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Annonce : Le Bestiaire de Marseille
Publié par Vadnirosta le 11-03-2023 10:37:33 ( 80 lectures ) Articles du même auteur



Le Bestiaire de Marseille



A Jean-Claude Izzo








Toute la misère de Marseille est là, au Panier
La lie s’y agglutine comme des pommes pourries
Fabio fait le ramassage des putes dans le quartier
Z’iront moisir à la P.J. loin des chichis….

Casseurs et maquereaux se font rares au Péano
Les oiseaux de la nuit n’y sont pas des rapaces
Z’accueillent la jeunesse et les Messieurs Du Pinceau
Qui enchaînent les flys, les poches remplies de liasses…

Le Roi des Hiboux habite une villa cossue ;
Derrière les grilles : clochetons, colonnes, palmiers, figuiers 
Y’a du Scorsese dans l’air, des truands dans les rues
Avant de traîner dans le coin, faut bien calculer…

Marseille s’est agrandie comme un péché mortel
Y’a ceux qui bronzent et ceux qui sont déjà bronzés ;
La Bonne Mère est blanche au regard de sombres ruelles
Mal famées ; maudits beurs ! Venez vous confesser !

Le Condé vit dans un modeste cabanon ;
Depuis les rochers, il voit la Mer scintiller
L’Ambre qui se donne vaut une tête au fénestron
Quand la série noire ne fait que s’éterniser…

Les loups-garous vespéraux crèchent dans le béton
Ça braque, ça deale, ça chourave, ça allège les classes
Si tu es dans leur LEP, faut être à l’agachon
Quand ça se bastonne, déguerpis ! Fais pas le mouligasse !!!

De jeunes guinches arabes, noirs, gitans ou comoriens
Se font camballer pour avoir mis à l’amende ;
Il reste Radio Galère pour tous ces vauriens
Qu’on fera taire aux Baumettes ; la ratière en redemande…



La langue de Rimbaud, de Char n’est plus qu’un souvenir ;
Des noces de l’Odyssée et des Mille et une nuits
A fleuri le parler marseillais sans les lyres ;
La Rue est son Empire, les dictées ses ennemies…

Les poulagas ont tout de même eu dix-sept ans ;
Z’ont pas connu que des filades et des épées
Fabio aimait les odeurs du verbe d’antan
L’allait chez Antonin boire la mer de Brauquier….

Les truands, ça te fout les foies… Faut tous les pendre !
Jacky Le Mat, Francis le Belge, ça te dit quelque chose ?
«Ami quand on prête, ennemi quand il faut rendre » :
C’est la Devise suprême d’un milieu qui ose…

Une tierce s’en croit à l’avant d’une rame de métro ;
Elle part en biberine en frappant très fort du dard;
Le rap dur d’un radio cassette file les grelots
Aux mecs de la haute qui se saboulent en costard…

Chez O’Stop, ouvre les esgourdes, c’est le rencard des putes ;
Marie – Lou est là comme tant d’autres pour faire une pause
Whisky- coca - pipi. Client, tu touches au but
Vois ces dames du trottoir qui voient la vie en rose…

Une Jaguar s’est garée près de la Commanderie,
Fais gaffe ! Y’a Al Dakhil, chef de la pègre arabe ;
Un garde du corps le fait descendre ; ça sent le rififi
Une bastos lui explose son estom’ à kebabs….

Les lardus se déconnectent de la réalité
Z’oublient qu’à Marseille, on aime vivre et faire la fête
« O’ collègue ! Ce soir à la Friche on va se niasquer !
Ils font venir Massilia…Gare aux coups de raclette ! »

Fabio va à la pêche aux daurades toute la sorgue
Il déroule peinard jusqu’à ce que ses châsses se ferment
Passeport, Maybe blues, Pêle-Mêle, c’est bien loin des morgues
Un peu de collé- serré, c’est le pied pour l’épiderme….

Les flics aiment brouter le minet des filles de joie ;
« Il fait bon naviguer avec une barque neuve … »
Marie- loup promène son beau maffre pour ces croix
Qui exigent un peu d’épices pour lâcher leur Fleuve….




La gadji emmène au Dégust’ notre draupère ;
Z’ont déjà un guindal dans le pif avant d’entrer....
Elle joue de la mandoline, lui fait une bonne manière
Aux chiottes cradingues où le càcou peut venir caguer….

Naguère, la Vieille Charité laissait échapper
Des relents de camarde par les interstices….
L’est de nos jours nickel chrome, vu qu’on l’a rénovée ;
Une salle d’expo plonge le touriste dans les délices….

Sur un chemin de campagne gît le corps de Leila ;
On l’a retrouvée nue avec trois dragées dans le dos…
Les mouches se disputent le sang comme des galapias….
L’ont violée à la chaîne, jusqu’à l’os, ces salauds !

