même si celui-ci n'a pu en assembler les matériaux avant sa mort, y est très présente. Dans l'appendice des Forêts du Maine Thoreau liste des noms de plantes, d’arbres ou d’oiseaux, et relève des mots en langue algonquine, faisant par là, avant l'heure, œuvre d'ethnologue.
Le recueil Wild Apples and Other Natural History Essays est une édition moderne des divers essais que Thoreau a consacré à la nature pendant une vingtaine d’années précédemment publiés sous le titre Excursions en 1962 et rassemblant les essais : Natural History of Massachusetts, A Walk to Wachusett, A Winter Walk, Walking traduit en français sous le titre De la marche, The Succession of Forest Trees, Autumnal Tints, Wild Apples et Night and Moonlight. Thoreau s'y dévoile comme étant un véritable scientifique, étudiant scrupuleusement les phénomènes naturels.
Enfin Cape Cod publié en 1865 compile impressions naturalistes et étude de la faune et de la flore de la péninsule du même nom où Thoreau se rendit par trois fois. À ces textes il faut y ajouter, selon Michel Granger, les quelque 7 000 pages du Journal qui, à partir du début des années 1850 recueillent ses observations de la nature selon une approche de plus en plus empirique.

Journal

Le Journal est un ouvrage élaboré durant 20 ans, du 22 octobre 1837, sur la suggestion de Ralph Waldo Emerson, au 3 novembre 1861 et s'étalant sur 14 volumes. Thoreau, qui l'intitule in petto le calendrier des marées de l'âme y rassemble notes, poèmes, compte rendus, états d’âme, herborisations, réflexions morales ou politiques, tous matériaux nourrissant ses autres ouvrages ; pour Gilles Farcet il est sans doute le seul travail auquel il se consacra régulièrement, presque tous les jours de sa vie. Selon François Specq, le journal de Thoreau est d'un genre singulier : loin d'un journal intime voué à analyser les tours et détours de la personnalité de l'individu, il s'est donné pour unique objet … d'explorer la nature des environs de Concord, Massachusetts.

Poétique et thématiques Poétique et stylistique

Thoreau est un auteur protéiforme. Walden ou la vie dans les bois est ainsi à la croisée de plusieurs genres littéraires essai et roman mais aussi autobiographie ; c'est un patchwork textuel proche de la robinsonnade, qui alterne avec la description, la narration, et même avec l'épopée ; la vision du combat de fourmis comparées à des guerriers antiques en est un exemple. Michel Granger parle d'écologie littéraire dont Thoreau est véritablement le père. Le mélange d'essais, d'observations et de passages poétiques, désigné en littérature américaine sous le mot de nature writing, en fait par conséquent le précurseur du genre81 des romans naturalistes mais aussi des manuels d'art de vivre.
D'un point de vue stylistique, Thoreau maîtrise les ressorts de la langue américaine. Utilisant le contraste entre l'élément primitif propre à la nature wilderness : le sauvage au sens d'espace vierge, et l'élément technique, propre à la société tameness : le domestique, il a souvent recours à l'étymologie et aux métaphores organiques, les plus proches des phénomènes naturels. Les textes de Thoreau sont souvent parsemés de passages poétiques, soit de sa confection, soit emprunté à d'illustres poètes. Cette prose travaillée devient pour Thoreau un instrument poétique supérieur qui lui permet de suggérer la diversité des phénomènes naturels, par la musicalité et parfois les onomatopées. La fonction des poèmes est aussi d'obliger le lecteur à faire une pause, afin d'ouvrir un temps nécessaire à la méditation. En dépit de ce rythme poétique, la pensée de Thoreau est très vive, toujours en mouvement, didactique et érudite, faites d'accumulation d'expressions frappantes et de paradoxes surtout telle la citation très connue : le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins. Les aphorismes que la conscience collective retient en effet sont souvent paradoxaux et percutants. Son souci est en effet d'établir les fondements d'une expression vraie.

Thématiques Préserver l'environnement

Bien qu'antérieur au mouvement écologiste, Thoreau est conscient que l'environnement doit être préservé et qu'il peut permettre à l'humanité d'atteindre le véritable progrès. Selon Donald Worster les sentiments envers la nature exprimés par Thoreau dans ces volumes constituent son leg le plus important aux générations futures. Il possède même une réelle érudition en la matière écologique naissante. Il a en effet lu divers ouvrages de botanique dont le Plants of Boston and Vicinity de Bigelowe et, à Harvard, il lit le traité physico-théologique de William Smellie, The Philosophy of Natural History. Ses modèles sont Gilbert White et Carl von Linné puis Alexander von Humboldt. Ainsi, dans un essai, Le Paradis à reconquérir, Thoreau passe en revue les sources d'énergie possibles, telles l'énergie des vagues, celle provenant du soleil ou l'éolien. Quand il découvre la théorie de l'évolution des espèces de Charles Darwin, par l'intermédiaire de Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, Thoreau l'adopte immédiatement. Ses propositions, notamment lors de la conférence sur La Succession des arbres, conférence donnée à l'exposition bovine de la Middlesex Agricultural Society en font également un protecteur de l'environnement. En effet, déjà à cette époque l'homme réduit les espaces boisés : en 1880, il ne restait plus que 40 % de terres boisées dans le Massachusetts. Thoreau avertit ses concitoyens de ce danger et milite en faveur d'une utilisation rationnelle des ressources et de la protection de la faune et de la flore. Thoreau se passionne ainsi l'écologie de la graine et, à force d'observations attentives, découvre que les écureuils, en transportant loin les graines, permettent de renouveler les espèces d'arbres. Par son désir de retrouver la forêt primitive, Thoreau appartient sans conteste à la tradition arcadienne de la pensée écologique. Sa biographie et son œuvre donnent un exemple parfait de l'attitude romantique envers la terre et de la philosophie de plus en plus complexe et sophistiquée de l'écologie. Thoreau constitue une remarquable source d'inspiration et de référence pour l'activisme subversif du mouvement écologique actuel explique Donald Worster.

