Cette nouvelle est ma réponse au défi de notre ami Houcine, du 1er août 2015 :
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Depuis de nombreuses années repose sur la cheminée de notre salon la statue du dieu toltèque Quetzalcóatl. Elle y trône depuis le jour où mon père me l’offrit. Nous étions le 14 juillet de l’an 2004. Ce jour-là , il m’avait raconté quelques contes de la foisonnante mythologie aztèque et fait aimer la liste nombreuse des dieux de leur panthéon. Quelque uns d’entre eux avaient toujours éveillé sa curiosité qu’il souhaitait me faire partager, en raison même des mystères qui gravitaient autour d’eux, tout particulièrement les dieux Tlaloc, Tezcatlipoca et Quetzalcóatl.
Il me raconta également, ce jour-là , l’origine de la possession familiale de cette très belle statue en obsidienne représentant un serpent à plumes. Lors de mon voyage au Mexique, en 2000, me dit-il, j’ai rencontré une vieille femme qui se faisait passer pour une descendante des prêtresses du dieu Quetzalcóatl. Elle m'a suivi pendant plusieurs jours. Et alors que je visitais le site de Palanque avec ta mère, dans le Yucatan, elle s’approcha de moi et me dit :
- Je désire vous offrir une statue sacrée de l’un de nos principaux dieux. - Qui est-il, lui répondis-je ? - Il s’agit d’une représentation de notre dieu Quetzalcoatl. - Mais pourquoi désirez-vous me l’offrir à moi, en particulier. - Vous êtes français et médecin, m’a-t-on dit et amoureux de la tradition de notre peuple, Les Toltèques ? - Oui, tout cela est exact. Mais d’autres que moi s’intéressent à votre civilisation ! - Oui mais la lecture des Pléiades dans les cieux a indiqué que vous êtes l’élu qui doit recevoir la statue vénérée de notre cher Quetzalcoatl. Notre tradition veut qu’un jour, une jeune guerrière, venant de l’est, après qu'elle ait touché la statue de notre dieu, un jour de pleine lune, soit envoyé dans le temps du règne de Moctezuma II, roi des Aztèques, en 1518, pour y rétablir notre dieu Quetzalcoatl dans son triomphe.
J’étais passionné par cette histoire, me dit mon père, dont je voulais connaître absolument le dénouement. J’ai accepté cette statue de cette femme qui me faisait un peu pitié, me dit-il, sans plus d’explications.
- Mais qui est donc ce dieu Quetzalcoatl, lui demandai-je? - Quetzalcoatl régnait sur le peuple des Toltèques. peuple d'Anahuac, chez lesquels il fit régner l'âge d'or. Les êtres et les humains vivaient en paix et aucun sacrifice humain n’était exécuté. Les terres riches produisaient de belles moissons. Le ciel était couvert d'une multitude d'oiseaux aux plumages colorés et aux chants harmonieux. Les femmes et les hommes habitaient des palais d’or et d’argent. Dans leur vie quotidienne, ils cultivaient une grande sagesse qui se traduisait par la parution de lois justes et éthiques. Mais le dieu Tezcatlipoca, Dieu Créateur, Dieu de la sorcellerie et des sorciers, Dieu du ciel nocturne, Dieu de la mémoire ancestrale, Dieu du Temps, Dieu de la chasse et L'Ennemi des Deux Côtés, s’opposa au dieu Quetzalcoatl, par jalousie de la prospérité qui régnait chez les Toltèques. Il fit tout pour chasser Quetzalcoatl du pays qu’il avait régénéré.
Cette statue est restée à la même place depuis le soir du 14 juillet 2004, sur le côté gauche de la cheminée de notre salon, à proximité de la fenêtre qui donne sur le jardin.
Ce soir-là , le 2 août 2014, c’était une nuit de pleine lune. Dans la voûte céleste, toutes les constellations étaient d’une lumière vive et intense. Par un mystère que je ne m’explique pas, la statue de Quetzalcoatl était auréolée d’une lumière douce et éclatante. L’on aurait dit qu’un ange y avait déposé sa grâce. Ma fille Laure qui s’en étonne, m’interpelle à son sujet :
- Papa, regarde. Ne vois-tu pas ? - Que faut-il que je vois, ma chère fille ? - La statue ! - Quoi, la statue ! - Regarde la lumière qui l’enserre comme un diamant ! Que représente cette statue Papou?
Lorsque ma fille m’appelle Papou, je sais que la formule est initiatrice d’une demande particulière et pressante.
