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Textes d'Auteurs : Quand sur moi je jette les yeux
Publié par Iktomi le 17-11-2012 22:00:00 ( 1221 lectures ) Articles du même auteur



Quand sur moi je jette les yeux,
À trente ans me voyant tout vieux,
Mon coeur de frayeur diminue :
Étant vieilli dans un moment,
Je ne puis dire seulement
Que ma jeunesse est devenue.

Du berceau courant au cercueil,
Le jour se dérobe à mon oeil,
Mes sens troublés s'évanouissent.
Les hommes sont comme des fleurs
Qui naissent et vivent en pleurs,
Et d'heure en heure se fanissent.

Leur âge à l'instant écoulé,
Comme un trait qui s'est envolé,
Ne laisse après soi nulle marque ;
Et leur nom si fameux ici,
Sitôt qu'ils sont morts, meurt aussi,
Du pauvre autant que du Monarque.

Naguère, vert, sain et puissant,
Comme un aubépin florissant,
Mon printemps était délectable.
Les plaisirs logeaient en mon sein ;
Et lors était tout mon dessein
Du jeu d'Amour et de la table.

Mais, las ! mon sort est bien tourné ;
Mon âge en un rien s'est borné,
Faible languit mon espérance :
En une nuit, à mon malheur,
De la joie et de la douleur
J'ai bien appris la différence !

La douleur aux traits vénéneux,
Comme d'un habit épineux
Me ceint d'une horrible torture.
Mes beaux jours sont changés en nuits ;
Et mon coeur tout flétri d'ennuis
N'attend plus que la sépulture.

Enivré de cent maux divers,
Je chancelle et vais de travers.
Tant mon âme en regorge pleine,
J'en ai l'esprit tout hébété,
Et, si peu qui m'en est resté,
Encor me fait-il de la peine.

La mémoire du temps passé,
Que j'ai follement dépensé,
Épand du fiel en mes ulcères :
Si peu que j'ai de jugement,
Semble animer mon sentiment,
Me rendant plus vif aux misères.

Ha ! pitoyable souvenir !
Enfin, que dois-je devenir ?
Où se réduira ma constance ?
Étant jà défailli de coeur,
Qui me don'ra de la vigueur,
Pour durer en la pénitence ?

Qu'est-ce de moi ? faible est ma main,
Mon courage, hélas ! est humain,
Je ne suis de fer ni de pierre ;
En mes maux montre-toi plus doux ;
Seigneur ; aux traits de ton courroux
Je suis plus fragile que verre.

Je ne suis à tes yeux, sinon
Qu'un fétu sans force et sans nom,
Qu'un hibou qui n'ose paraître ;
Qu'un fantôme ici-bas errant,
Qu'une orde écume de torrent,
Qui semble fondre avant que naître.

Où toi tu peux faire trembler
L'Univers, et désassembler
Du Firmament le riche ouvrage ;
Tarir les flots audacieux,
Ou, les élevant jusqu'aux Cieux,
Faire de la Terre un naufrage.

Le Soleil fléchit devant toi,
De toi les Astres prennent loi,
Tout fait joug dessous ta parole,
Et cependant tu vas dardant
Dessus moi ton courroux ardent,
Qui ne suis qu'un bourrier qui vole.

Mais quoi ! si je suis imparfait,
Pour me défaire m'as-tu fait ?
Ne sois aux pécheurs si sévère.
Je suis homme, et toi Dieu Clément :
Sois donc plus doux au châtiment,
Et punis les tiens comme Père.

J'ai l'oeil scellé d'un sceau de fer ;
Et déjà les portes d'enfer
Semblent s'entrouvrir pour me prendre :
Mais encore, par ta bonté,
Si tu m'as ôté la santé,
Ô Seigneur, tu me la peux rendre.

Le tronc de branches dévêtu,
Par une secrète vertu
Se rendant fertile en sa perte,
De rejetons espère un jour
Ombrager les lieux d'alentour,
Reprenant sa perruque verte.

Où l'homme, en la fosse couché,
Après que la mort l'a touché,
Le coeur est mort comme l'écorce ;
Encor l'eau reverdit le bois,
Mais, l'homme étant mort une fois,
Les pleurs pour lui n'ont plus de force.


Mathurin REGNIER (1573-1613)

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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