Un deuxième coup de faux venait de frapper à la porte
De Mouloud…Les étoiles ont quitté sa maison…
Où aller ? L’Algérie ? Sa jeunesse y est morte
La misère enfle les villes en plein bourguignon….

La pègre à la grivelle n’est pas de la jaquette…
Au Tanagra, ça a balancé la fumée ;
Sûr que Batisti en avait dans la braillette
Pour mener le mal à bien ; Spaggiari peut le remercier….

Marseille est un paradis blanc pour les camés ;
La Camorra napolitaine gère les étoiles ;
Elle tisse des draps de neige aux plus estransinés
Qui la glisseront au prochain hiviau loin des voiles…

Le Gémeau de Marseille montre deux visages d’horreur :
Nouvelle Camorra/Nuova Famiglia…
L’Etoile filante de Zucca est venue ; quel bonheur
Pour les jeux, les maquereaux et les boîtes à miàs !

Notre flic a rendez-vous au Bar de la Marine
Avec Batisti…Y’a plein d’électrons dans l’air…
La mer, elle, ferme les yeux…Ô Trilogie divine !
Pagnol est encore là pour soulager les nerfs…

Marseille ne serait pas Marseille sans ses miàs,
Types aux cheveux longs avec brushings, chemises fleuries,
Grosses chaînes en or, Ray Ban ; le mot vient de chez Lancia ;
Désigne ces beaufs fondus dans l’Antre de l’Anis….

11 heures 30 : vol à l’étalage ; un petit Martigue…
13 heures 13 : baston au Balto….Faut se ramener
Avec le panier à salade ; pas d’embouligue…
Routine de flic…Un jeunabre s’est fait décalquer…

La lie urbaine envahit peu à peu l’Estaque,
Village portuaire aux environs de Marseille ;
Ça salit le Vert, ça répond du tac au tac ;
La « carte à jouer » n’est plus qu’une tour pour abeilles…

L’odeur des bordels empuantit chaque nuit…
Fabio songe à Marie- Lou… « Quel beau père fouettard…
A-t-elle le bouton qui fait robe à queue à cette heure-ci ?
Faut enchrister les harengs, vider les plumards ! »

Des petits gavroches peuvent devenir des bestioles traquées 
Dès lors que ça chourave les daronnes pour de la came…
A la Busserine, Fabio se souvient d’une mère rasquée ;
Elle tapinait ; le gamin voyait les rats… Un drame !

Les Arabes, ça se répand de partout comme le cancer ;
Ça fait des mômes à foison qui seront à l’assure,
Qui te molardent le fioli et les seins de la Mer
Les Marseillais se caguent et partent à toute allure…

Le gratin se réfugie en périphérie
Là où l’odeur du Maghreb n’est plus qu’un souvenir :
Avenue Foch, place Castelane, rue Paradis
C’est carton jaune ou rouge si tu t’appelles Samir…

Fabio et ses potes aiment bien guédra les mefas ;
Les trois Paons descendent la Canebière et font la roue…
Leurs grolles brillent comme une mer s’ensoleille ici-bas…
« Elles ont des pilotis, ça rend les garçons fous… »

Elles marchent « à la Marseillaise », par groupe de quatre
Ou cinq, sans se tortiller de la derche comme à Toulon…
Toi derrière, t’as la fièvre…Qu’il est dur de se battre
Avec ses envies pressantes, sa soif de nichons…

A Marseille on noie son chômedu dans un pastis…
La boisson anisée se boit après une cuite
Au Cocktail de couleurs : noir, jaune, marron ; ça glisse
Sur la pente gelée du marasme, loin des trois-huit…

Une Golf GTI décapotable fait grand bruit ;
Elle vient se garer sur le ruban…A bord, un càcou…
Montale est là, à la terrasse d’un tapis ;
L’attend ce fils de… venu tout droit du cagadou. !

Le type s’appelle Antoine Pirelli dit Toni ;
Il crèche à la Belle de Mai, le quartier des prolos,
Là où est née une partie de la grande truanderie,
Là où le Borgne et l’Arlette feront leur numéro…

On a remis Mourrabed au frais pour qu’il parle :
L’avait sur lui du shit, un petit kilo d’héro
Et douze mille balles… « O’ Loule ! Répond ! Tu veux que je déparle ?
Tes fournisseurs viendront pas te tirer de là, idiot ! »

Tout le monde se souvient des plus grandes mises en l’air ;
Celle de Saint-Paul-de-Vence est restée dans les têtes…
Sept millions de bijoux gaulés ! Oh bonne Mère !
Joseph Poli était dans le coup…Ah la sale bête !

L’histoire de Marie- Lou ? Comme celles de toutes les autres…
Une jeunesse ravagée : viol par un con de daron
Au chômedu. Les claques des frères…Hum ! Pas des apôtres,
Ces gars-là…Seule la mère turbine à la maison…




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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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