- Papou, chéri… - Oh, que de tendresse Laure !... - J’aimerais que tu me racontes l’histoire de cette statue, qui nous vient de Papoum, je crois. - Oui, c’est cela. C’est ton grand paternel qui me l’a offert.
Alors que j’arrivais au terme de l’histoire que m’avait raconté mon propre père, Laure se dirigea vers la cheminée et se saisit de la statue de Quetzalcoatl.
Dès lors que Laure se saisit de la statue, un rayon lumineux en jaillit et court à grande vitesse à gauche, à droite, puis couvre tout le salon en cercles concentriques. Nous sommes, l’un et l’autre ébaubis par tant de lumière et nous en restons cois. Après quelques minutes, s’ouvre au centre de la pièce ce qui semble être un trou noir dans lequel nous sommes absorbés.
Sans comprendre ce qui nous est arrivé, nous nous retrouvons en vue de la cité lacustre de Tenochtitlan. Apparait devant nous une ville aux palais et aux maisons couvertes d’or entre lesquels courent des canaux où l’eau semble s’écouler sereinement. De-ci delà le long des canaux, flamboient des jardins flottants, les chinampas, tapissés de toutes les plantes de la création, aux couleurs rutilantes sous le soleil mexicain. Plusieurs routes permettent d’accéder au centre de la cité où se trouvent les principaux palais et les temples. Je dis alors à ma fille :
- J’avais fini par en avoir marre de tous ces mythes, mais maintenant qua nous sommes dans la marmite, quelle va être notre stratégie ? - Papa, rappelle-toi ce que t’avait dit Papoum au sujet du discours de la vieille femme. Je crois me souvenir qu’elle avait dit que nous devions rétablir le dieu Quetzalcoatl dans son triomphe. - Et que c’est une guerrière qui en aurait la mission… Serais-tu cette guerrière ? - Tu es sûr Papa de cette partie de l’histoire? - Oui, ma fille. Mais bon, il nous faut sortir de cette histoire, de ce mythe. Et regarde tous ces gens qui nous accompagnent. Ils semblent tous t’aduler et te vénérer comme une déesse et moi comme un dieu. Ce qui est étrange, c’est qu’il semble nous percevoir comme un être duel, masculin et féminin.
Nous comprenons très vite que les personnes qui nous entourent nous prennent pour la dimension masculine et féminine du dieu Quetzalcoatl. En fait, nous sommes au milieu d’une troupe de dieux mineurs et de tous leurs serviteurs qui se rendent à la grande réunion des caprices des dieux qu’organisaient Huitzilopochtli, Tlaloc et Tezcatlipoca. Nous comprenons que la réunion à laquelle nous devons assister doit résoudre la question de qui aurait la charge d’éclairer le monde, mais également répondre à la question cruciale suivante : fallait-il pérenniser la pratique des sacrifices humains pour réitérer éternellement le sacrifice divin originel conduisant à la course continue du soleil ?
Nous sommes accueillis à la conférence par le dieu Tlaloc, dieu de la pluie. Celui-ci nous dit :
- Les astres nous avait prévenu que le dieu Quetzalcoatl reviendrait sous la forme d’une double divinité homme-femme. Nous mettons beaucoup d’espoir dans votre venue et dans votre aide. - Comment va se dérouler cette conférence, lui dit la partie masculine du dieu ? - Et devrais-je intervenir, ajouta ma fille Laure ? - Il est important que vous interveniez l’un et l’autre et que vous exprimiez tant la sensibilité féminine que masculine. Chez nous les Aztèques, nous nous représentons toutes les choses sous la forme de binômes masculin-féminin. La réunion se déroulera sous la forme de plaidoiries successives des quatre principaux dieux, puis l’ensemble des dieux passeront au vote, au sujet des deux questions suivantes dont vous avez déjà l’intuition, je crois : 1. Quel est le dieu qui aura la charge de conduire le monde : Huitzilopochtli, Tezcatlipoca, vous ou moi. 2. Faut-l poursuivre les sacrifices humains ? - Je vous souhaite bon courage car votre principal adversaire est Tezcatlipoca, vous l’avez compris. - Oui, nous l’avions compris. - Nous ne tenons absolument pas à gouverner le monde, ajoute ma fille. - Rassurez-vous, vous retournerez dans votre monde.
