Je suis insaisissable...







Je suis d'eau
Je suis courant lorsque vous croyez me trouver dormant...

Je suis de galop
Je cavale je suis déjà ailleurs lorsque vous croyez me retrouver ici essoufflé...

Je suis d'or
Je suis recouvert de terre lorsque vous croyez me trouver nu à portée des bijoutiers...

Je suis de feu
Je brûle ma vie lorsque vous croyez me trouver pendu à l'envers au briquet...

Je suis de lune
Je tourne autour et médite lorsque vous croyez me toucher en mon absence en ma distraction...

Je suis d'organe
Je suis bel et bien dehors dans mes exutoires lorsque vous croyez me toucher en plein poumon...

Je suis d'amour
Je fais l'amour tous les jours avec mon Ecriture lorsque vous croyez me toucher jusque dans mon célibat...

Je suis de portée
Je suis parti très loin avec mes lourds bagages lorsque vous croyez me toucher ici avec des écouteurs aux oreilles...

Je suis de mots
Je suis tailleur de phrases en or et sur-mesure en pleine Ecriture Antique alors que vous croyez me toucher par ici, moi qui suis assis stupidement devant un ordinateur...

Je suis de fumée
Je suis dans l'atmosphère la tête dans les étoiles lorsque vous croyez me surprendre derrière ma cigarette...

Je suis d'azur
Je me suis déjà envolé vers une nouvelle phase hypomaniaque lorsque vous croyez me trouver ici englué dans la grisaille...

Je suis de sentiment
Je pleure de joie lorsque vous croyez me surprendre enfin dans une désespérance irrécusable...


Je suis de sable
Je suis déjà mouvant à vous engloutir lorsque vous croyez me palper m’empoigner sans crainte…


*



Je suis de strabisme
Je suis bel et bien ici alors que vous croyez déjà ne plus pouvoir saisir mes yeux ni vous plonger là-bas, dans mon regard pendant, pantelant, erroné, crevé, ailleurs, presque bidirectionnel (peut-être aux trois-quarts!)...



***

Je suis là où vous ne me cherchez point...
Et je ne vais dans les sentiers balisés...
Je vais là où vous ne vous attendez pas que j'aille...
Et je ne suis toujours que proche de la rime...

Je vais là où personne ne va...



Et pour cause:
Je déteste être décortiqué, malaxé méthodiquement comme une pâte, ainsi que l'est tout le monde en psychiatrie...
Je déteste que l'on m'inspecte car si on le faisait jusque dans mes moindres replis, alors je n'aurais plus rien de nouveau à prouver. Plus rien de nouveau à faire sortir féeriquement de moi-même.
L'Art serait mort et ce serait épouvantable pour mon avenir qui s'en trouverait soudainement menacé!
Alors alors je cultive ma complexité:
J'inverse tout et tout inconsciemment -et j'y prends de la délectation et du temps!- de manière à présenter un vaste panel mélangé de facettes antagonistes.
Oui je suis un être insaisissable aux mille paradoxes...
Essayez mesdames et messieurs les psychiatres, essayez donc, mais ce sera peine perdue pour vous!
Vous vous casserez le nez assurément et je serai vainqueur même si en contre partie j'aurai moins de chance d'être bien soigné psychiquement...
Je vous le dis haut et fort ! Personne n'épluchera mon âme même s'il faut continuer à souffrir encore et encore...

Je préfère garder intact tout le mystère de mon être...



Je suis insaisissable!
Que fuient à jamais mes sables dans vos doigts!
La Certitude n'est pas de mise par ici...
… Et il faut se méfier de l'eau qui dort!

Se méfier de l'Apparence trompeuse...
… Et de la première surcouche empâtée...
(Même si c'est la plus fine, la moins grossière, la plus modulée, du moins en peinture!)
Se méfier des contrastes de couleurs et du clair-obscur...
Attention à ces petites touches cristallines de blanc ivoire qui changent tout!
(Je songe aux très fins rehauts de lumières, presque imperceptibles à l'œil nu...)

Prendre en compte la technique de la perspective aérienne…
Se rappeler que le premier plan est plutôt net
Tandis que l’arrière-plan est toujours dans le flou et nébuleux…
Oui un tableau est à lire d’abord globalement dans son ensemble puis en détail…
La lecture partie par partie est plus compliquée :
Ce qui est le plus près de nous est facile à décrypter…
… Pour le reste le fond, on ne sais rien ou presque…


*


Se méfier des silences et des non-dits chers aux vrais timides qui masquent de sacrées violences...
(Là j'en dis trop...)



Se méfier de rien est mieux...


Saint-Genis-Laval, 24-25/07/2012.