Éthique et nature

La référence éthique à la nature traverse toutes ses œuvres, à tel point que Michel Granger parle, reliant cette adoration quelque peu naïve parfois aux éléments biographiques de l'écrivain, d'une sublimation compensatrice envers sa mère. Thoreau montre constamment que la distinction humain/non-humain, fondée sur des préjugés, est bien ténue ; dans sa vision, la nature s'humanise, tandis que l'homme valorisé se naturalise. Il insiste ainsi sur le caractère thérapeutique de la nature qui lui fournit aussi une sécurité affective96, notamment dans sa relation avec la femme. Cette proximité intime avec la nature, quasi personnifiée, lui permet de lutter contre toute tentation charnelle et l'aide à demeurer lié au réel. De cette position, Thoreau entrevoit une nouvelle éthique qui lui permettrait de se laver de la souillure pour aller vers la spiritualité en commençant par reconnaître le corps nié, réconcilier le divin et la brute en somme. Cette éthique est une synthèse plutôt qu'une rupture totale et misanthrope ; s'affichant comme un promeneur oisif au pays de l'éthique protestante du travail, insistant sur la primauté du loisir et de la contemplation, Thoreau ambitionne de créer une raison qui prétend aussi régenter, avec la même sûreté et un égal bonheur le champ de ce que l'on appelait naguère encore la vie morale. Cette éthique thoreauvienne est marquée par son puritanisme et s'affiche comme une véritable foi puisque le narrateur de Walden est profondément convaincu de l'omniprésence de la morale au cœur de toute existence.

Économie de vie et résistance

L'activité intellectuelle de Concord ne suffit pas à combler Thoreau qui trouve difficilement sa place dans une société où la religion manque de spiritualité et d'émotion, où le conformisme est oppressant et les préoccupations commerciales envahissantes. Sa vocation littéraire n'étant pas reconnue, il fait retraite, le 4 juillet 1845, dans une cabane construite de ses mains au bord du lac de Walden, à un mile de chez ses parents. Dans ce refuge pastoral, il disposera jusqu'en septembre 1847 du calme nécessaire pour se consacrer à l'écriture et jouir de l'immersion dans la nature.
Son isolement intrigue ses concitoyens qui l'interrogent sur le sens de son mode de vie : Thoreau répond par une conférence qui servira d'embryon à Walden l854. Dans le long premier chapitre, Économie, il décrit comment gagner sa vie sans aliéner sa liberté, et explique quel dépouillement est nécessaire pour se dégager de l'emprise délétère de la société. Dans des pages polémiques, il détaille ses griefs contre la vie moderne et propose un contre-modèle que chacun devra adapter à son individualité. Il procède au renversement systématique de la hiérarchie des valeurs communément admises, décape les préjugés, replace les mots quotidiens au contact de la réalité nue. Ainsi, au pays de l'éthique protestante du travail, il transforme l'oisiveté en une vertu créatrice, parce qu'elle permet de s'éloigner de l'affairement lucratif. Le personnage partiellement fictif de Walden met en scène sa résistance à l'opinion dominante et s'arrache aux déterminations de la tradition. On reprochera à cette économie de vie son hypermoralisme rigide, ses certitudes qui étouffent l'écrivain plus nuancé du Journal. Mais il faut comprendre que les paradoxes provocateurs visent à réveiller le lecteur pour l'amener à penser par lui-même.
Sa croyance transcendantaliste en la culture de soi conduit Thoreau à l'objection de conscience, refus intransigeant de compromettre sa pureté morale en collaborant avec un gouvernement inique : dans les années 1840, il cesse de payer l'impôt qui apporterait un soutien indirect à l'esclavage. Il est finalement emprisonné une nuit en 1846, et va faire de cet épisode le centre de Résistance au gouvernement civil, Resistance to Civil Government, 1849, geste significatif d'objection individuelle susceptible d'entraîner d'autres citoyens à bloquer la machine politique en ne la finançant pas ; il fournira ainsi un argumentaire pour la désobéissance civile de Gandhi et du pasteur King qui, eux, chercheront à déclencher un mouvement de masse. Cette résistance se révèle intenable face aux sudistes qui forcent le Nord à participer à la chasse aux esclaves en fuite. Dans la décennie suivante, Thoreau sort de son relatif apolitisme : il soutient l'action antiesclavagiste de John Brown et en vient dans Plaidoyer pour le capitaine John Brown A Plea for Captain John Brown, 1859 à accepter que l'on puisse recourir à la violence. En dehors de quelques conférences et articles, Thoreau ne milite pas pour la cause abolitionniste, et se refuse à participer à une action concertée. Lorsqu'il se sent responsable vis-à-vis de l'injustice sociale, il privilégie l'éducation politique de ses lecteurs, réduite à la dénonciation de l'esclavage intérieur.

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Posté le : 11/07/2015 18:47
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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