La conférence s’ouvre dans le plus beau temple de la ville, le « temple majeur », recouvert d’or et d’argent. Un puits de lumière irradie la lumière dans la salle centrale occupée par un hémicycle de deux cents places. Tous les dieux s’y rassemblent. Nous occupons le premier rang avec les principaux dieux. La séance est ouverte par Huitzilopochtli, comme dieu fondateur de l’empire aztèque :
- Je déclare ouverte la septième conférence céleste des caprices des dieux méso-américains. Et sans plus tarder, je passe la parole à mon frère Tezcatlipoca. - Mes très chers amis, je ne veux pas être long. Je ne souhaite ici que répondre modestement aux deux questions posées. A la première, je veux vous convaincre que l’ordre du monde ne doit pas être confié à Quetzalcoatl, qui se présente maintenant à vous sous une forme bifide et à la seconde, y répondre par l’affirmative, car cela est dans notre tradition. Songez mes amis, que j’ai apporté mon soutien à Quetzalcoatl quand il s’est agi de le faire. Alors qu’il était malade, je lui ai apporté un moyen de guérison. Et je lui ai conseillé d’aller se reposer dans un voyage et que la volonté de tous les dieux l’y incitaient également. C’est comme cela qu’il put apporter son soutien à la nation toltèque. Après vingt années passées à Cholula chez les Toltèques, j’ai la preuve que Quetzalcoatl est parti au Yucatan et qu’il y ait encore. Alors, les deux personnes qui se présentent devant vous ne sont pas Quetzalcoatl et je demande au dieu suprême Huitzilopochli de ne pas leur passer la parole et qu’ils ne puissent s’exprimer en son nom. En ce qui concerne maintenant les sacrifices, songez mes amis que c’est un honneur que de mourir ainsi et qu’ainsi les sacrifiés gagnent le « paradis » de Tlaloc. Pour finir donc, je vous demande de confier le gouvernement du monde méso-américain à notre dieu suprême Huitzilopochtli et d’autoriser la poursuite des sacrifices humains. - Votre objection est rejetée mon frère. La communauté des dieux a déjà répondu favorablement à l’audience de Quetzalcoatl. La parole est maintenant au dieu Tlaloc. - Mes très chers mais, tout comme mon frère, je vais répondre, avec humilité, aux deux questions posées, sans vouloir blesser quiconque. Sans vouloir froisser mon frère Tezcatlipoca, puis-je lui faire remarquer que, lorsque Quetzalcoatl fut malade, certes le breuvage l’a guéri mais l’a poussé à partir du pays méso-américain qu’il avait régénéré et qu’il profita de son absence pour détruire tous ses palais, changer les arbres fruitiers en plantes sauvages, et ordonner à tous des oiseaux chanteurs de l'accompagner pour le divertir pendant la route. Mon frère ne fit rien également pour favoriser son retour. Et n’oubliez pas que notre frère Tezcatlipoca eut sa part dans la destruction du deuxième monde qui fit souffler une tempête magique, métamorphosant les hommes en singes- Que va en penser Emma-. Et n’oubliez pas non plus que durant la période du quatrième monde, un homme et une femme furent les seuls survivants du déluge qui frappa les hommes, en se mettant à l'abri dans le tronc d'un cyprès, mais que notre frère Tezcatlipoca les transforma en chiens pour avoir désobéi à ses ordres. Aussi, je pense qu’il ne faut pas offrir le monde méso-américain à la gouvernance de notre frère Tezcatlipoca. En ce qui concerne la pratique des sacrifices, je propose que nous les remplacions par des incantations à la nature et au soleil. Et soyez assurez comme dieu de la pluie, je m’y associerais, afin que le soleil et la pluie travaillent plus en harmonie, au lieu de privilégier la course pérenne du soleil par des sacrifices qui sont devenus barbares à mes yeux. Pour finir donc, je vous demande de confier le gouvernement du monde méso-américain à notre dieu suprême Huitzilopochtli et d’autoriser la poursuite des sacrifices humains. - Je remercie notre frère pour son intervention et je passe maintenant la parole au dieu bifide Quetzalcoatl.
Nous devons maintenant prendre la parole et nous n’avons pas réellement préparé notre intervention. Pendant les interventions précédentes, nous avions décidé que j’interviendrai dans le registre de la raison et que Laure interviendrait dans le registre des émotions.
Je commence donc à prendre la parole : - Mes très chers amis, dès à présent, je veux vous avouer mon intention de ne point postuler à la gouvernance du panthéon méso-américain. Mon seul désir est de vous ramener à la raison d’une entente cordiale entre les hommes et les dieux. Songez que, sans moi, beaucoup parmi vous ne seraient point-là et que vous tous, vous ne pourriez pas orienter la vie des hommes si je n'avais pas donné la vie à l'humanité. Rappelez-vous que je suis allé récupérer les os des humains des créations précédentes qui avaient échoué et que je me suis présenté devant Mictlantecuhtli pour lui demander les « os précieux » afin de faire avec eux les femmes et les hommes de notre monde. Souvenez-vous aussi que je suis aussi à l’origine de l’acquisition de la nourriture destinée aux femmes et aux hommes. Du moins c’est ce que disent les livres. Enfin, c’est que nous enseigne notre histoire ! Souvenez-nous, il a fallu quatre mondes pour espérer une harmonie avec les femmes et les hommes qui ne s'est pas faite. Je vous propose un cinquième monde où l’harmonie règnera entre les hommes et votre panthéon. Mais de grâce, ne m’élisez pas comme votre dieu suprême. Je vous propose le « changement dans la continuité ». Que Huitzilopochli demeure le dieu suprême mais cessez donc les sacrifices, et à tant faire, tout autant les sacrifices d’animaux, et soyez en communion avec la nature. Et à tant faire, si j’écoutais encore plus mon cœur, je vous propose une réforme de votre panthéon. Transformez tous vos dieux guerriers en dieux de la nature.
Ma fille Laure m’interrompt avec son tempérament de feu, comme elle aime le faire parfois. Oh non, souvent. Enfin, trop souvent à mon goût.
- Mes chères sœurs et mes chers frères, je suis en harmonie complète avec mon cher Papa, enfin, avec la part masculine de notre déité. Je veux faire appel à votre âme de père, de mère, de sœur ou de frère. Accepteriez vous que l’un des vôtres, sous prétexte qu’il soit capturé sur un champ de bataille, ou qu’il soit un enfant, soit sacrifié pour alimenter le soleil et la terre. Je vous invite plutôt à faire de grands feux. Nous en Bourgogne, nous faisons de grands feux pour honorer le soleil et désirer la poursuite de sa course! Pourquoi ne le feriez vous pas vous-même. Je vous en supplie : cessez les sacrifices humains. - Oh dieu suprême, puis-je me permettre de poser une question à mon frère Quetzalcoatl, demande Tezcatlipoca ? - Je vous l’accorde volontiers, mon frère, dit Huitzilopochtli. - Alors mon frère Quetzalcoatl réside-t-il dans le Yucatan ou s’est-il retiré dans cette région qu’il appelle Bourgogne. - Nous nous sommes retirés en Bourgogne, une terre où l’on ne fait plus de sacrifices mais où l’on se sacrifie et l’on se dévoue pour manger et boire les belles productions locales de la nature, dit Laure. Voilà ce que nous proposons : vivre dans la nature, la chanter, l’honorer en se nourrissant de ses productions !
Il était prévu que Huitzilopochtli intervienne mais il se fait tard et le soleil décline. Aucune décision ne devait être prise en son absence. Le dieu suprême invite alors l’ensemble des deux cent dieux présents à voter.
Alors que l’assemblée des dieux allait conclure le vote, un rayon lumineux tombe du ciel par le puits de lumière du « temple majeur » et exécute les mêmes mouvements que dans notre salon que nous finissons par retrouver.
Nous sommes épuisés, nous nous regardons, installés dans un grand silence. Après quelques minutes, nous poursuivons le cours de notre vie comme si rien ne s’était passé.
A la pleine lune suivante, ma fille revient vers moi et me dit : - Papa, as-tu les mêmes souvenirs que moi ? - A quels souvenirs fais-tu allusion ? - Enfin, voyons, tu le sais bien, en regardant la statue de Quetzalcoatl. qui trône encore et toujours sur notre cheminée. - Je le saurai mieux si tu m’en parles plus explicitement ! - Te souviens-tu de la conférence des caprices des dieux méso-américains. Tu y étais bien ? - J’y étais bien !. Mais jusqu’à présent, je n’osais pas t’en parler, de peur de passer pour un fou. - Tu connais le résultat du vote ? - Pas davantage que toi, car je te rappelle que nous avons été aspirés à nouveau par le trou noir juste, avant la parution des résultats… Mais il me faut t’avouer que je suis allé me plonger dans les ouvrages de Papoum pour espérer y trouver la réponse. - Et alors ! - Eh bien, il semble que dans le cinquième monde, les tribus du sud aient arrêté la pratique des sacrifices humains et que Huitzilopochtli soit bien demeuré le dieu suprême des Aztèques. - Alors tu penses que nous avons inversé le cours de l’histoire ? - Je n’en suis pas tout à fait convaincu… Mais nous pouvons le rêver… Mais en revanche, je peux t’affirmer que depuis cette fameuse pleine lune, je te trouve moins guerrière.
Laure sourit alors tendrement, aux anges ! Non aux dieux !
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